LEGENDS AND RUMOURS

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LEGENDS AND RUMOURS
PRÈS DE
CHEZ VOUS !
Tarif unique : 5€e
LEGENDS AND
RUMOURS
Phil Hayes, Maria Jerez, Thomas Kasebacher
Mardi 19 et mercredi 20 janvier 2016 • 20H
à l’Usine Hollander / Cie La Rumeur
1, rue du Docteur Roux
THÉÂTRE DÈS 10 ANS • SPECTACLE EN ANGLAIS ET EN FRANÇAIS
Revue de Presse
Inferno Magazine - Moïra Dalant - 30 septembre 2015
genève active - Bertrand Tappolet - 8 juin 2013
Devant nous la carcasse d’un appartement et, parmi d’autres choses, une robe
rouge jetée sur un porte-manteau, une corbeille de fruits posée sur la table basse,
un tapis en peau de vache, un vinyle de Fleetwood Mac…
Devant nous trois acteurs dans l’exercice d’un processus : un système de
répétition de gestes qui mène rapidement à une folle fresque improvisée. Pas
de personnages ni d’histoires prédéfinis, seulement un processus de jeu, un
contenu (ou concept) et une forme dans laquelle se dérouleront les événements
à venir en direct devant nous. Tout est encore possible, tout est encore inconnu.
La forme, nous la vivons collectivement puisque la lumière crue laisse le public
visible aux trois acteurs qui s’amusent à l’interroger, mais aussi aux spectateurs
entre eux, qui sentent tout ce qui se vit en salle pendant 1h30. L’histoire, nous
nous la racontons individuellement, l’espace imaginaire ayant ici le champ libre.
Phil Hayes décide volontairement de ne pas annoncer que le spectacle est
entièrement basé sur de l’improvisation, par crainte de se faire enfermer dans
un cliché. La liberté est quasi totale et l’on ne comprend que peu à peu les codes
mis en place.
« Je me souviens » commence Phil, « j’étais comme ça » et le voilà qui signifie une
pause dans l’espace. Et Maria et Thomas de renchérir : « oui et quand tu étais là
moi j’étais comme ça… ». Legends & Rumours se construit par l’association de
souvenirs disparates. Je me souviens revient comme un leitmotiv, et nous rappelle
de loin à l’écriture de Georges Perec ou même de l’américain Joe Brainard. Sur
scène se rejoue cet engrenage de choses que l’on revit à rebours pour comprendre
d’où vient un geste, une parole, une humeur, ou un souvenir. Se souvenir de
l’enchainement des événements en pleine lumière, des traces d’une action,
d’un raisonnement… Se souvenir sur le plateau – comme l’acteur répète sans
cesse les mêmes gestes pour trouver la source du jeu – mais surtout se souvenir
devant nous, public, et nous offrir ainsi un espace de liberté imaginative. On
lit ce que l’on veut dans ces répétitions de gestes a priori insignifiants, et si on
n’y lit rien, du moins on s’en amuse. Car c’est là aussi un travail sur l’humour,
sur la recherche d’un comique de situation, voire d’un comique de gestes. On
peut y lire peut-être une recherche forcenée de la genèse d’une pensée ou d’une
sensation, une tentative de compréhension de notre rapport à l’espace et par là
de notre rapport au monde. Par l’accumulation de choses insignifiantes peut
naître autre chose, autrement signifiant.
Le public est directement pris à partie et invité à décrypter les gestes, les
comportements et les liens entre les choses proposées. « Je me souviens que
tout d’un coup j’étais hyper triste… une pure tristesse ». Il y a des perles dans le
travail d’improvisation, des moments fous et des instants de perte absolue de soi
et du fil du jeu, c’est là toute la beauté et tout le risque de l’exercice. Mais il faut
reconnaitre que l’exercice reste un exercice, une forme divertissante à regarder.
L’expérience reste avant tout éphémère, comme prise dans l’instantanée, et l’on
quitte la salle sans autre chose en tête que le souvenir d’un autre rapport au
temps, et en bouche le plaisir d’avoir observé une prise de risque en direct.
Inferno Magazine - Moïra Dalant, envoyée spéciale à Marseille - 30/09/2015
Usine-sous-rire ou le burlesque improvisé
Au Théâtre de l’Usine, Phil Hayes, champion du comique métaphysique a proposé la mise en boucle virtuose d’un
scénario entre trois protagonistes. Article et et entretien.
La ritournelle de Phil Hayes
Au Théâtre de l’Usine, Phil Hayes,
champion du comique métaphysique
issu du célèbre collectif anglais de
théâtre improvisé Forced Entertainment
formé en 1984 à Sheffield (Spectacular,
Quizoola ! Tomorrow’s Parties, The Thrill
of It All, The Coming Storm) a proposé
la mise en boucle virtuose d’un scénario
entre trois protagonistes, émaillé de
nombreuses variantes mettant en relief
le statut incertain du souvenir et de la
mémoire (Legends & Rumours) et une
scénographie de panneaux mobiles se
refermant inexorablement sur un trio
de protagonistes digne d’un vaudeville
décalé. Un processus de mise au jour de
traces et mémoires qui participe aussi d’un raffinement des niveaux de réalités et perception confinant tour à tour
au brouillage et à l’épure de signes empreints à la fois d’une fausse candeur et d’une revigorante liberté.
Very Bad Trip
Dans un cadre visuel très fort, se plaçant aux trois pointes d’un triangle sur
un plateau devenant progressivement capharnaüm, les trois performeurs
– Phil Hayes, Maria Jerez et Thomas Kasebacher – détournent nombre
de conventions du récit et du dire, font storytelling de rushs d’un prémontage d’une rencontre-confrontation entre deux hommes et une
femme. Un storyboard qui semble d’abord tenir sur un timbre poste mais
ne cesse de se ramifier en développements et métastases arborescents.
Ce faisant, les interprètes interrogent le langage, la nécessité ou non de la
représentation. On devine vite que leur saynète remise successivement sur
le métier, est à base d’improvisations, de discussions. Avec inventivité, les
performeurs convoquent des irrévérences faites à d’autres arts (cinéma,
performances, arts visuels) tentant à la fois de captiver et de prendre à
contre-pied le spectateur.
Le trio travaille à partir d’une histoire très condensée, c’est-à-dire à
partir de fragments qui racontent, de façon laconique, les possibles d’une
situation enchaînant notamment entrée de portes parfois récalcitrantes,
attente énervée, choix de fond musical, d’Eric Satie sur autoradio à Isaac Hayes en chaine hi-fi miniature, choc
d’un coude et menace de renverser une plante verte au sol.
Ce faisant l’exercice rejoint, pour partie, le scénario du film Very Bad Trip signé Todd Phillips (2009). Avec un
pitch antonionien : une rencontre entre trois protagonistes, dont on ne sait s’ils sont amants ou amis, à refigurer
pour la pièce Legends & Rumours, une nuit de beuverie extrême à retrouver le fil des hypothèses en un film pour
Very Bad Trip, se muent en longues et sinueuses dérives surréalistes. Et cette manière d’ouvre ici la pièce, là le film
sur eux-mêmes, dans une logique d’accumulation ici ultra maîtrisée, là incontrôlée de la scène primitive où les
indices « manquants » de la rencontre pleuvent comme autant de trous noirs engloutissant tout ce qui précède.
Dans ce vortex temporel qu’est Legends & Rumours proche de l’écriture automatique débarque une guirlande de
figures aberrantes et nonsensiques. Ainsi le corps de Thomas Kasebacher couplé à une table à la renverse dont il
chute en citant une scène de Cliffhanger avec Stallone, blockbuster en altitude croisant décrochage vertical, glace,
neige et mort. Comment ne pas songer aussi à la comédie romantique et fantastique, un Jour sans fin de Sam Raimi
(1993) qui met en abyme des procédés de narration ? Envoyé en reportage, un présentateur météo misanthrope
est piégé dans une boucle temporel : chaque matin, son radio réveil joue I Got You Babe de Sonny & Cher, puis
sa journée précédente se répète à l’identique. Selon ses modalités dramaturgiques propres, le scénario vertigineux
de Legends & Rumours en forme de ritournelle deleuzienne offre toutes sortes d’hypothèses, de fictions virtuelles
sur un canevas unique toujours enrichi avec ces corps de performeurs automates, gymniques, désynchronisés. Le
temps semble suspendre son vol par sa propre répétition.
Emménager et déménager le théâtre
Entre songe, mécanique corporelle du burlesque,
ce comique de gestes façon Jaques Tati, observation
plasticienne, éclats parodiques du répertoire et
théâtre populaire façon spectacle de fin d’année
déglingué, le tandem suisse formé par le comédien
Julien Basler et l’artiste plasticienne-scénographe
Zoé Cadotsch met en chantier avec bonheur
l’installation d’une scénographie au cœur d’un
théâtre burlesque déceptif de la catastrophe (Les
Fondateurs font du théâtre) aux cotés des danseuses
performeuses Anne Delahaye Pauline Wasserman
et des acteurs Aurélie Pitrat et Vincent Fontannaz.
Diilution de l’action et suspensions du temps se
conjuguent dans cet univers en construction et
déconstruction. Changeant tous les soirs, la création est placée sous le signe du brouillage, notamment quant à
l’usage des objets choisis préalablement par le public. Ce qui est visible n’est pas pour autant identifiable. Brouillage
aussi de la narration puisque Les Fondateurs font du théâtre ne « raconte » pas une histoire, tout juste suit-on
des êtres plongés pendant une heure trente dans un environnement changeant. Les Fondateurs font du théâtre se
parcourt du regard comme la carte d’un territoire physique et mental, où les objets façonnent les reliefs intimes.
C’est un acte politique ou une profession de foi : rendre aux objets leur singularité, leur autofiction, leur absurde
poétique et ironique, leur incroyable inertie et pesanteur envers et contre ceux qui souhaiteraient les réduire à leur
fonction utilitaire, froide et impersonnelle.
Dans Poétique de l’espace, le philosophe Gaston Bachelard écrit : « Non seulement nos souvenirs, mais nos oublis
sont logés ». Notre inconscient est « logé ». Notre âme est une demeure. Et en nous souvenant des « maisons »,
des « chambres », nous apprenons à « demeurer » en nous-mêmes. On le voit dès maintenant, les images de la
marchent dans les deux sens : elles sont en nous autant que nous sommes en elle. » C’est cette compénétration
entre corps actants, objets et lieux que l’opus met à mal autant qu’interroge comme source inépuisable de comique
étrange et intranquille. D’une certaine manière, on pourrait suggérer que Les Fondateurs font du théâtre rappelle
par instants la vidéo installation Der Lauf der Dinge de Peter Fischli et David Weiss : tout y repose sur un jeu
d’écarts, de continuités et de rappels entre des œuvres en action-réaction saisies dans leur capacité à produire des
opérations ; tout le cheminement dans l’espace y est conçu comme un jeu de basculement et circulation des objets.
Se dégagent des rapports d’enchaînements et de ruptures entre les œuvres (peintures, tableaux vivants, scène de
repas sous la tempête), qui donnent à voir un « cours des choses ». Hors trente minutes sans paroles décidées
pour toutes les représentations, la pièce semble se dérouler sans ordre, les performeurs prenant les choses et les
situations selon qu’elles leur viennent là dans la main.
Le statut des performeurs improvisateurs,
sont ici moins déclencheurs de catastrophes
que victimes ou coactifs d’un environnement
de paravents, tables, antique téléphone
à cadran. Autant de pièces prosaïques
d’objets témoins d’un théâtre réaliste,
vériste aujourd’hui porté disparu. La mort
s’invitera in fine en ce chantier reformaté
par des ouvriers en salopettes bleu de travail
d’une classe ouvrière en voie d’extinction,
pastichant moins des scènes cultes du
répertoire qu’assurant l’étouffement, voire
la strangulation de comédiens désormais
pressurés comme des tubes de peinture
colorés remisés et mettant fin par leur
disparition successive à une écriture de plateau pendulant entre peinture de paysages et paysages dévastés à
l’abandon. Le renversement, ici, n’est plus déterminé par les gestes d’un corps, mais par une combinaison d’éléments
dont l’addition et le couplage engendre le comique dramatique.
L’air de rien, avec leur dégaine détachée et leurs paroles vaines, leurs dialogues exsangues, c’est l’assise de leur
propre spectacle que les performeurs semblent remettre en question à chaque mouvement, constellation spatiale
ou réplique. Comme si la représentation pouvait s’interrompre à chaque seconde, demeurer suspendue en l’air,
pareilles aux paroles gelées de Rabelais. Ou poursuivre des voies sans issues si pleines néanmoins de ressources
narratives évoquant tour à tour les Groucho Marx, Harold Lloyd, le Théâtre du Radeau ou le travail d’artisan
bricoleur de plateaux et tréteaux comme Pierre Meunier. Avec le temps, on arrive à se perdre délicieusement
dans leurs histoires inachevées, pour alors mieux retrouver les nôtres, parfois tout aussi funambules et sur le fil du
déséquilibre, un vacillement absurde lentement ajouté aux leurs.
Genève Active - Bertrand Tappolet - 8 juin 2013
Entretien avec le performeur britannique Phil Hayes
Quel a été le point de départ de la création Legends and Rumours avec Maria Jerez et Thomas Kasebacher ?
Phil Hayes : Il s’agit essentiellement d’un recueil d’entretiens et de textes de musiciens et compositeurs célèbres
décrivant la manière dont ils écrivent des chansons et créent leurs albums. Ainsi ces artistes dépeignent-ils aussi
parfois une journée ordinaire jusque dans ses moindres détails qui peut être à l’origine de certains textes et
chansons. Par exemple : « C’était un soir dans la Cité de Calvin, je parlais avec un homme vêtu de noir et pouvais
percevoir les rumeurs des techniciens remballant le matériel au cœur de la scène dans le lointain. Je regardai à
travers la fenêtre de la régie et vis les lumières dansés sur les murs. Soudain, une voix s’éleva en français. Puis
l’idée affleura à la surface de mon esprit. » En partant de Ces matériaux textuels, nous avons inventé ce jeu où est
essentiellement crée une mémoire de l’ici et maintenant.
Votre démarche dramaturgique se réfère-t-elle à la figure culte du burlesque, le slow burn, où une action est
reprise en boucle jusqu’au gag ou à l’épuisement.
L’action est reprise plusieurs fois selon des perspectives différentes, à l’image de la technique cinéma du gros plan.
L’intrigue gestuelle et de situation s’interrompt à intervalles afin que chacun des protagonistes interrogent l’autre
sur ce qu’il a réalisé, le pourquoi et le comment d’un déplacement ou d’un acte pendant le cours de ces derniers,
comme celui de lancer ou réceptionner une orange. On peut voir ce scénario à l’instar d’une forme de répétition où
le temps est étiré, manipulé, réécrit en permanence. L’idée du Ruban de Möbius est ici pertinente. Il s’agit du retour
du même, mais qui n’est jamais identique. Le tout répété quasi à l’infini en ajoutant à chaque version de l’action
scénique de nouveaux détails, variantes, développement et modulations ou des motivations inédites, singulières,
comme si les didascalies ou indications de scène se raffinaient à chaque reprise ou réactivation de la scène.
Tout n’est pas mené sur le fil de l’improvisation. Du coup, après une demi-heure, je sors invariablement de l’espace
de cet appartement stylisé comme dans un studio TV où se tourne un drame, une comédie, un sitcom ou une série.
Le travail se concentre sur la manière de se remémorer et la faculté d’oubli, deux dimensions intimement liées à
un processus mémoriel.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet

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