culture in vitro de deux isolats de curvularia tuberculata et pouvoir
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culture in vitro de deux isolats de curvularia tuberculata et pouvoir
7 Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2005, 144, 7-26 CULTURE IN VITRO DE DEUX ISOLATS DE CURVULARIA TUBERCULATA ET POUVOIR PATHOGÈNE SUR SIX CULTIVARS DE RIZ(*) Fad ma EL ABDELL AOUI ( 1 ) , Ami na OUAZZANI TOUHAMI Alain BADOC ( 2 ) , All al DOUIRA ( 1 ) (1) , Les caractères culturaux in vitro et le pouvoir pathogène in vivo de deux isolats de Curvularia tuberculata obtenus à partir des grains de la variété de Riz ‘Taibonnet’ ont été étudiés. Tous les milieux organiques testés (Prune-agar, PDA, Extrait de malt, Farine de riz et Misato-Hara) favorisent la croissance mycélienne avec des diamètres de 43,3 à 80 mm. La sporulation est meilleure sur le milieu PDA. Les milieux synthétiques Braverman, ainsi que Waksman et Fred, donnent un bon développement mycélien alors que sur les milieux Sach, Czapeck, Richards, la densité mycélienne reste très faible. Le pH 7 favorise un maximum de croissance mycélienne et de sporulation des deux isolats qui tolèrent aussi les pH 5, 6 et 8. Les températures entre 28 et 33°C sont favorables à la croissance mycélienne et la sporulation. In vivo, six variétés de Riz ont été inoculées par les deux isolats et présentent à la surface des feuilles une altération plus ou moins marquée selon les variétés. Les indices de sévérité les plus élevés sont observés sur ‘Elio’ (55 %), ‘Lido’ (43,8 %) et (*) (1) (2) Manuscrit reçu le 09 octobre 2004. Laboratoire de Botanique et de Protection des Plantes, Département de Biologie, Faculté des Sciences, BP 133, Université Ibn Tofaïl, 14000 Kénitra, Maroc. [email protected], [email protected], [email protected] Laboratoire de Mycologie et Biotechnologie végétale, GESVAB – EA 3675, Faculté des Sciences pharmaceutiques, Université Victor-Segalen Bordeaux 2, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux Cedex. [email protected] 8 ‘Maghreb’ (29,6 %) avec l’isolat GA. Les indices de sévérité ne dépassent pas 28,7 % avec l’isolat GC. L’intensité de la sporulation est variable. Le nombre de spores est faible pour les feuilles de ‘Taibonnet’, ‘Gharbia’ et ‘Oumnia’ et maximal pour ‘Lido’. INTRODUCTION La curvulariose est une maladie provoquée par les champignons du genre Curvularia, champignons du genre Curvularia, espèces polyphages et pathogènes non seulement pour les céréales et les arbres fruitiers mais également pour l’Homme. Curvularia tuberculata Jain a été isolé pour la première fois en Inde à partir de feuilles de Maïs et de Riz [14 ]. Ensuite, Lele et al., [17] ont désigné Citrus limonia (limon X reticulata) comme nouvel hôte de Curvularia tuberculata. Parmi les champignons [8] associés aux feuilles de Juncus roemerianus à différents âges, Curvularia tuberculata est absente sur les feuilles vivantes et celles en début de sénescence et présente seulement sur les feuilles pourries. C. tuberculata est pathogène sur le Manguier, Mangifera indica [18]. Ce champignon a été isolé en 1993 aux Philippines à partir de mauvaises herbes telles que Cyperus difformis L. et C. iria L. [6]. Au Brésil, ce pathogène appartient à la mycoflore associée aux amandes de l’Anacardier, Anacardium occidentale [9]. Sa forme sexuée est nommée Cochliobolus tuberculatus Sivan [27]. Des espèces du genre Curvularia peuvent attaquer les plantules et les grains de Riz [22]. En Inde, elles sont rencontrées dans 60 % des grains de Riz décolorés [24]. Pour la première fois au Maroc, Curvularia tuberculata a été identifiée et isolée en culture pure au cours de l’analyse de la mycoflore des semences de la variété de Riz‘Taibonnet’. Dans ce travail, l’influence de divers milieux organiques et synthétiques, du pH du milieu et de la température d’incubation a été étudiée in vitro sur la croissance mycélienne et la sporulation de deux isolats marocains de Curvularia tuberculata. Par ailleurs, le pouvoir pathogène des deux isolats a été estimé in vivo par l’indice de sévérité de la maladie et la sporulation sur six variétés de Riz. 9 MATÉRIEL ET MÉTHODES Isolement de Curvularia tuberculata 400 grains de la variété de Riz ‘Taibonnet’, n’ayant subi aucun traitement, sont placés à raison de 25 grains par boîte de Petri sur trois rondelles de papier filtre (buvard) humidifiées avec de l’eau distillée stérile. L’incubation des boîtes a lieu sous hotte stérile sept jours à 28-30°C avec une photopériode de douze heures. Le transfert des spores sous microscope optique à partir des semences se fait à l’aide d’un capillaire en verre étiré préalablement stérilisé à la flamme et refroidi dans le milieu de culture. Les spores transférées sont déposées à la surface du milieu Farine de riz. Deux isolats de Curvularia tuberculata, désignés arbitrairement GA et GC, ont été isolés. Effet du milieu de culture Divers milieux organiques et synthétiques ont été testés : La composition des milieux organiques est la suivante pour 1 000 ml d’eau distillée : Prune agar (40 g prune, 15 g agar), PDA (200 g pomme de terre, 20 g glucose, 15 g agar), Extrait de malt (20 g extrait de malt, 15 g agar), Farine de riz (14 g farine de riz, 4 g extrait de levure, 15 g agar) et Misato-Hara (10 g amidon soluble, 4 g extrait de levure, 15 g agar). Les milieux synthétiques ont pour composition pour 1 000 ml d’eau distillée : Braverman [2] (2 g KNO3, 0,5 g MgSO4, 7 H2O, 0,1 g FeSO4, 1 g K2HPO4, 50 g glucose, 20 g agar), Waksman et Fred [28] (1 g KH2PO4, 0,5 g MgSO4, 7 H2O, 5 g peptone, 10 g glucose, 20 g agar), Sach [24 ] (1 g Ca(NO3)2, 0,25 g KCl, 0,25 g K2HPO4, 0,25 g MgSO4, 7 H2O, 0,005 g/l FeCl3, 3 g CaCO3, 20 g agar), Czapeck [25] (2 g NaNO3, 1 g K2HPO4, 0,5 g MgSO4, 7 H2O, 0,05 g KCl, 0,01 g FeSO4, 7 H2O, 30 g saccharose, 15 g agar), et Richards [26] (10 g KNO3, 5 g K2 HPO4, 2,5 g MgSO4, 7 H2O, 50 g saccharose, 20 g agar). Pour chaque milieu de culture et chaque isolat, trois boîtes de Petri sont ensemencées avec une rondelle de 5 mm de diamètre prélevée à la marge d’une culture jeune âgée de sept jours. Les boîtes sont incubées sept jours à l’obscurité à 28°C pour favoriser la croissance puis trois jours en lumière continue à la même température pour obtenir une sporulation. Trois répétitions sont effectuées. 10 Effet du pH et de la température Une gamme de pH (4, 5, 6, 7, 8 et 9) est obtenue par l’addition de HCl 1N ou NaOH 1N au milieu Farine de riz. De même, une gamme de températures (5, 15, 25, 28, 33 et 40°C) est testée pour les deux isolats sur milieu Farine de riz. Trois répétitions sont effectuées pour chaque pH, température et isolat. Les boîtes de Petri ont été ensemencées et incubées de la même façon que précédemment. Évaluation de la croissance et de la sporulation Après sept jours d’incubation à l’obscurité, la croissance mycélienne des deux isolats est évaluée en mesurant le diamètre des colonies suivant deux directions perpendiculaires. La sporulation est estimée après trois jours d’incubation supplémentaire en lumière continue en prélevant trois rondelles de 5 mm de diamètre. Ces rondelles sont mises dans un tube à essai contenant 1 ml d’eau distillée stérile, puis agitées au vortex afin de libérer les macroconidies (renfermant chacune une spore) des conidiophores (Photo 1). À partir de 0,1 ml de suspension déposé sur une lame de Thomas le nombre de spores a été compté sur dix carreaux d’1 mm2 d’où le nombre moyen de spores par mm2. Photo 1 : Conidie de Curvularia tuberculata (X 400). 11 Cultivars de Riz testés Les grains de six variétés (‘Taibonnet’, ‘Gharbia’, ‘Oumnia’, ‘Maghreb’, ‘Lido’ et ‘Elio’) sont désinfectés par trempage deux minutes dans une solution d’hypochlorite de sodium à 15 % et trois rinçages à l’eau distillée stérile. Ils sont déposés dans des boîtes de Petri de 90 mm de diamètre contenant du coton stérile imbibé d’eau distillée stérile. Après 72 heures d’incubation à l’obscurité et à 28°C, les plantules sont repiquées dans des pots de 20 cm de hauteur et 25 cm de diamètre contenant le sol de la Mamora (massif forestier du Maroc entre Mehdia, Casablanca et Meknès) et mises en serre. Les plantules sont arrosées avec de l’eau du robinet jusqu’au stade requis pour l’inoculation, soit 4 à 5 feuilles par plante. Préparation de l’inoculum Les isolats GA et GC sont cultivés sur le milieu Farine de riz et incubés sept jours à l’obscurité et à 28°C afin de favoriser la croissance mycélienne, puis sept jours en lumière continue pour obtenir une sporulation importante. La surface chargée de spores est alors raclée stérilement à l’aide d’une spatule métallique, le mycélium et les spores sont mis en suspension dans l’eau distillée stérile, puis agités pendant 60 secondes. La suspension est filtrée sur un tissu en mousseline pour séparer les spores des fragments mycéliens. Après comptage avec une lame de Thomas, la suspension sporale est ajustée avec de l’eau distillée stérile contenant 0,05% de Tween 20 et 0,5 % de gélatine de façon à avoir une concentration finale de 105 spores par ml. Inoculation La suspension à 105 spores/ml est pulvérisée sur la surface foliaire des plantules à raison de 60 ml par pot contenant trois plantules. Les témoins sont traités avec de l’eau distillée stérile contenant 0,05 % de Tween 20 et 0,5 % de gélatine. Les plantules sont placées 48 heures sous une housse en plastique noire pour assurer une obscurité et une humidité relative proche de la saturation, puis elles sont laissées sans housse sous serre. Indice de sévérité Sept jours après l’inoculation, les indices de sévérité de la maladie sont déterminés à partir des pourcentages de surface folaire malade selon l’échelle de Notteghem et al. [21] : 12 Note Xi Surface foliaire malade (%) 0 0 1 0,05 2 0,5 3 1,5 4 3,5 5 7,5 6 17,5 7 37,5 8 62,5 9 87,5 Is (%) = ∑ X .n i 9 Nt i x 100 Is : Indice de sévérité de la maladie Xi : Sévérité de la maladie ni : Nombre de plantes de sévérité i Nt : Nombre total de plantes observées Sporulation sur l’hôte La sporulation sur l’hôte est estimée par le nombre moyen de conidies produites par cm2 de lésion [13]. Sept jours après inoculation, les feuilles présentant des lésions sont prélevées, découpées en fragments d’1 cm2. Ces derniers sont déposés dans des boîtes de Petri de 90 mm de diamètre contenant deux rondelles superposées de papier filtre imbibées d’eau distillée stérile et incubés pendant 48 h à 28°C sous lumière continue. Chaque fragment est placé dans un tube à essai contenant 1 ml d’eau distillée stérile. Les tubes sont agités de manière à détacher les conidies du mycélium. Le nombre de conidies (une conidie = une spore) est déterminé à l’aide d’une cellule Thomas et ramené à la surface de lésion. L’observation est faite au microscope optique au grossissement X 100. Analyse statistique Le traitement statistique des données a porté sur l’analyse de la variance et la comparaison des moyennes par le test ppds (plus petite différence significative) au seuil de 5 %. 13 RÉSULTATS Influence des milieux organiques Les deux isolats répondent différemment aux milieux (Tableau I). L’Extrait de malt favorise la croissance de l’isolat GA et le milieu PDA celle de l’isolat GC. Le milieu Prune-agar est favorable dans les deux cas. Le milieu Misato-Hara donne les moins bons résultats. La croissance mycélienne apparaît plus importante pour l’isolat GA. De plus, avec le milieu PDA, l’isolat GA donne des colonies de contour régulier et l’isolat GC de contour irrégulier. Par contre, sur le milieu Farine de riz, les contours sont réguliers pour les deux isolats. Tableau I : Croissance diamétrale en mm des isolats GA et GC de Curvularia tuberculata sur cinq milieux de culture organiques après sept jours d’incubation à l’obscurité à 28°C. Milieux organiques GA GC Prune- agar 80,0 a ± 0,0 50,3 ab ± 3,7 PDA 75,0 b ± 2,1 54,3 a ± 1,3 Extrait de malt 79,6 a ± 0,6 43,3 c ± 5,9 Farine de riz 75,6 b ± 3,0 46,0 b ± 1,2 Misato-Hara 72,0 c ± 2,3 48,3 bc ± 3,8 Les moyennes d’une même colonne ayant la même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles au seuil de 5 %. Les deux isolats sporulent abondamment sur le milieu PDA, suivi des milieux Farine de riz et Misato-Hara (Tableau II). Le milieu Prune-agar donne la sporulation la plus faible. Milieux synthétiques Les deux isolats présentent la croissance diamétrale la plus élevée sur le milieu Braverman (Tableau III) avec un mycélium dense. La croissance diamétrale est aussi élevée avec le milieu Waksman et Fred, mais la densité mycélienne est moyenne pour l’isolat GC. Le milieu Czapeck ne permet une bonne croissance que de l’isolat GA. Le milieu Richards donne les plus faibles résultats. Comme précédemment, l’isolat GA présente une meilleure croissance que l’isolat GC. 14 Tableau II : Comparaison des moyennes du nombre de spores par mm2 des isolats GA et GC de C. tuberculata sur cinq milieux de culture organiques après sept jours d’incubation à l’obscurité puis trois jours en lumière continue à 28°C. Milieux organiques GA GC Prune- agar 3567 b ± 1,5 2802 b ± 1,3 PDA 10445 a ± 0,4 11528 a ± 1,6 Extrait de malt 7388 a ± 0,6 3439 b ± 0,7 Farine de riz 8789 a ± 2,5 8917 a ± 3,0 Misato-Hara 7261 a ± 0,5 9426 a ± 1,9 Les moyennes d’une même colonne ayant la même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles au seuil de 5 %. Tableau III : Croissance diamétrale (mm) des isolats GA et GC de Curvularia tuberculata sur cinq milieux de culture synthétiques après sept jours d’incubation à l’obscurité à 28°C. Milieux organiques GA GC Braverman 79,0 a ± 1,7 71,6 a ± 2,9 Waksman et Fred 67,5 b ± 4,3 61,1 b ± 8,4 Sach 56,6 c ± 2,9 49,1 c ± 3,2 Czapeck 70,1 b ± 8,8 29,1 d ± 5,8 Richards 57,1 c ± 0,6 27,3 d ± 3,8 Les moyennes d’une même colonne ayant la même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles au seuil de 5 %. Les milieux Richards, Braverman et Waksman et Fred sont favorables à la sporulation des deux isolats alors que les milieux Czapeck et Sach sont moins performants (Tableau IV). 15 Tableau IV : Comparaison du nombre moyen de spores par mm2 des isolats GA et GC de Curvularia tuberculata sur cinq milieux de culture synthétiques après sept jours d’incubation à l’obscurité puis trois jours en lumière continue à 28°C. Milieux organiques GA GC Braverman 10445 ab ± 1,6 8025 a ± 1,1 Waksman et Fred 7261 bc ± 0,9 6879 a ± 2,6 Sach 2162 cd ± 0,8 2293 b ± 0,8 Czapeck 2802 c ± 0,7 1656 b ± 0,2 Richards 14776 a ± 3,4 5095 a ± 1,1 Les moyennes d’une même colonne ayant la même lettre ne diffèrent pas significativement entre elles au seuil de 5 %. Effet de la température La croissance mycélienne moyenne des isolats dépend significativement des températures testées (Figure 1A). Le développement du mycélium est optimum à 28°C pour l’isolat GA (75,6 mm) et à 33°C pour l’isolat GC (60,1 mm). Les températures de 5 et 40°C inhibent totalement la croissance des deux isolats. La sporulation, nulle à 5 et 40°C, est maximale à 28 et 33°C pour les deux isolats avec 7681 à 8955 spores/mm2 (Figure 1B). La sporulation est moyenne pour l’isolat GA à 15 et 20°C (4840 et 7006 spores/mm2). À ces températures, elle est plus faible pour l’isolat GC (2293 et 2548 spores/mm2). Effet du pH Le pH du milieu affecte peu la croissance diamétrale des deux isolats. L’optimum de croissance mycélienne (Figure 2A) est observé aux pH 6 et 7 (78,7 et 80 mm) pour l’isolat GA et 5 à 8 (70,5 à 72 mm) pour l’isolat GC. Les pH 4 et 9 diminuent la croissance mycélienne des deux isolats. Le pH agit plus nettement sur la sporulation de C. tuberculata. Le maximum de production de spores est observé à pH 7 chez les deux isolats (Figure 2B), avec plus de spores pour GA que GC (12101 contre 10318 spores/mm2). 16 A Croissance diamétrale (mm) a 80 b 70 a 60 c 50 40 b d 30 c d 20 10 0 5 GA 15 20 28 GC 33 40 Température (°C) B Nombre de spores x 103/mm2 9 a a a 8 b a 7 6 b 5 4 3 b b 2 1 0 5 15 GA 20 28 33 GC 40 Température (°C) Fig. 1 : Effet de la température d'incubation sur la croissance mycélienne (A) et la sporulation (B) des isolats GA et GC de Curvularia tuberculata. Deux résultats sont significativement différents au seuil de 5 % pour une même température s'ils ne sont affectés d'aucune lettre en commun. 17 A Croissance diamétrale (mm) ab 80 78 76 74 72 70 68 66 64 62 60 a bc c d a a a a d b b 4 5 6 7 GA GC 8 9 pH B Nombre de spores x 103/mm2 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 a ab b a bc c b d c d 4 c d 5 6 7 8 GA GC 9 pH Fig. 2 : Effet du pH sur la croissance mycélienne (A) et la sporulation (B) des isolats GA et GC de Curvularia tuberculata. Deux résultats sont significativement différents au seuil de 5 % pour un même pH s'ils ne sont affectés d'aucune lettre en commun. 18 Le pH 8 stimule aussi la production de spores. À pH 5, 6 et 9, la sporulation est importante pour l’isolat GA alors qu’elle est nettement plus faible pour l’isolat GC. La sporulation est particulièrement faible à pH 4. Pouvoir pathogène des isolats sur les variétés de Riz Les isolats de C. tuberculata altèrent la surface foliaire des feuilles des plantes de Riz inoculées. La variété ‘Taibonnet’ est peu touchée. ‘Elio’ présente des lésions marron clair avec un contour brun foncé et ‘Oumnia et Gharbia’ des taches noires avec un jaunissement qui débute par la périphérie de la feuille et atteint par la suite le milieu. Dans les cas les plus critiques, les feuilles flétrissent et meurent. Ces feuilles présentant différents symptômes ont servi pour le réisolement de C. tuberculata pour confirmer le postulat de Koch (proposé en 1881 par Robert Koch pour prouver la pathogénie d’un micro-organisme). Les variétés ‘Elio’, ‘Lido’ et ‘Maghreb’ s’avèrent les plus sensibles vis-à-vis de l’isolat GA avec des indices de sévérité de 55,5, 43,8 et 29,6 % (Figure 3A). ‘Gharbia’ est moins sensible avec un indice de sévérité de 14,6 %. ‘Lido’, ‘Elio’, ‘Maghreb’ et ‘Oumnia’ sont sensibles à l’isolat GC avec des indices de sévérité de 15,2 à 28,7 %. ‘Taibonnet’ est très résistante vis-à-vis des isolats GA et GC avec des indices de sévérité de 3,7 et 3,1 %. Sporulation des isolats sur les feuilles Les feuilles de ‘Lido’ sont les plus sensibles vis-à-vis l’isolat GA avec 10,1.105 spores/cm 2 (Figure 3B), suivies de ‘Maghreb’ et ‘Elio’, moyennement sensibles (5,4.105 et 6,6.105 spores/cm2). La sporulation est faible pour ‘Oumnia’, ‘Gharbia’ et ‘Taibonnet’, avec moins de 2,6.105 spores/cm2. De même, ‘Lido’ s’est montré très sensible à l’encontre de l’isolat GC avec 6,1.105 spores/cm2, suivi de ‘Maghreb’, ‘Elio’, ‘Taibonnet’ et ‘Gharbia’ (2.105 à 3,3.105 spores/cm2), alors que la sporulation d’‘Oumnia’ n’est que de 1,06.105 spores/cm2. 19 A Indice de sévérité (%) 60 a 50 ab 40 bc c 30 a cd bc 20 ab ab ab d 10 c 0 Taibonnet Gharbia GA Oumnia GC Maghreb Lido Elio Cultivars B Nombre de spores x 105/cm2 12 a 10 8 b b 6 a 4 c c b c b b b c 2 0 Taibonnet Gharbia GA Oumnia Maghreb GC Lido Elio Cultivars Fig. 3 : Comparaison des moyennes des indices de sévérité (A) et du nombre moyen de spores (B) sept jours après l’inoculation des isolats GA et GC de Curvularia tuberculata sur six variétés de Riz. Deux résultats sont significativement différents au seuil de 5 % pour un même cultivar s'ils ne sont affectés d'aucune lettre en commun. 20 DISCUSSION ET CONCLUSION Curvularia tuberculata est un champignon pathogène relativement peu étudié et il était utile de préciser in vitro, en dehors de son habitat naturel, les facteurs qui influencent sa croissance mycélienne et sa sporulation. La croissance mycélienne et l’intensité de la sporulation des deux isolats étudiés varient selon les milieux de cultures testés, la température d’incubation et le pH du milieu. Les milieux organiques Prune-agar et Farine de riz favorisent à la fois une bonne croissance mycélienne et une sporulation intense des isolats. Le PDA a été utilisé comme milieu nutritif pour induire le développement mycélien et la sporulation de divers Curvularia [11]. Le contour irrégulier des colonies de GC sur PDA et régulier sur Farine de riz peut être rapproché du comportement des isolats de Curvularia pallescens : sur PDA, ils présentent des bordures irrégulières, alors que sur un autre milieu, ils forment des secteurs concentriques [10]. La croissance mycélienne des isolats de C. tuberculata nécessite une source de carbone en plus des éléments minéraux utiles pour la synthèse de certains acides aminés et vitamines. Les milieux synthétiques Braverman et Waksman et Fred, qui contiennent du glucose comme source de carbone, favorisent un bon développement mycélien. Le glucose est connu pour être une bonne source de carbone pour la croissance des champignons [15]. Cette dernière est plus faible pour les milieux Richards et Czapeck, qui présentent du saccharose, et très faible pour le milieu Sach, dénué de source de carbone. On remarquera que la meilleure sporulation a été observée sur les milieux synthétiques les plus riches en sucres Richards et Braverman. Les températures de 15 à 33°C favorisent la croissance mycélienne des deux isolats. Selon plusieurs auteurs [1,5 ] ces températures sont optimales pour la croissance mycélienne de divers Curvularia. Hassikou et al. [12 ] ont montré que la croissance mycélienne et la sporulation de quelques isolats de Curvularia lunata restent toujours possibles à 35°C. D’autres auteurs ont montré que la croissance mycélienne des souches de C. pallescens varie en fonction des conditions de culture. Sur PDA et entre 25 et 28°C, le diamètre des colonies atteint 9 cm après 8 jours d’incubation [10 ]. Olufolaji [22 ] a observé que le nombre de spores de C. pallescens augmente quand les cultures sont maintenues à 24°C. 21 Une diminution significative de la sporulation des deux isolats a été observée à 5 et 40°C. L’inaptitude de certains champignons à se développer à des températures élevées peut être liée à leur incapacité à synthétiser à ces températures des substances nécessaires pour leur croissance, telles que des vitamines. Le pH du milieu affecte le métabolisme des champignons : à pH faible, la membrane protoplasmique est saturée en ions hydrogène, limitant ainsi le passage des cations essentiels, alors qu’à pH élevé, elle est saturée en ions hydroxyle et l’entrée des anions essentiels est limitée [21]. Les deux isolats étudiés ne se comportent pas de la même manière aux différents pH. L’optimum de croissance mycélienne est observé à pH neutre et les isolats sont capables de tolérer des pH allant de 4 à 9. Ils sporulent aux différents pH à des degrés variables, l’optimum étant obtenu à pH 7 et les pH acides de 4 à 6 induisant aussi la formation de spores. Selon Chet et Baker [3], les pH acides permettent également la production des conidiophores et l’augmentation de l’activité des enzymes lytiques. In vivo, les deux isolats altèrent différemment la surface foliaire des variétés de Riz. Chez ‘Elio’, les lésions sont de couleur marron clair avec un contour brun foncé, caractéristiques de la curvulariose. L’interaction hôteparasite pourrait être compatible : le parasite utilise l’hôte qui est sensible et les symptômes sont clairement exprimés, avec une sporulation élevée. Chez ‘Oumnia’ et ‘Gharbia’, on a de petites taches noires avec un jaunissement des feuilles commençant par leur périphérie. L’interaction hôte-parasite pourrait être incompatible : l’hôte évite la mise en place durable de l’interaction et est “résistant”, d’où des symptômes limités, avec une sporulation plus faible [7]. En se basant sur l’indice de sévérité comme critère d’estimation de la maladie, les deux isolats ont présenté des pouvoirs pathogènes variables visà-vis des six variétés de Riz inoculées. Ainsi, l’isolat GA s’est montré plus agressif que GC sur ‘Lido’ et ‘Elio’. De même, sur treize cultivars de Riz inoculés par deux isolats de C. tuberculata, 93-020 et 93-022, et un isolat de C. oryzae, 93-061, une seule variété a été sensible à 93-020, les autres étant moyennement à hautement résistantes, et tous les cultivars ont été moyennement à hautement résistants vis-à-vis de 93-022 [7]. Dans le même contexte, Hassikou et al. [12 ] ont montré que des isolats marocains de C. lunata sont capables d’altérer les feuilles de six variétés de Riz largement cultivées au Maroc, en présentant des pouvoirs pathogènes différents et importants. 22 ‘Elio’ et ‘Lido’ se sont montrés très sensibles aux deux isolats. L’agression de la plante par un pathogène dépend selon les auteurs du pathogène lui-même [21 ], ou de la plante hôte [19 ], notamment de son génotype. L’intensité de sporulation des deux isolats diffère selon les variétés de Riz inoculés. Ainsi, ‘Lido’ s’est montré le plus sensible vis-à-vis de GC et GA. Le nombre de spores produites par le pathogène reflète sa pathogénie et permet d’évaluer la résistance de l’hôte [16]. De Luna et al. [7] ont montré que les cultivars de Riz résistants aux isolats de C. tuberculata et C. oryzae sont caractérisés par un développement limité des lésions et une inhibition ou une absence de sporulation ; les cultivars sensibles à moyennement sensibles ont présenté plus de feuilles nécrosées et une sporulation moyenne. Dans la plupart des cas, l’inhibition de l’infection et de la colonisation s’accompagnent d’une réduction de la sporulation [4]. Une étude réalisée par De Luna et al. [6] sur des tissus de plantes de Riz infectés par deux isolats de C. tuberculata et un isolat de C. oryzae a montré que la plupart des appressoria se sont développés à travers l’ouverture des stomates et qu’on a rarement une pénétration des murs cellulaires épidermiques. Ces auteurs ont observé que le mode de pénétration de ces trois isolats dans le Riz suit le même modèle que celui observé sur Cyperus difformis et C. iria : une cheville de pénétration fine émerge de l’appressorium et accomplit la pénétration et nécessiterait une force mécanique et une action enzymatique. Les deux isolats étudiés peuvent se développer et sporuler sur des milieux nutritifs de composition extrêmement variée dans une large gamme de pH allant de 5 à 8 et à des températures variant de 15 à 33°C. Il n’est donc pas surprenant que les isolats marocains de C. tuberculata isolés à partir des grains de Riz trouvent toutes les conditions environnementales pour se développer sur les feuilles de Riz. Ainsi, les feuilles des variétés de Riz inoculées présentent des lésions sporulantes sept jours après l’inoculation. Une meilleure connaissance du mode de la pénétration du champignon à l’intérieur des tissus de l’hôte est nécessaire pour envisager un moyen de lutte efficace contre ce pathogène. 23 RÉFÉRENCES 1- Bao (J.R.), Zhan (Y.C.), Wu (X.S.), Yu (S.F.) - Studies on the pathogen of stem rot of chinese waterchestnut and its biology. - Acta Physiol. Sin., 1993, 20, 311-370. 2- Braverman (S.W.) - The Helminthosporium gramineum complex and related species on cereal and forage grasses. - Phytopathology, 1960, 50, 688-691. 3- Chet (I.), Baker (R.) - Induction of suppressiveness to Rhizoctonia solani in soil. - Phytopathology, 1980, 70(10), 994-998. 4- Cohen (Y.), Rotem (J.) - Sporulation of foliar pathogens. In Fungal Infection of Plants. British Mycological Society Symposium Series 13. Pegg (G.F.), Ayres (P.G.) (Eds.) 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In vivo, six rice cultivars inoculated by the two isolates presented more or less marked foliar deterioration according to the varieties. The highest severity indices were observed on ‘Elio’ (55%), ‘Lido’ (43.8%) and ‘Maghreb’ (29.6%) with the GA isolate. Severity indices did not exceed 28.7% with the GC isolate. Sporulation intensity was variable. Spore count was low for ‘Taibonnet’, ‘Gharbia’ and ‘Oumnia’ leaves and maximal for ‘Lido’ leaves. Key-words: Curvularia tuberculata, pathogenicity, rice. leaf __________ spot, Oryza sativa,