Positivité des cycles dans les variétés algébriques - DMA

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Positivité des cycles dans les variétés algébriques - DMA
UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT (PARIS 7)
ÉCOLE DOCTORALE DE PARIS CENTRE
THÈSE DE DOCTORAT
Discipline : Mathématiques
présentée par
Max REMPEL
Positivité des cycles dans
les variétés algébriques
dirigée par Olivier DEBARRE
Soutenue le 28 septembre 2012 devant le jury composé de :
Samuel BOISSIÈRE
Sébastien BOUCKSOM
Olivier DEBARRE
Stéphane DRUEL
Daniel HUYBRECHTS
Alessandra SARTI
Claire VOISIN
Université Poitiers
Université Paris VI
École Normale Supérieure
Université Grenoble I
Universität Bonn
Université Poitiers
Université Paris VI
Rapporteur
Examinateur
Directeur de thèse
Examinateur
Rapporteur
Examinateur
Examinateur
Remerciements
Je tiens d’abord à remercier chaleureusement mon directeur de thèse, Olivier
Debarre, sans qui ce travail n’aurait jamais vu le jour. Pendant quatre ans il a su
me guider avec son enthousiasme et ses nombreux conseils. Je le remercie pour sa
disponibilité, ses encouragements et pour sa grande patience.
Je remercie également Samuel Boissière et Daniel Huybrechts pour avoir accepté
d’être rapporteurs de cette thèse et pour l’attention qu’ils ont portée à mon travail.
Mes remerciements vont aussi à Sébastien Boucksom, Stéphane Druel, Alessandra Sarti et Claire Voisin qui ont accepté de faire partie du jury de cette thèse.
Pour la préparation de cette thèse, j’ai eu la chance de travailler au DMA de
l’ENS. Je tiens à remercier toute l’équipe du DMA et en particulier mes collègues
du “toit“ pour l’ambiance chaleureuse pendant ces quatre ans.
Ma gratitude va aussi à mes amis avec qui j’ai partagé des bons moments pendant
mes études à Francfort, Amiens et Strasbourg.
Je remercie ma famille pour son soutien constant sans lequel cette thèse n’aurait
pas été possible.
Enfin, j’exprime toute ma gratitude à Kira pour son soutien et sa patience
pendant ces dernières années.
3
Table des matières
1 Introduction
1.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Résultats principaux et plan . . . . . . . . .
1.2.1 La puissance d’une variété abélienne
1.2.2 La variété de Fano d’une cubique . .
1.2.3 Produit d’une courbe . . . . . . . .
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2 La puissance d’une variété abélienne
2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 La structure de l’algèbre N• (Ae ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.1 Le groupe de Hodge d’une variété abélienne . . . . . . . . . .
2.2.2 Classes de Hodge sur la puissance d’une variété abélienne . .
2.2.3 Générateurs et relations pour les classes de Hodge . . . . . .
2.2.3.1 Un résultat de Tankeev et un résultat de Thompson
2.2.3.2 Générateurs explicites . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.4 Le cas A × A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Classes positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.1 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.1.1 Notions de positivité sur une variété abélienne . . .
2.3.1.2 Une conjecture de Harvey, Knapp et Lawson . . . .
2.3.1.3 Les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin .
2.3.2 Le cône Sk Psef 1 (Ae ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.2.1 Diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.2.2 Produits de diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . .
2.3.3 Le cône semipositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.3.1 Décomposition des formes hermitiennes . . . . . . .
2.3.3.2 Spéctraèdres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.3.3 Le cas A × A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.4 Comparaison des cônes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.4.1 Classes pseudoeffectives et classes semipositives . .
2.3.4.2 Classes numériquement effectives et classes pseudoeffectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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3 La variété de Fano d’une cubique
3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2.1 Variétés hyperkählériennes . . . . . . . . . . .
3.2.2 Les conjectures de Hassett et Tschinkel . . .
3.2.2.1 Le cône des diviseurs pseudoeffectifs
3.2.2.2 Le cône des 1-cycles . . . . . . . . .
3.2.2.3 Le cône des classes de diviseurs nefs
3.2.3 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . .
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TABLE DES MATIÈRES
3.3
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La variété des droites d’une cubique . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3.1 Les résultats de Beauville et Donagi . . . . . . . . . . . . . .
3.3.1.1 La variété de Fano comme déformation d’un schéma
de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3.1.2 L’application d’Abel-Jacobi . . . . . . . . . . . . . .
3.3.2 Classes algébriques sur la variété de Fano . . . . . . . . . . .
3.3.2.1 Cubiques spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3.2.2 Classes algébriques sur la variété de Fano . . . . . .
3.3.3 Classification des droites et un endomorphisme rationnel . . .
3.3.3.1 Classification des droites . . . . . . . . . . . . . . .
3.3.3.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin . . . . . . . .
Classes positives de codimension 1 et 2 . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.1 Cubiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.1.1 Classes induites par la Grassmannienne et la face
isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.1.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin . . . . . . . .
3.4.1.3 Restrictions sur Psef 2 (F ) . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.2 Cubiques contenant un plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.2.1 Les diviseurs DP et DQ . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.2.2 Classes nefs et classes de courbes . . . . . . . . . . .
3.4.2.3 Géométrie birationnelle . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.2.4 Automorphismes de F . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.2.5 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.3 Cubiques contenant un scroll cubique . . . . . . . . . . . . .
3.4.3.1 Les résultats de Hassett et Tschinkel . . . . . . . . .
3.4.3.2 Automorphismes de F . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.3.3 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.4 Cubiques pfaffiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.4.1 Le schéma de Hilbert S [2] . . . . . . . . . . . . . . .
3.4.4.2 L’isomorphisme de Beauville et Donagi . . . . . . .
3.4.4.3 Classes nefs et classes de courbes . . . . . . . . . . .
3.4.4.4 Classes pseudoeffectives et géométrie birationnelle .
3.4.4.5 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4 Produit d’une courbe
4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.1.1 Une question de Kollár . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.1.2 La méthode de Vojta . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3 Classes symétriques sur X × X . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3.1 Le produit symétrique d’une courbe . . . . . . . . .
4.3.2 Classes nefs symétriques . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4 Construction de classes nefs d’après Vojta . . . . . . . . . .
4.4.1 Restrictions pour le cône pseudoeffectif . . . . . . .
4.4.2 Une section affine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.3 Classes nefs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.4 Représentation des classes nefs dans la section affine
5 Bibliographie
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. 101
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106
1. Introduction
Cette introduction est composée de deux parties. Dans la première partie, on
donne une motivation des problèmes traités dans cette thèse et dans la deuxième
partie, on présente les résultats principaux obtenus chapitre par chapitre.
1.1
Motivation
Soit X une variété algébrique complexe projective de dimension n et posons
NkZ (X) := H k,k (X, C) ∩ H 2k (X, Z)
et
Nk (X) := NkZ (X) ⊗ R
pour k ∈ {0, . . . , n}. Dans les cas qui nous intéressent, la conjecture de Hodge
est vraie et équivalence numérique coïncide avec équivalence homologique, de sorte
que l’on peut voir Nk (X) comme le R-espace vectoriel engendré par les classes
numériques des sous-variétés de X. On définit différentes notions de positivité qui
donnent chacunes lieu à un cône convexe saillant dans Nk (X).
Définition 1.1.0.1. Une classe β ∈ Nk (X) est P
dite effective s’il existe des sousm
variétés Zi de X de codimension k telles que β = i=1 ai [Zi ] avec ai ∈ R+ . Le cône
des classes effectives est noté Eff k (X). On définit le cône des classes pseudoeffectives Psef k (X) ⊂ Nk (X) comme l’adhérence du cône Eff k (X). Le cône des classes
numériquement effectives (nefs) Nef n−k (X) ⊂ Nn−k (X) est défini comme dual du
cône Psef k (X) par rapport au produit d’intersection. Une classe dans l’intérieur de
Psef k (X) est dite big. Les notions effectif, pseudoeffectif et nef sont des notions de
positivité.
Pour étudier des cônes dans Nk (X), on a d’abord besoin de résoudre le problème
suivant.
Problème 1. Déterminer la dimension et des générateurs du R-espace vectoriel
Nk (X).
Parfois, il est plus facile de regarder la dimension au lieu de la codimension des
cycles ; dans ce cas, on écrit Nk (X) := Nn−k (X), Psef k (X) := Psef n−k (X), etc.
pour k ∈ {0, . . . , n}.
En codimension 1 et n − 1, les cônes de classes positives ont été étudiés dans
nombreux travaux et sont liés à des questions classiques. Le cône fermé Psef 1 (X)
engendré par les classes des courbes joue un rôle central dans la classification birationnelle des variétés algébriques. Plus précisément, certains rayons extrémaux de
Psef 1 (X) correspondent à une contraction birationnelle X → X ′ . Le cône Psef 1 (X)
est le cône fermé engendré par les diviseurs effectifs, de sorte que l’étude de ce cône
revient au problème de déterminer les fibrés en droites sur X admettant une section
7
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
8
globale non triviale. L’intérieur du cône Nef 1 (X) est le cône engendré par les classes
des diviseurs amples, de sorte que l’on a une inclusion
Nef 1 (X) ⊂ Psef 1 (X)
(1.1)
et donc Nef 1 (X) ⊂ Psef 1 (X) par dualité. Par un résultat de Boucksom, Demailly,
Paun et Peternell [14, Thm. 0.2], Nef 1 (X) est engendré par les classes des courbes
qui bougent dans une famille qui couvre X. En codimension 1 et n − 1, on a donc de
belles interprétations géométriques des cônes en question. Cependant, il est souvent
difficile de déterminer ces cônes dans des cas particuliers.
Problème 2. Déterminer les cônes de classes positives en codimension 1 et n − 1
dans des cas particuliers.
En codimension supérieure, i.e., pour 2 ≤ k ≤ n − 2, l’étude des cônes de classes
positives a juste récemment été abordée dans [21], [67] et [17]. Dans [21], Fulger
détermine les cônes des classes pseudoeffectives pour un fibré vectoriel projectif E
sur une courbe lisse C. De plus, il montre que l’on a
Nef k (E) ⊂ Psef k (E)
avec égalité pour tout k ∈ {0, . . . , n} si et seulement si E est semistable [21, Prop.
1.5] 1 . D’autre part, Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent dans [17] que l’on
a
Psef 2 (A × A) Nef 2 (A × A)
pour une surface abélienne A principalement polarisée très générale. L’inclusion
(1.1) ne se généralise donc pas en codimension supérieure.
Problème 3. Déterminer les cônes de classes positives en codimension supérieure
et étudier la relation entre les cônes Psef k (X) et Nef k (X) dans des cas particuliers.
Le but de cette thèse est d’étudier
• les problèmes 1 et 3 pour la puissance Ae d’une variété abélienne principalement polarisée très générale A (chapitre 2) ;
• les problèmes 1 - 3 pour la variété F paramétrant les droites dans une cubique
lisse X dans P5 (chapitre 3) ;
• le problème 2 pour le produit C × C d’une courbe très générale C de genre g
(chapitre 4).
1.2
Résultats principaux et plan
Cette thèse est composée de trois chapitres indépendants, chaque chapitre consacré à l’étude des cônes de classes positives dans un cas particulier. On donne un
résumé, chapitre par chapitre, des résultats principaux obtenus. Pour un plan plus
détaillé de chaque chapitre, on renvoie à l’introduction du chapitre respectif.
1.2.1
La puissance d’une variété abélienne
Dans le chapitre 2, on regarde la puissance Ae d’une variété abélienne principalement polarisée très générale A de dimension n. Écrivons A = U/Γ, où U est un
espace vectoriel complexe de dimension
n et Γ est un réseau dans U . Le produit
Len
d’intersection munit N• (Ae ) := k=0 Nk (Ae ) d’une structure de R-algèbre et l’on
a une action canonique de GLe (R) sur N• (Ae ). Par un résultat de Tankeev [61],
1. Pour Fulger, une classe est nef si elle est pseudoeffective et nef dans notre sens. Mais on
vérifie que ces deux notions coïncident dans le cas qu’il regarde.
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
9
N• (Ae ) est engendré par les classes des cycles de codimension 1. On a donc un
morphisme surjectif naturel S• N1 (Ae ) → N• (Ae ), où l’on note S• N1 (Ae ) l’algèbre
symétrique engendrée par N1 (Ae ). En utilisant que N• (Ae ) admet une description
comme un certain espace d’invariants on obtient, concernant le problème 1 :
Proposition 1.2.1.1. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n. L’idéal I tel que
N• (Ae ) = S• N1 (Ae )/I,
i.e., l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ), est engendré par des classes de cycles
de codimension n + 1 et l’on peut en décrire des générateurs explicitement. En
particulier, l’application
Sk N1 (Ae ) → Nk (Ae )
est un isomorphisme si et seulement si k ∈ {0, . . . , n}.
Concernant l’étude des cônes de classes positives, on remarque d’abord que l’intersection de deux classes pseudoeffectives est encore pseudoeffective sur une variété
abélienne, de sorte que l’on a une inclusion
Sk Psef 1 (Ae ) ⊂ Psef k (Ae ) ⊂ Nef k (Ae ),
où Sk Psef 1 (Ae ) est le cône engendré par les produits des diviseurs pseudoeffectifs. Remarquons que cela entraîne Psef 1 (Ae ) = Nef 1 (Ae ). Ce cône est bien connu,
de sorte que l’on s’intéresse aux cônes dans Nk (Ae ) pour 2 ≤ k ≤ en − 2. Le cône
Psef 1 (Ae ) est engendré par l’orbite d’une certaine classe sous l’action de GLe (R) qui
préserve les différents cônes. Cela induit une description de Sk Psef 1 (Ae ) en fonction
de générateurs. Alors que l’on voit pas de moyen de décrire le cône Psef k (Ae ) directement, on peut introduire un cône auxiliaire : on peut voir une classe α ∈ Nk (Ae )
V
comme une forme hermitienne sur k U e , et une classe dont la forme hermitienne
est semipositive est dite semipositive. Si l’on note Semik (Ae ) le cône engendré par
ces classes, on a
Sk Psef 1 (Ae ) ⊂ Psef k (Ae ) ⊂ Semik (Ae ) ⊂ Nef k (Ae )
pour k ∈ {0, . . . , en}. Si l’on arrive à calculer les matrices représentant les formes
hermitiennes associées aux classes dans Nk (Ae ), cela fournit des inéquations définissant Semik (Ae ). La comparaison des cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ) se ramène
ainsi à un problème de géométrie convexe, la comparaison d’un cône défini par des
générateurs et d’un cône défini par des inéquations. En faisant des calculs explicites
et en appliquant un argument de géométrie convexe, Debarre, Ein, Lazarsfeld et
Voisin montrent ainsi que l’on a [17, Thm. 4.1]
S2 Psef 1 (A2 ) = Semi2 (A2 ),
(1.2)
ce qui fournit des inéquations définissant Psef 2 (A2 ). Si l’on veut généraliser le résultat (1.2) en codimension supérieure, il se posent deux problèmes : premièrement,
les matrices des formes hermitiennes deviennent très rapidement beaucoup plus
grandes, ce qui rend les calculs très pénibles ; deuxièmement, l’argument de géométrie convexe qui permet de déduire (1.2) ne marche plus en codimension supérieure.
On résoud le premier problème en donnant une description plus conceptuelle des
matrices représentant les formes hermitiennes respectives, ce qui nous ramène essentiellement à
Vk ⊕e
U en GLe (R)-modules irréductibles ;
1. décomposer
2. calculer les matrices représentant l’action de GLe (R) sur les GLe (R)-modules
Vk ⊕e
irréductibles apparaissant dans
U .
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
10
Cela nous permet de construire une classe semipositive dans Semi3 (A2 ) qui n’appartient pas à S3 (Psef 1 (A2 )) pour n ≥ 3. En appliquant un argument de récurrence,
on trouve que l’égalité 1.2 ne tient plus en codimension supérieure.
Théorème 1.2.1.2. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 3 et soit e ≥ 2. On a
Sk Psef 1 (Ae )
Semik (Ae )
(1.3)
pour 3 ≤ k ≤ n. Lorsque e = 2, les rayons extrémaux du cône Sk Psef 1 (A2 ) sont
aussi extrémaux dans le cône Semik (A2 ) pour 2 ≤ k ≤ n.
Concernant la comparaison des cônes Psef k (Ae ) et Nef k (Ae ), Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent par un calcul direct que l’on a Psef 2 (A2 )
Nef 2 (A2 )
pour A une surface abélienne principalement polarisée très générale [17, Prop. 4.4].
Si l’on veut généraliser ce résultat, il se pose le problème que le cône Nef 2 (Ae ) est
défini comme le dual de Psef en−2 (Ae ) que l’on ne sait pas décrire explicitement.
En utilisant la structure de GLe (R)-module de N• (A2 ) et la représentation des
cônes Semik (A2 ) en fonction de matrices, on construit une classe dans Nef k (A2 )
qui n’appartient pas à Semik (A2 ) pour tout 2 ≤ k ≤ 2n − 2 et n ≥ 2. Comme
Psef k (Ae ) ⊂ Semik (Ae ), un argument de récurrence nous donne alors le théorème
suivant.
Théorème 1.2.1.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit e ≥ 2. On a
Psef k (Ae )
Nef k (Ae )
pour 2 ≤ k ≤ en − 2.
1.2.2
La variété de Fano d’une cubique
Dans le chapitre 3, on étudie la variété F paramétrant les droites sur une cubique
lisse X dans P5 . La variété F est dite la variété de Fano de X ; elle est lisse de
dimension 4.
Par un résultat de Hassett [25], l’espace de modules des cubiques lisses C admet
une famille dénombrable de diviseurs irréductibles Cd qui paramètrent les cubiques
admettant une sous-variété dont la classe de (co)homologie n’est pas un multiple
d’une intersection complète. Le diviseur C8 correspond par exemple aux cubiques
contenant un plan et le diviseur C12 correspond aux cubiques contenant un scroll
cubique. Concernant le problème 1, on obtient comme résultat préliminaire (pour
k = 1, c’est bien connu) :
Proposition 1.2.2.1. Si X est générale, on a
N1 (F ) = R s1
,
N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i,
où s1 est une certaine section hyperplane de F . Lorsque X est générale dans un
diviseur Cd ⊂ C, il existe τ ∈ N1 (F ) tel que
N1 (F ) = hs1 , τ i
,
N2 (F ) = hs21 , s1 τ, τ 2 , c2 (F )i.
Dans [11], Beauville et Donagi montrent que la variété de Fano d’une cubique
pfaffienne générale, i.e., d’une cubique générale dans C14 ⊂ C, est isomorphe à un
schéma de Hilbert S [2] paramétrant les sous-schémas de longueur 2 d’une surface
K3 S. Cela entraîne que toute variété de Fano d’une cubique est une variété hyperkählérienne (cf. définition 3.2.1.1) équivalente par déformation à S [2] . Comme F
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
11
est hyperkählérienne, la cohomologie H 2 (F, Z) est munie d’une forme quadratique
entière, dite forme de Beauville (par dualité, on obtient une forme quadratique
à valeurs rationnelles sur H 2n−2 (F, Z)). Dans [27], Hassett et Tschinkel donnent
une description conjecturale des cônes de classes positives dans N1 (F ) et N1 (F ) en
fonction de cette forme quadratique. Ces conjectures ont été vérifiées par Hassett
et Tschinkel pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un scroll cubique [29]. Concernant la positivité en codimension 1 resp. 3, notre résultat principal
est la vérification de ces conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale
contenant un plan et pour la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale.
Pour les cubiques générales contenant un plan P , le point clé est la construction
de deux diviseurs premiers et une étude détaillée de leur géométrie, où l’on se
sert d’une manière essentielle des résultats de Voisin obtenus dans [63]. Ces deux
diviseurs premiers sont construits comme suit : soit X ⊂ P5 une cubique générale
contenant un plan P et soit L ⊂ P5 un espace linéaire de dimension 3 contenant P .
Alors on a L∩X = P ∪Q, où Q est une quadrique dans P3 . On obtient deux diviseurs
premiers DP et DQ paramétrant un certain ensemble de droites intersectant P resp.
Q. Avec ces notations le résultat principal peut être formulé comme suit :
Théorème 1.2.2.2. Soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P et soit
F la variété de Fano paramétrant les droites sur X. On a
Psef 1 (F ) = R+ [DP ] + R+ [DQ ],
Nef 1 (F ) = R+ (2[DP ] + 3[DQ ]) + R+ (2[DP ] + [DQ ]).
Le diviseur DP est fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 et si l’on note c la
classe d’une telle conique et l la classe d’une droite dans P , on a
Psef 1 (F ) = R+ l + R+ c.
Regardons maintenant la variété de Fano F d’une cubique pfaffienne générale X.
Dans ce cas, F est isomorphe à un schéma de Hilbert S [2] , de sorte que la géométrie
de F est d’un côté déterminée par la géométrie de X et d’autre part, on obtient des
informations sur la géométrie de F en regardant F comme un schéma de Hilbert
S [2] . En utilisant ces deux points de vue, on obtient le résultat suivant.
Théorème 1.2.2.3. Soit X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété de
Fano de X. Alors il existe deux diviseurs premiers E4 et E5 dans F tels que tous les
deux sont fibrés en courbes rationnelles lisses au-dessus d’une surface K3 générale
de degré 14. Soit R4 la classe d’une fibre dans E4 et R5 la classe d’une fibre dans
E5 . Alors on a
Psef 1 (F ) = R+ R4 + R+ R5 ,
Psef 1 (F ) = R+ [E4 ] + R+ [E5 ],
Nef 1 (F ) = R+ ([E4 ] + 8[E5 ]) + R+ (8[E4 ] + 2[E5 ]).
Concernant l’étude des classes positives en codimension 2, on obtient quelques
résultats partiels dont le point de départ est un argument de Voisin [67, Prop. 2.4],
qui montre que le cône fermé engendré par les classes des sous-variétés lagrangiennes
de F (cf. définition 3.2.1.1) est une face de Psef 2 (F ) (cf. définition 3.2.3.2). Pour
une cubique X générale, N2 (F ) est de dimension 2, de sorte que la face lagrangienne
correspond à un des deux rayons extrémaux.
Proposition 1.2.2.4. Soit X une cubique générale contenant un plan, ou une
cubique générale contenant un scroll cubique, ou une cubique pfaffienne générale.
Soit F la variété de Fano de X. Alors la face isotrope de Psef 2 (F ) est de dimension
3, c’est-à-dire de dimension maximale.
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
12
Concernant la comparaison des cônes Psef 2 (F ) et Nef 2 (F ), on a la proposition
suivante :
Proposition 1.2.2.5. Soit X une cubique générale et F la variété de Fano de X.
Alors on a
Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F )
(1.4)
et
Eff 2 (F )
Nef 2 (F ).
On obtient ce résultat en montrant qu’une certaine classe n’est pas effective et
l’on conjecture que l’inclusion (1.4) est également stricte.
1.2.3
Produit d’une courbe
Dans le chapitre 4, on regarde le produit X × X d’une courbe générale X de
genre g. Comme on a juste le cas de codimension 1, on écrit Psef(X × X) (resp.
Nef(X × X)) au lieu de Psef 1 (X × X) (resp. Nef 1 (X)). Soit ∆ la classe de la
diagonale et soit xi , i ∈ {1, 2}, la classe d’une fibre de la projection X × X → X sur
le i-ème facteur. Pour g = 0 et g = 1, le cône Nef(X × X) est bien connu alors que
pour g ≥ 2, il s’agit d’un problème ouvert. Le lemme suivant est bien connu.
Lemme 1.2.3.1. Soit X une courbe générale de genre g ≥ 2. Alors on a
N1 (X × X) = hx1 , x2 , ∆i.
Expliquons d’abord ce à quoi l’on s’attend. Par Riemann-Roch, Psef(X × X)
contient le cône défini par c2 ≥ 0, c · x ≥ 0, où x ∈ N1 (X) est une classe ample.
Si ce cône est strictement contenu dans Psef(X × X), il existe un rayon extrémal
r ∈ Psef(X × X) tel que r2 < 0. Comme un tel rayon r est engendré par la classe
d’une courbe irréductible C (cf. [16, Lemme 6.2]), on est ramené à déterminer les
courbes irréductibles d’autointersection négative. Autrement dit, une classe c est
nef si et seulement si c2 ≥ 0, c · x ≥ 0 et si c · α ≥ 0 pour toute classe effective α
d’autointersection négative.
Question 1.2.3.2 (Kollár). Soit X une courbe très générale de genre ≥ 4. Est-ce
que la diagonale ∆ est la seule courbe d’autointersection négative ? C’est équivalent
à demander si le cône Nef(X × X) est déterminé par les inéquations
c2 ≥ 0
,
c·x≥0
,
c · ∆ ≥ 0.
Pour g = 2 ou g = 3, la situation est légèrement différente ; on renvoie à l’introduction du chapitre 4 pour plus de détails.
En utilisant une méthode de Vojta [68], on obtient des restrictions sur le cône
des classes pseudoeffectives pour g ≥ 2, ce qui permet, par dualité, de construire
de nouvelles classes nefs dans N1 (X × X). Expliquons rapidement cette méthode.
Soit c la classe d’une courbe irréductible C ⊂ X × X qui n’est pas un multiple
de la classe d’une fibre xi . Écrivons c = d2 x1 + d1 x2 + γ(∆ − x1 − x2 ), où l’on a
deg(pi |C ) = di et donc di ≥ 1 ; par symétrie, on peut supposer d2 ≥ d1 . On essaye
d’exclure l’existence de courbes d’autointersection négative avec d1 petit fixé en
appliquant Riemann-Hurwitz et en étudiant l’application
X → X (d1 )
x 7→ p2 ((p1 |C )−1 (x)),
où X (d1 ) est le produit symétrique de X. Notre résultat principal est alors la proposition suivante.
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
13
Proposition 1.2.3.3. Soit [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ(∆ − x1 − x2 ) la classe d’une
courbe irréductible C dans X × X avec d2 ≥ d1 .
1. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 3, on a ou bien [C] ∈
{x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 2.
2. Si X est une courbe très générale de genre g = 4, on a ou bien [C] ∈
{x1 , ∆, 3x − ∆} ou bien d1 ≥ 3.
3. Si X est une courbe très générale de genre g ≥ 5 et g est un carré parfait, on
a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 3.
Pour g = 2, les classes nefs de la forme d(x1 + x2 ) + γ∆ ∈ N1 (X × X) sont
connues, de sorte que l’on obtient par exemple l’image suivante d’une section affine
dans le demi-espace d2 ≥ d1 , où les classes dans la région en gris foncé sont nefs et
toute classe nef doit être contenue dans la région en gris clair (cf. §4.4.4 pour une
image des classes nefs obtenue selon le genre g).
∆⊥
c2 = 0
d2 = d1
Figure 1.1 – Cône nef pour g = 2
2. La puissance d’une variété
abélienne
2.1
Introduction
Ce chapitre est consacré à l’étude des classes positives dans Nk (Ae ) pour une
variété abélienne principalement polarisée très générale A. Dans la première section,
on étudie l’algèbre N• (Ae ) et l’on montre comme résultat principal la proposition
suivante (corollaire 2.2.3.12).
Proposition 2.1.0.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n. L’idéal I tel que
N• (Ae ) = S• N1 (Ae )/I,
i.e., l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ), est engendré par des classes de cycles
de codimension n + 1 et l’on peut en décrire des générateurs explicitement. En
particulier, l’application
Sk N1 (Ae ) → Nk (Ae )
est un isomorphisme si et seulement si k ∈ {0, . . . , n}.
La deuxième partie est consacrée à l’étude des cônes de classes positives. Soit B
une variété abélienne quelconque de dimension m. Si l’on écrit B = V /Λ avec V un
C-espace vectoriel et Λ un réseau dans V , on peut identifier une classe α ∈ Nk (B)
avec une (k, k)-forme réelle sur V , ce qui nous permet de définir d’autres notions
de positivité (cf. §2.3) :
1. une classe α ∈ Nk (B) est dite fortement positive si la (k, k)-forme associée
s’écrit comme combinaison linéaire convexe de formes
il1 ∧ ¯l1 ∧ · · · ∧ ilk ∧ ¯lk
avec lj ∈ V ∗ pour j = 1, . . . , k. On obtient ainsi le cône fermé Strongk (B)
engendré par les classes fortement positives.
2. On dit qu’une classe α ∈ Nk (B) est semipositive si la forme hermitienne
associée est semipositive et l’on note Semik (B) le cône engendré par ces classes.
Le lien entre ces cônes est donné par la chaîne d’inclusions [17, Lemma 1.5]
Sk Psef 1 (B) ⊂ Psef k (B) ⊂ Strongk (B) ⊂ Semik (B) ⊂ Nef k (B),
(2.1)
où l’on note Sk Psef 1 (B) le cône convexe engendré par les produits de k éléments
de Psef 1 (B). Pour k = 1 (et donc aussi pour k = m − 1), tous les cônes de la chaîne
(2.1) coïncident, de sorte que l’on a un seul cône qui a été déterminé par Rosoff [57,
14
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
15
Thm. 1] (cf.aussi l’article de Prendergast-Smith [54]) 1 . Pour 2 ≤ k ≤ m − 2, on se
demande quelles inclusions sont strictes et quelles inclusions sont des égalités. On
a par exemple la conjecture suivante qui est un cas particulier d’une conjecture de
Harvey, Knapp [35] et Lawson [41] (cf. §2.3.1.2).
Conjecture 2.1.0.5 (Harvey, Knapp, Lawson). Soit B une variété abélienne de
dimension m. Alors on a, pour tout k ∈ {0, . . . , m},
Psef k (B) = Strongk (B).
En générale, il est difficile de décrire les cônes Psef k (B) et Strongk (B) explicitement, ce qui rend la vérification de la conjecture 2.1.0.5 difficile. Or, comme expliqué
dans l’introduction (§1.2.1), les deux cônes accessibles pour une description explicite
sont les cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ). L’égalité des deux cônes entraînerait donc
d’un côté une caractérisation du cône Psef k (Ae ) et d’autre part, elle entraînerait
la conjecture 2.1.0.5. Pour e = 2 et k = 2, c’est le cas par un résultat de Debarre,
Ein, Lazarsfeld et Voisin [17, Thm. 4.1] ; par un argument de dualité, cela entraîne
la conjecture 2.1.0.5 aussi pour e = 2 et k = 2n − 2 [17, Prop. 5.2]. En codimension
supérieure, on obtient le résultat suivant (théorème 2.3.4.9).
Théorème 2.1.0.6. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit e ≥ 2.
1. On a
Sk Psef 1 (Ae ) Semik (Ae )
pour 3 ≤ k ≤ n. Lorsque e = 2, les rayons extrémaux du cône Sk Psef 1 (A × A)
sont aussi extrémaux dans le cône Semik (A × A) pour 2 ≤ k ≤ n.
2. Pour n = 3, on a
S4 Psef 1 (A × A) = Semi4 (A × A).
La conjecture 2.1.0.5, resp. la question de savoir si le cône Psef k (Ae ) coïncide
avec l’un des deux cônes Sk Psef 1 (Ae ) ou Semik (Ae ), reste ouverte pour k ≥ 3 et
e ≥ 2 (resp. k ≥ 2 et e ≥ 3).
Concernant la comparaison des cônes Psef k (Ae ) et Nef k (Ae ), on obtient le résultat suivant (théorème 2.3.4.9).
Théorème 2.1.0.7. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit e ≥ 2. On a
Psef k (Ae )
Nef k (Ae )
pour 2 ≤ k ≤ en − 2.
Pour n = 2 et e = 2, c’est [17, Prop. 4.4].
Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section 2.2, on étudie d’abord la Ralgèbre N• (Ae ) comme une certaine algèbre d’invariants d’un groupe symplectique
qui admet en même temps une structure de GLe (R)-module (§2.2.1 - 2.2.2). Cela
nous permet ensuite de montrer la proposition 2.1.0.4 dans §2.2.3. On termine la
section 2.2 en faisant des calculs explicites pour e = 2 (§2.2.4).
Dans la section 2.3, on discute d’abord en détail la relation entre les diverses
notions de positivité et l’on rappelle les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et
Voisins obtenus dans [17]. On termine la section 2.3.1 en discutant la conjecture de
Harvey, Knapp et Lawson. Ensuite, on étudie les cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae )
dans §2.3.2 et §2.3.3. C’est surtout la représentation des classes semipositives que
l’on obtient dans §2.3.3, qui joue un rôle clé dans la démonstration des théorèmes
2.1.0.6 et 2.1.0.7 dans §2.3.4.
1. Comme la présentation du sujet dans l’article de Prendergast-Smith [54](2010) est mieux
adaptée à nos besoins, on prend cet article comme notre référence standard pour les résultats en
codimension 1 (alors que l’article de Rosoff [57] (1981) est beaucoup plus ancien).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
2.2
2.2.1
16
La structure de l’algèbre N• (Ae)
Le groupe de Hodge d’une variété abélienne
Pour un espace vectoriel E donné, on note
•
^
E=
k
M^
E
k≥0
l’algèbre extérieure et
S• E =
M
Sk E
k≥0
l’algèbre symétrique. Si G est un groupe et M est un G-module, on note M G l’espace
des invariants dans M sous l’action de G.
Soit B une variété abélienne complexe de dimension n et écrivons B = U/Γ, où
V est un C-espace vectoriel de dimension n et Γ ⊂ U est un réseau. Soit K = Q
ou R, et posons UK = Γ ⊗Z K. On a Γ = H1 (B, Z) et donc UK = H1 (B, K) par
extension des scalaires. Par dualité, on obtient H 1 (B, Z) = Γ∗ , où l’on note Γ∗ le
réseau dual à Γ. Pour k ≥ 1, le cup-produit fournit alors un isomorphisme
k
^
H k (B, Z) ≃
Γ∗ ,
(2.2)
de sorte que l’on a par extension des scalaires
k
^
H k (B, K) ≃
∗
UK
.
Remarquons aussi que, pour k ≥ 1, on a également un isomorphisme
Hk (B, Z) ≃
k
^
(2.3)
Γ,
où le produit extérieur correspond au produit de Pontryagin des classes d’homologie.
Posons H p,q (B) := H q (B, ΩpB ), où l’on note ΩpB le faisceau des p-formes holomorphes sur B. La décomposition de Hodge donne
M
H n (B, C) =
H p,q (B),
p+q=n
et l’on a (cf. [40, Thm. 1.4.1])
H
p,q
(B) =
p
^
∗
U ⊗
q
^
∗
U ,
(2.4)
où U ∗ = HomC (U, C) est l’espace vectoriel dual de l’espace vectoriel complexe U ,
∗
et U est l’espace vectoriel des formes C-antilinéaires sur U .
Soit
NkQ (B) := H k,k (B) ∩ H 2k (B, Q)
le Q-espace vectoriel des classes de Hodge (rationnelles) de degré 2k sur B. Posons
Nk (B) := NkQ (B) ⊗ R et
M
N• (B) :=
Nk (B).
k≥0
•
Le produit d’intersection munit N (B) de la structure d’une R-algèbre. Remarquons
que l’on a par l’équation (2.4) une injection de Nk (B) dans l’espace vectoriel réel
V(k,k)
des (k, k)-formes réelles sur U , que l’on note R U ∗ .
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
17
Or, on a un isomorphisme entre l’espace vectoriel réel des (k, k)-formes réelles
Vk
sur U et celui des formes hermitiennes sur
U , que l’on note H : si l’on munit
U des coordonnées (z1 , . . . , zn ) et U ∗ des coordonnées duales, cet isomorphisme est
donné par
H→
X
I,J
hIJ dzI ⊗ dz̄J 7→
k,k
^
U∗
R
√
k2
−1
(2.5)
X
I,J
hIJ dzI ∧ dz̄J ,
où I = {i1 , . . . , ik } ⊂ {1, . . . n}, dzI = dzi1 ∧ · · · ∧ dzik , et de même pour J. Comme
V(k,k)
on a une injection de Nk (B) dans R U ∗ , on peut ainsi identifier une classe de
V
Hodge sur B de degré 2k avec une forme hermitienne sur k U . On note désormais
Vk
U associée à une classe α dans Nk (B).
Hα la forme hermitienne sur
Soit J : UR → UR la structure complexe associée à
H1 (B, C) = H −1,0 (B) ⊕ H 0,−1 (B).
Alors on obtient un morphisme
hJ : S1
e
√
−1·θ
→ GL(UR )
7→ cos θ · idU + sin θ · J,
qui agit par multiplication par z sur H 1,0 (B) et par multiplication par z̄ sur H 0,1 (B)
(cf. [40, Prop. 17.1.1, Rem. 17.1.2]).
Définition 2.2.1.1. Le groupe de Hodge de B, noté Hg(B), est le plus petit sousgroupe de GL(UQ ) défini sur Q tel que hJ (S1 ) ⊂ Hg(B)(R).
Soit θ ∈ H 2 (B, Z) une polarisation de B. Par l’isomorphisme
2
H (B, Q) =
θ définit une forme alternée non-dégénérée
2
^
UQ∗ ,
ωθ : UQ × UQ → Q .
On note Sp(UQ , ωθ ) le groupe symplectique associé à ωθ , qui est naturellement un
sous-groupe algébrique de GL(UQ ). Le groupe de Hodge Hg(B) est un sous-groupe
de Sp(UQ , ωθ ) pour toute polarisation θ [40, Prop. 17.3.2].
Regardons H 1 (B, Q) = UQ∗ comme représentation duale de Hg(B). Par l’isomorVn ∗
phisme H n (B, Q) =
UQ , on obtient ainsi une structure de Hg(B)-module sur
H n (B, Q). Par l’égalité [40, 17.3.3]
NkQ (B) = H 2k (B, Q)Hg(B) ,
on est ainsi ramené à un calcul d’invariants pour déterminer les classes de Hodge.
2.2.2
Classes de Hodge sur la puissance d’une variété abélienne
Soit A une variété abélienne (pas forcément principalement polarisée très générale). On veut étudier l’algèbre des classes de Hodge sur des puissances de A.
Ecrivons A = U/Γ, où U est un C-espace vectoriel et Γ est un réseau dans U . Si
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
18
l’on écrit Ae = (U ⊗Z WZ )/(Γ ⊗Z WZ ), où WZ est un Z-module libre de rang e, on
obtient une injection
End(WZ ) → End(Ae )
g 7→ ug ,
où ug est défini par l’application linéaire
U ⊗Z WZ → U ⊗Z WZ
u ⊗ w 7→ u ⊗ tgw.
Posons, pour g ∈ End(WZ ) et pour α ∈ H • (Ae , Q),
g · α = u∗g α.
Cela induit une action de GL(WQ ) sur H • (Ae , Q), et l’on a
k
e
H (A , Q) ≃
k
^
U ∗ ⊗ WQ
en tant que GL(WQ )-modules, où GL(WQ ) agit sur WQ tautologiquement.
Il découle de la définition du groupe de Hodge que l’on a
Hg(Ae ) = Hg(A)
(2.6)
et que Hg(A) agit diagonalement sur H 1 (Ae , Q) (cf. par exemple [30, Cor. 1.11]),
c’est-à-dire
∀g ∈ Hg(A) ∀u ∈ UQ∗ ∀w ∈ WQ
g · (u ⊗ w) = g · u ⊗ w.
On obtient ainsi une structure de Hg(A) × GL(WQ )-module sur H k (Ae , Q). Par
construction, N•Q (Ae ) est invariant sous l’action de GL(WQ ).
2.2.3
Générateurs et relations pour les classes de Hodge
Soit maintenant (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée très générale et reprenons les notations de la section précédente. Par un résultat de Tankeev, l’algèbre N• (Ae ) est engendrée par des classes de codimension 1 (théorème
2.2.3.1), de sorte que l’application canonique S• N1 (Ae ) → N• (Ae ) est surjective.
On détermine des générateurs de N• (Ae ) et l’idéal des relations dans S• N1 (Ae )
(proposition 2.2.3.9 et corollaire 2.2.3.12). Le groupe de Hodge d’une variété abélienne principalement polarisée très générale étant le groupe symplectique Sp(UQ )
(par rapportVà la polarisation principale), on est ramené à l’étude de l’algèbre des
•
invariants ( UQ∗ ⊗ WQ )Sp(UQ ) en tant que GL(WQ )-module pour obtenir ces résultats. Comme cette algèbre a été étudiée par Thompson dans [62], notre travail
consiste essentiellement à traduire ses résultats dans notre cadre.
2.2.3.1
Un résultat de Tankeev et un résultat de Thompson
Soit K = Q ou R. On a
H k (Ae , K) ≃
k
^
∗
(UK
⊗Z WZ ).
Théorème 2.2.3.1 (Tankeev). Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale. Alors on a
Hg(Ae ) = Sp(UQ )
et N•Q (Ae ) est engendré par des classes de codimension 1.
(2.7)
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
19
Démonstration. Pour montrer (2.7), il suffit par (2.6) de remarquer que l’on a
Hg(A) = Sp(UQ ) pour A très générale (cf. [40, Prop. 17.4.2]). Il s’ensuit
N•Q (Ae )
=
•
^
UQ∗
⊗ WQ
!Sp(UQ )
.
Par un théorème de Howe [31, Thm. 2] (cf. aussi [56, pp. 529-530]), l’algèbre à droite
est engendrée par des classes de degré 2, ce qui fournit le résultat souhaité.
L’action de Sp(UQ ) × GL(WQ ) sur VQ∗ := UQ∗ ⊗ WQ s’étend naturellement à une
action de Sp(UR ) × GL(WR ) sur VR∗ = UR∗ ⊗ WR , et comme Sp(UQ ) est dense dans
Sp(UR ), on a
!Sp(UQ )
!Sp(UR )
2k
2k
^
^
Nk (Ae ) =
VQ∗ ⊗Q R =
VR∗
.
Comme expliqué plus haut, on traduit maintenant des résultats connus de la
théorie des représentations dans notre cadre, où le résultat principal est le théorème
2.2.3.6. Pour faciliter les notations pour la suite, on pose W := WR .
Proposition 2.2.3.2 (Thompson). On a un isomorphisme de GL(W )-modules
M
N• (Ae ) ≃
Sσ (W ),
σ
où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et où
l’on prend la somme sur les σ tels que
1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments,
2. la première ligne a au plus 2n éléments et
3. le nombre de lignes est au plus e.
Les facteurs irréductibles de Nk (Ae ) correspondent aux diagrammes de Young à 2k
cases dans cette décomposition.
Démonstration. [62, proposition 2.2].
Corollaire 2.2.3.3. On a
en tant que GL(W )-modules.
N1 (Ae ) ≃ S2 W
Démonstration. Le tableau de Young ayant une ligne à 2 cases correspond au
GL(W )-module S2 W , et l’on a donc N1 (Ae ) = S2 W .
De plus, on a le résultat suivant bien connu [31, Prop. 1].
Proposition 2.2.3.4. On a un isomorphisme de GL(W )-modules
M
S• N1 (Ae ) ≃
Sσ (W ),
σ
où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et où
l’on prend la somme sur les σ tels que
1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments,
2. le nombre de lignes est au plus e.
Les facteurs irréductibles de Sk N1 (Ae ) correspondent aux diagrammes de Young à
2k cases dans cette décomposition.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
20
Comme S2k W correspond au tableau de Young ayant une ligne à 2k cases, on
voit qu’il existe une injection canonique
εk : S2k W → Sk (N1 (Ae )).
(2.8)
Par un résultat d’Abeasis [1, Thm. 3.1], on en déduit le résultat suivant.
Proposition 2.2.3.5 (Abeasis). Soit l un entier positif fixé, et soit Il• l’idéal engendré par εl (S2l W ) dans S• N1 (Ae ). Alors Il• est GL(W )-invariant et l’on a un
isomorphisme de GL(W )-modules
M
Il• ≃
Sσ (W ),
σ
où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et où
l’on prend la somme sur les σ tels que
1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments,
2. la première ligne a au moins 2l éléments et
3. le nombre des lignes est au plus e.
Si l’on pose Ilk := Sk N1 (Ae ) ∩ Il• , les facteurs irréductibles de Ilk correspondent aux
diagrammes de Young à 2k cases dans cette décomposition.
On peut résumer ces résultats dans le théorème suivant (cf. [62, Thm. 2.3]).
Théorème 2.2.3.6 (Thompson). Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n, et soit I l’idéal engendré par εn+1 (S2n+2 W )
dans S• N1 (Ae ). Alors on a un isomorphisme de GL(W )-modules
S• N1 (Ae )/I ≃ N• (Ae ).
En particulier, l’application
Sk N1 (Ae ) → Nk (Ae )
est un isomorphisme si et seulement si k ∈ {0, . . . , n}.
Corollaire 2.2.3.7. Pour toute classe α ∈ N1 (Ae ) non nulle et pour tout 0 ≤ k ≤
n − 1, l’application
Nk (Ae ) →
β 7→
Nk+1 (Ae )
α·β
est injective.
2.2.3.2
Générateurs explicites
Déterminons maintenant des générateurs explicites de N• (Ae ) (c’est-à-dire une
base du R-espace vectoriel N1 (Ae ) et de l’idéal des relations dans S• (Ae ).
Générateurs de N• (Ae ). Comme A est principalement polarisée, on peut idenb ce qui nous permet de voir le fibré de
tifier A avec sa variété abélienne duale A,
Poincaré P comme un fibré sur A × A. Soient pi1 ,...,il : Ae → Al les projections.
Posons
θi := p∗i θ
et
λjk := c1 (p∗jk P).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
21
Remarque 2.2.3.8. Notons Ai le i-ème facteur de Ae . Dans la décomposition de
Künneth de H 2 (Ae , R), la classe θi est contenue dans la composante correspondant à H 2 (Ai , R), et λjk appartient à la composante correspondant à H 1 (Aj , R) ⊗
H 1 (Ak , R) [40, Lemma 14.1.9].
On a la généralisation suivante de la proposition 3.1 de [17].
Proposition 2.2.3.9. Soit (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée
très générale. La R-algèbre N• (Ae ) est engendrée par les θi , 1 ≤ i ≤ e et les λjk , 1 ≤
j < k ≤ e.
Démonstration. Par le corollaire 2.2.3.3, on a N1 (Ae ) ≃ S2 W et donc
e+1
dim(N1 (Ae )) =
.
2
Comme
les θi ,λjk , 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e forment une famille libre de dimension
e
e+1
+
e
=
dans N1 (Ae ) par la remarque 2.2.3.8, on obtient le résultat souhaité.
2
2
Déterminons maintenant comment GL(W ) agit sur la base
{θi , λjk | 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e}
de N1 (Ae ). Soit
vsr = us ⊗ wr
1 ≤ s ≤ n, 1 ≤ r ≤ e
(2.9)
une base de V ∗ = U ∗ ⊗R W telle que l’on a dans les coordonnées associées (cf. [40,
Lemme 3.6.4])
θi
λjk
=
=
n
X
√
−1dzsi ∧ dz̄si ,
s=1
n
X
s=1
(2.10)
√
√
−1dzsj ∧ dz̄sk + −1dzsk ∧ dz̄sj
pour 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e.
Proposition 2.2.3.10. Soit g ∈ GL(W ) et soit ρ(g) la matrice représentant g dans
la base {w1 , . . . , we }. Sur l’ensemble des générateurs {θi , λjk | 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j <
k ≤ e} de N• (Ae ), la matrice ρ(g) agit par :
gθi =
e
X
ρ(g)2ji θj +
j=1
gλjk = 2
e
X
i=1
X
ρ(g)ji ρ(g)ki λjk ,
1≤j<k≤e
ρ(g)ij ρ(g)ik θi +
X
(ρ(g)vj ρ(g)uk + ρ(g)uj ρ(g)vk )λuv .
1≤u<v≤e
Démonstration. Cela résulte d’un calcul direct dans les coordonnées (2.10) ou des
arguments de [17, §3].
Remarque 2.2.3.11. Si {w1 , . . . , we } est une base de W , il découle de la proposition
2.2.3.10 que l’on obtient l’isomorphisme N1 (Ae ) ≃ S2 W en identifiant θi avec wi2
et λjk avec 2wj wk pour 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
22
Générateurs de l’idéal des relations. Soit m : Ae → A l’application d’addition. Alors on a
e
X
X
θi +
λjk
m∗ θ =
i=1
et donc

e
X

θi +
i=1
1≤j<k≤e
X
1≤j<k≤e
polynôme dans S
λjk 
P
e
i=1 θi
dans H 2n+2 (Ae , R). Regardons maintenant
n+1
n+1
1
(2.11)
=0
+
P
1≤j<k≤e
N (Ae ) et écrivons
n+1

e
X
X
X

θi +
λjk 
=
Pl ,
i=1
1≤j<k≤e
λjk
n+1
comme
l
où chaque polynôme Pl définit une classe dans un facteur de la décomposition de
Künneth de H 2n+2 (Ae , R) (cf. remarque 2.2.3.8 et exemple 2.2.3.13). On obtient
ainsi précisément un polynôme non nul Pl pour chaque composante de Künneth,
et par la relation (2.11), chaque polynôme Pl doit représenter la classe 0 dans
H 2n+2 (Ae , R). On appelle les relations Pl = 0 dans H 2n+2 (Ae , R) ainsi obtenues,
les relations induites par la relation (2.11).
Corollaire 2.2.3.12. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n. Soit I l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ), de sorte que
S• N1 (Ae )/I = N• (Ae ). Alors I est engendré par les relations induites par la relation
n+1

e
X
X

θi +
λjk 
=0
(2.12)
i=1
1≤j<k≤e
dans H 2n+2 (Ae , R) via la décomposition de Künneth.
Démonstration. On a
2n + 1 + e
= dim S2n+2 W
2n + 2
composantes dans la décomposition
de Künneth de H 2n+2 (Ae , R), de sorte que
2n+1+e
l’équation (2.12) induit 2n+2 relations qui forment une famille libre dans
Sn+1 (N1 (Ae )). Par la proposition 2.2.3.5 et le théorème 2.2.3.6, on a
I ∩ Sn+1 (N1 (Ae )) ≃ S2n+2 W,
d’où l’on déduit le résultat souhaité par une comparaison des dimensions.
Exemple 2.2.3.13. Supposons n = 2. On détermine les relations dans S3 N1 (A × A)
selon le corollaire 2.2.3.12. On a
(θ1 + θ2 + λ)3 = θ13 + θ23 + λ3 + 3θ12 θ2 + 3θ1 θ22 + 3θ1 λ2 + 3θ2 λ2 + 6θ1 θ2 λ
et
θ13 ∈ H 6 (A) ⊗ H 0 (A),
3θ12 λ ∈ H 5 (A) ⊗ H 1 (A),
3θ12 θ2 + 3θ1 λ2 ∈ H 4 (A) ⊗ H 2 (A),
6θ1 θ2 λ + λ3 ∈ H 3 (A) ⊗ H 3 (A).
θ23 ∈ H 0 (A) ⊗ H 6 (A),
3θ22 λ ∈ H 1 (A) ⊗ H 5 (A),
3θ1 θ22 + 3θ2 λ2 ∈ H 2 (A) ⊗ H 4 (A),
Si l’on note I l’idéal des relations dans la R-algèbre S• N1 (A × A), on a donc
I = θ13 , θ12 θ2 + θ1 λ2 , θ12 λ, 6θ1 θ2 λ + λ3 , θ23 , θ1 θ22 + θ2 λ2 , θ22 .
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
2.2.4
23
Le cas A × A
Supposons toujours que A est une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n. Dans cette section, on donne d’abord une nouvelle démonstration de [17, Prop. 3.2] qui fournit des isomorphismes Nk (A× A) → N2n−k (A× A)
pour 1 ≤ k ≤ n (théorème 2.2.4.1). Ensuite, on détermine explicitement une base de
chaque module irréductible dans une décomposition de Sk N1 (A × A) en tant que
GL(W )-module (remarque 2.2.4.2), et l’on montre que les modules irréductibles
d’une décomposition de Nn (A × A) (en tant que GL(W )-module) sont orthogonaux
deux à deux par rapport au produit d’intersection (corollaire 2.2.4.3). Enfin, on
détermine les nombres d’intersection de deux classes de codimensions complémentaires dans A × A en fonction des polynômes en θ1 , θ2 et λ représentant ces classes
(proposition 2.2.4.4).
Soit W un espace vectoriel réel de dimension 2. Les représentations irréductibles
de GL(W ) étant des produits symétriques de W tensorisés avec une puissance du
déterminant det(W ), on peut étudier le GL(W )-module N• (A × A) de façon plus
détaillée. Notons I l’idéal des relations dans S• N1 (A × A), de sorte que
S• N1 (A × A)/I = N• (A × A).
Soit σ = (2r − 2i, 2i) le tableau de Young ayant 2r − 2i cases dans la première
ligne et 2i cases dans la deuxième ligne. Si l’on note S(2r−2i,2i) le foncteur de Schur
correspondant à ce tableau, on a
S(2r−2i,2i) (W ) = det(W )⊗2i ⊗ S2r−4i W.
Posons µ = θ1 θ2 − 4λ2 . Alors on a g · µ = det(g)2 µ de sorte que
R µ ≃ det(W )⊗2
en tant que GL(W )-module. La proposition 2.2.3.4 donne alors
M
Sr N1 (A × A) =
µi · S2r−4i W.
(2.13)
0≤2i≤r
Le théorème suivant a déjà été montré dans [17] par un argument de récurrence.
On donne une démonstration en utilisant la décomposition de S• N1 (A × A) et de
I en GL(W )-modules irréductibles.
Théorème 2.2.4.1. Soit (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée de
dimension n. Pour k ∈ {0, . . . , n}, l’application
·µk : Nn−k (A × A) → Nn+k (A × A)
α 7→ α · µk
est un isomorphisme.
Démonstration. Soit 0 ≤ k ≤ n. Rappelons d’abord que
Sn−k N1 (A × A) = Nn−k (A × A)
par le théorème 2.2.3.6, de sorte que
Nn−k (A × A) =
M
0≤2i≤n−k
µi · S2n−4i W.
Par la proposition 2.2.3.5, on a S(2r−2i,2i) (W ) ⊂ I si et seulement si 2r −2i ≥ 2n+2,
d’où
M
I ∩ Sn+k N1 (A × A) =
µi · S2(n+k)−4i W
0≤2i≤2k−2
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
24
et donc
Nn+k (A × A) = Sn+k N1 (A × A)/I
M
≃
µi · S2(n+k)−4i W
2k≤2i≤n+k
M
=
0≤2i≤n−k
µi+k · S2(n−k)−4i W
= µk · Nn−k (A × A).
Remarque 2.2.4.2. Par la proposition 2.2.3.5, on sait que l’idéal des relations I
dans S• N1 (A × A) est engendré par S2n+2 W dans la décomposition en facteurs
irréductibles de Sn+1 N1 (A×A) (cf. (2.13)). En même temps, on sait, par le corollaire
2.2.3.12, qu’une base de S2n+2 W dans Sn+1 N1 (A × A) est donnée par les relations
induites par la relation
(θ1 + θ2 + λ)n+1 = 0
dans H 2n+2 (A × A). Si l’on écrit
(θ1 + θ2 + λ)n+1 =
n+1
X
Pj (θ1 , θ2 , λ)
j=1
avec Pj (θ1 , θ2 , λ) ∈ H j (A, R)⊗H 2(n+1)−j (A, R), les polynômes Pj (θ1 , θ2 , λ) forment
une telle base de S2n+2 W . Soit maintenant m un entier positif et posons, pour
k ∈ {0, . . . , m},
P2k,m (θ1 , θ2 , λ) :=
min(k,m−k) X
i=0
m+1
θk−i θ2m+1−k−i λ2i
k − i, m + 1 − k − i, 2i 1
et
P2k+1,m (θ1 , θ2 , λ) :=
min(k,m−k) X
i=0
m+1
θk−i θm−k−i λ1+2i .
k − i, m − k − i, 1 + 2i 1 2
Pour m = n + 1, ce sont précisément les polynômes donnant une base de S2n+2 W
dans Sn+1 N1 (A×A), i.e. les générateurs de I. Comme tout sous-module irréductible
de Sk N1 (A × A) est de la forme µi · S2k−4i W , on peut en déduire une base de
chaque module irréductible dans la décomposition de Sk N1 (A × A). Une base de
µi · S2k−4i W pour 0 ≤ 2i ≤ 2k est donnée par les polynômes
µi Pj,2k−4i (θ1 , θ2 , λ)
0 ≤ j ≤ 2k − 4i.
Le théorème 2.2.3.6 et la proposition 2.2.3.5 nous permettent ainsi de décrire explicitement une base de Nk (A×A) et une base de I ∩Sk N1 (A×A) pour k ∈ {0, . . . , 2n}.
Corollaire 2.2.4.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Les GL(W )-modules irréductibles dans la décomposition
M
Nn (A × A) =
µi · S2n−4i W
0≤2i≤n
sont deux à deux orthogonaux par rapport au produit d’intersection.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
25
Démonstration. Soit i < j et soient α et β des classes dans Nn (A × A) telles que α
soit représentée par un polynôme Pα (θ1 , θ2 , λ) ∈ µi ·S2n−4i W et β par un polynôme
Pβ (θ1 , θ2 , λ) ∈ µj ·S2n−4j W . Alors on a Pα Pβ ∈ µi+j ·S2n−4i W ·S2n−4j W , de sorte
qu’il existe Q(θ1 , θ2 , λ) ∈ µi+j · S2n−4i W = µi+j S2(n+2j)−4(i+j) W et T (θ1 , θ2 , λ) ∈
S2n−4j W tels que
Pα · Pβ = Q · T.
Or µi+j · S2(n+2j)−4(i+j) W est un module irréductible dans Sn+2j N 1 (A × A) et
l’on a par (2.13),
µi+j · S2(n+2j)−4(i+j) W ⊂ Sn+2j N 1 (A × A) ∩ I ⇐⇒ 2(i + j) < 4j ⇐⇒ i < j.
On en déduit Q(θ1 , θ2 , λ) = 0 dans H 2n (Ae , R) et donc α · β = 0.
Proposition 2.2.4.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n. Les seuls monômes en θ1 , θ2 et λ non nuls de degré 2n
sont de la forme θ1n−k θ2n−k λ2k pour k ∈ {0, . . . , n}, et l’on a
n
.
θ1n−k θ2n−k λ2k = (−1)k (2k)!(n − k)!2
k
Démonstration. Il est clair que les mônomes de degré 2n de la forme θ1n−k θ2n−k λk
sont précisément les monômes définissant une classe dans H n (A, R) ⊗ H n (A, R) par
rapport à la décomposition de Künneth (cf. remarque 2.2.3.8). Evidemment, c’est la
seule composante non triviale, ce qui montre la première partie de l’énoncé. Pour la
deuxième partie, on suppose que θ1 , θ2 et λ sont donnés comme dans (2.10). Alors
θ1n−k θ2n−k correspond à la (n − k, n − k)-forme


X
^
^
√
(n − k)!2 ( −1)2(n−k)
(dzil ∧ dz̄il ) ∧
(dzjl ∧ dz̄jl ) .
1≤i1 <···<in−k ≤n
n≤j1 <···<jn−k ≤2n
1≤l≤n−k
Si l’on écrit
λ2k =
X
I,J
1≤l≤n−k
aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk
avec aIJ ∈ R, I = {i1 , . . . , ik } et J = {j1 , . . . , jk } des multi-indices de longeur k
dans {1, . . . , n}, on vérifie facilement que l’on a aIJ 6= 0 et aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧
dzik ∧ dz̄jk ∧ θ1n−k θ2n−k 6= 0 si et seulement si aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk est
de la forme
^ √
√
(2k)!
( −1dzil ∧ dz̄il+n ∧ −1dzil+n ∧ dz̄il )
1≤l≤k
= (−1)3k (2k)!
^ √
√
¯ i ).
( −1dzil ∧ dz̄il ∧ −1dzil+n ∧ dz
l+n
1≤l≤k
n
Or il y a k telles formes aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk , et pour chaque telle
forme on a
aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk ∧ θ1n−k θ2n−k = (−1)k (2k)!(n − k)!2 ,
de sorte que l’on obtient
θ1n−k θ2n−k λ2k = (−1)k (2k)!(n − k)!2
n
.
k
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
26
Remarque 2.2.4.5. Si A est de dimension n, on a
n
µ =
n
X
4
n−k
(−1)k θ1n−k θ2n−k λ2k
=
n
X
4
n−k
k=0
k=0
n
> 0.
(2k)!(n − k)!
k
2
Exemple 2.2.4.6. Soit n = 2. Alors on a
θ12 θ22 = 4,
θ1 θ2 λ2 = −4,
λ4 = 24,
µ2 = 96.
Notation 2.2.4.7. Si l’on a besoin de tenir compte de la dimension, on note An une
variété abélienne de dimension n. Soit P ∈ R[θ1 , θ2 , λ] un polynôme homogène de
degré k. On note [P ]n la classe représentée par P dans Nk (An × An ).
Lemme 2.2.4.8. Soient P1 (θ1 , θ2 , λ) et P2 (θ1 , θ2 , λ) des polynômes homogènes de
degré k. Pour tout n ≥ k, on a
[P1 ]k · [P2 ]k =
[µk ]k
([P1 ]n · µn−k [P2 ]n ).
[µn ]n
Démonstration. Si l’on écrit P1 · P2 =
on a [P1 ]k · [P2 ]k = Q0 · µkk et donc
Pk
i=1
Qi avec Qi ∈ µi · S4k−4i W selon (2.13),
[P1 ]k · [P2 ]k = Q0 · [µk ]k
2.3
=
[µk ]k
Q0 · [µn ]n
[µn ]n
=
[µk ]k
([P1 ]n · [µn−k ]n · [P2 ]n ).
[µn ]n
Classes positives
Le but de cette section est de montrer les théorèmes 2.1.0.6 (théorème 2.3.4.3)
et 2.1.0.7 (théorème 2.3.4.9). Après des discussions préliminaires (§2.3.1), on étudie
en détail les cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ) dans §2.3.2 et §2.3.3. Les résultats de
ces sections nous permettent alors de déduire les théorèmes 2.1.0.6 et 2.1.0.7 dans
§2.3.4.
2.3.1
Préliminaires
2.3.1.1
Notions de positivité sur une variété abélienne
Soit B une variété abélienne et écrivons B = U/Γ, où U est un espace vectoriel
complexe de dimension n et Γ est un réseau dans B. Dans ce paragraphe, on introduit diverses notions de positivité pour des classes de cycles sur B, qui donnent
chacunes lieu à un cône dans Nk (B) pour 1 ≤ k ≤ n. Rappelons que sur une variété
abélienne, équivalence numérique et équivalence homologique coïncident.
Comme toute classe α ∈ Nk (B) est représentée par une (k, k)-forme réelle sur
U , on peut définir d’autres notions de positivité à côté de celles définies dans l’introduction
(cf. definition 1.1.0.1). Munissons U de coordonnées complexes zj =
√
xj + −1yj , 1 ≤ j ≤ n. Alors l’espace vectoriel réel sous-jacent U est muni d’une
orientation canonique par la (n, n)-forme réelle
√
√
−1dz1 ∧ dz̄1 ∧ · · · ∧ −1dzn ∧ dz̄n = 2n dx1 ∧ dy1 ∧ · · · ∧ dxn ∧ dyn .
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
27
Définition 2.3.1.1. Une (k, k)-forme réelle α est dite fortement positive si elle
s’écrit comme combinaison linéaire convexe de formes
√
√
−1l1 ∧ ¯l1 ∧ · · · ∧ −1lk ∧ l̄k ,
avec lj ∈ U pour j = 1, . . . , k. On note Strongk (U ) le cône convexe fermé de ces
classes.
Une (n − k, n − k)-forme réelle est dite faiblement positive si le cup-produit avec
toute (k, k)-forme fortement positive est positif, c’est-à-dire un multiple positif de
l’orientation canonique. On note le cône de ces classes Weakn−k (U ).
Remarque 2.3.1.2. Par définition, Weakn−k (U ) est le cône dual de Strongk (U ).
Remarque 2.3.1.3. Si l’on considère U comme un espace vectoriel réel muni d’une
structure complexe J : U → U , on peut également dire que α est une forme fortement positive si elle s’écrit comme combinaison convexe de formes
l1 ∧ Jl1 ∧ · · · ∧ lk ∧ Jlk
avec li ∈ U .
Définition 2.3.1.4. On dit qu’une (k, k)-forme réelle est semipositive si sa forme
Vk
hermitienne associée sur
U est semipositive (cf. (2.5)). On note le cône convexe
fermé de ces formes Semik (U ).
On a les inclusions
Strongk (U ) ⊂ Semik (U ) ⊂ Weakk (U ),
qui sont des égalités pour k = 1 et k = n − 1 et qui sont des inclusions strictes pour
2 ≤ k ≤ n − 2 [35, Corol. 1.6].
Pour une variété abélienne B, on pose
Strongk (B)
k
Weak (B)
Semik (B)
:=
:=
:=
Strongk (U ) ∩ Nk (B),
Weakk (U ) ∩ Nk (B),
Semik (U ) ∩ Nk (B).
On a la chaîne d’inclusions suivante [17, Lemma 1.5] :
Psef k (B) ⊂ Strongk (B) ⊂ Semik (B) ⊂ Weakk (B) ⊂ Nef k (B).
(2.14)
Rapellons que toutes ces inclusions sont des égalités pour k = 1 et k = n − 1.
Remarque 2.3.1.5. Pour la variété abélienne B e , tous les cônes dans la chaîne (2.14)
sont invariants sous l’action de GL(W ) sur N• (B e ) (cf. §2.2.1 et [17, Prop. 1.6 et p.
12]).
Lemme 2.3.1.6. On a les inclusions suivantes :
(a) Semik (B) · Semil (B) ⊂ Semik+l (B),
(b) Strongk (B) · Strongl (B) ⊂ Strongk+l (B),
(c) Weakk (B) · Strongl (B) ⊂ Weakk+l (B),
(d) Nef k (B) · Psef l (B) ⊂ Nef k+l (B).
Démonstration. Le premier énoncé résulte du fait que Semik (U ) est engendré par
V
2
les formes ik a ∧ a pour a ∈ k U .
Pour le deuxième, il suffit de remarquer que Strongk (U ) est engendré par les
Vk
2
formes ik a ∧ a pour a ∈
U décomposable.
Enfin, on montre (c), l’argument pour (d) étant similaire. Soit α ∈ Weakk (B) et
β ∈ Strongl (B). Il faut vérifier que l’on a α·β·γ ≥ 0 pour tout γ ∈ Strong2n−k−l (B).
Comme β · γ ∈ Strong2n−k (B), cela découle du fait que l’on a α ∈ Weakk (B).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
2.3.1.2
28
Une conjecture de Harvey, Knapp et Lawson
Remarquons que les notions de positivité « faiblement positive », « semipositive »
et « fortement positive » peuvent être définies plus généralement pour des classes
d’une variété algébrique projective complexe [24, §1]. On a la conjecture suivante
due à Harvey et Knapp et Lawson [24, p. 376].
Conjecture 2.3.1.7 (Harvey, Knapp, Lawson). Soit X une variété algébrique complexe projective de dimension n. Alors toute classe rationnelle dans l’intérieur de
Strongk (X) est la classe d’un cycle effectif à coefficients rationnels pour 0 ≤ k ≤ n.
Remarque 2.3.1.8. Une classe rationnelle α ∈ NkQ (X) est effective si et seulement si
elle représente un cycle effectif à coefficients rationnels : soit α ∈ Eff k (X). Comme
le cône effectif Eff k (X) ⊂ Nk (X) est engendré par des classes dans NkQ (X), il existe
d’après le théorème de Carathéodory v0 , . . . , vn ∈ Eff k (X) ∩ NkQ (X) tels que α =
Pn
k
k
i=0 λi vi avec λi ∈ R+ . Pour α ∈ Eff (X) ∩ NQ (X), on a donc λi ∈ Q pour
i = 0, . . . , n, ce qui entraîne le résultat souhaité. Il en découle que la conjecture
2.3.1.7 entraîne Psef k (X) = Strongk (X) (cf. conjecture 2.1.0.5).
Remarque 2.3.1.9. Une version plus faible de la conjecture 2.3.1.7 est équivalente
à la conjecture de Hodge (cf. [24, p. 376-377]). En particulier, la conjecture 2.3.1.7
entraîne la conjecture de Hodge.
A l’origine, Harvey et Knapp [35, II, p. 59] conjecturaient même que toute classe
rationnelle dans Strongk (X) est effective, mais la restriction à l’intérieur du cône
Strongk (X) est nécessaire à cause de l’exemple suivant de Lawson [41, Thm. 6.7].
Théorème 2.3.1.10 (Lawson). Soit E la courbe elliptique C /(Z +i Z). Alors il
existe pour tout k ≥ 2 une classe entière α dans le bord du cône Strongk (E 2k ) qui
n’est pas effective.
Lawson construit une classe satisfaisant les propriétés du théorème 2.3.1.10
comme suit. Soit X une variété algébrique (complexe) projective. Pour une classe
α ∈ H 2n−k (X, R), on note ∗α son dual (de Poincaré) dans Hk (X, R). Lawson étudie
les classes fortement positives à travers leurs duaux en exploitant une interprétation
de l’homologie en fonction des courants sur X. Cela permet de définir une longueur
k·kZ sur Hk (X, Z) et une longueur k·kR sur Hk (X, R) (cf. [41, §1]) telles que l’on ait
kαkZ ≥ ki(α)kR ,
où l’on note i : Hk (X, Z) → Hk (X, R) l’application canonique. De plus, on a
kmαkZ ≤ mkαkZ et kmβkR = mkβkR pour tout entier positif m. Une classe α ∈
Hk (X, Z) est dite stable, s’il existe un entier positif m tel que kmαkZ = kmi(α)kR .
Lawson montre ensuite le théorème suivant [41, Corol. 2.6].
Théorème 2.3.1.11 (Lawson). Soit X une variété algébrique complexe projective
de dimension n. Une classe fortement positive α ∈ H 2n−2k (X, Z) est effective si et
seulement si la classe ∗α ∈ H2k (X, Z) est stable.
Afin d’obtenir une classe fortement positive non effective, on est ainsi ramené à
la construction d’une classe d’homologie β ∈ H2k (X, Z) qui n’est pas stable mais
qui est le dual d’une classe fortement positive.
Soit R2m muni du produit intérieur standard et d’une structure complexe J :
2m
R → R2m . Notons U = (R2m , J) l’espace vectoriel complexe associé. Regardons
maintenant une variété abélienne B = U/Γ, où Γ est un réseau dans U (resp. dans
V
R2m ). Rappelons que l’on a H2k (B, Z) = 2k
le produit intérieur
Z Γ (cf. (2.3)), et queV
k 2m
2m
R . Des formes
standard sur R induit naturellement un produit intérieur sur
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
29
Vk
Γ sont dites orthogonales si elles sont orthogonales vues comme formes
β1 , β2 ∈
Vk 2m
dans
R . Le critère suivant permet alors la construction souhaitée [41, Corol.
6.5].
Corollaire 2.3.1.12 (Lawson). Soit β ∈ H2k (B, Z). Supposons que l’on peut écrire
V2k
β = β1 + β2 , où les βi sont décomposables, β1 ⊥ β2 et mβi 6∈ Z Γ pour tout entier
positif m. Alors β n’est pas stable.
Construisons donc une variété abélienne B ≃ E 2k , où E est la courbe elliptique
C /(Z +i Z), et une classe β ∈ H2k (B, Z) satisfaisant ces propriétés : soit k ≥ 2 et
posons n = 4k. Soit Γ le réseau dans Rn engendré par les vecteurs
v2i−1 = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0),
√
v2i = (0, . . . , 0, 1/ 2, 0, . . . , 0)
pour i = 1, . . . , 2k, où le j-ième coefficient de vj est non nul. Munissons Rn d’une
structure complexe en posant
Jvi := vi+2k ,
Jvi+2k := −vi
pour i = 1, . . . , 2k. Si l’on note U l’espace vectoriel complexe de dimension 2k ainsi
obtenu, on voit que la variété abélienne B = U/Γ associée est isomorphe à E 2k .
Afin de construire la classe β ∈ H2k (B, Z), on pose
√
ei = v2i−1 + 2v2i ,
√
e′i = v2i−1 − 2v2i
pour i = 1, . . . , 2k et
β1 = e1 ∧ · · · ∧ e2k ,
β2 = e′1 ∧ · · · ∧ e′2k .
V2k
La classe β = β1 + β2 étant invariante sous l’automorphisme de Galois de Z[√2] Γ
√
√
V2k
qui envoie 2 sur − 2, on voit que β est contenu dans Z Γ = H2k (B, Z). Comme
β1 et β2 ont des coefficients irrationnels, aucun multiple entier de βi appartient à
V
k
Z Γ. De plus, β1 et β2 sont orthogonaux de sorte que la classe β n’est pas stable
par le corollaire 2.3.1.12.
Or on a Jei = ei+k et Je′i = e′i+k pour i = 1, . . . , k de sorte qu’un calcul montre
que le (k, k)-vecteur
β̃ = (−1)k(k−1)/2 β
= e1 ∧ Je1 ∧ · · · ∧ ek ∧ Jek + e′1 ∧ Je′1 ∧ . . . e′k ∧ Je′k
est le dual de la (k, k)-forme fortement positive
α̃ = e∗1 ∧ Je∗1 ∧ · · · ∧ e∗k ∧ Je∗k + e∗1 ∧ Je∗1 ∧ . . . e∗k ∧ Je∗k .
Il reste à remarquer que β̃ 2 = 0 implique que β̃ définit une classe sur le bord de
Strong2k (E 2k , R).
2.3.1.3
Les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin
On résume les résultats principaux de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin concernant les classes pseudoeffectives dans le théorème suivant ( [17, corollaire 5.1 et
proposition 5.2]).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
30
Théorème 2.3.1.13 (Debarre, Ein, Lazarsfeld, Voisin).
1. Soit E une courbe
elliptique à multiplication complexe. Alors on a, pour tout entier positif s et
pour k ∈ {0, . . . , s},
Sk Psef 1 (E s ) = Psef k (E s ) = Strongk (E s ).
2. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 2. Alors on a
S2 Psef 1 (A × A) = Psef 2 (A × A) = Strong2 (A × A) = Semi2 (A × A), (2.15)
S2n−2 Psef 1 (A × A) = Psef 2n−2 (A × A) = Strong2n−2 (A × A).
Le théorème 2.3.1.10 et le théorème 2.3.1.13 impliquent alors la proposition
suivante.
Proposition 2.3.1.14. Soit E la courbe elliptique C /(Z +i Z). Alors il existe pour
tout k ≥ 2 une classe entière α ∈ Nk (E 2k ) telle que
α ∈ Psef k (E 2k ) et α 6∈ Eff k (E 2k ).
C’est un phénomème qui n’apparaît pas en codimension 1, où toute classe pseudoeffective rationnelle est effective à cause de la proposition suivante [7, Lemme
1.1].
Proposition 2.3.1.15 (Bauer). Soit B une variété abélienne et soit D un diviseur
entier sur B. Alors on a [D] ∈ Eff 1 (B) si et seulement si [D] ∈ Nef 1 (B).
Remarque 2.3.1.16. Soit E = C /(Z +i Z). Le cône Psef 1 (E 2k ) doit avoir des classes
irrationnelles non effectives sur le bord : si toutes les classes irrationnelles dans
Psef 1 (E 2k ) étaient effectives, on aurait Psef 1 (E 2k ) = Eff 1 (E 2k ), ce qui entraînerait
donc
Eff k (E 2k ) = Psef k (E 2k ) = Strongk (E 2k )
par le théorème 2.3.1.13. C’est une contradiction avec la proposition 2.3.1.14, d’où
le résultat.
Remarque 2.3.1.17. Soit X une variété algébrique projective. Voisin conjecture que
la classe [Z] ∈ Nk (X) d’une sous-variété Z de X est big si Z bouge dans une
famille telle que les sous-espaces tangents correspondant dans un point général de
X dominent la Grassmannienne correspondante. Si B est une variété abélienne,
l’égalité Psef k (B) = Strongk (B) entraîne la conjecture de Voisin [17, Rem. 6.4].
Concernant la comparaison des classes pseudoeffectives et nefs, Debarre, Ein,
Lazarsfeld et Voisin montrent [17, Cor. 5.1] :
Théorème 2.3.1.18.
1. Soit E une courbe elliptique à multiplication complexe
et soit s ≥ 4 un entier positif. Alors on a, pour k ∈ {2, . . . , s − 2},
Psef k (E s )
Nef k (E s ).
2. Soit A une surface abélienne principalement polarisée très générale. Alors on
a
Psef 2 (A × A) Nef 2 (A × A).
2.3.2
Le cône Sk Psef 1 (Ae )
Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale. Dans cette
section, on montre que le cône Sk Psef 1 (Ae ) engendré par les intersections de diviseurs pseudoeffectifs est fermé et l’on détermine ses rayons extrémaux pour k ∈
{0, . . . , n} et e ≥ 2 (proposition 2.3.2.5).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
2.3.2.1
31
Diviseurs pseudoeffectifs
Regardons d’abord le cas k = 1 (cf. [40, §5.2] et [54]). Posons EndR (Ae ) =
End(Ae ) ⊗Z R. Notons EndsR (Ae ) l’espace des éléments symétriques par rapport à
l’involution de Rosati de EndR (Ae ) et Tx la translation par x dans Ae pour un
ce ≃ Ae , on obtient un isomorphisme
x ∈ Ae fixé. Ayant A
N1 (Ae )
L
≃
EndsR (Ae )
7→ φL
de R-espaces vectoriels, où φL (x) = Tx∗ L ⊗ L−1 . Si l’on identifie EndR (Ae ) avec
l’algèbre de matrices Mate (R), l’involution de Rosati correspond à l’involution qui
envoie une matrice sur sa transposée, de sorte que N1 (Ae ) est isomorphe à l’espace
des matrices e × e réelles symétriques Syme (R). Comme les valeurs propres de φL
sont les mêmes que celles d’une matrice représentant la forme hermitienne HL associée à L [40, Lemme 2.4.5], le cône Nef 1 (Ae ) correspond au cône Sym+
e (R) des
matrices réelles symétriques semipositives (cf. proposition 2.3.4.2 pour des propriétés élémentaires de ce cône). De plus, l’action de GL(W ) sur N1 (Ae ) correspond à
l’action de GLe (R) sur Syme (R) donnée par [54, Theorem 4.2]
∀g ∈ GLe (R) ∀M ∈ Syme (R)
g · M = gM tg,
de sorte que le cône Nef 1 (Ae ) est homogène sous l’action de GL(W ).
Ayant φθi (x1 , . . . , xe ) = (0, . . . , 0, xi , 0, . . . , 0), on voit que θi correspond à une
matrice symétrique de rang 1 dans Sym+
e (R), d’où l’on déduit que θi est extrémal dans Nef 1 (Ae ). Toutes les matrices symétriques semipositives de rang 1 étant
congruentes sous l’action de GL(W ), on obtient comme cas particulier de [54, Thm
4.3] l’énoncé suivant.
Proposition 2.3.2.1. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale. Alors on a
Psef 1 (Ae ) = Nef 1 (Ae ) ≃ Sym+
e (R)
et l’action de GL(W ) sur Psef 1 (Ae ) correspond à l’action de GLe (R) sur Sym+
e (R)
par congruence. La classe θ1 correspond à une matrice de rang 1 sous cette identification, de sorte que l’ensemble des rayons extrémaux de Psef 1 (Ae ) est l’orbite
GL(W ) · θ1 .
2.3.2.2
Produits de diviseurs pseudoeffectifs
Avant d’étudier le cône Sk Psef 1 (Ae ) pour k ≥ 2, on aura besoin des notations
suivantes.
Notation 2.3.2.2. Si E est un sous-ensemble de Rd , on note conv(E) l’enveloppe
convexe de E et cone(E) le cône convexe engendré par E. Pour un cône convexe
C ⊂ Rd , on note ext(C) la réunion des rayons extrémaux de C.
Remarque 2.3.2.3. Soit B := {w1 , . . . , we } une base de W . Munissons W du produit
intérieur tel que la base B soit orthonormée et notons O(W ) le groupe orthogonal
par rapport à ce produit intérieur. Dans les coordonnées associées à B, GL(W )
s’identifie avec GLe (R), et si l’on identifie S2 W avec N1 (Ae ) comme décrit dans
la remarque 2.2.3.11, l’action de g ∈ GL(W ) sur θ1 ne dépend que de la première
colonne de la matrice représentant g, de sorte que GL(W ) · θ1 = R∗+ (O(W ) · θ1 ).
Notation 2.3.2.4. Posons pour la suite
Ek = {g1 θ1 · · · gk θ1 | g1 , . . . , gk ∈ GL(W )} ⊂ Nk (Ae ).
Pour α et β ∈ N• (Ae ), on écrit α ∼ β, si α et β sont dans la même orbite sous
l’action de GL(W ).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
32
Proposition 2.3.2.5. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n. Le cône Sk Psef 1 (Ae ) est fermé et l’on a l’inclusion
ext(Sk Psef 1 (Ae )) ⊂ Ek
qui est une égalité pour k ∈ {0, . . . , n}.
Démonstration. Posons G = GL(W ). Comme un cône fermé saillant est l’enveloppe
convexe de ses rayons extrémaux, toute classe α ∈ Psef 1 (Ae ) s’écrit comme combinaison convexe de classes dans l’orbite G · θ1 par la proposition 2.3.2.1. On a
donc
Sk Psef 1 (Ae ) = cone{g1 θ1 · · · gk θ1 | g1 , . . . , gk ∈ G}.
En particulier, Sk Psef 1 (A × A) est le cône engendré par l’image de l’application
continue (cf. remarque 2.3.2.3)
ϕ : O(W ) × · · · × O(W )
(g1 , . . . , gk )
→ Nk (Ae )
7→ g1 θ1 · · · gk θ1 ,
i.e., Sk Psef 1 (Ae ) est engendré par un ensemble compact et est donc fermé. Or,
l’enveloppe convexe de l’image de ϕ est compacte de sorte que tout x ∈ conv(im(ϕ))
s’écrit comme combinaison convexe d’un nombre fini d’éléments de im(ϕ). Comme,
par la remarque 2.3.2.3,
Sk Psef 1 (Ae ) = cone(conv(im(ϕ))) = {λx | λ ∈ R+ , x ∈ conv(im(ϕ))},
on a
Montrons maintenant
ext(Sk Psef 1 (Ae )) ⊂ Ek .
Ek ⊂ ext(Sk Psef 1 (Ae ))
pour 1 ≤ k ≤ n. On raisonne par récurrence sur k. Pour éviter des indices, on le
démontre pour e = 2, le raisonnement pour le cas e ≥ 3 étant similaire.
Supposons donc e = 2. Pour k = 1, c’est la proposition 2.3.2.1. Soit maintenant
k ≥ 2 et soit g1 θ1 · · · gk θ1 ∈ Ek . Comme
g1 θ1 · · · gk θ1 ∼ θ1 · g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 =: α,
et comme ext(Sk Psef 1 (A × A)) estPinvariant sous l’action de G, il suffit de montrer
que α est extrémal. Ecrivons α = j sj avec
sj = g1j θ1 · · · gkj θ1
et
gij θ1 = (aji )2 θ1 + (bji )2 θ2 + aji bji λ.
Supposons qu’il existe un sj tel que bji 6= 0 pour tout i ∈ {1, . . . , k}. Cela implique
que sj contient θ2k comme terme avec un coefficient strictement positif, ce qui n’est
pas possible, car les coefficients de ce terme sont toujours ≥ 0 et α ne contient pas
de tel terme. On peut donc supposer, pour tout j, sj = θ1 · g2j θ1 · · · gkj θ1 , i.e.,
X
θ1 · (g2j θ1 · · · gkj θ1 ).
θ1 · g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 =
j
Par le corollaire 2.2.3.7, on a, pour 1 ≤ k ≤ n,
X j
g2 θ1 · · · gkj θ1 ,
g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 =
j
ce qui fournit le résultat par récurrence sur k : tous les g2j θ1 · · · gkj θ1 doivent être
proportionnels à g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 , donc tous les sj sont proportionnels à α.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
33
Finissons par la proposition suivante qui nous servira dans la section 2.3.4.2.
Proposition 2.3.2.6. Soit g ∈ GL(W ), soit 1 ≤ k ≤ n − 1 et soit
ϕg : Nk (Ae )
→ Nk+1 (Ae )
7→ gθ1 · α.
α
k+1
Psef 1 (Ae )) = Sk Psef 1 (Ae ).
Alors ϕ−1
g (S
Démonstration. Il faut montrer que gθ1 · α ∈ Sk+1 Psef 1 (Ae ) implique que α est
contenu dans Sk Psef 1 (Ae ) (l’autre sens est clair). Par la stabilité de Sk Psef 1 (Ae )
sous l’action de GL(W ), il suffit de le montrer pour ϕid . Soit θ1 ·α ∈ Sk+1 Psef 1 (Ae ).
Par la proposition précédente, on peut alors écrire
X j
g1 θ1 · · · gkj θ1 ,
θ1 · α =
j
où la somme à droite contient un nombre fini de termes. Par l’argument utilisé dans
la preuve de la proposition 2.3.2.5, on obtient
X j
g2 θ1 · · · gkj θ1 .
θ1 · α = θ1 ·
j
Par le corollaire 2.2.3.7, on a donc
X j
g2 θ1 · · · gkj θ1 ∈ Sk Psef 1 (Ae ).
α=
j
2.3.3
Le cône semipositif
Soit A = U/Γ toujours une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n, où U est un espace vectoriel complexe et Γ un réseau dans
U . Soit W un espace vectoriel réel de dimension e et écrivons V ∗ ≃ U ∗ ⊗R W . On
note VR l’espace vectoriel réel engendré par les vecteurs vsr , 1 ≤ s ≤ n, 1 ≤ r ≤ e
(cf. (2.9)).
Dans ce chapitre, on étudie les cônes semipositifs Semik (Ae ). Dans une première
étape, on
V remarque qu’au lieu de regarder la positivité des formes hermitiennes
Hα sur k V associées aux classes α ∈ Nk (Ae ), on peut étudier la positivité d’une
V
forme bilinéaire symétrique Bα sur k VR . Pour k fixé, on montre qu’il existe une
base telle que les matrices représentant les formes symétriques
Bα se décomposent
Vk
VR en tant que GL(W )en blocs correspondant aux facteurs irréductibles de
module (proposition 2.3.3.2). La démonstration de la proposition 2.3.3.2 fournira
aussi une méthode pour calculer les matrices bα représentant les formes symétriques
Bα à partir des représentations irréductibles de GL(W ) (remarque 2.3.3.3), ce qui
nous permet de déduire que le cône Semik (Ae ) ne dépend pas de la dimension de
A pour n ≥ k (corollaire 2.3.3.4). Enfin, on montre que, pour 1 ≤ k ≤ n, on a des
isomorphismes
Nk (A × A) ≃ Symk+1 (R),
N2n−k (A × A) ≃ Symk+1 (R),
qui associent à une classe semipositive une matrice symétrique semipositive (proposition 2.3.3.9).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
34
On reprend les notations de la section 2.2.3. La base {w1 , . . . , we } de W est dite
base standard de W et
{vs1 r1 ∧ · · · ∧ vsk rk | 1 ≤ si ≤ n, 1 ≤ ri ≤ e, i ∈ {1, . . . , k}}
Vk
Vk
est dite base standard de
V (resp. de
VR ) (cf. (2.9)). Le produit intérieur sur
Vk
Vk
V (resp. sur
VR ) telle que la base standard est une base orthonormée est dit
produit intérieur standard.
2.3.3.1
Décomposition des formes hermitiennes
Afin d’associer à une classe dans Nk (A × A) une forme bilinéaire symétrique sur
un espace vectoriel réel, et pour étudier l’ensemble des formes ainsi obtenues, on a
d’abord besoin d’un lemme technique.
Vk
V ) la représentation induite par la représentation
Soit ρk : End(W ) → End(
B
tautologique W et notons ρk (g) la matrice représentant ρk (g) par rapport aux
V
coordonnées standards sur W resp. sur k V . Rappelons que l’on a un isomorphisme
End(W ) → End(Ae ) ⊗ R
g 7→ ug
et que, par construction, la représentation analytique de ug est donnée par ρ1 .
Ayant de plus un isomorpisme φ : N1 (Ae ) → Ends (Ae ) ⊗ R, on peut identifier tout
α ∈ N1 (Ae ) avec un gα ∈ End(W ). Par [40, Lemme 2.4.5], on a
B
ρB
1 (gα ) = hα ,
(2.16)
où l’on note hB
α la matrice représentant la forme hermitienne Hα associée à α ∈
N1 (Ae ) par rapport aux coordonnées standards sur W resp. sur V .
V
Lemme 2.3.3.1. Dans les coordonnées standards de W , resp. de k V , on a
ρB
k (gα ) =
1 B
h k
k! α
pour tout α ∈ N1 (Ae ).
Démonstration. Rappelons que le produit extérieur d’une forme hermitienne sur V
est défini par
k
^
( H)(v1 ∧ · · · ∧ vk , w1 ∧ · · · ∧ wk ) = det(H(vi , wj )1≤i,j≤k )
Vk
pour v1 ∧· · ·∧vk et w1 ∧· · ·∧wk dans
V . Comme le produit d’intersection de deux
classes dans N• (Ae ) correspond au produit extérieur des (k, k)-formes représentant
Vk
1
les deux classes, on a ( Hα ) = k!
Hαk et donc
1 B
h k = det((hB
α )1≤i,j≤k ).
k! α
V
En même temps, ρ1 (gα ) induit naturellement un endomorphisme k ρ1 (gα ) sur
Vk
Vk
ρ1 (gα )(v1 ∧ · · · ∧ vk ) := ρ1 (gα )v1 ∧ · · · ∧ ρ1 (gα )vk . Dans la base
V en posant
Vk
standard de
V , on a
Ayant ρB
k (gα ) =
Vk
k
^
B
ρB
1 (gα ) = det(ρ1 (gα )1≤i,j≤k ).
ρB
1 (gα ), on obtient le résultat souhaité par (2.16).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
35
Remarquons que toutes les matrices hB
α sont réelles, de sorte que les matrices
k
k
e
hB
αk sont également réelles. Comme les α engendrent N (A ) [55, Prop. 2.8], on
k
e
B
en déduit que, pour tout β ∈ N (A ), la matrice hβ est réelle. Cela nous permet
Vk
d’identifier ces matrices avec une forme bilinéaire symétrique sur
VR . On obtient
ainsi une application
k
^
B : Nk (Ae ) → S2 ( VR∗ )
α 7→ Bα ,
qui associe
à une classe semipositive une forme bilinéaire symétrique semipositive
Vk
Vk
sur
VR . La proposition suivante montre qu’il existe une base de
VR telle
k
que, pour tout α ∈ N (Ae ), la matrice bα représentant la forme bilinéaire Bα se
Vk
VR .
décompose en blocs correspondant aux GL(W )-module irréductibles de
Proposition 2.3.3.2. Il existe une décomposition
k
^
VR =
M
Ml
l
en facteurs irréductibles en tant que GL(W )-modules telle que l’application B :
Vk
L
Nk (Ae ) → S2 ( VR∗ ) se factorise par l S2 (Ml∗ ).
Vk
VR est orthogonale par rapport au
Démonstration. Comme la base standard de
produit intérieur
standard,
il
existe
par
l’astuce
unitaire
une transformation orthoVk
Vk
gonale a :
VR →
VR telle que la nouvelle base est adaptée à la décomposition
Vk
L
VR = l Ml . Par la proposition 2.3.3.1, on a donc
t
a
1 B
−1 B
b k a = taρB
ρk (gβ )a
k (gβ )a = a
k! β
pour tout β ∈ N1 (Ae ). Par construction, les matrices a−1 ρB
k (gβ )a se décomposent en
Vk
VR , et comme les β k engendrent
blocs correspondant aux facteurs irréductibles de
Nk (Ae ), on en déduit le résultat souhaité.
Remarque 2.3.3.3. La démonstration de la proposition 2.3.3.2 montre comment on
peut calculer les matrices bα représentant les formes Bα associées aux classes α dans
Nk (Ae ) : soit
k
^
M
VR =
Ml
(2.17)
l
une décomposition en facteurs irréductibles
orthogonaux deux à deux par rapport
Vk
au produit intérieur standard sur
VR . Choisissons maintenant une base orthoVk
normée de
VR adaptée à cette décomposition.
Si l’on note ρMl la représentation
L
End(W ) → End(Ml ), on a ρk (g) =
ρ
(g)
et
par la proposition 2.3.3.1, on a
l Ml
1
bβ k |Ml pour tout β ∈ N1 (Ae ) dans les coordonnées choisies. Cela nous
ρMl (gβ ) = k!
permet de calculer les matrices bα pour α ∈ Nk (Ae ) comme suit (on l’explique en
détail pour e = 2, le cas général étant similaire) : on calcule d’abord les représentations ρMl : End(W ) → End(Ml ) dans une base orthonormée de Ml par rapport au
Vk
produit intérieur induit sur Ml en tant que sous-module de
VR . Supposons que
l’on obtient
ρMl : Mat2 (R) → Matdim(Ml ) (R)
a b
7→ (pij (a, b, c, d))ij ,
c d
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
36
où les pij sont des polynômes homogènes de degré k. Écrivons de plus
X (l)
tij al1 dl2 bl3
pij (a, b, b, d) =
|l|=k
(l)
avec l = (l1 , l2 , l3 ) et tij ∈ R. On a d’autre part
X k al1 dl2 bl3 θ1l1 θ2l2 λl3 .
(aθ1 + dθ2 + bλ)k =
l1 , l2 , l3
|l|=k
Si α ∈ Nk (Ae ) est une classe représentée par le polynôme
X
xl1 ,l2 ,l3 θ1l1 θ2l2 λl3 ,
|l|=k
la matrice bα |Ml représentant Bα |Ml , est alors donnée par


−1
X
1
k
(l)
tij
bα |Ml = 
xl1 ,l2 ,l3  .
k!
l1 , l2 , l3
|l|=k
(2.18)
ij
Remarquons enfin que si Ml et Ml′ sont des modules isomorphes dans la décomposition (2.17), il suffit de calculer bα |Ml pour étudier la positivité de α. Cela
découle du fait que bα |Ml′ est une matrice semblable à bα |Ml , de sorte que les deux
matrices ont les mêmes valeurs propres.
Corollaire 2.3.3.4. Les cônes Semik (Ae ) ne dépendent pas de la dimension de A
pour n ≥ k.
Démonstration. Par la démonstration de la proposition 2.3.3.2 et par la remarque
2.3.3.3,
V il suffit de montrer qu’un module irréductible apparaît dans la décomposition
V
de k W ⊕n si et seulement s’il apparaît dans la décomposition de k W ⊕k pour
Pk
n ≥ k : notons l un multi-indice (l1 , . . . , lk ) et posons |l| = i=1 li . On a
k
^
et
k
^
W ⊕k =
W ⊕n =
lk
l1
^
M ^
( W ⊗ · · · ⊗ W )⊕ml
|l|=k
l1
lk
^
M ^
n
( W ⊗ · · · ⊗ W )⊕( k )ml ,
|l|=k
où ml est un entier positif, d’où le résultat.
2.3.3.2
Spéctraèdres
Les cônes semipositifs font partie d’une certaine classes de cônes, que l’on étudie
en géométrie convexe. Écrivons dans la suite M 0, si M est une matrice m × m
réelle symétrique semipositive.
Définition 2.3.3.5. Soient M0 , M1 , . . . , Mm des matrices l × l réelles symétriques.
L’ensemble
{(x1 , . . . , xm ) ∈ Rm | M0 + x1 M1 + · · · + xm Mm 0}
est appelé un spectraèdre. Si M0 = 0, on obtient un cône, et on dit qu’un tel cône
est un cône spectraèdral.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
37
Si {α1 , . . . , αm } est une base de Nk (B), on a
Semik (B) = {β =
m
X
i=1
xi αi ∈ Nk (B) | x1 bα1 + . . . xm bαm 0},
de sorte que les cônes semipositifs sont des cônes spectraèdraux.
Définition 2.3.3.6. Soit C ⊂ Rm un sous-ensemble fermé convexe. On dit qu’un
sous-ensemble F ⊂ C est une face de C si
∀x, y ∈ C ∀t ∈]0, 1[
tx + (1 − t)y ∈ F ⇒ x, y ∈ F.
Une face F est dite exposée si F = C ou s’il existe un hyperplan H ⊂ Rm tel que
C \ H est connexe et F = H ∩ C.
Par le résultat suivant, on sait que toutes les faces des cônes semipositifs sont
exposées.
Théorème 2.3.3.7 (Ramana et Goldman [19]). Soit C un spectraèdre. Alors toute
face de C est une face exposée.
2.3.3.3
Le cas A × A
Regardons maintenant le cas e = 2. On montre d’abord que, pour 1 ≤ k ≤ n, on
a des isomorphismes Nk (A × A) → Symk+1 (R) et N2n−k (A × A) → Symk+1 (R) qui
envoient une classe semipositive sur une matrice symétrique semipositive (proposition 2.3.3.9). Expliquons l’idée pour n = k : ayant VR = W ⊕k , le GL(W )-module
V
Sk (W ) est un facteur irréductible de k VR . On choisit alors une base telle que les
matrices
bα se décomposent en blocs correspondant aux facteurs irréductibles de
Vk
VR . En prenant la projection sur le bloc correspondant à une copie de Sk W , on
obtient l’isomorphisme souhaité.
Ensuite, on applique la méthode décrite dans la remarque 2.3.3.3 afin de calculer
l’isomorphisme Nk (A × A) → Symk+1 (R) explicitement (lemme 2.3.3.10) et pour
obtenir des inéquations définissant les cônes semipositifs Semik (A × A) pour A de
dimension 3 et pour 2 ≤ k ≤ 4.
Commençons par un lemme technique.
Lemme 2.3.3.8. Soit ρ : End(W ) → End(Sk W ) la représentation standard et soit
ρB : Mat2 (R) → Matk+1 (R) l’application induite par ρ pour un choix de coordonnées
sur W . L’espace vectoriel engendré par ρB (Sym2 (R)) est de dimension (k+1)(k+2)
=
2
dim S2 (Sk W ).
Démonstration. On choisit une base {w1 , w2 } de W et la base correspondante
{w1i w2k−i | 0 ≤ i ≤ k} de Sk W . Soit D la matrice diagonale avec Dii = ni
pour 0 ≤ i ≤ k. Comme D est inversible, il suffit de montrer que l’espace engendré
. Pour cela, on procède
par les matrices ρB (Sym2 (R))D est de dimension (k+1)(k+2)
2
comme suit. D’abord on identifie Sym2 (R) avec S2 W par l’application
a b
7→ aw12 + bw1 w2 + cw22 .
b c
Alors on a (aw12 + bw1 w2 + cw22 )k ∈ Sk (S2 W ). Soit φ : Sk (S2 W ) ≃ S2 (Sk W )
l’isomorphisme donné par la réciprocité d’Hermite (cf. par exemple [60, Lemma 3]).
Comme les (aw12 +bw1 w2 +cw22 )k engendrent Sk (S2 W ), les φ((aw12 +bw1 w2 +cw22 )k )
engendrent S2 (Sk W ), de sorte qu’il suffit de montrer que l’on a
a b
∀g =
∈ Sym2 (R)
φ((aw12 + bw1 w2 + cw22 )k ) = ρB (g)D,
(2.19)
b c
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
38
où l’on identifie S2 (Sk W ) avec Symk+1 (R) (voir ci-dessous pour les détails).
Pour montrer l’égalité (2.19), on rappelle d’abord que l’isomorphisme φ est donné
par
φ : Sk (S2 W ) → S2 (Sk W ) ֒→ Sk W ⊗ Sk W,
(w12 )r1 (w1 w2 )r2 (w22 )r3 7→ (w1 ⊗ w1 )∗r1 ∗ (w1 ⊗ w2 + w2 ⊗ w1 )∗r2 ∗ (w2 ⊗ w2 )∗r3 ,
où (u1 ⊗ u2 ) ∗ (v1 ⊗ v2 ) = (u1 v1 ⊗ u2 v2 ) ∈ S2 W ⊗ S2 W pour u1 , u2 , v1 , v2 ∈ W . Un
calcul montre alors que l’image de (aw12 + bw1 w2 + cw22 )k par φ est
r2 X
X
r2
k
w1r1 +r2 −s w2s+r3 · w1r1 +s w2r2 −s+r3 . (2.20)
ar 1 b r 2 cr 3
s
r1 , r2 , r3
s=0
r1 +r2 +r3 =k
Calculons maintenant ρB (g)D. Pour 0 ≤ j ≤ k, on a
g · w1j w2k−j = (aw1 + bw2 )j (bw1 + dw2 )k−j
!
i k
X
X
j
k − j i−l j−i+2l k−j−l
w1i w2k−i ,
a b
c
=
i
−
l
l
i=0
l=0
et ayant
j
i−l
k−j
l
k
i−l,j−i+2l,k−j−l
=
i X
j−i+2l
l
k−1
j
, on obtient ainsi
j − i + 2l i−l j−i+2l k−j−l
(ρB (g)D)ij =
a b
d
,
l
l=0
(2.21)
et l’on vérifie facilement que cette matrice est symétrique. Cela nous permet de voir
η(g) := ρB (g)D comme un élément dans S2 (Sk W ) via l’isomorphisme S2 (Sk W ) ≃
P
Symk+1 (R) qui envoie η(g) sur 0≤i≤j≤k η(g)ij w1i w2k−i · w1j w2k−j . En posant r1 =
i − l, r2 = j − i + 2l, r3 = k − j − l pour i, j, l fixés, le terme associé de la somme
donnant η(g)ij s’écrit
k
r2 r1 r2 r3
a b d ,
l
r1 , r2 , r2
et l’on a
k
i − l, j − i + 2l, k − j − l
i = r1 + r2 − l,
k − i = l + r3 ,
k − j = r2 − l + r3 ,
j = r1 + l,
ce qui fournit le résultat souhaité en comparant avec (2.20).
V
Étudions maintenant la décomposition de k VR en GL(W )-modules irréducV
tibles. Comme on a VR ≃ W ⊕n en tant que GL(W )-modules, on remplace k VR
Vk ⊕n
W
dans la suite. Or
par
k
^
k
W ⊕n =
⌊2⌋
M
det(W )⊗s ⊗ W ⊗k−2s
s=max{0,k−n}
k
=
⌊2⌋
M
s=max{0,k−n}


⌊ k−2s
⌋
2
M
i=0
n
(k−2s
)(2s
s)
n
(k−2s
)(2s
s)
det(W )⊗i+s ⊗ Sk−2s−2i W 
.
Posons Mk,l = det(W )⊗l ⊗ Sk−2l W pour 0 ≤ l ≤ ⌊ k2 ⌋ et notons mk,l la multiplicité
Vk ⊕n
W . Soit
de Mk,l dans la décomposition de
M
∗ ⊕mk,l
∗
pl :
S2 (Mk,l
)
→ S2 (Mk,l
)
l
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
39
∗
une projection sur une des copies de S2 (Mk,l
).
La proposition suivante fournit alors les isomorphismes Nk (A×A) ≃ Symk+1 (R)
(resp. N2n−k (A × A) → Symk+1 (R)) qui envoient les classes semipositives sur des
matrices semipositives pour 1 ≤ k ≤ n (après un choix de coordonnées sur Sk W ∗
(resp. sur Sk W ∗ ⊗ det(W ∗ )⊗n−k )).
Proposition 2.3.3.9. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n et soit 0 ≤ k ≤ 2n. Alors les GL(W )-morphismes
∗
pl ◦ B : Nk (A × A) → S2 (Mk,l
)
sont surjectifs pour tout l. En particulier, pour 1 ≤ k ≤ n, les applications
p0 ◦ B : Nk (A × A) → S2 (Sk W ∗ )
resp.
pn−k ◦ B : N2n−k (A × A) → S2 (Sk W ∗ ⊗ det(W ∗ )⊗n−k )
sont des isomorphismes de GL(W )-modules qui envoient toute classe semipositive
sur une forme bilinéaire symétrique semipositive.
Démonstration. Rappelons que l’on a un isomorphisme N1 (Ae ) ≃ Sym2 (R), et
que l’on note gβ la matrice symétrique ainsi associée à β ∈ N1 (Ae ). Soit ρMk,l :
End(W ) → End(Mk,l ) la représentation standard et
ρB
Mk,l : Mat2 (R) → Matdim(Mk,l ) (R)
l’application induite pour des coordonnées sur W et Mk,l fixées. Par la démonstration de la proposition 2.3.3.2, resp. par la remarque 2.3.3.3, on peut supposer
que les coordonnées sont choisies de façon que pl ◦ Bβ k = ρB
Mk,l (gβ ) pour tout
β ∈ N1 (A × A). Comme les β k engendrent Nk (Ae ), l’application pl ◦ h est donc
surjective si et seulement si les matrices
2l
B
ρB
Mk,l (gβ ) = det(gβ ) · ρMk,l (gβ )
engendrent un espace vectoriel de dimension (k−2l+1)(k−2l)
. Or les applications ρB
Mk,l
2
sont polynomiales et l’ensemble U := {β | det(β) 6= 0} est un ouvert de Zariski dans
Sym2 (R), de sorte que
B
hρB
Mk,l (U )i = hρMk−2l,0 (U )i.
Il suffit ainsi de montrer que ρB
Mk,0 (U ) engendre un espace vectoriel de dimension
(k+2)(k+1)
2
pour tout k ∈ N, ce qui est la conclusion du lemme 2.3.3.8.
Soit ρ : End(W ) → End(Sk W ) la représentation standard et ρB : Mat2 (R) →
Matk+1 (R) l’application induite pour des coordonnées associées à une base {w1 , w2 }
de W et la base correspondante {w1i w2k−i | 0 ≤ i ≤ k} de Sk W . Soit D ∈ Matk+1 (R)
la matrice diagonale telle que Dii = ni pour 0 ≤ i ≤ k. Par la démonstration du
lemme 2.3.3.8, on sait que les matrices ρB (g)D sont symétriques, de sorte que l’on
obtient un isomorphisme b′ : Nk (A × A) → Symk+1 (R) induit par la condition
β k 7→ ρB (gβ )D pour tout β ∈ N1 (A × A) (cf. lemme 2.3.3.1).
Lemme 2.3.3.10. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Soit 1 ≤ k ≤ n et soit α ∈ Nk (A × A). Avec les notations
ci-dessus, b′α représente p0 ◦ Bα = Bα |Sk W pour tout α ∈ Nk (A × A) et l’on a
′
bα 0
′
bθ1 ·α =
0 0
pour 1 ≤ k ≤ n − 1.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
40
Démonstration. On a un plongement canonique
ϕ : Sk W
v1 · · · vk
→ W ⊗k
X
vσ(1) ⊗ · · · ⊗ vσ(k) .
7→
σ∈Sk
Comme chaque tenseur dans ϕ(v1i v2k−i ) apparaît i!(k − i)! fois, et comme on a
tenseurs, les vecteurs
k
i
1
q ϕ(v1i v2k−i ), 0 ≤ i ≤ k,
i!(k − i)! ki
V
forment une base orthonormée de Sk W comme sous-module de k VR par rapport
k
k
au produit intérieur standard. Soit a : S W → S W le changement de base donné
par la matrice
q (
c0 i!(k − i)! ki
si i = j,
aij =
0
sinon,
où c0 ∈ R. La matrice ρB′ (g) représentant ρ(g) dans la nouvelle base B ′ est alors
donnée par ρB′ (g) = aρB (g)a−1 . La matrice ρB′ (g) ne dépend pas de la constante
c0 de sorte que ρB′ (g) est la matrice représentant ρ(g) dans une base orthonormée
de Sk W . En particulier, on a
aρB (gβ )a−1 = ρB′ (gβ ) = bβ k |Sk W
pour tout β ∈ N1 (A × A) et donc ρB (gβ ) = a−1 bβ k |Sk W a. Si l’on prend c0 =
obtient ainsi
ρB (gβ )D = t (a−1 )bβ k |Sk W a−1 ,
1
k! ,
on
ce qui fournit la première partie de l’énoncé. Posons
b′α = t (a−1 )bα |Sk W a−1
et notons (b′α )ij le coefficient correspondant aux coordonnées i, j dans la matrice b′α
pour 0 ≤ i, j ≤ k. On peut calculer ces matrices en calculant les b′β k et en appliquant
ensuite la méthode décrite dans la remarque 2.3.3.3. De (2.21) on obtient ainsi
X i − j + 2l
(b′θ1 ·α )ij =
xk−i−l,j−l,i−j+2l (θ1 · α)
l
0≤l≤k−i
j−i≤l≤j
pour 0 ≤ i, j ≤ k et
(b′α )ij =
X
0≤l≤k−i
j−i≤l≤j
i − j + 2l
xk−1−i−l,j−l,i−j+2l (α)
l
pour 0 ≤ i, j ≤ k − 1. Or, on a
xk−l−i−1,j−l,i−j+2l (α) = xk−i−l,j−l,i−j+2l (θ1 · α)
pour 0 ≤ l ≤ k − i − 1,
et
x0,j−k+i,2k−i−j (θ1 · α) = 0
(b′θ1 ·α )ik = (b′θ1 ·α )ki = 0,
ce qui fournit le résultat souhaité.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
41
En suivant la procédure décrite dans la remarque 2.3.3.3, on calcule maintenant
des représentations des cônes Semik (A × A) pour k = 2, 3, 4 pour une variété abélienne A principalement polarisée très générale de dimension 3. On l’explique en
détail pour k = 2.
1. Le cas k = 2. Remarquons d’abord que l’on a
2
^
W ⊕3 = (S2 W )⊕3 ⊕ det(W )⊕6 .
Fixons des coordonnées sur W telles que l’action de g =
det(W ) soit donnée par
ρdet(W ) (g) = ad − bc
On a

a b
c d
a2
ab
ρS2 W (g) = 2ac ad + bc
c2
cd
sur S2 W et

b2
2bd .
d2
(aθ1 + dθ2 + bλ)2 = a2 θ1 + d2 θ2 + b2 λ2 + 2adθ1 θ2 + 2abθ1 λ + 2dbθ2 λ
a b
et gaθ1 +dθ2 +bλ =
. Par le lemme 2.3.3.1, la matrice représentant la
b d
forme bilinéaire symétrique B(aθ1 +dθ2 +bλ)2 est donc semblable à une matrice
diagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme ad − b2 et 3 blocs de la
forme
 2

a
ab
b2
2ab ad + b2 2bd .
b2
bd
d2
Plus généralement, pour
α = x2,0,0 θ12 +x1,1,0 θ1 θ2 +x0,2,0 θ22 +x1,0,1 θ1 λ+x0,1,1 θ2 λ+x0,0,2 λ2 ∈ N2 (A×A),
une matrice représentant Bα est similaire à une matrice diagonale par blocs
composée de 6 blocs de la forme
1
x1,1,0 − x0,0,2
2
et 3 blocs de la forme

x2,0,0
x1,0,1
x0,0,2
1
2 x1,0,1
1
2 x1,1,0 + x0,0,2
1
2 x0,1,1
(2.22)

x0,0,2
x0,1,1  ,
x0,2,0
ce qui permet de déduire des inéquations définissant Semi2 (A × A).
Pour obtenir une matrice diagonale par blocs représentant Bα , il suffit par
le lemme 2.3.3.10 de remplacer la matrice ρS2 W (g) par la matrice ρS2 W (g)D
(où D est la matrice diagonale avec Dii = 2i pour i = 0, 1, 2) dans le raisonnement ci-dessus. Une matrice bα représentant Bα est alors donnée par une
matrice diagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme (2.22) et 3 blocs
de la forme


x2,0,0
x1,0,1
x0,0,2
bα |S2 W = x1,0,1 x1,1,0 + 2x0,0,2 x0,1,1  ,
(2.23)
x0,0,2
x0,1,1
x0,2,0
et la classe α est semipositive si et seulement si les matrices (2.22) et (2.23)
sont semipositives. On retrouve ainsi la représentation du cône Semi2 (A × A)
déjà obtenue dans [17] par un calcul explicite.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
42
2. Le cas k = 3. Ayant
3
^
la classe
α=
X
|l|=3
W ⊕3 ≃ (det(W ) ⊗ W )⊕8 ⊕ S3 W,
xl θ1l1 θ2l2 λl3 ∈ N3 (A × A) = S3 N1 (A × A)
est semipositive si et seulement si les matrices
2x2,1,0 − 2x1,0,2 x1,1,1 − 6x0,0,3
bα |det(W )⊗W =
x1,1,1 − 6x0,0,3 2x1,2,0 − 2x0,1,2
(2.24)
et
b α |S 3 W

x3,0,0
x2,0,1

=
x1,0,2
x0,0,3
x2,0,1
x2,1,0 + 2x1,0,2
x1,1,1 + 3x0,0,3
x0,1,2
x1,0,2
x1,1,1 + 3x0,0,3
x1,2,0 + 2x0,1,2
x0,2,1
sont semipositives.

x0,0,3
x0,1,2 

x0,2,1 
x0,3,0
(2.25)
3. Le cas k = 4.
V4 ⊕3
Comme les seuls facteurs irréductibles de
W sont det(W )⊗2 et det(W )⊗
2
S W , un polynôme
X
xl θ1l1 θ2l2 λl3 ∈ S4 N1 (A × A)
P (θ1 , θ2 , λ) =
|l|=4
représente une classe semipositive α ∈ N4 (A×A) si et seulement si les matrices
(2.26)
bα |det(W )⊗2 = x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4
et
bα |det(W )⊗S2 W

3x3,1,0 − 2x2,0,2
= 2x2,1,1 − 6x1,0,3
x1,1,2 − 12x0,0,4
2x2,1,1 − 6x1,0,3
4x2,2,0 − 24x0,0,4
2x1,2,1 − 6x0,1,3
sont semipositives.

x1,1,2 − 12x0,0,4
2x1,2,1 − 6x0,1,3 
3x1,3,0 − 2x0,2,2
(2.27)
Remarque 2.3.3.11. Pour k = 2 (resp. pour k = 3), on obtient ainsi aussi une
représentation du cône Semi2 (A × A) (resp. de Semi3 (A × A)) pour une variété
abélienne principalement polarisée très générale A de dimension ≥ 2 (resp. pour A
de dimension ≥ 3) par le corollaire 2.3.3.4.
2.3.4
Comparaison des cônes
Pour la suite, on suppose que A est une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n.
2.3.4.1
Classes pseudoeffectives et classes semipositives
Dans cette section, on étudie les inclusions de cônes
Sk Psef 1 (Ae ) ⊂ Psef k (Ae ) ⊂ Strongk (Ae ) ⊂ Semik (Ae )
(2.28)
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
43
en se servant des caractérisations explicites des cônes Sk Psef 1 (Ae ) (en fonction de
générateurs) et Semik (Ae ) (en fonction d’inéquations le définissant). Le résultat
principal est, qu’en codimension 3 ≤ k ≤ n et pour e ≥ 2, on a (théorème 2.3.4.3)
Sk Psef 1 (Ae )
Semik (Ae ).
Par ailleurs, on montre que les inclusions (2.28) sont des égalités pour n = 3 et
k = 4 (proposition 2.3.4.4).
Lemme 2.3.4.1. Soit 1 ≤ l ≤ e et soit α ∈ Nk (Al ). Si p : Ae → Al est une
projection,
1. pour 1 ≤ k ≤ ln, la classe p∗ α est semipositive si et seulement si α est
semipositive ;
2. pour 1 ≤ k ≤ n, la classe p∗ α est dans le cône Sk Psef 1 (Ae ) si et seulement
si α ∈ Sk Psef 1 (Al ).
⊕e
Démonstration. La projection p : Ae → Al correspond
projection
Vkà une
Vk ⊕l p̃ : U →
⊕l
⊕e
U qui induit naturellement une application p̃k :
U
→
U . Avec ces
notations, on a Hp̃∗k α = p̃∗k Hα , et comme p̃k est surjectif, p̃∗k Hα est semipositive si
et seulement si Hα est semipositive, ce qui montre la première partie de l’énoncé.
Montrons la deuxième partie du lemme. On peut supposer que p est la projection
sur les l premiers facteurs de Ae . Si α ∈ Sk Psef 1 (A × A), il est clair que l’on a aussi
p∗ α ∈ Sk Psef 1 (Ae ). Supposons donc p∗ α ∈ Sk Psef 1 (Ae ), i.e., on peut écrire
p∗ α =
l
X
j=1
g1j θ1 · · · gkj θ1
Pe
i,j 2
avec gij ∈ GL(W ), 1 ≤ i ≤ k, 1 ≤ j ≤ l. Ecrivons gij θ1 =
r=1 (ar ) θr +
P
∗
i,j
i,j i,j
1≤s<t≤e as at λst , où ar ∈ R pour 1 ≤ r ≤ e. Comme p α est un polynôme
en θr , λst , 1 ≤ r ≤ l, 1 ≤ s < t ≤ l, on a ai,j
r = 0 pour r ≥ l et tout i, j. Cela
entraîne α ∈ Sk Psef 1 (Ae ) et donc le résultat souhaité.
Rappelons quelques propriétés élémentaires du cône Sym+
k (R) des matrices k ×k
réelles symétriques semipositives [5, II.12].
Proposition 2.3.4.2. Soit Sym+
k (R) le cône des matrices k × k réelles symétriques
semipositives. Alors on a
+
1. ext(Sym+
k (R)) = {M ∈ Symk (R) | rang(M ) = 1}.
2. Pour toute matrice A de rang r < k, il existe une (unique) face F de Sym+
k (R)
telle que A est dans l’intérieur relatif de F . De plus, il existe une isométrie
F ≃ Sym+
r (R) préservant le rang des matrices dans F .
Théorème 2.3.4.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 3. Alors on a
Sk Psef 1 (Ae )
Semik (Ae )
(2.29)
pour 3 ≤ k ≤ n et pour e ≥ 2. Sous les mêmes restrictions sur k et n, on a de plus
ext(Sk Psef 1 (A × A)) ⊂ ext(Semik (A × A)).
Démonstration. Montrons d’abord (2.29) pour e = 2. Soit
α = θ12 + θ1 θ2 + θ22 + λ2 .
(2.30)
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
44
Par la représentation explicite du cône Semi2 (A × A) donnée dans (2.22) et (2.23),
cette classe n’est pas semipositive, et ayant S2 Psef 1 (A×A) = Semi2 (A×A) (cf. [17,
Thm. 4.1]), cela veut dire qu’elle n’est pas contenue dans S2 Psef 1 (A × A). Par la
proposition 2.3.2.6, on a donc
θ1k · α 6∈ Sk+2 Psef 1 (A × A)
pour k ∈ {0, . . . , n − 2}, alors que l’on a par la représentation explicite du cône
Semi3 (A × A) donnée dans (2.24) et (2.25), et par le lemme 2.3.1.6,
θ1n−2 · α ∈ Semin (A × A),
ce qui montre (2.29) pour e = 2. On en déduit (2.29) pour e ≥ 3 en tirant en arrière
les cônes par des projections et en appliquant le lemme 2.3.4.1.
Afin de montrer (2.30), on rappelle d’abord que la réunion des rayons extrémaux
de Sk Psef 1 (A × A) est donnée par (proposition 2.3.2.5)
Ek = {g1 θ1 · · · gk θ1 | g1 , . . . , gk ∈ GL(W )} ⊂ Nk (A × A)
pour k ∈ {0, . . . , n}. Par l’isomorphisme décrit dans le lemme 2.3.3.10 et par la
proposition 2.3.4.2, il suffit de montrer que la matrice b′α (comme définie dans le
lemme 2.3.3.10) est de rang 1 pour tout α ∈ Ek . Pour k = 1, c’est la proposition 2.3.2.1 de sorte que l’on peut supposer k ≥ 2. Comme Ek est invariant sous
l’action de GL(W ), on peut supposer α = θ1 · g2 θ1 · · · gk θ1 . Par récurrence, on a
rang(b′g2 θ1 ···gk θ1 ) = 1 et par le lemme 2.3.3.10, cela fournit rang(b′α ) = 1, d’où le
résultat.
Par [17] (cf. théorème 2.3.1.13), on sait que l’on a
S2n−2 Psef 1 (A × A) = Strong2n−2 (A × A).
La proposition suivante complète ce résultat pour n = 3 et elle fournit ainsi des
inéquations définissant Psef 4 (A × A) dans ce cas.
Proposition 2.3.4.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension 3. Alors on a
S4 Psef 1 = Psef 4 (A × A) = Strong4 (A × A) = Semi4 (A × A).
Démonstration. Posons
L≥0 = {α ∈ N4 (A × A) | x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 ≥ 0}
et
L = {α ∈ N4 (A × A) | x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 = 0}.
On montre S4 Psef 1 (A × A) = Semi4 (A × A). Par la représentation explicite du cône
Semi4 (A × A) donnée dans (2.26) et (2.27), ce cône est isomorphe à l’intersection du
cône Sym+
3 (R) avec le demi-espace L≥0 . Il en découle qu’une classe semipositive α
dans N4 (A×A) est extrémale dans Semi4 (A×A) si et seulement si α est semipositive
et la matrice b′α := bα |det(W )⊗S2 W est de rang 1 : si b′α est de rang 1, il est clair que
α est une classe extrémale par la proposition 2.3.4.2.
Inversement, supposons maintenant rang(b′α ) 6= 1. Si rang(b′α ) = 2, la matrice
b′α appartient à l’intérieur relatif d’une face F de Sym+
3 (R) qui est isomorphe à
(R)
(cf.
proposition
2.3.4.2).
On
voit
tout
de
suite
que b′α ne peut pas être
Sym+
2
extrémale dans F ∩ L≥0 et donc pas dans Semi4 (A × A). Si la matrice b′α est de
rang 3, elle est dans l’intérieur du cône Sym+
3 (R). Il existe donc un voisinage U dans
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
45
′
′
l’intérieur de Sym+
3 (R) contenant bα . Il s’ensuit que l’on peut écrire bα = M1 + M2
′
avec M1 , M2 ∈ Sym+
(R)∩L
∩U
et
M
=
6
M
,
de
sorte
que
b
n’est
pas
extrémale.
≥0
1
2
α
3
Il suffit ainsi de montrer que toute matrice de rang 1 contenue dans Sym+
3 (R) ∩
L≥0 représente une classe dans S4 Psef 1 (A × A). On montre qu’une matrice de rang
1 est représentée soit par une classe g(θ12 θ22 ) soit par g(θ13 θ2 ) pour un g ∈ GL(W ).
Remarquons qu’une matrice symétrique de rang 1 est entièrement détérminée par
sa première colonne si celle-ci est non nulle.
Montrons d’abord que toute matrice b′α de rang 1 dans Sym+
3 (R) ∩ L>0 cora
b
respond à une classe g(θ12 θ22 ). Soit g =
. Supposons d’abord c = d = 1 et
c d
regardons
g(θ12 θ22 ) = (θ1 + a2 θ2 + aλ)2 (θ1 + b2 θ2 + bλ)2 .
La matrice b′α représente donc une telle classe g(θ12 θ22 ) si et seulement si les équations suivantes, que l’on obtient comme conditions sur la première colonne, sont
satisfaites :
3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 4(a − b)2 ,
2x2,1,1 − 6x1,0,3 = 4(a − b)2 (a + b),
x1,1,2 − 12x0,0,4 = 4(a − b)2 ab.
Comme a 6= b, on est ramené aux équations
3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 1,
2x2,1,1 − 6x1,0,3 = a + b,
x1,1,2 − 12x0,0,4 = ab.
Autrement dit, la matrice b′α représente une classe g(θ12 θ22 ) si et seulement si ce
système admet une solution réelle. C’est équivalent à dire que le polynôme
P (y) = (x1,1,2 − 12x0,0,4 ) − (2x2,1,1 − 6x1,0,3 )y + y 2
(2.31)
admet deux racines réelles distinctes (car a 6= b). Comme la matrice est de rang 1,
on a
(2x2,1,1 − 6x1,0,3 )2 = 4x2,2,0 − 24x0,0,4
et le discriminant de P vaut
∆(P ) = x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 .
Ainsi on voit que toute matrice de rang 1 avec 3x3,1,0 − 2x2,0,2 6= 0, qui est dans
L>0 , est aussi dans S4 Psef 1 (A × A). De la même façon, on montre le résultat pour
les matrices b′α de rang 1 telles que 3x1,3,0 − 2x0,2,2 6= 0. Si
3x1,3,0 − 2x0,2,2 = 3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 0,
et la matrice est de rang 1, elle représente un multiple de θ12 θ22 .
Il reste donc à montrer que les matrices semipositives de rang 1 dans L correspondent aux classes g(θ13 θ2 ). Or une matrice de rang 1 correspond à une classe
g(θ13 θ2 ) si et seulement si les équations suivantes, obtenues comme conditions sur la
première colonne, sont satisfaites :
3x3,0,0 − 2x2,0,2 = 1,
2x2,1,1 − 6x1,0,3 = 2a,
x1,1,2 − 12x0,0,4 = a2 ,
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
46
ce qui est le cas si et seulement si le polynôme P (y) défini dans (2.31) admet une
racine double réelle a. Par un raisonnement comme pour g(θ12 θ22 ), on trouve que
c’est le cas si et seulement si la classe est contenue dans L, ce qui fournit le résultat
souhaité.
Remarque
2.3.4.5. Comme tous les modules irréductibles dans une décomposition
V
de 2n−2 W ⊕n sont isomorphes à det(W )⊗n−1 ou à det(W )⊗n−2 ⊗ S2 W , le cône
Semi2n−2 (A × A) peut toujours être identifié avec le cône des matrices symétriques
réelles semipositives 3 × 3 intersecté avec un demi-espace (cf. proposition 2.3.3.2).
Pour des raisons comme dans la démonstration de la proposition 2.3.4.4, on devrait
avoir
S2n−2 Psef 1 (A × A) = Psef 2n−2 (A × A) = Strong2n−2 (A × A) = Semi2n−2 (A × A)
pour tout n ≥ 3, et les rayons extrémaux de ce cône devraient correspondre aux
classes GL(W ) · (θ1n θ2n−2 ) et GL(W ) · (θ1n−1 θ2n−1 ). Mais pour l’instant, je ne vois pas
de moyen pour montrer le cas général.
Avec un raisonnement semblable à celui utilisé dans la démonstration de la
proposition 2.3.4.4, on peut montrer que le cône S3 Psef 1 (A × A) s’identifie avec le
cône engendré par les matrices de rang 1 dans la représentation du cône Semi3 (A×A)
donnée dans (2.24) et (2.25). Cela implique en particulier que S3 Psef 1 (A × A)
engendre « une bonne partie »de Semi3 (A×A) au sens suivant. Identifions N3 (A×A)
+
avec Sym3 (R), et soit F une face de Sym+
3 (R) isomorphe à Sym2 (R). Lorsque
3
F ∩ Semi (A × A) 6= ∅, on a l’image suivante pour une section affine de F , où
S3 Psef 1 (A × A) ∩ F correspond à la région en gris foncé et les classes semipositives
qui ne sont pas contenues dans S3 Psef 1 (A × A) sont dans la region en gris clair.
Figure 2.1 – Comparaison de S3 Psef 1 (A × A) et Semi3 (A × A)
Question 2.3.4.6. Regardons Semik (A × A) comme un sous-cône de Sym+
k+1 (R).
Est-ce que, pour 1 ≤ k ≤ n, l’ensemble des rayons extrémaux de Sk Psef 1 (A × A)
(resp. de S2n−k Psef 1 (A × A)) s’identifie avec l’ensemble des matrices semipositives
de rang 1 dans Semik (A × A) ?
2.3.4.2
Classes numériquement effectives et classes pseudoeffectives
Dans [17], les auteurs montrent que, pour une surface abélienne A, la classe
µ = 4θ1 θ2 − λ2
est nef mais pas pseudoeffective, de sorte que l’on a une inclusion stricte Psef 2 (A ×
A)
Nef 2 (A × A). Le résultat principal de cette section (proposition 2.3.4.9) est
que l’on a, en toute dimension n,
Psef k (Ae )
Nef k (Ae )
pour tout entier positif e ≥ 2 et pour 2 ≤ k ≤ ne − 2.
Commençons par le lemme suivant.
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
47
Lemme 2.3.4.7. La classe µk est nef pour k ∈ {0, . . . , n}. En particulier, on a
µk · Psef n−k (A × A) ⊂ Nef n+k (A × A).
Démonstration. Par la décomposition (2.13) et la proposition 2.2.4.4, il suffit de
montrer que le cône Psef 2n−2k (A × A) est contenu dans le demi-espace
M
Hµ+n−k :=
µi · S4(n−k)−4i W ⊕ R+ µn−k .
0≤2i≤2n−2k
Ayant Psef 2n−2k (A × A) ⊂ Semi2n−2k (A × A), il suffit de montrer que l’on a
Semi2n−2k (A × A) ⊂ Hµ+n−k . Pour une classe α ∈ N2n−2k (A × A), la matrice bα représentant Bα se décompose
en blocs correspondant aux modules irréductibles dans
V
une décomposition de 2n−2k VR (cf. proposition 2.3.3.2). Comme det(W )⊗n−k est
V2n−2k
VR , on
un module irréductible apparaissant dans une telle décomposition de
a des blocs 1 × 1 dans la matrice bα . Par la remarque 2.3.3.3, on peut supposer que
ces blocs 1 × 1 sont tous décrits par la même forme linéaire L. Comme l’application
α → Bα est GL(W )-équivariante, l’équation L = 0 doit décrire (µn−k )⊥ , de sorte
que soit Semi2n−2k (A × A) ⊂ Hµ+n−k , soit Semi2n−2k (A × A) ⊂ Hµ−n−k . Comme la
classe θ1n−k θ2n−k est semipositive, il suffit ainsi de montrer
θ1n−k θ2n−k ∈ Hµ+n−k .
P
Ecrivons θ1n−k θ2n−k = 0≤2i≤2n−2k µi Pi avec Pi ∈ S4(n−k)−4i W , selon la décomposition donnée dans la proposition 2.2.3.2. Alors Pn−k est une constante et on veut
déterminer son signe.
Comme le morphisme surjectif S2n−2k N1 (A × A) → N2n−2k (A × A) correspond
à une projection sur des facteurs irréductibles de S2n−2k N 1 (A×A), et comme µn−k
engendre un module irréductible non nul dans N2n−2k (A × A) pour k ≤ n, on peut
supposer que A est de dimension n−k. Or on a N2n−2k (A2n−2k ×A2n−2k ) = R µn−k ,
et µn−k Pn−k est donc juste un nombre d’intersection de 2n − 2k diviseurs effectifs,
de sorte que l’on a µn−k Pn−k ≥ 0. Comme [µn−k ]n−k > 0 par la remarque 2.2.4.4,
on obtient Pn−k > 0, ce qui fournit le résultat souhaité.
Lemme 2.3.4.8. Soient X et Y des variétés algébriques complexes projectives et
soit f : X → Y un morphisme propre. L’application
f ∗ : N• (Y ) → N• (X)
préserve les cônes nefs.
Démonstration. Soit α ∈ N• (Y ) et β ∈ N• (X). Soit Z ⊂ Y un cycle de classe α et
W ⊂ X un cycle de classe β. On a la formule de projection f∗ (f ∗ Z · W ) = Z · f∗ W ,
où f∗ = deg(f |Z ) si f |Z est fini f∗ = 0 sinon. Si α et β sont de codimension
complémentaire, l’application f∗ envoie les classes de 0-cycles sur des classes de
0-cycles de sorte que f∗ (f ∗ Z · W ) = 0 si et seulement si Z · f∗ W = 0. Comme
Z · f∗ W = 0 si f |Z n’est pas fini, cela donne le résultat souhaité.
Théorème 2.3.4.9. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n ≥ 2. Les classes θ1k µ ∈ Nk+2 (A × A) et θ1n−2 θ2k µ ∈
Nn+k (A × A) sont nefs mais pas semipositives pour 0 ≤ k ≤ n − 2, et l’on a
Psef k (Ae )
Nef k (Ae )
pour tout entier positif e ≥ 2 et 2 ≤ k ≤ ne − 2.
(2.32)
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
48
Démonstration. Par la proposition 2.3.4.7, il est clair que θ1k µ et θ1n−2 θ2k µ sont des
classes nefs pour 0 ≤ k ≤ n − 2. Pour voir que θ1k µ n’est pas semipositive pour
0 ≤ k ≤ n, il suffit de remarquer que la matrice b′µ (cf. lemme 2.3.3.10) n’est pas
semipositive, ce qui entraîne par le lemme 2.3.3.10 que b′θk ·µ n’est pas semipositive,
1
et donc θ1k · µ 6∈ Semik (A × A).
Pour voir que θ2k θ1n−2 µ = 4θ2k+1 θ1n−1 − θ2k θ1n−2 λ2 n’est pas semipositive, on reVk
V . On
garde la matrice hθk θn−2 µ représentant Hθk θn−2 µ dans la base standard de
2 1
2 1
montre qu’il y a un 2×2 mineur principal dont le déterminant est négatif. La matrice
hθk+1 θn−1 est une matrice avec des coefficients zéros hors de la diagonale et des coeffi2
1
cients non zéros dans la diagonale pour les coordonnées zi1 ∧· · ·∧zin−1 ∧zj1 ∧· · ·∧zjk+1
avec i1 , . . . , in−1 ∈ {1, . . . , n} et j1 , . . . , jk+1 ∈ {n + 1, . . . , 2n}. En même temps la
matrice hθk θn−2 λ2 contient un coefficient non nul pour le produit extérieur de
2 1
^
1≤l≤k
√
( −1dzn+l ∧ dz̄n+l ) ∧
^
1≤l≤n−2
√
( −1dzl ∧ dz̄l )
√
√
et −1dzn+(n−1) ∧ dz̄n−1 ∧ −1dz2n ∧ idz̄n . Ce coefficient n’est pas sur la diagonale
de hθk+1 θn−1 . Comme on n’a pas de coefficients de θ2k θ1n−2 λ2 dans la diagonale pour
2
1
^ √
^ √
( −1dzn+l ∧ dz̄n+l ) ∧
( −1dzl ∧ z̄l ),
1≤l≤k
1≤l≤n
cela entraîne le résultat.
Montrons maintenant l’inclusion (2.32). Par les arguments précédents, on a
Semik (A × A)
Nef k (A × A)
pour 2 ≤ k ≤ 2n − 2. Cela nous permet de raisonner par récurrence sur e pour n
fixé, en supposant que l’énoncé est vrai pour e − 1. De plus, on peut se restreindre
k
e−1
à le montrer pour 2 ≤ k ≤ ⌊ ne
) une classe nef
2 ⌋ par dualité. Soit α ∈ Nef (A
∗
non semipositive. Alors p1,...,e−1 α est nef et non semipositive par le lemme 2.3.4.1.
Ayant ne − 2 ≥ ⌊ ne
2 ⌋ pour n ≥ 2, e ≥ 2, cela achève la démonstration.
Remarque 2.3.4.10. Par le théorème 2.2.4.1, on a des isomorphismes ·µk : Nn−k (A×
A) → Nn+k (A × A) pour k ∈ {0, . . . , n}, et on se demande naturellement si les
cônes de classes positives respectifs sont préservés, ce qui a été vérifié dans [17]
pour k = n − 1. Par le théorème 2.3.4.9, on voit que, pour n = 3, l’isomorphisme
·µ : N2 (A × A) → N4 (A × A) ne préservent pas les classes pseudoeffectives, de
sorte qu’en général, on ne peut pas s’attendre à ce que les cônes soient préservés.
Pour A de dimension 3 cela se voit aussi à partir de la représentation explicite de
Semi4 (A × A) donnée dans (2.26) et (2.27) : une classe
α = a1 µθ12 + a2 µθ1 θ2 + a3 µθ22 + a4 µθ1 λ + a5 µθ2 λ + a6 µλ2
donne les deux matrices
bα |det(W )⊗2 = 5a2 − 10a6
et
bα |det(W )⊗S2 W

14a1
=  14a4
16a6 − a2
14a4
16a2 + 24a6
14a5

16a6 − a2
14a5  ,
14a3
d’où l’on déduit tout de suite que la classe µ · θ1 θ2 n’est pas semipositive et donc
pas pseudoeffective (cf. proposition 2.3.4.9).
CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE
49
Rappelons que le cône Psef 2 (A × A) = S2 Psef 1 (A × A) ne dépend pas de la
dimension n de A pour n ≥ 2 (théorème 2.3.1.13). Par le lemme 2.2.4.8, on a donc
Nef n−2 (An × An ) = µn−2 · Nef 2 (A2 × A2 )
pour tout n ≥ 2. Plus précisément, on obtient (cf. [17, Prop. 4.2]) :
Proposition 2.3.4.11. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très
générale de dimension n ≥ 2. Pour
α = a1 θ12 + a2 θ1 θ2 + a3 θ22 + a4 θ1 λ + a5 θ2 λ + a6 λ2 ,
on a µn−2 α ∈ Nef 2n−2 (A × A) si et seulement si
a3 a2 b2 − a5 ab(a + b) + (a2 − a6 )(a2 + b2 ) − (a2 − 6a6 )ab − a4 (a + b) + a1 ≥ 0 (2.33)
pour tout a, b ∈ R.
Démonstration. Comme Psef 2 (A × A) = S2 Psef 1 (A × A) ne dépend pas de la
dimension de A, il suffit de montrer l’énoncé pour A une surface abélienne par le
lemme 2.2.4.8 ; mais dans ce cas c’est juste [17, Prop. 4.2].
Remarque 2.3.4.12. La condition (2.33) est équivalente aux inégalités suivantes (cf.
[17, p. 17]) :
a1 , a3 ≥ 0,
a2 ≥ a6 ,
4a1 (a2 − a6 ) ≥ a24
4a3 (a2 − a6 ) ≥ a25 ,
et
(a5 b2 + (a2 − 6a6 )b + a4 )2 ≤ 4(a3 b2 − a5 b + a2 − a6 )((a2 − a6 )b2 − a4 b + a1 )
pour tout b ∈ R.
Corollaire 2.3.4.13. On a
µn−2 · Psef 2 (A × A)
Nef 2n−2 (A × A).
Démonstration. Il suffit de comparer les équations définissant les deux cônes respectivement données par (2.22), (2.23) et la proposition 2.3.4.11.
Remarque 2.3.4.14. Le cône Nef 2 (An ×An ) dépend de n : pour n = 2, c’est justement
le cône décrit par l’équation (2.33). Plus généralement, le cône décrit par l’équation
(2.33) est le cône dual de µn−2 · Psef 2 (A × A). Or, par exemple pour n = 3, le cône
µn−2 · Psef 2 (A × A) contient des éléments non pseudoeffectifs, de sorte que son dual,
c’est-à-dire le cône défini par l’équation (2.33), ne peut pas coïncider avec le cône
Nef 2 (A × A).
Remarque 2.3.4.15. Tous les résultats obtenus concernant la structure algébrique de
N• (Ae ) et les cônes dans Nk (Ae ) sont également vrais pour une variété abélienne A
principalement polarisée quelconque si l’on se restreint à la R-algèbre N•can (Ae ) ⊂
N• (Ae ) engendrée par les θi et les λi,j , 0 ≤ i < j ≤ e.
Remarquons de plus qu’une isogénie f : B → B ′ entre deux variétés abéliennes
induit un isomorphisme f ∗ : N• (B ′ ) → N• (B) qui préserve les cônes en question [17,
Prop. 1.6]. Les résultats obtenus pour N• (Ae ) pour A principalement polarisée très
générale sont donc également vrais pour N• (B) si B est isogène à Ae .
3. La variété de Fano d’une
cubique
3.1
Introduction
Une variété hyperkählérienne est une variété kählérienne compacte simplement
connexe Y telle que H 0 (Y, Ω2Y ) soit engendré par une 2-forme σ non dégénérée en
tout point de Y . Un cas particulier d’une variété hyperkählérienne est le schéma de
Hilbert S [n] paramétrant les sous-schémas de longueur n d’une surface K3 S. Dans
[27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale du cône engendré par
les classes de courbes et du cône engendré par les classes de diviseurs effectifs pour
une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert
S [2] (cf §3.2.2).
Par un résultat de Beauville et Donagi [11], la variété de Fano F paramétrant les
droites sur une cubique lisse X dans P5 est une variété hyperkählérienne équivalente
par déformation à un schéma de Hilbert S [2] (cf. §3.3.1), de sorte que les conjectures
de Hassett et Tschinkel s’appliquent dans ce cas. Un but de ce chapitre est de vérifier
ces conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un plan
P (cf. §3.4.2) et pour une cubique pfaffienne générale (cf. §3.4.4).
Le théorème suivant donne un résumé des résultats obtenus pour une cubique
générale contenant un plan (propositions 3.4.2.7, 3.4.2.10 et 3.4.2.15).
Théorème 3.1.0.16. Soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P et
soit F la variété de Fano paramétrant les droites sur X. Alors il existe deux diviseurs
premiers DP et DQ sur X tels que l’on ait
Psef 1 (F ) = R+ [DP ] + R+ [DQ ],
Nef 1 (F ) = R+ (2[DP ] + 3[DQ ]) + R+ (2[DP ] + [DQ ]).
Le diviseur DP est fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 et si l’on note c la
classe d’une telle conique et l la classe d’une droite dans P , on a
Psef 1 (F ) = R+ l + R+ c.
Ce résultat nous permet de montrer (proposition 3.4.2.21) :
Proposition 3.1.0.17. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F
la variété de Fano paramétrant les droites sur X. Alors on a
Aut(F ) = Bir(F ) = {id}.
En utilisant que la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale est isomorphe au schéma de Hilbert S [2] d’une surface K3, on obtient le résultat suivant
(proposition 3.4.4.5, proposition 3.4.4.8 et corollaire 3.4.4.9).
50
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
51
Théorème 3.1.0.18. Soit X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété
de Fano de X. Alors il existe deux diviseurs premiers E4 et E5 dans F tels que
tous les deux soient fibrés en courbes rationnelles lisses au-dessus d’une surface K3
générale de degré 14. Soit R4 la classe d’une fibre dans E4 et R5 la classe d’une
fibre dans E5 . Alors on a
Psef 1 (F ) = R+ R4 + R+ R5 ,
Psef 1 (F ) = R+ [E4 ] + R+ [E5 ],
Nef 1 (F ) = R+ ([E4 ] + 8[E5 ]) + R+ (8[E4 ] + 2[E5 ]).
Dans [29], Hassett et Tschinkel vérifient leurs conjectures pour une cubique générale contenant un scroll cubique. On donne un aperçu de ces résultats dans §3.4.3.
Ils montrent entre autres que l’on a Aut(F ) = {id}. Nous précisons ce résultat par
la proposition suivante (proposition 3.4.3.4) :
Proposition 3.1.0.19. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique
et soit F la variété de Fano de X. Alors on a
Aut(F ) = {id}
,
Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i,
où hιi ∗ hι∨ i est le groupe diédral infini engendré par deux involutions birationnelles
ι et ι∨ de F .
L’autre but de ce chapitre est d’étudier les classes (pseudo)effectives (resp. nefs)
de codimension 2 dans la variété de Fano F d’une cubique X dans P5 . Le point
de départ est un argument de Voisin [67, Prop. 2.4], qui montre que le cône fermé
engendré par les classes des sous-variétés lagrangiennes de F (cf. définition 3.2.1.1)
est une face dans Psef 2 (F ) (cf. définition 3.2.3.2). Pour une cubique X générale,
le cône Psef 2 (F ) est engendré par deux rayons extrémaux et la face lagrangienne
correspond à un des deux rayons extrémaux.
Proposition 3.1.0.20. Soit X une cubique générale contenant un plan, ou une
cubique générale contenant un scroll cubique, ou une cubique pfaffienne générale.
Soit F la variété de Fano de X. Alors la face isotrope de Psef 2 (F ) est de dimension
3,c’est-à-dire de dimension maximale.
Alors que toute classe de diviseur nef est pseudoeffective, cette inclusion n’est
plus forcément vraie en codimension supérieure comme le montrent des exemples
de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin [17] et de l’auteur (chapitre 2). Le résultat
suivant montre donc que l’on pourrait espérer que la variété de Fano d’une cubique
générale fournit un autre tel exemple.
Proposition 3.1.0.21. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano
de X. Alors on a
Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F )
et
Eff 2 (F )
Nef 2 (F ).
Je ne sais pas si la première inclusion est également stricte.
Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section 3.2, on rappelle d’abord
quelques apects de la théorie des variétés hyperkählériennes (§3.2.1) et ensuite on
explique en détail les conjectures de Hassett et Tschinkel (§3.2.2) ; on finit la section
en définissant la face isotrope de Psef 2 (F ) (§3.2.3). Dans la section 3.3, on rappelle
des résultats de Beaville et Donagi (§3.3.1) et l’on discute la structure des R-espaces
vectoriels Nk (F ) pour certaines cubiques (§3.3.2). La section 3.4 est le cœur de ce
chapitre ; on y étudie la variété de Fano
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
52
1. d’une cubique générale (§3.4.1),
2. d’une cubique générale contenant un plan (§3.4.2),
3. d’une cubique générale contenant un scroll cubique (§3.4.3),
4. d’une cubique pfaffienne générale (§3.4.4).
3.2
3.2.1
Généralités
Variétés hyperkählériennes
Dans cette section, on rappelle quelques propriétés élémentaires des variétés
hyperkählériennes.
Définition 3.2.1.1. Une variété complexe Y est dite symplectique si elle admet une
2-forme σ ∈ H 0 (Y, Ω2Y ) qui est non dégénérée en tout point de Y . On dit qu’une
variété symplectique Y est hyperkählérienne si
(i) dim H 0 (Y, Ω2Y ) = 1,
(ii) Y est compacte et kählérienne,
(iii) Y est simplement connexe.
Une sous-variété Z d’une variété symplectique Y est dite lagrangienne si σ|Zreg
s’annule dans H 0 (Zreg , Ω2Zreg ).
Il découle de la définition qu’une variété complexe symplectique Y est de dimension paire et que le fibré canonique KY est trivial.
Soit S une surface K3. Alors le schéma de Hilbert S [n] , paramétrant les sousschémas de longeur n sur S, est une variété hyperkählérienne de dimension 2n [10,
§6], ce qui donne des exemples en toute dimension possible.
Si l’on parle désormais d’un schéma de Hilbert S [2] , on sous-entend toujours
que c’est le schéma de Hilbert paramétrant les sous-schémas de longeur 2 sur une
surface K3 S.
Définition 3.2.1.2. Un réseau est un Z-module libre L muni d’une forme bilinéaire
symétrique non-dégénérée q à valeurs dans Z. Si q(x, x) ∈ 2 Z pour tout x ∈ L, on
dit que le réseau L est pair. Lorsque L est un Z-module libre (pas forcément un
réseau), on dit que ρ ∈ L est primitif, si l’on ne peut pas écrire ρ = nρ′ pour un
entier n ≥ 2 et ρ′ ∈ L.
La cohomologie H 2 (Y, C) d’une variété hyperkählérienne Y est munie d’une
forme bilinéaire symétrique qY de signature (3, dim H 2 (Y, C) − 3), dite forme de
Beauville ou forme de Beauville-Bogomolov [10, Thm. 5]. Elle provient d’une forme
entière sur H 2 (Y, Z), ce qui munit H 2 (Y, Z) d’une structure de réseau. Il existe
c ∈ R+ tel que (cf. [32, §1.9] pour un aperçu détaillé des propriétés de la forme de
Beauville)
Z
dim(Y )
1,1
αβ(σσ) 2 −1 .
∀ α, β ∈ H (Y, C)
qY (α, β) = c
(3.1)
Y
Exemple 3.2.1.3. Soit S une surface K3. C’est une surface hyperkählérienne et qS
est juste la forme bilinéaire correspondant au produit d’intersection. En tant que
réseau, on a [43, Prop. 1.2]
H 2 (S, Z) = U ⊕3 ⊕⊥ (−E8 )⊕2 ,
où U est le plan hyerbolique et E8 est le réseau associé au système de racines E8 .
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
53
Exemple 3.2.1.4. Soit S toujours une surface K3. Alors on a [10, Prop. 6, Lemme
1] (cf. aussi §3.4.4)
(H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) ≃ (H 2 (S, Z), qS ) ⊕⊥ Z δ ≃ U ⊕3 ⊕⊥ (−E8 )⊕2 ⊕⊥ (−2).
Pour v ∈ H 2 (S [2] , Z) primitif, on a
soit qS [2] (v, H 2 (S [2] , Z)) = Z, soit qS [2] (v, H 2 (S [2] , Z)) = 2 Z .
Remarque 3.2.1.5. Comme la décomposition H 2 (Y, C) = H 2,0 (Y ) ⊕⊥ H 1,1 (Y ) ⊕⊥
H 0,2 (Y ) est orthogonale par rapport à la forme de Beauville, on a
N1Z (Y ) = {ρ ∈ H 2 (Y, Z) | qY (ρ, σ) = 0}.
On finit en rappelant un résultat de Beauville sur la théorie des déformations
des variétés hyperkählériennes.
Définition 3.2.1.6. Une déformation d’une variété compacte complexe lisse Z est
une application propre et lisse Z → B, où B est un espace analytique connexe et
la fibre au-dessus d’un point distingué 0 ∈ B est isomorphe à Z. On dit que Z ′ est
équivalente par déformation à Z s’il existe une déformation Z → B de Z et t ∈ B
tels que la fibre Zt au-dessus de t ∈ B est isomorphe à Z ′ .
Proposition 3.2.1.7 (Beauville). Soit f : X → B une déformation kählérienne
d’une variété hyperkählérienne X. Alors toute fibre Xt au-dessus d’un point t ∈ B
est hyperkählérienne.
Démonstration. [10, Prop. 9].
On s’intéressera dans la suite aux variétés hyperkählériennes équivalentes par
déformation à un schéma de Hilbert S [2] .
3.2.2
Les conjectures de Hassett et Tschinkel
Dans [27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale du cône
engendré par les classes des courbes et du cône engendré par les classes des diviseurs
effectifs pour une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma
de Hilbert S [2] (conjecture 3.2.2.7 et conjecture 3.2.2.2). Par dualité, on obtient
également une description du cône engendré par les classes des diviseurs amples
(conjecture 3.2.2.10). La description (conjecturale) de ces cônes ne dépend que de
la forme de Beauville et peut être vue comme une généralisation en dimension
supérieure des résultats connus pour des surfaces K3.
Notation 3.2.2.1. Soit Z une variété complexe et soit M un sous-ensemble de NkZ (Z).
On note cone M le cône fermé engendré par M ⊗ R dans Nk (Z).
3.2.2.1
Le cône des diviseurs pseudoeffectifs
Soit S une surface K3 munie d’une polarisation g. Alors on a [43, Lemma 1.6]
Psef 1 (S) = cone{c ∈ N1Z (S) | c2 ≥ −2, c · g ≥ 0}
= cone{c ∈ N1Z (S) | c · g
+ cone{c ∈ N1Z (S) | c · g
2
≥ 0 c ≥ 0}
(3.2)
(3.3)
2
≥ 0 c = −2},
où les classes extrémales d’autointersection −2 sont représentées par une courbe
rationnelle C. Une telle courbe est dite nodale, car il existe une contraction extrémale
S → S ′ qui contracte C sur un point double (ou nodal) [43, §1.4]. Comme une courbe
est la même chose qu’un diviseur effectif sur une surface, la généralisation suivante
de (3.2) s’impose naturellement (cf. [27, Conj. 3.4]).
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
54
Conjecture 3.2.2.2 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] et soit g une polarisation de
Y . Alors on a
Psef 1 (Y ) = cone{α ∈ N1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ −2}
= cone{α ∈ N1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ 0}
+ cone{α ∈ N1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) = −2}.
Remarque 3.2.2.3. Soit D ⊂ Y un diviseur effectif. Alors on a (avec les notations de
la conjecture 3.2.2.2) qY ([D], g) > 0 (cf. par exemple [32, §1.11]). Si D est un diviseur
premier avec qY ([D], [D]) < 0, on sait par un résultat de Markman [44, Thm. 1.2]
que [D] est un multiple d’une classe primitive ρ ∈ N1Z (Y ) de carré −2 sous la forme
de Beauville. Cela implique que l’on a l’inclusion
Psef 1 (Y ) ⊂ cone{α ∈ NZn−1 (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ −2}.
L’autre sens de l’inclusion reste ouvert.
3.2.2.2
Le cône des 1-cycles
Pour généraliser la description de Psef 1 (S), on munit d’abord H 2n−2 (Y, Z) d’une
forme bilinéaire symétrique à valeurs rationnelles.
Définition 3.2.2.4. Soit L un réseau. Le réseau dual est défini par
L∨ := {x ∈ L ⊗ Q | q(x, L) ⊂ Z} = HomZ (L, Z).
L’extension naturelle de q à L ⊗ Q donne une forme bilinéaire à valeurs rationnelles
sur L∨ que l’on note q̃.
Par dualité de Poincaré, on a H 2n−2 (Y, Z) ≃ H 2 (Y, Z)∨ , de sorte que q̃Y est
une forme bilinéaire symétrique à valeurs rationnelles sur H 2n−2 (Y, Z). Si l’on veut
généraliser la situation des surfaces K3, on s’attend à qu’il existe γ1 , . . . , γr ∈ Q<0
tels que
Psef 1 (Y ) = cone{c ∈ NZn−1 (Y ) | c · g ≥ 0 , q̃Y (c, c) ≥ 0}
+ cone{c ∈
NZn−1 (Y
(3.4)
) | c · g ≥ 0 , q̃Y (c, c) ∈ {γ1 , . . . , γr }}.
Pour une surface K3, on a vu que les courbes de carré négatif (dont la classe engendre donc forcément un rayon extrémal de Psef 1 (S)) correspondent à des contractions. Egalement, on s’attend à que les classes extrémales de carré négatif dans
Psef 1 (Y ) correspondent à des contractions dans un sens que l’on va préciser maintenant.
Définition 3.2.2.5. Un morphisme contrF : Y → Y ′ est une contraction si l’on a
contr∗ OY = OY ′ .
Soit F une face de Psef 1 (Y ) (cf. définition 2.3.3.6) et soit D un diviseur effectif
dans Y tel que D · c < 0 pour toute classe c dans F . Alors il existe par le théorème
de contraction [37, 3.7] une unique contraction birationnelle contrF : Y → Y ′ telle
que
• Y ′ est projective ;
• une courbe irréductible dans Y est contractée par contrF si et seulement si sa
classe est dans F .
Définition 3.2.2.6. Avec les notations ci-dessus, on dit que le morphisme contrF
est la contraction extrémale de F .
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
55
On s’attend à que toute classe primitive extrémale de carré négatif dans Psef 1 (Y )
soit représentée par une famille de courbes irréductibles C ⊂ Y qui sont contractées
par une contraction extrémale dont la géométrie est déterminée par la valeur de γ =
qY (c, c). Comme Y est hyperkählérienne, une contraction extrémale contr : Y → Y ′
doit prendre une des formes suivantes :
1. si la contraction est divisorielle, le diviseur exceptionnel E dans Y est irréductible [37, Prop. 2.5], de sorte que [70, §2.4.1 - §2.4.3, en particulier, Thm.
2.16, Cor. 2.17, Thm. 2.19, Cor. 2.20]
(a) soit contr est de type A1 , i.e., le diviseur E est contracté sur une surface
K3 et toute fibre exceptionnelle est un P1 ,
(b) soit contr est de type A2 , i.e., le diviseur E est contracté sur une surface
dont la normalisation est symplectique et la fibre générale (sauf pour un
nombre fini de points de contr(E)) est isomorphe à la réunion de deux
P1 qui se coupent dans un point ;
2. si la contraction est petite, elle est localement la contraction d’un plan lagrangien P2 ⊂ Y sur un point [71, Thm. 1.1].
Hassett et Tschinkel montrent que la classe c d’une courbe C ⊂ Y , qui est
contractée par une contraction extrémale, satisfait q̃Y (c, c) ∈ {− 21 , −2, − 25 } et
qu’elle est divisorielle si q̃Y (c, c) ∈ {− 21 , −2} et petite si q̃Y (c, c) = − 25 [28, Thm.
22]. Cela explique la caractérisation suivante de Psef 1 (Y ) proposée par Hassett et
Tschinkel (cf. (3.3)) [27, Conj. 3.1, Conj. 3.6] :
Conjecture 3.2.2.7 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] et soit g une polarisation de
Y . Le cône Psef 1 (Y ) est le cône fermé engendré par les classes entières c ∈ N1 (Y )
telles que c · g ≥ 0 et une des conditions suivantes soit satisfaite :
1. q̃Y (c, c) ≥ 0,
2. q̃Y (c, c) = − 21 ,
3. q̃Y (c, c) = −2,
4. q̃Y (c, c) = − 25 .
Définition 3.2.2.8. Soit Psef conj
le cône décrit par la conjecture 3.2.2.7. Une classe
1
entière c ∈ N1 (Y ) avec q̃Y (c, c) < 0 qui engendre un rayon extrémal de Psef conj
(Y )
1
γ
est dite nodale. On note Enod (Y ) l’ensemble des classes nodales et Enod
(Y ) l’ensemble des classes nodales telles que q̃Y (c, c) = γ.
Conjecture 3.2.2.9 (Hassett-Tschinkel). Toute classe nodale c ∈ Enod (Y ) représente une courbe rationnelle contractée par un morphisme donné par les sections de
OY (mλ), où λ est une classe sur le bord de Nef 1 (Y ) satisfaisant λ · c = 0.
1. Lorsque q̃Y (c, c) = − 12 , −2, alors la classe c est représentée par une famille de
courbes rationnelles paramétrée par une surface K3.
2. Lorsque q̃Y (c, c) = − 25 , alors la classe c est représentée par une famille de
droites contenues dans un P2 que l’on peut contracter sur un point.
3.2.2.3
Le cône des classes de diviseurs nefs
Soit c une classe primitive dans H 2n−2 (Y, Z) = H 2 (Y, Z)∨ et notons ρc l’unique
classe primitive dans H 2 (Y, Z) telle que
∀η ∈ H 2 (Y, Z)
dc · η = qY (ρc , η),
où d est un entier positif fixé. Comme l’identification
H 2n−2 (Y, Z) ≃ H 2 (Y, Z)∨ ⊂ H 2 (Y, Q),
(3.5)
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
56
obtenue par dualité de Poincaré, identifie une classe (n − 1, n − 1) avec une classe
(1, 1), on a ρc ∈ N1Z (X) pour toute classe entière c ∈ N1 (X). Par dualité, on obtient
ainsi la conjecture suivante pour le cône des classes nefs (cf. [27, Conj. 3.3]).
Conjecture 3.2.2.10 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne
équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] et soit g une polarisation
de Y . Le cône Nef 1 (Y ) est l’adhérence du cône engendré par les classes α ∈ N1Z (Y )
telles que qY (α, g) ≥ 0 et qY (α, ρ) ≥ 0 pour toute classe ρ ∈ N1Z (Y ) satisfaisant
qY (g, ρ) ≥ 0 et une des conditions suivantes :
1. qY (ρ, ρ) ≥ 0,
2. qY (ρ, ρ) = −2 et (ρ, H 2 (F, Z)) = Z,
3. qY (ρ, ρ) = −2 et (ρ, H 2 (F, Z)) = 2 Z,
4. qY (ρ, ρ) = −10 et (ρ, H 2 (F, Z)) = 2 Z.
Remarque 3.2.2.11. Notons Nef 1conj (Y ) le cône décrit par la conjecture 3.2.2.10.
Hassett et Tschinkel montrent que l’on a [28, Thm. 23]
Nef 1conj (Y ) ⊂ Nef 1 (Y ).
On ne sait pas s’il y a égalité.
3.2.3
La face isotrope
Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4 (pas forcément équivalente
par déformation à un schéma de Hilbert S [2] ). En codimension 2, il est plus difficile
de déterminer des classes (pseudo)effectives ou nefs. Un point de départ serait de déterminer les classes représentées par une surface lagrangienne dans Y . Un argument
de Voisin [67, Prop. 2.4] montre que ces classes engendrent une face de Psef 2 (Y )
(lemme 3.2.3.1). Définissons d’abord une application
ϕiso : N2 (F ) → R
α 7→ cα · σ ∧ σ,
où l’on choisit c ∈ R+ de façon que
ϕiso (xy) = qY (x, y)
pour tout x, y ∈ N1 (Y ) (cf. (3.1)). Posons
Psef 2iso (Y ) := Psef 2 (Y ) ∩ ker(ϕiso ).
Lemme 3.2.3.1. Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4. Alors le
cône Psef 2iso (Y ) est une face de Psef 2 (Y ). Si T est une surface dans Y , on a [T ] ∈
Psef 2iso (Y ) si et seulement si T est lagrangienne.
Démonstration. Soit T une surface dans Y . Si T est lagrangienne, il est clair que
l’on a ϕiso ([T ]) = 0, et si T n’est pas lagrangienne, σ|T ∧ σ|T définit une forme
volume sur T , de sorte que l’on a ϕiso ([T ]) > 0. Autrement dit, on a
Psef 2 (Y ) ⊂ {α ∈ N2 (Y ) | ϕiso (α) ≥ 0}
et Psef 2iso (Y ) est donc une face de Psef 2 (Y ).
Définition 3.2.3.2. Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4. La face
Psef 2iso (Y ) de Psef 2 (Y ) est dite face isotrope.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
57
Remarque 3.2.3.3. On peut plus généralement définir une face isotrope Psef niso (Y )
dans Psef n (Y ) pour Y une variété hyperkählérienne de dimension 2n.
Remarque 3.2.3.4. Si F est la variété des droites d’une cubique lisse dans P5 (cf.
§3.3.1), alors F est hyperkählérienne (cf. théorème 3.3.1.2) de dimension 4 contenant
des sous-variétés lagrangiennes par un résultat de Voisin [64, §3, ex. 7]. On verra
dans des cas particuliers que la face isotrope est de dimension maximale, c’est-à-dire
de codimension 1.
3.3
La variété des droites d’une cubique
Par un résultat classique de Beauville et Donagi, la variété de Fano d’une cubique
lisse dans P5 est une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un
schéma de Hilbert S [2] (cf. théorème 3.3.1.2). La géométrie d’une telle variété de
Fano est étroitement liée à la géometrie de la cubique associée, ce qui en fait une
bonne candidate pour tester les conjectures de Hassett et Tschinkel et étudier la
face isotrope. Pour la suite, une cubique sera toujours une cubique lisse dans P5 .
3.3.1
Les résultats de Beauville et Donagi
Soit X une cubique lisse dans P5 . On note G(1, P5 ) la Grassmannienne paramétrant les droites dans P5 et l’on pose
F := {[l] ∈ G(1, P5 ) | l ⊂ X}.
La variété F est dite variété de Fano de X ; elle est lisse de dimension 4 [4, Prop.
5]. Soit f : G(1, P5 ) → P14 le plongement de Plücker et posons
s1 := c1 (f ∗ OP14 (1)|F ).
3.3.1.1
La variété de Fano comme déformation d’un schéma de Hilbert
Dans [11], Beauville et Donagi construisent une cubique X telle que F ≃ S [2] ,
où S est une surface K3 de degré 14 dans P8 (cf. aussi §3.4.4 pour la construction de l’isomorphisme F ≃ S [2] ). Toutes les cubiques lisses sont équivalentes par
déformation, de sorte que les variétés de Fanos le sont également. La proposition
3.2.1.7 entraîne donc que la variété de Fano d’une cubique lisse est une variété
hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] . Pour
donner un énoncé plus précis, qui nous permettra de déterminer des générateurs
du R-espace vectoriel N2 (F ) (cf. proposition 3.3.2.4) pour certaines cubiques, on
rappelle d’abord quelques notions de la théorie des déformations. Soit Z une variété
complexe compacte et notons
p : Z → Def(Z)
la déformation semi-universelle (ou famille de Kuranishi) de Z, i.e., Def(Z) est un
germe d’espace analytique paramétrant toutes les déformations locales de Z.
Supposons maintenant que Z est soit une variété hyperkählérienne, soit une
cubique lisse. Alors Z est lisse et la famille p : Z → Def(Z) est donc universelle.
Si l’on note Zt la fibre de p au-dessus de t ∈ Def(Z), on a des isomorphismes
canoniques H 2 (Zt , Z) ≃ H 2 (Z, Z). Pour α ∈ NkZ (Z), cela nous permet de définir
BαZ := {t ∈ Def(Z) | α ∈ NkZ (Zt )}.
Proposition 3.3.1.1 (Beauville). Soit Y une variété hyperkählérienne et soient
α1 , . . . , αr des classes linéairement indépendantes dans N1Z (Y ). Alors BαY1 , . . . , BαYr
sont des hypersurfaces lisses dans Def(Y ) et se coupent transversalement.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
58
Démonstration. [10, Cor. 1].
Théorème 3.3.1.2 (Beauville, Donagi). Soit X une cubique lisse. Alors F est une
variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] .
L’application naturelle
F : Def(X) → Def(F )
identifie Def(X) avec l’hypersurface (lisse) BsF1 . Autrement dit, toute déformation
projective locale de F resp. de S [2] préservant s1 provient d’une déformation locale
de la cubique X.
Démonstration. [11, Prop. 2].
Remarque 3.3.1.3. Soit X une cubique dont la variété de Fano F associée est isomorphe à S [2] . Toute déformation projective assez générale de S [2] provient alors
d’une déformation de X ; il existe des déformations projectives de S [2] (préservant
une polarisation différente de s1 ) qui ne proviennent pas d’une déformation de
X [10, Cor. 2].
Remarque 3.3.1.4. Dans [33, §1], Manivel et Iliev calculent la forme symplectique
sur F explicitement en fonction d’une équation définissant la cubique X.
3.3.1.2
L’application d’Abel-Jacobi
L’application d’Abel-Jacobi établit un lien entre les cohomologies de X et F .
Soit
Z := {(x, [l]) ∈ X × F | x ∈ l}
la variété d’incidence, de sorte que l’on a le diagramme suivant, où pr1 et pr2 sont
les deux projections :
pr2
/F
(3.6)
Z
pr1
X
L’application d’Abel-Jacobi est définie par
α := pr2∗ pr1 ∗ : H 4 (X, Z) → H 2 (F, Z).
(3.7)
Notons h ∈ H 2 (X, Z) la classe d’une section hyperplane et posons
H04 (X, Z) := {x ∈ H 4 (X, Z) | x · h2 = 0},
H02 (F, Z) := {x ∈ H 2 (F, Z) | qF (x, s1 ) = 0}.
Proposition 3.3.1.5 (Beauville, Donagi). Soit X une cubique et soit F la variété
de Fano de X. L’application α envoie H04 (X, Z) isomorphiquement sur H02 (F, Z) et
l’on a
α(h2 ) = s1
,
∀x, y ∈ H04 (X, Z)
qF (α(x), α(y)) = −x · y.
(3.8)
L’application α|H04 (X,Z) s’étend à un isomorphisme de structures de Hodge polarisées
αC : H04 (X, C) → H02 (F, C)(−1),
où la polarisation de H02 (F, C)(−1) est obtenue en renversant le signe du produit
d’intersection.
Démonstration. [11, Prop. 6].
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
59
Remarque 3.3.1.6. On a également une application
α := pr1∗ pr∗2 : H 6 (F, Z) → H 4 (X, Z),
t
et
∀c ∈ H 6 (F, Z) ∀T ∈ H 4 (X, Z)
3.3.2
c · α(T ) = tα(c) · T.
(3.9)
Classes algébriques sur la variété de Fano
Soit X une cubique lisse dans P5 et soit h la classe d’une section hyperplane de
X. Pour X générale, on a N2 (X) = R h et donc N1 (F ) = R α(h2 ), de sorte que les
conjectures de Hassett et Tschinkel sont triviales et l’étude des classes positives sur
F se restreint à l’étude de N2 (F ) (cf. §3.4.1). Concernant les conjectures de Hassett
et Tschinkel, on s’intéressera donc aux cubiques contenant une surface dont la classe
n’est pas un multiple de h2 .
3.3.2.1
Cubiques spéciales
Soit C l’espace de modules des cubiques lisses dans P5 comme construit dans [49,
§4.2].
Définition 3.3.2.1. On dit que la cubique X ∈ C est spéciale si elle contient une
surface dont la classe n’est pas un multiple de h2 .
Comme la conjecture de Hodge entière est vraie pour une cubique lisse [66, Thm.
18], c’est équivalent à dire qu’il existe un réseau K de rang 2 dans N2Z (X). On note
Cd ⊂ C l’espace des cubiques admettant un tel réseau de discriminant d (par rapport
au produit d’intersection). Rappelons le résultat principal de la thèse de Hassett [25]
concernant les cubiques spéciales.
Théorème 3.3.2.2 (Hassett). L’espace Cd ⊂ C est non vide si et seulement si
d ≡ 0, 2 (mod 6), d > 6.
Dans ce cas, Cd est un diviseur irréductible dans C.
Soit n ≥ 2 et soit d = 2(n2 + n + 1). Alors, pour X générale dans Cd , il existe
une surface K3 polarisée générale S de degré d telle que F ≃ S [2] .
Démonstration. [25, Thm. 3.2.3, Thm. 4.3.1, Thm. 6.1.5].
Définition 3.3.2.3. On dit qu’une surface T ⊂ Pn est un scroll si T est reglée
par des droites et si ce réglage est paramétré par une courbe rationnelle lisse. Si
T est un scroll de degré 3 (resp. 4 ou 5), on dit que T est un scroll cubique (resp.
quartique ou quintique).
Donnons quelques exemples de cubiques spéciales pour d petit :
• d = 8 (cf. §3.4.2) : le diviseur C8 paramètre les cubiques contenant un 2plan [25, §4.1.1] ;
• d = 12 (cf. §3.4.3) : le diviseur C12 paramètre les cubiques contenant un scroll
cubique [25, §4.1.2] ;
• d = 14 (cf. §3.4.4) : Comme 14 = 2(22 + 2 + 1), la variété de Fano F d’une
cubique générale dans C14 est isomorphe à S [2] pour une surface K3 S de
degré 14 par le théorème 3.3.2.2. Ce sont les variétés de Fano des cubiques
pfaffiennes construites par Beauville et Donagi dans [11] (cf. aussi §3.3.1 et
§3.4.4). Une cubique générale dans C14 contient également un scroll quartique
et un scroll quintique [25, §4.1.3].
Dans les sections §3.4.2 - §3.4.4, on va étudier la variété de Fano d’une cubique
générale dans C8 , C12 et C14 respectivement.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.3.2.2
60
Classes algébriques sur la variété de Fano
La proposition suivante donne une description des espaces N1 (F ) et N2 (F ) pour
X générale (resp. générale dans Cd ) ; c’est surtout l’énoncé qui caractérise N2 (F )
pour X générale dans Cd qui est d’intérêt pour nous ; les autres énoncés sont bien
connus.
Proposition 3.3.2.4. Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X. Si X
est générale, on a
N1 (F ) = R s1
,
N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i.
Soit d un entier positif tel que Cd soit non vide et soit X générale dans Cd . Alors il
existe τ ∈ N1 (F ) tel que
N1 (F ) = hs1 , τ i
,
N2 (F ) = hS2 N1 (F ), c2 (F )i.
Démonstration. Par la proposition 3.3.1.5, on a un isomorphisme de R-espaces vectoriels N2 (X) ≃ N1 (F ), ce qui entraîne N1 (F ) = R s1 pour X générale. Soit maintenant X ∈ Cd générale et soit T ∈ N2Z (X) tel que le réseau engendré par T et h2 dans
H 2 (X, Z) soit de discriminant d. Posons τ := α(T ) ∈ N1 (F ) et Bs1 ,τ1 := Bs1 ∩ Bτ .
Par le théorème 3.3.1.2 et par la proposition 3.3.1.5, on a alors
F (BTX ) = BsF1 ,τ ,
(3.10)
ce qui est une hypersurface dans F (Def(X)) = BsF1 par la proposition 3.3.1.1.
Comme Cd est un diviseur irréductible dans C et comme F est injective, on a
{t ∈ Def(X) | Xt ∈ Cd } = BTX
(3.11)
et donc hs1 , τ i ⊂ N1Z (F ) par (3.10). Si τ ′ ∈ N1 (F ) n’appartient pas à l’espace
engendré par s1 et τ , alors BτF′ ∩BsF1 ,τ est une hypersurface (lisse) dans BsF1 ,τ , de sorte
que, pour t générale dans BsF1 ,τ (i.e., pour t en dehors d’une réunion dénombrable
de hypersurfaces), on a N1 (Ft ) = hs1 , τ i. Par (3.10) et (3.11), cela veut dire que
l’on a N1 (F ) = hs1 , τ i pour X générale dans Cd .
Regardons maintenant l’espace N2 (F ). Comme on a un isomorphisme
S2 H 2 (F, Q) → H 4 (F, Q)
qui est compatible avec les structures de Hodge (cf. [11, Prop. 3]), on a une injection
S2 N1 (F ) → N2 (F ).
Par ailleurs, on sait que l’on a c2 (F ) ∈ N2 (F ), et par un résultat de Guan [23, Main
Theorem], on a c2 (F ) 6∈ S2 N1 (F ).
Soit maintenant α dans N2 (F ), pour X générale dans Cd . Comme X est générale
dans Cd , ses déformations locales dans Cd sont encore générales, de sorte que l’on a
par (3.10) et (3.11)
BsF1 ,τ = F ({t ∈ Def(X) | Xt ∈ Cd }) ⊂ BαF ,
ce qui entraîne par une proposition de Schlickewei [59, Prop. 3.4.2]
α ∈ hS2 N1 (F ), c2 (F )i,
ce qu’il fallait montrer.
Avec un argument similaire on montre N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i pour X générale.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
61
Exemple 3.3.2.5. Soit X générale dans C8 et notons P la classe du plan unique
contenu dans X. Si l’on pose p := α(P ), on a
N1 (F ) = hs1 , pi ,
N2 (F ) = hp2 , s1 p, s21 , c2 (F )i.
Remarque 3.3.2.6. Soit X générale dans Cd . Dans une base de N2 (F ) composée
d’une base de S2 N1 (F ) et de c2 (F ) (comme dans la proposition 3.3.2.4), les calculs
d’intersection dans N2 (F ) se réduisent à des calculs de la forme de Beauville :
par [53, (3.01.14), (3.0.32)], on a d’un côté
c2 (F )2 = 36 · 23 ,
c2 (F ) · xy = 30qF (x, y)
pour x, y ∈ N1 (F ) ; d’autre part, on a [53, §2.2]
x1 x2 · x3 x4 = qF (x1 , x2 )qF (x3 , x4 ) + qF (x1 , x3 )qF (x2 , x4 ) + qF (x1 , x4 )qF (x2 , x3 )
pour x1 , . . . , x4 ∈ N1 (F ).
3.3.3
Classification des droites et un endomorphisme rationnel
Dans cette section, on rappelle d’abord un résultat de Clemens et Griffiths [15,
§6] qui montre qu’il y a deux types de droites sur une cubique lisse. Dans [65],
Voisin construit un endomorphisme rationnel de F , qui est régulier sur l’ouvert
paramétrant les droites dites du premier type, si X est générale. On rappelle la
construction et quelques propriétés élémentaires de cet endomorphisme qui nous
sera utile dans l’étude de Psef 2 (X) pour X une cubique générale.
3.3.3.1
Classification des droites
Soit X une cubique et l une droite dans X. Il découle de la suite exacte
0 → Nl/X → Nl/ P5 ≃ Ol (1)4 → NX/ P5 |l ≃ Ol (3) → 0
et du fait que tout fibré vectoriel sur l est scindé que l’on a, soit Nl/X ≃ Ol (1) ⊕ Ol2 ,
soit Nl/X ≃ Ol (1)2 ⊕ Ol (−1).
Définition 3.3.3.1. Soit X une cubique lisse et soit l une droite dans X. On dit
que l est du premier type si Nl/X ≃ Ol (1) ⊕ Ol2 et que l est du deuxième type si
Nl/X ≃ Ol (1)2 ⊕ Ol (−1).
Si G est une équation définissant la cubique lisse X, l’application de Gauss est
définie par
−→ (P5 )∨
∂G
∂G
(x), . . . ,
(x)).
x = (x0 , . . . , x5 ) 7−→ (
∂x0
∂x5
γ:X
(3.12)
Elle associe à un point x ∈ X son espace tangent projectif TX,x ⊂ P5 .
Proposition 3.3.3.2 (Clemens-Griffiths). Soit X une cubique lisse et soit l une
droite dans X. Alors les énoncés suivants sont équivalents :
1. la droite l est du premier (resp. du deuxième) type ;
2. γ(l) est une conique lisse (resp. une droite) ;
T
T
x∈l TX,x = 2 (resp. dim x∈l TX,x = 3).
3. on a dim
Démonstration. [15, Lemme 6.7, Prop. 6.19].
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.3.3.2
62
L’endomorphisme rationnel de Voisin
Une droite
générale dans X est du premier type [16, Prop. 2.13]. Pour [l] ∈ F
T
générale, x∈l TX,x est donc un 2-plan, de sorte que soit
\
TX,x ∩ X ≃ P2 ,
x∈l
soit
\
x∈l
TX,x ∩ X = 2l + l′ ,
ou l′ est une droite dite résiduelle (qui peut être égale à l). Comme X ne contient
qu’un nombre fini de plans, on obtient ainsi une application rationnelle [65, Lemma
7]
f : F 99K F
[l] 7−→ [l′ ].
Posons
Y := {([l], [l′ ], [P ] ∈ G(1, P5 )2 × G(2, P5 ) | 2l ∪ l′ ⊂ P ∩ X}
et notons pi la projection de Y sur le i-ième facteur de G(1, P5 )2 × G(2, P5 ). Alors
5
on a f = p2 ◦ p−1
1 . Notons V2 et V3 les fibrés tautologiques respectifs sur G(1, P )
5
et G(2, P ), ou encore leurs tirés en arrière sur Y ; il sera clair par le contexte dans
quel cas on se trouve.
Supposons désormais que X est une cubique lisse ne contenant aucun plan.
Alors on a Y ≃ Γf et le lieu exceptionnel de f correspond au schéma Σ ⊂ X
paramétrant les droites du deuxième type. Pour étudier Σ, on aura besoin des
notations suivantes : pour un morphisme f : M → N entre deux fibrés vectoriels
sur une variété projective Z, on note
Dr (f ) := {z ∈ Z | rang(fz ) ≤ r}
les lieux de dégénéréscence correspondants. De plus, on note Mm×n l’espace des
matrices complexes m × n et
Mr := {M ∈ Mm×n | rang(M ) ≤ r}.
On définit un morphisme de fibrés vectoriels sur F par
ϕ : V6 ⊗ OF
(y0 , . . . , y5 )
−→ S2 V2∨
5
X
∂G
yi
,
7−→
∂xi
i=0
où G est une équation définissant X dans P5 := P(V6 ). On a ker(ϕ[l] ) =
et ϕ se factorise par un morphisme
φ : (V6 ⊗ OF )/V2 → S2 V2∨ .
T
x∈l
TX,x
(3.13)
Avec ces notations, on a D2 (φ) = Σ (cf. proposition 3.3.3.2), où l’on note Σ le
sous-schéma de F paramétrant les droites du deuxième type.
Lemme 3.3.3.3. Soit X une cubique ne contenant aucun plan et soit F la variété
de Fano de F . Alors le schéma Σ ⊂ F paramétrant les droites du deuxième type sur
X est une surface localement intersection complète, et l’on a
NΣ/F ≃ ker(φ)|∨
Σ ⊗ coker(φ)|Σ .
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
63
Démonstration. Comme Σ s’identifie avec le lieu de dégénéréscence D2 (φ), on a
dim(Σ) ≥ 2 et par un résultat de Clemens et Griffiths [15, Cor. 7.6], on a dim(Σ) ≤ 2,
de sorte que Σ est une surface et le lieu de dégénéréscence est de la dimension
attendue. Sur un ouvert suffisamment petit U de F , le morphisme φ est donné par
une application
φU : U → M4×3 .
Comme D1 (φ) = ∅, on a Σ ∩ U = φ−1
U (M2 \ M1 ). Or M2 \ M1 est lisse de
codimension 2 = codimF (Σ), de sorte que l’on en déduit que Σ est localement
intersection complète. La caractérisation du fibré normal NΣ/F découle par exemple
de [22, pp. 54-55].
Notons πΣ : FΣ → F l’éclatement de F au-dessus de Σ.
Proposition 3.3.3.4. Soit X une cubique ne contenant aucun plan et soit F la
variété de Fano de X. Si la surface Σ ⊂ F est génériquement réduite, alors on a
FΣ ≃ Γf .
Démonstration. Soit G une équation définissant X dans P5 . On a un morphisme de
fibrés vectoriels sur Γf = Y
ψ : (V6 ⊗ OΓf )/V3 → S2 V2∨
(y0 , . . . , y5 ) 7→
5
X
i=0
yi
∂G
,
∂xi
où le lieu de dégénéréscence D2 (ψ) est un diviseur de Cartier (défini par l’annulation
de det(ψ)), de sorte que la projection Y ≃ Γf → F se factorise par FΣ . Par le
lemme 3.3.3.3, Σ est localement une intersection complète, de sorte que FΣ l’est
aussi. Comme Σ est réduite, FΣ est lisse en codimension 1 et donc normale, d’où
l’on déduit Γf ≃ FΣ par le théorème principal de Zariski.
Remarque 3.3.3.5. Je ne connais pas d’exemple de cubique lisse X pour laquelle Σ
n’est pas réduite (pour la cubique de Fermat, Σ est réductible (cf. [16, §2.14])).
3.4
Classes positives de codimension 1 et 2
Après les résultats préliminaires des sections précédentes, on étudie dans cette
section les cônes des classes (pseudo)effectives ou nefs. On commence en regardant
la positivité des classes dans N2 (F ) pour X générale (§3.4.1). Ensuite, on étudie
la positivité des classes sur F en toute codimension pour X générale dans Cd pour
d ∈ {8, 12, 14} (§3.4.2 - 3.4.4). En particulier, on vérifie les conjectures de Hassett
et Tschinkel pour une cubique générale contenant un plan et pour une cubique
pfaffienne générale.
3.4.1
Cubiques générales
Soit X une cubique générale. Le résultat principal de cette section est que l’on
a une inclusion
Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ).
On conjecture que cette inclusion est stricte (cf. proposition 3.4.1.10 et conjecture
3.4.1.14).
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.1.1
64
Classes induites par la Grassmannienne et la face isotrope
Notons V2 le fibré tautologique de rang 2 sur la Grassmannienne G(1, P5 ) et
posons
s̃1 := c1 (V2∨ ) , s̃2 := c2 (V2∨ )
dans H • (G(1, P5 ), Z) ainsi que 1
s1 := c1 (V2∨ |F )
,
s2 := c2 (V2∨ |F )
dans H • (F, Z).
Lemme 3.4.1.1. Soit X une cubique lisse et soit F la variété de Fano de X. Alors
on a
c2 (F ) = 5s21 − 8s2 .
Démonstration. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 tel que P5 =
P(V6 ). Soit Q le fibré quotient sur G(1, P5 ) et posons
σ1 := c1 (Q|F ) ,
σ2 := c2 (Q|F ).
La suite exacte
fournit les relations
0 → V2 |F → (V6 ⊗ OG(1,P5 ) )|F → Q|F → 0
s1 = −σ1
,
s21
s2 = σ12 − σ2 .
(3.14)
et s2 . Comme F est le lieu des zéros d’une
Exprimons c2 (F ) en fonction de
section globale de S3 V2∨ , la suite exacte
0 → TF → TG |F → NF/G → 0,
donne
c2 (F ) + c2 (S3 V2∨ )|F = c2 (TG )|F .
Or c2 (S3 V2∨ ) = 11s21 + 10s2 et les relations (3.14) donnent s21 − 2s2 = −(σ12 − 2σ2 ),
de sorte que TG(1,P5 ) = V2∨ ⊗ Q fournit
ch(G(1, P5 )) = ch(V2∨ ) ch(Q)
1
= (2 + s1 + (s21 − 2s2 ) + (classes de degré ≥ 3))
2
1 2
· (4 + σ1 + (σ1 − 2σ2 ) + (classes de degré ≥ 3))
2
= 8 + 6s1 + s21 + (s21 − 2s2 ) + (classes de degré ≥ 3)
et l’on obtient
c2 (F ) = 5s21 − 8s2 .
Par la proposition 3.3.2.4, on a donc
N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i = hs21 , s2 i
pour une cubique générale X.
1. Remarquons que cette notation est conforme avec la notation introduite dans §3.3.1.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
65
Lemme 3.4.1.2 (Voisin). Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X.
Alors on a
R+ s2 + R+ (s21 − s2 ) ⊂ Psef 2 (F )
et R+ s2 ⊂ Psef 2iso (F ). Si X est générale, s2 engendre donc un rayon extrémal de
Psef 2 (F ) et une surface dans F est lagrangienne si et seulement si sa classe est un
multiple de s2 .
Démonstration. On a (cf. par exemple la démonstration de [67, Lemma 2.8])
Psef 2 (G(1, P5 )) = R+ s̃2 + R+ (s̃21 − s̃2 ),
et par restriction à F ⊂ G(1, P5 ), l’inclusion est claire. Or on peut intersecter X avec
un hyperplan (général) H ⊂ P5 pour obtenir une cubique lisse Y := X ∩ H dans P4 .
La variété F (Y ) paramétrant les droites sur Y est alors une surface lagrangienne
dans F de classe s2 (cf. [64, §3, Ex. 7], [33, Prop. 2]), ce qui fournit le résultat
souhaité.
Donnons un autre exemple d’une sous-variété lagrangienne d’une variété de Fano
d’une cubique X (générale).
Exemple 3.4.1.3. Pour X générale, on peut supposer que X est la section hyperplane
d’une cubique Y dans P6 . Par généricité, la variété F2 (Y ) paramétrant les 2-plans
dans Y est une surface lisse et l’on a une injection
i : F2 (Y ) → F
P 7→ P ∩ X.
On a [i(F2 (Y ))] = 63s2 (cf. [33]).
D’autre part, on a deux exemples de classes représentées par un multiple de
s21 − s2 :
Exemple 3.4.1.4. Soit l une droite dans X. La surface
Sl := {[l′ ] ∈ F | l ∩ l′ 6= ∅}
est de classe 31 (s21 − s2 ) [63, §0].
Exemple 3.4.1.5. La surface Σ paramétrant les droites du deuxième type sur X est
de classe 5(s21 − s2 ) [2, p. 488].
3.4.1.2
L’endomorphisme rationnel de Voisin
Pour obtenir une restriction sur l’autre rayon extrémal de Psef 2 (F ), on peut
utiliser l’endomorphisme rationnel f : F 99K F construit dans §3.3.3.
Proposition 3.4.1.6 (Amerik). Si X est une cubique générale, la surface Σ est
lisse.
Démonstration. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 tel que P5 =
P(V6 ). Notons XG la cubique associée à un polynôme G ∈ S3 V6∨ et soit ΣG ⊂ XG
le schéma paramétrant les droites qui sont de deuxième type. Soit
Z := {([l], G) ∈ G(1, P5 ) × S3 V6∨ | l ⊂ XG }
et soit
φ : (V6 ⊗ OZ )/V2 → S2 V2∨
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
66
le morphisme défini par (3.13). Notons V2 le tiré en arrière sur Z du fibré tautologique sur G(1, P5 ). On note sφ : Z → Hom((V6 ⊗ OZ )/V2 , S2 V2∨ ) la section globale
associée et l’on pose
I := D2 (φ) = {(l, G) ∈ Z | l est du deuxième type }.
On montre que I est irréductible et lisse en codimension 3. Comme p−1
2 (G) = ΣG
est de dimension 2 pour G générale, cela entraîne que la projection Ising → S3 V6∨
n’est pas surjective, d’où l’on déduit le résultat souhaité par lissité générique.
Comme G(1, P5 ) est homogène, il suffit de montrer qu’une fibre Il := p−1
1 (l) est
lisse en codimension 3. Remarquons que Il = D2 (φ|Zl ), où Zl est la fibre au-dessus
de [l] de la projection de Z sur G(1, P5 ). Supposons que l est définie par x0 = x1 = 0,
de sorte que
5
X
∂G
xj
.
φ(l,G) (x2 , . . . , x5 ) =
∂y
j
j=2
La matrice 4 × 3 représentant φ(l,G) a comme coefficients dans la j-ième colonne les
∂G
coefficients des monômes x21 , x0 x1 , x21 de ∂y
. La section sφ |Zl s’écrit alors explicitej
ment comme une application de Zl dans M4×3 et l’on a Il = sφ |−1
Zl (M2 ). Comme
sφ |Zl est linéaire et donc lisse, cela entraîne que Il est irréductible et I l’est donc
aussi. De plus, on a
codim(Sing(Il )) = codim(Sing(M2 )) = 4,
ce qui achève la démonstration.
Remarque 3.4.1.7. Dans [2], Amerik suggère que l’on devrait avoir ωΣ = OΣ (3).
L’argument suivant vérifie cette hypothèse : avec les notations de la démonstration
du lemme 3.3.3.3, on a ker(φ)|Σ = (ker(ϕ)/V2 )|Σ et
TF |Σ = Hom(V2 , ker(ϕ)/V2 )|Σ = (V2∨ ⊗ ker(φ))|Σ .
En prenant le déterminant, on obtient det ker(φ)|Σ = OΣ (−2). La suite exacte
0 → ker(ϕ)/V2 → V6 ⊗ OF /V2 → S2 V2∨ → coker(φ) → 0,
restreinte à Σ, fournit alors coker(φ)|Σ = OΣ (1). Comme NΣ/F = ker(φ)|∨
Σ ⊗
coker(φ)|Σ , on obtient, en appliquant la formule d’adjonction et par les remarques
précédentes,
ωΣ = det(ker(φ)∨ ⊗ coker(φ)) = OΣ (3).
Par la proposition 3.3.3.4 et la proposition 3.4.1.6, on a, pour X générale, le
diagramme commutatif suivant,
Γf ≃ FΣ
HH
HH g
HH
π
HH
H#
f
F _ _ _ _/ F,
(3.15)
où π : FΣ → F est l’éclatement de Σ.
Lemme 3.4.1.8 (Amerik). Soit X une cubique générale. Alors g ne contracte pas
de diviseur, et toute surface T dans FΣ contractée par g est aussi contractée par π.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
67
Démonstration. Par [65, §4.1], g ∗ σ est proportionelle à π ∗ σ, donc
E := Ram(π) = Ram(g),
de sorte que toute sous-variété de FΣ contractée par g est contenue dans E. En
particulier, g ne contracte pas le diviseur exceptionnel E car sinon f serait un
morphisme régulier. Soit maintenant Z une surface irréductible contractée par g,
de sorte que la 2-forme g ∗ σ est nulle sur Z. Si Z n’est pas contractée par π, on a
π(Z) = Σ et donc π ∗ σ|Z 6= 0 (car Σ n’est pas lagrangienne par l’exemple 3.4.1.5),
ce qui est une contradiction.
3.4.1.3
Restrictions sur Psef 2 (F )
Les nombres d’intersection parmi les classes s1 et s2 sont bien connus.
Lemme 3.4.1.9. On a
s41 = 108
,
s21 · s2 = 45
,
s22 = 27.
Démonstration. Cf. par exemple [2, Lemma 4].
Proposition 3.4.1.10. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano
de X. On a
Psef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − as2 )
pour un réel positif a ≤ 53 . En particulier, on a
Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ).
(3.16)
Démonstration. Par le lemme 3.4.1.8, g ne contracte aucun diviseur donc g ∗ envoie
Psef 2 (F ) dans Psef 2 (FΣ ) et le cône des classes pseudoeffectives Psef 2 (F ) est donc
invariant par l’application induite f ∗ : N2 (F ) → N2 (F ), où l’on utilise les notations
du diagramme 3.15. On a (f n )∗ = (f ∗ )n [2, Thm. 3] et [2, Thm. 8]
f ∗ s2 = 31s2
d’où
,
f ∗ s21 = 4s21 + 45s2 ,
5
5
f ∗ (s21 − s2 ) = 4(s21 − s2 ).
3
3
Pour a > 53 , on a
lim (f ∗ )n (s21 − as2 ) = −bs2
n→∞
pour un entier positif b. La classe −s2 n’est pas pseudoeffective, ce qui entraîne
Psef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − as2 )
pour un a ≤ 35 . Comme (s21 − 35 s2 ) · s2 = 0, on a en particulier
Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ).
(3.17)
Remarque 3.4.1.11. On peut aussi retrouver ce résultat par un argument direct.
Comme on a (cf. par exemple la démonstration du Lemme 2.8 dans [67])
Psef 2 (G(1, P5 )) = Nef 2 (G(1, P5 )) = R+ s̃2 + R+ (s̃21 − s̃2 ),
la classe s2 = s̃2 |F est nef par le lemme 2.3.4.8.
La proposition 3.4.1.10 découle également de la proposition 3.4.1.13 ci-dessous.
Mais comme la technique en utilisant l’action de f ∗ pourrait être utile dans l’étude
des cônes dans N1 (F ) et N2 (F ) pour d’autres classes de cubiques, on a choisi de
l’inclure ici.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
68
Lemme 3.4.1.12. Soit X une cubique et soit Fx la variété paramétrant les droites
dans X passant par x ∈ X. Si Fx contient une composante S1 de dimension ≥ 2,
alors S1 est une surface lisse, contenue dans la surface (peut-être réductible) Σ
paramétrant les droites du deuxième type dans X. En particulier, il y a juste un
nombre fini de points x ∈ X tels que dim(Fx ) = 2.
Démonstration. Soit l une droite dans X passant par x. Comme (cf. [16, p. 48])
TFx ,[l] = H 0 (l, Nl/X (−1)),
la proposition 3.3.3.2 implique que l’on a dim TFx ,[l] ≤ 2 avec égalité si et seulement
si [l] ∈ Σ. Si Fx contient donc une composante S1 de dimension 2, on doit avoir
dim TFx ,[l] = dim S1 = 2 en tout point [l] ∈ S1 , ce qui entraîne que S1 est une
surface lisse dans Σ.
Proposition 3.4.1.13. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano
de X. La classe s21 − 53 s2 n’est pas effective.
Démonstration. Supposons qu’un multiple de la classe s21 − 35 s2 est représenté par
une surface T ⊂ F . Notons lt la droite correspondant à t ∈ T et P3t∨ le P3 correspondant à t∨ ∈ T ∨ ⊂ G(3, (P5 )∨ ) tel que
\
lt =
H.
[H]∈P3t∨
On a T · s2 = 0 et donc T · [G(1, P4 )] = 0 dans G(1, P5 ). Autrement dit, aucune
droite paramétrée par T n’est contenue dans un P4 général dans P5 . La surface
duale T ∨ est donc contenue dans
{[L] ∈ G(3, (P5 )∨ ) |
aucun hyperplan correspondant à un point de L ne passe par x ∈ P5 général}.
Par la propriété universelle de la Grassmannienne, T ∨ correspond à un diagramme
q
Z
/ (P5 )∨
p
T∨
où Z ⊂ T ∨ × (P5 )∨ , p et q sont les
naturelles et p−1 (t∨ ) = P3t∨ . Notre
S projections
3
hypothèse est que V := q(Z) = t∨ ∈T ∨ Pt∨ est une sous-variété stricte de (P5 )∨ ;
c’est donc une hypersurface. La fibre d’un point général v ∈ V est de dimension 1,
ce qui signifie que v est dans une famille de dimension 1 de P3t∨ . Ces 3-plans sont
contenus dans l’hyperplan TV,v , donc le remplisse. Ils sont aussi contenus dans V , de
sorte que TV,v ⊂ V . On en déduit que V est une réunion d’hyperplans H1∨ , . . . , Hr∨
de (P5 )∨ . Soit maintenant Ti la composante de T telle que q(p−1 (Ti∨ )) = Hi∨ . Alors
on a
\
\
lt =
H = {x},
t∈Ti
[H]∈Hi∨
de sorte que Ti est une surface contenue dans la variété Fx paramétrant les droites
dans X passant par x. Comme X est générale, on a donc Ti = Σ pour i = 1, . . . , r
(cf. proposition 3.4.1.6 et lemme 3.4.1.12) ; en particulier, la classe de T est un
multiple de [Σ] = 5(s21 − s2 ) (cf. exemple 3.4.1.5), ce qui est une contradiction à
l’hypothèse que la classe de T est un multiple de s21 − 53 s2 . On en déduit que s21 − 53 s2
n’est pas effective.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
69
La conjecture suivante semble naturelle :
Conjecture 3.4.1.14. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano
de X. Alors on a
Psef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − s2 )
et
5
Nef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − s2 ).
3
Autrement dit, on conjecture que toute classe pseudoeffective s’obtient comme restriction d’une classe effective dans la Grassmannienne G(1, P5 ), ce qui impliquerait
que l’inclusion (3.16) est stricte.
3.4.2
Cubiques contenant un plan
Soit X une cubique générale contenant un plan, i.e., X est générale dans C8 .
Comme résultat principal de cette section, on vérifie les conjectures de Hassett
et Tschinkel (propositions 3.4.2.7, 3.4.2.10 et 3.4.2.15) pour la variété de Fano F
de X. De plus, on montre que F n’admet pas d’automorphisme birationnel non
trivial (proposition 3.4.2.21) et l’on montre que la face isotrope de Psef 2 (F ) est de
codimension 1 (proposition 3.4.2.22).
3.4.2.1
Les diviseurs DP et DQ
Comme la cubique X est générale dans C8 , elle contient un unique plan P .
On note P ∨ le plan dual dans F . Soit Π le plan projectif paramétrant les espaces
linéaires de dimension 3 dans P5 contenant P . Pour [P3 ] ∈ Π, on a
P3 ∩ X = P ∪ QP3 ,
où QP3 est une quadrique dont la classe dans H 4 (X, Z) ne dépend pas du P3 ∈ Π
choisi.
Remarque 3.4.2.1. Soit x ∈ X \ P . Comme il y a un unique P3 contenant P et x, il
y a une unique quadrique QP3 ⊂ X contenant x.
Remarque 3.4.2.2. Pour le système linéaire des coniques QP3 ∩ P paramétré par Π,
on a l’interprétation alternative suivante (cf. [63, Lemme 6]) : soit γ : X → (P5 )∨
l’application de Gauss (cf. (3.12)) et notons Π′ le plan dans (P5 )∨ paramétrant les
hyperplans dans P5 contenant P . Alors on a une bijection
(Π′ )∨
−→ Π
[l] 7−→ P3l :=
et
\
TX,x
x∈γ −1 (l)
P3l ∩ QP3l = γ −1 (l).
(3.18)
Si l’on parle dans la suite d’une quadrique Q, il est sous-entendu qu’elle est de
la forme QP3 , où il n’importe pas quel P3 on choisit. Avec cette notation, on a par
la proposition 3.3.2.4,
N2 (X) = R[P ] ⊕ R[Q]
et la forme d’intersection est donnée par [63, §0]
[P ] · [Q] = −2 ,
[P ]2 = 3
De plus, on a
[P ] + [Q] = h2 ,
,
[Q]2 = 4.
(3.19)
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
70
où l’on note h la classe d’une section hyperplane dans X. Si l’on pose
p := α([P ]) ,
q := α([Q]),
où α = pr2,∗ pr∗1 : H 4 (X, Z) → H 2 (F, Z) est l’isomorphisme d’Abel-Jacobi définie
dans (3.7), on a
N1 (F ) = R p ⊕ R q
et
p + q = s1
par la proposition 3.3.1.5.
Construisons d’abord un diviseur premier DQ de classe q. Soit Q ⊂ X une
quadrique générale (i.e. générale dans le système de quadriques paramétré par Π)
et notons Fx la variété paramétrant les droites passant par x ∈ X. Comme Fx est
une courbe pour x en dehors un ensemble fini de points de X (cf. lemme 3.4.1.12)
et une courbe irréductible pour x ∈ Q général, pr−1
1 (Q) a une seule composante
irréductible D1 de dimension 3. Le diviseur DQ := pr2 (D1 ) est donc irréductible de
classe q.
Pour construire le diviseur DP , on pose d’abord
D := {([l], [P3 ]) ∈ F × Π | l ⊂ QP3 }
et l’on note p1 et p2 les deux projections associées, de sorte qu’une fibre de p2
paramètre les droites contenues dans QP3 .
Lemme 3.4.2.3. La variété D est une fibration en coniques au-dessus d’une surface
K3 lisse S de degré 2 et est donc lisse elle-même.
Démonstration. Rappellons d’abord la construction géométrique suivante (cf. [63,
p.582], [39, §4]) : soit πP : X 99K Π la projection depuis P dans P5 . L’éclatement
X̃ → X de X au-dessus de P résoud alors les indéterminations de π, de sorte que
l’on obtient une application régulière π̃P : X̃ → Π de fibres π̃P−1 (P3 ) = QP3 . Le
lieu discriminant dans Π de ce fibré en quadriques est une sextique C. Comme X
contient un unique plan, les quadriques QP3 sont toutes non dégénérées, de sorte
que C est lisse par un résultat de Beauville [8, Prop. I.1.2]. La factorisation de Stein
de p2 donne un morphisme
s
D −→ S −→ Π,
où la fibre s−1 (P3 ) paramètre les deux réglages de QP3 , de sorte que s est un
revêtement double. Comme la variété paramétrant les droites dans une quadrique
QP3 est la réunion de deux coniques distinctes si et seulement si QP3 est lisse, le lieu
de ramification de s s’identifie à la courbe discriminante lisse C. Il s’ensuit que S
est une surface K3 lisse de degré 2 et que D est une fibration en coniques au-dessus
de S, d’où l’on déduit que D est lisse.
Posons
DP := {[l] ∈ F | l ∩ P 6= ∅, l 6⊂ P }.
Proposition 3.4.2.4. La projection p1 fournit un isomorphisme entre D et DP ,
de sorte que DP est un diviseur lisse, fibré en coniques au-dessus d’une surface K3
lisse S de degré 2. De plus, on a [DP ] = p.
Démonstration. Soit ([l], [P3 ]) ∈ D. Comme l et P sont contenus dans P3 , on a
l ∩ P 6= ∅. Si l 6⊂ P , il est clair que l’on a [l] ∈ DP . Si l est dans P , c’est la limite
d’une famille de droites dans QP3 et donc la limite d’une famille de droites dans
DP , de sorte que l’on a également [l] ∈ DP . Comme toute droite correspondant à
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
71
un point dans {[l] ∈ F | l ∩ P 6= ∅, l 6⊂ P } est contenue dans une unique quadrique
QP3 (cf. remarque 3.4.2.1), on a donc
p1 (D) = DP
et p1 |D est bijective au-dessus de p1 (D) \ P ∨ . Il nous reste à étudier les fibres audessus de p1 (D) ∩ P ∨ . Soit donc l ∈ p1 (D) ∩ P ∨ et choisissons des points x, y ∈ l.
Alors il existe une unique droite l′ ⊂ Π′ passant par [TX,x ] et [TX,y ] ∈ (P5 )∨ ,
de sorte que γ −1 (l′ ) est l’unique conique contenant l (cf. (3.18)). L’application
p1 : D → DP est donc une bijection. On a une section l 7→ (l, hl, P i) au-dessus de
p1 (D) \ P ∨ , de sorte que DP est lisse en codimension 1 et donc normale. Comme D
est lisse par le lemme (3.4.2.3), le théorème principal de Zariski entraîne que p1 est
un isomorphisme.
Il reste à montrer que [DP ] = p. L’image réciproque de P sous la projection pr2
est la réunion des variétés
D2 := {(x, [l]) ∈ P × P ∨ | x ∈ l},
et
D3 := {(x, [l]) ∈ P × F | x ∈ l, [l] 6∈ P ∨ }.
Comme D2 est contractée sur une surface par pr2 et comme pr2 (D3 ) = DP , on a
donc p = α(P ) = [DP ].
Le lemme suivant nous permettra ensuite de déterminer le cône Psef 1 (F ).
Lemme 3.4.2.5. La forme de Beauville sur N1 (F ) est déterminée par
qF (p, p) = −2
,
qF (q, q) = 0
,
qF (p, q) = 4.
Démonstration. Par (3.19), la classe [Q] − 2[P ] est orthogonale à h2 dans H 4 (X, Z),
d’où l’on déduit qF (q − 2p, q + p) = 0. En appliquant (3.8), on obtient de plus
qF (q − 2p, q − 2p) = −24 et par [11], on a qF (q + p, q + p) = 6. En écrivant p et q
comme combinaison linéaire de q − 2p et q + p, on obtient le résultat souhaité.
Remarque 3.4.2.6. Dans la base {p, s1 + p} de N1 (F ), la forme de Beauville est
donnée par
qF (p, p) = −2 ,
qF (p, s1 + p) = 0
,
qF (s1 + p, s1 + p) = 8.
Soient (a, b) des coordonnées sur N1Z (F ) par rapport à cette base. Alors on a
qF (a, b) = −2a2 + 8b2 et donc
qF (a, b) = −10
qF (a, b) = −2
⇔ a = ±3, b = ±1,
⇔ a = ±1, b = 0.
On obtient ainsi
{ρ ∈ N1Z (X) | qF (s1 , ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) = −2} = {p},
{ρ ∈ N1Z (X) | qF (s1 , ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) = −10} = {q − p, 5p + q}.
Proposition 3.4.2.7. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la
variété de Fano de X. Alors on a
Psef 1 (F ) = Eff 1 (F ) = R+ p + R+ q
= cone{ρ ∈ N1Z (X) | qF (s1 , ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) ≥ −2}
(3.20)
et la classe de tout diviseur premier autre que DP est dans R+ (2p + q) + R+ q.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
72
Démonstration. Par [13, Prop. 4.2], on a qF ([D], [D′ ]) ≥ 0 pour deux diviseurs
premiers distincts D et D′ sur F . Comme on a qF (p, p − aq) < 0 et qF (q, q − ap) < 0
pour tout a ∈ R+ , on obtient
Psef 1 (F ) = Eff 1 (F ) = R+ p + R+ q.
La caractérisation (3.20) de Psef 1 (F ) découle alors tout de suite de la remarque
3.4.2.6 : toute classe d’un diviseur premier D avec qF ([D], [D]) < 0 est de classe un
multiple d’une classe primitive ρ ∈ N1Z (F ) de carré −2 sous la forme de Beauville
et donc un multiple de p. On en déduit que tout diviseur premier autre que DP est
dans R+ (2p + q) + R+ q.
3.4.2.2
Classes nefs et classes de courbes
Notons c la classe d’une fibre de DP ≃ D → S (qui est une conique) et l la
classe d’une droite dans P . Alors on a
N1 (F ) = hc, li
et l’on verra que ces deux classes engendrent le cône des courbes Eff 1 (F ) = Psef 1 (F )
(proposition 3.4.2.7). On commence en déterminant l’accouplement d’intersection
entre classes de courbes et classes de diviseurs.
Lemme 3.4.2.8. L’accouplement d’intersection
N1 (F ) × N1 (F ) → R
est donné par
p · c = −2
,
q·c=4
p·l = 3
,
,
q · l = −2.
Démonstration. Comme tα(c) = Q et tα(l) = P on déduit l’enoncé souhaité de
(3.9) et (3.19).
Remarque 3.4.2.9. Comme
2x · l = qF (x, q − p)
,
x · c = qF (x, p)
pour tout x ∈ H 2 (F, Z), on a ρl = q − p et ρc = p avec les notations de (3.5).
Proposition 3.4.2.10. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F
la variété de Fano de X. Alors on a
Psef 1 (F ) = Eff 1 (F ) = R+ l + R+ c
et
Nef 1 (F ) = R+ (2p + 3q) + R+ (2p + 2).
Démonstration. Comme DQ · l < 0 et DP · c < 0, l’énoncé découle tout de suite du
théorème de contraction (cf. [37, Thm 3.7]) : il existe des contractions extrémales
contrl : F → F ′ et contrc : F → F ′′ telles qu’une courbe est contractée par contrl
(resp. par contrc ) si et seulement si elle est de classe dans R+ l (resp. de classe dans
R+ c). Comme 2p + 3q et 2p + q sont des classes effectives avec
(2p + 3q) · l = (2p + q) · c = 0,
la contraction contrl (resp. contrc ) est définie par les sections globales du fibré en
droites OF (m(2DP + 3DQ )) (resp. par les sections globales de OF (m(2DP + DQ ))
pour un m suffisamment grand. Comme m(2p + 3q) (resp. m(2p + q)) est le tiré
en arrière d’une classe ample par contrl (resp. contrc ), on voit que ces deux classes
engendrent les deux rayons extrémaux de Nef 1 (F ) ; par dualité, l et c engendrent
les deux rayons extrémaux de Psef 1 (F ).
Remarque 3.4.2.11. Il découle de la remarque 3.4.2.6 que la proposition 3.4.2.10
vérifie les conjectures 3.2.2.7 et 3.2.2.10 de Hassett et Tschinkel.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.2.3
73
Géométrie birationnelle
Soit Y une variété hyperkählérienne projective et soit f : Y 99K Y ′ une application birationnelle, où Y ′ est une autre variété symplectique projective. Alors f
est un isomorphisme en codimension 1, de sorte que f ∗ : N1 (Y ′ ) → N1 (Y ) est un
isomorphisme.
1
Définition 3.4.2.12. Le cône nef birationnel Nefbir
(Y ) est un cône dans N1 (Y ),
1
∗
′
défini comme la réunion des cônes f Nef (Y ), où f : Y 99K Y ′ est une application birationnelle et Y ′ est une autre variété symplectique projective. Un sous-cône
1
de Nefbir
(Y ) de la forme f ∗ Amp(Y ′ ) est dit une chambre ample et l’adhérence
f ∗ Amp(Y ′ ) d’une chambre ample est dite une chambre nef.
Remarque 3.4.2.13. Si f : Y 99K Y ′ est une application birationnelle entre variétés
symplectiques projectives, f ∗ Amp(Y ′ ) ∩ Amp(Y ) 6= ∅ entraîne Y ≃ Y ′ , de sorte
1
que les chambres amples de Nefbir
(Y ) sont disjointes.
Un flop de Mukai est un morphisme birationnel canoniquement associé à une
variété hyperkählérienne Y contenant un plan P ≃ P2 . Rappelons sa construction
en suivant [48, §3] : soit π : Z → Y l’éclatement de Y au-dessus de P et soit
E := π −1 (P ∨ ) le diviseur exceptionnel de π. Comme Y est hyperkählérienne, on a
NP/Y ≃ ΩP (cf. [48, Prop. 3.1]) et donc
E ≃ P(ΩP ) ≃ {(p, l) ∈ P × P ∨ | p ∈ l},
de sorte que les deux projections p1 : E → P et p2 : E → P ∨ fournissent
deux structures de P1 -fibré sur E. Pour p′ ∈ P , on a par la formule d’adjonction OZ (E)|p−1 (p′ ) = OP ∨ (−1), de sorte qu’il existe une variété analytique lisse
2
Y + et un morphisme π + : Z → Y + tel que π + est un isomorphisme sur Z \ E
et π + |E = p2 |E (cf. [51] [20]). L’application birationnelle fP := π + ◦ π −1 est alors
appelée le flop de Mukai de Y le long de P . On résume cette construction dans le
diagramme suivant
(3.21)
Z
} CCC +
CCπ
π }}}
CC
}}
C!
~}}
fP
Y A_ _ _ _ _ _ _/ Y +
AA
{{
AA
{{
AA
{
β
A }{{{ β ∨
W
où β (resp. β ∨ ) est un morphisme birationnel qui contracte P (resp. P ∨ ) sur un
point. La variété Y + est complexe et H 0 (Y + , Ω2Y + ) est engendré par une 2-forme
σ + induite par σ ∈ H 0 (Y, Ω2Y ). A priori, il n’est pas clair si Y + est kählérienne (et
donc hyperkählérienne) ou même projective.
Si X est une cubique contenant un plan, la variété de Fano F contient le plan
dual P ∨ , de sorte qu’il existe un flop de Mukai
fP ∨ : F 99K F + .
Pour vérifier que F + est projective dans ce cas, on aura besoin du lemme 3.4.2.14
ci-dessous.
Notons
\
Bl(L) :=
D
D∈L
le lieu de base d’un système linéaire L de diviseurs sur une variété complexe.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
74
Lemme 3.4.2.14. On a
Bl |DQ | = P ∨ .
Démonstration. Comme DQ · l < 0, on a P ∨ ⊂ Bl |DQ |. Supposons maintenant qu’il
existe [l] ∈ Bl |DQ | telle que [l] 6∈ P ∨ . Comme
\
Bl |DQ | ⊂
DQP3 ,
[P3 ]∈Π
la droite l intersecte par définition de DQP3 toute quadrique QP3 . Supposons d’abord
que l et P se coupent dans un point pl . Alors il existe un unique [P3 ] ∈ Π tel que
′
l ⊂ P3 et l’on a l ⊂ QP3 . Si QP3′ est la quadrique associée à un P3 6= P3 , on
′
a P3 ∩ P3 = P , de sorte que l doit intersecter QP3′ dans pl . Autrement dit, le
système linéaire de coniques P ∩ QP3 doit admettre un point de base, ce qui est une
contradiction : soit p ∈ P et soit l′ ⊂ Π′ une droite qui ne passe pas par [TX,p ].
Alors on a p 6∈ γ −1 (l′ ) (cf. (3.18)).
Il reste à regarder le cas l ∩ P = ∅. Comme l n’intersecte pas P , aucun P3
contenant P ne contient l. Mais comme l intersecte toute quadrique QP3 , on doit
avoir l ∩ P3 = l ∩ QP3 6= ∅. On obtient donc une application (ensembliste)
Π→l
[P3 ] 7→ l ∩ QP3 .
La fibre au-dessus d’un point x ∈ l correspond alors à un nombre infini de quadriques
passant par x ∈ X \ P , ce qui est une contradiction avec la remarque 3.4.2.1. On
en déduit que l’on doit avoir [l] ∈ P ∨ et donc Bl |DQ | = P ∨ .
Proposition 3.4.2.15. Soit X une cubique générale contenant un plan P et soit
F la variété de Fano de X.
1. Le système linéaire |m(2DP + 3DQ )| est sans point de base pour m ≫ 0 et
définit la contraction contrl du rayon extrémal R+ l. Le lieu exceptionnel de
contrl est le plan dual P ∨ qui est contracté sur un point, et le flop de Mukai
fP ∨ : F 99K F + est le flip associé à contrl .
2. Le système linéaire |m(2DP + DQ )| est sans point de base pour m ≫ 0 et
définit la contraction contrc du rayon extrémal R+ c. Il s’agit d’une contraction
divisorielle de lieu exceptionnel DP et la restriction de contrc à DP fournit la
fibration de DP → S en coniques de la proposition 3.4.2.4.
Démonstration. Par les propositions 3.4.2.7 et 3.4.2.10, les diviseurs 2DP + 3DQ et
2DP + DQ sont nefs et big, de sorte que les systèmes linéaires |m(2DP + 3DQ )| et
|m(2DP + DQ )| sont sans point base pour m ≫ 0 par le « basepoint-free theorem » ;
il est clair qu’ils définissent les contractions extrémales des rayons R+ l et R+ c (cf.
la démonstration de la propositon 3.4.2.10). Par le lemme 3.4.2.14, toute courbe
d’intersection négative avec DQ est contenue dans P ∨ , de sorte que l’on a contrl = β
avec les notations du diagramme (3.21). Comme β est une contraction extrémale,
un résultat de Wierzba dit que F + est projective [69, Prop. 2.1] et fP ∨ : F 99K F +
est donc le flip associé à la contraction contrl = β.
D’autre part, parce que la fibration DP → S contracte c, c’est la contraction du
rayon extrémal R+ c.
Comme le flop de Mukai fP ∨ : F 99K F + est projectif, fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) définit une
1
chambre de Nefbir
(F ).
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
75
Proposition 3.4.2.16. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F
la variété de Fano de X. Alors on a
1
Nefbir
(F ) = R+ q + R+ (2p + q)
et ce cône est la réunion de
fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) = R+ q + R+ (2p + 3q)
et
Nef 1 (F ) = R+ (2p + 3q) + R+ (2p + q).
1
Démonstration. Par [13, Prop. 4.4], on sait que Nefbir
(F ) est le dual de Psef 1 (F ) par
rapport à la forme de Beauville qF , ce qui entraîne la première partie de l’énoncé.
Par [69, Prop. 2.1], on a q ∈ fP∗ ∨ Nef 1 (F + ). De l’autre côté, on a N1Z (W ) ≃ Z et
(cf. [37, 3.17])
Z(2p + 3q) = contr∗l N1Z (W ),
de sorte que 2p + 3q est le tiré en arrière d’une classe nef sur W . Par la commutativité du diagramme (3.21), cette classe engendre donc l’autre rayon extrémal de
fP∗ ∨ Nef(F + ), ce qui achève la démonstration de la proposition.
3.4.2.4
Automorphismes de F
Soit Y une variété hyperkählérienne projective. Rappelons que l’on a des morphismes
ψaut : Aut(Y ) → Aut(H 2 (Y, Z), qY )
u 7→ u∗ ,
ψbir : Bir(Y ) → Aut(H 2 (Y, Z), qY )
u 7→ u∗ .
Supposons pour la suite que u est un automorphisme de Y . Notons T (Y ) :=
N1Z (Y )⊥ ⊂ H 2 (Y, Z) le réseau transcendant. Remarquons qu’il est primitif et que
l’on a σ ∈ T (Y ) ⊗ C (cf. remarque 3.2.1.5). La forme qY |N1Z (Y ) est non dégénérée de
signature (1, 0, rang(N1Z (Y )) − 1). En particulier, on a
N1Z (Y ) ∩ T (Y ) = {0}.
(3.22)
Les valeurs propres de l’action de u∗ sur T (Y )⊗C sont des racines s-ièmes de l’unité
µs ∈ C∗ et l’on a u∗ σ = µs σ (cf. [9, Prop. 7]).
Définition 3.4.2.17. On dit que u est symplectique si u∗ σ = σ et non symplectique
sinon.
Regardons l’action de u∗ sur T (Y ). Si u est symplectique, on a, pour t ∈ T (Y ),
qY (σ, t) = qY (σ, u∗ t)
et donc u∗ t − t ∈ σ ⊥ ∩ H 2 (Y, Z) = N1Z (Y ). Comme T (Y ) est invariant sous l’action
de u∗ , on obtient u∗ t − t ∈ T (Y ) ∩ N1Z (Y ) et donc u∗ t = t par (3.22). Autrement
dit, on a
u∗ |T (Y ) = id .
(3.23)
Supposons maintenant que u est non symplectique et écrivons u∗ σ = µs σ. S’il
existe un vecteur propre t ∈ T (Y ) de valeur propre 1, on a
qY (σ, t) = qY (u∗ σ, u∗ t) = µs qY (σ, t)
et donc qY (σ, t) = 0. On en déduit t ∈ N1Z (Y ) ∩ T (Y ) = {0}, i.e.,
∀t ∈ T (Y )
u∗ t = t ⇐⇒ t = 0.
(3.24)
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
76
Remarque 3.4.2.18. On pourrait aussi remarquer que T (Y ) ⊗ Q est une structure
de Hodge rationnelle irréductible [73, Thm. 1.4.1], de sorte que l’on a
u∗ |T (Y ) = µs id .
(3.25)
Théorème 3.4.2.19 (Beauville, Hassett, Tschinkel). Soit F la variété de Fano
d’une cubique lisse. Alors l’application ψaut est injective.
Démonstration. Par un résultat de Beauville, l’application ψaut est injective si Y
est un schéma de Hilbert S [2] [9, Prop. 10]. Hassett et Tschinkel montrent que le
noyau de ψaut reste invariant sous une déformation de Y [26, Thm. 2.1], de sorte
que le théorème 3.3.1.2 implique le résultat souhaité.
Définition 3.4.2.20. Soit (M, q) un réseau et M ∨ le réseau dual. Alors AM :=
M ∨ /M est le groupe discriminant de M . Si (M, q) est un réseau pair, on obtient
une forme quadratique bien définie à valeurs dans Q / Z sur AM en posant
qAM (x) =
1
q(x, x)
2
mod Z
pour x ∈ M ∨ . Cette forme est dite la forme discriminante.
Proposition 3.4.2.21. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F
la variété de Fano de X. Alors on a
Bir(F ) = Aut(F ) = {id}.
Démonstration. Pour faciliter les notations, on pose pour la suite
N := NZ1 (F ) ,
L := H 2 (F, Z)
,
T := T (F ).
Soit u ∈ Aut(F ). Par l’injectivité de ψaut , il suffit de montrer que l’on a u∗ = id.
Supposons d’abord que u∗ agit non trivialement sur N . Alors u∗ doit préserver la
forme de Beauville qF et le cône Nef 1 (F ) et envoyer le générateur primitif 2p + q
d’un rayon extrémal sur le générateur primitif 2p + 3q de l’autre rayon extrémal
(cf. proposition 3.4.2.10). Ceci n’est pas possible, car qF (2p + q, 2p + q) = 0 et
qF (2p + 3q, 2p + 3q) = 40. On a donc
u∗ |N = id .
Si u est symplectique, cela entraîne u∗ = id (cf. (3.23)), ce qu’il fallait montrer.
Il nous reste à montrer que F n’admet pas d’automorphisme non symplectique.
On raisonne par l’absurde en utilisant un argument de la théorie des réseaux. Posons
H := L/(N ⊕ T ) ⊂ AN ⊕ AT .
Par un résultat de Nikulin [52, Prop. 1.5.1], on sait que les deux projections pN :
H → AN et pT : H → AT sont injectives. On montre que l’existence d’un automorphisme non symplectique impose des conditions sur H telles que pT ne puisse pas
être injectif, ce qui fournit la contradiction souhaitée.
Supposons donc que u est un automorphisme non symplectique. Soit µs une
racine s-ième de l’unité telle que u∗ σ = µs σ. Alors on a (u∗ )s σ = σ, de sorte que us
est symplectique et donc l’identité par les remarques précédentes. Par un résultat
de Beauville [9, Prop. 7], s − 1 divise rang(H 2 (F, Z)) − rang(N ) = 21, d’où l’on
déduit s ∈ {2, 4, 8, 22}. En passant à une puissance de u, on peut donc supposer
s = 2. Par (3.24), on a donc µ∗ |T = − id, de sorte que N est le réseau invariant sous
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
77
l’action de µs . Un résultat de Boissière, Nieper-Wisskirchen et Sarti [12, Lemma
5.3] dit alors qu’il existe un entier positif α tel que
H ≃ (Z /2 Z)α .
Comme AN ≃ Z /8 Z × Z /2 Z (cf. remarque 3.4.2.6) et comme la projection pN :
H → AN est injective, on a α ∈ {1, 2}. D’autre part, la formule
|H|2 = |AN ||AT ||AL |−1
donne 2|H|2 = 16|AT | et donc
2α = 23−α |AT |.
Cela implique α = 2 et |AT | = 2. Mais c’est une contradiction au fait que la
projection pT : H → AT est injective (cf. [52, Prop. 1.5.1]), d’où l’on déduit que F
n’admet pas d’automorphisme non symplectique.
On a donc
Aut(F ) = id
par l’injectivité de ψaut .
Soit maintenant u : F 99K F un automorphisme birationnel. Si u∗ envoie une
classe ample sur une classe ample, u est un automorphisme et donc l’identité. Sinon,
comme une chambre nef est envoyée sur une chambre nef par u∗ , on a donc, si u 6= id,
u∗ Nef 1 (F ) = fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) ,
u∗ fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) = Nef 1 (F ).
Autrement dit, u∗ doit agir par
2p + q
2p + 3q
q
7 → q,
−
7−→ 2p + 3q,
7−→ 2p + q,
(3.26)
(3.27)
(3.28)
ce qui entraînerait 2q 7→ 2p + 2q ((3.27) - (3.26)) et donc une contradiction avec
(3.28). On en déduit
Bir(F ) = Aut(F ) = {id}.
3.4.2.5
La face isotrope
Pour finir, on montre que la face isotrope (cf. définition 3.2.3.2) Psef 2iso (F ) de
Psef 2 (F ) est de dimension 3 pour une cubique générale contenant un plan.
Proposition 3.4.2.22. Soit X une cubique générale contenant un plan P et soit
P ∨ le plan dual dans la variété de Fano F de X. On a
R+ [P ∨ ] + R+ s2 + R+ (q 2 − [P ∨ ]) + R+ p(2p + q) ⊂ Psef 2iso (F ),
où les classes [P ∨ ], s2 , q 2 − [P ∨ ] et p(2p + q) sont effectives et engendrent un cône
de dimension 3. La face isotrope est donc de dimension maximale.
Démonstration. Par le lemme 3.4.1.2, on sait que s2 est une classe effective dans
Psef 2iso (F ). De plus, il est clair que P ∨ est lagrangienne et que l’on a donc [P ∨ ] ∈
Psef 2iso (F ). Montrons que les classes p(2p+q) et (q 2 −[P ∨ ]) appartiennent également
à Psef 2iso (F ) et qu’ils sont effectives.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
78
Rappelons que ρl = q − p est la classe duale de l dans N1Z (F ) (cf. remarque
3.4.2.9). Par des arguments de Hassett et Tschinkel [28, p. 1077], on a
[P ∨ ] =
1
1 2
ρ + c2 (F ),
8 l
24
et comme c2 (F ) = 5s21 − 8s2 (cf. lemme 3.4.1.1), on obtient
[P ∨ ] =
1
1
1
1
(q − p)2 + c2 (F ) = (p2 + q 2 + pq − s2 ).
8
24
3
2
(3.29)
Rappelons que l’on a (cf. §3.2.3)
ϕiso (p2 ) = qF (p) = −2, ϕiso (q 2 ) = qF (q) = 0, ϕiso (pq) = qF (p, q) = 4.
(3.30)
Comme Bl |DQ | = P ∨ (cf. lemme 3.4.2.14), la classe
1
3(q 2 − [P ∨ ]) = 2q 2 − p2 − pq + s2
2
est effective et grâce à (3.29) et (3.30), on vérifie qu’elle est dans la face isotrope de
Psef 2 (F ). Comme 2p + q est un multiple du tiré en arrière d’une section hyperplane
par la contraction contrc : F → F ′ , la classe de contr−1
c (C) est un multiple de p(2p+
q) (car N1Z (S) = Z), ce qui montre que p(2p + q) est effective. On a ϕiso (p(2p + q)) =
qF (p, 2p+q) = 0 et donc p(2p+q) ∈ Psef 2iso (F ). Les trois classes s2 , [P ∨ ] et q 2 −[P ∨ ]
sont évidemment linéairement indépendantes, ce qui achève la démonstration.
Proposition 3.4.2.23. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F
la variété de Fano de X.
1. Le rayon R+ [P ∨ ] est extrémal dans Eff 2 (F ) et [P ∨ ] est la seule surface dont
la classe est dans ce rayon.
2. Le rayon R+ p(2p + q) est extrémal dans Eff 2 (F ) et les surfaces de classe
dans ce rayon sont les surfaces dans DP obtenues comme tirées en arrière des
courbes sur C ⊂ S sous la contraction contrc |DP : DP → S.
Démonstration. Montrons d’abord que [P ∨ ] est extrémal dans Eff 2 (F ). Soit contrl :
F → W la contraction extrémale qui contracte P∨ sur un point. Soient T et S des
surfaces dans F et a, b ∈ R+ tels que [P ∨ ] = a[T ] + b[S]. Soit h une classe ample
dans N1 (W ). Alors on a contr∗l (h2 ) · [P ∨ ] = 0 et donc aussi contr∗l (h2 ) · [T ] =
contr∗l (h2 ) · [S] = 0, ce qui entraîne S = T = P ∨ . Avec un raisonnement analogue
utilisant que l’on a N1Z (S) = Z, on montre que p(2p + q) est extrémal dans Eff 2 (F )
et que toute surface de classe dans R+ p(2p + q) s’obtient comme tirée en arrière
d’une courbe C ⊂ S par contrc .
Remarque 3.4.2.24. Je ne sais pas répondre à la question (plus naturelle) de savoir
si ces rayons sont extrémaux dans Psef 2 (F ).
3.4.3
Cubiques contenant un scroll cubique
Dans [29], Hassett et Tschinkel vérifient leurs conjectures pour une cubique générale contenant un scroll cubique, i.e., pour une cubique générale dans C12 (cf.
§3.3.2.1). On rappelle d’abord les résultats principaux de [29] (proposition 3.4.3.1,
théorèmes 3.4.3.2 et 3.4.3.3) et l’on complète ces résultats en montrant que l’on a
(proposition 3.4.3.4 et corollaire 3.4.3.5) 2
Aut(F ) = {id}
,
Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i,
2. L’égalité Aut(F ) = {id} est mentionnée par Hassett et Tschinkel dans [29] sans démonstration. Je remercie Hassett pour nous avoir expliqué l’idée de la démonstration.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
79
où hιi ∗ hι∨ i est le groupe diédral infini engendré par deux involutions birationnelles
ι et ι∨ de F . On finit en montrant que la face isotrope de Psef 2 (F ) est de dimension
3, c’est-à-dire de codimension 1 (proposition 3.4.3.6).
3.4.3.1
Les résultats de Hassett et Tschinkel
Une caractérisation alternative d’une cubique générale dans C12 . Hassett
et Tschinkel commencent en donnant une caractérisation alternative d’une cubique
générale dans C12 comme une cubique admettant une section hyperplane Y à six
points doubles en position générale. Plus précisément, ils construisent un scroll
cubique sur une telle cubique comme suit : soit X une cubique admettant une
section hyperplane Y à six points doubles en position générale. Alors Y ne contient
aucun 2-plan et la variété F (Y ) paramétrant les droites dans Y est de dimension
attendue 2 [29, Lemme 1]. Il existe un espace vectoriel V3 de dimension 3 et un
espace vectoriel W5 ⊂ End(V3 ) de dimension 5 tels que (cf. [29, pp. 9-10, prop. 10])
Y = P(W5 ) ∩ M2 ,
où M2 ⊂ End(V3 ) est la variété déterminante paramètrant les endomorphismes
de rang ≤ 2. Si l’on note W5⊥ le complément orthogonal de W5 dans End(V3 ) par
rapport à l’accouplement de trace, la variété
S := P(W5⊥ ) ∩ M2
est une surface cubique lisse. La variété F (Y ) est alors obtenue en recollant les
deux plans P(V3 ), P(V3∨ ) et S convenablement par un morphisme de recollement
(cf. [29, Prop. 16])
ν : P(V3 ) ⊔ S ⊔ P(V3∨ ) → F (Y )
qui donne un plongement fermé de chaque composante. Notons dans la suite
S ′ := ν(S)
P := ν(P(V3 ))
P ∨ := ν(P(V3∨ )),
de sorte que l’on a
F (Y ) = P ∪ S ′ ∪ P ′ .
Proposition 3.4.3.1 (Hassett-Tschinkel). Soit X une cubique admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale. Alors on a deux familles
de scrolls cubiques dans Y ⊂ X, paramétrées par P(V3 ) et P(V3∨ ), en posant
Tv := {y ∈ Y ⊂ P(End(V3 )) | v ∈ im(y)}
pour v ∈ P(V3 ), resp.
Tv∨ := {y ∈ Y ⊂ P(End(V3 )) | v ∨ (ker(y) = 0}
pour v ∨ ∈ P(V3∨ ). Si l’on note [T ] (resp. [T ∨ ]) la classe de Tv (resp. Tv∨ ) dans
N2 (X), on a
[T ] + [T ∨ ] = 2h2 .
Démonstration. [29, prop. 17].
La proposition 3.4.3.1 montre que les cubiques admettant une section hyperplane
à six points doubles en position générale forment également un ouvert de Zariski
dans C12 .
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
80
Deux flops de Mukai et le réseau N1Z (F ). Le point clé pour vérifier les conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un scroll cubique
est le théorème suivant.
Théorème 3.4.3.2 (Hassett, Tschinkel). Soit X une cubique générale admettant
une section hyperplane à six points doubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale contenant un scroll cubique) et soit F la variété de
Fano de X. Alors on a deux involutions birationnelles
ι, ι∨ : F 99K F
qui sont définies comme suit :
1. on floppe P (resp. P ∨ ), ce qui donne une nouvelle variété symplectique F1
(resp. F1∨ ) ;
2. la transformée stricte S1 (resp. S1∨ ) de S ′ dans F1 (resp. F1∨ ) est un plan, et
en floppant S1 (resp. S1∨ ), on obtient une variété symplectique F2 (resp. F2∨ ) ;
3. on construit un isomorphisme entre F2 (resp. F2∨ ) et F .
On peut résumer la construction de ι dans le diagramme suivant
◦f
ι=f
P
S1
e c a _ ] [ Y W T
h
j
R (
fS1
n _l _ f_P _ _ _/
_
_
_
_
_
_
_/ F2 ≃ F
_
F1 B
F A
AA
v
B
|
B
|
vv
AA
BB
||
vv
AA
BB
|
v
|
v
β12
β01
B!
A }||
zvv
F01
F12
où fP et fS1 sont les flops et β01 et β12 les contractions de P et S1 , respectivement.
Démonstration. [29, Thm. 24].
Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six points
doubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale contenant un scroll cubique). Notons
τ := α([T ])
,
τ ∨ := α([T ∨ ])
les images des classes des deux scrolls cubiques dans N1 (F ) sous l’application d’AbelJacobi (cf. (3.7)). Alors on a N1Z (F ) = Z τ + Z s1 par la proposition 3.3.2.4 et donc
N1 (F ) = R τ + R s1 = R τ + R τ ∨
par la proposition 3.4.3.1. Dans la base (s1 , τ ) de N1Z (F ), la forme de Beauville est
de matrice
6 6
,
(3.31)
6 2
de sorte que N1Z (F ) est un réseau de discriminant 24. Le réseau N1Z (F ) ne représente
pas −2, et les classes de carré −10 sont décrites comme suit : on a
Aut(N1Z (F ), qF ) = {±1} × (hR1 i ∗ hR2 i)
où les réflections orthogonales R1 et R2 agissent par
R1 (s1 ) = s1
R2 (s1 ) = −s1 + τ
R1 (τ ) = 2s1 − τ = τ ∨
R2 (τ ) = τ.
(3.32)
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
81
On obtient toutes les classes −10 en posant
ρ∨
1 := 2τ − s1
∨
ρ2 := 4τ − s1
ρ1 := 3s1 − 2τ
ρ2 := 7s1 − 4τ
et, pour j ≥ 3,
ρj := R1 R2 (ρj−2 )
∨
ρ∨
j := R2 R1 (ρj−2 ) .
,
∨
Notons αi et α∨
i les classes orthogonales à ρi et ρi respectivement pour la forme de
Beauville. Alors on a
α∨
1 := R1 (α1 ) = s1 + 3τ
α∨
2 := R2 R1 (α1 ) = 9τ − s1
α1 := 7s1 − 3τ
α2 := R1 R2 (α∨
1 ) = 17s1 − 9τ
et, pour j ≥ 3,
αj := R1 R2 (αj−2 )
∨
α∨
j := R2 R1 (αj−2 ).
,
Description des cônes de classes positives. Le théorème suivant vérifie les
conjectures de Hassett et Tschinkel (cf. §3.2.2).
Théorème 3.4.3.3 (Hassett, Tschinkel). Soit X une cubique générale admettant
une section hyperplane à six points doubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale contenant un scroll cubique) et soit F la variété de
Fano de X. Alors on a avec les notations du théorème 3.4.3.2 une suite de flops de
Mukai
. . . F2∨ 99K F1∨ 99K F0 = F 99K F1 99K F2 . . . ,
et des isomorphismes
. . . F2∨ ≃ F0 ≃ F2 . . .
et
. . . F1∨ ≃ F1 . . .
Les flops permettent des identifications
· · · ≃ N1 (F2∨ ) ≃ N1 (F1∨ ) ≃ N1 (F0 ) ≃ N1 (F1 ) ≃ N1 (F2 ) ≃ . . .
Avec ces identifications, on a, pour i ≥ 1,
+ ∨
Nef 1 (Fi∨ ) = R+ α∨
i+1 + R αi
,
Nef 1 (Fi ) = R+ αi + R+ αi+1
et donc
1
Psef 1 (F ) = Nefbir
(F ) = Nef 1 (F ) ∪
[
i≥1
= R+ (s1 − (3 −
Nef 1 (Fi ) ∪
[
Nef 1 (Fi∨ )
i≥1
√
√
6)τ ) + R+ ((3 + 6)τ − s1 ).
La contraction associée au flop fP (resp. au flop fP ∨ ) qui contracte le plan P (resp.
le plan P ∨ ) est extrémale et l’on a
Psef 1 (F ) = R+ λ1 + R+ λ∨
1
∨
où λ1 (resp. λ∨
1 ) est une droite dans P (resp. dans P ).
Démonstration. [29, Prop. 29, Prop. 30, Thm. 31].
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.3.2
82
Automorphismes de F
On détermine le groupe d’automorphismes (birationnels) de F . On remercie
Hassett de nous avoir communiqué l’idée de la démonstration de la proposition
suivante, énoncée dans [29] sans démonstration.
Proposition 3.4.3.4. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique
lisse et soit F la variété de Fano de X. Alors on a
Aut(F ) = {id}.
Démonstration. Soit u ∈ Aut(F ). On montre (comme dans la démonstration de
la proposition 3.4.2.21) que l’on doit avoir u∗ = id, ce qui entraîne u = id par
l’injectivité de ψaut (cf. théorème 3.4.2.19). Pour faciliter les notations, on pose
pour la suite
N := NZ1 (F )
,
L := H 2 (F, Z) ,
T := T (F )
et
H := L/(N ⊕ T ) ⊂ AN ⊕ AT .
Rappelons que les projections pN : H → AN et pT : H → AT sont injectives [52,
Prop. 1.5.1]. Par des résultats classiques de Nikulin [52], on obtient des restrictions
sur u∗ en étudiant l’action induite sur H. Déterminons donc d’abord la structure
de H. Comme la projection pN : H → AN est injective, on obtient une première
restriction sur la structure de H si l’on connaît AN . Dans la base (s1 , s1 − τ ) de N ,
la forme bilináire qF restreinte à N est donnée par (cf. (3.31))
6
0
.
0 −4
∨
∨
Notons (s∨
1 , h ) la base duale de N telle que, sous le plongement canonique N →
∨
N , on a
s1 7→ 6s∨
h 7→ −4h∨
1
et
∨
∨
AN ≃ hs∨
1 i × hh i ≃ Z /6 Z × Z /4 Z,
∨
∨
où l’on note s∨
1 et h les classes de s1 et h dans AN . La relation
|H|2 = |AN ||AT ||AL |−1
donne 2|H|2 = 24|AT | ; comme |AT | ∈ 2 Z et comme la projection pN : H → AN
est injective, cela entraîne que l’on a un des deux cas suivants :
1. |H| = 24 et |AT | = 48,
2. |H| = 12 et |AT | = 12.
Dans le premier cas, il est clair que l’on a
pN (H) = AN .
Dans le deuxième cas, on montre que l’on a
∨
pN (H) = h2s∨
1 i × hh i ≃ Z /3 Z × Z /4 Z,
ce qui revient à montrer que la projection
pN
∨
H −→ AN −→ hh i ≃ Z /4 Z
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
83
est surjective. On raisonne par l’absurde. Supposons donc que l’on a pN (H) =
∨
∨
∨
hs∨
1 i × h2h i. Par rapport aux générateurs s1 et h , la forme discriminante qAN (cf.
définition 3.4.2.20) est donnée par la matrice
1
0
12
.
0 − 81
∨
Comme pN (H) est engendré par s∨
1 et 2h et comme H est un sous-groupe isotrope
de AN ⊕ AT sous qAT ⊕ qAN [52, Prop. 1.4.1], on a
1
0
− 12
.
qAN |pN (H) = −qAT =
0 21
Comme T est de signature (2, 19), on vérifie avec la formule de Milgram (cf. [47,
Appendix 4]) qu’un tel réseau n’existe pas. On a donc montré que l’on a soit
∨
pN (H) = h2s∨
1 i × hh i ≃ Z /3 Z × Z /4 Z,
(3.33)
∨
(3.34)
soit
pN (H) = hs∨
1 i × hh i ≃ Z /6 Z × Z /4 Z .
Ce résultat préliminaire nous permet maintenant d’étudier l’action de u∗ sur L.
Supposons d’abord que u est symplectique, de sorte que l’on a (cf. (3.23))
u∗ |T = id .
Comme u∗ |N doit préserver le cône Nef 1 (F ) et envoyer un rayon extrémal sur un
rayon extrémal, u∗ 6= id implique u∗ |N = R1 (cf. §3.4.3.1). Par un résultat de Nikulin
[52, Corol. 1.5.2], l’automorphisme (R1 , id) de N ⊕ T s’étend à un autmorphisme
de L si et seulement si
R1 |pN (H) = id,
(3.35)
où l’on note R1 l’automorphisme de AN induit par R1 . On vérifie que R1 agit par
(cf. (3.32))
as1 + b(s1 − τ ) 7−→ as1 − b(s1 − τ ).
(3.36)
Par (3.33) et (3.34) on a donc R1 |pN (H) 6= id, de sorte que l’automorphisme (R1 , idT )
de N ⊕ T ne s’obtient pas comme restriction d’un automorphisme u∗ ∈ Aut(L) ; on
en déduit u∗ = id.
Soit maintenant u un automorphisme non symplectique et supposons que l’on
a u∗ σ = µs σ, où µs est une racine s-ième de l’unité. Alors us est symplectique et
donc l’identité par les remarques précédentes. On peut supposer que u est d’ordre
s, où s est un nombre premier. Comme s − 1 divise rang(H 2 (F, Z)) − rang(N ) = 21
(cf. [9, Prop. 7]), on a s ∈ {2, 4, 8, 22}. En passant à une puissance de u, on peut
donc supposer s = 2, de sorte que
u∗ |T = − id
par (3.24). Comme l’automorphisme (− idN , id) (resp. (− idN , R1 )) de N ⊕T s’étend
à un automorphisme de L si et seulement si [52, Cor. 1.5.2]
− idpN (H) = id
(resp. R1 |pN (H) = − id),
on obtient une contradiction par (3.33), (3.34) et (3.36). On a donc montré que
l’unique automorphisme de F est l’identité.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
84
Corollaire 3.4.3.5. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique et
soit F la variété de Fano de X. Avec les notations du théorème 3.4.3.3, on a
Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i.
Démonstration. Remarquons d’abord que l’application
ψbir : Bir(F ) → Aut(H 2 (F, Z), qF )
est injective, car u∗ = id entraîne que u est un isomorphisme et donc l’identité par
la proposition 3.4.3.4. Il suffit ainsi de montrer que l’on a
ψbir (Bir(F )) = hι∗ i ∗ hι∨∗ i.
Notons B ⊂ Bir(F ) le groupe engendré par ι et ι∨ . Comme ι∗ agit par R1 R2 R1 et
ι∨∗ par R2 , on a
ψbir (B) = hι∗ i ∗ hι∨∗ i.
Il reste à montrer que l’on a f ∗ ∈ hι∗ i ∗ hι∨∗ i pour tout f ∈ Bir(F ). On détermine
d’abord des conditions nécessaires pour l’action de f ∗ sur N1Z (F ) et ensuite, on
montre que tout automorphisme de N1Z (F ) satisfaisant à ces conditions appartient
à hι∗ i ∗ hι∨∗ i.
Soit f ∈ Bir(F ). Par [45, Lemma 5.11], f ∗ Nef 1 (F ) correspond à une chambre
Nef(Fi ) (ou Nef(Fi∨ )) avec Fi ≃ F (ou Fi∨ ≃ F ). Montrons que l’on doit avoir
i = 2k : comme toutes les Fi (resp. Fi∨ ) sont isomorphes pour i impair, il suffit
de montrer que F n’est pas isomorphe à F1 . S’il existe un tel isomorphisme ϕ :
F1 → F , on obtient un automorphisme birationnel ϕ ◦ fP : F 99K F et l’on a
(ϕ ◦ fP )∗ Nef(F ) = fP∗ Nef(F1 ). L’action de (ϕ ◦ fP )∗ doit donc satisfaire
α2 7→ α1
α1 7→ α∨
1
α2 7→ α∨
1
α1 7→ α1 .
ou
Dans le premier cas, la condition α2 7→ α1 implique (ϕ ◦ f )∗ = ι∗ , ce qui n’est
pas compatible avec la condition α1 7→ α∨
1 . Avec un argument analogue, on voit
que le deuxième cas n’est pas possible non plus, de sorte que f ∈ Bir(F ) entraîne
f ∗ Nef 1 (F ) = Nef(Fi ) (ou Nef(Fi∨ )) pour un entier pair i. Comme il y a un unique
rk (resp. rk∨ ) dans Aut(N1Z , qF ) qui envoie Nef 1 (F ) sur
Nef 1 (F2k ) = R+ α2k + R+ α2k+1
+ ∨
∨
(resp. sur Nef 1 (F2k
) = R+ α∨
2k +R α2k+1 ), il suffit de montrer que tout tel rk (resp.
rk∨ ) appartient à hι∗ i ∗ hι∨∗ i. Le calcul suivant vérifie que c’est le cas :
(
(
(ι∨∗ ι∗ )l α1
si k = 2l
(ι∨∗ ι∗ )l α∨
si k = 2l
1
α2k =
,
α
=
,
2k+1
∨∗ ∗ l ∨∗ ∨
∨∗ ∗ l ∨∗
(ι ι ) ι α1 si k = 2l + 1
(ι ι ) ι α1 si k = 2l + 1
(
(
∗ ∨∗ l ∨
(ι
ι
)
α
si
k
=
2l
(ι∗ ι∨∗ )l α1
si k = 2l
1
∨
α∨
,
α
=
.
2k =
2k+1
(ι∗ ι∨∗ )l+1 α1 si k = 2l + 1
(ι∗ ι∨∗ )l+1 α∨
si k = 2l + 1
1
On a donc montré
ψbir (B) = ψbir (Bir(F )) = hι∗ i ∗ hι∨∗ i,
d’où
par l’injectivité de ψbir .
Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.3.3
85
La face isotrope
On montre que la face isotrope est de dimension 3.
Proposition 3.4.3.6. Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale (ou contenant un scroll cubique)
et soit F la variété de Fano de X et soit F (Y ) la variété de Fano de Y . Si l’on écrit
F (Y ) = P ∪ S ′ ∪ P ∨ ,
où P et P ′ sont des 2-plans, les classes [S ′ ], [P ] et [P ∨ ] sont linéairement indépendantes dans N2 (F ) et l’on a
R+ [S ′ ] + R+ [P ] + R+ [P ∨ ] ⊂ Psef 2iso (F ).
Démonstration. Comme [F (Y )] = s2 est une classe isotrope ainsi que [P ] et [P ∨ ],
il est clair que l’on a
R+ [S ′ ] + R+ [P ] + R+ [P ∨ ] ⊂ Psef 2iso (F ).
Montrons que ces classes sont linérairement indépendantes. Comme α1 (resp. α∨
1)
correspond à la petite contraction de [P ] (resp. de [P ∨ ]), on a
[P ] · α1 = [P ∨ ] · α∨
1 = 0
∨
dans N3 (F ). D’autre part, on a [P ] · α∨
1 6= 0 et [P ] · α1 6= 0, ce qui entraîne que
2
∨
[P ] et [P ] sont libres dans N (F ). Supposons qu’il existe des réels α et β tels que
[S ′ ] = α[P ] + β[P ∨ ]. Comme
[S ′ ] + [P ] + [P ∨ ] = [F (Y )] = s2
cela entraîne
s2 · α1 α∨
1 = 0.
En utilisant le lemme 3.4.1.1, la remarque 3.3.2.6 et (3.31), on obtient d’autre part
2
∨
8s2 · α1 α∨
1 = (5s1 − c2 (F )) · α1 α1
∨
∨
= 5qF (s1 , s1 )qF (α1 , α∨
1 ) + 10qF (s1 , α1 )qF (s1 , α1 ) − 30qF (α1 , α1 )
= 10qF (s1 , α1 )qF (s1 , α∨
1)
= 10 · 242 6= 0
et donc une contradiction. On en déduit que les classes [P ], [P ∨ ], [S ′ ] sont linéairement indépendantes dans N2 (F ), ce qui fournit le résultat souhaité.
Proposition 3.4.3.7. Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale (ou contenant un scroll cubique),
et soit F la variété de Fano de X. Avec les notations de la proposition précédente,
les classes [P ] et [P ∨ ] sont extrémales dans Eff 2 (F ), et P resp. P ∨ sont les seules
surfaces dans F de classe dans R+ [P ] resp. R+ [P ∨ ].
Démonstration. Comme la démonstration de la proposition 3.4.2.23.
3.4.4
Cubiques pfaffiennes
Le but de cette section est d’étudier la variété de Fano d’une cubique pfaffienne
générale, i.e. d’une cubique générale dans C14 . Par le théorème 3.3.2.2, une telle
variété de Fano est isomorphe à un schéma de Hilbert S [2] d’une surface K3 générale
de degré 14 générale. On rappelle donc d’abord quelques propriétés générales du
schéma de Hilbert S [2] et ensuite on regarde le cas particulier où S [2] est isomorphe
à la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.4.1
86
Le schéma de Hilbert S [2]
Soit S une surface K3 et soit S (2) le produit symétrique de S, obtenu comme
quotient de S × S par l’action du groupe qui permute les deux facteurs. Notons
pr : S × S → S (2) la projection naturelle et p1 , p2 : S × S → S les projections
sur chacun des deux facteurs. Soit S [2] le schéma de Hilbert paramétrant les sousschémas de longueur 2 dans S. On a un morphisme birationnel π : S [2] → S (2) qui est
l’éclatement de S (2) au-dessus de la diagonale ∆. Notons E le diviseur exceptionnel
correspondant sur S [2] . On résume cette construction dans le diagramme suivant :
S [2]
π
pr
S × SE
EE p
yy
EE 2
y
y
EE
y
y
EE
y
"
|yy
/ S (2)
p1
S
S
On obtient une injection de réseaux
i : (H 2 (S, Z), qS ) −→ (H 2 (S [2] , Z), qS [2] )
comme suit : pour α ∈ H 2 (S, C), il existe un unique β ∈ H 2 (S (2) , C) tel que
pr∗ β = p∗1 α + p∗2 α. On pose i(α) := π ∗ β. Le morphisme i est compatible avec la
décomposition de Hodge et il existe δ ∈ H 2 (S [2] , Z) tel que [E] = 2δ et
(H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) ≃ (H 2 (S, Z), qS ) ⊕⊥ Z δ.
La forme de Beauville est alors donnée par
qS [2] (i(α), i(α)) = α2
,
qS [2] (δ, δ) = −2
,
qS [2] (α, δ) = 0
(3.37)
pour tout α ∈ H 2 (S, C).
Si (S, h) est une surface K3 polarisée générale, on a donc
N1Z (S [2] ) = Z h ⊕⊥ Z δ.
Soit l ∈ N1 (S [2] ) la classe d’une fibre de π au-dessus de ∆. Alors on a
δ · l = −1
,
h · l = 0,
et donc 2l · α = qS [2] (α, δ) pour tout α ∈ N1 (S [2] ), i.e., ρl = δ (cf. (3.5)). Cela vérifie
les conjectures de Hassett et Tschinkel pour un des deux rayons extrémaux du cône
• Psef 1 (S [2] ) : on a qS [2] (δ, δ) = −2 et δ est extrémal dans Psef 1 (S [2] ) ;
• Psef 1 (S [2] ) : la classe l est extrémale dans Psef 1 (S [2] ) et sa classe duale ρl = δ
est une classe de carré −2 ; les courbes rationnelles représentant l sont paramétrées par ∆ ≃ S et la contraction extrémale de l est définie par les sections
de OS [2] (mh) pour m ≫ 0 ;
• Nef 1 (S [2] ) : on a h · l = 0, de sorte que h est extrémal dans Nef 1 (S [2] ).
Remarque 3.4.4.1. Si S est une surface K3 de degré d générale, on a
N2 (S [2] ) = hS2 N1 (S [2] ), c2 (S [2] )i.
Pour d = 2(n2 + n + 1), cela découle de la proposition 3.3.2.4 et du théorème 3.3.2.2.
Pour le cas général, on utilise que le groupe de Hodge de S [2] est connu [72], ce qui
permet d’obtenir le résultat en faisant un calcul d’invariants.
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.4.2
87
L’isomorphisme de Beauville et Donagi
Soit maintenant X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété de Fano
de X. Rappelons d’abord la construction de l’isomorphisme S [2] → F de Beauville
et Donagi. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 et soit W9 un sousespace linéaire, de dimension 9 dans ∧2 V6 . Si l’on choisit W9 suffisamment général,
S := G(2, V6 ) ∩ P(W9 ) ⊂ P(∧2 V6 )
est une surface K3 générale de degré 14 dans P8 et
X := {2-formes dégénérées} ∩ P(W9⊥ ) ⊂ P(W9⊥ ) ⊂ P(∧2 V6∨ )
est une cubique lisse dans P5 . Si l’on note F la variété de Fano de X, l’isomorphisme
S [2] → F de Beauville et Donagi est donné par
r : S [2] −→ F ⊂ G(2, W9⊥ ) ⊂ G(2, ∧2 V6∨ )
P + Q 7−→ W9∨ ∩ ∧2 (P + Q)⊥ .
Le lemme suivant exprime la classe s1 ∈ N1 (F ) en fonction de h et δ.
Lemme 3.4.4.2 (Beauville,Donagi). Soit X une cubique pfaffienne générale et soit
h la classe d’une section hyperplane de X. Avec les notations ci-dessus, on a
r∗ s1 = 2h − 5δ
dans N1 (S [2] ).
Démonstration. Soit H un hyperplan de Plücker défini par W4 ⊂ W9⊥ . On veut
r(P + Q) ∩ W4 6= ∅. Par dualité, c’est équivalent à
∧2 (P + Q) + W4⊥ 6= ∧2 V6 ,
(3.38)
où W9 ⊂ W4⊥ ⊂ ∧2 V6 . Les espaces ∧2 (P + Q) et W4⊥ contiennent chacun ∧2 P et
∧2 Q, de sorte que (3.38) est équivalent à la condition de Plücker
(P + Q) + W4⊥ 6= ∧2 V6 .
Comme det(P ∧ Q) = det(P )2 det(Q)2 , on peut écrire
[r∗ (H)] = 2h − bδ
pour un b ∈ Z. Comme qF (s1 , s1 ) = 6 et h2 = deg(S) = 14, on a 28 − b2 = 3 et
b = ±5. L’intersection avec une droite du réglage ∆ est b et donc b est positif et
b=5:
r∗ [H] = 2h − 5δ.
Remarque 3.4.4.3. Soit l une fibre de la projection π : S [2] → S (2) . Alors on a
(2h − 5δ) · l = 5, de sorte que l paramètre le réglage d’un scroll quintique T5 dans
X.
3.4.4.3
Classes nefs et classes de courbes
Etudions maintenant les cônes de classes positives en codimension 1 et 3 sur
S [2] ≃ F . La cubique X contient [25, §4.1.3], [11, Rem. 1] :
• une famille de scrolls quartiques T4 , paramétrée par S et
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
88
• une famille de scrolls quintiques T5 , également paramétrée par S (cf. remarque
3.4.4.3).
Notons R4 ∈ N1 (S [2] ) (resp. R5 ∈ N1 (S [2] )) la classe d’une courbe rationnelle lisse,
paramétrant un réglage de T4 (resp. de T5 ) (où l’on identifie S [2] avec la variété de
Fano F de X). Alors on a [27, p. 21, Ex. 7.10]
• q̃S [2] (R4 , R4 ) = −2 et ρR4 = 3h − 8δ, i.e.
∀η ∈ N1 (S [2] ) R4 · η = qS [2] (3h − 8δ, η);
• q̃S [2] (R5 , R5 ) = − 12 et ρR5 = δ, i.e.,
∀η ∈ N1 (S [2] )
2R5 · η = qS [2] (δ, η).
Remarque 3.4.4.4. On a Enod (S [2] ) = {R4 , R5 } (cf. définition 3.2.2.8) ; le réseau
N1Z (S [2] ) ne représente pas −10.
Proposition 3.4.4.5. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a
Nef 1 (S [2] ) = R+ (8h − 21δ) + R+ h,
Psef 1 (S [2] ) = R+ R4 + R+ R5 .
Démonstration. Comme l’inclusion R+ (8h − 21δ) + R+ h ⊂ Nef 1 (S [2] ) est connue
(cf. remarque 3.2.2.11), il reste à vérifier que les deux rayons R+ (8h − 21δ) et R+ h
sont extrémaux dans Nef 1 (S [2] ). Mais cela découle du fait que l’on a
R4 · (8h − 21δ) = qS [2] (3h − 8δ, 8h − 21δ) = 0
et
2R5 · h = qS [2] (δ, h) = 0.
Remarque 3.4.4.6. Il découle de la remarque 3.4.4.4 que la proposition 3.4.4.5 vérifie
les conjectures 3.2.2.7 et 3.2.2.10 de Hassett et Tschinkel.
Remarque 3.4.4.7. Avec la notation du paragraphe §3.4.4.1, R5 est la classe d’une
fibre de la contraction S [2] → S (2) .
3.4.4.4
Classes pseudoeffectives et géométrie birationnelle
Proposition 3.4.4.8. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a
Psef 1 (S [2] ) = R+ (3h − 8δ) + R+ δ.
Démonstration. Par un résultat de Markman, on a (cf. remarque 3.2.2.3)
Psef 1 (S [2] ) ⊂ R+ (3h − 8δ) + R+ δ.
Comme δ est effectif (cf. §3.4.4.1), il reste à montrer que 3h−8δ est pseudoeffectif.
On construit un diviseur de classe un multiple de 3h − 8δ. Par la remarque 3.3.2.6,
on a
(8h − 21δ)4 = 3qS [2] (8h − 21δ, 8h − 21δ)2 = 3 · 14 > 0,
de sorte la classe (8h − 21δ) est big et nef par la proposition 3.4.4.5. Le « basepointfree theorem » [37, Thm. 3.3] entraîne alors que les sections globales du fibré en
droites OS [2] (m(8h − 21δ) définissent un morphisme génériquement fini
ϕm(8h−21δ) : S [2] → P H 0 (S [2] , OS [2] (m(8h − 21δ)))
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
89
si l’on choisit m suffisamment grand. Comme
R4 · (8h − 21δ) = 0,
toutes les courbes de classe R4 sont contractées par ϕm(8h−21δ) . Si l’on note
contr
S [2] −−−−−→ Z −−−−−→ P H 0 (S [2] , OS [2] (m(8h − 21δ)))
la factorisation de Stein, contr est une contraction au sens de la définition 3.2.2.5.
Il y a deux possibilités : soit contr est divisorielle, soit contr est petite et contracte
localement un P2 sur un point [71, Thm. 1.1] (cf. §3.2.2). Supposons d’abord que
la contraction est petite, de sorte qu’elle contracte (au moins) un P2 . La classe
duale ρl ∈ N1 (S [2] ) d’une droite l dans ce P2 est alors une classe primitive avec
qS [2] (ρl , ρl ) = −10 (cf. la démonstration de [28, Thm. 21]). Comme −10 n’est pas
représenté par le réseau (H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) (cf. remarque 3.4.4.4), on obtient une
contradiction. Supposons donc que la contraction est divisorielle et notons D le
diviseur contracté. Ecrivons [D] = ah + bδ avec a, b ∈ Z. Par la remarque 3.3.2.6,
on a
0 = [D] · (8h − 21δ)3 = 3qS [2] (ah + bδ, 8h − 21δ)qS [2] (8h − 21δ, 8h − 21δ)
= 3 · ((112a + 42b) · 3 · 14),
ce qui est équivalente à 3b = −8a. On en déduit que [D] est un multiple de 3h − 8δ
ce qui entraîne le résultat souhaité.
Corollaire 3.4.4.9. Soit S une surface K3 générale de degré 14.
1. Il existe une contraction extrémale contrR4 : S [2] → Y4 qui contracte les
courbes de classe dans R+ R4 sur S ⊂ Y4 . Le lieu exceptionnel est un diviseur E4 de classe 3h − 8δ et contrR4 |E4 : E4 → S est un fibration en courbes
rationnelles lisses de degré 4 par rapport à la polarisation 2h − 5δ.
2. La contraction extrémale contrR5 : S [2] → S (2) contracte les courbes de classe
dans R+ R5 sur la diagonale ∆ ≃ S ⊂ S (2) . Le diviseur exceptionnel E5 est
de classe 2δ et contrR5 |E5 : E5 → S est un fibration en courbes rationnelles
lisses de degré 5 par rapport à la polarisation 2h − 5δ.
Démonstration. Pour le rayon R+ R5 , c’est juste un résumé des discussions précédentes (cf. §3.4.4.1 et la remarque 3.4.4.7). Regardons donc le rayon R+ R4 .
La contraction construite dans la démonstration de la proposition 3.4.4.8 est une
contraction extrémale divisorielle au sens de la définition 3.2.2.6 et l’on a un des
deux cas suivants (cf. §3.2.2)
• contrR4 est de type A2 et donc E4 · R4 = −1 ;
• contrR4 est de type A1 et donc E4 · R4 = −2.
Comme E4 est de classe un multiple de (3h − 8δ) et (3h − 8δ) · R4 = qS [2] (3h −
8δ, 3h − 8δ) = −2, on doit avoir E4 · R4 = −2 (cf. §3.2.2), d’où le résultat.
Remarque 3.4.4.10. Il découle de la remarque 3.4.4.4 que la proposition 3.4.4.8 et le
corollaire 3.4.4.9 vérifient les conjectures 3.2.2.2 et 3.2.2.9 de Hassett et Tschinkel.
1
Remarque 3.4.4.11. Comme Nefbir
(S [2] ) est le dual de Psef 1 (S [2] ) par rapport à la
forme de Beauville [13, Prop. 4.4], on a
1
Nefbir
(S [2] ) = Nef 1 (S [2] ).
CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE
3.4.4.5
90
La face isotrope
On montre que la face isotrope est de dimension 3.
Proposition 3.4.4.12. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a
R+ hδ + R+ s2 + R+ (3h − 8δ)(8h − 21δ) ⊂ Psef 2iso (S [2] )
et les classes hδ, s2 et (3h − 8δ)(8h − 21δ) sont linéairement indépendantes.
Démonstration. Comme d’habitude, la classe s2 est lagrangienne. Notons contrR5 :
S [2] → S (2) (resp. contrR4 : S [2] → Y ) la contraction extrémale du rayon R+ R5
(resp. R+ R4 ). Si C est une courbe dans ∆ ⊂ S (2) , la surface contr−1
R5 (C) est de classe
un multiple de E · h = 2hδ. Par §3.2.3 et (3.37), on a ϕiso (hδ) = qS [2] (h, δ) = 0,
d’où l’on déduit que contr−1
R5 (C) est lagrangienne. Avec un raisonnement analogue,
en remplacant R4 par R5 , on voit que la classe (3h − 8δ)(8h − 21δ) est également
lagrangienne. En utilisant le lemme 3.4.1.1 et le lemme 3.4.4.2, on vérifie que ces
trois classes sont linéairement indépendantes dans N2 (S [2] ).
Pour la proposition suivante, on reprend les notations du corollaire 3.4.4.9.
Proposition 3.4.4.13. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors
1. Le rayon R+ ((3h − 8δ) · (8h − 21δ)) est extrémal dans Eff 2 (F ) et les surfaces
de classe dans ce rayon sont les surfaces dans E4 obtenues comme tirées en
arrière des courbes C ⊂ S spar la contraction contrR4 |E4 : E4 → S.
2. Le rayon R+ hδ est extrémal dans Eff 2 (F ) et les surfaces de classe dans ce
rayon sont les surfaces dans E5 obtenues comme tirées en arrière des courbes
C ⊂ S par la contraction contrR5 |E5 : E5 → S.
Démonstration. Comme la démonstration de la proposition 3.4.2.23.
4. Produit d’une courbe
4.1
Introduction
Soit X une courbe irréductible de genre g ≥ 2, très générale, ou une courbe
hyperelliptique de genre g ≥ 2, très générale. Notons pi : X × X → X, i ∈ {1, 2}, les
deux projections, xi ∈ N1 (X × X) la classe d’une fibre de pi et ∆ ∈ N1 (X × X) la
classe de la diagonale. La famille {x1 , x2 , ∆} forme une base du R-espace vectoriel
N1 (X × X) (cf. lemme 4.2.0.2) et la classe x := x1 + x2 est ample. Notre résultat
principal (proposition 4.1.2.1) est la construction de nouvelles classes nefs dans
N1 (X × X) en suivant une méthode de Vojta [68].
On explique d’abord ce à quoi l’on s’attend pour les cônes de classes positives
selon une question de Kollár (§4.1.1) et comment la méthode de Vojta permet de
construire des nouvelles classes nefs dans N1 (X × X) (§4.1.2). Dans les sections
§4.2 et §4.3, on donne un aperçu de ce qui est connu concernant l’étude des classes
positives dans N1 (X ×X) et dans la dernière section on construit enfin des nouvelles
classe nefs en appliquant la méthode de Vojta (§4.4).
4.1.1
Une question de Kollár
Avant d’expliquer la méthode de Vojta, on rappelle une question de Kollár
concernant la structure de Psef(X × X) (resp. de Nef(X × X)). Par Riemann-Roch,
toute classe c ∈ N1 (X × X) telle que c2 > 0 et c · x > 0 est effective (cf. [38, Lemme
4]). Autrement dit, le cône Psef(X × X) contient un des deux cônes définis par
c2 ≥ 0. Si ce cône est strictement contenu dans Psef(X × X), il existe un rayon
extrémal r ∈ Psef(X × X) tel que r2 < 0. Comme un tel rayon r est engendré par la
classe d’une courbe irréductible C (cf. [16, Lemme 6.2]), on est ramené à déterminer les courbes irréductibles d’autointersection négative. Autrement dit, une classe
c est nef si et seulement si c2 ≥ 0, c · x ≥ 0 et si c · α ≥ 0 pour toute classe effective
α d’autointersection négative. Rappelons quelles classes d’autointersection négative
sont connues.
• On a ∆2 = 2 − 2g < 0 (cf. lemme 4.2.0.3), de sorte que ∆ engendre un rayon
extrémal dans Psef(X × X).
• Si X est hyperelliptique, l’involution hyperelliptique sur X induit une involution ι sur N1 (X × X), et l’on a ι(∆) = 2x − ∆, de sorte que 2x − ∆ engendre
un autre rayon extrémal d’autointersection négative.
• Enfin, si g = 3, la classe ce = 8x − 3∆ est effective d’autointersection négative
(cf. la démonstration de 2) de la proposition 4.3.2.1).
Question 4.1.1.1 (Kollár).
1. Soit X une courbe très générale de genre ≥ 4.
Est-ce que la diagonale ∆ est la seule courbe d’autointersection négative ?
C’est équivalent à demander si le cône Nef(X × X) est déterminé par les
inéquations
c2 ≥ 0 , c · x ≥ 0 , c · ∆ ≥ 0.
91
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
92
2. Soit X une courbe hyperelliptique très générale de genre ≥ 2. Est-ce que ∆
et 2x − ∆ sont les seules classes effectives d’autointersection négative ? C’est
équivalent à demander si le cône Nef(X ×X) est déterminé par les inéquations
c2 ≥ 0
,
c·x≥0
,
c·∆≥ 0
,
c · (2x − ∆) ≥ 0.
3. Soit X une courbe très générale de genre 3. Est-ce que ∆ et 8x − 3∆ sont
les seules classes effectives d’autointersection négative ? Autrement dit, on se
demande si le cône Nef(X × X) est déterminé par les inéquations
c2 ≥ 0
,
c·x ≥0
,
c·∆ ≥0
,
c · (8x − 3∆) ≥ 0.
La question semble difficile car il est déjà difficile de déterminer l’intersection de
Nef(X × X) (resp. Psef(X × X)) avec le plan H := hx, ∆i des classes symétriques,
ce qui a été l’objet des travaux de Kouvidakis [38], Bastianelli [6], Ross [58] et
Jiang [34]. Alors qu’on sait qu’un des deux rayons extrémaux de Nef(X × X) ∩ H
est engendré par (g − 1)x + ∆, l’autre rayon extrémal n’est connu que lorsque X est
hyperelliptique, g = 3, ou g est un carré parfait (cf. §4.3.2 pour les résultats connus
détaillés).
4.1.2
La méthode de Vojta
La méthode de Vojta [68, Prop. 1.5] pour construire des classes nefs dans N1 (X ×
X) est la suivante : posons ∆′ := ∆ − x, de sorte que ∆′ · x1 = ∆′ · x2 = 0 (cf.
lemme 4.2.0.3). L’involution σ sur X × X qui permute les deux facteurs induit une
involution σ ∗ sur N1 (X × X) qui permute x1 et x2 et laisse ∆ invariant. Le cône
des classes pseudoeffectives (resp. nefs) est invariant sous cette action, de sorte qu’il
suffit d’étudier l’intersection de ces cônes avec le demi-espace
H+ := {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ | d2 ≥ d1 }.
Suppsons qu’il existe un entier positif d et des classes effectives c1 , . . . , ck d’autointersection négative telles que toute classe c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ représentée par une courbe irréductible satisfasse une des trois conditions suivantes (cf.
lemme 4.4.1.1) :
• la classe c et proportionnelle à une classe ci ;
• la classe c est d’autointersection positive ;
• on a d1 ≥ d.
Alors, Vojta remarque que Psef + (X × X) := Psef(X × X) ∩ H+ est contenu dans
l’enveloppe convexe de
1
Cd := {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ | d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d21 ≥ 0}
d
et {c1 , . . . , ck } (cf. lemme 4.4.1.1). Comme α ∈ Nef(X × X) ∩ H+ si et seulement si
α · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef + (X × X) (cf. lemme 4.4.3.2), on en déduit que toute
classe α dans H+ satisfaisant
∀i ∈ {1, . . . , k}
α · ci ≥ 0
et α ∈ Cd∨
est nef, où l’on note Cd∨ le dual de Cd par rapport au produit d’intersection.
Si c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ est la classe d’une courbe irréductible C et si
c 6= x1 , on a d1 = deg(p1 |C ) ≥ 1 et donc Psef + (X × X) ⊂ C1 . Par les arguments
précédents, on voit ainsi que toute classe dans C1∨ est nef, ce qui est le résultat
de Vojta [68, Prop. 1.5]. La proposition suivante (cf. corollaire 4.1.2.1) fournit une
légère amélioration de ce résultat alors que la question de Kollár reste ouverte en
général.
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
93
Proposition 4.1.2.1. Soit X une courbe de genre g ≥ 2.
1. Lorsque X est une courbe hyperelliptique très générale, Psef + (X × X) est
contenu dans l’enveloppe convexe de ∆, 2x − ∆ et C2 .
2. Si g = 3, Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C2 .
3. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 5, Psef + (X × X) est
contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C2 .
4. Si g ≥ 4 et g est un carré parfait, Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe
convexe de ∆ et C3 .
On obtient par exemple l’image suivante pour une courbe très générale de genre
2, où les classes dans la région en gris foncé sont nefs et le cône nef est contenu dans
la région en gris clair (cf. §4.4.4 pour des figures pour g = 3, 4, 5.).
c2 = 0
x1
x
i2d
∆⊥
∆
Figure 4.1 – Cône nef pour g = 2
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
4.2
94
Préliminaires
Soit Z une variété algébrique projective lisse. On note Pic(Z) le groupe de Picard
de Z et Pic0 (Z) le sous-grupe des classes algébriquement équivalentes à 0. Le groupe
de Néron-Severi est défini par
NS(Z) := Pic(Z)/ Pic0 (Z),
i.e., il paramètre les classes d’équivalence algébrique. Le R-espace vectoriel
N1 (Z) := NS(Z) ⊗ R
paramètre les classes d’équivalence numérique de R-diviseurs sur Z (cf. [36, p.122]) 1 .
Soit désormais X une courbe de genre g ≥ 2 très générale ou une courbe hyperelliptique de genre g ≥ 2 très générale. Notons JX la jacobienne de X et soit
u : X × X → JX
(x, y) 7→ [OX (x + y − 2q0 )]
l’application d’Abel-Jacobi pour un point de base q0 ∈ X fixé. Notons pi : X × X →
X les deux projections pour i ∈ {1, 2}. Dans N1 (X × X), on a les classes
x1 := [p−1
1 ({pt.})] ,
x2 := [p2−1 ({pt.})] ,
θ := u∗ Θ,
où Θ est la polarisation canonique de JX. Pour faciliter les notations dans la suite,
on pose de plus x := x1 + x2 . La classe ∆ de la diagonale dans X × X est alors
donnée par (cf. §4.3.1, équation (4.2))
∆ = −θ + (g + 1)x.
(4.1)
Le lemme suivant est bien connu.
Lemme 4.2.0.2. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. La famille {x1 , x2 , ∆} est libre
dans N1 (X × X) et elle engendre N1 (X × X) si X est une courbe très générale ou
une courbe hyperelliptique très générale.
Démonstration. On a (cf. [40, §15.2]) :
Pic(X × X) ≃ p∗1 Pic(X) ⊕ p∗2 Pic(X) ⊕ End(JX)
≃ Pic0 (X) ⊕ Pic0 (X) ⊕ Z⊕2 ⊕ End(JX),
et comme End(JX) est un groupe discret, on a Pic0 (X × X) ≃ Pic0 (X) ⊕ Pic0 (X),
d’où l’on déduit
NS(X × X) = Pic(X × X)/ Pic0 (X × X) = Z⊕2 ⊕ End(JX)
et donc
N1 (X × X) ≃ R x1 ⊕ R x2 ⊕ (End(JX) ⊗ R).
Les classes dans End(JX) s’identifient avec les correspondances non triviales
dans X × X, et comme ∆ est une correspondance non triviale, on obtient la première partie de l’énoncé. Pour la deuxième partie, il suffit de remarquer que l’on a
End(JX) = Z pour X très générale et que c’est également le cas pour X hyperelliptique très générale par un résultat de [73].
1. On remarque que cette notation coïncide avec la notation introduite dans §1.1.
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
95
Lemme 4.2.0.3. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. La forme d’intersection sur
hx1 , x2 , ∆i ⊂ N1 (X × X) est donnée par
∆2 = 2 − 2g
,
∆ · x1 = ∆ · x2 = x1 · x2 = 1
,
x21 = x22 = 0.
Démonstration. Il est clair que l’on a ∆ · x1 = ∆ · x2 = x1 · x2 = 1 et x21 = x22 = 0.
Comme la diagonale ∆ est lisse de genre g, la formule d’adjonction ∆2 = 2pa (∆) +
KX×X · ∆ fournit ∆2 = 2 − 2g.
Remarque 4.2.0.4. Parfois il est plus facile de travailler avec la classe ∆′ := ∆ − x
qui satisfait
∆′2 = −2g , ∆′ · x2 = ∆′ · x1 = 0.
L’involution
σ :X ×X →X ×X
(x, y) 7→ (y, x)
induit une involution σ ∗ sur N1 (X × X) qui agit par
x1 7→ x2
,
x2 7→ x1
∆′ 7→ ∆′
∆ 7→ ∆ ,
,
et laisse le cône des classes pseudoeffectives (resp. nefs) invariant. Si l’on pose
H+ := {c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ N1 (X × X) | d2 ≥ d1 },
il suffit ainsi d’étudier les cônes
Nef + (X × X) := Nef(X × X) ∩ H+
,
Psef + (X × X) := Psef(X × X) ∩ H+ .
Une première étape serait de déterminer l’intersection de ces cônes avec l’hyperplan
H := {c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ | d2 = d1 } = hx, ∆i
des classes symétriques.
4.3
Classes symétriques sur X × X
On rappelle d’abord quelques propriétés élémentaires du produit symétrique
X (d) de X (§4.3.1) ; on donne ensuite un aperçu des résultats connus concernant la
positivité des classes symétriques dans N1 (X × X) (§4.3.2).
4.3.1
Le produit symétrique d’une courbe
Soit d un entier positif. Munissons X d de l’action du groupe symétrique Sd
qui permute les facteurs de X d . Le produit symétrique X (d) de X est la variété
projective lisse obtenue comme quotient de X d par cette action (cf. [46, Prop. 3.2]).
Elle paramètre les diviseurs de degré d sur X. Pour un point q0 ∈ X fixé, on a
l’application d’Abel-Jacobi
ud : X (d) → JX
D 7→ [OX (D − dq0 )],
et les classes entières
x(d) = classe de {q0 + D | D ∈ X (d−1) }
,
θ(d) = u∗d Θ
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
96
sont linéairement indépendantes dans N1 (X (d) ) (cf. [18, Ex. B-1]), où l’on note Θ
la polarisation principale canonique de JX. La classe ∆(d) de la grande diagonale
{2q0 + D ⊂ X (d) | p ∈ X, D ∈ X (d−2) } est donnée par (cf. [18, p. 358, Prop. 5.1])
(4.2)
∆(d) = 2((d + g − 1)x(d) − θ(d) ),
et l’on pose
∆(d)
.
2
Le lemme suivant est bien connu (cf. [18, p. 359] pour le cas où X est très
générale).
δ(d) :=
Lemme 4.3.1.1. La famille {x(d) , δ(d) } est libre dans N1 (X (d) ) et, pour X très
générale ou X hyperelliptique très générale, cette famille engendre N1 (X (d) ).
Démonstration. Il est clair que la famille est libre, de sorte qu’il suffit de montrer
que N1 (X (d) ) est de dimension 2. On a (cf. [50, Prop. 2.3])
N1 (X (d) ) ≃ R x(d) ⊕ (NS(JX) ⊗ R)
et comme NS(JX) = Z pour X très générale ou X une courbe hyperelliptique très
générale, N1 (X × X) est de rang 2 dans ce cas.
4.3.2
Classes nefs symétriques
Le cône Nef(X × X) ∩ H est engendré par deux rayons extrémaux. Comme
(g − 1)x + ∆ est effective et comme ((g − 1)x + ∆) · ∆ = 0, la classe (g − 1)x + ∆
engendre un des deux rayons extrémaux de Nef(X × X) ∩ H. Posons
λn := inf{λ ∈ R+ | λx − ∆ ∈ Nef(X × X)},
de sorte que l’autre rayon extrémal de Nef(X × X) ∩ H est engendré par λn x − ∆.
Comme la projection naturelle π : X × X → X (2) est finie (de degré 2), ramifiée
le long de la diagonale, on a une injection
π ∗ : N1 (X (2) ) → N1 (X × X) ,
x(2) 7→ x ,
δ(2) 7→ ∆
qui identifie N1 (X (2) ) avec N1 (X × X) ∩ H, et l’on a, en utilisant la formule de
projection,
Nef(X × X) ∩ H = π ∗ Nef(X (2) ).
Autrement dit, le cône Nef(X (2) ) est engendré par (g − 1)x(2) + δ(2) et λn x(2) − δ(2) .
On a donc les résultats suivants pour Nef + (X × X) ∩ H qui ont été formulés pour
Nef(X (2) ) dans l’article original de Kouvidakis [38, Thm. 2] (cf. aussi [42]).
Proposition 4.3.2.1 (Kouvidakis). Soit X une courbe de genre g ≥ 2.
1. Si X est hyperelliptique, on a λn = g + 1.
2. Lorsque X est très générale de genre g = 3, on a λn =
3. Si X est très générale de genre g ≥ 4, on a
√
g
g + 1 ≤ λn ≤ √ + 1
⌊ g⌋
et donc λn =
√
g + 1 si g est un carré parfait.
14
5 .
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
97
Démonstration.
1. Supposons X hyperelliptique. La classe (g + 1)x − ∆ est nef
car c’est le tiré en arrière de la polarisation principale sur JX par l’application
d’Abel-Jacobi (cf. (4.1)). D’un autre côté, la classe 2x − ∆ = ι(∆) est effective
et comme ((g + 1)x− ∆)·(2x− ∆) = 0, on en déduit que (g + 1)x− ∆ engendre
un rayon extrémal de Nef(X × X) ∩ H, i.e., λn = g + 1.
2. Comme X est très générale, on peut supposer que X est une quartique plane.
Or la tangente à un point P ∈ X intersecte X en deux points supplémentaires
Q et R. En bougeant P , on obtient ainsi un diviseur dans X (2) , et un calcul
d’intersection montre qu’il est de classe 8x(2) − 3δ(2) (cf. [38, p. 124] et [16, p.
11]), d’autointersection négative. La classe 14
5 x(2) − δ(2) étant orthogonale à
8x(2) −3δ(2) , elle engendre un rayon extrémal de Nef(X (2) ) et 14
5 x−∆ engendre
donc un rayon extrémal de Nef(X × X) ∩ H.
√
3. Comme l’autointersection d’une classe nef est positive, on a g + 1 ≤ λn et
par [38, Thm. 2], on a λn ≤ ⌊√gg⌋ + 1.
Conjecture 4.3.2.2 (Kouvidakis). Si X est une courbe de genre g ≥ 4 très générale, Kouvidakis conjecture
√
λn = g + 1,
ce qui est équivalent à dire que δ(2) (resp. ∆) est la seule classe effective d’autointersection négative dans N1 (X (2) ) (resp. dans Nef(X × X) ∩ H).
La conjecture de Kouvidakis est donc vérifiée lorsque g est un carré parfait.
Lorsque g ≥ 4 est petit et n’est pas un carré parfait, de meilleures bornes supérieures
pour λn ont été déterminées dans [34], [6], [58]. Par exemple, on a, pour 5 ≤ g ≤ 10,
les bornes suivantes :
g
λn ≤
4.4
5
6
7
8
10
9
4
45
13
106
29
23
6
17
4
Construction de classes nefs d’après Vojta
Dans cette section, on construit de nouvelles classes nefs en suivant la méthode
de Vojta (cf. [68]) présentée dans §4.1.2.
4.4.1
Restrictions pour le cône pseudoeffectif
Soit C une courbe irréductible dans X × X, de classe
[C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ .
On a di = C · xi ≥ 0 et si l’on suppose de plus [C] 6= xi , on a di = deg(pi |C ) ≥ 1
pour i ∈ {1, 2}, où l’on note pi : X × X → X la projection sur le i-ième facteur.
Soit d un entier strictement positif et posons
1
Qd (d1 , d2 , γ) := d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d21
d
et
Cd := {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ | Qd (d1 , d2 , γ) ≥ 0}.
(4.3)
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
98
Lemme 4.4.1.1. Supposons qu’il existe des classes effectives c1 , . . . , ck ∈ H+ d’autointersection négative telles que toute classe c = d2 x1 +d1 x2 +γ∆′ ∈ H+ représentée
par une courbe irréductible satisfasse une des trois conditions suivantes :
• la classe c est proportionnelle à une classe ci ;
• la classe c est d’autointersection positive ;
• on a d1 ≥ d.
Alors Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de Cd et {c1 , . . . , ck }.
Démonstration. Soit c = d2 x1 +d1 x2 +γ∆′ ∈ H+ la classe d’une courbe irréductible
C d’autointersection positive ou satisfaisant d1 ≥ d. On va montrer que l’on a
c ∈ Cd . Comme C 2 = 2d1 d2 − 2gγ 2 , c’est clair si C 2 ≥ 0. Supposons d1 ≥ d. On a,
par Riemann-Hurwitz,
C 2 + C · KX×X = 2pa (C) − 2 ≥ 2pg (C) − 2 ≥ (2g − 2)(x2 · C) = (2g − 2)d2 ,
et comme
cela fournit
C 2 + C · KX×X = 2d2 d1 − 2gγ 2 + (2g − 2)(d1 + d2 ),
d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d1 ≥ 0.
Comme d1 ≥ d, on en déduit
1
d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d21 ≥ 0,
d
c’est-à-dire c ∈ Cd , ce qui termine la preuve.
Notre but est maintenant de déterminer les classes de courbes irréductibles d’autointersection négative pour d1 petit ou d’exclure l’existence de telles classes. Notre
résultat principal dans ce sens est la proposition 4.4.1.6. D’abord on aura besoin de
deux petits lemmes.
Lemme 4.4.1.2. Soit d1 ≥ 1. On a une bijection
n
o
ϕ : X → X (d1 ) | ϕ(X) 6⊂ ∆(d1 )
n
o
←→ C ⊂ X × X | [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ , C sans composante {pt.} × X ,
où l’on note ∆(d1 ) la variété diagonale dans X (d1 ) (et pas sa classe).
Démonstration. Soit C une courbe (réduite) dans X ×X sans composante {pt.}×X.
Alors on obtient un morphisme ϕC : X → X (d1 ) tel que ϕC (X) 6⊂ ∆(d1 ) en posant
ϕC (X) := p2 ((p1 |C )−1 (x)). Inversement, pour un morphisme ϕ : X → X (d1 ) tel que
ϕ(X) 6⊂ ∆(d1 ) donné, on obtient une courbe C dans X × X en posant
C := {(a, b) ∈ X × X | ϕ(a) − b ≥ 0}.
Il est clair que, pour C sans composante {pt.} × X, ces deux constructions sont
inverses l’une de l’autre.
Remarque 4.4.1.3. Il est possible que la courbe associée à un morphisme ϕ : X →
X (d1 ) soit réductible. D’autre part, le morphisme ϕ est constant si et seulement si
C est réunion de courbes du type X × {pt.}.
Remarque 4.4.1.4. Soit C une courbe irréductible (peut-être singulière) de classe
[C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ 6= xi pour i ∈ {1, 2}. Alors on a di = deg(pi |C ) et l’on
obtient par Riemann-Hurwitz
C 2 + (2g − 2)C · x = (2g − 2)di + ri
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
99
pour i ∈ {1, 2}, où ri est le degré du diviseur de ramification de pi |C . En particulier,
on a
C 2 = r1 − (2g − 2) = r2 − (2g − 2)d1
et
ϕC,∗ X · x(d1 ) = d2 ,
r1
ϕC,∗ X · δ(d1 ) = ,
2
où ϕC : X → X (d1 ) est le morphisme associé à C au sens du lemme 4.4.1.2.
Lemme 4.4.1.5. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. Soit d ≥ 2 et soit ϕ : X → X (d)
un morphisme non constant.
1. Si X est très générale de genre g ≥ 3, ou bien ϕ est injectif, ou bien ϕ(X) est
contenu dans une fibre de l’application d’Abel-Jacobi ud : X (d) → JX.
2. Si X est une courbe hyperelliptique très générale, ou bien ϕ est génériquement
injectif, ou bien ϕ(X) est contenu dans une fibre de l’application d’Abel-Jacobi
ud : X (d) → JX.
Démonstration. Comme X est très générale ou hyperelliptique très générale, on a
End(JX) = Z, de sorte que l’on obtient le diagramme commutatif suivant
X
ϕ
/ X (d)
ud
u
JX
·m
/ JX
où m est un entier, pour des applications d’Abel-Jacobi bien choisies u et ud . Si
m = 0, la courbe ϕ(X) est contenue dans une fibre de ud . Supposons m 6= 0. Soient
p, q ∈ X et supposons ϕ(p) = ϕ(q). Alors on a m(u(p) − u(q)) = 0, c’est-à-dire que
u(p) − u(q) est dans JX[m], l’ensemble (fini) des points de m-torsion de JX. La
restriction de
τ : X × X → JX
(p, q) 7→ u(p) − u(q)
au complémentaire de la diagonale est à fibres finies [3, Prop. 4], de sorte que ϕ est
génériquement injectif pour tout g ≥ 2.
Supposons τ (X × X) ∩ JX[m] 6= ∅, de sorte qu’il existe deux points distincts
1
p, q ∈ X tels que OX (mp) = OX (mq). Le gm
engendré par mp et mq donne lieu à
1
un morphisme X → P de degré m avec fibres mp et mq. Par Riemann-Hurwitz,
on a alors
2g − 2 = −2m + 2(m − 1) + r,
où r est le degré de la ramification en dehors des fibres mp et mq. On a r = 2g, de
sorte que
3g − 3 ≥ 2g ⇔ g ≥ 3
1
et donc
assure qu’une courbe très générale de genre g ≥ 3 n’admet pas de tel gm
τ (X × X) ∩ (JX[m] − {0}) = ∅.
Proposition 4.4.1.6. Soit [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ la classe d’une courbe
irréductible C dans X × X.
1. Lorsque X est une courbe hyperelliptique très générale, on a ou bien [C] ∈
{x1 , ∆, 2x − ∆} ou bien d1 ≥ 2.
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
100
2. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 3, on a ou bien [C] ∈
{x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 2.
3. Si X est une courbe très générale de genre g = 4, on a ou bien [C] ∈
{x1 , ∆, 3x − ∆} ou bien d1 ≥ 3.
4. Si X est une courbe très générale de genre g ≥ 5 et g est un carré parfait, on
a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 3.
Démonstration. Si d1 = 0, il est clair que l’on a [C] = x1 . Si l’on a d1 = 1, alors p1 |C
est un isomorphisme. Si X est très générale, on a Aut(X) = {id} et donc [C] = ∆.
Si X est une courbe hyperelliptique très générale, on a Aut(X) = {id, ι} et donc
[C] = ∆ ou [C] = 2x − ∆. Ceci montre 1), 2) et 4).
Soit X maintenant une courbe très générale de genre g ≥ 4, où g est un carré
parfait. Supposons d1 = 2. Le morphisme ϕC est non constant (cf. remarque 4.4.1.3)
et C0 := ϕC (X) est une courbe irréductible dans X (2) qui n’est pas contenue dans
la diagonale. Lorsque C0 · x(2) = 1, la projection p2 |C : C → X est de degré 1, ce
qui est une contradiction. On a donc C0 · x(2) ≥ 2. Comme g est un carré parfait,
on a C02 ≥ 0 par la proposition 4.3.2.1 et donc
2pa (C0 ) − 2 = C02 + C · KX (2)
= C02 + C0 · ((2g − 2)x(2) − δ(2) )
= C02 + (2g − 2 − λn )(C0 · x(2) ) + C0 · (λn x(2) − δ(2) )
≥ (2g − 2 − λn )(C0 · x(2) )
≥ 4g − 4 − λn .
Comme λn =
√
g + 1 (proposition 4.3.2.1), on en déduit
√
pa (C0 ) ≥ 2g − 2 − g.
Or X n’admet pas de g21 , de sorte que le morphisme ϕC est un plongement par le
lemme 4.4.1.5 et l’on a pg (C0 ) = pa (C0 ) = g. Cela fournit une contradiction pour
g ≥ 5, et, pour g = 4, on en déduit pa (C0 ) = 4 et C02 = 0, d’où [C0 ] = 3x(2) − δ(2) .
Par la remarque 4.4.1.4, on a alors d2 = 2 et r1 = 12 et donc C 2 = 0, ce qui implique
[C] = 2x − ∆′ = 3x − ∆. Cela achève la démonstration de 3).
Avec le lemme 4.4.1.1, on en déduit la proposition 4.1.2.1.
4.4.2
Une section affine
Dans la suite, on représentera les cônes Psef(X × X) et Nef(X × X) dans le plan
affine
P
=
=
{c = α1 x1 + α2 x2 + γ∆ ∈ N1 (X × X) | c · x = α1 + α2 + 2γ = 2}
{c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ N1 (X × X) | c · x = d2 + d1 = 2},
où le demi-espace H+ correspond au demi-espace affine
P + = {α1 x1 + α2 x2 + γ∆ ∈ P | α1 ≥ α2 } = {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ P | d2 ≥ d1 }.
On introduit des coordonnées (u, v) sur P en posant
x = (0, 0) ,
∆ = (g, 0) ,
x1 = (0, 1).
Le point (u, v) ∈ P correspond alors à la classe (1+v− ug )x1 +(1−v− gu )x2 + ug ∆ (resp.
(1 + v)x1 + (1 − v)x2 + ug ∆′ ). En particulier, le produit d’intersection de deux classes
′
(u, v) et (u′ , v ′ ) est donné par 2(1−vv ′ − uu
g ). Inversement, la classe α1 x1 +α2 x2 +γ∆
2gγ
α1 −α2
,
) et une classe d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ au point
correspond au point ( α1 +α
2 +2γ α1 +α2 +2γ
d2 −d1
( d22gγ
+d1 , d2 +d1 ).
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
101
Remarque 4.4.2.1. Si X est hyperelliptique, l’involution hyperelliptique correspond
à la réflexion d’axe u, de sorte que les cônes Nef(X × X) et Psef(X × X) sont
symétriques par rapport aux axes u (et v).
Remarque 4.4.2.2. Dans le plan affine P, le cône des classes symétriques correspond
à l’intersection de Nef(X × X) avec l’axe u.
Dans P, l’équation Qd = 0 correspond à
v 2 (g − 1 − d) −
du2
+ (2 − 2g)v + d + g − 1 = 0.
g
Cela fournit une conique,
qui intersecte l’ellipse c2 = 0 en x1 = (1, 0) et l’axe
q
u en les points (± (d+g−1)g
, 0). Comme l’intersection de ∆ avec toute courbe
d
irréductible de classe différente de ∆ est positive, ∆ est la seule classe effective à
droite de ∆⊥ = {(u, v) ∈ P + |u = 1}. Les classes pseudoeffectives doivent donc être
en-dessous de la droite joignant ∆ et le point d’intersection {Qd = 0} ∩ ∆⊥ .
On obtient dans P + l’image suivante, où le cône pseudoeffectif doit être dans la
région en gris foncé et les classes dans la région en gris clair sont pseudoeffectives.
x1
Q3 ≥ 0
∆⊥
(1, v0 )
b1 = (1, v1 )
c2 ≥ 0
x
ce
∆
Figure 4.2 – Cône pseudoeffectif pour g = 4
4.4.3
Classes nefs
Construisons maintenant des classes nefs dans X × X. Pour cela, on caractérise
d’abord le dual
Cd∨ := {c ∈ N1 (X × X) | ∀β ∈ Cd , c · β ≥ 0}.
Posons
1
′
′
′
′2
′
′
′
Q∨
d (d1 , d2 , γ ) := gγ − d1 (d2 − (g − 1)d1 ).
d
Lemme 4.4.3.1. On a
Cd∨ = {d′2 x1 + d′1 x2 + γ ′ ∆′ ∈ N1 (X × X) | Q∨
d (d1 , d2 , γ) ≤ 0}.
Démonstration. Soit c = d′2 x1 +d′1 x2 +γ ′ ∆′ ∈ N1 (X×X). Par définition, on a c ∈ Cd∨
si et seulement si c est d’intersection positive sur toute classe d2 x1 + d1 x2 + γ∆′
satisfaisant Qd (d1 , d2 , γ) = 0. Autrement dit, on a c ∈ Cd∨ si et seulement si
0 ≤
=
d2 d′1 + d′2 d1 − 2gγγ ′
gγ 2 − d1 (g − 1)d21 ′
d1 + d′2 d1 − 2gγγ ′
d1
pour tout d2 , d1 et γ, ce qui est équivalent à
1
0 ≤ gγ 2 d′1 + (d′2 − (g − 1))d21 − 2gγγ ′ d1
d
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
102
pour tout d1 et γ. C’est le cas si et seulement le discriminant est négatif, i.e. si et
seulement si
1
0 ≥ gγ ′2 − d′1 (d′2 − (g − 1)d′1 ).
d
Lemme 4.4.3.2. Soit c ∈ N1 (X × X). On a c ∈ Nef + (X × X) si et seulement si
c · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef + (X × X).
Démonstration. Il faut montrer que c · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef + (X × X) implique
que c est nef. Ecrivons c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ et supposons que c n’est pas nef.
Alors il existe une classe pseudoeffective β = d′2 x1 + d′1 x2 + γ ′ ∆′ avec d′1 > d′2 telle
que c · β > 0. On a σ ∗ β ∈ Psef(X × X) ∩ H+ et
c · σ ∗ β ≤ c · β ⇔ (d2 − d1 )(d′2 − d′1 ) ≤ 0,
ce qui est vrai par les hypothèses sur c et β, de sorte que l’on obtient une contradiction.
La proposition suivante découle alors tout de suite des lemmes 4.4.3.1 et 4.4.3.2,
et la proposition 4.1.2.1.
Proposition 4.4.3.3. Supposons qu’il existe des classes effectives c1 , . . . , ck ∈ H+
d’autointersection négative et un entier positif d tel que Psef + (X × X) est contenu
dans l’enveloppe convexe de Cd et {c1 , . . . , ck }. Alors les classes c = d′2 x1 + d′1 x2 +
γ ′ ∆′ ∈ H+ satisfaisant
′
′
′
Q∨
d (d1 , d2 , γ ) ≥ 0
et
∀i ∈ {1, . . . , k}
c · ci ≥ 0
sont nefs.
Corollaire 4.4.3.4. Soit X une courbe de genre g ≥ 2 et soit c = d2 x1 + d1 x2 +
γ∆′ ∈ N1 (X × X).
1. Si X est hyperelliptique très générale, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et
c · ∆ ≥ 0, c · (2x − ∆) ≥ 0.
2. Si X est très générale de genre 3, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et
c · ∆ ≥ 0 et c · ( 83 x − ∆) ≥ 0.
3. Si X est très générale de genre g ≥ 5, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et
c · ∆ ≥ 0.
4. Si X est très générale de genre g ≥ 4 avec g un carré parfait, c est nef si l’on
a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et c · ∆ ≥ 0.
4.4.4
Représentation des classes nefs dans la section affine
Représentons maintenant les classes nefs qu’on obtient dans P grâce au corollaire 4.4.3.4 et la proposition 4.3.2.1. On commence avec deux remarques générales
et ensuite on donne des représentations selon le genre de X et selon que X est
hyperelliptique ou pas.
Remarque 4.4.4.1. L’inéquation Q∨
d (d1 , d2 , γ) ≤ 0 fournit (pour tout g) une ellipse
définie par
1
u2
− (1 − v)(1 + v − (g − 1)(1 − v)),
(4.4)
0≥
g
d
dont la forme normale est donnée par
d + g − 1 2 (d + g − 1)2
u +
dg
d2
v−
g−1
d+g−1
2
= 1.
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
103
g−1
Le centre de cet ellipse est donc le point (0, d+g−1
) ∈ P + et les sommets sont
q
dg
g−1
g−1
d
± d+g−1
) et (± dg−1
, d+g−1
) (en particulier, un des sommets est x1 =
(0, d+g−1
(1, 0)).
Remarque 4.4.4.2. Supposons que, dans H+ , les classes des courbes irréductibles
sont contenues dans Cd sauf certaines classes c1 , . . . , ck d’autointersection négative
avec c1 := ∆. Fixons une classe ci et notons bi le point d’intersection de c⊥
i avec
la droite passant par ci et tangente à Cd∨ dans P + . Alors il existe une classe ai ∈
Nef + (X ×X) telle que bi est proportionnelle à la classe ai +ci . Comme l’intersection
de ci avec toute courbe de classe différente de ci est positive, et comme bi · ci ≥ 0,
la classe bi est nef (cf. figure ci-dessous).
∆⊥
Q∨
3 ≤0
c2 ≥ 0
∆
Figure 4.3 – Cône nef pour g = 4
En écrivant b1 = (1, v1 ) et {c2 = 0} ∩ ∆⊥ = (1, v0 ), on obtient par le corollaire
4.4.3.4 les valeurs suivantes pour v0 et v1 2 :
Courbes hyperelliptiques très générales. Soit X une courbe hyperelliptique
très générale de genre g. Par le corollaire 4.4.3.4, une classe c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′
est donc nef si elle satisfait Q∨
2 (d1 , d2 , γ) ≤ 0 et si l’intersection avec c1 := ∆ et
avec c2 := 2x − ∆ est positive. De plus, les classes b1 et b2 au sens de la remarque
4.4.4.2 sont nefs, de sorte que l’on obtient l’image ci-dessous (figure 4.4).
Remarque 4.4.4.3. On vérifie facilement que l’on a v1 → v0 pour g → ∞ pour
d ≥ 1 fixé, de sorte que le résultat est asymptotiquement optimal pour les courbes
hyperelliptiques très générales.
Remarque 4.4.4.4. Une classe nef sur une courbe hyperelliptique reste nef sur une
courbe très générale : soit X0 une courbe hyperelliptique de genre g et supposons
que la classe d2 x1 + d1 x2 + γ∆ est nef sur X0 × X0 . Soit X → B une famille de
courbes lisses (de genre g) de fibre spéciale X0 et notons Xb la fibre au-dessus de
b ∈ B. Si l’on note L un fibré sur X ×B X tel que Lb := L|Xb ×Xb soit de classe
2. Pour calculer le point b1 , on remarque d’abord que la tangente au point (u0 , v0 ) est donnée
par l’équation
d+g−1
g−1
(d + g − 1)2
g−1
uu0 +
v
−
= 1,
v
−
0
dg
d2
d+g−1
d+g−1
d’où l’on déduit que la tangente à l’ellipse contenant ∆ = (g, 0) doit satisfaire
(d + g − 1)(g − 1)
g−1
d+g−1
u0 −
= 1.
v0 −
2
d
d
d+g−1
Le point (u0 , v0 ) étant sur la tangente fournit alors
2
d+g−1
(g − 1)2
d+g−1 2
=
u0 − 1
u
1
−
.
0
d
d2
dg
En résolvant, on obtient les valeurs dans la table 4.1.
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
104
Table 4.1 –
g
d
2
2
3
2
4
3
5
2
10
2
100
3
v1
√
4+ √
3
≈ 0.6830
−2+3 3
4
5 = 0.8
6
7
≈ 0.8571
√
4 5+2 √30
5 −2+3 30 ≈ 0.8844
√
3 20+27 √15
10 −3+11 15 ≈ 0.943
√
99 5+33 33
√
5 −33+680 33 ≈ 0.9946
q
q
v0
1
2
2
q3
3
q4
q
≈ 0.7071
≈ 0.8165
≈ 0.8660
4
5
≈ 0.8944
5
≈ 0.9487
q6
6
7
≈ 0.9950
∆⊥
x1
i2d
Q∨
2 ≤ 0
c2 ≥ 0
x
∆
Figure 4.4 – Cône nef pour g = 2
d2 x1 + d1 x2 + γ∆ pour tout b ∈ B, alors Lb est nef pour b ∈ B très général
(cf. [42, Prop. 1.4.14]).
Courbes de genre 3 très générales. Soit X une courbe très générale de genre
3. On obtient des classes nefs comme suit :
1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique (très
générale) de genre 3 sont aussi nefs pour une courbe très générale.
2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ et c2 :=
8
∨
3 x − ∆ est positive, et pour lesquelles Q2 (d1 , d2 , γ) ≤ 0, sont nefs.
4
3. Les classes b1 = (1, 45 ) et b2 = (− 35 , 29
) sont nefs (cf. remarque 4.4.4.2).
∆⊥
c⊥
e
Q∨
2 ≤ 0
c2 ≥ 0
ce
∆
Figure 4.5 – Cône nef pour g = 3
CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE
105
Courbes de genre g = r2 très générales. Soit X une courbe très générale de
genre g = r2 , un carré parfait. On obtient des classes nefs comme suit :
1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique très
générale de genre g sont aussi nefs pour une courbe très générale.
2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ est positive,
et pour lesquelles Q∨
3 (d1 , d2 , γ) ≤ 0, sont nefs.
√
3. La classe λn = ( g + 1)x − ∆ est nef.
4. La classe b1 est nef.
∆⊥
Q∨
3 ≤ 0
c2 ≥ 0
∆
λn
Figure 4.6 – Cône nef pour g = 4
Courbes de genre ≥ 5 très générales. Soit X une courbe très générale de
genre g et supposons que g n’est pas un carré parfait. On obtient des classes nefs
comme suit :
1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique très
générale de genre g sont aussi nefs pour une courbe très générale.
2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ est positive,
et pour lesquelles Q∨
2 (d1 , d2 , γ) ≤ 0.
3. Pour g ≥ 5, λn n’est pas connu, mais on a des bornes supérieures sur λn (cf.
proposition 4.3.2.1).
4. La classe b1 est nef.
∆⊥
Q∨
2 ≤ 0
c2 ≥ 0
λn
Figure 4.7 – Cône nef pour g = 5
∆
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