Positivité des cycles dans les variétés algébriques - DMA
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Positivité des cycles dans les variétés algébriques - DMA
UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT (PARIS 7) ÉCOLE DOCTORALE DE PARIS CENTRE THÈSE DE DOCTORAT Discipline : Mathématiques présentée par Max REMPEL Positivité des cycles dans les variétés algébriques dirigée par Olivier DEBARRE Soutenue le 28 septembre 2012 devant le jury composé de : Samuel BOISSIÈRE Sébastien BOUCKSOM Olivier DEBARRE Stéphane DRUEL Daniel HUYBRECHTS Alessandra SARTI Claire VOISIN Université Poitiers Université Paris VI École Normale Supérieure Université Grenoble I Universität Bonn Université Poitiers Université Paris VI Rapporteur Examinateur Directeur de thèse Examinateur Rapporteur Examinateur Examinateur Remerciements Je tiens d’abord à remercier chaleureusement mon directeur de thèse, Olivier Debarre, sans qui ce travail n’aurait jamais vu le jour. Pendant quatre ans il a su me guider avec son enthousiasme et ses nombreux conseils. Je le remercie pour sa disponibilité, ses encouragements et pour sa grande patience. Je remercie également Samuel Boissière et Daniel Huybrechts pour avoir accepté d’être rapporteurs de cette thèse et pour l’attention qu’ils ont portée à mon travail. Mes remerciements vont aussi à Sébastien Boucksom, Stéphane Druel, Alessandra Sarti et Claire Voisin qui ont accepté de faire partie du jury de cette thèse. Pour la préparation de cette thèse, j’ai eu la chance de travailler au DMA de l’ENS. Je tiens à remercier toute l’équipe du DMA et en particulier mes collègues du “toit“ pour l’ambiance chaleureuse pendant ces quatre ans. Ma gratitude va aussi à mes amis avec qui j’ai partagé des bons moments pendant mes études à Francfort, Amiens et Strasbourg. Je remercie ma famille pour son soutien constant sans lequel cette thèse n’aurait pas été possible. Enfin, j’exprime toute ma gratitude à Kira pour son soutien et sa patience pendant ces dernières années. 3 Table des matières 1 Introduction 1.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Résultats principaux et plan . . . . . . . . . 1.2.1 La puissance d’une variété abélienne 1.2.2 La variété de Fano d’une cubique . . 1.2.3 Produit d’une courbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 7 8 8 10 12 2 La puissance d’une variété abélienne 2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 La structure de l’algèbre N• (Ae ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Le groupe de Hodge d’une variété abélienne . . . . . . . . . . 2.2.2 Classes de Hodge sur la puissance d’une variété abélienne . . 2.2.3 Générateurs et relations pour les classes de Hodge . . . . . . 2.2.3.1 Un résultat de Tankeev et un résultat de Thompson 2.2.3.2 Générateurs explicites . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.4 Le cas A × A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Classes positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1.1 Notions de positivité sur une variété abélienne . . . 2.3.1.2 Une conjecture de Harvey, Knapp et Lawson . . . . 2.3.1.3 Les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin . 2.3.2 Le cône Sk Psef 1 (Ae ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2.1 Diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2.2 Produits de diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . . 2.3.3 Le cône semipositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3.1 Décomposition des formes hermitiennes . . . . . . . 2.3.3.2 Spéctraèdres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3.3 Le cas A × A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.4 Comparaison des cônes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.4.1 Classes pseudoeffectives et classes semipositives . . 2.3.4.2 Classes numériquement effectives et classes pseudoeffectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 14 16 16 17 18 18 20 23 26 26 26 28 29 30 31 31 33 34 36 37 42 42 3 La variété de Fano d’une cubique 3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.1 Variétés hyperkählériennes . . . . . . . . . . . 3.2.2 Les conjectures de Hassett et Tschinkel . . . 3.2.2.1 Le cône des diviseurs pseudoeffectifs 3.2.2.2 Le cône des 1-cycles . . . . . . . . . 3.2.2.3 Le cône des classes de diviseurs nefs 3.2.3 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 50 52 52 53 53 54 55 56 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 TABLE DES MATIÈRES 3.3 3.4 6 La variété des droites d’une cubique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Les résultats de Beauville et Donagi . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1.1 La variété de Fano comme déformation d’un schéma de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1.2 L’application d’Abel-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Classes algébriques sur la variété de Fano . . . . . . . . . . . 3.3.2.1 Cubiques spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2.2 Classes algébriques sur la variété de Fano . . . . . . 3.3.3 Classification des droites et un endomorphisme rationnel . . . 3.3.3.1 Classification des droites . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.3.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin . . . . . . . . Classes positives de codimension 1 et 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 Cubiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1.1 Classes induites par la Grassmannienne et la face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin . . . . . . . . 3.4.1.3 Restrictions sur Psef 2 (F ) . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.2 Cubiques contenant un plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.2.1 Les diviseurs DP et DQ . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.2.2 Classes nefs et classes de courbes . . . . . . . . . . . 3.4.2.3 Géométrie birationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.2.4 Automorphismes de F . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.2.5 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.3 Cubiques contenant un scroll cubique . . . . . . . . . . . . . 3.4.3.1 Les résultats de Hassett et Tschinkel . . . . . . . . . 3.4.3.2 Automorphismes de F . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.3.3 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.4 Cubiques pfaffiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.4.1 Le schéma de Hilbert S [2] . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.4.2 L’isomorphisme de Beauville et Donagi . . . . . . . 3.4.4.3 Classes nefs et classes de courbes . . . . . . . . . . . 3.4.4.4 Classes pseudoeffectives et géométrie birationnelle . 3.4.4.5 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Produit d’une courbe 4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.1 Une question de Kollár . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.2 La méthode de Vojta . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Classes symétriques sur X × X . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.1 Le produit symétrique d’une courbe . . . . . . . . . 4.3.2 Classes nefs symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4 Construction de classes nefs d’après Vojta . . . . . . . . . . 4.4.1 Restrictions pour le cône pseudoeffectif . . . . . . . 4.4.2 Une section affine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.3 Classes nefs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.4 Représentation des classes nefs dans la section affine 5 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 57 57 58 59 59 60 61 61 62 63 63 64 65 67 69 69 72 73 75 77 78 79 82 85 85 86 87 87 88 90 91 . 91 . 91 . 92 . 94 . 95 . 95 . 96 . 97 . 97 . 100 . 101 . 102 106 1. Introduction Cette introduction est composée de deux parties. Dans la première partie, on donne une motivation des problèmes traités dans cette thèse et dans la deuxième partie, on présente les résultats principaux obtenus chapitre par chapitre. 1.1 Motivation Soit X une variété algébrique complexe projective de dimension n et posons NkZ (X) := H k,k (X, C) ∩ H 2k (X, Z) et Nk (X) := NkZ (X) ⊗ R pour k ∈ {0, . . . , n}. Dans les cas qui nous intéressent, la conjecture de Hodge est vraie et équivalence numérique coïncide avec équivalence homologique, de sorte que l’on peut voir Nk (X) comme le R-espace vectoriel engendré par les classes numériques des sous-variétés de X. On définit différentes notions de positivité qui donnent chacunes lieu à un cône convexe saillant dans Nk (X). Définition 1.1.0.1. Une classe β ∈ Nk (X) est P dite effective s’il existe des sousm variétés Zi de X de codimension k telles que β = i=1 ai [Zi ] avec ai ∈ R+ . Le cône des classes effectives est noté Eff k (X). On définit le cône des classes pseudoeffectives Psef k (X) ⊂ Nk (X) comme l’adhérence du cône Eff k (X). Le cône des classes numériquement effectives (nefs) Nef n−k (X) ⊂ Nn−k (X) est défini comme dual du cône Psef k (X) par rapport au produit d’intersection. Une classe dans l’intérieur de Psef k (X) est dite big. Les notions effectif, pseudoeffectif et nef sont des notions de positivité. Pour étudier des cônes dans Nk (X), on a d’abord besoin de résoudre le problème suivant. Problème 1. Déterminer la dimension et des générateurs du R-espace vectoriel Nk (X). Parfois, il est plus facile de regarder la dimension au lieu de la codimension des cycles ; dans ce cas, on écrit Nk (X) := Nn−k (X), Psef k (X) := Psef n−k (X), etc. pour k ∈ {0, . . . , n}. En codimension 1 et n − 1, les cônes de classes positives ont été étudiés dans nombreux travaux et sont liés à des questions classiques. Le cône fermé Psef 1 (X) engendré par les classes des courbes joue un rôle central dans la classification birationnelle des variétés algébriques. Plus précisément, certains rayons extrémaux de Psef 1 (X) correspondent à une contraction birationnelle X → X ′ . Le cône Psef 1 (X) est le cône fermé engendré par les diviseurs effectifs, de sorte que l’étude de ce cône revient au problème de déterminer les fibrés en droites sur X admettant une section 7 CHAPITRE 1. INTRODUCTION 8 globale non triviale. L’intérieur du cône Nef 1 (X) est le cône engendré par les classes des diviseurs amples, de sorte que l’on a une inclusion Nef 1 (X) ⊂ Psef 1 (X) (1.1) et donc Nef 1 (X) ⊂ Psef 1 (X) par dualité. Par un résultat de Boucksom, Demailly, Paun et Peternell [14, Thm. 0.2], Nef 1 (X) est engendré par les classes des courbes qui bougent dans une famille qui couvre X. En codimension 1 et n − 1, on a donc de belles interprétations géométriques des cônes en question. Cependant, il est souvent difficile de déterminer ces cônes dans des cas particuliers. Problème 2. Déterminer les cônes de classes positives en codimension 1 et n − 1 dans des cas particuliers. En codimension supérieure, i.e., pour 2 ≤ k ≤ n − 2, l’étude des cônes de classes positives a juste récemment été abordée dans [21], [67] et [17]. Dans [21], Fulger détermine les cônes des classes pseudoeffectives pour un fibré vectoriel projectif E sur une courbe lisse C. De plus, il montre que l’on a Nef k (E) ⊂ Psef k (E) avec égalité pour tout k ∈ {0, . . . , n} si et seulement si E est semistable [21, Prop. 1.5] 1 . D’autre part, Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent dans [17] que l’on a Psef 2 (A × A) Nef 2 (A × A) pour une surface abélienne A principalement polarisée très générale. L’inclusion (1.1) ne se généralise donc pas en codimension supérieure. Problème 3. Déterminer les cônes de classes positives en codimension supérieure et étudier la relation entre les cônes Psef k (X) et Nef k (X) dans des cas particuliers. Le but de cette thèse est d’étudier • les problèmes 1 et 3 pour la puissance Ae d’une variété abélienne principalement polarisée très générale A (chapitre 2) ; • les problèmes 1 - 3 pour la variété F paramétrant les droites dans une cubique lisse X dans P5 (chapitre 3) ; • le problème 2 pour le produit C × C d’une courbe très générale C de genre g (chapitre 4). 1.2 Résultats principaux et plan Cette thèse est composée de trois chapitres indépendants, chaque chapitre consacré à l’étude des cônes de classes positives dans un cas particulier. On donne un résumé, chapitre par chapitre, des résultats principaux obtenus. Pour un plan plus détaillé de chaque chapitre, on renvoie à l’introduction du chapitre respectif. 1.2.1 La puissance d’une variété abélienne Dans le chapitre 2, on regarde la puissance Ae d’une variété abélienne principalement polarisée très générale A de dimension n. Écrivons A = U/Γ, où U est un espace vectoriel complexe de dimension n et Γ est un réseau dans U . Le produit Len d’intersection munit N• (Ae ) := k=0 Nk (Ae ) d’une structure de R-algèbre et l’on a une action canonique de GLe (R) sur N• (Ae ). Par un résultat de Tankeev [61], 1. Pour Fulger, une classe est nef si elle est pseudoeffective et nef dans notre sens. Mais on vérifie que ces deux notions coïncident dans le cas qu’il regarde. CHAPITRE 1. INTRODUCTION 9 N• (Ae ) est engendré par les classes des cycles de codimension 1. On a donc un morphisme surjectif naturel S• N1 (Ae ) → N• (Ae ), où l’on note S• N1 (Ae ) l’algèbre symétrique engendrée par N1 (Ae ). En utilisant que N• (Ae ) admet une description comme un certain espace d’invariants on obtient, concernant le problème 1 : Proposition 1.2.1.1. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. L’idéal I tel que N• (Ae ) = S• N1 (Ae )/I, i.e., l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ), est engendré par des classes de cycles de codimension n + 1 et l’on peut en décrire des générateurs explicitement. En particulier, l’application Sk N1 (Ae ) → Nk (Ae ) est un isomorphisme si et seulement si k ∈ {0, . . . , n}. Concernant l’étude des cônes de classes positives, on remarque d’abord que l’intersection de deux classes pseudoeffectives est encore pseudoeffective sur une variété abélienne, de sorte que l’on a une inclusion Sk Psef 1 (Ae ) ⊂ Psef k (Ae ) ⊂ Nef k (Ae ), où Sk Psef 1 (Ae ) est le cône engendré par les produits des diviseurs pseudoeffectifs. Remarquons que cela entraîne Psef 1 (Ae ) = Nef 1 (Ae ). Ce cône est bien connu, de sorte que l’on s’intéresse aux cônes dans Nk (Ae ) pour 2 ≤ k ≤ en − 2. Le cône Psef 1 (Ae ) est engendré par l’orbite d’une certaine classe sous l’action de GLe (R) qui préserve les différents cônes. Cela induit une description de Sk Psef 1 (Ae ) en fonction de générateurs. Alors que l’on voit pas de moyen de décrire le cône Psef k (Ae ) directement, on peut introduire un cône auxiliaire : on peut voir une classe α ∈ Nk (Ae ) V comme une forme hermitienne sur k U e , et une classe dont la forme hermitienne est semipositive est dite semipositive. Si l’on note Semik (Ae ) le cône engendré par ces classes, on a Sk Psef 1 (Ae ) ⊂ Psef k (Ae ) ⊂ Semik (Ae ) ⊂ Nef k (Ae ) pour k ∈ {0, . . . , en}. Si l’on arrive à calculer les matrices représentant les formes hermitiennes associées aux classes dans Nk (Ae ), cela fournit des inéquations définissant Semik (Ae ). La comparaison des cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ) se ramène ainsi à un problème de géométrie convexe, la comparaison d’un cône défini par des générateurs et d’un cône défini par des inéquations. En faisant des calculs explicites et en appliquant un argument de géométrie convexe, Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent ainsi que l’on a [17, Thm. 4.1] S2 Psef 1 (A2 ) = Semi2 (A2 ), (1.2) ce qui fournit des inéquations définissant Psef 2 (A2 ). Si l’on veut généraliser le résultat (1.2) en codimension supérieure, il se posent deux problèmes : premièrement, les matrices des formes hermitiennes deviennent très rapidement beaucoup plus grandes, ce qui rend les calculs très pénibles ; deuxièmement, l’argument de géométrie convexe qui permet de déduire (1.2) ne marche plus en codimension supérieure. On résoud le premier problème en donnant une description plus conceptuelle des matrices représentant les formes hermitiennes respectives, ce qui nous ramène essentiellement à Vk ⊕e U en GLe (R)-modules irréductibles ; 1. décomposer 2. calculer les matrices représentant l’action de GLe (R) sur les GLe (R)-modules Vk ⊕e irréductibles apparaissant dans U . CHAPITRE 1. INTRODUCTION 10 Cela nous permet de construire une classe semipositive dans Semi3 (A2 ) qui n’appartient pas à S3 (Psef 1 (A2 )) pour n ≥ 3. En appliquant un argument de récurrence, on trouve que l’égalité 1.2 ne tient plus en codimension supérieure. Théorème 1.2.1.2. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 3 et soit e ≥ 2. On a Sk Psef 1 (Ae ) Semik (Ae ) (1.3) pour 3 ≤ k ≤ n. Lorsque e = 2, les rayons extrémaux du cône Sk Psef 1 (A2 ) sont aussi extrémaux dans le cône Semik (A2 ) pour 2 ≤ k ≤ n. Concernant la comparaison des cônes Psef k (Ae ) et Nef k (Ae ), Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent par un calcul direct que l’on a Psef 2 (A2 ) Nef 2 (A2 ) pour A une surface abélienne principalement polarisée très générale [17, Prop. 4.4]. Si l’on veut généraliser ce résultat, il se pose le problème que le cône Nef 2 (Ae ) est défini comme le dual de Psef en−2 (Ae ) que l’on ne sait pas décrire explicitement. En utilisant la structure de GLe (R)-module de N• (A2 ) et la représentation des cônes Semik (A2 ) en fonction de matrices, on construit une classe dans Nef k (A2 ) qui n’appartient pas à Semik (A2 ) pour tout 2 ≤ k ≤ 2n − 2 et n ≥ 2. Comme Psef k (Ae ) ⊂ Semik (Ae ), un argument de récurrence nous donne alors le théorème suivant. Théorème 1.2.1.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit e ≥ 2. On a Psef k (Ae ) Nef k (Ae ) pour 2 ≤ k ≤ en − 2. 1.2.2 La variété de Fano d’une cubique Dans le chapitre 3, on étudie la variété F paramétrant les droites sur une cubique lisse X dans P5 . La variété F est dite la variété de Fano de X ; elle est lisse de dimension 4. Par un résultat de Hassett [25], l’espace de modules des cubiques lisses C admet une famille dénombrable de diviseurs irréductibles Cd qui paramètrent les cubiques admettant une sous-variété dont la classe de (co)homologie n’est pas un multiple d’une intersection complète. Le diviseur C8 correspond par exemple aux cubiques contenant un plan et le diviseur C12 correspond aux cubiques contenant un scroll cubique. Concernant le problème 1, on obtient comme résultat préliminaire (pour k = 1, c’est bien connu) : Proposition 1.2.2.1. Si X est générale, on a N1 (F ) = R s1 , N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i, où s1 est une certaine section hyperplane de F . Lorsque X est générale dans un diviseur Cd ⊂ C, il existe τ ∈ N1 (F ) tel que N1 (F ) = hs1 , τ i , N2 (F ) = hs21 , s1 τ, τ 2 , c2 (F )i. Dans [11], Beauville et Donagi montrent que la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale, i.e., d’une cubique générale dans C14 ⊂ C, est isomorphe à un schéma de Hilbert S [2] paramétrant les sous-schémas de longueur 2 d’une surface K3 S. Cela entraîne que toute variété de Fano d’une cubique est une variété hyperkählérienne (cf. définition 3.2.1.1) équivalente par déformation à S [2] . Comme F CHAPITRE 1. INTRODUCTION 11 est hyperkählérienne, la cohomologie H 2 (F, Z) est munie d’une forme quadratique entière, dite forme de Beauville (par dualité, on obtient une forme quadratique à valeurs rationnelles sur H 2n−2 (F, Z)). Dans [27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale des cônes de classes positives dans N1 (F ) et N1 (F ) en fonction de cette forme quadratique. Ces conjectures ont été vérifiées par Hassett et Tschinkel pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un scroll cubique [29]. Concernant la positivité en codimension 1 resp. 3, notre résultat principal est la vérification de ces conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un plan et pour la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale. Pour les cubiques générales contenant un plan P , le point clé est la construction de deux diviseurs premiers et une étude détaillée de leur géométrie, où l’on se sert d’une manière essentielle des résultats de Voisin obtenus dans [63]. Ces deux diviseurs premiers sont construits comme suit : soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P et soit L ⊂ P5 un espace linéaire de dimension 3 contenant P . Alors on a L∩X = P ∪Q, où Q est une quadrique dans P3 . On obtient deux diviseurs premiers DP et DQ paramétrant un certain ensemble de droites intersectant P resp. Q. Avec ces notations le résultat principal peut être formulé comme suit : Théorème 1.2.2.2. Soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P et soit F la variété de Fano paramétrant les droites sur X. On a Psef 1 (F ) = R+ [DP ] + R+ [DQ ], Nef 1 (F ) = R+ (2[DP ] + 3[DQ ]) + R+ (2[DP ] + [DQ ]). Le diviseur DP est fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 et si l’on note c la classe d’une telle conique et l la classe d’une droite dans P , on a Psef 1 (F ) = R+ l + R+ c. Regardons maintenant la variété de Fano F d’une cubique pfaffienne générale X. Dans ce cas, F est isomorphe à un schéma de Hilbert S [2] , de sorte que la géométrie de F est d’un côté déterminée par la géométrie de X et d’autre part, on obtient des informations sur la géométrie de F en regardant F comme un schéma de Hilbert S [2] . En utilisant ces deux points de vue, on obtient le résultat suivant. Théorème 1.2.2.3. Soit X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété de Fano de X. Alors il existe deux diviseurs premiers E4 et E5 dans F tels que tous les deux sont fibrés en courbes rationnelles lisses au-dessus d’une surface K3 générale de degré 14. Soit R4 la classe d’une fibre dans E4 et R5 la classe d’une fibre dans E5 . Alors on a Psef 1 (F ) = R+ R4 + R+ R5 , Psef 1 (F ) = R+ [E4 ] + R+ [E5 ], Nef 1 (F ) = R+ ([E4 ] + 8[E5 ]) + R+ (8[E4 ] + 2[E5 ]). Concernant l’étude des classes positives en codimension 2, on obtient quelques résultats partiels dont le point de départ est un argument de Voisin [67, Prop. 2.4], qui montre que le cône fermé engendré par les classes des sous-variétés lagrangiennes de F (cf. définition 3.2.1.1) est une face de Psef 2 (F ) (cf. définition 3.2.3.2). Pour une cubique X générale, N2 (F ) est de dimension 2, de sorte que la face lagrangienne correspond à un des deux rayons extrémaux. Proposition 1.2.2.4. Soit X une cubique générale contenant un plan, ou une cubique générale contenant un scroll cubique, ou une cubique pfaffienne générale. Soit F la variété de Fano de X. Alors la face isotrope de Psef 2 (F ) est de dimension 3, c’est-à-dire de dimension maximale. CHAPITRE 1. INTRODUCTION 12 Concernant la comparaison des cônes Psef 2 (F ) et Nef 2 (F ), on a la proposition suivante : Proposition 1.2.2.5. Soit X une cubique générale et F la variété de Fano de X. Alors on a Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ) (1.4) et Eff 2 (F ) Nef 2 (F ). On obtient ce résultat en montrant qu’une certaine classe n’est pas effective et l’on conjecture que l’inclusion (1.4) est également stricte. 1.2.3 Produit d’une courbe Dans le chapitre 4, on regarde le produit X × X d’une courbe générale X de genre g. Comme on a juste le cas de codimension 1, on écrit Psef(X × X) (resp. Nef(X × X)) au lieu de Psef 1 (X × X) (resp. Nef 1 (X)). Soit ∆ la classe de la diagonale et soit xi , i ∈ {1, 2}, la classe d’une fibre de la projection X × X → X sur le i-ème facteur. Pour g = 0 et g = 1, le cône Nef(X × X) est bien connu alors que pour g ≥ 2, il s’agit d’un problème ouvert. Le lemme suivant est bien connu. Lemme 1.2.3.1. Soit X une courbe générale de genre g ≥ 2. Alors on a N1 (X × X) = hx1 , x2 , ∆i. Expliquons d’abord ce à quoi l’on s’attend. Par Riemann-Roch, Psef(X × X) contient le cône défini par c2 ≥ 0, c · x ≥ 0, où x ∈ N1 (X) est une classe ample. Si ce cône est strictement contenu dans Psef(X × X), il existe un rayon extrémal r ∈ Psef(X × X) tel que r2 < 0. Comme un tel rayon r est engendré par la classe d’une courbe irréductible C (cf. [16, Lemme 6.2]), on est ramené à déterminer les courbes irréductibles d’autointersection négative. Autrement dit, une classe c est nef si et seulement si c2 ≥ 0, c · x ≥ 0 et si c · α ≥ 0 pour toute classe effective α d’autointersection négative. Question 1.2.3.2 (Kollár). Soit X une courbe très générale de genre ≥ 4. Est-ce que la diagonale ∆ est la seule courbe d’autointersection négative ? C’est équivalent à demander si le cône Nef(X × X) est déterminé par les inéquations c2 ≥ 0 , c·x≥0 , c · ∆ ≥ 0. Pour g = 2 ou g = 3, la situation est légèrement différente ; on renvoie à l’introduction du chapitre 4 pour plus de détails. En utilisant une méthode de Vojta [68], on obtient des restrictions sur le cône des classes pseudoeffectives pour g ≥ 2, ce qui permet, par dualité, de construire de nouvelles classes nefs dans N1 (X × X). Expliquons rapidement cette méthode. Soit c la classe d’une courbe irréductible C ⊂ X × X qui n’est pas un multiple de la classe d’une fibre xi . Écrivons c = d2 x1 + d1 x2 + γ(∆ − x1 − x2 ), où l’on a deg(pi |C ) = di et donc di ≥ 1 ; par symétrie, on peut supposer d2 ≥ d1 . On essaye d’exclure l’existence de courbes d’autointersection négative avec d1 petit fixé en appliquant Riemann-Hurwitz et en étudiant l’application X → X (d1 ) x 7→ p2 ((p1 |C )−1 (x)), où X (d1 ) est le produit symétrique de X. Notre résultat principal est alors la proposition suivante. CHAPITRE 1. INTRODUCTION 13 Proposition 1.2.3.3. Soit [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ(∆ − x1 − x2 ) la classe d’une courbe irréductible C dans X × X avec d2 ≥ d1 . 1. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 3, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 2. 2. Si X est une courbe très générale de genre g = 4, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆, 3x − ∆} ou bien d1 ≥ 3. 3. Si X est une courbe très générale de genre g ≥ 5 et g est un carré parfait, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 3. Pour g = 2, les classes nefs de la forme d(x1 + x2 ) + γ∆ ∈ N1 (X × X) sont connues, de sorte que l’on obtient par exemple l’image suivante d’une section affine dans le demi-espace d2 ≥ d1 , où les classes dans la région en gris foncé sont nefs et toute classe nef doit être contenue dans la région en gris clair (cf. §4.4.4 pour une image des classes nefs obtenue selon le genre g). ∆⊥ c2 = 0 d2 = d1 Figure 1.1 – Cône nef pour g = 2 2. La puissance d’une variété abélienne 2.1 Introduction Ce chapitre est consacré à l’étude des classes positives dans Nk (Ae ) pour une variété abélienne principalement polarisée très générale A. Dans la première section, on étudie l’algèbre N• (Ae ) et l’on montre comme résultat principal la proposition suivante (corollaire 2.2.3.12). Proposition 2.1.0.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. L’idéal I tel que N• (Ae ) = S• N1 (Ae )/I, i.e., l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ), est engendré par des classes de cycles de codimension n + 1 et l’on peut en décrire des générateurs explicitement. En particulier, l’application Sk N1 (Ae ) → Nk (Ae ) est un isomorphisme si et seulement si k ∈ {0, . . . , n}. La deuxième partie est consacrée à l’étude des cônes de classes positives. Soit B une variété abélienne quelconque de dimension m. Si l’on écrit B = V /Λ avec V un C-espace vectoriel et Λ un réseau dans V , on peut identifier une classe α ∈ Nk (B) avec une (k, k)-forme réelle sur V , ce qui nous permet de définir d’autres notions de positivité (cf. §2.3) : 1. une classe α ∈ Nk (B) est dite fortement positive si la (k, k)-forme associée s’écrit comme combinaison linéaire convexe de formes il1 ∧ ¯l1 ∧ · · · ∧ ilk ∧ ¯lk avec lj ∈ V ∗ pour j = 1, . . . , k. On obtient ainsi le cône fermé Strongk (B) engendré par les classes fortement positives. 2. On dit qu’une classe α ∈ Nk (B) est semipositive si la forme hermitienne associée est semipositive et l’on note Semik (B) le cône engendré par ces classes. Le lien entre ces cônes est donné par la chaîne d’inclusions [17, Lemma 1.5] Sk Psef 1 (B) ⊂ Psef k (B) ⊂ Strongk (B) ⊂ Semik (B) ⊂ Nef k (B), (2.1) où l’on note Sk Psef 1 (B) le cône convexe engendré par les produits de k éléments de Psef 1 (B). Pour k = 1 (et donc aussi pour k = m − 1), tous les cônes de la chaîne (2.1) coïncident, de sorte que l’on a un seul cône qui a été déterminé par Rosoff [57, 14 CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 15 Thm. 1] (cf.aussi l’article de Prendergast-Smith [54]) 1 . Pour 2 ≤ k ≤ m − 2, on se demande quelles inclusions sont strictes et quelles inclusions sont des égalités. On a par exemple la conjecture suivante qui est un cas particulier d’une conjecture de Harvey, Knapp [35] et Lawson [41] (cf. §2.3.1.2). Conjecture 2.1.0.5 (Harvey, Knapp, Lawson). Soit B une variété abélienne de dimension m. Alors on a, pour tout k ∈ {0, . . . , m}, Psef k (B) = Strongk (B). En générale, il est difficile de décrire les cônes Psef k (B) et Strongk (B) explicitement, ce qui rend la vérification de la conjecture 2.1.0.5 difficile. Or, comme expliqué dans l’introduction (§1.2.1), les deux cônes accessibles pour une description explicite sont les cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ). L’égalité des deux cônes entraînerait donc d’un côté une caractérisation du cône Psef k (Ae ) et d’autre part, elle entraînerait la conjecture 2.1.0.5. Pour e = 2 et k = 2, c’est le cas par un résultat de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin [17, Thm. 4.1] ; par un argument de dualité, cela entraîne la conjecture 2.1.0.5 aussi pour e = 2 et k = 2n − 2 [17, Prop. 5.2]. En codimension supérieure, on obtient le résultat suivant (théorème 2.3.4.9). Théorème 2.1.0.6. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit e ≥ 2. 1. On a Sk Psef 1 (Ae ) Semik (Ae ) pour 3 ≤ k ≤ n. Lorsque e = 2, les rayons extrémaux du cône Sk Psef 1 (A × A) sont aussi extrémaux dans le cône Semik (A × A) pour 2 ≤ k ≤ n. 2. Pour n = 3, on a S4 Psef 1 (A × A) = Semi4 (A × A). La conjecture 2.1.0.5, resp. la question de savoir si le cône Psef k (Ae ) coïncide avec l’un des deux cônes Sk Psef 1 (Ae ) ou Semik (Ae ), reste ouverte pour k ≥ 3 et e ≥ 2 (resp. k ≥ 2 et e ≥ 3). Concernant la comparaison des cônes Psef k (Ae ) et Nef k (Ae ), on obtient le résultat suivant (théorème 2.3.4.9). Théorème 2.1.0.7. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit e ≥ 2. On a Psef k (Ae ) Nef k (Ae ) pour 2 ≤ k ≤ en − 2. Pour n = 2 et e = 2, c’est [17, Prop. 4.4]. Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section 2.2, on étudie d’abord la Ralgèbre N• (Ae ) comme une certaine algèbre d’invariants d’un groupe symplectique qui admet en même temps une structure de GLe (R)-module (§2.2.1 - 2.2.2). Cela nous permet ensuite de montrer la proposition 2.1.0.4 dans §2.2.3. On termine la section 2.2 en faisant des calculs explicites pour e = 2 (§2.2.4). Dans la section 2.3, on discute d’abord en détail la relation entre les diverses notions de positivité et l’on rappelle les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisins obtenus dans [17]. On termine la section 2.3.1 en discutant la conjecture de Harvey, Knapp et Lawson. Ensuite, on étudie les cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ) dans §2.3.2 et §2.3.3. C’est surtout la représentation des classes semipositives que l’on obtient dans §2.3.3, qui joue un rôle clé dans la démonstration des théorèmes 2.1.0.6 et 2.1.0.7 dans §2.3.4. 1. Comme la présentation du sujet dans l’article de Prendergast-Smith [54](2010) est mieux adaptée à nos besoins, on prend cet article comme notre référence standard pour les résultats en codimension 1 (alors que l’article de Rosoff [57] (1981) est beaucoup plus ancien). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 2.2 2.2.1 16 La structure de l’algèbre N• (Ae) Le groupe de Hodge d’une variété abélienne Pour un espace vectoriel E donné, on note • ^ E= k M^ E k≥0 l’algèbre extérieure et S• E = M Sk E k≥0 l’algèbre symétrique. Si G est un groupe et M est un G-module, on note M G l’espace des invariants dans M sous l’action de G. Soit B une variété abélienne complexe de dimension n et écrivons B = U/Γ, où V est un C-espace vectoriel de dimension n et Γ ⊂ U est un réseau. Soit K = Q ou R, et posons UK = Γ ⊗Z K. On a Γ = H1 (B, Z) et donc UK = H1 (B, K) par extension des scalaires. Par dualité, on obtient H 1 (B, Z) = Γ∗ , où l’on note Γ∗ le réseau dual à Γ. Pour k ≥ 1, le cup-produit fournit alors un isomorphisme k ^ H k (B, Z) ≃ Γ∗ , (2.2) de sorte que l’on a par extension des scalaires k ^ H k (B, K) ≃ ∗ UK . Remarquons aussi que, pour k ≥ 1, on a également un isomorphisme Hk (B, Z) ≃ k ^ (2.3) Γ, où le produit extérieur correspond au produit de Pontryagin des classes d’homologie. Posons H p,q (B) := H q (B, ΩpB ), où l’on note ΩpB le faisceau des p-formes holomorphes sur B. La décomposition de Hodge donne M H n (B, C) = H p,q (B), p+q=n et l’on a (cf. [40, Thm. 1.4.1]) H p,q (B) = p ^ ∗ U ⊗ q ^ ∗ U , (2.4) où U ∗ = HomC (U, C) est l’espace vectoriel dual de l’espace vectoriel complexe U , ∗ et U est l’espace vectoriel des formes C-antilinéaires sur U . Soit NkQ (B) := H k,k (B) ∩ H 2k (B, Q) le Q-espace vectoriel des classes de Hodge (rationnelles) de degré 2k sur B. Posons Nk (B) := NkQ (B) ⊗ R et M N• (B) := Nk (B). k≥0 • Le produit d’intersection munit N (B) de la structure d’une R-algèbre. Remarquons que l’on a par l’équation (2.4) une injection de Nk (B) dans l’espace vectoriel réel V(k,k) des (k, k)-formes réelles sur U , que l’on note R U ∗ . CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 17 Or, on a un isomorphisme entre l’espace vectoriel réel des (k, k)-formes réelles Vk sur U et celui des formes hermitiennes sur U , que l’on note H : si l’on munit U des coordonnées (z1 , . . . , zn ) et U ∗ des coordonnées duales, cet isomorphisme est donné par H→ X I,J hIJ dzI ⊗ dz̄J 7→ k,k ^ U∗ R √ k2 −1 (2.5) X I,J hIJ dzI ∧ dz̄J , où I = {i1 , . . . , ik } ⊂ {1, . . . n}, dzI = dzi1 ∧ · · · ∧ dzik , et de même pour J. Comme V(k,k) on a une injection de Nk (B) dans R U ∗ , on peut ainsi identifier une classe de V Hodge sur B de degré 2k avec une forme hermitienne sur k U . On note désormais Vk U associée à une classe α dans Nk (B). Hα la forme hermitienne sur Soit J : UR → UR la structure complexe associée à H1 (B, C) = H −1,0 (B) ⊕ H 0,−1 (B). Alors on obtient un morphisme hJ : S1 e √ −1·θ → GL(UR ) 7→ cos θ · idU + sin θ · J, qui agit par multiplication par z sur H 1,0 (B) et par multiplication par z̄ sur H 0,1 (B) (cf. [40, Prop. 17.1.1, Rem. 17.1.2]). Définition 2.2.1.1. Le groupe de Hodge de B, noté Hg(B), est le plus petit sousgroupe de GL(UQ ) défini sur Q tel que hJ (S1 ) ⊂ Hg(B)(R). Soit θ ∈ H 2 (B, Z) une polarisation de B. Par l’isomorphisme 2 H (B, Q) = θ définit une forme alternée non-dégénérée 2 ^ UQ∗ , ωθ : UQ × UQ → Q . On note Sp(UQ , ωθ ) le groupe symplectique associé à ωθ , qui est naturellement un sous-groupe algébrique de GL(UQ ). Le groupe de Hodge Hg(B) est un sous-groupe de Sp(UQ , ωθ ) pour toute polarisation θ [40, Prop. 17.3.2]. Regardons H 1 (B, Q) = UQ∗ comme représentation duale de Hg(B). Par l’isomorVn ∗ phisme H n (B, Q) = UQ , on obtient ainsi une structure de Hg(B)-module sur H n (B, Q). Par l’égalité [40, 17.3.3] NkQ (B) = H 2k (B, Q)Hg(B) , on est ainsi ramené à un calcul d’invariants pour déterminer les classes de Hodge. 2.2.2 Classes de Hodge sur la puissance d’une variété abélienne Soit A une variété abélienne (pas forcément principalement polarisée très générale). On veut étudier l’algèbre des classes de Hodge sur des puissances de A. Ecrivons A = U/Γ, où U est un C-espace vectoriel et Γ est un réseau dans U . Si CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 18 l’on écrit Ae = (U ⊗Z WZ )/(Γ ⊗Z WZ ), où WZ est un Z-module libre de rang e, on obtient une injection End(WZ ) → End(Ae ) g 7→ ug , où ug est défini par l’application linéaire U ⊗Z WZ → U ⊗Z WZ u ⊗ w 7→ u ⊗ tgw. Posons, pour g ∈ End(WZ ) et pour α ∈ H • (Ae , Q), g · α = u∗g α. Cela induit une action de GL(WQ ) sur H • (Ae , Q), et l’on a k e H (A , Q) ≃ k ^ U ∗ ⊗ WQ en tant que GL(WQ )-modules, où GL(WQ ) agit sur WQ tautologiquement. Il découle de la définition du groupe de Hodge que l’on a Hg(Ae ) = Hg(A) (2.6) et que Hg(A) agit diagonalement sur H 1 (Ae , Q) (cf. par exemple [30, Cor. 1.11]), c’est-à-dire ∀g ∈ Hg(A) ∀u ∈ UQ∗ ∀w ∈ WQ g · (u ⊗ w) = g · u ⊗ w. On obtient ainsi une structure de Hg(A) × GL(WQ )-module sur H k (Ae , Q). Par construction, N•Q (Ae ) est invariant sous l’action de GL(WQ ). 2.2.3 Générateurs et relations pour les classes de Hodge Soit maintenant (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée très générale et reprenons les notations de la section précédente. Par un résultat de Tankeev, l’algèbre N• (Ae ) est engendrée par des classes de codimension 1 (théorème 2.2.3.1), de sorte que l’application canonique S• N1 (Ae ) → N• (Ae ) est surjective. On détermine des générateurs de N• (Ae ) et l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ) (proposition 2.2.3.9 et corollaire 2.2.3.12). Le groupe de Hodge d’une variété abélienne principalement polarisée très générale étant le groupe symplectique Sp(UQ ) (par rapportVà la polarisation principale), on est ramené à l’étude de l’algèbre des • invariants ( UQ∗ ⊗ WQ )Sp(UQ ) en tant que GL(WQ )-module pour obtenir ces résultats. Comme cette algèbre a été étudiée par Thompson dans [62], notre travail consiste essentiellement à traduire ses résultats dans notre cadre. 2.2.3.1 Un résultat de Tankeev et un résultat de Thompson Soit K = Q ou R. On a H k (Ae , K) ≃ k ^ ∗ (UK ⊗Z WZ ). Théorème 2.2.3.1 (Tankeev). Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale. Alors on a Hg(Ae ) = Sp(UQ ) et N•Q (Ae ) est engendré par des classes de codimension 1. (2.7) CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 19 Démonstration. Pour montrer (2.7), il suffit par (2.6) de remarquer que l’on a Hg(A) = Sp(UQ ) pour A très générale (cf. [40, Prop. 17.4.2]). Il s’ensuit N•Q (Ae ) = • ^ UQ∗ ⊗ WQ !Sp(UQ ) . Par un théorème de Howe [31, Thm. 2] (cf. aussi [56, pp. 529-530]), l’algèbre à droite est engendrée par des classes de degré 2, ce qui fournit le résultat souhaité. L’action de Sp(UQ ) × GL(WQ ) sur VQ∗ := UQ∗ ⊗ WQ s’étend naturellement à une action de Sp(UR ) × GL(WR ) sur VR∗ = UR∗ ⊗ WR , et comme Sp(UQ ) est dense dans Sp(UR ), on a !Sp(UQ ) !Sp(UR ) 2k 2k ^ ^ Nk (Ae ) = VQ∗ ⊗Q R = VR∗ . Comme expliqué plus haut, on traduit maintenant des résultats connus de la théorie des représentations dans notre cadre, où le résultat principal est le théorème 2.2.3.6. Pour faciliter les notations pour la suite, on pose W := WR . Proposition 2.2.3.2 (Thompson). On a un isomorphisme de GL(W )-modules M N• (Ae ) ≃ Sσ (W ), σ où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et où l’on prend la somme sur les σ tels que 1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments, 2. la première ligne a au plus 2n éléments et 3. le nombre de lignes est au plus e. Les facteurs irréductibles de Nk (Ae ) correspondent aux diagrammes de Young à 2k cases dans cette décomposition. Démonstration. [62, proposition 2.2]. Corollaire 2.2.3.3. On a en tant que GL(W )-modules. N1 (Ae ) ≃ S2 W Démonstration. Le tableau de Young ayant une ligne à 2 cases correspond au GL(W )-module S2 W , et l’on a donc N1 (Ae ) = S2 W . De plus, on a le résultat suivant bien connu [31, Prop. 1]. Proposition 2.2.3.4. On a un isomorphisme de GL(W )-modules M S• N1 (Ae ) ≃ Sσ (W ), σ où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et où l’on prend la somme sur les σ tels que 1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments, 2. le nombre de lignes est au plus e. Les facteurs irréductibles de Sk N1 (Ae ) correspondent aux diagrammes de Young à 2k cases dans cette décomposition. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 20 Comme S2k W correspond au tableau de Young ayant une ligne à 2k cases, on voit qu’il existe une injection canonique εk : S2k W → Sk (N1 (Ae )). (2.8) Par un résultat d’Abeasis [1, Thm. 3.1], on en déduit le résultat suivant. Proposition 2.2.3.5 (Abeasis). Soit l un entier positif fixé, et soit Il• l’idéal engendré par εl (S2l W ) dans S• N1 (Ae ). Alors Il• est GL(W )-invariant et l’on a un isomorphisme de GL(W )-modules M Il• ≃ Sσ (W ), σ où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et où l’on prend la somme sur les σ tels que 1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments, 2. la première ligne a au moins 2l éléments et 3. le nombre des lignes est au plus e. Si l’on pose Ilk := Sk N1 (Ae ) ∩ Il• , les facteurs irréductibles de Ilk correspondent aux diagrammes de Young à 2k cases dans cette décomposition. On peut résumer ces résultats dans le théorème suivant (cf. [62, Thm. 2.3]). Théorème 2.2.3.6 (Thompson). Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n, et soit I l’idéal engendré par εn+1 (S2n+2 W ) dans S• N1 (Ae ). Alors on a un isomorphisme de GL(W )-modules S• N1 (Ae )/I ≃ N• (Ae ). En particulier, l’application Sk N1 (Ae ) → Nk (Ae ) est un isomorphisme si et seulement si k ∈ {0, . . . , n}. Corollaire 2.2.3.7. Pour toute classe α ∈ N1 (Ae ) non nulle et pour tout 0 ≤ k ≤ n − 1, l’application Nk (Ae ) → β 7→ Nk+1 (Ae ) α·β est injective. 2.2.3.2 Générateurs explicites Déterminons maintenant des générateurs explicites de N• (Ae ) (c’est-à-dire une base du R-espace vectoriel N1 (Ae ) et de l’idéal des relations dans S• (Ae ). Générateurs de N• (Ae ). Comme A est principalement polarisée, on peut idenb ce qui nous permet de voir le fibré de tifier A avec sa variété abélienne duale A, Poincaré P comme un fibré sur A × A. Soient pi1 ,...,il : Ae → Al les projections. Posons θi := p∗i θ et λjk := c1 (p∗jk P). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 21 Remarque 2.2.3.8. Notons Ai le i-ème facteur de Ae . Dans la décomposition de Künneth de H 2 (Ae , R), la classe θi est contenue dans la composante correspondant à H 2 (Ai , R), et λjk appartient à la composante correspondant à H 1 (Aj , R) ⊗ H 1 (Ak , R) [40, Lemma 14.1.9]. On a la généralisation suivante de la proposition 3.1 de [17]. Proposition 2.2.3.9. Soit (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée très générale. La R-algèbre N• (Ae ) est engendrée par les θi , 1 ≤ i ≤ e et les λjk , 1 ≤ j < k ≤ e. Démonstration. Par le corollaire 2.2.3.3, on a N1 (Ae ) ≃ S2 W et donc e+1 dim(N1 (Ae )) = . 2 Comme les θi ,λjk , 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e forment une famille libre de dimension e e+1 + e = dans N1 (Ae ) par la remarque 2.2.3.8, on obtient le résultat souhaité. 2 2 Déterminons maintenant comment GL(W ) agit sur la base {θi , λjk | 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e} de N1 (Ae ). Soit vsr = us ⊗ wr 1 ≤ s ≤ n, 1 ≤ r ≤ e (2.9) une base de V ∗ = U ∗ ⊗R W telle que l’on a dans les coordonnées associées (cf. [40, Lemme 3.6.4]) θi λjk = = n X √ −1dzsi ∧ dz̄si , s=1 n X s=1 (2.10) √ √ −1dzsj ∧ dz̄sk + −1dzsk ∧ dz̄sj pour 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e. Proposition 2.2.3.10. Soit g ∈ GL(W ) et soit ρ(g) la matrice représentant g dans la base {w1 , . . . , we }. Sur l’ensemble des générateurs {θi , λjk | 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e} de N• (Ae ), la matrice ρ(g) agit par : gθi = e X ρ(g)2ji θj + j=1 gλjk = 2 e X i=1 X ρ(g)ji ρ(g)ki λjk , 1≤j<k≤e ρ(g)ij ρ(g)ik θi + X (ρ(g)vj ρ(g)uk + ρ(g)uj ρ(g)vk )λuv . 1≤u<v≤e Démonstration. Cela résulte d’un calcul direct dans les coordonnées (2.10) ou des arguments de [17, §3]. Remarque 2.2.3.11. Si {w1 , . . . , we } est une base de W , il découle de la proposition 2.2.3.10 que l’on obtient l’isomorphisme N1 (Ae ) ≃ S2 W en identifiant θi avec wi2 et λjk avec 2wj wk pour 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 22 Générateurs de l’idéal des relations. Soit m : Ae → A l’application d’addition. Alors on a e X X θi + λjk m∗ θ = i=1 et donc e X θi + i=1 1≤j<k≤e X 1≤j<k≤e polynôme dans S λjk P e i=1 θi dans H 2n+2 (Ae , R). Regardons maintenant n+1 n+1 1 (2.11) =0 + P 1≤j<k≤e N (Ae ) et écrivons n+1 e X X X θi + λjk = Pl , i=1 1≤j<k≤e λjk n+1 comme l où chaque polynôme Pl définit une classe dans un facteur de la décomposition de Künneth de H 2n+2 (Ae , R) (cf. remarque 2.2.3.8 et exemple 2.2.3.13). On obtient ainsi précisément un polynôme non nul Pl pour chaque composante de Künneth, et par la relation (2.11), chaque polynôme Pl doit représenter la classe 0 dans H 2n+2 (Ae , R). On appelle les relations Pl = 0 dans H 2n+2 (Ae , R) ainsi obtenues, les relations induites par la relation (2.11). Corollaire 2.2.3.12. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Soit I l’idéal des relations dans S• N1 (Ae ), de sorte que S• N1 (Ae )/I = N• (Ae ). Alors I est engendré par les relations induites par la relation n+1 e X X θi + λjk =0 (2.12) i=1 1≤j<k≤e dans H 2n+2 (Ae , R) via la décomposition de Künneth. Démonstration. On a 2n + 1 + e = dim S2n+2 W 2n + 2 composantes dans la décomposition de Künneth de H 2n+2 (Ae , R), de sorte que 2n+1+e l’équation (2.12) induit 2n+2 relations qui forment une famille libre dans Sn+1 (N1 (Ae )). Par la proposition 2.2.3.5 et le théorème 2.2.3.6, on a I ∩ Sn+1 (N1 (Ae )) ≃ S2n+2 W, d’où l’on déduit le résultat souhaité par une comparaison des dimensions. Exemple 2.2.3.13. Supposons n = 2. On détermine les relations dans S3 N1 (A × A) selon le corollaire 2.2.3.12. On a (θ1 + θ2 + λ)3 = θ13 + θ23 + λ3 + 3θ12 θ2 + 3θ1 θ22 + 3θ1 λ2 + 3θ2 λ2 + 6θ1 θ2 λ et θ13 ∈ H 6 (A) ⊗ H 0 (A), 3θ12 λ ∈ H 5 (A) ⊗ H 1 (A), 3θ12 θ2 + 3θ1 λ2 ∈ H 4 (A) ⊗ H 2 (A), 6θ1 θ2 λ + λ3 ∈ H 3 (A) ⊗ H 3 (A). θ23 ∈ H 0 (A) ⊗ H 6 (A), 3θ22 λ ∈ H 1 (A) ⊗ H 5 (A), 3θ1 θ22 + 3θ2 λ2 ∈ H 2 (A) ⊗ H 4 (A), Si l’on note I l’idéal des relations dans la R-algèbre S• N1 (A × A), on a donc I = θ13 , θ12 θ2 + θ1 λ2 , θ12 λ, 6θ1 θ2 λ + λ3 , θ23 , θ1 θ22 + θ2 λ2 , θ22 . CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 2.2.4 23 Le cas A × A Supposons toujours que A est une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Dans cette section, on donne d’abord une nouvelle démonstration de [17, Prop. 3.2] qui fournit des isomorphismes Nk (A× A) → N2n−k (A× A) pour 1 ≤ k ≤ n (théorème 2.2.4.1). Ensuite, on détermine explicitement une base de chaque module irréductible dans une décomposition de Sk N1 (A × A) en tant que GL(W )-module (remarque 2.2.4.2), et l’on montre que les modules irréductibles d’une décomposition de Nn (A × A) (en tant que GL(W )-module) sont orthogonaux deux à deux par rapport au produit d’intersection (corollaire 2.2.4.3). Enfin, on détermine les nombres d’intersection de deux classes de codimensions complémentaires dans A × A en fonction des polynômes en θ1 , θ2 et λ représentant ces classes (proposition 2.2.4.4). Soit W un espace vectoriel réel de dimension 2. Les représentations irréductibles de GL(W ) étant des produits symétriques de W tensorisés avec une puissance du déterminant det(W ), on peut étudier le GL(W )-module N• (A × A) de façon plus détaillée. Notons I l’idéal des relations dans S• N1 (A × A), de sorte que S• N1 (A × A)/I = N• (A × A). Soit σ = (2r − 2i, 2i) le tableau de Young ayant 2r − 2i cases dans la première ligne et 2i cases dans la deuxième ligne. Si l’on note S(2r−2i,2i) le foncteur de Schur correspondant à ce tableau, on a S(2r−2i,2i) (W ) = det(W )⊗2i ⊗ S2r−4i W. Posons µ = θ1 θ2 − 4λ2 . Alors on a g · µ = det(g)2 µ de sorte que R µ ≃ det(W )⊗2 en tant que GL(W )-module. La proposition 2.2.3.4 donne alors M Sr N1 (A × A) = µi · S2r−4i W. (2.13) 0≤2i≤r Le théorème suivant a déjà été montré dans [17] par un argument de récurrence. On donne une démonstration en utilisant la décomposition de S• N1 (A × A) et de I en GL(W )-modules irréductibles. Théorème 2.2.4.1. Soit (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée de dimension n. Pour k ∈ {0, . . . , n}, l’application ·µk : Nn−k (A × A) → Nn+k (A × A) α 7→ α · µk est un isomorphisme. Démonstration. Soit 0 ≤ k ≤ n. Rappelons d’abord que Sn−k N1 (A × A) = Nn−k (A × A) par le théorème 2.2.3.6, de sorte que Nn−k (A × A) = M 0≤2i≤n−k µi · S2n−4i W. Par la proposition 2.2.3.5, on a S(2r−2i,2i) (W ) ⊂ I si et seulement si 2r −2i ≥ 2n+2, d’où M I ∩ Sn+k N1 (A × A) = µi · S2(n+k)−4i W 0≤2i≤2k−2 CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 24 et donc Nn+k (A × A) = Sn+k N1 (A × A)/I M ≃ µi · S2(n+k)−4i W 2k≤2i≤n+k M = 0≤2i≤n−k µi+k · S2(n−k)−4i W = µk · Nn−k (A × A). Remarque 2.2.4.2. Par la proposition 2.2.3.5, on sait que l’idéal des relations I dans S• N1 (A × A) est engendré par S2n+2 W dans la décomposition en facteurs irréductibles de Sn+1 N1 (A×A) (cf. (2.13)). En même temps, on sait, par le corollaire 2.2.3.12, qu’une base de S2n+2 W dans Sn+1 N1 (A × A) est donnée par les relations induites par la relation (θ1 + θ2 + λ)n+1 = 0 dans H 2n+2 (A × A). Si l’on écrit (θ1 + θ2 + λ)n+1 = n+1 X Pj (θ1 , θ2 , λ) j=1 avec Pj (θ1 , θ2 , λ) ∈ H j (A, R)⊗H 2(n+1)−j (A, R), les polynômes Pj (θ1 , θ2 , λ) forment une telle base de S2n+2 W . Soit maintenant m un entier positif et posons, pour k ∈ {0, . . . , m}, P2k,m (θ1 , θ2 , λ) := min(k,m−k) X i=0 m+1 θk−i θ2m+1−k−i λ2i k − i, m + 1 − k − i, 2i 1 et P2k+1,m (θ1 , θ2 , λ) := min(k,m−k) X i=0 m+1 θk−i θm−k−i λ1+2i . k − i, m − k − i, 1 + 2i 1 2 Pour m = n + 1, ce sont précisément les polynômes donnant une base de S2n+2 W dans Sn+1 N1 (A×A), i.e. les générateurs de I. Comme tout sous-module irréductible de Sk N1 (A × A) est de la forme µi · S2k−4i W , on peut en déduire une base de chaque module irréductible dans la décomposition de Sk N1 (A × A). Une base de µi · S2k−4i W pour 0 ≤ 2i ≤ 2k est donnée par les polynômes µi Pj,2k−4i (θ1 , θ2 , λ) 0 ≤ j ≤ 2k − 4i. Le théorème 2.2.3.6 et la proposition 2.2.3.5 nous permettent ainsi de décrire explicitement une base de Nk (A×A) et une base de I ∩Sk N1 (A×A) pour k ∈ {0, . . . , 2n}. Corollaire 2.2.4.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Les GL(W )-modules irréductibles dans la décomposition M Nn (A × A) = µi · S2n−4i W 0≤2i≤n sont deux à deux orthogonaux par rapport au produit d’intersection. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 25 Démonstration. Soit i < j et soient α et β des classes dans Nn (A × A) telles que α soit représentée par un polynôme Pα (θ1 , θ2 , λ) ∈ µi ·S2n−4i W et β par un polynôme Pβ (θ1 , θ2 , λ) ∈ µj ·S2n−4j W . Alors on a Pα Pβ ∈ µi+j ·S2n−4i W ·S2n−4j W , de sorte qu’il existe Q(θ1 , θ2 , λ) ∈ µi+j · S2n−4i W = µi+j S2(n+2j)−4(i+j) W et T (θ1 , θ2 , λ) ∈ S2n−4j W tels que Pα · Pβ = Q · T. Or µi+j · S2(n+2j)−4(i+j) W est un module irréductible dans Sn+2j N 1 (A × A) et l’on a par (2.13), µi+j · S2(n+2j)−4(i+j) W ⊂ Sn+2j N 1 (A × A) ∩ I ⇐⇒ 2(i + j) < 4j ⇐⇒ i < j. On en déduit Q(θ1 , θ2 , λ) = 0 dans H 2n (Ae , R) et donc α · β = 0. Proposition 2.2.4.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Les seuls monômes en θ1 , θ2 et λ non nuls de degré 2n sont de la forme θ1n−k θ2n−k λ2k pour k ∈ {0, . . . , n}, et l’on a n . θ1n−k θ2n−k λ2k = (−1)k (2k)!(n − k)!2 k Démonstration. Il est clair que les mônomes de degré 2n de la forme θ1n−k θ2n−k λk sont précisément les monômes définissant une classe dans H n (A, R) ⊗ H n (A, R) par rapport à la décomposition de Künneth (cf. remarque 2.2.3.8). Evidemment, c’est la seule composante non triviale, ce qui montre la première partie de l’énoncé. Pour la deuxième partie, on suppose que θ1 , θ2 et λ sont donnés comme dans (2.10). Alors θ1n−k θ2n−k correspond à la (n − k, n − k)-forme X ^ ^ √ (n − k)!2 ( −1)2(n−k) (dzil ∧ dz̄il ) ∧ (dzjl ∧ dz̄jl ) . 1≤i1 <···<in−k ≤n n≤j1 <···<jn−k ≤2n 1≤l≤n−k Si l’on écrit λ2k = X I,J 1≤l≤n−k aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk avec aIJ ∈ R, I = {i1 , . . . , ik } et J = {j1 , . . . , jk } des multi-indices de longeur k dans {1, . . . , n}, on vérifie facilement que l’on a aIJ 6= 0 et aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk ∧ θ1n−k θ2n−k 6= 0 si et seulement si aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk est de la forme ^ √ √ (2k)! ( −1dzil ∧ dz̄il+n ∧ −1dzil+n ∧ dz̄il ) 1≤l≤k = (−1)3k (2k)! ^ √ √ ¯ i ). ( −1dzil ∧ dz̄il ∧ −1dzil+n ∧ dz l+n 1≤l≤k n Or il y a k telles formes aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk , et pour chaque telle forme on a aIJ dzi1 ∧ dz̄j1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dz̄jk ∧ θ1n−k θ2n−k = (−1)k (2k)!(n − k)!2 , de sorte que l’on obtient θ1n−k θ2n−k λ2k = (−1)k (2k)!(n − k)!2 n . k CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 26 Remarque 2.2.4.5. Si A est de dimension n, on a n µ = n X 4 n−k (−1)k θ1n−k θ2n−k λ2k = n X 4 n−k k=0 k=0 n > 0. (2k)!(n − k)! k 2 Exemple 2.2.4.6. Soit n = 2. Alors on a θ12 θ22 = 4, θ1 θ2 λ2 = −4, λ4 = 24, µ2 = 96. Notation 2.2.4.7. Si l’on a besoin de tenir compte de la dimension, on note An une variété abélienne de dimension n. Soit P ∈ R[θ1 , θ2 , λ] un polynôme homogène de degré k. On note [P ]n la classe représentée par P dans Nk (An × An ). Lemme 2.2.4.8. Soient P1 (θ1 , θ2 , λ) et P2 (θ1 , θ2 , λ) des polynômes homogènes de degré k. Pour tout n ≥ k, on a [P1 ]k · [P2 ]k = [µk ]k ([P1 ]n · µn−k [P2 ]n ). [µn ]n Démonstration. Si l’on écrit P1 · P2 = on a [P1 ]k · [P2 ]k = Q0 · µkk et donc Pk i=1 Qi avec Qi ∈ µi · S4k−4i W selon (2.13), [P1 ]k · [P2 ]k = Q0 · [µk ]k 2.3 = [µk ]k Q0 · [µn ]n [µn ]n = [µk ]k ([P1 ]n · [µn−k ]n · [P2 ]n ). [µn ]n Classes positives Le but de cette section est de montrer les théorèmes 2.1.0.6 (théorème 2.3.4.3) et 2.1.0.7 (théorème 2.3.4.9). Après des discussions préliminaires (§2.3.1), on étudie en détail les cônes Sk Psef 1 (Ae ) et Semik (Ae ) dans §2.3.2 et §2.3.3. Les résultats de ces sections nous permettent alors de déduire les théorèmes 2.1.0.6 et 2.1.0.7 dans §2.3.4. 2.3.1 Préliminaires 2.3.1.1 Notions de positivité sur une variété abélienne Soit B une variété abélienne et écrivons B = U/Γ, où U est un espace vectoriel complexe de dimension n et Γ est un réseau dans B. Dans ce paragraphe, on introduit diverses notions de positivité pour des classes de cycles sur B, qui donnent chacunes lieu à un cône dans Nk (B) pour 1 ≤ k ≤ n. Rappelons que sur une variété abélienne, équivalence numérique et équivalence homologique coïncident. Comme toute classe α ∈ Nk (B) est représentée par une (k, k)-forme réelle sur U , on peut définir d’autres notions de positivité à côté de celles définies dans l’introduction (cf. definition 1.1.0.1). Munissons U de coordonnées complexes zj = √ xj + −1yj , 1 ≤ j ≤ n. Alors l’espace vectoriel réel sous-jacent U est muni d’une orientation canonique par la (n, n)-forme réelle √ √ −1dz1 ∧ dz̄1 ∧ · · · ∧ −1dzn ∧ dz̄n = 2n dx1 ∧ dy1 ∧ · · · ∧ dxn ∧ dyn . CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 27 Définition 2.3.1.1. Une (k, k)-forme réelle α est dite fortement positive si elle s’écrit comme combinaison linéaire convexe de formes √ √ −1l1 ∧ ¯l1 ∧ · · · ∧ −1lk ∧ l̄k , avec lj ∈ U pour j = 1, . . . , k. On note Strongk (U ) le cône convexe fermé de ces classes. Une (n − k, n − k)-forme réelle est dite faiblement positive si le cup-produit avec toute (k, k)-forme fortement positive est positif, c’est-à-dire un multiple positif de l’orientation canonique. On note le cône de ces classes Weakn−k (U ). Remarque 2.3.1.2. Par définition, Weakn−k (U ) est le cône dual de Strongk (U ). Remarque 2.3.1.3. Si l’on considère U comme un espace vectoriel réel muni d’une structure complexe J : U → U , on peut également dire que α est une forme fortement positive si elle s’écrit comme combinaison convexe de formes l1 ∧ Jl1 ∧ · · · ∧ lk ∧ Jlk avec li ∈ U . Définition 2.3.1.4. On dit qu’une (k, k)-forme réelle est semipositive si sa forme Vk hermitienne associée sur U est semipositive (cf. (2.5)). On note le cône convexe fermé de ces formes Semik (U ). On a les inclusions Strongk (U ) ⊂ Semik (U ) ⊂ Weakk (U ), qui sont des égalités pour k = 1 et k = n − 1 et qui sont des inclusions strictes pour 2 ≤ k ≤ n − 2 [35, Corol. 1.6]. Pour une variété abélienne B, on pose Strongk (B) k Weak (B) Semik (B) := := := Strongk (U ) ∩ Nk (B), Weakk (U ) ∩ Nk (B), Semik (U ) ∩ Nk (B). On a la chaîne d’inclusions suivante [17, Lemma 1.5] : Psef k (B) ⊂ Strongk (B) ⊂ Semik (B) ⊂ Weakk (B) ⊂ Nef k (B). (2.14) Rapellons que toutes ces inclusions sont des égalités pour k = 1 et k = n − 1. Remarque 2.3.1.5. Pour la variété abélienne B e , tous les cônes dans la chaîne (2.14) sont invariants sous l’action de GL(W ) sur N• (B e ) (cf. §2.2.1 et [17, Prop. 1.6 et p. 12]). Lemme 2.3.1.6. On a les inclusions suivantes : (a) Semik (B) · Semil (B) ⊂ Semik+l (B), (b) Strongk (B) · Strongl (B) ⊂ Strongk+l (B), (c) Weakk (B) · Strongl (B) ⊂ Weakk+l (B), (d) Nef k (B) · Psef l (B) ⊂ Nef k+l (B). Démonstration. Le premier énoncé résulte du fait que Semik (U ) est engendré par V 2 les formes ik a ∧ a pour a ∈ k U . Pour le deuxième, il suffit de remarquer que Strongk (U ) est engendré par les Vk 2 formes ik a ∧ a pour a ∈ U décomposable. Enfin, on montre (c), l’argument pour (d) étant similaire. Soit α ∈ Weakk (B) et β ∈ Strongl (B). Il faut vérifier que l’on a α·β·γ ≥ 0 pour tout γ ∈ Strong2n−k−l (B). Comme β · γ ∈ Strong2n−k (B), cela découle du fait que l’on a α ∈ Weakk (B). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 2.3.1.2 28 Une conjecture de Harvey, Knapp et Lawson Remarquons que les notions de positivité « faiblement positive », « semipositive » et « fortement positive » peuvent être définies plus généralement pour des classes d’une variété algébrique projective complexe [24, §1]. On a la conjecture suivante due à Harvey et Knapp et Lawson [24, p. 376]. Conjecture 2.3.1.7 (Harvey, Knapp, Lawson). Soit X une variété algébrique complexe projective de dimension n. Alors toute classe rationnelle dans l’intérieur de Strongk (X) est la classe d’un cycle effectif à coefficients rationnels pour 0 ≤ k ≤ n. Remarque 2.3.1.8. Une classe rationnelle α ∈ NkQ (X) est effective si et seulement si elle représente un cycle effectif à coefficients rationnels : soit α ∈ Eff k (X). Comme le cône effectif Eff k (X) ⊂ Nk (X) est engendré par des classes dans NkQ (X), il existe d’après le théorème de Carathéodory v0 , . . . , vn ∈ Eff k (X) ∩ NkQ (X) tels que α = Pn k k i=0 λi vi avec λi ∈ R+ . Pour α ∈ Eff (X) ∩ NQ (X), on a donc λi ∈ Q pour i = 0, . . . , n, ce qui entraîne le résultat souhaité. Il en découle que la conjecture 2.3.1.7 entraîne Psef k (X) = Strongk (X) (cf. conjecture 2.1.0.5). Remarque 2.3.1.9. Une version plus faible de la conjecture 2.3.1.7 est équivalente à la conjecture de Hodge (cf. [24, p. 376-377]). En particulier, la conjecture 2.3.1.7 entraîne la conjecture de Hodge. A l’origine, Harvey et Knapp [35, II, p. 59] conjecturaient même que toute classe rationnelle dans Strongk (X) est effective, mais la restriction à l’intérieur du cône Strongk (X) est nécessaire à cause de l’exemple suivant de Lawson [41, Thm. 6.7]. Théorème 2.3.1.10 (Lawson). Soit E la courbe elliptique C /(Z +i Z). Alors il existe pour tout k ≥ 2 une classe entière α dans le bord du cône Strongk (E 2k ) qui n’est pas effective. Lawson construit une classe satisfaisant les propriétés du théorème 2.3.1.10 comme suit. Soit X une variété algébrique (complexe) projective. Pour une classe α ∈ H 2n−k (X, R), on note ∗α son dual (de Poincaré) dans Hk (X, R). Lawson étudie les classes fortement positives à travers leurs duaux en exploitant une interprétation de l’homologie en fonction des courants sur X. Cela permet de définir une longueur k·kZ sur Hk (X, Z) et une longueur k·kR sur Hk (X, R) (cf. [41, §1]) telles que l’on ait kαkZ ≥ ki(α)kR , où l’on note i : Hk (X, Z) → Hk (X, R) l’application canonique. De plus, on a kmαkZ ≤ mkαkZ et kmβkR = mkβkR pour tout entier positif m. Une classe α ∈ Hk (X, Z) est dite stable, s’il existe un entier positif m tel que kmαkZ = kmi(α)kR . Lawson montre ensuite le théorème suivant [41, Corol. 2.6]. Théorème 2.3.1.11 (Lawson). Soit X une variété algébrique complexe projective de dimension n. Une classe fortement positive α ∈ H 2n−2k (X, Z) est effective si et seulement si la classe ∗α ∈ H2k (X, Z) est stable. Afin d’obtenir une classe fortement positive non effective, on est ainsi ramené à la construction d’une classe d’homologie β ∈ H2k (X, Z) qui n’est pas stable mais qui est le dual d’une classe fortement positive. Soit R2m muni du produit intérieur standard et d’une structure complexe J : 2m R → R2m . Notons U = (R2m , J) l’espace vectoriel complexe associé. Regardons maintenant une variété abélienne B = U/Γ, où Γ est un réseau dans U (resp. dans V R2m ). Rappelons que l’on a H2k (B, Z) = 2k le produit intérieur Z Γ (cf. (2.3)), et queV k 2m 2m R . Des formes standard sur R induit naturellement un produit intérieur sur CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 29 Vk Γ sont dites orthogonales si elles sont orthogonales vues comme formes β1 , β2 ∈ Vk 2m dans R . Le critère suivant permet alors la construction souhaitée [41, Corol. 6.5]. Corollaire 2.3.1.12 (Lawson). Soit β ∈ H2k (B, Z). Supposons que l’on peut écrire V2k β = β1 + β2 , où les βi sont décomposables, β1 ⊥ β2 et mβi 6∈ Z Γ pour tout entier positif m. Alors β n’est pas stable. Construisons donc une variété abélienne B ≃ E 2k , où E est la courbe elliptique C /(Z +i Z), et une classe β ∈ H2k (B, Z) satisfaisant ces propriétés : soit k ≥ 2 et posons n = 4k. Soit Γ le réseau dans Rn engendré par les vecteurs v2i−1 = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0), √ v2i = (0, . . . , 0, 1/ 2, 0, . . . , 0) pour i = 1, . . . , 2k, où le j-ième coefficient de vj est non nul. Munissons Rn d’une structure complexe en posant Jvi := vi+2k , Jvi+2k := −vi pour i = 1, . . . , 2k. Si l’on note U l’espace vectoriel complexe de dimension 2k ainsi obtenu, on voit que la variété abélienne B = U/Γ associée est isomorphe à E 2k . Afin de construire la classe β ∈ H2k (B, Z), on pose √ ei = v2i−1 + 2v2i , √ e′i = v2i−1 − 2v2i pour i = 1, . . . , 2k et β1 = e1 ∧ · · · ∧ e2k , β2 = e′1 ∧ · · · ∧ e′2k . V2k La classe β = β1 + β2 étant invariante sous l’automorphisme de Galois de Z[√2] Γ √ √ V2k qui envoie 2 sur − 2, on voit que β est contenu dans Z Γ = H2k (B, Z). Comme β1 et β2 ont des coefficients irrationnels, aucun multiple entier de βi appartient à V k Z Γ. De plus, β1 et β2 sont orthogonaux de sorte que la classe β n’est pas stable par le corollaire 2.3.1.12. Or on a Jei = ei+k et Je′i = e′i+k pour i = 1, . . . , k de sorte qu’un calcul montre que le (k, k)-vecteur β̃ = (−1)k(k−1)/2 β = e1 ∧ Je1 ∧ · · · ∧ ek ∧ Jek + e′1 ∧ Je′1 ∧ . . . e′k ∧ Je′k est le dual de la (k, k)-forme fortement positive α̃ = e∗1 ∧ Je∗1 ∧ · · · ∧ e∗k ∧ Je∗k + e∗1 ∧ Je∗1 ∧ . . . e∗k ∧ Je∗k . Il reste à remarquer que β̃ 2 = 0 implique que β̃ définit une classe sur le bord de Strong2k (E 2k , R). 2.3.1.3 Les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin On résume les résultats principaux de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin concernant les classes pseudoeffectives dans le théorème suivant ( [17, corollaire 5.1 et proposition 5.2]). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 30 Théorème 2.3.1.13 (Debarre, Ein, Lazarsfeld, Voisin). 1. Soit E une courbe elliptique à multiplication complexe. Alors on a, pour tout entier positif s et pour k ∈ {0, . . . , s}, Sk Psef 1 (E s ) = Psef k (E s ) = Strongk (E s ). 2. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 2. Alors on a S2 Psef 1 (A × A) = Psef 2 (A × A) = Strong2 (A × A) = Semi2 (A × A), (2.15) S2n−2 Psef 1 (A × A) = Psef 2n−2 (A × A) = Strong2n−2 (A × A). Le théorème 2.3.1.10 et le théorème 2.3.1.13 impliquent alors la proposition suivante. Proposition 2.3.1.14. Soit E la courbe elliptique C /(Z +i Z). Alors il existe pour tout k ≥ 2 une classe entière α ∈ Nk (E 2k ) telle que α ∈ Psef k (E 2k ) et α 6∈ Eff k (E 2k ). C’est un phénomème qui n’apparaît pas en codimension 1, où toute classe pseudoeffective rationnelle est effective à cause de la proposition suivante [7, Lemme 1.1]. Proposition 2.3.1.15 (Bauer). Soit B une variété abélienne et soit D un diviseur entier sur B. Alors on a [D] ∈ Eff 1 (B) si et seulement si [D] ∈ Nef 1 (B). Remarque 2.3.1.16. Soit E = C /(Z +i Z). Le cône Psef 1 (E 2k ) doit avoir des classes irrationnelles non effectives sur le bord : si toutes les classes irrationnelles dans Psef 1 (E 2k ) étaient effectives, on aurait Psef 1 (E 2k ) = Eff 1 (E 2k ), ce qui entraînerait donc Eff k (E 2k ) = Psef k (E 2k ) = Strongk (E 2k ) par le théorème 2.3.1.13. C’est une contradiction avec la proposition 2.3.1.14, d’où le résultat. Remarque 2.3.1.17. Soit X une variété algébrique projective. Voisin conjecture que la classe [Z] ∈ Nk (X) d’une sous-variété Z de X est big si Z bouge dans une famille telle que les sous-espaces tangents correspondant dans un point général de X dominent la Grassmannienne correspondante. Si B est une variété abélienne, l’égalité Psef k (B) = Strongk (B) entraîne la conjecture de Voisin [17, Rem. 6.4]. Concernant la comparaison des classes pseudoeffectives et nefs, Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent [17, Cor. 5.1] : Théorème 2.3.1.18. 1. Soit E une courbe elliptique à multiplication complexe et soit s ≥ 4 un entier positif. Alors on a, pour k ∈ {2, . . . , s − 2}, Psef k (E s ) Nef k (E s ). 2. Soit A une surface abélienne principalement polarisée très générale. Alors on a Psef 2 (A × A) Nef 2 (A × A). 2.3.2 Le cône Sk Psef 1 (Ae ) Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale. Dans cette section, on montre que le cône Sk Psef 1 (Ae ) engendré par les intersections de diviseurs pseudoeffectifs est fermé et l’on détermine ses rayons extrémaux pour k ∈ {0, . . . , n} et e ≥ 2 (proposition 2.3.2.5). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 2.3.2.1 31 Diviseurs pseudoeffectifs Regardons d’abord le cas k = 1 (cf. [40, §5.2] et [54]). Posons EndR (Ae ) = End(Ae ) ⊗Z R. Notons EndsR (Ae ) l’espace des éléments symétriques par rapport à l’involution de Rosati de EndR (Ae ) et Tx la translation par x dans Ae pour un ce ≃ Ae , on obtient un isomorphisme x ∈ Ae fixé. Ayant A N1 (Ae ) L ≃ EndsR (Ae ) 7→ φL de R-espaces vectoriels, où φL (x) = Tx∗ L ⊗ L−1 . Si l’on identifie EndR (Ae ) avec l’algèbre de matrices Mate (R), l’involution de Rosati correspond à l’involution qui envoie une matrice sur sa transposée, de sorte que N1 (Ae ) est isomorphe à l’espace des matrices e × e réelles symétriques Syme (R). Comme les valeurs propres de φL sont les mêmes que celles d’une matrice représentant la forme hermitienne HL associée à L [40, Lemme 2.4.5], le cône Nef 1 (Ae ) correspond au cône Sym+ e (R) des matrices réelles symétriques semipositives (cf. proposition 2.3.4.2 pour des propriétés élémentaires de ce cône). De plus, l’action de GL(W ) sur N1 (Ae ) correspond à l’action de GLe (R) sur Syme (R) donnée par [54, Theorem 4.2] ∀g ∈ GLe (R) ∀M ∈ Syme (R) g · M = gM tg, de sorte que le cône Nef 1 (Ae ) est homogène sous l’action de GL(W ). Ayant φθi (x1 , . . . , xe ) = (0, . . . , 0, xi , 0, . . . , 0), on voit que θi correspond à une matrice symétrique de rang 1 dans Sym+ e (R), d’où l’on déduit que θi est extrémal dans Nef 1 (Ae ). Toutes les matrices symétriques semipositives de rang 1 étant congruentes sous l’action de GL(W ), on obtient comme cas particulier de [54, Thm 4.3] l’énoncé suivant. Proposition 2.3.2.1. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale. Alors on a Psef 1 (Ae ) = Nef 1 (Ae ) ≃ Sym+ e (R) et l’action de GL(W ) sur Psef 1 (Ae ) correspond à l’action de GLe (R) sur Sym+ e (R) par congruence. La classe θ1 correspond à une matrice de rang 1 sous cette identification, de sorte que l’ensemble des rayons extrémaux de Psef 1 (Ae ) est l’orbite GL(W ) · θ1 . 2.3.2.2 Produits de diviseurs pseudoeffectifs Avant d’étudier le cône Sk Psef 1 (Ae ) pour k ≥ 2, on aura besoin des notations suivantes. Notation 2.3.2.2. Si E est un sous-ensemble de Rd , on note conv(E) l’enveloppe convexe de E et cone(E) le cône convexe engendré par E. Pour un cône convexe C ⊂ Rd , on note ext(C) la réunion des rayons extrémaux de C. Remarque 2.3.2.3. Soit B := {w1 , . . . , we } une base de W . Munissons W du produit intérieur tel que la base B soit orthonormée et notons O(W ) le groupe orthogonal par rapport à ce produit intérieur. Dans les coordonnées associées à B, GL(W ) s’identifie avec GLe (R), et si l’on identifie S2 W avec N1 (Ae ) comme décrit dans la remarque 2.2.3.11, l’action de g ∈ GL(W ) sur θ1 ne dépend que de la première colonne de la matrice représentant g, de sorte que GL(W ) · θ1 = R∗+ (O(W ) · θ1 ). Notation 2.3.2.4. Posons pour la suite Ek = {g1 θ1 · · · gk θ1 | g1 , . . . , gk ∈ GL(W )} ⊂ Nk (Ae ). Pour α et β ∈ N• (Ae ), on écrit α ∼ β, si α et β sont dans la même orbite sous l’action de GL(W ). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 32 Proposition 2.3.2.5. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Le cône Sk Psef 1 (Ae ) est fermé et l’on a l’inclusion ext(Sk Psef 1 (Ae )) ⊂ Ek qui est une égalité pour k ∈ {0, . . . , n}. Démonstration. Posons G = GL(W ). Comme un cône fermé saillant est l’enveloppe convexe de ses rayons extrémaux, toute classe α ∈ Psef 1 (Ae ) s’écrit comme combinaison convexe de classes dans l’orbite G · θ1 par la proposition 2.3.2.1. On a donc Sk Psef 1 (Ae ) = cone{g1 θ1 · · · gk θ1 | g1 , . . . , gk ∈ G}. En particulier, Sk Psef 1 (A × A) est le cône engendré par l’image de l’application continue (cf. remarque 2.3.2.3) ϕ : O(W ) × · · · × O(W ) (g1 , . . . , gk ) → Nk (Ae ) 7→ g1 θ1 · · · gk θ1 , i.e., Sk Psef 1 (Ae ) est engendré par un ensemble compact et est donc fermé. Or, l’enveloppe convexe de l’image de ϕ est compacte de sorte que tout x ∈ conv(im(ϕ)) s’écrit comme combinaison convexe d’un nombre fini d’éléments de im(ϕ). Comme, par la remarque 2.3.2.3, Sk Psef 1 (Ae ) = cone(conv(im(ϕ))) = {λx | λ ∈ R+ , x ∈ conv(im(ϕ))}, on a Montrons maintenant ext(Sk Psef 1 (Ae )) ⊂ Ek . Ek ⊂ ext(Sk Psef 1 (Ae )) pour 1 ≤ k ≤ n. On raisonne par récurrence sur k. Pour éviter des indices, on le démontre pour e = 2, le raisonnement pour le cas e ≥ 3 étant similaire. Supposons donc e = 2. Pour k = 1, c’est la proposition 2.3.2.1. Soit maintenant k ≥ 2 et soit g1 θ1 · · · gk θ1 ∈ Ek . Comme g1 θ1 · · · gk θ1 ∼ θ1 · g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 =: α, et comme ext(Sk Psef 1 (A × A)) estPinvariant sous l’action de G, il suffit de montrer que α est extrémal. Ecrivons α = j sj avec sj = g1j θ1 · · · gkj θ1 et gij θ1 = (aji )2 θ1 + (bji )2 θ2 + aji bji λ. Supposons qu’il existe un sj tel que bji 6= 0 pour tout i ∈ {1, . . . , k}. Cela implique que sj contient θ2k comme terme avec un coefficient strictement positif, ce qui n’est pas possible, car les coefficients de ce terme sont toujours ≥ 0 et α ne contient pas de tel terme. On peut donc supposer, pour tout j, sj = θ1 · g2j θ1 · · · gkj θ1 , i.e., X θ1 · (g2j θ1 · · · gkj θ1 ). θ1 · g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 = j Par le corollaire 2.2.3.7, on a, pour 1 ≤ k ≤ n, X j g2 θ1 · · · gkj θ1 , g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 = j ce qui fournit le résultat par récurrence sur k : tous les g2j θ1 · · · gkj θ1 doivent être proportionnels à g1−1 g2 θ1 · · · g1−1 gk θ1 , donc tous les sj sont proportionnels à α. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 33 Finissons par la proposition suivante qui nous servira dans la section 2.3.4.2. Proposition 2.3.2.6. Soit g ∈ GL(W ), soit 1 ≤ k ≤ n − 1 et soit ϕg : Nk (Ae ) → Nk+1 (Ae ) 7→ gθ1 · α. α k+1 Psef 1 (Ae )) = Sk Psef 1 (Ae ). Alors ϕ−1 g (S Démonstration. Il faut montrer que gθ1 · α ∈ Sk+1 Psef 1 (Ae ) implique que α est contenu dans Sk Psef 1 (Ae ) (l’autre sens est clair). Par la stabilité de Sk Psef 1 (Ae ) sous l’action de GL(W ), il suffit de le montrer pour ϕid . Soit θ1 ·α ∈ Sk+1 Psef 1 (Ae ). Par la proposition précédente, on peut alors écrire X j g1 θ1 · · · gkj θ1 , θ1 · α = j où la somme à droite contient un nombre fini de termes. Par l’argument utilisé dans la preuve de la proposition 2.3.2.5, on obtient X j g2 θ1 · · · gkj θ1 . θ1 · α = θ1 · j Par le corollaire 2.2.3.7, on a donc X j g2 θ1 · · · gkj θ1 ∈ Sk Psef 1 (Ae ). α= j 2.3.3 Le cône semipositif Soit A = U/Γ toujours une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n, où U est un espace vectoriel complexe et Γ un réseau dans U . Soit W un espace vectoriel réel de dimension e et écrivons V ∗ ≃ U ∗ ⊗R W . On note VR l’espace vectoriel réel engendré par les vecteurs vsr , 1 ≤ s ≤ n, 1 ≤ r ≤ e (cf. (2.9)). Dans ce chapitre, on étudie les cônes semipositifs Semik (Ae ). Dans une première étape, on V remarque qu’au lieu de regarder la positivité des formes hermitiennes Hα sur k V associées aux classes α ∈ Nk (Ae ), on peut étudier la positivité d’une V forme bilinéaire symétrique Bα sur k VR . Pour k fixé, on montre qu’il existe une base telle que les matrices représentant les formes symétriques Bα se décomposent Vk VR en tant que GL(W )en blocs correspondant aux facteurs irréductibles de module (proposition 2.3.3.2). La démonstration de la proposition 2.3.3.2 fournira aussi une méthode pour calculer les matrices bα représentant les formes symétriques Bα à partir des représentations irréductibles de GL(W ) (remarque 2.3.3.3), ce qui nous permet de déduire que le cône Semik (Ae ) ne dépend pas de la dimension de A pour n ≥ k (corollaire 2.3.3.4). Enfin, on montre que, pour 1 ≤ k ≤ n, on a des isomorphismes Nk (A × A) ≃ Symk+1 (R), N2n−k (A × A) ≃ Symk+1 (R), qui associent à une classe semipositive une matrice symétrique semipositive (proposition 2.3.3.9). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 34 On reprend les notations de la section 2.2.3. La base {w1 , . . . , we } de W est dite base standard de W et {vs1 r1 ∧ · · · ∧ vsk rk | 1 ≤ si ≤ n, 1 ≤ ri ≤ e, i ∈ {1, . . . , k}} Vk Vk est dite base standard de V (resp. de VR ) (cf. (2.9)). Le produit intérieur sur Vk Vk V (resp. sur VR ) telle que la base standard est une base orthonormée est dit produit intérieur standard. 2.3.3.1 Décomposition des formes hermitiennes Afin d’associer à une classe dans Nk (A × A) une forme bilinéaire symétrique sur un espace vectoriel réel, et pour étudier l’ensemble des formes ainsi obtenues, on a d’abord besoin d’un lemme technique. Vk V ) la représentation induite par la représentation Soit ρk : End(W ) → End( B tautologique W et notons ρk (g) la matrice représentant ρk (g) par rapport aux V coordonnées standards sur W resp. sur k V . Rappelons que l’on a un isomorphisme End(W ) → End(Ae ) ⊗ R g 7→ ug et que, par construction, la représentation analytique de ug est donnée par ρ1 . Ayant de plus un isomorpisme φ : N1 (Ae ) → Ends (Ae ) ⊗ R, on peut identifier tout α ∈ N1 (Ae ) avec un gα ∈ End(W ). Par [40, Lemme 2.4.5], on a B ρB 1 (gα ) = hα , (2.16) où l’on note hB α la matrice représentant la forme hermitienne Hα associée à α ∈ N1 (Ae ) par rapport aux coordonnées standards sur W resp. sur V . V Lemme 2.3.3.1. Dans les coordonnées standards de W , resp. de k V , on a ρB k (gα ) = 1 B h k k! α pour tout α ∈ N1 (Ae ). Démonstration. Rappelons que le produit extérieur d’une forme hermitienne sur V est défini par k ^ ( H)(v1 ∧ · · · ∧ vk , w1 ∧ · · · ∧ wk ) = det(H(vi , wj )1≤i,j≤k ) Vk pour v1 ∧· · ·∧vk et w1 ∧· · ·∧wk dans V . Comme le produit d’intersection de deux classes dans N• (Ae ) correspond au produit extérieur des (k, k)-formes représentant Vk 1 les deux classes, on a ( Hα ) = k! Hαk et donc 1 B h k = det((hB α )1≤i,j≤k ). k! α V En même temps, ρ1 (gα ) induit naturellement un endomorphisme k ρ1 (gα ) sur Vk Vk ρ1 (gα )(v1 ∧ · · · ∧ vk ) := ρ1 (gα )v1 ∧ · · · ∧ ρ1 (gα )vk . Dans la base V en posant Vk standard de V , on a Ayant ρB k (gα ) = Vk k ^ B ρB 1 (gα ) = det(ρ1 (gα )1≤i,j≤k ). ρB 1 (gα ), on obtient le résultat souhaité par (2.16). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 35 Remarquons que toutes les matrices hB α sont réelles, de sorte que les matrices k k e hB αk sont également réelles. Comme les α engendrent N (A ) [55, Prop. 2.8], on k e B en déduit que, pour tout β ∈ N (A ), la matrice hβ est réelle. Cela nous permet Vk d’identifier ces matrices avec une forme bilinéaire symétrique sur VR . On obtient ainsi une application k ^ B : Nk (Ae ) → S2 ( VR∗ ) α 7→ Bα , qui associe à une classe semipositive une forme bilinéaire symétrique semipositive Vk Vk sur VR . La proposition suivante montre qu’il existe une base de VR telle k que, pour tout α ∈ N (Ae ), la matrice bα représentant la forme bilinéaire Bα se Vk VR . décompose en blocs correspondant aux GL(W )-module irréductibles de Proposition 2.3.3.2. Il existe une décomposition k ^ VR = M Ml l en facteurs irréductibles en tant que GL(W )-modules telle que l’application B : Vk L Nk (Ae ) → S2 ( VR∗ ) se factorise par l S2 (Ml∗ ). Vk VR est orthogonale par rapport au Démonstration. Comme la base standard de produit intérieur standard, il existe par l’astuce unitaire une transformation orthoVk Vk gonale a : VR → VR telle que la nouvelle base est adaptée à la décomposition Vk L VR = l Ml . Par la proposition 2.3.3.1, on a donc t a 1 B −1 B b k a = taρB ρk (gβ )a k (gβ )a = a k! β pour tout β ∈ N1 (Ae ). Par construction, les matrices a−1 ρB k (gβ )a se décomposent en Vk VR , et comme les β k engendrent blocs correspondant aux facteurs irréductibles de Nk (Ae ), on en déduit le résultat souhaité. Remarque 2.3.3.3. La démonstration de la proposition 2.3.3.2 montre comment on peut calculer les matrices bα représentant les formes Bα associées aux classes α dans Nk (Ae ) : soit k ^ M VR = Ml (2.17) l une décomposition en facteurs irréductibles orthogonaux deux à deux par rapport Vk au produit intérieur standard sur VR . Choisissons maintenant une base orthoVk normée de VR adaptée à cette décomposition. Si l’on note ρMl la représentation L End(W ) → End(Ml ), on a ρk (g) = ρ (g) et par la proposition 2.3.3.1, on a l Ml 1 bβ k |Ml pour tout β ∈ N1 (Ae ) dans les coordonnées choisies. Cela nous ρMl (gβ ) = k! permet de calculer les matrices bα pour α ∈ Nk (Ae ) comme suit (on l’explique en détail pour e = 2, le cas général étant similaire) : on calcule d’abord les représentations ρMl : End(W ) → End(Ml ) dans une base orthonormée de Ml par rapport au Vk produit intérieur induit sur Ml en tant que sous-module de VR . Supposons que l’on obtient ρMl : Mat2 (R) → Matdim(Ml ) (R) a b 7→ (pij (a, b, c, d))ij , c d CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 36 où les pij sont des polynômes homogènes de degré k. Écrivons de plus X (l) tij al1 dl2 bl3 pij (a, b, b, d) = |l|=k (l) avec l = (l1 , l2 , l3 ) et tij ∈ R. On a d’autre part X k al1 dl2 bl3 θ1l1 θ2l2 λl3 . (aθ1 + dθ2 + bλ)k = l1 , l2 , l3 |l|=k Si α ∈ Nk (Ae ) est une classe représentée par le polynôme X xl1 ,l2 ,l3 θ1l1 θ2l2 λl3 , |l|=k la matrice bα |Ml représentant Bα |Ml , est alors donnée par −1 X 1 k (l) tij bα |Ml = xl1 ,l2 ,l3 . k! l1 , l2 , l3 |l|=k (2.18) ij Remarquons enfin que si Ml et Ml′ sont des modules isomorphes dans la décomposition (2.17), il suffit de calculer bα |Ml pour étudier la positivité de α. Cela découle du fait que bα |Ml′ est une matrice semblable à bα |Ml , de sorte que les deux matrices ont les mêmes valeurs propres. Corollaire 2.3.3.4. Les cônes Semik (Ae ) ne dépendent pas de la dimension de A pour n ≥ k. Démonstration. Par la démonstration de la proposition 2.3.3.2 et par la remarque 2.3.3.3, V il suffit de montrer qu’un module irréductible apparaît dans la décomposition V de k W ⊕n si et seulement s’il apparaît dans la décomposition de k W ⊕k pour Pk n ≥ k : notons l un multi-indice (l1 , . . . , lk ) et posons |l| = i=1 li . On a k ^ et k ^ W ⊕k = W ⊕n = lk l1 ^ M ^ ( W ⊗ · · · ⊗ W )⊕ml |l|=k l1 lk ^ M ^ n ( W ⊗ · · · ⊗ W )⊕( k )ml , |l|=k où ml est un entier positif, d’où le résultat. 2.3.3.2 Spéctraèdres Les cônes semipositifs font partie d’une certaine classes de cônes, que l’on étudie en géométrie convexe. Écrivons dans la suite M 0, si M est une matrice m × m réelle symétrique semipositive. Définition 2.3.3.5. Soient M0 , M1 , . . . , Mm des matrices l × l réelles symétriques. L’ensemble {(x1 , . . . , xm ) ∈ Rm | M0 + x1 M1 + · · · + xm Mm 0} est appelé un spectraèdre. Si M0 = 0, on obtient un cône, et on dit qu’un tel cône est un cône spectraèdral. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 37 Si {α1 , . . . , αm } est une base de Nk (B), on a Semik (B) = {β = m X i=1 xi αi ∈ Nk (B) | x1 bα1 + . . . xm bαm 0}, de sorte que les cônes semipositifs sont des cônes spectraèdraux. Définition 2.3.3.6. Soit C ⊂ Rm un sous-ensemble fermé convexe. On dit qu’un sous-ensemble F ⊂ C est une face de C si ∀x, y ∈ C ∀t ∈]0, 1[ tx + (1 − t)y ∈ F ⇒ x, y ∈ F. Une face F est dite exposée si F = C ou s’il existe un hyperplan H ⊂ Rm tel que C \ H est connexe et F = H ∩ C. Par le résultat suivant, on sait que toutes les faces des cônes semipositifs sont exposées. Théorème 2.3.3.7 (Ramana et Goldman [19]). Soit C un spectraèdre. Alors toute face de C est une face exposée. 2.3.3.3 Le cas A × A Regardons maintenant le cas e = 2. On montre d’abord que, pour 1 ≤ k ≤ n, on a des isomorphismes Nk (A × A) → Symk+1 (R) et N2n−k (A × A) → Symk+1 (R) qui envoient une classe semipositive sur une matrice symétrique semipositive (proposition 2.3.3.9). Expliquons l’idée pour n = k : ayant VR = W ⊕k , le GL(W )-module V Sk (W ) est un facteur irréductible de k VR . On choisit alors une base telle que les matrices bα se décomposent en blocs correspondant aux facteurs irréductibles de Vk VR . En prenant la projection sur le bloc correspondant à une copie de Sk W , on obtient l’isomorphisme souhaité. Ensuite, on applique la méthode décrite dans la remarque 2.3.3.3 afin de calculer l’isomorphisme Nk (A × A) → Symk+1 (R) explicitement (lemme 2.3.3.10) et pour obtenir des inéquations définissant les cônes semipositifs Semik (A × A) pour A de dimension 3 et pour 2 ≤ k ≤ 4. Commençons par un lemme technique. Lemme 2.3.3.8. Soit ρ : End(W ) → End(Sk W ) la représentation standard et soit ρB : Mat2 (R) → Matk+1 (R) l’application induite par ρ pour un choix de coordonnées sur W . L’espace vectoriel engendré par ρB (Sym2 (R)) est de dimension (k+1)(k+2) = 2 dim S2 (Sk W ). Démonstration. On choisit une base {w1 , w2 } de W et la base correspondante {w1i w2k−i | 0 ≤ i ≤ k} de Sk W . Soit D la matrice diagonale avec Dii = ni pour 0 ≤ i ≤ k. Comme D est inversible, il suffit de montrer que l’espace engendré . Pour cela, on procède par les matrices ρB (Sym2 (R))D est de dimension (k+1)(k+2) 2 comme suit. D’abord on identifie Sym2 (R) avec S2 W par l’application a b 7→ aw12 + bw1 w2 + cw22 . b c Alors on a (aw12 + bw1 w2 + cw22 )k ∈ Sk (S2 W ). Soit φ : Sk (S2 W ) ≃ S2 (Sk W ) l’isomorphisme donné par la réciprocité d’Hermite (cf. par exemple [60, Lemma 3]). Comme les (aw12 +bw1 w2 +cw22 )k engendrent Sk (S2 W ), les φ((aw12 +bw1 w2 +cw22 )k ) engendrent S2 (Sk W ), de sorte qu’il suffit de montrer que l’on a a b ∀g = ∈ Sym2 (R) φ((aw12 + bw1 w2 + cw22 )k ) = ρB (g)D, (2.19) b c CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 38 où l’on identifie S2 (Sk W ) avec Symk+1 (R) (voir ci-dessous pour les détails). Pour montrer l’égalité (2.19), on rappelle d’abord que l’isomorphisme φ est donné par φ : Sk (S2 W ) → S2 (Sk W ) ֒→ Sk W ⊗ Sk W, (w12 )r1 (w1 w2 )r2 (w22 )r3 7→ (w1 ⊗ w1 )∗r1 ∗ (w1 ⊗ w2 + w2 ⊗ w1 )∗r2 ∗ (w2 ⊗ w2 )∗r3 , où (u1 ⊗ u2 ) ∗ (v1 ⊗ v2 ) = (u1 v1 ⊗ u2 v2 ) ∈ S2 W ⊗ S2 W pour u1 , u2 , v1 , v2 ∈ W . Un calcul montre alors que l’image de (aw12 + bw1 w2 + cw22 )k par φ est r2 X X r2 k w1r1 +r2 −s w2s+r3 · w1r1 +s w2r2 −s+r3 . (2.20) ar 1 b r 2 cr 3 s r1 , r2 , r3 s=0 r1 +r2 +r3 =k Calculons maintenant ρB (g)D. Pour 0 ≤ j ≤ k, on a g · w1j w2k−j = (aw1 + bw2 )j (bw1 + dw2 )k−j ! i k X X j k − j i−l j−i+2l k−j−l w1i w2k−i , a b c = i − l l i=0 l=0 et ayant j i−l k−j l k i−l,j−i+2l,k−j−l = i X j−i+2l l k−1 j , on obtient ainsi j − i + 2l i−l j−i+2l k−j−l (ρB (g)D)ij = a b d , l l=0 (2.21) et l’on vérifie facilement que cette matrice est symétrique. Cela nous permet de voir η(g) := ρB (g)D comme un élément dans S2 (Sk W ) via l’isomorphisme S2 (Sk W ) ≃ P Symk+1 (R) qui envoie η(g) sur 0≤i≤j≤k η(g)ij w1i w2k−i · w1j w2k−j . En posant r1 = i − l, r2 = j − i + 2l, r3 = k − j − l pour i, j, l fixés, le terme associé de la somme donnant η(g)ij s’écrit k r2 r1 r2 r3 a b d , l r1 , r2 , r2 et l’on a k i − l, j − i + 2l, k − j − l i = r1 + r2 − l, k − i = l + r3 , k − j = r2 − l + r3 , j = r1 + l, ce qui fournit le résultat souhaité en comparant avec (2.20). V Étudions maintenant la décomposition de k VR en GL(W )-modules irréducV tibles. Comme on a VR ≃ W ⊕n en tant que GL(W )-modules, on remplace k VR Vk ⊕n W dans la suite. Or par k ^ k W ⊕n = ⌊2⌋ M det(W )⊗s ⊗ W ⊗k−2s s=max{0,k−n} k = ⌊2⌋ M s=max{0,k−n} ⌊ k−2s ⌋ 2 M i=0 n (k−2s )(2s s) n (k−2s )(2s s) det(W )⊗i+s ⊗ Sk−2s−2i W . Posons Mk,l = det(W )⊗l ⊗ Sk−2l W pour 0 ≤ l ≤ ⌊ k2 ⌋ et notons mk,l la multiplicité Vk ⊕n W . Soit de Mk,l dans la décomposition de M ∗ ⊕mk,l ∗ pl : S2 (Mk,l ) → S2 (Mk,l ) l CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 39 ∗ une projection sur une des copies de S2 (Mk,l ). La proposition suivante fournit alors les isomorphismes Nk (A×A) ≃ Symk+1 (R) (resp. N2n−k (A × A) → Symk+1 (R)) qui envoient les classes semipositives sur des matrices semipositives pour 1 ≤ k ≤ n (après un choix de coordonnées sur Sk W ∗ (resp. sur Sk W ∗ ⊗ det(W ∗ )⊗n−k )). Proposition 2.3.3.9. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n et soit 0 ≤ k ≤ 2n. Alors les GL(W )-morphismes ∗ pl ◦ B : Nk (A × A) → S2 (Mk,l ) sont surjectifs pour tout l. En particulier, pour 1 ≤ k ≤ n, les applications p0 ◦ B : Nk (A × A) → S2 (Sk W ∗ ) resp. pn−k ◦ B : N2n−k (A × A) → S2 (Sk W ∗ ⊗ det(W ∗ )⊗n−k ) sont des isomorphismes de GL(W )-modules qui envoient toute classe semipositive sur une forme bilinéaire symétrique semipositive. Démonstration. Rappelons que l’on a un isomorphisme N1 (Ae ) ≃ Sym2 (R), et que l’on note gβ la matrice symétrique ainsi associée à β ∈ N1 (Ae ). Soit ρMk,l : End(W ) → End(Mk,l ) la représentation standard et ρB Mk,l : Mat2 (R) → Matdim(Mk,l ) (R) l’application induite pour des coordonnées sur W et Mk,l fixées. Par la démonstration de la proposition 2.3.3.2, resp. par la remarque 2.3.3.3, on peut supposer que les coordonnées sont choisies de façon que pl ◦ Bβ k = ρB Mk,l (gβ ) pour tout β ∈ N1 (A × A). Comme les β k engendrent Nk (Ae ), l’application pl ◦ h est donc surjective si et seulement si les matrices 2l B ρB Mk,l (gβ ) = det(gβ ) · ρMk,l (gβ ) engendrent un espace vectoriel de dimension (k−2l+1)(k−2l) . Or les applications ρB Mk,l 2 sont polynomiales et l’ensemble U := {β | det(β) 6= 0} est un ouvert de Zariski dans Sym2 (R), de sorte que B hρB Mk,l (U )i = hρMk−2l,0 (U )i. Il suffit ainsi de montrer que ρB Mk,0 (U ) engendre un espace vectoriel de dimension (k+2)(k+1) 2 pour tout k ∈ N, ce qui est la conclusion du lemme 2.3.3.8. Soit ρ : End(W ) → End(Sk W ) la représentation standard et ρB : Mat2 (R) → Matk+1 (R) l’application induite pour des coordonnées associées à une base {w1 , w2 } de W et la base correspondante {w1i w2k−i | 0 ≤ i ≤ k} de Sk W . Soit D ∈ Matk+1 (R) la matrice diagonale telle que Dii = ni pour 0 ≤ i ≤ k. Par la démonstration du lemme 2.3.3.8, on sait que les matrices ρB (g)D sont symétriques, de sorte que l’on obtient un isomorphisme b′ : Nk (A × A) → Symk+1 (R) induit par la condition β k 7→ ρB (gβ )D pour tout β ∈ N1 (A × A) (cf. lemme 2.3.3.1). Lemme 2.3.3.10. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. Soit 1 ≤ k ≤ n et soit α ∈ Nk (A × A). Avec les notations ci-dessus, b′α représente p0 ◦ Bα = Bα |Sk W pour tout α ∈ Nk (A × A) et l’on a ′ bα 0 ′ bθ1 ·α = 0 0 pour 1 ≤ k ≤ n − 1. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 40 Démonstration. On a un plongement canonique ϕ : Sk W v1 · · · vk → W ⊗k X vσ(1) ⊗ · · · ⊗ vσ(k) . 7→ σ∈Sk Comme chaque tenseur dans ϕ(v1i v2k−i ) apparaît i!(k − i)! fois, et comme on a tenseurs, les vecteurs k i 1 q ϕ(v1i v2k−i ), 0 ≤ i ≤ k, i!(k − i)! ki V forment une base orthonormée de Sk W comme sous-module de k VR par rapport k k au produit intérieur standard. Soit a : S W → S W le changement de base donné par la matrice q ( c0 i!(k − i)! ki si i = j, aij = 0 sinon, où c0 ∈ R. La matrice ρB′ (g) représentant ρ(g) dans la nouvelle base B ′ est alors donnée par ρB′ (g) = aρB (g)a−1 . La matrice ρB′ (g) ne dépend pas de la constante c0 de sorte que ρB′ (g) est la matrice représentant ρ(g) dans une base orthonormée de Sk W . En particulier, on a aρB (gβ )a−1 = ρB′ (gβ ) = bβ k |Sk W pour tout β ∈ N1 (A × A) et donc ρB (gβ ) = a−1 bβ k |Sk W a. Si l’on prend c0 = obtient ainsi ρB (gβ )D = t (a−1 )bβ k |Sk W a−1 , 1 k! , on ce qui fournit la première partie de l’énoncé. Posons b′α = t (a−1 )bα |Sk W a−1 et notons (b′α )ij le coefficient correspondant aux coordonnées i, j dans la matrice b′α pour 0 ≤ i, j ≤ k. On peut calculer ces matrices en calculant les b′β k et en appliquant ensuite la méthode décrite dans la remarque 2.3.3.3. De (2.21) on obtient ainsi X i − j + 2l (b′θ1 ·α )ij = xk−i−l,j−l,i−j+2l (θ1 · α) l 0≤l≤k−i j−i≤l≤j pour 0 ≤ i, j ≤ k et (b′α )ij = X 0≤l≤k−i j−i≤l≤j i − j + 2l xk−1−i−l,j−l,i−j+2l (α) l pour 0 ≤ i, j ≤ k − 1. Or, on a xk−l−i−1,j−l,i−j+2l (α) = xk−i−l,j−l,i−j+2l (θ1 · α) pour 0 ≤ l ≤ k − i − 1, et x0,j−k+i,2k−i−j (θ1 · α) = 0 (b′θ1 ·α )ik = (b′θ1 ·α )ki = 0, ce qui fournit le résultat souhaité. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 41 En suivant la procédure décrite dans la remarque 2.3.3.3, on calcule maintenant des représentations des cônes Semik (A × A) pour k = 2, 3, 4 pour une variété abélienne A principalement polarisée très générale de dimension 3. On l’explique en détail pour k = 2. 1. Le cas k = 2. Remarquons d’abord que l’on a 2 ^ W ⊕3 = (S2 W )⊕3 ⊕ det(W )⊕6 . Fixons des coordonnées sur W telles que l’action de g = det(W ) soit donnée par ρdet(W ) (g) = ad − bc On a a b c d a2 ab ρS2 W (g) = 2ac ad + bc c2 cd sur S2 W et b2 2bd . d2 (aθ1 + dθ2 + bλ)2 = a2 θ1 + d2 θ2 + b2 λ2 + 2adθ1 θ2 + 2abθ1 λ + 2dbθ2 λ a b et gaθ1 +dθ2 +bλ = . Par le lemme 2.3.3.1, la matrice représentant la b d forme bilinéaire symétrique B(aθ1 +dθ2 +bλ)2 est donc semblable à une matrice diagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme ad − b2 et 3 blocs de la forme 2 a ab b2 2ab ad + b2 2bd . b2 bd d2 Plus généralement, pour α = x2,0,0 θ12 +x1,1,0 θ1 θ2 +x0,2,0 θ22 +x1,0,1 θ1 λ+x0,1,1 θ2 λ+x0,0,2 λ2 ∈ N2 (A×A), une matrice représentant Bα est similaire à une matrice diagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme 1 x1,1,0 − x0,0,2 2 et 3 blocs de la forme x2,0,0 x1,0,1 x0,0,2 1 2 x1,0,1 1 2 x1,1,0 + x0,0,2 1 2 x0,1,1 (2.22) x0,0,2 x0,1,1 , x0,2,0 ce qui permet de déduire des inéquations définissant Semi2 (A × A). Pour obtenir une matrice diagonale par blocs représentant Bα , il suffit par le lemme 2.3.3.10 de remplacer la matrice ρS2 W (g) par la matrice ρS2 W (g)D (où D est la matrice diagonale avec Dii = 2i pour i = 0, 1, 2) dans le raisonnement ci-dessus. Une matrice bα représentant Bα est alors donnée par une matrice diagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme (2.22) et 3 blocs de la forme x2,0,0 x1,0,1 x0,0,2 bα |S2 W = x1,0,1 x1,1,0 + 2x0,0,2 x0,1,1 , (2.23) x0,0,2 x0,1,1 x0,2,0 et la classe α est semipositive si et seulement si les matrices (2.22) et (2.23) sont semipositives. On retrouve ainsi la représentation du cône Semi2 (A × A) déjà obtenue dans [17] par un calcul explicite. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 42 2. Le cas k = 3. Ayant 3 ^ la classe α= X |l|=3 W ⊕3 ≃ (det(W ) ⊗ W )⊕8 ⊕ S3 W, xl θ1l1 θ2l2 λl3 ∈ N3 (A × A) = S3 N1 (A × A) est semipositive si et seulement si les matrices 2x2,1,0 − 2x1,0,2 x1,1,1 − 6x0,0,3 bα |det(W )⊗W = x1,1,1 − 6x0,0,3 2x1,2,0 − 2x0,1,2 (2.24) et b α |S 3 W x3,0,0 x2,0,1 = x1,0,2 x0,0,3 x2,0,1 x2,1,0 + 2x1,0,2 x1,1,1 + 3x0,0,3 x0,1,2 x1,0,2 x1,1,1 + 3x0,0,3 x1,2,0 + 2x0,1,2 x0,2,1 sont semipositives. x0,0,3 x0,1,2 x0,2,1 x0,3,0 (2.25) 3. Le cas k = 4. V4 ⊕3 Comme les seuls facteurs irréductibles de W sont det(W )⊗2 et det(W )⊗ 2 S W , un polynôme X xl θ1l1 θ2l2 λl3 ∈ S4 N1 (A × A) P (θ1 , θ2 , λ) = |l|=4 représente une classe semipositive α ∈ N4 (A×A) si et seulement si les matrices (2.26) bα |det(W )⊗2 = x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 et bα |det(W )⊗S2 W 3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 2x2,1,1 − 6x1,0,3 x1,1,2 − 12x0,0,4 2x2,1,1 − 6x1,0,3 4x2,2,0 − 24x0,0,4 2x1,2,1 − 6x0,1,3 sont semipositives. x1,1,2 − 12x0,0,4 2x1,2,1 − 6x0,1,3 3x1,3,0 − 2x0,2,2 (2.27) Remarque 2.3.3.11. Pour k = 2 (resp. pour k = 3), on obtient ainsi aussi une représentation du cône Semi2 (A × A) (resp. de Semi3 (A × A)) pour une variété abélienne principalement polarisée très générale A de dimension ≥ 2 (resp. pour A de dimension ≥ 3) par le corollaire 2.3.3.4. 2.3.4 Comparaison des cônes Pour la suite, on suppose que A est une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n. 2.3.4.1 Classes pseudoeffectives et classes semipositives Dans cette section, on étudie les inclusions de cônes Sk Psef 1 (Ae ) ⊂ Psef k (Ae ) ⊂ Strongk (Ae ) ⊂ Semik (Ae ) (2.28) CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 43 en se servant des caractérisations explicites des cônes Sk Psef 1 (Ae ) (en fonction de générateurs) et Semik (Ae ) (en fonction d’inéquations le définissant). Le résultat principal est, qu’en codimension 3 ≤ k ≤ n et pour e ≥ 2, on a (théorème 2.3.4.3) Sk Psef 1 (Ae ) Semik (Ae ). Par ailleurs, on montre que les inclusions (2.28) sont des égalités pour n = 3 et k = 4 (proposition 2.3.4.4). Lemme 2.3.4.1. Soit 1 ≤ l ≤ e et soit α ∈ Nk (Al ). Si p : Ae → Al est une projection, 1. pour 1 ≤ k ≤ ln, la classe p∗ α est semipositive si et seulement si α est semipositive ; 2. pour 1 ≤ k ≤ n, la classe p∗ α est dans le cône Sk Psef 1 (Ae ) si et seulement si α ∈ Sk Psef 1 (Al ). ⊕e Démonstration. La projection p : Ae → Al correspond projection Vkà une Vk ⊕l p̃ : U → ⊕l ⊕e U qui induit naturellement une application p̃k : U → U . Avec ces notations, on a Hp̃∗k α = p̃∗k Hα , et comme p̃k est surjectif, p̃∗k Hα est semipositive si et seulement si Hα est semipositive, ce qui montre la première partie de l’énoncé. Montrons la deuxième partie du lemme. On peut supposer que p est la projection sur les l premiers facteurs de Ae . Si α ∈ Sk Psef 1 (A × A), il est clair que l’on a aussi p∗ α ∈ Sk Psef 1 (Ae ). Supposons donc p∗ α ∈ Sk Psef 1 (Ae ), i.e., on peut écrire p∗ α = l X j=1 g1j θ1 · · · gkj θ1 Pe i,j 2 avec gij ∈ GL(W ), 1 ≤ i ≤ k, 1 ≤ j ≤ l. Ecrivons gij θ1 = r=1 (ar ) θr + P ∗ i,j i,j i,j 1≤s<t≤e as at λst , où ar ∈ R pour 1 ≤ r ≤ e. Comme p α est un polynôme en θr , λst , 1 ≤ r ≤ l, 1 ≤ s < t ≤ l, on a ai,j r = 0 pour r ≥ l et tout i, j. Cela entraîne α ∈ Sk Psef 1 (Ae ) et donc le résultat souhaité. Rappelons quelques propriétés élémentaires du cône Sym+ k (R) des matrices k ×k réelles symétriques semipositives [5, II.12]. Proposition 2.3.4.2. Soit Sym+ k (R) le cône des matrices k × k réelles symétriques semipositives. Alors on a + 1. ext(Sym+ k (R)) = {M ∈ Symk (R) | rang(M ) = 1}. 2. Pour toute matrice A de rang r < k, il existe une (unique) face F de Sym+ k (R) telle que A est dans l’intérieur relatif de F . De plus, il existe une isométrie F ≃ Sym+ r (R) préservant le rang des matrices dans F . Théorème 2.3.4.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 3. Alors on a Sk Psef 1 (Ae ) Semik (Ae ) (2.29) pour 3 ≤ k ≤ n et pour e ≥ 2. Sous les mêmes restrictions sur k et n, on a de plus ext(Sk Psef 1 (A × A)) ⊂ ext(Semik (A × A)). Démonstration. Montrons d’abord (2.29) pour e = 2. Soit α = θ12 + θ1 θ2 + θ22 + λ2 . (2.30) CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 44 Par la représentation explicite du cône Semi2 (A × A) donnée dans (2.22) et (2.23), cette classe n’est pas semipositive, et ayant S2 Psef 1 (A×A) = Semi2 (A×A) (cf. [17, Thm. 4.1]), cela veut dire qu’elle n’est pas contenue dans S2 Psef 1 (A × A). Par la proposition 2.3.2.6, on a donc θ1k · α 6∈ Sk+2 Psef 1 (A × A) pour k ∈ {0, . . . , n − 2}, alors que l’on a par la représentation explicite du cône Semi3 (A × A) donnée dans (2.24) et (2.25), et par le lemme 2.3.1.6, θ1n−2 · α ∈ Semin (A × A), ce qui montre (2.29) pour e = 2. On en déduit (2.29) pour e ≥ 3 en tirant en arrière les cônes par des projections et en appliquant le lemme 2.3.4.1. Afin de montrer (2.30), on rappelle d’abord que la réunion des rayons extrémaux de Sk Psef 1 (A × A) est donnée par (proposition 2.3.2.5) Ek = {g1 θ1 · · · gk θ1 | g1 , . . . , gk ∈ GL(W )} ⊂ Nk (A × A) pour k ∈ {0, . . . , n}. Par l’isomorphisme décrit dans le lemme 2.3.3.10 et par la proposition 2.3.4.2, il suffit de montrer que la matrice b′α (comme définie dans le lemme 2.3.3.10) est de rang 1 pour tout α ∈ Ek . Pour k = 1, c’est la proposition 2.3.2.1 de sorte que l’on peut supposer k ≥ 2. Comme Ek est invariant sous l’action de GL(W ), on peut supposer α = θ1 · g2 θ1 · · · gk θ1 . Par récurrence, on a rang(b′g2 θ1 ···gk θ1 ) = 1 et par le lemme 2.3.3.10, cela fournit rang(b′α ) = 1, d’où le résultat. Par [17] (cf. théorème 2.3.1.13), on sait que l’on a S2n−2 Psef 1 (A × A) = Strong2n−2 (A × A). La proposition suivante complète ce résultat pour n = 3 et elle fournit ainsi des inéquations définissant Psef 4 (A × A) dans ce cas. Proposition 2.3.4.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension 3. Alors on a S4 Psef 1 = Psef 4 (A × A) = Strong4 (A × A) = Semi4 (A × A). Démonstration. Posons L≥0 = {α ∈ N4 (A × A) | x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 ≥ 0} et L = {α ∈ N4 (A × A) | x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 = 0}. On montre S4 Psef 1 (A × A) = Semi4 (A × A). Par la représentation explicite du cône Semi4 (A × A) donnée dans (2.26) et (2.27), ce cône est isomorphe à l’intersection du cône Sym+ 3 (R) avec le demi-espace L≥0 . Il en découle qu’une classe semipositive α dans N4 (A×A) est extrémale dans Semi4 (A×A) si et seulement si α est semipositive et la matrice b′α := bα |det(W )⊗S2 W est de rang 1 : si b′α est de rang 1, il est clair que α est une classe extrémale par la proposition 2.3.4.2. Inversement, supposons maintenant rang(b′α ) 6= 1. Si rang(b′α ) = 2, la matrice b′α appartient à l’intérieur relatif d’une face F de Sym+ 3 (R) qui est isomorphe à (R) (cf. proposition 2.3.4.2). On voit tout de suite que b′α ne peut pas être Sym+ 2 extrémale dans F ∩ L≥0 et donc pas dans Semi4 (A × A). Si la matrice b′α est de rang 3, elle est dans l’intérieur du cône Sym+ 3 (R). Il existe donc un voisinage U dans CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 45 ′ ′ l’intérieur de Sym+ 3 (R) contenant bα . Il s’ensuit que l’on peut écrire bα = M1 + M2 ′ avec M1 , M2 ∈ Sym+ (R)∩L ∩U et M = 6 M , de sorte que b n’est pas extrémale. ≥0 1 2 α 3 Il suffit ainsi de montrer que toute matrice de rang 1 contenue dans Sym+ 3 (R) ∩ L≥0 représente une classe dans S4 Psef 1 (A × A). On montre qu’une matrice de rang 1 est représentée soit par une classe g(θ12 θ22 ) soit par g(θ13 θ2 ) pour un g ∈ GL(W ). Remarquons qu’une matrice symétrique de rang 1 est entièrement détérminée par sa première colonne si celle-ci est non nulle. Montrons d’abord que toute matrice b′α de rang 1 dans Sym+ 3 (R) ∩ L>0 cora b respond à une classe g(θ12 θ22 ). Soit g = . Supposons d’abord c = d = 1 et c d regardons g(θ12 θ22 ) = (θ1 + a2 θ2 + aλ)2 (θ1 + b2 θ2 + bλ)2 . La matrice b′α représente donc une telle classe g(θ12 θ22 ) si et seulement si les équations suivantes, que l’on obtient comme conditions sur la première colonne, sont satisfaites : 3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 4(a − b)2 , 2x2,1,1 − 6x1,0,3 = 4(a − b)2 (a + b), x1,1,2 − 12x0,0,4 = 4(a − b)2 ab. Comme a 6= b, on est ramené aux équations 3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 1, 2x2,1,1 − 6x1,0,3 = a + b, x1,1,2 − 12x0,0,4 = ab. Autrement dit, la matrice b′α représente une classe g(θ12 θ22 ) si et seulement si ce système admet une solution réelle. C’est équivalent à dire que le polynôme P (y) = (x1,1,2 − 12x0,0,4 ) − (2x2,1,1 − 6x1,0,3 )y + y 2 (2.31) admet deux racines réelles distinctes (car a 6= b). Comme la matrice est de rang 1, on a (2x2,1,1 − 6x1,0,3 )2 = 4x2,2,0 − 24x0,0,4 et le discriminant de P vaut ∆(P ) = x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 . Ainsi on voit que toute matrice de rang 1 avec 3x3,1,0 − 2x2,0,2 6= 0, qui est dans L>0 , est aussi dans S4 Psef 1 (A × A). De la même façon, on montre le résultat pour les matrices b′α de rang 1 telles que 3x1,3,0 − 2x0,2,2 6= 0. Si 3x1,3,0 − 2x0,2,2 = 3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 0, et la matrice est de rang 1, elle représente un multiple de θ12 θ22 . Il reste donc à montrer que les matrices semipositives de rang 1 dans L correspondent aux classes g(θ13 θ2 ). Or une matrice de rang 1 correspond à une classe g(θ13 θ2 ) si et seulement si les équations suivantes, obtenues comme conditions sur la première colonne, sont satisfaites : 3x3,0,0 − 2x2,0,2 = 1, 2x2,1,1 − 6x1,0,3 = 2a, x1,1,2 − 12x0,0,4 = a2 , CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 46 ce qui est le cas si et seulement si le polynôme P (y) défini dans (2.31) admet une racine double réelle a. Par un raisonnement comme pour g(θ12 θ22 ), on trouve que c’est le cas si et seulement si la classe est contenue dans L, ce qui fournit le résultat souhaité. Remarque 2.3.4.5. Comme tous les modules irréductibles dans une décomposition V de 2n−2 W ⊕n sont isomorphes à det(W )⊗n−1 ou à det(W )⊗n−2 ⊗ S2 W , le cône Semi2n−2 (A × A) peut toujours être identifié avec le cône des matrices symétriques réelles semipositives 3 × 3 intersecté avec un demi-espace (cf. proposition 2.3.3.2). Pour des raisons comme dans la démonstration de la proposition 2.3.4.4, on devrait avoir S2n−2 Psef 1 (A × A) = Psef 2n−2 (A × A) = Strong2n−2 (A × A) = Semi2n−2 (A × A) pour tout n ≥ 3, et les rayons extrémaux de ce cône devraient correspondre aux classes GL(W ) · (θ1n θ2n−2 ) et GL(W ) · (θ1n−1 θ2n−1 ). Mais pour l’instant, je ne vois pas de moyen pour montrer le cas général. Avec un raisonnement semblable à celui utilisé dans la démonstration de la proposition 2.3.4.4, on peut montrer que le cône S3 Psef 1 (A × A) s’identifie avec le cône engendré par les matrices de rang 1 dans la représentation du cône Semi3 (A×A) donnée dans (2.24) et (2.25). Cela implique en particulier que S3 Psef 1 (A × A) engendre « une bonne partie »de Semi3 (A×A) au sens suivant. Identifions N3 (A×A) + avec Sym3 (R), et soit F une face de Sym+ 3 (R) isomorphe à Sym2 (R). Lorsque 3 F ∩ Semi (A × A) 6= ∅, on a l’image suivante pour une section affine de F , où S3 Psef 1 (A × A) ∩ F correspond à la région en gris foncé et les classes semipositives qui ne sont pas contenues dans S3 Psef 1 (A × A) sont dans la region en gris clair. Figure 2.1 – Comparaison de S3 Psef 1 (A × A) et Semi3 (A × A) Question 2.3.4.6. Regardons Semik (A × A) comme un sous-cône de Sym+ k+1 (R). Est-ce que, pour 1 ≤ k ≤ n, l’ensemble des rayons extrémaux de Sk Psef 1 (A × A) (resp. de S2n−k Psef 1 (A × A)) s’identifie avec l’ensemble des matrices semipositives de rang 1 dans Semik (A × A) ? 2.3.4.2 Classes numériquement effectives et classes pseudoeffectives Dans [17], les auteurs montrent que, pour une surface abélienne A, la classe µ = 4θ1 θ2 − λ2 est nef mais pas pseudoeffective, de sorte que l’on a une inclusion stricte Psef 2 (A × A) Nef 2 (A × A). Le résultat principal de cette section (proposition 2.3.4.9) est que l’on a, en toute dimension n, Psef k (Ae ) Nef k (Ae ) pour tout entier positif e ≥ 2 et pour 2 ≤ k ≤ ne − 2. Commençons par le lemme suivant. CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 47 Lemme 2.3.4.7. La classe µk est nef pour k ∈ {0, . . . , n}. En particulier, on a µk · Psef n−k (A × A) ⊂ Nef n+k (A × A). Démonstration. Par la décomposition (2.13) et la proposition 2.2.4.4, il suffit de montrer que le cône Psef 2n−2k (A × A) est contenu dans le demi-espace M Hµ+n−k := µi · S4(n−k)−4i W ⊕ R+ µn−k . 0≤2i≤2n−2k Ayant Psef 2n−2k (A × A) ⊂ Semi2n−2k (A × A), il suffit de montrer que l’on a Semi2n−2k (A × A) ⊂ Hµ+n−k . Pour une classe α ∈ N2n−2k (A × A), la matrice bα représentant Bα se décompose en blocs correspondant aux modules irréductibles dans V une décomposition de 2n−2k VR (cf. proposition 2.3.3.2). Comme det(W )⊗n−k est V2n−2k VR , on un module irréductible apparaissant dans une telle décomposition de a des blocs 1 × 1 dans la matrice bα . Par la remarque 2.3.3.3, on peut supposer que ces blocs 1 × 1 sont tous décrits par la même forme linéaire L. Comme l’application α → Bα est GL(W )-équivariante, l’équation L = 0 doit décrire (µn−k )⊥ , de sorte que soit Semi2n−2k (A × A) ⊂ Hµ+n−k , soit Semi2n−2k (A × A) ⊂ Hµ−n−k . Comme la classe θ1n−k θ2n−k est semipositive, il suffit ainsi de montrer θ1n−k θ2n−k ∈ Hµ+n−k . P Ecrivons θ1n−k θ2n−k = 0≤2i≤2n−2k µi Pi avec Pi ∈ S4(n−k)−4i W , selon la décomposition donnée dans la proposition 2.2.3.2. Alors Pn−k est une constante et on veut déterminer son signe. Comme le morphisme surjectif S2n−2k N1 (A × A) → N2n−2k (A × A) correspond à une projection sur des facteurs irréductibles de S2n−2k N 1 (A×A), et comme µn−k engendre un module irréductible non nul dans N2n−2k (A × A) pour k ≤ n, on peut supposer que A est de dimension n−k. Or on a N2n−2k (A2n−2k ×A2n−2k ) = R µn−k , et µn−k Pn−k est donc juste un nombre d’intersection de 2n − 2k diviseurs effectifs, de sorte que l’on a µn−k Pn−k ≥ 0. Comme [µn−k ]n−k > 0 par la remarque 2.2.4.4, on obtient Pn−k > 0, ce qui fournit le résultat souhaité. Lemme 2.3.4.8. Soient X et Y des variétés algébriques complexes projectives et soit f : X → Y un morphisme propre. L’application f ∗ : N• (Y ) → N• (X) préserve les cônes nefs. Démonstration. Soit α ∈ N• (Y ) et β ∈ N• (X). Soit Z ⊂ Y un cycle de classe α et W ⊂ X un cycle de classe β. On a la formule de projection f∗ (f ∗ Z · W ) = Z · f∗ W , où f∗ = deg(f |Z ) si f |Z est fini f∗ = 0 sinon. Si α et β sont de codimension complémentaire, l’application f∗ envoie les classes de 0-cycles sur des classes de 0-cycles de sorte que f∗ (f ∗ Z · W ) = 0 si et seulement si Z · f∗ W = 0. Comme Z · f∗ W = 0 si f |Z n’est pas fini, cela donne le résultat souhaité. Théorème 2.3.4.9. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 2. Les classes θ1k µ ∈ Nk+2 (A × A) et θ1n−2 θ2k µ ∈ Nn+k (A × A) sont nefs mais pas semipositives pour 0 ≤ k ≤ n − 2, et l’on a Psef k (Ae ) Nef k (Ae ) pour tout entier positif e ≥ 2 et 2 ≤ k ≤ ne − 2. (2.32) CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 48 Démonstration. Par la proposition 2.3.4.7, il est clair que θ1k µ et θ1n−2 θ2k µ sont des classes nefs pour 0 ≤ k ≤ n − 2. Pour voir que θ1k µ n’est pas semipositive pour 0 ≤ k ≤ n, il suffit de remarquer que la matrice b′µ (cf. lemme 2.3.3.10) n’est pas semipositive, ce qui entraîne par le lemme 2.3.3.10 que b′θk ·µ n’est pas semipositive, 1 et donc θ1k · µ 6∈ Semik (A × A). Pour voir que θ2k θ1n−2 µ = 4θ2k+1 θ1n−1 − θ2k θ1n−2 λ2 n’est pas semipositive, on reVk V . On garde la matrice hθk θn−2 µ représentant Hθk θn−2 µ dans la base standard de 2 1 2 1 montre qu’il y a un 2×2 mineur principal dont le déterminant est négatif. La matrice hθk+1 θn−1 est une matrice avec des coefficients zéros hors de la diagonale et des coeffi2 1 cients non zéros dans la diagonale pour les coordonnées zi1 ∧· · ·∧zin−1 ∧zj1 ∧· · ·∧zjk+1 avec i1 , . . . , in−1 ∈ {1, . . . , n} et j1 , . . . , jk+1 ∈ {n + 1, . . . , 2n}. En même temps la matrice hθk θn−2 λ2 contient un coefficient non nul pour le produit extérieur de 2 1 ^ 1≤l≤k √ ( −1dzn+l ∧ dz̄n+l ) ∧ ^ 1≤l≤n−2 √ ( −1dzl ∧ dz̄l ) √ √ et −1dzn+(n−1) ∧ dz̄n−1 ∧ −1dz2n ∧ idz̄n . Ce coefficient n’est pas sur la diagonale de hθk+1 θn−1 . Comme on n’a pas de coefficients de θ2k θ1n−2 λ2 dans la diagonale pour 2 1 ^ √ ^ √ ( −1dzn+l ∧ dz̄n+l ) ∧ ( −1dzl ∧ z̄l ), 1≤l≤k 1≤l≤n cela entraîne le résultat. Montrons maintenant l’inclusion (2.32). Par les arguments précédents, on a Semik (A × A) Nef k (A × A) pour 2 ≤ k ≤ 2n − 2. Cela nous permet de raisonner par récurrence sur e pour n fixé, en supposant que l’énoncé est vrai pour e − 1. De plus, on peut se restreindre k e−1 à le montrer pour 2 ≤ k ≤ ⌊ ne ) une classe nef 2 ⌋ par dualité. Soit α ∈ Nef (A ∗ non semipositive. Alors p1,...,e−1 α est nef et non semipositive par le lemme 2.3.4.1. Ayant ne − 2 ≥ ⌊ ne 2 ⌋ pour n ≥ 2, e ≥ 2, cela achève la démonstration. Remarque 2.3.4.10. Par le théorème 2.2.4.1, on a des isomorphismes ·µk : Nn−k (A× A) → Nn+k (A × A) pour k ∈ {0, . . . , n}, et on se demande naturellement si les cônes de classes positives respectifs sont préservés, ce qui a été vérifié dans [17] pour k = n − 1. Par le théorème 2.3.4.9, on voit que, pour n = 3, l’isomorphisme ·µ : N2 (A × A) → N4 (A × A) ne préservent pas les classes pseudoeffectives, de sorte qu’en général, on ne peut pas s’attendre à ce que les cônes soient préservés. Pour A de dimension 3 cela se voit aussi à partir de la représentation explicite de Semi4 (A × A) donnée dans (2.26) et (2.27) : une classe α = a1 µθ12 + a2 µθ1 θ2 + a3 µθ22 + a4 µθ1 λ + a5 µθ2 λ + a6 µλ2 donne les deux matrices bα |det(W )⊗2 = 5a2 − 10a6 et bα |det(W )⊗S2 W 14a1 = 14a4 16a6 − a2 14a4 16a2 + 24a6 14a5 16a6 − a2 14a5 , 14a3 d’où l’on déduit tout de suite que la classe µ · θ1 θ2 n’est pas semipositive et donc pas pseudoeffective (cf. proposition 2.3.4.9). CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 49 Rappelons que le cône Psef 2 (A × A) = S2 Psef 1 (A × A) ne dépend pas de la dimension n de A pour n ≥ 2 (théorème 2.3.1.13). Par le lemme 2.2.4.8, on a donc Nef n−2 (An × An ) = µn−2 · Nef 2 (A2 × A2 ) pour tout n ≥ 2. Plus précisément, on obtient (cf. [17, Prop. 4.2]) : Proposition 2.3.4.11. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimension n ≥ 2. Pour α = a1 θ12 + a2 θ1 θ2 + a3 θ22 + a4 θ1 λ + a5 θ2 λ + a6 λ2 , on a µn−2 α ∈ Nef 2n−2 (A × A) si et seulement si a3 a2 b2 − a5 ab(a + b) + (a2 − a6 )(a2 + b2 ) − (a2 − 6a6 )ab − a4 (a + b) + a1 ≥ 0 (2.33) pour tout a, b ∈ R. Démonstration. Comme Psef 2 (A × A) = S2 Psef 1 (A × A) ne dépend pas de la dimension de A, il suffit de montrer l’énoncé pour A une surface abélienne par le lemme 2.2.4.8 ; mais dans ce cas c’est juste [17, Prop. 4.2]. Remarque 2.3.4.12. La condition (2.33) est équivalente aux inégalités suivantes (cf. [17, p. 17]) : a1 , a3 ≥ 0, a2 ≥ a6 , 4a1 (a2 − a6 ) ≥ a24 4a3 (a2 − a6 ) ≥ a25 , et (a5 b2 + (a2 − 6a6 )b + a4 )2 ≤ 4(a3 b2 − a5 b + a2 − a6 )((a2 − a6 )b2 − a4 b + a1 ) pour tout b ∈ R. Corollaire 2.3.4.13. On a µn−2 · Psef 2 (A × A) Nef 2n−2 (A × A). Démonstration. Il suffit de comparer les équations définissant les deux cônes respectivement données par (2.22), (2.23) et la proposition 2.3.4.11. Remarque 2.3.4.14. Le cône Nef 2 (An ×An ) dépend de n : pour n = 2, c’est justement le cône décrit par l’équation (2.33). Plus généralement, le cône décrit par l’équation (2.33) est le cône dual de µn−2 · Psef 2 (A × A). Or, par exemple pour n = 3, le cône µn−2 · Psef 2 (A × A) contient des éléments non pseudoeffectifs, de sorte que son dual, c’est-à-dire le cône défini par l’équation (2.33), ne peut pas coïncider avec le cône Nef 2 (A × A). Remarque 2.3.4.15. Tous les résultats obtenus concernant la structure algébrique de N• (Ae ) et les cônes dans Nk (Ae ) sont également vrais pour une variété abélienne A principalement polarisée quelconque si l’on se restreint à la R-algèbre N•can (Ae ) ⊂ N• (Ae ) engendrée par les θi et les λi,j , 0 ≤ i < j ≤ e. Remarquons de plus qu’une isogénie f : B → B ′ entre deux variétés abéliennes induit un isomorphisme f ∗ : N• (B ′ ) → N• (B) qui préserve les cônes en question [17, Prop. 1.6]. Les résultats obtenus pour N• (Ae ) pour A principalement polarisée très générale sont donc également vrais pour N• (B) si B est isogène à Ae . 3. La variété de Fano d’une cubique 3.1 Introduction Une variété hyperkählérienne est une variété kählérienne compacte simplement connexe Y telle que H 0 (Y, Ω2Y ) soit engendré par une 2-forme σ non dégénérée en tout point de Y . Un cas particulier d’une variété hyperkählérienne est le schéma de Hilbert S [n] paramétrant les sous-schémas de longueur n d’une surface K3 S. Dans [27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale du cône engendré par les classes de courbes et du cône engendré par les classes de diviseurs effectifs pour une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] (cf §3.2.2). Par un résultat de Beauville et Donagi [11], la variété de Fano F paramétrant les droites sur une cubique lisse X dans P5 est une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] (cf. §3.3.1), de sorte que les conjectures de Hassett et Tschinkel s’appliquent dans ce cas. Un but de ce chapitre est de vérifier ces conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un plan P (cf. §3.4.2) et pour une cubique pfaffienne générale (cf. §3.4.4). Le théorème suivant donne un résumé des résultats obtenus pour une cubique générale contenant un plan (propositions 3.4.2.7, 3.4.2.10 et 3.4.2.15). Théorème 3.1.0.16. Soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P et soit F la variété de Fano paramétrant les droites sur X. Alors il existe deux diviseurs premiers DP et DQ sur X tels que l’on ait Psef 1 (F ) = R+ [DP ] + R+ [DQ ], Nef 1 (F ) = R+ (2[DP ] + 3[DQ ]) + R+ (2[DP ] + [DQ ]). Le diviseur DP est fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 et si l’on note c la classe d’une telle conique et l la classe d’une droite dans P , on a Psef 1 (F ) = R+ l + R+ c. Ce résultat nous permet de montrer (proposition 3.4.2.21) : Proposition 3.1.0.17. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la variété de Fano paramétrant les droites sur X. Alors on a Aut(F ) = Bir(F ) = {id}. En utilisant que la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale est isomorphe au schéma de Hilbert S [2] d’une surface K3, on obtient le résultat suivant (proposition 3.4.4.5, proposition 3.4.4.8 et corollaire 3.4.4.9). 50 CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 51 Théorème 3.1.0.18. Soit X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété de Fano de X. Alors il existe deux diviseurs premiers E4 et E5 dans F tels que tous les deux soient fibrés en courbes rationnelles lisses au-dessus d’une surface K3 générale de degré 14. Soit R4 la classe d’une fibre dans E4 et R5 la classe d’une fibre dans E5 . Alors on a Psef 1 (F ) = R+ R4 + R+ R5 , Psef 1 (F ) = R+ [E4 ] + R+ [E5 ], Nef 1 (F ) = R+ ([E4 ] + 8[E5 ]) + R+ (8[E4 ] + 2[E5 ]). Dans [29], Hassett et Tschinkel vérifient leurs conjectures pour une cubique générale contenant un scroll cubique. On donne un aperçu de ces résultats dans §3.4.3. Ils montrent entre autres que l’on a Aut(F ) = {id}. Nous précisons ce résultat par la proposition suivante (proposition 3.4.3.4) : Proposition 3.1.0.19. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Aut(F ) = {id} , Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i, où hιi ∗ hι∨ i est le groupe diédral infini engendré par deux involutions birationnelles ι et ι∨ de F . L’autre but de ce chapitre est d’étudier les classes (pseudo)effectives (resp. nefs) de codimension 2 dans la variété de Fano F d’une cubique X dans P5 . Le point de départ est un argument de Voisin [67, Prop. 2.4], qui montre que le cône fermé engendré par les classes des sous-variétés lagrangiennes de F (cf. définition 3.2.1.1) est une face dans Psef 2 (F ) (cf. définition 3.2.3.2). Pour une cubique X générale, le cône Psef 2 (F ) est engendré par deux rayons extrémaux et la face lagrangienne correspond à un des deux rayons extrémaux. Proposition 3.1.0.20. Soit X une cubique générale contenant un plan, ou une cubique générale contenant un scroll cubique, ou une cubique pfaffienne générale. Soit F la variété de Fano de X. Alors la face isotrope de Psef 2 (F ) est de dimension 3,c’est-à-dire de dimension maximale. Alors que toute classe de diviseur nef est pseudoeffective, cette inclusion n’est plus forcément vraie en codimension supérieure comme le montrent des exemples de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin [17] et de l’auteur (chapitre 2). Le résultat suivant montre donc que l’on pourrait espérer que la variété de Fano d’une cubique générale fournit un autre tel exemple. Proposition 3.1.0.21. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ) et Eff 2 (F ) Nef 2 (F ). Je ne sais pas si la première inclusion est également stricte. Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section 3.2, on rappelle d’abord quelques apects de la théorie des variétés hyperkählériennes (§3.2.1) et ensuite on explique en détail les conjectures de Hassett et Tschinkel (§3.2.2) ; on finit la section en définissant la face isotrope de Psef 2 (F ) (§3.2.3). Dans la section 3.3, on rappelle des résultats de Beaville et Donagi (§3.3.1) et l’on discute la structure des R-espaces vectoriels Nk (F ) pour certaines cubiques (§3.3.2). La section 3.4 est le cœur de ce chapitre ; on y étudie la variété de Fano CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 52 1. d’une cubique générale (§3.4.1), 2. d’une cubique générale contenant un plan (§3.4.2), 3. d’une cubique générale contenant un scroll cubique (§3.4.3), 4. d’une cubique pfaffienne générale (§3.4.4). 3.2 3.2.1 Généralités Variétés hyperkählériennes Dans cette section, on rappelle quelques propriétés élémentaires des variétés hyperkählériennes. Définition 3.2.1.1. Une variété complexe Y est dite symplectique si elle admet une 2-forme σ ∈ H 0 (Y, Ω2Y ) qui est non dégénérée en tout point de Y . On dit qu’une variété symplectique Y est hyperkählérienne si (i) dim H 0 (Y, Ω2Y ) = 1, (ii) Y est compacte et kählérienne, (iii) Y est simplement connexe. Une sous-variété Z d’une variété symplectique Y est dite lagrangienne si σ|Zreg s’annule dans H 0 (Zreg , Ω2Zreg ). Il découle de la définition qu’une variété complexe symplectique Y est de dimension paire et que le fibré canonique KY est trivial. Soit S une surface K3. Alors le schéma de Hilbert S [n] , paramétrant les sousschémas de longeur n sur S, est une variété hyperkählérienne de dimension 2n [10, §6], ce qui donne des exemples en toute dimension possible. Si l’on parle désormais d’un schéma de Hilbert S [2] , on sous-entend toujours que c’est le schéma de Hilbert paramétrant les sous-schémas de longeur 2 sur une surface K3 S. Définition 3.2.1.2. Un réseau est un Z-module libre L muni d’une forme bilinéaire symétrique non-dégénérée q à valeurs dans Z. Si q(x, x) ∈ 2 Z pour tout x ∈ L, on dit que le réseau L est pair. Lorsque L est un Z-module libre (pas forcément un réseau), on dit que ρ ∈ L est primitif, si l’on ne peut pas écrire ρ = nρ′ pour un entier n ≥ 2 et ρ′ ∈ L. La cohomologie H 2 (Y, C) d’une variété hyperkählérienne Y est munie d’une forme bilinéaire symétrique qY de signature (3, dim H 2 (Y, C) − 3), dite forme de Beauville ou forme de Beauville-Bogomolov [10, Thm. 5]. Elle provient d’une forme entière sur H 2 (Y, Z), ce qui munit H 2 (Y, Z) d’une structure de réseau. Il existe c ∈ R+ tel que (cf. [32, §1.9] pour un aperçu détaillé des propriétés de la forme de Beauville) Z dim(Y ) 1,1 αβ(σσ) 2 −1 . ∀ α, β ∈ H (Y, C) qY (α, β) = c (3.1) Y Exemple 3.2.1.3. Soit S une surface K3. C’est une surface hyperkählérienne et qS est juste la forme bilinéaire correspondant au produit d’intersection. En tant que réseau, on a [43, Prop. 1.2] H 2 (S, Z) = U ⊕3 ⊕⊥ (−E8 )⊕2 , où U est le plan hyerbolique et E8 est le réseau associé au système de racines E8 . CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 53 Exemple 3.2.1.4. Soit S toujours une surface K3. Alors on a [10, Prop. 6, Lemme 1] (cf. aussi §3.4.4) (H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) ≃ (H 2 (S, Z), qS ) ⊕⊥ Z δ ≃ U ⊕3 ⊕⊥ (−E8 )⊕2 ⊕⊥ (−2). Pour v ∈ H 2 (S [2] , Z) primitif, on a soit qS [2] (v, H 2 (S [2] , Z)) = Z, soit qS [2] (v, H 2 (S [2] , Z)) = 2 Z . Remarque 3.2.1.5. Comme la décomposition H 2 (Y, C) = H 2,0 (Y ) ⊕⊥ H 1,1 (Y ) ⊕⊥ H 0,2 (Y ) est orthogonale par rapport à la forme de Beauville, on a N1Z (Y ) = {ρ ∈ H 2 (Y, Z) | qY (ρ, σ) = 0}. On finit en rappelant un résultat de Beauville sur la théorie des déformations des variétés hyperkählériennes. Définition 3.2.1.6. Une déformation d’une variété compacte complexe lisse Z est une application propre et lisse Z → B, où B est un espace analytique connexe et la fibre au-dessus d’un point distingué 0 ∈ B est isomorphe à Z. On dit que Z ′ est équivalente par déformation à Z s’il existe une déformation Z → B de Z et t ∈ B tels que la fibre Zt au-dessus de t ∈ B est isomorphe à Z ′ . Proposition 3.2.1.7 (Beauville). Soit f : X → B une déformation kählérienne d’une variété hyperkählérienne X. Alors toute fibre Xt au-dessus d’un point t ∈ B est hyperkählérienne. Démonstration. [10, Prop. 9]. On s’intéressera dans la suite aux variétés hyperkählériennes équivalentes par déformation à un schéma de Hilbert S [2] . 3.2.2 Les conjectures de Hassett et Tschinkel Dans [27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale du cône engendré par les classes des courbes et du cône engendré par les classes des diviseurs effectifs pour une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] (conjecture 3.2.2.7 et conjecture 3.2.2.2). Par dualité, on obtient également une description du cône engendré par les classes des diviseurs amples (conjecture 3.2.2.10). La description (conjecturale) de ces cônes ne dépend que de la forme de Beauville et peut être vue comme une généralisation en dimension supérieure des résultats connus pour des surfaces K3. Notation 3.2.2.1. Soit Z une variété complexe et soit M un sous-ensemble de NkZ (Z). On note cone M le cône fermé engendré par M ⊗ R dans Nk (Z). 3.2.2.1 Le cône des diviseurs pseudoeffectifs Soit S une surface K3 munie d’une polarisation g. Alors on a [43, Lemma 1.6] Psef 1 (S) = cone{c ∈ N1Z (S) | c2 ≥ −2, c · g ≥ 0} = cone{c ∈ N1Z (S) | c · g + cone{c ∈ N1Z (S) | c · g 2 ≥ 0 c ≥ 0} (3.2) (3.3) 2 ≥ 0 c = −2}, où les classes extrémales d’autointersection −2 sont représentées par une courbe rationnelle C. Une telle courbe est dite nodale, car il existe une contraction extrémale S → S ′ qui contracte C sur un point double (ou nodal) [43, §1.4]. Comme une courbe est la même chose qu’un diviseur effectif sur une surface, la généralisation suivante de (3.2) s’impose naturellement (cf. [27, Conj. 3.4]). CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 54 Conjecture 3.2.2.2 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] et soit g une polarisation de Y . Alors on a Psef 1 (Y ) = cone{α ∈ N1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ −2} = cone{α ∈ N1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ 0} + cone{α ∈ N1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) = −2}. Remarque 3.2.2.3. Soit D ⊂ Y un diviseur effectif. Alors on a (avec les notations de la conjecture 3.2.2.2) qY ([D], g) > 0 (cf. par exemple [32, §1.11]). Si D est un diviseur premier avec qY ([D], [D]) < 0, on sait par un résultat de Markman [44, Thm. 1.2] que [D] est un multiple d’une classe primitive ρ ∈ N1Z (Y ) de carré −2 sous la forme de Beauville. Cela implique que l’on a l’inclusion Psef 1 (Y ) ⊂ cone{α ∈ NZn−1 (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ −2}. L’autre sens de l’inclusion reste ouvert. 3.2.2.2 Le cône des 1-cycles Pour généraliser la description de Psef 1 (S), on munit d’abord H 2n−2 (Y, Z) d’une forme bilinéaire symétrique à valeurs rationnelles. Définition 3.2.2.4. Soit L un réseau. Le réseau dual est défini par L∨ := {x ∈ L ⊗ Q | q(x, L) ⊂ Z} = HomZ (L, Z). L’extension naturelle de q à L ⊗ Q donne une forme bilinéaire à valeurs rationnelles sur L∨ que l’on note q̃. Par dualité de Poincaré, on a H 2n−2 (Y, Z) ≃ H 2 (Y, Z)∨ , de sorte que q̃Y est une forme bilinéaire symétrique à valeurs rationnelles sur H 2n−2 (Y, Z). Si l’on veut généraliser la situation des surfaces K3, on s’attend à qu’il existe γ1 , . . . , γr ∈ Q<0 tels que Psef 1 (Y ) = cone{c ∈ NZn−1 (Y ) | c · g ≥ 0 , q̃Y (c, c) ≥ 0} + cone{c ∈ NZn−1 (Y (3.4) ) | c · g ≥ 0 , q̃Y (c, c) ∈ {γ1 , . . . , γr }}. Pour une surface K3, on a vu que les courbes de carré négatif (dont la classe engendre donc forcément un rayon extrémal de Psef 1 (S)) correspondent à des contractions. Egalement, on s’attend à que les classes extrémales de carré négatif dans Psef 1 (Y ) correspondent à des contractions dans un sens que l’on va préciser maintenant. Définition 3.2.2.5. Un morphisme contrF : Y → Y ′ est une contraction si l’on a contr∗ OY = OY ′ . Soit F une face de Psef 1 (Y ) (cf. définition 2.3.3.6) et soit D un diviseur effectif dans Y tel que D · c < 0 pour toute classe c dans F . Alors il existe par le théorème de contraction [37, 3.7] une unique contraction birationnelle contrF : Y → Y ′ telle que • Y ′ est projective ; • une courbe irréductible dans Y est contractée par contrF si et seulement si sa classe est dans F . Définition 3.2.2.6. Avec les notations ci-dessus, on dit que le morphisme contrF est la contraction extrémale de F . CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 55 On s’attend à que toute classe primitive extrémale de carré négatif dans Psef 1 (Y ) soit représentée par une famille de courbes irréductibles C ⊂ Y qui sont contractées par une contraction extrémale dont la géométrie est déterminée par la valeur de γ = qY (c, c). Comme Y est hyperkählérienne, une contraction extrémale contr : Y → Y ′ doit prendre une des formes suivantes : 1. si la contraction est divisorielle, le diviseur exceptionnel E dans Y est irréductible [37, Prop. 2.5], de sorte que [70, §2.4.1 - §2.4.3, en particulier, Thm. 2.16, Cor. 2.17, Thm. 2.19, Cor. 2.20] (a) soit contr est de type A1 , i.e., le diviseur E est contracté sur une surface K3 et toute fibre exceptionnelle est un P1 , (b) soit contr est de type A2 , i.e., le diviseur E est contracté sur une surface dont la normalisation est symplectique et la fibre générale (sauf pour un nombre fini de points de contr(E)) est isomorphe à la réunion de deux P1 qui se coupent dans un point ; 2. si la contraction est petite, elle est localement la contraction d’un plan lagrangien P2 ⊂ Y sur un point [71, Thm. 1.1]. Hassett et Tschinkel montrent que la classe c d’une courbe C ⊂ Y , qui est contractée par une contraction extrémale, satisfait q̃Y (c, c) ∈ {− 21 , −2, − 25 } et qu’elle est divisorielle si q̃Y (c, c) ∈ {− 21 , −2} et petite si q̃Y (c, c) = − 25 [28, Thm. 22]. Cela explique la caractérisation suivante de Psef 1 (Y ) proposée par Hassett et Tschinkel (cf. (3.3)) [27, Conj. 3.1, Conj. 3.6] : Conjecture 3.2.2.7 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] et soit g une polarisation de Y . Le cône Psef 1 (Y ) est le cône fermé engendré par les classes entières c ∈ N1 (Y ) telles que c · g ≥ 0 et une des conditions suivantes soit satisfaite : 1. q̃Y (c, c) ≥ 0, 2. q̃Y (c, c) = − 21 , 3. q̃Y (c, c) = −2, 4. q̃Y (c, c) = − 25 . Définition 3.2.2.8. Soit Psef conj le cône décrit par la conjecture 3.2.2.7. Une classe 1 entière c ∈ N1 (Y ) avec q̃Y (c, c) < 0 qui engendre un rayon extrémal de Psef conj (Y ) 1 γ est dite nodale. On note Enod (Y ) l’ensemble des classes nodales et Enod (Y ) l’ensemble des classes nodales telles que q̃Y (c, c) = γ. Conjecture 3.2.2.9 (Hassett-Tschinkel). Toute classe nodale c ∈ Enod (Y ) représente une courbe rationnelle contractée par un morphisme donné par les sections de OY (mλ), où λ est une classe sur le bord de Nef 1 (Y ) satisfaisant λ · c = 0. 1. Lorsque q̃Y (c, c) = − 12 , −2, alors la classe c est représentée par une famille de courbes rationnelles paramétrée par une surface K3. 2. Lorsque q̃Y (c, c) = − 25 , alors la classe c est représentée par une famille de droites contenues dans un P2 que l’on peut contracter sur un point. 3.2.2.3 Le cône des classes de diviseurs nefs Soit c une classe primitive dans H 2n−2 (Y, Z) = H 2 (Y, Z)∨ et notons ρc l’unique classe primitive dans H 2 (Y, Z) telle que ∀η ∈ H 2 (Y, Z) dc · η = qY (ρc , η), où d est un entier positif fixé. Comme l’identification H 2n−2 (Y, Z) ≃ H 2 (Y, Z)∨ ⊂ H 2 (Y, Q), (3.5) CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 56 obtenue par dualité de Poincaré, identifie une classe (n − 1, n − 1) avec une classe (1, 1), on a ρc ∈ N1Z (X) pour toute classe entière c ∈ N1 (X). Par dualité, on obtient ainsi la conjecture suivante pour le cône des classes nefs (cf. [27, Conj. 3.3]). Conjecture 3.2.2.10 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] et soit g une polarisation de Y . Le cône Nef 1 (Y ) est l’adhérence du cône engendré par les classes α ∈ N1Z (Y ) telles que qY (α, g) ≥ 0 et qY (α, ρ) ≥ 0 pour toute classe ρ ∈ N1Z (Y ) satisfaisant qY (g, ρ) ≥ 0 et une des conditions suivantes : 1. qY (ρ, ρ) ≥ 0, 2. qY (ρ, ρ) = −2 et (ρ, H 2 (F, Z)) = Z, 3. qY (ρ, ρ) = −2 et (ρ, H 2 (F, Z)) = 2 Z, 4. qY (ρ, ρ) = −10 et (ρ, H 2 (F, Z)) = 2 Z. Remarque 3.2.2.11. Notons Nef 1conj (Y ) le cône décrit par la conjecture 3.2.2.10. Hassett et Tschinkel montrent que l’on a [28, Thm. 23] Nef 1conj (Y ) ⊂ Nef 1 (Y ). On ne sait pas s’il y a égalité. 3.2.3 La face isotrope Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4 (pas forcément équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] ). En codimension 2, il est plus difficile de déterminer des classes (pseudo)effectives ou nefs. Un point de départ serait de déterminer les classes représentées par une surface lagrangienne dans Y . Un argument de Voisin [67, Prop. 2.4] montre que ces classes engendrent une face de Psef 2 (Y ) (lemme 3.2.3.1). Définissons d’abord une application ϕiso : N2 (F ) → R α 7→ cα · σ ∧ σ, où l’on choisit c ∈ R+ de façon que ϕiso (xy) = qY (x, y) pour tout x, y ∈ N1 (Y ) (cf. (3.1)). Posons Psef 2iso (Y ) := Psef 2 (Y ) ∩ ker(ϕiso ). Lemme 3.2.3.1. Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4. Alors le cône Psef 2iso (Y ) est une face de Psef 2 (Y ). Si T est une surface dans Y , on a [T ] ∈ Psef 2iso (Y ) si et seulement si T est lagrangienne. Démonstration. Soit T une surface dans Y . Si T est lagrangienne, il est clair que l’on a ϕiso ([T ]) = 0, et si T n’est pas lagrangienne, σ|T ∧ σ|T définit une forme volume sur T , de sorte que l’on a ϕiso ([T ]) > 0. Autrement dit, on a Psef 2 (Y ) ⊂ {α ∈ N2 (Y ) | ϕiso (α) ≥ 0} et Psef 2iso (Y ) est donc une face de Psef 2 (Y ). Définition 3.2.3.2. Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4. La face Psef 2iso (Y ) de Psef 2 (Y ) est dite face isotrope. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 57 Remarque 3.2.3.3. On peut plus généralement définir une face isotrope Psef niso (Y ) dans Psef n (Y ) pour Y une variété hyperkählérienne de dimension 2n. Remarque 3.2.3.4. Si F est la variété des droites d’une cubique lisse dans P5 (cf. §3.3.1), alors F est hyperkählérienne (cf. théorème 3.3.1.2) de dimension 4 contenant des sous-variétés lagrangiennes par un résultat de Voisin [64, §3, ex. 7]. On verra dans des cas particuliers que la face isotrope est de dimension maximale, c’est-à-dire de codimension 1. 3.3 La variété des droites d’une cubique Par un résultat classique de Beauville et Donagi, la variété de Fano d’une cubique lisse dans P5 est une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] (cf. théorème 3.3.1.2). La géométrie d’une telle variété de Fano est étroitement liée à la géometrie de la cubique associée, ce qui en fait une bonne candidate pour tester les conjectures de Hassett et Tschinkel et étudier la face isotrope. Pour la suite, une cubique sera toujours une cubique lisse dans P5 . 3.3.1 Les résultats de Beauville et Donagi Soit X une cubique lisse dans P5 . On note G(1, P5 ) la Grassmannienne paramétrant les droites dans P5 et l’on pose F := {[l] ∈ G(1, P5 ) | l ⊂ X}. La variété F est dite variété de Fano de X ; elle est lisse de dimension 4 [4, Prop. 5]. Soit f : G(1, P5 ) → P14 le plongement de Plücker et posons s1 := c1 (f ∗ OP14 (1)|F ). 3.3.1.1 La variété de Fano comme déformation d’un schéma de Hilbert Dans [11], Beauville et Donagi construisent une cubique X telle que F ≃ S [2] , où S est une surface K3 de degré 14 dans P8 (cf. aussi §3.4.4 pour la construction de l’isomorphisme F ≃ S [2] ). Toutes les cubiques lisses sont équivalentes par déformation, de sorte que les variétés de Fanos le sont également. La proposition 3.2.1.7 entraîne donc que la variété de Fano d’une cubique lisse est une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] . Pour donner un énoncé plus précis, qui nous permettra de déterminer des générateurs du R-espace vectoriel N2 (F ) (cf. proposition 3.3.2.4) pour certaines cubiques, on rappelle d’abord quelques notions de la théorie des déformations. Soit Z une variété complexe compacte et notons p : Z → Def(Z) la déformation semi-universelle (ou famille de Kuranishi) de Z, i.e., Def(Z) est un germe d’espace analytique paramétrant toutes les déformations locales de Z. Supposons maintenant que Z est soit une variété hyperkählérienne, soit une cubique lisse. Alors Z est lisse et la famille p : Z → Def(Z) est donc universelle. Si l’on note Zt la fibre de p au-dessus de t ∈ Def(Z), on a des isomorphismes canoniques H 2 (Zt , Z) ≃ H 2 (Z, Z). Pour α ∈ NkZ (Z), cela nous permet de définir BαZ := {t ∈ Def(Z) | α ∈ NkZ (Zt )}. Proposition 3.3.1.1 (Beauville). Soit Y une variété hyperkählérienne et soient α1 , . . . , αr des classes linéairement indépendantes dans N1Z (Y ). Alors BαY1 , . . . , BαYr sont des hypersurfaces lisses dans Def(Y ) et se coupent transversalement. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 58 Démonstration. [10, Cor. 1]. Théorème 3.3.1.2 (Beauville, Donagi). Soit X une cubique lisse. Alors F est une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S [2] . L’application naturelle F : Def(X) → Def(F ) identifie Def(X) avec l’hypersurface (lisse) BsF1 . Autrement dit, toute déformation projective locale de F resp. de S [2] préservant s1 provient d’une déformation locale de la cubique X. Démonstration. [11, Prop. 2]. Remarque 3.3.1.3. Soit X une cubique dont la variété de Fano F associée est isomorphe à S [2] . Toute déformation projective assez générale de S [2] provient alors d’une déformation de X ; il existe des déformations projectives de S [2] (préservant une polarisation différente de s1 ) qui ne proviennent pas d’une déformation de X [10, Cor. 2]. Remarque 3.3.1.4. Dans [33, §1], Manivel et Iliev calculent la forme symplectique sur F explicitement en fonction d’une équation définissant la cubique X. 3.3.1.2 L’application d’Abel-Jacobi L’application d’Abel-Jacobi établit un lien entre les cohomologies de X et F . Soit Z := {(x, [l]) ∈ X × F | x ∈ l} la variété d’incidence, de sorte que l’on a le diagramme suivant, où pr1 et pr2 sont les deux projections : pr2 /F (3.6) Z pr1 X L’application d’Abel-Jacobi est définie par α := pr2∗ pr1 ∗ : H 4 (X, Z) → H 2 (F, Z). (3.7) Notons h ∈ H 2 (X, Z) la classe d’une section hyperplane et posons H04 (X, Z) := {x ∈ H 4 (X, Z) | x · h2 = 0}, H02 (F, Z) := {x ∈ H 2 (F, Z) | qF (x, s1 ) = 0}. Proposition 3.3.1.5 (Beauville, Donagi). Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X. L’application α envoie H04 (X, Z) isomorphiquement sur H02 (F, Z) et l’on a α(h2 ) = s1 , ∀x, y ∈ H04 (X, Z) qF (α(x), α(y)) = −x · y. (3.8) L’application α|H04 (X,Z) s’étend à un isomorphisme de structures de Hodge polarisées αC : H04 (X, C) → H02 (F, C)(−1), où la polarisation de H02 (F, C)(−1) est obtenue en renversant le signe du produit d’intersection. Démonstration. [11, Prop. 6]. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 59 Remarque 3.3.1.6. On a également une application α := pr1∗ pr∗2 : H 6 (F, Z) → H 4 (X, Z), t et ∀c ∈ H 6 (F, Z) ∀T ∈ H 4 (X, Z) 3.3.2 c · α(T ) = tα(c) · T. (3.9) Classes algébriques sur la variété de Fano Soit X une cubique lisse dans P5 et soit h la classe d’une section hyperplane de X. Pour X générale, on a N2 (X) = R h et donc N1 (F ) = R α(h2 ), de sorte que les conjectures de Hassett et Tschinkel sont triviales et l’étude des classes positives sur F se restreint à l’étude de N2 (F ) (cf. §3.4.1). Concernant les conjectures de Hassett et Tschinkel, on s’intéressera donc aux cubiques contenant une surface dont la classe n’est pas un multiple de h2 . 3.3.2.1 Cubiques spéciales Soit C l’espace de modules des cubiques lisses dans P5 comme construit dans [49, §4.2]. Définition 3.3.2.1. On dit que la cubique X ∈ C est spéciale si elle contient une surface dont la classe n’est pas un multiple de h2 . Comme la conjecture de Hodge entière est vraie pour une cubique lisse [66, Thm. 18], c’est équivalent à dire qu’il existe un réseau K de rang 2 dans N2Z (X). On note Cd ⊂ C l’espace des cubiques admettant un tel réseau de discriminant d (par rapport au produit d’intersection). Rappelons le résultat principal de la thèse de Hassett [25] concernant les cubiques spéciales. Théorème 3.3.2.2 (Hassett). L’espace Cd ⊂ C est non vide si et seulement si d ≡ 0, 2 (mod 6), d > 6. Dans ce cas, Cd est un diviseur irréductible dans C. Soit n ≥ 2 et soit d = 2(n2 + n + 1). Alors, pour X générale dans Cd , il existe une surface K3 polarisée générale S de degré d telle que F ≃ S [2] . Démonstration. [25, Thm. 3.2.3, Thm. 4.3.1, Thm. 6.1.5]. Définition 3.3.2.3. On dit qu’une surface T ⊂ Pn est un scroll si T est reglée par des droites et si ce réglage est paramétré par une courbe rationnelle lisse. Si T est un scroll de degré 3 (resp. 4 ou 5), on dit que T est un scroll cubique (resp. quartique ou quintique). Donnons quelques exemples de cubiques spéciales pour d petit : • d = 8 (cf. §3.4.2) : le diviseur C8 paramètre les cubiques contenant un 2plan [25, §4.1.1] ; • d = 12 (cf. §3.4.3) : le diviseur C12 paramètre les cubiques contenant un scroll cubique [25, §4.1.2] ; • d = 14 (cf. §3.4.4) : Comme 14 = 2(22 + 2 + 1), la variété de Fano F d’une cubique générale dans C14 est isomorphe à S [2] pour une surface K3 S de degré 14 par le théorème 3.3.2.2. Ce sont les variétés de Fano des cubiques pfaffiennes construites par Beauville et Donagi dans [11] (cf. aussi §3.3.1 et §3.4.4). Une cubique générale dans C14 contient également un scroll quartique et un scroll quintique [25, §4.1.3]. Dans les sections §3.4.2 - §3.4.4, on va étudier la variété de Fano d’une cubique générale dans C8 , C12 et C14 respectivement. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.3.2.2 60 Classes algébriques sur la variété de Fano La proposition suivante donne une description des espaces N1 (F ) et N2 (F ) pour X générale (resp. générale dans Cd ) ; c’est surtout l’énoncé qui caractérise N2 (F ) pour X générale dans Cd qui est d’intérêt pour nous ; les autres énoncés sont bien connus. Proposition 3.3.2.4. Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X. Si X est générale, on a N1 (F ) = R s1 , N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i. Soit d un entier positif tel que Cd soit non vide et soit X générale dans Cd . Alors il existe τ ∈ N1 (F ) tel que N1 (F ) = hs1 , τ i , N2 (F ) = hS2 N1 (F ), c2 (F )i. Démonstration. Par la proposition 3.3.1.5, on a un isomorphisme de R-espaces vectoriels N2 (X) ≃ N1 (F ), ce qui entraîne N1 (F ) = R s1 pour X générale. Soit maintenant X ∈ Cd générale et soit T ∈ N2Z (X) tel que le réseau engendré par T et h2 dans H 2 (X, Z) soit de discriminant d. Posons τ := α(T ) ∈ N1 (F ) et Bs1 ,τ1 := Bs1 ∩ Bτ . Par le théorème 3.3.1.2 et par la proposition 3.3.1.5, on a alors F (BTX ) = BsF1 ,τ , (3.10) ce qui est une hypersurface dans F (Def(X)) = BsF1 par la proposition 3.3.1.1. Comme Cd est un diviseur irréductible dans C et comme F est injective, on a {t ∈ Def(X) | Xt ∈ Cd } = BTX (3.11) et donc hs1 , τ i ⊂ N1Z (F ) par (3.10). Si τ ′ ∈ N1 (F ) n’appartient pas à l’espace engendré par s1 et τ , alors BτF′ ∩BsF1 ,τ est une hypersurface (lisse) dans BsF1 ,τ , de sorte que, pour t générale dans BsF1 ,τ (i.e., pour t en dehors d’une réunion dénombrable de hypersurfaces), on a N1 (Ft ) = hs1 , τ i. Par (3.10) et (3.11), cela veut dire que l’on a N1 (F ) = hs1 , τ i pour X générale dans Cd . Regardons maintenant l’espace N2 (F ). Comme on a un isomorphisme S2 H 2 (F, Q) → H 4 (F, Q) qui est compatible avec les structures de Hodge (cf. [11, Prop. 3]), on a une injection S2 N1 (F ) → N2 (F ). Par ailleurs, on sait que l’on a c2 (F ) ∈ N2 (F ), et par un résultat de Guan [23, Main Theorem], on a c2 (F ) 6∈ S2 N1 (F ). Soit maintenant α dans N2 (F ), pour X générale dans Cd . Comme X est générale dans Cd , ses déformations locales dans Cd sont encore générales, de sorte que l’on a par (3.10) et (3.11) BsF1 ,τ = F ({t ∈ Def(X) | Xt ∈ Cd }) ⊂ BαF , ce qui entraîne par une proposition de Schlickewei [59, Prop. 3.4.2] α ∈ hS2 N1 (F ), c2 (F )i, ce qu’il fallait montrer. Avec un argument similaire on montre N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i pour X générale. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 61 Exemple 3.3.2.5. Soit X générale dans C8 et notons P la classe du plan unique contenu dans X. Si l’on pose p := α(P ), on a N1 (F ) = hs1 , pi , N2 (F ) = hp2 , s1 p, s21 , c2 (F )i. Remarque 3.3.2.6. Soit X générale dans Cd . Dans une base de N2 (F ) composée d’une base de S2 N1 (F ) et de c2 (F ) (comme dans la proposition 3.3.2.4), les calculs d’intersection dans N2 (F ) se réduisent à des calculs de la forme de Beauville : par [53, (3.01.14), (3.0.32)], on a d’un côté c2 (F )2 = 36 · 23 , c2 (F ) · xy = 30qF (x, y) pour x, y ∈ N1 (F ) ; d’autre part, on a [53, §2.2] x1 x2 · x3 x4 = qF (x1 , x2 )qF (x3 , x4 ) + qF (x1 , x3 )qF (x2 , x4 ) + qF (x1 , x4 )qF (x2 , x3 ) pour x1 , . . . , x4 ∈ N1 (F ). 3.3.3 Classification des droites et un endomorphisme rationnel Dans cette section, on rappelle d’abord un résultat de Clemens et Griffiths [15, §6] qui montre qu’il y a deux types de droites sur une cubique lisse. Dans [65], Voisin construit un endomorphisme rationnel de F , qui est régulier sur l’ouvert paramétrant les droites dites du premier type, si X est générale. On rappelle la construction et quelques propriétés élémentaires de cet endomorphisme qui nous sera utile dans l’étude de Psef 2 (X) pour X une cubique générale. 3.3.3.1 Classification des droites Soit X une cubique et l une droite dans X. Il découle de la suite exacte 0 → Nl/X → Nl/ P5 ≃ Ol (1)4 → NX/ P5 |l ≃ Ol (3) → 0 et du fait que tout fibré vectoriel sur l est scindé que l’on a, soit Nl/X ≃ Ol (1) ⊕ Ol2 , soit Nl/X ≃ Ol (1)2 ⊕ Ol (−1). Définition 3.3.3.1. Soit X une cubique lisse et soit l une droite dans X. On dit que l est du premier type si Nl/X ≃ Ol (1) ⊕ Ol2 et que l est du deuxième type si Nl/X ≃ Ol (1)2 ⊕ Ol (−1). Si G est une équation définissant la cubique lisse X, l’application de Gauss est définie par −→ (P5 )∨ ∂G ∂G (x), . . . , (x)). x = (x0 , . . . , x5 ) 7−→ ( ∂x0 ∂x5 γ:X (3.12) Elle associe à un point x ∈ X son espace tangent projectif TX,x ⊂ P5 . Proposition 3.3.3.2 (Clemens-Griffiths). Soit X une cubique lisse et soit l une droite dans X. Alors les énoncés suivants sont équivalents : 1. la droite l est du premier (resp. du deuxième) type ; 2. γ(l) est une conique lisse (resp. une droite) ; T T x∈l TX,x = 2 (resp. dim x∈l TX,x = 3). 3. on a dim Démonstration. [15, Lemme 6.7, Prop. 6.19]. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.3.3.2 62 L’endomorphisme rationnel de Voisin Une droite générale dans X est du premier type [16, Prop. 2.13]. Pour [l] ∈ F T générale, x∈l TX,x est donc un 2-plan, de sorte que soit \ TX,x ∩ X ≃ P2 , x∈l soit \ x∈l TX,x ∩ X = 2l + l′ , ou l′ est une droite dite résiduelle (qui peut être égale à l). Comme X ne contient qu’un nombre fini de plans, on obtient ainsi une application rationnelle [65, Lemma 7] f : F 99K F [l] 7−→ [l′ ]. Posons Y := {([l], [l′ ], [P ] ∈ G(1, P5 )2 × G(2, P5 ) | 2l ∪ l′ ⊂ P ∩ X} et notons pi la projection de Y sur le i-ième facteur de G(1, P5 )2 × G(2, P5 ). Alors 5 on a f = p2 ◦ p−1 1 . Notons V2 et V3 les fibrés tautologiques respectifs sur G(1, P ) 5 et G(2, P ), ou encore leurs tirés en arrière sur Y ; il sera clair par le contexte dans quel cas on se trouve. Supposons désormais que X est une cubique lisse ne contenant aucun plan. Alors on a Y ≃ Γf et le lieu exceptionnel de f correspond au schéma Σ ⊂ X paramétrant les droites du deuxième type. Pour étudier Σ, on aura besoin des notations suivantes : pour un morphisme f : M → N entre deux fibrés vectoriels sur une variété projective Z, on note Dr (f ) := {z ∈ Z | rang(fz ) ≤ r} les lieux de dégénéréscence correspondants. De plus, on note Mm×n l’espace des matrices complexes m × n et Mr := {M ∈ Mm×n | rang(M ) ≤ r}. On définit un morphisme de fibrés vectoriels sur F par ϕ : V6 ⊗ OF (y0 , . . . , y5 ) −→ S2 V2∨ 5 X ∂G yi , 7−→ ∂xi i=0 où G est une équation définissant X dans P5 := P(V6 ). On a ker(ϕ[l] ) = et ϕ se factorise par un morphisme φ : (V6 ⊗ OF )/V2 → S2 V2∨ . T x∈l TX,x (3.13) Avec ces notations, on a D2 (φ) = Σ (cf. proposition 3.3.3.2), où l’on note Σ le sous-schéma de F paramétrant les droites du deuxième type. Lemme 3.3.3.3. Soit X une cubique ne contenant aucun plan et soit F la variété de Fano de F . Alors le schéma Σ ⊂ F paramétrant les droites du deuxième type sur X est une surface localement intersection complète, et l’on a NΣ/F ≃ ker(φ)|∨ Σ ⊗ coker(φ)|Σ . CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 63 Démonstration. Comme Σ s’identifie avec le lieu de dégénéréscence D2 (φ), on a dim(Σ) ≥ 2 et par un résultat de Clemens et Griffiths [15, Cor. 7.6], on a dim(Σ) ≤ 2, de sorte que Σ est une surface et le lieu de dégénéréscence est de la dimension attendue. Sur un ouvert suffisamment petit U de F , le morphisme φ est donné par une application φU : U → M4×3 . Comme D1 (φ) = ∅, on a Σ ∩ U = φ−1 U (M2 \ M1 ). Or M2 \ M1 est lisse de codimension 2 = codimF (Σ), de sorte que l’on en déduit que Σ est localement intersection complète. La caractérisation du fibré normal NΣ/F découle par exemple de [22, pp. 54-55]. Notons πΣ : FΣ → F l’éclatement de F au-dessus de Σ. Proposition 3.3.3.4. Soit X une cubique ne contenant aucun plan et soit F la variété de Fano de X. Si la surface Σ ⊂ F est génériquement réduite, alors on a FΣ ≃ Γf . Démonstration. Soit G une équation définissant X dans P5 . On a un morphisme de fibrés vectoriels sur Γf = Y ψ : (V6 ⊗ OΓf )/V3 → S2 V2∨ (y0 , . . . , y5 ) 7→ 5 X i=0 yi ∂G , ∂xi où le lieu de dégénéréscence D2 (ψ) est un diviseur de Cartier (défini par l’annulation de det(ψ)), de sorte que la projection Y ≃ Γf → F se factorise par FΣ . Par le lemme 3.3.3.3, Σ est localement une intersection complète, de sorte que FΣ l’est aussi. Comme Σ est réduite, FΣ est lisse en codimension 1 et donc normale, d’où l’on déduit Γf ≃ FΣ par le théorème principal de Zariski. Remarque 3.3.3.5. Je ne connais pas d’exemple de cubique lisse X pour laquelle Σ n’est pas réduite (pour la cubique de Fermat, Σ est réductible (cf. [16, §2.14])). 3.4 Classes positives de codimension 1 et 2 Après les résultats préliminaires des sections précédentes, on étudie dans cette section les cônes des classes (pseudo)effectives ou nefs. On commence en regardant la positivité des classes dans N2 (F ) pour X générale (§3.4.1). Ensuite, on étudie la positivité des classes sur F en toute codimension pour X générale dans Cd pour d ∈ {8, 12, 14} (§3.4.2 - 3.4.4). En particulier, on vérifie les conjectures de Hassett et Tschinkel pour une cubique générale contenant un plan et pour une cubique pfaffienne générale. 3.4.1 Cubiques générales Soit X une cubique générale. Le résultat principal de cette section est que l’on a une inclusion Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ). On conjecture que cette inclusion est stricte (cf. proposition 3.4.1.10 et conjecture 3.4.1.14). CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.1.1 64 Classes induites par la Grassmannienne et la face isotrope Notons V2 le fibré tautologique de rang 2 sur la Grassmannienne G(1, P5 ) et posons s̃1 := c1 (V2∨ ) , s̃2 := c2 (V2∨ ) dans H • (G(1, P5 ), Z) ainsi que 1 s1 := c1 (V2∨ |F ) , s2 := c2 (V2∨ |F ) dans H • (F, Z). Lemme 3.4.1.1. Soit X une cubique lisse et soit F la variété de Fano de X. Alors on a c2 (F ) = 5s21 − 8s2 . Démonstration. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 tel que P5 = P(V6 ). Soit Q le fibré quotient sur G(1, P5 ) et posons σ1 := c1 (Q|F ) , σ2 := c2 (Q|F ). La suite exacte fournit les relations 0 → V2 |F → (V6 ⊗ OG(1,P5 ) )|F → Q|F → 0 s1 = −σ1 , s21 s2 = σ12 − σ2 . (3.14) et s2 . Comme F est le lieu des zéros d’une Exprimons c2 (F ) en fonction de section globale de S3 V2∨ , la suite exacte 0 → TF → TG |F → NF/G → 0, donne c2 (F ) + c2 (S3 V2∨ )|F = c2 (TG )|F . Or c2 (S3 V2∨ ) = 11s21 + 10s2 et les relations (3.14) donnent s21 − 2s2 = −(σ12 − 2σ2 ), de sorte que TG(1,P5 ) = V2∨ ⊗ Q fournit ch(G(1, P5 )) = ch(V2∨ ) ch(Q) 1 = (2 + s1 + (s21 − 2s2 ) + (classes de degré ≥ 3)) 2 1 2 · (4 + σ1 + (σ1 − 2σ2 ) + (classes de degré ≥ 3)) 2 = 8 + 6s1 + s21 + (s21 − 2s2 ) + (classes de degré ≥ 3) et l’on obtient c2 (F ) = 5s21 − 8s2 . Par la proposition 3.3.2.4, on a donc N2 (F ) = hs21 , c2 (F )i = hs21 , s2 i pour une cubique générale X. 1. Remarquons que cette notation est conforme avec la notation introduite dans §3.3.1. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 65 Lemme 3.4.1.2 (Voisin). Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X. Alors on a R+ s2 + R+ (s21 − s2 ) ⊂ Psef 2 (F ) et R+ s2 ⊂ Psef 2iso (F ). Si X est générale, s2 engendre donc un rayon extrémal de Psef 2 (F ) et une surface dans F est lagrangienne si et seulement si sa classe est un multiple de s2 . Démonstration. On a (cf. par exemple la démonstration de [67, Lemma 2.8]) Psef 2 (G(1, P5 )) = R+ s̃2 + R+ (s̃21 − s̃2 ), et par restriction à F ⊂ G(1, P5 ), l’inclusion est claire. Or on peut intersecter X avec un hyperplan (général) H ⊂ P5 pour obtenir une cubique lisse Y := X ∩ H dans P4 . La variété F (Y ) paramétrant les droites sur Y est alors une surface lagrangienne dans F de classe s2 (cf. [64, §3, Ex. 7], [33, Prop. 2]), ce qui fournit le résultat souhaité. Donnons un autre exemple d’une sous-variété lagrangienne d’une variété de Fano d’une cubique X (générale). Exemple 3.4.1.3. Pour X générale, on peut supposer que X est la section hyperplane d’une cubique Y dans P6 . Par généricité, la variété F2 (Y ) paramétrant les 2-plans dans Y est une surface lisse et l’on a une injection i : F2 (Y ) → F P 7→ P ∩ X. On a [i(F2 (Y ))] = 63s2 (cf. [33]). D’autre part, on a deux exemples de classes représentées par un multiple de s21 − s2 : Exemple 3.4.1.4. Soit l une droite dans X. La surface Sl := {[l′ ] ∈ F | l ∩ l′ 6= ∅} est de classe 31 (s21 − s2 ) [63, §0]. Exemple 3.4.1.5. La surface Σ paramétrant les droites du deuxième type sur X est de classe 5(s21 − s2 ) [2, p. 488]. 3.4.1.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin Pour obtenir une restriction sur l’autre rayon extrémal de Psef 2 (F ), on peut utiliser l’endomorphisme rationnel f : F 99K F construit dans §3.3.3. Proposition 3.4.1.6 (Amerik). Si X est une cubique générale, la surface Σ est lisse. Démonstration. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 tel que P5 = P(V6 ). Notons XG la cubique associée à un polynôme G ∈ S3 V6∨ et soit ΣG ⊂ XG le schéma paramétrant les droites qui sont de deuxième type. Soit Z := {([l], G) ∈ G(1, P5 ) × S3 V6∨ | l ⊂ XG } et soit φ : (V6 ⊗ OZ )/V2 → S2 V2∨ CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 66 le morphisme défini par (3.13). Notons V2 le tiré en arrière sur Z du fibré tautologique sur G(1, P5 ). On note sφ : Z → Hom((V6 ⊗ OZ )/V2 , S2 V2∨ ) la section globale associée et l’on pose I := D2 (φ) = {(l, G) ∈ Z | l est du deuxième type }. On montre que I est irréductible et lisse en codimension 3. Comme p−1 2 (G) = ΣG est de dimension 2 pour G générale, cela entraîne que la projection Ising → S3 V6∨ n’est pas surjective, d’où l’on déduit le résultat souhaité par lissité générique. Comme G(1, P5 ) est homogène, il suffit de montrer qu’une fibre Il := p−1 1 (l) est lisse en codimension 3. Remarquons que Il = D2 (φ|Zl ), où Zl est la fibre au-dessus de [l] de la projection de Z sur G(1, P5 ). Supposons que l est définie par x0 = x1 = 0, de sorte que 5 X ∂G xj . φ(l,G) (x2 , . . . , x5 ) = ∂y j j=2 La matrice 4 × 3 représentant φ(l,G) a comme coefficients dans la j-ième colonne les ∂G coefficients des monômes x21 , x0 x1 , x21 de ∂y . La section sφ |Zl s’écrit alors explicitej ment comme une application de Zl dans M4×3 et l’on a Il = sφ |−1 Zl (M2 ). Comme sφ |Zl est linéaire et donc lisse, cela entraîne que Il est irréductible et I l’est donc aussi. De plus, on a codim(Sing(Il )) = codim(Sing(M2 )) = 4, ce qui achève la démonstration. Remarque 3.4.1.7. Dans [2], Amerik suggère que l’on devrait avoir ωΣ = OΣ (3). L’argument suivant vérifie cette hypothèse : avec les notations de la démonstration du lemme 3.3.3.3, on a ker(φ)|Σ = (ker(ϕ)/V2 )|Σ et TF |Σ = Hom(V2 , ker(ϕ)/V2 )|Σ = (V2∨ ⊗ ker(φ))|Σ . En prenant le déterminant, on obtient det ker(φ)|Σ = OΣ (−2). La suite exacte 0 → ker(ϕ)/V2 → V6 ⊗ OF /V2 → S2 V2∨ → coker(φ) → 0, restreinte à Σ, fournit alors coker(φ)|Σ = OΣ (1). Comme NΣ/F = ker(φ)|∨ Σ ⊗ coker(φ)|Σ , on obtient, en appliquant la formule d’adjonction et par les remarques précédentes, ωΣ = det(ker(φ)∨ ⊗ coker(φ)) = OΣ (3). Par la proposition 3.3.3.4 et la proposition 3.4.1.6, on a, pour X générale, le diagramme commutatif suivant, Γf ≃ FΣ HH HH g HH π HH H# f F _ _ _ _/ F, (3.15) où π : FΣ → F est l’éclatement de Σ. Lemme 3.4.1.8 (Amerik). Soit X une cubique générale. Alors g ne contracte pas de diviseur, et toute surface T dans FΣ contractée par g est aussi contractée par π. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 67 Démonstration. Par [65, §4.1], g ∗ σ est proportionelle à π ∗ σ, donc E := Ram(π) = Ram(g), de sorte que toute sous-variété de FΣ contractée par g est contenue dans E. En particulier, g ne contracte pas le diviseur exceptionnel E car sinon f serait un morphisme régulier. Soit maintenant Z une surface irréductible contractée par g, de sorte que la 2-forme g ∗ σ est nulle sur Z. Si Z n’est pas contractée par π, on a π(Z) = Σ et donc π ∗ σ|Z 6= 0 (car Σ n’est pas lagrangienne par l’exemple 3.4.1.5), ce qui est une contradiction. 3.4.1.3 Restrictions sur Psef 2 (F ) Les nombres d’intersection parmi les classes s1 et s2 sont bien connus. Lemme 3.4.1.9. On a s41 = 108 , s21 · s2 = 45 , s22 = 27. Démonstration. Cf. par exemple [2, Lemma 4]. Proposition 3.4.1.10. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano de X. On a Psef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − as2 ) pour un réel positif a ≤ 53 . En particulier, on a Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ). (3.16) Démonstration. Par le lemme 3.4.1.8, g ne contracte aucun diviseur donc g ∗ envoie Psef 2 (F ) dans Psef 2 (FΣ ) et le cône des classes pseudoeffectives Psef 2 (F ) est donc invariant par l’application induite f ∗ : N2 (F ) → N2 (F ), où l’on utilise les notations du diagramme 3.15. On a (f n )∗ = (f ∗ )n [2, Thm. 3] et [2, Thm. 8] f ∗ s2 = 31s2 d’où , f ∗ s21 = 4s21 + 45s2 , 5 5 f ∗ (s21 − s2 ) = 4(s21 − s2 ). 3 3 Pour a > 53 , on a lim (f ∗ )n (s21 − as2 ) = −bs2 n→∞ pour un entier positif b. La classe −s2 n’est pas pseudoeffective, ce qui entraîne Psef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − as2 ) pour un a ≤ 35 . Comme (s21 − 35 s2 ) · s2 = 0, on a en particulier Psef 2 (F ) ⊂ Nef 2 (F ). (3.17) Remarque 3.4.1.11. On peut aussi retrouver ce résultat par un argument direct. Comme on a (cf. par exemple la démonstration du Lemme 2.8 dans [67]) Psef 2 (G(1, P5 )) = Nef 2 (G(1, P5 )) = R+ s̃2 + R+ (s̃21 − s̃2 ), la classe s2 = s̃2 |F est nef par le lemme 2.3.4.8. La proposition 3.4.1.10 découle également de la proposition 3.4.1.13 ci-dessous. Mais comme la technique en utilisant l’action de f ∗ pourrait être utile dans l’étude des cônes dans N1 (F ) et N2 (F ) pour d’autres classes de cubiques, on a choisi de l’inclure ici. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 68 Lemme 3.4.1.12. Soit X une cubique et soit Fx la variété paramétrant les droites dans X passant par x ∈ X. Si Fx contient une composante S1 de dimension ≥ 2, alors S1 est une surface lisse, contenue dans la surface (peut-être réductible) Σ paramétrant les droites du deuxième type dans X. En particulier, il y a juste un nombre fini de points x ∈ X tels que dim(Fx ) = 2. Démonstration. Soit l une droite dans X passant par x. Comme (cf. [16, p. 48]) TFx ,[l] = H 0 (l, Nl/X (−1)), la proposition 3.3.3.2 implique que l’on a dim TFx ,[l] ≤ 2 avec égalité si et seulement si [l] ∈ Σ. Si Fx contient donc une composante S1 de dimension 2, on doit avoir dim TFx ,[l] = dim S1 = 2 en tout point [l] ∈ S1 , ce qui entraîne que S1 est une surface lisse dans Σ. Proposition 3.4.1.13. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano de X. La classe s21 − 53 s2 n’est pas effective. Démonstration. Supposons qu’un multiple de la classe s21 − 35 s2 est représenté par une surface T ⊂ F . Notons lt la droite correspondant à t ∈ T et P3t∨ le P3 correspondant à t∨ ∈ T ∨ ⊂ G(3, (P5 )∨ ) tel que \ lt = H. [H]∈P3t∨ On a T · s2 = 0 et donc T · [G(1, P4 )] = 0 dans G(1, P5 ). Autrement dit, aucune droite paramétrée par T n’est contenue dans un P4 général dans P5 . La surface duale T ∨ est donc contenue dans {[L] ∈ G(3, (P5 )∨ ) | aucun hyperplan correspondant à un point de L ne passe par x ∈ P5 général}. Par la propriété universelle de la Grassmannienne, T ∨ correspond à un diagramme q Z / (P5 )∨ p T∨ où Z ⊂ T ∨ × (P5 )∨ , p et q sont les naturelles et p−1 (t∨ ) = P3t∨ . Notre S projections 3 hypothèse est que V := q(Z) = t∨ ∈T ∨ Pt∨ est une sous-variété stricte de (P5 )∨ ; c’est donc une hypersurface. La fibre d’un point général v ∈ V est de dimension 1, ce qui signifie que v est dans une famille de dimension 1 de P3t∨ . Ces 3-plans sont contenus dans l’hyperplan TV,v , donc le remplisse. Ils sont aussi contenus dans V , de sorte que TV,v ⊂ V . On en déduit que V est une réunion d’hyperplans H1∨ , . . . , Hr∨ de (P5 )∨ . Soit maintenant Ti la composante de T telle que q(p−1 (Ti∨ )) = Hi∨ . Alors on a \ \ lt = H = {x}, t∈Ti [H]∈Hi∨ de sorte que Ti est une surface contenue dans la variété Fx paramétrant les droites dans X passant par x. Comme X est générale, on a donc Ti = Σ pour i = 1, . . . , r (cf. proposition 3.4.1.6 et lemme 3.4.1.12) ; en particulier, la classe de T est un multiple de [Σ] = 5(s21 − s2 ) (cf. exemple 3.4.1.5), ce qui est une contradiction à l’hypothèse que la classe de T est un multiple de s21 − 53 s2 . On en déduit que s21 − 53 s2 n’est pas effective. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 69 La conjecture suivante semble naturelle : Conjecture 3.4.1.14. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Psef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − s2 ) et 5 Nef 2 (F ) = R+ s2 + R+ (s21 − s2 ). 3 Autrement dit, on conjecture que toute classe pseudoeffective s’obtient comme restriction d’une classe effective dans la Grassmannienne G(1, P5 ), ce qui impliquerait que l’inclusion (3.16) est stricte. 3.4.2 Cubiques contenant un plan Soit X une cubique générale contenant un plan, i.e., X est générale dans C8 . Comme résultat principal de cette section, on vérifie les conjectures de Hassett et Tschinkel (propositions 3.4.2.7, 3.4.2.10 et 3.4.2.15) pour la variété de Fano F de X. De plus, on montre que F n’admet pas d’automorphisme birationnel non trivial (proposition 3.4.2.21) et l’on montre que la face isotrope de Psef 2 (F ) est de codimension 1 (proposition 3.4.2.22). 3.4.2.1 Les diviseurs DP et DQ Comme la cubique X est générale dans C8 , elle contient un unique plan P . On note P ∨ le plan dual dans F . Soit Π le plan projectif paramétrant les espaces linéaires de dimension 3 dans P5 contenant P . Pour [P3 ] ∈ Π, on a P3 ∩ X = P ∪ QP3 , où QP3 est une quadrique dont la classe dans H 4 (X, Z) ne dépend pas du P3 ∈ Π choisi. Remarque 3.4.2.1. Soit x ∈ X \ P . Comme il y a un unique P3 contenant P et x, il y a une unique quadrique QP3 ⊂ X contenant x. Remarque 3.4.2.2. Pour le système linéaire des coniques QP3 ∩ P paramétré par Π, on a l’interprétation alternative suivante (cf. [63, Lemme 6]) : soit γ : X → (P5 )∨ l’application de Gauss (cf. (3.12)) et notons Π′ le plan dans (P5 )∨ paramétrant les hyperplans dans P5 contenant P . Alors on a une bijection (Π′ )∨ −→ Π [l] 7−→ P3l := et \ TX,x x∈γ −1 (l) P3l ∩ QP3l = γ −1 (l). (3.18) Si l’on parle dans la suite d’une quadrique Q, il est sous-entendu qu’elle est de la forme QP3 , où il n’importe pas quel P3 on choisit. Avec cette notation, on a par la proposition 3.3.2.4, N2 (X) = R[P ] ⊕ R[Q] et la forme d’intersection est donnée par [63, §0] [P ] · [Q] = −2 , [P ]2 = 3 De plus, on a [P ] + [Q] = h2 , , [Q]2 = 4. (3.19) CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 70 où l’on note h la classe d’une section hyperplane dans X. Si l’on pose p := α([P ]) , q := α([Q]), où α = pr2,∗ pr∗1 : H 4 (X, Z) → H 2 (F, Z) est l’isomorphisme d’Abel-Jacobi définie dans (3.7), on a N1 (F ) = R p ⊕ R q et p + q = s1 par la proposition 3.3.1.5. Construisons d’abord un diviseur premier DQ de classe q. Soit Q ⊂ X une quadrique générale (i.e. générale dans le système de quadriques paramétré par Π) et notons Fx la variété paramétrant les droites passant par x ∈ X. Comme Fx est une courbe pour x en dehors un ensemble fini de points de X (cf. lemme 3.4.1.12) et une courbe irréductible pour x ∈ Q général, pr−1 1 (Q) a une seule composante irréductible D1 de dimension 3. Le diviseur DQ := pr2 (D1 ) est donc irréductible de classe q. Pour construire le diviseur DP , on pose d’abord D := {([l], [P3 ]) ∈ F × Π | l ⊂ QP3 } et l’on note p1 et p2 les deux projections associées, de sorte qu’une fibre de p2 paramètre les droites contenues dans QP3 . Lemme 3.4.2.3. La variété D est une fibration en coniques au-dessus d’une surface K3 lisse S de degré 2 et est donc lisse elle-même. Démonstration. Rappellons d’abord la construction géométrique suivante (cf. [63, p.582], [39, §4]) : soit πP : X 99K Π la projection depuis P dans P5 . L’éclatement X̃ → X de X au-dessus de P résoud alors les indéterminations de π, de sorte que l’on obtient une application régulière π̃P : X̃ → Π de fibres π̃P−1 (P3 ) = QP3 . Le lieu discriminant dans Π de ce fibré en quadriques est une sextique C. Comme X contient un unique plan, les quadriques QP3 sont toutes non dégénérées, de sorte que C est lisse par un résultat de Beauville [8, Prop. I.1.2]. La factorisation de Stein de p2 donne un morphisme s D −→ S −→ Π, où la fibre s−1 (P3 ) paramètre les deux réglages de QP3 , de sorte que s est un revêtement double. Comme la variété paramétrant les droites dans une quadrique QP3 est la réunion de deux coniques distinctes si et seulement si QP3 est lisse, le lieu de ramification de s s’identifie à la courbe discriminante lisse C. Il s’ensuit que S est une surface K3 lisse de degré 2 et que D est une fibration en coniques au-dessus de S, d’où l’on déduit que D est lisse. Posons DP := {[l] ∈ F | l ∩ P 6= ∅, l 6⊂ P }. Proposition 3.4.2.4. La projection p1 fournit un isomorphisme entre D et DP , de sorte que DP est un diviseur lisse, fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 lisse S de degré 2. De plus, on a [DP ] = p. Démonstration. Soit ([l], [P3 ]) ∈ D. Comme l et P sont contenus dans P3 , on a l ∩ P 6= ∅. Si l 6⊂ P , il est clair que l’on a [l] ∈ DP . Si l est dans P , c’est la limite d’une famille de droites dans QP3 et donc la limite d’une famille de droites dans DP , de sorte que l’on a également [l] ∈ DP . Comme toute droite correspondant à CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 71 un point dans {[l] ∈ F | l ∩ P 6= ∅, l 6⊂ P } est contenue dans une unique quadrique QP3 (cf. remarque 3.4.2.1), on a donc p1 (D) = DP et p1 |D est bijective au-dessus de p1 (D) \ P ∨ . Il nous reste à étudier les fibres audessus de p1 (D) ∩ P ∨ . Soit donc l ∈ p1 (D) ∩ P ∨ et choisissons des points x, y ∈ l. Alors il existe une unique droite l′ ⊂ Π′ passant par [TX,x ] et [TX,y ] ∈ (P5 )∨ , de sorte que γ −1 (l′ ) est l’unique conique contenant l (cf. (3.18)). L’application p1 : D → DP est donc une bijection. On a une section l 7→ (l, hl, P i) au-dessus de p1 (D) \ P ∨ , de sorte que DP est lisse en codimension 1 et donc normale. Comme D est lisse par le lemme (3.4.2.3), le théorème principal de Zariski entraîne que p1 est un isomorphisme. Il reste à montrer que [DP ] = p. L’image réciproque de P sous la projection pr2 est la réunion des variétés D2 := {(x, [l]) ∈ P × P ∨ | x ∈ l}, et D3 := {(x, [l]) ∈ P × F | x ∈ l, [l] 6∈ P ∨ }. Comme D2 est contractée sur une surface par pr2 et comme pr2 (D3 ) = DP , on a donc p = α(P ) = [DP ]. Le lemme suivant nous permettra ensuite de déterminer le cône Psef 1 (F ). Lemme 3.4.2.5. La forme de Beauville sur N1 (F ) est déterminée par qF (p, p) = −2 , qF (q, q) = 0 , qF (p, q) = 4. Démonstration. Par (3.19), la classe [Q] − 2[P ] est orthogonale à h2 dans H 4 (X, Z), d’où l’on déduit qF (q − 2p, q + p) = 0. En appliquant (3.8), on obtient de plus qF (q − 2p, q − 2p) = −24 et par [11], on a qF (q + p, q + p) = 6. En écrivant p et q comme combinaison linéaire de q − 2p et q + p, on obtient le résultat souhaité. Remarque 3.4.2.6. Dans la base {p, s1 + p} de N1 (F ), la forme de Beauville est donnée par qF (p, p) = −2 , qF (p, s1 + p) = 0 , qF (s1 + p, s1 + p) = 8. Soient (a, b) des coordonnées sur N1Z (F ) par rapport à cette base. Alors on a qF (a, b) = −2a2 + 8b2 et donc qF (a, b) = −10 qF (a, b) = −2 ⇔ a = ±3, b = ±1, ⇔ a = ±1, b = 0. On obtient ainsi {ρ ∈ N1Z (X) | qF (s1 , ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) = −2} = {p}, {ρ ∈ N1Z (X) | qF (s1 , ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) = −10} = {q − p, 5p + q}. Proposition 3.4.2.7. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Psef 1 (F ) = Eff 1 (F ) = R+ p + R+ q = cone{ρ ∈ N1Z (X) | qF (s1 , ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) ≥ −2} (3.20) et la classe de tout diviseur premier autre que DP est dans R+ (2p + q) + R+ q. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 72 Démonstration. Par [13, Prop. 4.2], on a qF ([D], [D′ ]) ≥ 0 pour deux diviseurs premiers distincts D et D′ sur F . Comme on a qF (p, p − aq) < 0 et qF (q, q − ap) < 0 pour tout a ∈ R+ , on obtient Psef 1 (F ) = Eff 1 (F ) = R+ p + R+ q. La caractérisation (3.20) de Psef 1 (F ) découle alors tout de suite de la remarque 3.4.2.6 : toute classe d’un diviseur premier D avec qF ([D], [D]) < 0 est de classe un multiple d’une classe primitive ρ ∈ N1Z (F ) de carré −2 sous la forme de Beauville et donc un multiple de p. On en déduit que tout diviseur premier autre que DP est dans R+ (2p + q) + R+ q. 3.4.2.2 Classes nefs et classes de courbes Notons c la classe d’une fibre de DP ≃ D → S (qui est une conique) et l la classe d’une droite dans P . Alors on a N1 (F ) = hc, li et l’on verra que ces deux classes engendrent le cône des courbes Eff 1 (F ) = Psef 1 (F ) (proposition 3.4.2.7). On commence en déterminant l’accouplement d’intersection entre classes de courbes et classes de diviseurs. Lemme 3.4.2.8. L’accouplement d’intersection N1 (F ) × N1 (F ) → R est donné par p · c = −2 , q·c=4 p·l = 3 , , q · l = −2. Démonstration. Comme tα(c) = Q et tα(l) = P on déduit l’enoncé souhaité de (3.9) et (3.19). Remarque 3.4.2.9. Comme 2x · l = qF (x, q − p) , x · c = qF (x, p) pour tout x ∈ H 2 (F, Z), on a ρl = q − p et ρc = p avec les notations de (3.5). Proposition 3.4.2.10. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Psef 1 (F ) = Eff 1 (F ) = R+ l + R+ c et Nef 1 (F ) = R+ (2p + 3q) + R+ (2p + 2). Démonstration. Comme DQ · l < 0 et DP · c < 0, l’énoncé découle tout de suite du théorème de contraction (cf. [37, Thm 3.7]) : il existe des contractions extrémales contrl : F → F ′ et contrc : F → F ′′ telles qu’une courbe est contractée par contrl (resp. par contrc ) si et seulement si elle est de classe dans R+ l (resp. de classe dans R+ c). Comme 2p + 3q et 2p + q sont des classes effectives avec (2p + 3q) · l = (2p + q) · c = 0, la contraction contrl (resp. contrc ) est définie par les sections globales du fibré en droites OF (m(2DP + 3DQ )) (resp. par les sections globales de OF (m(2DP + DQ )) pour un m suffisamment grand. Comme m(2p + 3q) (resp. m(2p + q)) est le tiré en arrière d’une classe ample par contrl (resp. contrc ), on voit que ces deux classes engendrent les deux rayons extrémaux de Nef 1 (F ) ; par dualité, l et c engendrent les deux rayons extrémaux de Psef 1 (F ). Remarque 3.4.2.11. Il découle de la remarque 3.4.2.6 que la proposition 3.4.2.10 vérifie les conjectures 3.2.2.7 et 3.2.2.10 de Hassett et Tschinkel. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.2.3 73 Géométrie birationnelle Soit Y une variété hyperkählérienne projective et soit f : Y 99K Y ′ une application birationnelle, où Y ′ est une autre variété symplectique projective. Alors f est un isomorphisme en codimension 1, de sorte que f ∗ : N1 (Y ′ ) → N1 (Y ) est un isomorphisme. 1 Définition 3.4.2.12. Le cône nef birationnel Nefbir (Y ) est un cône dans N1 (Y ), 1 ∗ ′ défini comme la réunion des cônes f Nef (Y ), où f : Y 99K Y ′ est une application birationnelle et Y ′ est une autre variété symplectique projective. Un sous-cône 1 de Nefbir (Y ) de la forme f ∗ Amp(Y ′ ) est dit une chambre ample et l’adhérence f ∗ Amp(Y ′ ) d’une chambre ample est dite une chambre nef. Remarque 3.4.2.13. Si f : Y 99K Y ′ est une application birationnelle entre variétés symplectiques projectives, f ∗ Amp(Y ′ ) ∩ Amp(Y ) 6= ∅ entraîne Y ≃ Y ′ , de sorte 1 que les chambres amples de Nefbir (Y ) sont disjointes. Un flop de Mukai est un morphisme birationnel canoniquement associé à une variété hyperkählérienne Y contenant un plan P ≃ P2 . Rappelons sa construction en suivant [48, §3] : soit π : Z → Y l’éclatement de Y au-dessus de P et soit E := π −1 (P ∨ ) le diviseur exceptionnel de π. Comme Y est hyperkählérienne, on a NP/Y ≃ ΩP (cf. [48, Prop. 3.1]) et donc E ≃ P(ΩP ) ≃ {(p, l) ∈ P × P ∨ | p ∈ l}, de sorte que les deux projections p1 : E → P et p2 : E → P ∨ fournissent deux structures de P1 -fibré sur E. Pour p′ ∈ P , on a par la formule d’adjonction OZ (E)|p−1 (p′ ) = OP ∨ (−1), de sorte qu’il existe une variété analytique lisse 2 Y + et un morphisme π + : Z → Y + tel que π + est un isomorphisme sur Z \ E et π + |E = p2 |E (cf. [51] [20]). L’application birationnelle fP := π + ◦ π −1 est alors appelée le flop de Mukai de Y le long de P . On résume cette construction dans le diagramme suivant (3.21) Z } CCC + CCπ π }}} CC }} C! ~}} fP Y A_ _ _ _ _ _ _/ Y + AA {{ AA {{ AA { β A }{{{ β ∨ W où β (resp. β ∨ ) est un morphisme birationnel qui contracte P (resp. P ∨ ) sur un point. La variété Y + est complexe et H 0 (Y + , Ω2Y + ) est engendré par une 2-forme σ + induite par σ ∈ H 0 (Y, Ω2Y ). A priori, il n’est pas clair si Y + est kählérienne (et donc hyperkählérienne) ou même projective. Si X est une cubique contenant un plan, la variété de Fano F contient le plan dual P ∨ , de sorte qu’il existe un flop de Mukai fP ∨ : F 99K F + . Pour vérifier que F + est projective dans ce cas, on aura besoin du lemme 3.4.2.14 ci-dessous. Notons \ Bl(L) := D D∈L le lieu de base d’un système linéaire L de diviseurs sur une variété complexe. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 74 Lemme 3.4.2.14. On a Bl |DQ | = P ∨ . Démonstration. Comme DQ · l < 0, on a P ∨ ⊂ Bl |DQ |. Supposons maintenant qu’il existe [l] ∈ Bl |DQ | telle que [l] 6∈ P ∨ . Comme \ Bl |DQ | ⊂ DQP3 , [P3 ]∈Π la droite l intersecte par définition de DQP3 toute quadrique QP3 . Supposons d’abord que l et P se coupent dans un point pl . Alors il existe un unique [P3 ] ∈ Π tel que ′ l ⊂ P3 et l’on a l ⊂ QP3 . Si QP3′ est la quadrique associée à un P3 6= P3 , on ′ a P3 ∩ P3 = P , de sorte que l doit intersecter QP3′ dans pl . Autrement dit, le système linéaire de coniques P ∩ QP3 doit admettre un point de base, ce qui est une contradiction : soit p ∈ P et soit l′ ⊂ Π′ une droite qui ne passe pas par [TX,p ]. Alors on a p 6∈ γ −1 (l′ ) (cf. (3.18)). Il reste à regarder le cas l ∩ P = ∅. Comme l n’intersecte pas P , aucun P3 contenant P ne contient l. Mais comme l intersecte toute quadrique QP3 , on doit avoir l ∩ P3 = l ∩ QP3 6= ∅. On obtient donc une application (ensembliste) Π→l [P3 ] 7→ l ∩ QP3 . La fibre au-dessus d’un point x ∈ l correspond alors à un nombre infini de quadriques passant par x ∈ X \ P , ce qui est une contradiction avec la remarque 3.4.2.1. On en déduit que l’on doit avoir [l] ∈ P ∨ et donc Bl |DQ | = P ∨ . Proposition 3.4.2.15. Soit X une cubique générale contenant un plan P et soit F la variété de Fano de X. 1. Le système linéaire |m(2DP + 3DQ )| est sans point de base pour m ≫ 0 et définit la contraction contrl du rayon extrémal R+ l. Le lieu exceptionnel de contrl est le plan dual P ∨ qui est contracté sur un point, et le flop de Mukai fP ∨ : F 99K F + est le flip associé à contrl . 2. Le système linéaire |m(2DP + DQ )| est sans point de base pour m ≫ 0 et définit la contraction contrc du rayon extrémal R+ c. Il s’agit d’une contraction divisorielle de lieu exceptionnel DP et la restriction de contrc à DP fournit la fibration de DP → S en coniques de la proposition 3.4.2.4. Démonstration. Par les propositions 3.4.2.7 et 3.4.2.10, les diviseurs 2DP + 3DQ et 2DP + DQ sont nefs et big, de sorte que les systèmes linéaires |m(2DP + 3DQ )| et |m(2DP + DQ )| sont sans point base pour m ≫ 0 par le « basepoint-free theorem » ; il est clair qu’ils définissent les contractions extrémales des rayons R+ l et R+ c (cf. la démonstration de la propositon 3.4.2.10). Par le lemme 3.4.2.14, toute courbe d’intersection négative avec DQ est contenue dans P ∨ , de sorte que l’on a contrl = β avec les notations du diagramme (3.21). Comme β est une contraction extrémale, un résultat de Wierzba dit que F + est projective [69, Prop. 2.1] et fP ∨ : F 99K F + est donc le flip associé à la contraction contrl = β. D’autre part, parce que la fibration DP → S contracte c, c’est la contraction du rayon extrémal R+ c. Comme le flop de Mukai fP ∨ : F 99K F + est projectif, fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) définit une 1 chambre de Nefbir (F ). CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 75 Proposition 3.4.2.16. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la variété de Fano de X. Alors on a 1 Nefbir (F ) = R+ q + R+ (2p + q) et ce cône est la réunion de fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) = R+ q + R+ (2p + 3q) et Nef 1 (F ) = R+ (2p + 3q) + R+ (2p + q). 1 Démonstration. Par [13, Prop. 4.4], on sait que Nefbir (F ) est le dual de Psef 1 (F ) par rapport à la forme de Beauville qF , ce qui entraîne la première partie de l’énoncé. Par [69, Prop. 2.1], on a q ∈ fP∗ ∨ Nef 1 (F + ). De l’autre côté, on a N1Z (W ) ≃ Z et (cf. [37, 3.17]) Z(2p + 3q) = contr∗l N1Z (W ), de sorte que 2p + 3q est le tiré en arrière d’une classe nef sur W . Par la commutativité du diagramme (3.21), cette classe engendre donc l’autre rayon extrémal de fP∗ ∨ Nef(F + ), ce qui achève la démonstration de la proposition. 3.4.2.4 Automorphismes de F Soit Y une variété hyperkählérienne projective. Rappelons que l’on a des morphismes ψaut : Aut(Y ) → Aut(H 2 (Y, Z), qY ) u 7→ u∗ , ψbir : Bir(Y ) → Aut(H 2 (Y, Z), qY ) u 7→ u∗ . Supposons pour la suite que u est un automorphisme de Y . Notons T (Y ) := N1Z (Y )⊥ ⊂ H 2 (Y, Z) le réseau transcendant. Remarquons qu’il est primitif et que l’on a σ ∈ T (Y ) ⊗ C (cf. remarque 3.2.1.5). La forme qY |N1Z (Y ) est non dégénérée de signature (1, 0, rang(N1Z (Y )) − 1). En particulier, on a N1Z (Y ) ∩ T (Y ) = {0}. (3.22) Les valeurs propres de l’action de u∗ sur T (Y )⊗C sont des racines s-ièmes de l’unité µs ∈ C∗ et l’on a u∗ σ = µs σ (cf. [9, Prop. 7]). Définition 3.4.2.17. On dit que u est symplectique si u∗ σ = σ et non symplectique sinon. Regardons l’action de u∗ sur T (Y ). Si u est symplectique, on a, pour t ∈ T (Y ), qY (σ, t) = qY (σ, u∗ t) et donc u∗ t − t ∈ σ ⊥ ∩ H 2 (Y, Z) = N1Z (Y ). Comme T (Y ) est invariant sous l’action de u∗ , on obtient u∗ t − t ∈ T (Y ) ∩ N1Z (Y ) et donc u∗ t = t par (3.22). Autrement dit, on a u∗ |T (Y ) = id . (3.23) Supposons maintenant que u est non symplectique et écrivons u∗ σ = µs σ. S’il existe un vecteur propre t ∈ T (Y ) de valeur propre 1, on a qY (σ, t) = qY (u∗ σ, u∗ t) = µs qY (σ, t) et donc qY (σ, t) = 0. On en déduit t ∈ N1Z (Y ) ∩ T (Y ) = {0}, i.e., ∀t ∈ T (Y ) u∗ t = t ⇐⇒ t = 0. (3.24) CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 76 Remarque 3.4.2.18. On pourrait aussi remarquer que T (Y ) ⊗ Q est une structure de Hodge rationnelle irréductible [73, Thm. 1.4.1], de sorte que l’on a u∗ |T (Y ) = µs id . (3.25) Théorème 3.4.2.19 (Beauville, Hassett, Tschinkel). Soit F la variété de Fano d’une cubique lisse. Alors l’application ψaut est injective. Démonstration. Par un résultat de Beauville, l’application ψaut est injective si Y est un schéma de Hilbert S [2] [9, Prop. 10]. Hassett et Tschinkel montrent que le noyau de ψaut reste invariant sous une déformation de Y [26, Thm. 2.1], de sorte que le théorème 3.3.1.2 implique le résultat souhaité. Définition 3.4.2.20. Soit (M, q) un réseau et M ∨ le réseau dual. Alors AM := M ∨ /M est le groupe discriminant de M . Si (M, q) est un réseau pair, on obtient une forme quadratique bien définie à valeurs dans Q / Z sur AM en posant qAM (x) = 1 q(x, x) 2 mod Z pour x ∈ M ∨ . Cette forme est dite la forme discriminante. Proposition 3.4.2.21. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Bir(F ) = Aut(F ) = {id}. Démonstration. Pour faciliter les notations, on pose pour la suite N := NZ1 (F ) , L := H 2 (F, Z) , T := T (F ). Soit u ∈ Aut(F ). Par l’injectivité de ψaut , il suffit de montrer que l’on a u∗ = id. Supposons d’abord que u∗ agit non trivialement sur N . Alors u∗ doit préserver la forme de Beauville qF et le cône Nef 1 (F ) et envoyer le générateur primitif 2p + q d’un rayon extrémal sur le générateur primitif 2p + 3q de l’autre rayon extrémal (cf. proposition 3.4.2.10). Ceci n’est pas possible, car qF (2p + q, 2p + q) = 0 et qF (2p + 3q, 2p + 3q) = 40. On a donc u∗ |N = id . Si u est symplectique, cela entraîne u∗ = id (cf. (3.23)), ce qu’il fallait montrer. Il nous reste à montrer que F n’admet pas d’automorphisme non symplectique. On raisonne par l’absurde en utilisant un argument de la théorie des réseaux. Posons H := L/(N ⊕ T ) ⊂ AN ⊕ AT . Par un résultat de Nikulin [52, Prop. 1.5.1], on sait que les deux projections pN : H → AN et pT : H → AT sont injectives. On montre que l’existence d’un automorphisme non symplectique impose des conditions sur H telles que pT ne puisse pas être injectif, ce qui fournit la contradiction souhaitée. Supposons donc que u est un automorphisme non symplectique. Soit µs une racine s-ième de l’unité telle que u∗ σ = µs σ. Alors on a (u∗ )s σ = σ, de sorte que us est symplectique et donc l’identité par les remarques précédentes. Par un résultat de Beauville [9, Prop. 7], s − 1 divise rang(H 2 (F, Z)) − rang(N ) = 21, d’où l’on déduit s ∈ {2, 4, 8, 22}. En passant à une puissance de u, on peut donc supposer s = 2. Par (3.24), on a donc µ∗ |T = − id, de sorte que N est le réseau invariant sous CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 77 l’action de µs . Un résultat de Boissière, Nieper-Wisskirchen et Sarti [12, Lemma 5.3] dit alors qu’il existe un entier positif α tel que H ≃ (Z /2 Z)α . Comme AN ≃ Z /8 Z × Z /2 Z (cf. remarque 3.4.2.6) et comme la projection pN : H → AN est injective, on a α ∈ {1, 2}. D’autre part, la formule |H|2 = |AN ||AT ||AL |−1 donne 2|H|2 = 16|AT | et donc 2α = 23−α |AT |. Cela implique α = 2 et |AT | = 2. Mais c’est une contradiction au fait que la projection pT : H → AT est injective (cf. [52, Prop. 1.5.1]), d’où l’on déduit que F n’admet pas d’automorphisme non symplectique. On a donc Aut(F ) = id par l’injectivité de ψaut . Soit maintenant u : F 99K F un automorphisme birationnel. Si u∗ envoie une classe ample sur une classe ample, u est un automorphisme et donc l’identité. Sinon, comme une chambre nef est envoyée sur une chambre nef par u∗ , on a donc, si u 6= id, u∗ Nef 1 (F ) = fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) , u∗ fP∗ ∨ Nef 1 (F + ) = Nef 1 (F ). Autrement dit, u∗ doit agir par 2p + q 2p + 3q q 7 → q, − 7−→ 2p + 3q, 7−→ 2p + q, (3.26) (3.27) (3.28) ce qui entraînerait 2q 7→ 2p + 2q ((3.27) - (3.26)) et donc une contradiction avec (3.28). On en déduit Bir(F ) = Aut(F ) = {id}. 3.4.2.5 La face isotrope Pour finir, on montre que la face isotrope (cf. définition 3.2.3.2) Psef 2iso (F ) de Psef 2 (F ) est de dimension 3 pour une cubique générale contenant un plan. Proposition 3.4.2.22. Soit X une cubique générale contenant un plan P et soit P ∨ le plan dual dans la variété de Fano F de X. On a R+ [P ∨ ] + R+ s2 + R+ (q 2 − [P ∨ ]) + R+ p(2p + q) ⊂ Psef 2iso (F ), où les classes [P ∨ ], s2 , q 2 − [P ∨ ] et p(2p + q) sont effectives et engendrent un cône de dimension 3. La face isotrope est donc de dimension maximale. Démonstration. Par le lemme 3.4.1.2, on sait que s2 est une classe effective dans Psef 2iso (F ). De plus, il est clair que P ∨ est lagrangienne et que l’on a donc [P ∨ ] ∈ Psef 2iso (F ). Montrons que les classes p(2p+q) et (q 2 −[P ∨ ]) appartiennent également à Psef 2iso (F ) et qu’ils sont effectives. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 78 Rappelons que ρl = q − p est la classe duale de l dans N1Z (F ) (cf. remarque 3.4.2.9). Par des arguments de Hassett et Tschinkel [28, p. 1077], on a [P ∨ ] = 1 1 2 ρ + c2 (F ), 8 l 24 et comme c2 (F ) = 5s21 − 8s2 (cf. lemme 3.4.1.1), on obtient [P ∨ ] = 1 1 1 1 (q − p)2 + c2 (F ) = (p2 + q 2 + pq − s2 ). 8 24 3 2 (3.29) Rappelons que l’on a (cf. §3.2.3) ϕiso (p2 ) = qF (p) = −2, ϕiso (q 2 ) = qF (q) = 0, ϕiso (pq) = qF (p, q) = 4. (3.30) Comme Bl |DQ | = P ∨ (cf. lemme 3.4.2.14), la classe 1 3(q 2 − [P ∨ ]) = 2q 2 − p2 − pq + s2 2 est effective et grâce à (3.29) et (3.30), on vérifie qu’elle est dans la face isotrope de Psef 2 (F ). Comme 2p + q est un multiple du tiré en arrière d’une section hyperplane par la contraction contrc : F → F ′ , la classe de contr−1 c (C) est un multiple de p(2p+ q) (car N1Z (S) = Z), ce qui montre que p(2p + q) est effective. On a ϕiso (p(2p + q)) = qF (p, 2p+q) = 0 et donc p(2p+q) ∈ Psef 2iso (F ). Les trois classes s2 , [P ∨ ] et q 2 −[P ∨ ] sont évidemment linéairement indépendantes, ce qui achève la démonstration. Proposition 3.4.2.23. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F la variété de Fano de X. 1. Le rayon R+ [P ∨ ] est extrémal dans Eff 2 (F ) et [P ∨ ] est la seule surface dont la classe est dans ce rayon. 2. Le rayon R+ p(2p + q) est extrémal dans Eff 2 (F ) et les surfaces de classe dans ce rayon sont les surfaces dans DP obtenues comme tirées en arrière des courbes sur C ⊂ S sous la contraction contrc |DP : DP → S. Démonstration. Montrons d’abord que [P ∨ ] est extrémal dans Eff 2 (F ). Soit contrl : F → W la contraction extrémale qui contracte P∨ sur un point. Soient T et S des surfaces dans F et a, b ∈ R+ tels que [P ∨ ] = a[T ] + b[S]. Soit h une classe ample dans N1 (W ). Alors on a contr∗l (h2 ) · [P ∨ ] = 0 et donc aussi contr∗l (h2 ) · [T ] = contr∗l (h2 ) · [S] = 0, ce qui entraîne S = T = P ∨ . Avec un raisonnement analogue utilisant que l’on a N1Z (S) = Z, on montre que p(2p + q) est extrémal dans Eff 2 (F ) et que toute surface de classe dans R+ p(2p + q) s’obtient comme tirée en arrière d’une courbe C ⊂ S par contrc . Remarque 3.4.2.24. Je ne sais pas répondre à la question (plus naturelle) de savoir si ces rayons sont extrémaux dans Psef 2 (F ). 3.4.3 Cubiques contenant un scroll cubique Dans [29], Hassett et Tschinkel vérifient leurs conjectures pour une cubique générale contenant un scroll cubique, i.e., pour une cubique générale dans C12 (cf. §3.3.2.1). On rappelle d’abord les résultats principaux de [29] (proposition 3.4.3.1, théorèmes 3.4.3.2 et 3.4.3.3) et l’on complète ces résultats en montrant que l’on a (proposition 3.4.3.4 et corollaire 3.4.3.5) 2 Aut(F ) = {id} , Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i, 2. L’égalité Aut(F ) = {id} est mentionnée par Hassett et Tschinkel dans [29] sans démonstration. Je remercie Hassett pour nous avoir expliqué l’idée de la démonstration. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 79 où hιi ∗ hι∨ i est le groupe diédral infini engendré par deux involutions birationnelles ι et ι∨ de F . On finit en montrant que la face isotrope de Psef 2 (F ) est de dimension 3, c’est-à-dire de codimension 1 (proposition 3.4.3.6). 3.4.3.1 Les résultats de Hassett et Tschinkel Une caractérisation alternative d’une cubique générale dans C12 . Hassett et Tschinkel commencent en donnant une caractérisation alternative d’une cubique générale dans C12 comme une cubique admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale. Plus précisément, ils construisent un scroll cubique sur une telle cubique comme suit : soit X une cubique admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale. Alors Y ne contient aucun 2-plan et la variété F (Y ) paramétrant les droites dans Y est de dimension attendue 2 [29, Lemme 1]. Il existe un espace vectoriel V3 de dimension 3 et un espace vectoriel W5 ⊂ End(V3 ) de dimension 5 tels que (cf. [29, pp. 9-10, prop. 10]) Y = P(W5 ) ∩ M2 , où M2 ⊂ End(V3 ) est la variété déterminante paramètrant les endomorphismes de rang ≤ 2. Si l’on note W5⊥ le complément orthogonal de W5 dans End(V3 ) par rapport à l’accouplement de trace, la variété S := P(W5⊥ ) ∩ M2 est une surface cubique lisse. La variété F (Y ) est alors obtenue en recollant les deux plans P(V3 ), P(V3∨ ) et S convenablement par un morphisme de recollement (cf. [29, Prop. 16]) ν : P(V3 ) ⊔ S ⊔ P(V3∨ ) → F (Y ) qui donne un plongement fermé de chaque composante. Notons dans la suite S ′ := ν(S) P := ν(P(V3 )) P ∨ := ν(P(V3∨ )), de sorte que l’on a F (Y ) = P ∪ S ′ ∪ P ′ . Proposition 3.4.3.1 (Hassett-Tschinkel). Soit X une cubique admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale. Alors on a deux familles de scrolls cubiques dans Y ⊂ X, paramétrées par P(V3 ) et P(V3∨ ), en posant Tv := {y ∈ Y ⊂ P(End(V3 )) | v ∈ im(y)} pour v ∈ P(V3 ), resp. Tv∨ := {y ∈ Y ⊂ P(End(V3 )) | v ∨ (ker(y) = 0} pour v ∨ ∈ P(V3∨ ). Si l’on note [T ] (resp. [T ∨ ]) la classe de Tv (resp. Tv∨ ) dans N2 (X), on a [T ] + [T ∨ ] = 2h2 . Démonstration. [29, prop. 17]. La proposition 3.4.3.1 montre que les cubiques admettant une section hyperplane à six points doubles en position générale forment également un ouvert de Zariski dans C12 . CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 80 Deux flops de Mukai et le réseau N1Z (F ). Le point clé pour vérifier les conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un scroll cubique est le théorème suivant. Théorème 3.4.3.2 (Hassett, Tschinkel). Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane à six points doubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale contenant un scroll cubique) et soit F la variété de Fano de X. Alors on a deux involutions birationnelles ι, ι∨ : F 99K F qui sont définies comme suit : 1. on floppe P (resp. P ∨ ), ce qui donne une nouvelle variété symplectique F1 (resp. F1∨ ) ; 2. la transformée stricte S1 (resp. S1∨ ) de S ′ dans F1 (resp. F1∨ ) est un plan, et en floppant S1 (resp. S1∨ ), on obtient une variété symplectique F2 (resp. F2∨ ) ; 3. on construit un isomorphisme entre F2 (resp. F2∨ ) et F . On peut résumer la construction de ι dans le diagramme suivant ◦f ι=f P S1 e c a _ ] [ Y W T h j R ( fS1 n _l _ f_P _ _ _/ _ _ _ _ _ _ _/ F2 ≃ F _ F1 B F A AA v B | B | vv AA BB || vv AA BB | v | v β12 β01 B! A }|| zvv F01 F12 où fP et fS1 sont les flops et β01 et β12 les contractions de P et S1 , respectivement. Démonstration. [29, Thm. 24]. Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale contenant un scroll cubique). Notons τ := α([T ]) , τ ∨ := α([T ∨ ]) les images des classes des deux scrolls cubiques dans N1 (F ) sous l’application d’AbelJacobi (cf. (3.7)). Alors on a N1Z (F ) = Z τ + Z s1 par la proposition 3.3.2.4 et donc N1 (F ) = R τ + R s1 = R τ + R τ ∨ par la proposition 3.4.3.1. Dans la base (s1 , τ ) de N1Z (F ), la forme de Beauville est de matrice 6 6 , (3.31) 6 2 de sorte que N1Z (F ) est un réseau de discriminant 24. Le réseau N1Z (F ) ne représente pas −2, et les classes de carré −10 sont décrites comme suit : on a Aut(N1Z (F ), qF ) = {±1} × (hR1 i ∗ hR2 i) où les réflections orthogonales R1 et R2 agissent par R1 (s1 ) = s1 R2 (s1 ) = −s1 + τ R1 (τ ) = 2s1 − τ = τ ∨ R2 (τ ) = τ. (3.32) CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 81 On obtient toutes les classes −10 en posant ρ∨ 1 := 2τ − s1 ∨ ρ2 := 4τ − s1 ρ1 := 3s1 − 2τ ρ2 := 7s1 − 4τ et, pour j ≥ 3, ρj := R1 R2 (ρj−2 ) ∨ ρ∨ j := R2 R1 (ρj−2 ) . , ∨ Notons αi et α∨ i les classes orthogonales à ρi et ρi respectivement pour la forme de Beauville. Alors on a α∨ 1 := R1 (α1 ) = s1 + 3τ α∨ 2 := R2 R1 (α1 ) = 9τ − s1 α1 := 7s1 − 3τ α2 := R1 R2 (α∨ 1 ) = 17s1 − 9τ et, pour j ≥ 3, αj := R1 R2 (αj−2 ) ∨ α∨ j := R2 R1 (αj−2 ). , Description des cônes de classes positives. Le théorème suivant vérifie les conjectures de Hassett et Tschinkel (cf. §3.2.2). Théorème 3.4.3.3 (Hassett, Tschinkel). Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane à six points doubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale contenant un scroll cubique) et soit F la variété de Fano de X. Alors on a avec les notations du théorème 3.4.3.2 une suite de flops de Mukai . . . F2∨ 99K F1∨ 99K F0 = F 99K F1 99K F2 . . . , et des isomorphismes . . . F2∨ ≃ F0 ≃ F2 . . . et . . . F1∨ ≃ F1 . . . Les flops permettent des identifications · · · ≃ N1 (F2∨ ) ≃ N1 (F1∨ ) ≃ N1 (F0 ) ≃ N1 (F1 ) ≃ N1 (F2 ) ≃ . . . Avec ces identifications, on a, pour i ≥ 1, + ∨ Nef 1 (Fi∨ ) = R+ α∨ i+1 + R αi , Nef 1 (Fi ) = R+ αi + R+ αi+1 et donc 1 Psef 1 (F ) = Nefbir (F ) = Nef 1 (F ) ∪ [ i≥1 = R+ (s1 − (3 − Nef 1 (Fi ) ∪ [ Nef 1 (Fi∨ ) i≥1 √ √ 6)τ ) + R+ ((3 + 6)τ − s1 ). La contraction associée au flop fP (resp. au flop fP ∨ ) qui contracte le plan P (resp. le plan P ∨ ) est extrémale et l’on a Psef 1 (F ) = R+ λ1 + R+ λ∨ 1 ∨ où λ1 (resp. λ∨ 1 ) est une droite dans P (resp. dans P ). Démonstration. [29, Prop. 29, Prop. 30, Thm. 31]. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.3.2 82 Automorphismes de F On détermine le groupe d’automorphismes (birationnels) de F . On remercie Hassett de nous avoir communiqué l’idée de la démonstration de la proposition suivante, énoncée dans [29] sans démonstration. Proposition 3.4.3.4. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique lisse et soit F la variété de Fano de X. Alors on a Aut(F ) = {id}. Démonstration. Soit u ∈ Aut(F ). On montre (comme dans la démonstration de la proposition 3.4.2.21) que l’on doit avoir u∗ = id, ce qui entraîne u = id par l’injectivité de ψaut (cf. théorème 3.4.2.19). Pour faciliter les notations, on pose pour la suite N := NZ1 (F ) , L := H 2 (F, Z) , T := T (F ) et H := L/(N ⊕ T ) ⊂ AN ⊕ AT . Rappelons que les projections pN : H → AN et pT : H → AT sont injectives [52, Prop. 1.5.1]. Par des résultats classiques de Nikulin [52], on obtient des restrictions sur u∗ en étudiant l’action induite sur H. Déterminons donc d’abord la structure de H. Comme la projection pN : H → AN est injective, on obtient une première restriction sur la structure de H si l’on connaît AN . Dans la base (s1 , s1 − τ ) de N , la forme bilináire qF restreinte à N est donnée par (cf. (3.31)) 6 0 . 0 −4 ∨ ∨ Notons (s∨ 1 , h ) la base duale de N telle que, sous le plongement canonique N → ∨ N , on a s1 7→ 6s∨ h 7→ −4h∨ 1 et ∨ ∨ AN ≃ hs∨ 1 i × hh i ≃ Z /6 Z × Z /4 Z, ∨ ∨ où l’on note s∨ 1 et h les classes de s1 et h dans AN . La relation |H|2 = |AN ||AT ||AL |−1 donne 2|H|2 = 24|AT | ; comme |AT | ∈ 2 Z et comme la projection pN : H → AN est injective, cela entraîne que l’on a un des deux cas suivants : 1. |H| = 24 et |AT | = 48, 2. |H| = 12 et |AT | = 12. Dans le premier cas, il est clair que l’on a pN (H) = AN . Dans le deuxième cas, on montre que l’on a ∨ pN (H) = h2s∨ 1 i × hh i ≃ Z /3 Z × Z /4 Z, ce qui revient à montrer que la projection pN ∨ H −→ AN −→ hh i ≃ Z /4 Z CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 83 est surjective. On raisonne par l’absurde. Supposons donc que l’on a pN (H) = ∨ ∨ ∨ hs∨ 1 i × h2h i. Par rapport aux générateurs s1 et h , la forme discriminante qAN (cf. définition 3.4.2.20) est donnée par la matrice 1 0 12 . 0 − 81 ∨ Comme pN (H) est engendré par s∨ 1 et 2h et comme H est un sous-groupe isotrope de AN ⊕ AT sous qAT ⊕ qAN [52, Prop. 1.4.1], on a 1 0 − 12 . qAN |pN (H) = −qAT = 0 21 Comme T est de signature (2, 19), on vérifie avec la formule de Milgram (cf. [47, Appendix 4]) qu’un tel réseau n’existe pas. On a donc montré que l’on a soit ∨ pN (H) = h2s∨ 1 i × hh i ≃ Z /3 Z × Z /4 Z, (3.33) ∨ (3.34) soit pN (H) = hs∨ 1 i × hh i ≃ Z /6 Z × Z /4 Z . Ce résultat préliminaire nous permet maintenant d’étudier l’action de u∗ sur L. Supposons d’abord que u est symplectique, de sorte que l’on a (cf. (3.23)) u∗ |T = id . Comme u∗ |N doit préserver le cône Nef 1 (F ) et envoyer un rayon extrémal sur un rayon extrémal, u∗ 6= id implique u∗ |N = R1 (cf. §3.4.3.1). Par un résultat de Nikulin [52, Corol. 1.5.2], l’automorphisme (R1 , id) de N ⊕ T s’étend à un autmorphisme de L si et seulement si R1 |pN (H) = id, (3.35) où l’on note R1 l’automorphisme de AN induit par R1 . On vérifie que R1 agit par (cf. (3.32)) as1 + b(s1 − τ ) 7−→ as1 − b(s1 − τ ). (3.36) Par (3.33) et (3.34) on a donc R1 |pN (H) 6= id, de sorte que l’automorphisme (R1 , idT ) de N ⊕ T ne s’obtient pas comme restriction d’un automorphisme u∗ ∈ Aut(L) ; on en déduit u∗ = id. Soit maintenant u un automorphisme non symplectique et supposons que l’on a u∗ σ = µs σ, où µs est une racine s-ième de l’unité. Alors us est symplectique et donc l’identité par les remarques précédentes. On peut supposer que u est d’ordre s, où s est un nombre premier. Comme s − 1 divise rang(H 2 (F, Z)) − rang(N ) = 21 (cf. [9, Prop. 7]), on a s ∈ {2, 4, 8, 22}. En passant à une puissance de u, on peut donc supposer s = 2, de sorte que u∗ |T = − id par (3.24). Comme l’automorphisme (− idN , id) (resp. (− idN , R1 )) de N ⊕T s’étend à un automorphisme de L si et seulement si [52, Cor. 1.5.2] − idpN (H) = id (resp. R1 |pN (H) = − id), on obtient une contradiction par (3.33), (3.34) et (3.36). On a donc montré que l’unique automorphisme de F est l’identité. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 84 Corollaire 3.4.3.5. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique et soit F la variété de Fano de X. Avec les notations du théorème 3.4.3.3, on a Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i. Démonstration. Remarquons d’abord que l’application ψbir : Bir(F ) → Aut(H 2 (F, Z), qF ) est injective, car u∗ = id entraîne que u est un isomorphisme et donc l’identité par la proposition 3.4.3.4. Il suffit ainsi de montrer que l’on a ψbir (Bir(F )) = hι∗ i ∗ hι∨∗ i. Notons B ⊂ Bir(F ) le groupe engendré par ι et ι∨ . Comme ι∗ agit par R1 R2 R1 et ι∨∗ par R2 , on a ψbir (B) = hι∗ i ∗ hι∨∗ i. Il reste à montrer que l’on a f ∗ ∈ hι∗ i ∗ hι∨∗ i pour tout f ∈ Bir(F ). On détermine d’abord des conditions nécessaires pour l’action de f ∗ sur N1Z (F ) et ensuite, on montre que tout automorphisme de N1Z (F ) satisfaisant à ces conditions appartient à hι∗ i ∗ hι∨∗ i. Soit f ∈ Bir(F ). Par [45, Lemma 5.11], f ∗ Nef 1 (F ) correspond à une chambre Nef(Fi ) (ou Nef(Fi∨ )) avec Fi ≃ F (ou Fi∨ ≃ F ). Montrons que l’on doit avoir i = 2k : comme toutes les Fi (resp. Fi∨ ) sont isomorphes pour i impair, il suffit de montrer que F n’est pas isomorphe à F1 . S’il existe un tel isomorphisme ϕ : F1 → F , on obtient un automorphisme birationnel ϕ ◦ fP : F 99K F et l’on a (ϕ ◦ fP )∗ Nef(F ) = fP∗ Nef(F1 ). L’action de (ϕ ◦ fP )∗ doit donc satisfaire α2 7→ α1 α1 7→ α∨ 1 α2 7→ α∨ 1 α1 7→ α1 . ou Dans le premier cas, la condition α2 7→ α1 implique (ϕ ◦ f )∗ = ι∗ , ce qui n’est pas compatible avec la condition α1 7→ α∨ 1 . Avec un argument analogue, on voit que le deuxième cas n’est pas possible non plus, de sorte que f ∈ Bir(F ) entraîne f ∗ Nef 1 (F ) = Nef(Fi ) (ou Nef(Fi∨ )) pour un entier pair i. Comme il y a un unique rk (resp. rk∨ ) dans Aut(N1Z , qF ) qui envoie Nef 1 (F ) sur Nef 1 (F2k ) = R+ α2k + R+ α2k+1 + ∨ ∨ (resp. sur Nef 1 (F2k ) = R+ α∨ 2k +R α2k+1 ), il suffit de montrer que tout tel rk (resp. rk∨ ) appartient à hι∗ i ∗ hι∨∗ i. Le calcul suivant vérifie que c’est le cas : ( ( (ι∨∗ ι∗ )l α1 si k = 2l (ι∨∗ ι∗ )l α∨ si k = 2l 1 α2k = , α = , 2k+1 ∨∗ ∗ l ∨∗ ∨ ∨∗ ∗ l ∨∗ (ι ι ) ι α1 si k = 2l + 1 (ι ι ) ι α1 si k = 2l + 1 ( ( ∗ ∨∗ l ∨ (ι ι ) α si k = 2l (ι∗ ι∨∗ )l α1 si k = 2l 1 ∨ α∨ , α = . 2k = 2k+1 (ι∗ ι∨∗ )l+1 α1 si k = 2l + 1 (ι∗ ι∨∗ )l+1 α∨ si k = 2l + 1 1 On a donc montré ψbir (B) = ψbir (Bir(F )) = hι∗ i ∗ hι∨∗ i, d’où par l’injectivité de ψbir . Bir(F ) = hιi ∗ hι∨ i CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.3.3 85 La face isotrope On montre que la face isotrope est de dimension 3. Proposition 3.4.3.6. Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale (ou contenant un scroll cubique) et soit F la variété de Fano de X et soit F (Y ) la variété de Fano de Y . Si l’on écrit F (Y ) = P ∪ S ′ ∪ P ∨ , où P et P ′ sont des 2-plans, les classes [S ′ ], [P ] et [P ∨ ] sont linéairement indépendantes dans N2 (F ) et l’on a R+ [S ′ ] + R+ [P ] + R+ [P ∨ ] ⊂ Psef 2iso (F ). Démonstration. Comme [F (Y )] = s2 est une classe isotrope ainsi que [P ] et [P ∨ ], il est clair que l’on a R+ [S ′ ] + R+ [P ] + R+ [P ∨ ] ⊂ Psef 2iso (F ). Montrons que ces classes sont linérairement indépendantes. Comme α1 (resp. α∨ 1) correspond à la petite contraction de [P ] (resp. de [P ∨ ]), on a [P ] · α1 = [P ∨ ] · α∨ 1 = 0 ∨ dans N3 (F ). D’autre part, on a [P ] · α∨ 1 6= 0 et [P ] · α1 6= 0, ce qui entraîne que 2 ∨ [P ] et [P ] sont libres dans N (F ). Supposons qu’il existe des réels α et β tels que [S ′ ] = α[P ] + β[P ∨ ]. Comme [S ′ ] + [P ] + [P ∨ ] = [F (Y )] = s2 cela entraîne s2 · α1 α∨ 1 = 0. En utilisant le lemme 3.4.1.1, la remarque 3.3.2.6 et (3.31), on obtient d’autre part 2 ∨ 8s2 · α1 α∨ 1 = (5s1 − c2 (F )) · α1 α1 ∨ ∨ = 5qF (s1 , s1 )qF (α1 , α∨ 1 ) + 10qF (s1 , α1 )qF (s1 , α1 ) − 30qF (α1 , α1 ) = 10qF (s1 , α1 )qF (s1 , α∨ 1) = 10 · 242 6= 0 et donc une contradiction. On en déduit que les classes [P ], [P ∨ ], [S ′ ] sont linéairement indépendantes dans N2 (F ), ce qui fournit le résultat souhaité. Proposition 3.4.3.7. Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six points doubles en position générale (ou contenant un scroll cubique), et soit F la variété de Fano de X. Avec les notations de la proposition précédente, les classes [P ] et [P ∨ ] sont extrémales dans Eff 2 (F ), et P resp. P ∨ sont les seules surfaces dans F de classe dans R+ [P ] resp. R+ [P ∨ ]. Démonstration. Comme la démonstration de la proposition 3.4.2.23. 3.4.4 Cubiques pfaffiennes Le but de cette section est d’étudier la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale, i.e. d’une cubique générale dans C14 . Par le théorème 3.3.2.2, une telle variété de Fano est isomorphe à un schéma de Hilbert S [2] d’une surface K3 générale de degré 14 générale. On rappelle donc d’abord quelques propriétés générales du schéma de Hilbert S [2] et ensuite on regarde le cas particulier où S [2] est isomorphe à la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.4.1 86 Le schéma de Hilbert S [2] Soit S une surface K3 et soit S (2) le produit symétrique de S, obtenu comme quotient de S × S par l’action du groupe qui permute les deux facteurs. Notons pr : S × S → S (2) la projection naturelle et p1 , p2 : S × S → S les projections sur chacun des deux facteurs. Soit S [2] le schéma de Hilbert paramétrant les sousschémas de longueur 2 dans S. On a un morphisme birationnel π : S [2] → S (2) qui est l’éclatement de S (2) au-dessus de la diagonale ∆. Notons E le diviseur exceptionnel correspondant sur S [2] . On résume cette construction dans le diagramme suivant : S [2] π pr S × SE EE p yy EE 2 y y EE y y EE y " |yy / S (2) p1 S S On obtient une injection de réseaux i : (H 2 (S, Z), qS ) −→ (H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) comme suit : pour α ∈ H 2 (S, C), il existe un unique β ∈ H 2 (S (2) , C) tel que pr∗ β = p∗1 α + p∗2 α. On pose i(α) := π ∗ β. Le morphisme i est compatible avec la décomposition de Hodge et il existe δ ∈ H 2 (S [2] , Z) tel que [E] = 2δ et (H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) ≃ (H 2 (S, Z), qS ) ⊕⊥ Z δ. La forme de Beauville est alors donnée par qS [2] (i(α), i(α)) = α2 , qS [2] (δ, δ) = −2 , qS [2] (α, δ) = 0 (3.37) pour tout α ∈ H 2 (S, C). Si (S, h) est une surface K3 polarisée générale, on a donc N1Z (S [2] ) = Z h ⊕⊥ Z δ. Soit l ∈ N1 (S [2] ) la classe d’une fibre de π au-dessus de ∆. Alors on a δ · l = −1 , h · l = 0, et donc 2l · α = qS [2] (α, δ) pour tout α ∈ N1 (S [2] ), i.e., ρl = δ (cf. (3.5)). Cela vérifie les conjectures de Hassett et Tschinkel pour un des deux rayons extrémaux du cône • Psef 1 (S [2] ) : on a qS [2] (δ, δ) = −2 et δ est extrémal dans Psef 1 (S [2] ) ; • Psef 1 (S [2] ) : la classe l est extrémale dans Psef 1 (S [2] ) et sa classe duale ρl = δ est une classe de carré −2 ; les courbes rationnelles représentant l sont paramétrées par ∆ ≃ S et la contraction extrémale de l est définie par les sections de OS [2] (mh) pour m ≫ 0 ; • Nef 1 (S [2] ) : on a h · l = 0, de sorte que h est extrémal dans Nef 1 (S [2] ). Remarque 3.4.4.1. Si S est une surface K3 de degré d générale, on a N2 (S [2] ) = hS2 N1 (S [2] ), c2 (S [2] )i. Pour d = 2(n2 + n + 1), cela découle de la proposition 3.3.2.4 et du théorème 3.3.2.2. Pour le cas général, on utilise que le groupe de Hodge de S [2] est connu [72], ce qui permet d’obtenir le résultat en faisant un calcul d’invariants. CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.4.2 87 L’isomorphisme de Beauville et Donagi Soit maintenant X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété de Fano de X. Rappelons d’abord la construction de l’isomorphisme S [2] → F de Beauville et Donagi. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 et soit W9 un sousespace linéaire, de dimension 9 dans ∧2 V6 . Si l’on choisit W9 suffisamment général, S := G(2, V6 ) ∩ P(W9 ) ⊂ P(∧2 V6 ) est une surface K3 générale de degré 14 dans P8 et X := {2-formes dégénérées} ∩ P(W9⊥ ) ⊂ P(W9⊥ ) ⊂ P(∧2 V6∨ ) est une cubique lisse dans P5 . Si l’on note F la variété de Fano de X, l’isomorphisme S [2] → F de Beauville et Donagi est donné par r : S [2] −→ F ⊂ G(2, W9⊥ ) ⊂ G(2, ∧2 V6∨ ) P + Q 7−→ W9∨ ∩ ∧2 (P + Q)⊥ . Le lemme suivant exprime la classe s1 ∈ N1 (F ) en fonction de h et δ. Lemme 3.4.4.2 (Beauville,Donagi). Soit X une cubique pfaffienne générale et soit h la classe d’une section hyperplane de X. Avec les notations ci-dessus, on a r∗ s1 = 2h − 5δ dans N1 (S [2] ). Démonstration. Soit H un hyperplan de Plücker défini par W4 ⊂ W9⊥ . On veut r(P + Q) ∩ W4 6= ∅. Par dualité, c’est équivalent à ∧2 (P + Q) + W4⊥ 6= ∧2 V6 , (3.38) où W9 ⊂ W4⊥ ⊂ ∧2 V6 . Les espaces ∧2 (P + Q) et W4⊥ contiennent chacun ∧2 P et ∧2 Q, de sorte que (3.38) est équivalent à la condition de Plücker (P + Q) + W4⊥ 6= ∧2 V6 . Comme det(P ∧ Q) = det(P )2 det(Q)2 , on peut écrire [r∗ (H)] = 2h − bδ pour un b ∈ Z. Comme qF (s1 , s1 ) = 6 et h2 = deg(S) = 14, on a 28 − b2 = 3 et b = ±5. L’intersection avec une droite du réglage ∆ est b et donc b est positif et b=5: r∗ [H] = 2h − 5δ. Remarque 3.4.4.3. Soit l une fibre de la projection π : S [2] → S (2) . Alors on a (2h − 5δ) · l = 5, de sorte que l paramètre le réglage d’un scroll quintique T5 dans X. 3.4.4.3 Classes nefs et classes de courbes Etudions maintenant les cônes de classes positives en codimension 1 et 3 sur S [2] ≃ F . La cubique X contient [25, §4.1.3], [11, Rem. 1] : • une famille de scrolls quartiques T4 , paramétrée par S et CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 88 • une famille de scrolls quintiques T5 , également paramétrée par S (cf. remarque 3.4.4.3). Notons R4 ∈ N1 (S [2] ) (resp. R5 ∈ N1 (S [2] )) la classe d’une courbe rationnelle lisse, paramétrant un réglage de T4 (resp. de T5 ) (où l’on identifie S [2] avec la variété de Fano F de X). Alors on a [27, p. 21, Ex. 7.10] • q̃S [2] (R4 , R4 ) = −2 et ρR4 = 3h − 8δ, i.e. ∀η ∈ N1 (S [2] ) R4 · η = qS [2] (3h − 8δ, η); • q̃S [2] (R5 , R5 ) = − 12 et ρR5 = δ, i.e., ∀η ∈ N1 (S [2] ) 2R5 · η = qS [2] (δ, η). Remarque 3.4.4.4. On a Enod (S [2] ) = {R4 , R5 } (cf. définition 3.2.2.8) ; le réseau N1Z (S [2] ) ne représente pas −10. Proposition 3.4.4.5. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a Nef 1 (S [2] ) = R+ (8h − 21δ) + R+ h, Psef 1 (S [2] ) = R+ R4 + R+ R5 . Démonstration. Comme l’inclusion R+ (8h − 21δ) + R+ h ⊂ Nef 1 (S [2] ) est connue (cf. remarque 3.2.2.11), il reste à vérifier que les deux rayons R+ (8h − 21δ) et R+ h sont extrémaux dans Nef 1 (S [2] ). Mais cela découle du fait que l’on a R4 · (8h − 21δ) = qS [2] (3h − 8δ, 8h − 21δ) = 0 et 2R5 · h = qS [2] (δ, h) = 0. Remarque 3.4.4.6. Il découle de la remarque 3.4.4.4 que la proposition 3.4.4.5 vérifie les conjectures 3.2.2.7 et 3.2.2.10 de Hassett et Tschinkel. Remarque 3.4.4.7. Avec la notation du paragraphe §3.4.4.1, R5 est la classe d’une fibre de la contraction S [2] → S (2) . 3.4.4.4 Classes pseudoeffectives et géométrie birationnelle Proposition 3.4.4.8. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a Psef 1 (S [2] ) = R+ (3h − 8δ) + R+ δ. Démonstration. Par un résultat de Markman, on a (cf. remarque 3.2.2.3) Psef 1 (S [2] ) ⊂ R+ (3h − 8δ) + R+ δ. Comme δ est effectif (cf. §3.4.4.1), il reste à montrer que 3h−8δ est pseudoeffectif. On construit un diviseur de classe un multiple de 3h − 8δ. Par la remarque 3.3.2.6, on a (8h − 21δ)4 = 3qS [2] (8h − 21δ, 8h − 21δ)2 = 3 · 14 > 0, de sorte la classe (8h − 21δ) est big et nef par la proposition 3.4.4.5. Le « basepointfree theorem » [37, Thm. 3.3] entraîne alors que les sections globales du fibré en droites OS [2] (m(8h − 21δ) définissent un morphisme génériquement fini ϕm(8h−21δ) : S [2] → P H 0 (S [2] , OS [2] (m(8h − 21δ))) CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 89 si l’on choisit m suffisamment grand. Comme R4 · (8h − 21δ) = 0, toutes les courbes de classe R4 sont contractées par ϕm(8h−21δ) . Si l’on note contr S [2] −−−−−→ Z −−−−−→ P H 0 (S [2] , OS [2] (m(8h − 21δ))) la factorisation de Stein, contr est une contraction au sens de la définition 3.2.2.5. Il y a deux possibilités : soit contr est divisorielle, soit contr est petite et contracte localement un P2 sur un point [71, Thm. 1.1] (cf. §3.2.2). Supposons d’abord que la contraction est petite, de sorte qu’elle contracte (au moins) un P2 . La classe duale ρl ∈ N1 (S [2] ) d’une droite l dans ce P2 est alors une classe primitive avec qS [2] (ρl , ρl ) = −10 (cf. la démonstration de [28, Thm. 21]). Comme −10 n’est pas représenté par le réseau (H 2 (S [2] , Z), qS [2] ) (cf. remarque 3.4.4.4), on obtient une contradiction. Supposons donc que la contraction est divisorielle et notons D le diviseur contracté. Ecrivons [D] = ah + bδ avec a, b ∈ Z. Par la remarque 3.3.2.6, on a 0 = [D] · (8h − 21δ)3 = 3qS [2] (ah + bδ, 8h − 21δ)qS [2] (8h − 21δ, 8h − 21δ) = 3 · ((112a + 42b) · 3 · 14), ce qui est équivalente à 3b = −8a. On en déduit que [D] est un multiple de 3h − 8δ ce qui entraîne le résultat souhaité. Corollaire 3.4.4.9. Soit S une surface K3 générale de degré 14. 1. Il existe une contraction extrémale contrR4 : S [2] → Y4 qui contracte les courbes de classe dans R+ R4 sur S ⊂ Y4 . Le lieu exceptionnel est un diviseur E4 de classe 3h − 8δ et contrR4 |E4 : E4 → S est un fibration en courbes rationnelles lisses de degré 4 par rapport à la polarisation 2h − 5δ. 2. La contraction extrémale contrR5 : S [2] → S (2) contracte les courbes de classe dans R+ R5 sur la diagonale ∆ ≃ S ⊂ S (2) . Le diviseur exceptionnel E5 est de classe 2δ et contrR5 |E5 : E5 → S est un fibration en courbes rationnelles lisses de degré 5 par rapport à la polarisation 2h − 5δ. Démonstration. Pour le rayon R+ R5 , c’est juste un résumé des discussions précédentes (cf. §3.4.4.1 et la remarque 3.4.4.7). Regardons donc le rayon R+ R4 . La contraction construite dans la démonstration de la proposition 3.4.4.8 est une contraction extrémale divisorielle au sens de la définition 3.2.2.6 et l’on a un des deux cas suivants (cf. §3.2.2) • contrR4 est de type A2 et donc E4 · R4 = −1 ; • contrR4 est de type A1 et donc E4 · R4 = −2. Comme E4 est de classe un multiple de (3h − 8δ) et (3h − 8δ) · R4 = qS [2] (3h − 8δ, 3h − 8δ) = −2, on doit avoir E4 · R4 = −2 (cf. §3.2.2), d’où le résultat. Remarque 3.4.4.10. Il découle de la remarque 3.4.4.4 que la proposition 3.4.4.8 et le corollaire 3.4.4.9 vérifient les conjectures 3.2.2.2 et 3.2.2.9 de Hassett et Tschinkel. 1 Remarque 3.4.4.11. Comme Nefbir (S [2] ) est le dual de Psef 1 (S [2] ) par rapport à la forme de Beauville [13, Prop. 4.4], on a 1 Nefbir (S [2] ) = Nef 1 (S [2] ). CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 3.4.4.5 90 La face isotrope On montre que la face isotrope est de dimension 3. Proposition 3.4.4.12. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a R+ hδ + R+ s2 + R+ (3h − 8δ)(8h − 21δ) ⊂ Psef 2iso (S [2] ) et les classes hδ, s2 et (3h − 8δ)(8h − 21δ) sont linéairement indépendantes. Démonstration. Comme d’habitude, la classe s2 est lagrangienne. Notons contrR5 : S [2] → S (2) (resp. contrR4 : S [2] → Y ) la contraction extrémale du rayon R+ R5 (resp. R+ R4 ). Si C est une courbe dans ∆ ⊂ S (2) , la surface contr−1 R5 (C) est de classe un multiple de E · h = 2hδ. Par §3.2.3 et (3.37), on a ϕiso (hδ) = qS [2] (h, δ) = 0, d’où l’on déduit que contr−1 R5 (C) est lagrangienne. Avec un raisonnement analogue, en remplacant R4 par R5 , on voit que la classe (3h − 8δ)(8h − 21δ) est également lagrangienne. En utilisant le lemme 3.4.1.1 et le lemme 3.4.4.2, on vérifie que ces trois classes sont linéairement indépendantes dans N2 (S [2] ). Pour la proposition suivante, on reprend les notations du corollaire 3.4.4.9. Proposition 3.4.4.13. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors 1. Le rayon R+ ((3h − 8δ) · (8h − 21δ)) est extrémal dans Eff 2 (F ) et les surfaces de classe dans ce rayon sont les surfaces dans E4 obtenues comme tirées en arrière des courbes C ⊂ S spar la contraction contrR4 |E4 : E4 → S. 2. Le rayon R+ hδ est extrémal dans Eff 2 (F ) et les surfaces de classe dans ce rayon sont les surfaces dans E5 obtenues comme tirées en arrière des courbes C ⊂ S par la contraction contrR5 |E5 : E5 → S. Démonstration. Comme la démonstration de la proposition 3.4.2.23. 4. Produit d’une courbe 4.1 Introduction Soit X une courbe irréductible de genre g ≥ 2, très générale, ou une courbe hyperelliptique de genre g ≥ 2, très générale. Notons pi : X × X → X, i ∈ {1, 2}, les deux projections, xi ∈ N1 (X × X) la classe d’une fibre de pi et ∆ ∈ N1 (X × X) la classe de la diagonale. La famille {x1 , x2 , ∆} forme une base du R-espace vectoriel N1 (X × X) (cf. lemme 4.2.0.2) et la classe x := x1 + x2 est ample. Notre résultat principal (proposition 4.1.2.1) est la construction de nouvelles classes nefs dans N1 (X × X) en suivant une méthode de Vojta [68]. On explique d’abord ce à quoi l’on s’attend pour les cônes de classes positives selon une question de Kollár (§4.1.1) et comment la méthode de Vojta permet de construire des nouvelles classes nefs dans N1 (X × X) (§4.1.2). Dans les sections §4.2 et §4.3, on donne un aperçu de ce qui est connu concernant l’étude des classes positives dans N1 (X ×X) et dans la dernière section on construit enfin des nouvelles classe nefs en appliquant la méthode de Vojta (§4.4). 4.1.1 Une question de Kollár Avant d’expliquer la méthode de Vojta, on rappelle une question de Kollár concernant la structure de Psef(X × X) (resp. de Nef(X × X)). Par Riemann-Roch, toute classe c ∈ N1 (X × X) telle que c2 > 0 et c · x > 0 est effective (cf. [38, Lemme 4]). Autrement dit, le cône Psef(X × X) contient un des deux cônes définis par c2 ≥ 0. Si ce cône est strictement contenu dans Psef(X × X), il existe un rayon extrémal r ∈ Psef(X × X) tel que r2 < 0. Comme un tel rayon r est engendré par la classe d’une courbe irréductible C (cf. [16, Lemme 6.2]), on est ramené à déterminer les courbes irréductibles d’autointersection négative. Autrement dit, une classe c est nef si et seulement si c2 ≥ 0, c · x ≥ 0 et si c · α ≥ 0 pour toute classe effective α d’autointersection négative. Rappelons quelles classes d’autointersection négative sont connues. • On a ∆2 = 2 − 2g < 0 (cf. lemme 4.2.0.3), de sorte que ∆ engendre un rayon extrémal dans Psef(X × X). • Si X est hyperelliptique, l’involution hyperelliptique sur X induit une involution ι sur N1 (X × X), et l’on a ι(∆) = 2x − ∆, de sorte que 2x − ∆ engendre un autre rayon extrémal d’autointersection négative. • Enfin, si g = 3, la classe ce = 8x − 3∆ est effective d’autointersection négative (cf. la démonstration de 2) de la proposition 4.3.2.1). Question 4.1.1.1 (Kollár). 1. Soit X une courbe très générale de genre ≥ 4. Est-ce que la diagonale ∆ est la seule courbe d’autointersection négative ? C’est équivalent à demander si le cône Nef(X × X) est déterminé par les inéquations c2 ≥ 0 , c · x ≥ 0 , c · ∆ ≥ 0. 91 CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 92 2. Soit X une courbe hyperelliptique très générale de genre ≥ 2. Est-ce que ∆ et 2x − ∆ sont les seules classes effectives d’autointersection négative ? C’est équivalent à demander si le cône Nef(X ×X) est déterminé par les inéquations c2 ≥ 0 , c·x≥0 , c·∆≥ 0 , c · (2x − ∆) ≥ 0. 3. Soit X une courbe très générale de genre 3. Est-ce que ∆ et 8x − 3∆ sont les seules classes effectives d’autointersection négative ? Autrement dit, on se demande si le cône Nef(X × X) est déterminé par les inéquations c2 ≥ 0 , c·x ≥0 , c·∆ ≥0 , c · (8x − 3∆) ≥ 0. La question semble difficile car il est déjà difficile de déterminer l’intersection de Nef(X × X) (resp. Psef(X × X)) avec le plan H := hx, ∆i des classes symétriques, ce qui a été l’objet des travaux de Kouvidakis [38], Bastianelli [6], Ross [58] et Jiang [34]. Alors qu’on sait qu’un des deux rayons extrémaux de Nef(X × X) ∩ H est engendré par (g − 1)x + ∆, l’autre rayon extrémal n’est connu que lorsque X est hyperelliptique, g = 3, ou g est un carré parfait (cf. §4.3.2 pour les résultats connus détaillés). 4.1.2 La méthode de Vojta La méthode de Vojta [68, Prop. 1.5] pour construire des classes nefs dans N1 (X × X) est la suivante : posons ∆′ := ∆ − x, de sorte que ∆′ · x1 = ∆′ · x2 = 0 (cf. lemme 4.2.0.3). L’involution σ sur X × X qui permute les deux facteurs induit une involution σ ∗ sur N1 (X × X) qui permute x1 et x2 et laisse ∆ invariant. Le cône des classes pseudoeffectives (resp. nefs) est invariant sous cette action, de sorte qu’il suffit d’étudier l’intersection de ces cônes avec le demi-espace H+ := {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ | d2 ≥ d1 }. Suppsons qu’il existe un entier positif d et des classes effectives c1 , . . . , ck d’autointersection négative telles que toute classe c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ représentée par une courbe irréductible satisfasse une des trois conditions suivantes (cf. lemme 4.4.1.1) : • la classe c et proportionnelle à une classe ci ; • la classe c est d’autointersection positive ; • on a d1 ≥ d. Alors, Vojta remarque que Psef + (X × X) := Psef(X × X) ∩ H+ est contenu dans l’enveloppe convexe de 1 Cd := {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ | d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d21 ≥ 0} d et {c1 , . . . , ck } (cf. lemme 4.4.1.1). Comme α ∈ Nef(X × X) ∩ H+ si et seulement si α · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef + (X × X) (cf. lemme 4.4.3.2), on en déduit que toute classe α dans H+ satisfaisant ∀i ∈ {1, . . . , k} α · ci ≥ 0 et α ∈ Cd∨ est nef, où l’on note Cd∨ le dual de Cd par rapport au produit d’intersection. Si c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ est la classe d’une courbe irréductible C et si c 6= x1 , on a d1 = deg(p1 |C ) ≥ 1 et donc Psef + (X × X) ⊂ C1 . Par les arguments précédents, on voit ainsi que toute classe dans C1∨ est nef, ce qui est le résultat de Vojta [68, Prop. 1.5]. La proposition suivante (cf. corollaire 4.1.2.1) fournit une légère amélioration de ce résultat alors que la question de Kollár reste ouverte en général. CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 93 Proposition 4.1.2.1. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. 1. Lorsque X est une courbe hyperelliptique très générale, Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de ∆, 2x − ∆ et C2 . 2. Si g = 3, Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C2 . 3. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 5, Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C2 . 4. Si g ≥ 4 et g est un carré parfait, Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C3 . On obtient par exemple l’image suivante pour une courbe très générale de genre 2, où les classes dans la région en gris foncé sont nefs et le cône nef est contenu dans la région en gris clair (cf. §4.4.4 pour des figures pour g = 3, 4, 5.). c2 = 0 x1 x i2d ∆⊥ ∆ Figure 4.1 – Cône nef pour g = 2 CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 4.2 94 Préliminaires Soit Z une variété algébrique projective lisse. On note Pic(Z) le groupe de Picard de Z et Pic0 (Z) le sous-grupe des classes algébriquement équivalentes à 0. Le groupe de Néron-Severi est défini par NS(Z) := Pic(Z)/ Pic0 (Z), i.e., il paramètre les classes d’équivalence algébrique. Le R-espace vectoriel N1 (Z) := NS(Z) ⊗ R paramètre les classes d’équivalence numérique de R-diviseurs sur Z (cf. [36, p.122]) 1 . Soit désormais X une courbe de genre g ≥ 2 très générale ou une courbe hyperelliptique de genre g ≥ 2 très générale. Notons JX la jacobienne de X et soit u : X × X → JX (x, y) 7→ [OX (x + y − 2q0 )] l’application d’Abel-Jacobi pour un point de base q0 ∈ X fixé. Notons pi : X × X → X les deux projections pour i ∈ {1, 2}. Dans N1 (X × X), on a les classes x1 := [p−1 1 ({pt.})] , x2 := [p2−1 ({pt.})] , θ := u∗ Θ, où Θ est la polarisation canonique de JX. Pour faciliter les notations dans la suite, on pose de plus x := x1 + x2 . La classe ∆ de la diagonale dans X × X est alors donnée par (cf. §4.3.1, équation (4.2)) ∆ = −θ + (g + 1)x. (4.1) Le lemme suivant est bien connu. Lemme 4.2.0.2. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. La famille {x1 , x2 , ∆} est libre dans N1 (X × X) et elle engendre N1 (X × X) si X est une courbe très générale ou une courbe hyperelliptique très générale. Démonstration. On a (cf. [40, §15.2]) : Pic(X × X) ≃ p∗1 Pic(X) ⊕ p∗2 Pic(X) ⊕ End(JX) ≃ Pic0 (X) ⊕ Pic0 (X) ⊕ Z⊕2 ⊕ End(JX), et comme End(JX) est un groupe discret, on a Pic0 (X × X) ≃ Pic0 (X) ⊕ Pic0 (X), d’où l’on déduit NS(X × X) = Pic(X × X)/ Pic0 (X × X) = Z⊕2 ⊕ End(JX) et donc N1 (X × X) ≃ R x1 ⊕ R x2 ⊕ (End(JX) ⊗ R). Les classes dans End(JX) s’identifient avec les correspondances non triviales dans X × X, et comme ∆ est une correspondance non triviale, on obtient la première partie de l’énoncé. Pour la deuxième partie, il suffit de remarquer que l’on a End(JX) = Z pour X très générale et que c’est également le cas pour X hyperelliptique très générale par un résultat de [73]. 1. On remarque que cette notation coïncide avec la notation introduite dans §1.1. CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 95 Lemme 4.2.0.3. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. La forme d’intersection sur hx1 , x2 , ∆i ⊂ N1 (X × X) est donnée par ∆2 = 2 − 2g , ∆ · x1 = ∆ · x2 = x1 · x2 = 1 , x21 = x22 = 0. Démonstration. Il est clair que l’on a ∆ · x1 = ∆ · x2 = x1 · x2 = 1 et x21 = x22 = 0. Comme la diagonale ∆ est lisse de genre g, la formule d’adjonction ∆2 = 2pa (∆) + KX×X · ∆ fournit ∆2 = 2 − 2g. Remarque 4.2.0.4. Parfois il est plus facile de travailler avec la classe ∆′ := ∆ − x qui satisfait ∆′2 = −2g , ∆′ · x2 = ∆′ · x1 = 0. L’involution σ :X ×X →X ×X (x, y) 7→ (y, x) induit une involution σ ∗ sur N1 (X × X) qui agit par x1 7→ x2 , x2 7→ x1 ∆′ 7→ ∆′ ∆ 7→ ∆ , , et laisse le cône des classes pseudoeffectives (resp. nefs) invariant. Si l’on pose H+ := {c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ N1 (X × X) | d2 ≥ d1 }, il suffit ainsi d’étudier les cônes Nef + (X × X) := Nef(X × X) ∩ H+ , Psef + (X × X) := Psef(X × X) ∩ H+ . Une première étape serait de déterminer l’intersection de ces cônes avec l’hyperplan H := {c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ | d2 = d1 } = hx, ∆i des classes symétriques. 4.3 Classes symétriques sur X × X On rappelle d’abord quelques propriétés élémentaires du produit symétrique X (d) de X (§4.3.1) ; on donne ensuite un aperçu des résultats connus concernant la positivité des classes symétriques dans N1 (X × X) (§4.3.2). 4.3.1 Le produit symétrique d’une courbe Soit d un entier positif. Munissons X d de l’action du groupe symétrique Sd qui permute les facteurs de X d . Le produit symétrique X (d) de X est la variété projective lisse obtenue comme quotient de X d par cette action (cf. [46, Prop. 3.2]). Elle paramètre les diviseurs de degré d sur X. Pour un point q0 ∈ X fixé, on a l’application d’Abel-Jacobi ud : X (d) → JX D 7→ [OX (D − dq0 )], et les classes entières x(d) = classe de {q0 + D | D ∈ X (d−1) } , θ(d) = u∗d Θ CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 96 sont linéairement indépendantes dans N1 (X (d) ) (cf. [18, Ex. B-1]), où l’on note Θ la polarisation principale canonique de JX. La classe ∆(d) de la grande diagonale {2q0 + D ⊂ X (d) | p ∈ X, D ∈ X (d−2) } est donnée par (cf. [18, p. 358, Prop. 5.1]) (4.2) ∆(d) = 2((d + g − 1)x(d) − θ(d) ), et l’on pose ∆(d) . 2 Le lemme suivant est bien connu (cf. [18, p. 359] pour le cas où X est très générale). δ(d) := Lemme 4.3.1.1. La famille {x(d) , δ(d) } est libre dans N1 (X (d) ) et, pour X très générale ou X hyperelliptique très générale, cette famille engendre N1 (X (d) ). Démonstration. Il est clair que la famille est libre, de sorte qu’il suffit de montrer que N1 (X (d) ) est de dimension 2. On a (cf. [50, Prop. 2.3]) N1 (X (d) ) ≃ R x(d) ⊕ (NS(JX) ⊗ R) et comme NS(JX) = Z pour X très générale ou X une courbe hyperelliptique très générale, N1 (X × X) est de rang 2 dans ce cas. 4.3.2 Classes nefs symétriques Le cône Nef(X × X) ∩ H est engendré par deux rayons extrémaux. Comme (g − 1)x + ∆ est effective et comme ((g − 1)x + ∆) · ∆ = 0, la classe (g − 1)x + ∆ engendre un des deux rayons extrémaux de Nef(X × X) ∩ H. Posons λn := inf{λ ∈ R+ | λx − ∆ ∈ Nef(X × X)}, de sorte que l’autre rayon extrémal de Nef(X × X) ∩ H est engendré par λn x − ∆. Comme la projection naturelle π : X × X → X (2) est finie (de degré 2), ramifiée le long de la diagonale, on a une injection π ∗ : N1 (X (2) ) → N1 (X × X) , x(2) 7→ x , δ(2) 7→ ∆ qui identifie N1 (X (2) ) avec N1 (X × X) ∩ H, et l’on a, en utilisant la formule de projection, Nef(X × X) ∩ H = π ∗ Nef(X (2) ). Autrement dit, le cône Nef(X (2) ) est engendré par (g − 1)x(2) + δ(2) et λn x(2) − δ(2) . On a donc les résultats suivants pour Nef + (X × X) ∩ H qui ont été formulés pour Nef(X (2) ) dans l’article original de Kouvidakis [38, Thm. 2] (cf. aussi [42]). Proposition 4.3.2.1 (Kouvidakis). Soit X une courbe de genre g ≥ 2. 1. Si X est hyperelliptique, on a λn = g + 1. 2. Lorsque X est très générale de genre g = 3, on a λn = 3. Si X est très générale de genre g ≥ 4, on a √ g g + 1 ≤ λn ≤ √ + 1 ⌊ g⌋ et donc λn = √ g + 1 si g est un carré parfait. 14 5 . CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 97 Démonstration. 1. Supposons X hyperelliptique. La classe (g + 1)x − ∆ est nef car c’est le tiré en arrière de la polarisation principale sur JX par l’application d’Abel-Jacobi (cf. (4.1)). D’un autre côté, la classe 2x − ∆ = ι(∆) est effective et comme ((g + 1)x− ∆)·(2x− ∆) = 0, on en déduit que (g + 1)x− ∆ engendre un rayon extrémal de Nef(X × X) ∩ H, i.e., λn = g + 1. 2. Comme X est très générale, on peut supposer que X est une quartique plane. Or la tangente à un point P ∈ X intersecte X en deux points supplémentaires Q et R. En bougeant P , on obtient ainsi un diviseur dans X (2) , et un calcul d’intersection montre qu’il est de classe 8x(2) − 3δ(2) (cf. [38, p. 124] et [16, p. 11]), d’autointersection négative. La classe 14 5 x(2) − δ(2) étant orthogonale à 8x(2) −3δ(2) , elle engendre un rayon extrémal de Nef(X (2) ) et 14 5 x−∆ engendre donc un rayon extrémal de Nef(X × X) ∩ H. √ 3. Comme l’autointersection d’une classe nef est positive, on a g + 1 ≤ λn et par [38, Thm. 2], on a λn ≤ ⌊√gg⌋ + 1. Conjecture 4.3.2.2 (Kouvidakis). Si X est une courbe de genre g ≥ 4 très générale, Kouvidakis conjecture √ λn = g + 1, ce qui est équivalent à dire que δ(2) (resp. ∆) est la seule classe effective d’autointersection négative dans N1 (X (2) ) (resp. dans Nef(X × X) ∩ H). La conjecture de Kouvidakis est donc vérifiée lorsque g est un carré parfait. Lorsque g ≥ 4 est petit et n’est pas un carré parfait, de meilleures bornes supérieures pour λn ont été déterminées dans [34], [6], [58]. Par exemple, on a, pour 5 ≤ g ≤ 10, les bornes suivantes : g λn ≤ 4.4 5 6 7 8 10 9 4 45 13 106 29 23 6 17 4 Construction de classes nefs d’après Vojta Dans cette section, on construit de nouvelles classes nefs en suivant la méthode de Vojta (cf. [68]) présentée dans §4.1.2. 4.4.1 Restrictions pour le cône pseudoeffectif Soit C une courbe irréductible dans X × X, de classe [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ . On a di = C · xi ≥ 0 et si l’on suppose de plus [C] 6= xi , on a di = deg(pi |C ) ≥ 1 pour i ∈ {1, 2}, où l’on note pi : X × X → X la projection sur le i-ième facteur. Soit d un entier strictement positif et posons 1 Qd (d1 , d2 , γ) := d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d21 d et Cd := {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ | Qd (d1 , d2 , γ) ≥ 0}. (4.3) CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 98 Lemme 4.4.1.1. Supposons qu’il existe des classes effectives c1 , . . . , ck ∈ H+ d’autointersection négative telles que toute classe c = d2 x1 +d1 x2 +γ∆′ ∈ H+ représentée par une courbe irréductible satisfasse une des trois conditions suivantes : • la classe c est proportionnelle à une classe ci ; • la classe c est d’autointersection positive ; • on a d1 ≥ d. Alors Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de Cd et {c1 , . . . , ck }. Démonstration. Soit c = d2 x1 +d1 x2 +γ∆′ ∈ H+ la classe d’une courbe irréductible C d’autointersection positive ou satisfaisant d1 ≥ d. On va montrer que l’on a c ∈ Cd . Comme C 2 = 2d1 d2 − 2gγ 2 , c’est clair si C 2 ≥ 0. Supposons d1 ≥ d. On a, par Riemann-Hurwitz, C 2 + C · KX×X = 2pa (C) − 2 ≥ 2pg (C) − 2 ≥ (2g − 2)(x2 · C) = (2g − 2)d2 , et comme cela fournit C 2 + C · KX×X = 2d2 d1 − 2gγ 2 + (2g − 2)(d1 + d2 ), d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d1 ≥ 0. Comme d1 ≥ d, on en déduit 1 d2 d1 − gγ 2 + (g − 1)d21 ≥ 0, d c’est-à-dire c ∈ Cd , ce qui termine la preuve. Notre but est maintenant de déterminer les classes de courbes irréductibles d’autointersection négative pour d1 petit ou d’exclure l’existence de telles classes. Notre résultat principal dans ce sens est la proposition 4.4.1.6. D’abord on aura besoin de deux petits lemmes. Lemme 4.4.1.2. Soit d1 ≥ 1. On a une bijection n o ϕ : X → X (d1 ) | ϕ(X) 6⊂ ∆(d1 ) n o ←→ C ⊂ X × X | [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ , C sans composante {pt.} × X , où l’on note ∆(d1 ) la variété diagonale dans X (d1 ) (et pas sa classe). Démonstration. Soit C une courbe (réduite) dans X ×X sans composante {pt.}×X. Alors on obtient un morphisme ϕC : X → X (d1 ) tel que ϕC (X) 6⊂ ∆(d1 ) en posant ϕC (X) := p2 ((p1 |C )−1 (x)). Inversement, pour un morphisme ϕ : X → X (d1 ) tel que ϕ(X) 6⊂ ∆(d1 ) donné, on obtient une courbe C dans X × X en posant C := {(a, b) ∈ X × X | ϕ(a) − b ≥ 0}. Il est clair que, pour C sans composante {pt.} × X, ces deux constructions sont inverses l’une de l’autre. Remarque 4.4.1.3. Il est possible que la courbe associée à un morphisme ϕ : X → X (d1 ) soit réductible. D’autre part, le morphisme ϕ est constant si et seulement si C est réunion de courbes du type X × {pt.}. Remarque 4.4.1.4. Soit C une courbe irréductible (peut-être singulière) de classe [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ 6= xi pour i ∈ {1, 2}. Alors on a di = deg(pi |C ) et l’on obtient par Riemann-Hurwitz C 2 + (2g − 2)C · x = (2g − 2)di + ri CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 99 pour i ∈ {1, 2}, où ri est le degré du diviseur de ramification de pi |C . En particulier, on a C 2 = r1 − (2g − 2) = r2 − (2g − 2)d1 et ϕC,∗ X · x(d1 ) = d2 , r1 ϕC,∗ X · δ(d1 ) = , 2 où ϕC : X → X (d1 ) est le morphisme associé à C au sens du lemme 4.4.1.2. Lemme 4.4.1.5. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. Soit d ≥ 2 et soit ϕ : X → X (d) un morphisme non constant. 1. Si X est très générale de genre g ≥ 3, ou bien ϕ est injectif, ou bien ϕ(X) est contenu dans une fibre de l’application d’Abel-Jacobi ud : X (d) → JX. 2. Si X est une courbe hyperelliptique très générale, ou bien ϕ est génériquement injectif, ou bien ϕ(X) est contenu dans une fibre de l’application d’Abel-Jacobi ud : X (d) → JX. Démonstration. Comme X est très générale ou hyperelliptique très générale, on a End(JX) = Z, de sorte que l’on obtient le diagramme commutatif suivant X ϕ / X (d) ud u JX ·m / JX où m est un entier, pour des applications d’Abel-Jacobi bien choisies u et ud . Si m = 0, la courbe ϕ(X) est contenue dans une fibre de ud . Supposons m 6= 0. Soient p, q ∈ X et supposons ϕ(p) = ϕ(q). Alors on a m(u(p) − u(q)) = 0, c’est-à-dire que u(p) − u(q) est dans JX[m], l’ensemble (fini) des points de m-torsion de JX. La restriction de τ : X × X → JX (p, q) 7→ u(p) − u(q) au complémentaire de la diagonale est à fibres finies [3, Prop. 4], de sorte que ϕ est génériquement injectif pour tout g ≥ 2. Supposons τ (X × X) ∩ JX[m] 6= ∅, de sorte qu’il existe deux points distincts 1 p, q ∈ X tels que OX (mp) = OX (mq). Le gm engendré par mp et mq donne lieu à 1 un morphisme X → P de degré m avec fibres mp et mq. Par Riemann-Hurwitz, on a alors 2g − 2 = −2m + 2(m − 1) + r, où r est le degré de la ramification en dehors des fibres mp et mq. On a r = 2g, de sorte que 3g − 3 ≥ 2g ⇔ g ≥ 3 1 et donc assure qu’une courbe très générale de genre g ≥ 3 n’admet pas de tel gm τ (X × X) ∩ (JX[m] − {0}) = ∅. Proposition 4.4.1.6. Soit [C] = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ H+ la classe d’une courbe irréductible C dans X × X. 1. Lorsque X est une courbe hyperelliptique très générale, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆, 2x − ∆} ou bien d1 ≥ 2. CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 100 2. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 3, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 2. 3. Si X est une courbe très générale de genre g = 4, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆, 3x − ∆} ou bien d1 ≥ 3. 4. Si X est une courbe très générale de genre g ≥ 5 et g est un carré parfait, on a ou bien [C] ∈ {x1 , ∆} ou bien d1 ≥ 3. Démonstration. Si d1 = 0, il est clair que l’on a [C] = x1 . Si l’on a d1 = 1, alors p1 |C est un isomorphisme. Si X est très générale, on a Aut(X) = {id} et donc [C] = ∆. Si X est une courbe hyperelliptique très générale, on a Aut(X) = {id, ι} et donc [C] = ∆ ou [C] = 2x − ∆. Ceci montre 1), 2) et 4). Soit X maintenant une courbe très générale de genre g ≥ 4, où g est un carré parfait. Supposons d1 = 2. Le morphisme ϕC est non constant (cf. remarque 4.4.1.3) et C0 := ϕC (X) est une courbe irréductible dans X (2) qui n’est pas contenue dans la diagonale. Lorsque C0 · x(2) = 1, la projection p2 |C : C → X est de degré 1, ce qui est une contradiction. On a donc C0 · x(2) ≥ 2. Comme g est un carré parfait, on a C02 ≥ 0 par la proposition 4.3.2.1 et donc 2pa (C0 ) − 2 = C02 + C · KX (2) = C02 + C0 · ((2g − 2)x(2) − δ(2) ) = C02 + (2g − 2 − λn )(C0 · x(2) ) + C0 · (λn x(2) − δ(2) ) ≥ (2g − 2 − λn )(C0 · x(2) ) ≥ 4g − 4 − λn . Comme λn = √ g + 1 (proposition 4.3.2.1), on en déduit √ pa (C0 ) ≥ 2g − 2 − g. Or X n’admet pas de g21 , de sorte que le morphisme ϕC est un plongement par le lemme 4.4.1.5 et l’on a pg (C0 ) = pa (C0 ) = g. Cela fournit une contradiction pour g ≥ 5, et, pour g = 4, on en déduit pa (C0 ) = 4 et C02 = 0, d’où [C0 ] = 3x(2) − δ(2) . Par la remarque 4.4.1.4, on a alors d2 = 2 et r1 = 12 et donc C 2 = 0, ce qui implique [C] = 2x − ∆′ = 3x − ∆. Cela achève la démonstration de 3). Avec le lemme 4.4.1.1, on en déduit la proposition 4.1.2.1. 4.4.2 Une section affine Dans la suite, on représentera les cônes Psef(X × X) et Nef(X × X) dans le plan affine P = = {c = α1 x1 + α2 x2 + γ∆ ∈ N1 (X × X) | c · x = α1 + α2 + 2γ = 2} {c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ N1 (X × X) | c · x = d2 + d1 = 2}, où le demi-espace H+ correspond au demi-espace affine P + = {α1 x1 + α2 x2 + γ∆ ∈ P | α1 ≥ α2 } = {d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ P | d2 ≥ d1 }. On introduit des coordonnées (u, v) sur P en posant x = (0, 0) , ∆ = (g, 0) , x1 = (0, 1). Le point (u, v) ∈ P correspond alors à la classe (1+v− ug )x1 +(1−v− gu )x2 + ug ∆ (resp. (1 + v)x1 + (1 − v)x2 + ug ∆′ ). En particulier, le produit d’intersection de deux classes ′ (u, v) et (u′ , v ′ ) est donné par 2(1−vv ′ − uu g ). Inversement, la classe α1 x1 +α2 x2 +γ∆ 2gγ α1 −α2 , ) et une classe d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ au point correspond au point ( α1 +α 2 +2γ α1 +α2 +2γ d2 −d1 ( d22gγ +d1 , d2 +d1 ). CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 101 Remarque 4.4.2.1. Si X est hyperelliptique, l’involution hyperelliptique correspond à la réflexion d’axe u, de sorte que les cônes Nef(X × X) et Psef(X × X) sont symétriques par rapport aux axes u (et v). Remarque 4.4.2.2. Dans le plan affine P, le cône des classes symétriques correspond à l’intersection de Nef(X × X) avec l’axe u. Dans P, l’équation Qd = 0 correspond à v 2 (g − 1 − d) − du2 + (2 − 2g)v + d + g − 1 = 0. g Cela fournit une conique, qui intersecte l’ellipse c2 = 0 en x1 = (1, 0) et l’axe q u en les points (± (d+g−1)g , 0). Comme l’intersection de ∆ avec toute courbe d irréductible de classe différente de ∆ est positive, ∆ est la seule classe effective à droite de ∆⊥ = {(u, v) ∈ P + |u = 1}. Les classes pseudoeffectives doivent donc être en-dessous de la droite joignant ∆ et le point d’intersection {Qd = 0} ∩ ∆⊥ . On obtient dans P + l’image suivante, où le cône pseudoeffectif doit être dans la région en gris foncé et les classes dans la région en gris clair sont pseudoeffectives. x1 Q3 ≥ 0 ∆⊥ (1, v0 ) b1 = (1, v1 ) c2 ≥ 0 x ce ∆ Figure 4.2 – Cône pseudoeffectif pour g = 4 4.4.3 Classes nefs Construisons maintenant des classes nefs dans X × X. Pour cela, on caractérise d’abord le dual Cd∨ := {c ∈ N1 (X × X) | ∀β ∈ Cd , c · β ≥ 0}. Posons 1 ′ ′ ′ ′2 ′ ′ ′ Q∨ d (d1 , d2 , γ ) := gγ − d1 (d2 − (g − 1)d1 ). d Lemme 4.4.3.1. On a Cd∨ = {d′2 x1 + d′1 x2 + γ ′ ∆′ ∈ N1 (X × X) | Q∨ d (d1 , d2 , γ) ≤ 0}. Démonstration. Soit c = d′2 x1 +d′1 x2 +γ ′ ∆′ ∈ N1 (X×X). Par définition, on a c ∈ Cd∨ si et seulement si c est d’intersection positive sur toute classe d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ satisfaisant Qd (d1 , d2 , γ) = 0. Autrement dit, on a c ∈ Cd∨ si et seulement si 0 ≤ = d2 d′1 + d′2 d1 − 2gγγ ′ gγ 2 − d1 (g − 1)d21 ′ d1 + d′2 d1 − 2gγγ ′ d1 pour tout d2 , d1 et γ, ce qui est équivalent à 1 0 ≤ gγ 2 d′1 + (d′2 − (g − 1))d21 − 2gγγ ′ d1 d CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 102 pour tout d1 et γ. C’est le cas si et seulement le discriminant est négatif, i.e. si et seulement si 1 0 ≥ gγ ′2 − d′1 (d′2 − (g − 1)d′1 ). d Lemme 4.4.3.2. Soit c ∈ N1 (X × X). On a c ∈ Nef + (X × X) si et seulement si c · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef + (X × X). Démonstration. Il faut montrer que c · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef + (X × X) implique que c est nef. Ecrivons c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ et supposons que c n’est pas nef. Alors il existe une classe pseudoeffective β = d′2 x1 + d′1 x2 + γ ′ ∆′ avec d′1 > d′2 telle que c · β > 0. On a σ ∗ β ∈ Psef(X × X) ∩ H+ et c · σ ∗ β ≤ c · β ⇔ (d2 − d1 )(d′2 − d′1 ) ≤ 0, ce qui est vrai par les hypothèses sur c et β, de sorte que l’on obtient une contradiction. La proposition suivante découle alors tout de suite des lemmes 4.4.3.1 et 4.4.3.2, et la proposition 4.1.2.1. Proposition 4.4.3.3. Supposons qu’il existe des classes effectives c1 , . . . , ck ∈ H+ d’autointersection négative et un entier positif d tel que Psef + (X × X) est contenu dans l’enveloppe convexe de Cd et {c1 , . . . , ck }. Alors les classes c = d′2 x1 + d′1 x2 + γ ′ ∆′ ∈ H+ satisfaisant ′ ′ ′ Q∨ d (d1 , d2 , γ ) ≥ 0 et ∀i ∈ {1, . . . , k} c · ci ≥ 0 sont nefs. Corollaire 4.4.3.4. Soit X une courbe de genre g ≥ 2 et soit c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ ∈ N1 (X × X). 1. Si X est hyperelliptique très générale, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et c · ∆ ≥ 0, c · (2x − ∆) ≥ 0. 2. Si X est très générale de genre 3, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et c · ∆ ≥ 0 et c · ( 83 x − ∆) ≥ 0. 3. Si X est très générale de genre g ≥ 5, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et c · ∆ ≥ 0. 4. Si X est très générale de genre g ≥ 4 avec g un carré parfait, c est nef si l’on a Q2 (d1 , d2 , γ)∨ ≤ 0 et c · ∆ ≥ 0. 4.4.4 Représentation des classes nefs dans la section affine Représentons maintenant les classes nefs qu’on obtient dans P grâce au corollaire 4.4.3.4 et la proposition 4.3.2.1. On commence avec deux remarques générales et ensuite on donne des représentations selon le genre de X et selon que X est hyperelliptique ou pas. Remarque 4.4.4.1. L’inéquation Q∨ d (d1 , d2 , γ) ≤ 0 fournit (pour tout g) une ellipse définie par 1 u2 − (1 − v)(1 + v − (g − 1)(1 − v)), (4.4) 0≥ g d dont la forme normale est donnée par d + g − 1 2 (d + g − 1)2 u + dg d2 v− g−1 d+g−1 2 = 1. CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 103 g−1 Le centre de cet ellipse est donc le point (0, d+g−1 ) ∈ P + et les sommets sont q dg g−1 g−1 d ± d+g−1 ) et (± dg−1 , d+g−1 ) (en particulier, un des sommets est x1 = (0, d+g−1 (1, 0)). Remarque 4.4.4.2. Supposons que, dans H+ , les classes des courbes irréductibles sont contenues dans Cd sauf certaines classes c1 , . . . , ck d’autointersection négative avec c1 := ∆. Fixons une classe ci et notons bi le point d’intersection de c⊥ i avec la droite passant par ci et tangente à Cd∨ dans P + . Alors il existe une classe ai ∈ Nef + (X ×X) telle que bi est proportionnelle à la classe ai +ci . Comme l’intersection de ci avec toute courbe de classe différente de ci est positive, et comme bi · ci ≥ 0, la classe bi est nef (cf. figure ci-dessous). ∆⊥ Q∨ 3 ≤0 c2 ≥ 0 ∆ Figure 4.3 – Cône nef pour g = 4 En écrivant b1 = (1, v1 ) et {c2 = 0} ∩ ∆⊥ = (1, v0 ), on obtient par le corollaire 4.4.3.4 les valeurs suivantes pour v0 et v1 2 : Courbes hyperelliptiques très générales. Soit X une courbe hyperelliptique très générale de genre g. Par le corollaire 4.4.3.4, une classe c = d2 x1 + d1 x2 + γ∆′ est donc nef si elle satisfait Q∨ 2 (d1 , d2 , γ) ≤ 0 et si l’intersection avec c1 := ∆ et avec c2 := 2x − ∆ est positive. De plus, les classes b1 et b2 au sens de la remarque 4.4.4.2 sont nefs, de sorte que l’on obtient l’image ci-dessous (figure 4.4). Remarque 4.4.4.3. On vérifie facilement que l’on a v1 → v0 pour g → ∞ pour d ≥ 1 fixé, de sorte que le résultat est asymptotiquement optimal pour les courbes hyperelliptiques très générales. Remarque 4.4.4.4. Une classe nef sur une courbe hyperelliptique reste nef sur une courbe très générale : soit X0 une courbe hyperelliptique de genre g et supposons que la classe d2 x1 + d1 x2 + γ∆ est nef sur X0 × X0 . Soit X → B une famille de courbes lisses (de genre g) de fibre spéciale X0 et notons Xb la fibre au-dessus de b ∈ B. Si l’on note L un fibré sur X ×B X tel que Lb := L|Xb ×Xb soit de classe 2. Pour calculer le point b1 , on remarque d’abord que la tangente au point (u0 , v0 ) est donnée par l’équation d+g−1 g−1 (d + g − 1)2 g−1 uu0 + v − = 1, v − 0 dg d2 d+g−1 d+g−1 d’où l’on déduit que la tangente à l’ellipse contenant ∆ = (g, 0) doit satisfaire (d + g − 1)(g − 1) g−1 d+g−1 u0 − = 1. v0 − 2 d d d+g−1 Le point (u0 , v0 ) étant sur la tangente fournit alors 2 d+g−1 (g − 1)2 d+g−1 2 = u0 − 1 u 1 − . 0 d d2 dg En résolvant, on obtient les valeurs dans la table 4.1. CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 104 Table 4.1 – g d 2 2 3 2 4 3 5 2 10 2 100 3 v1 √ 4+ √ 3 ≈ 0.6830 −2+3 3 4 5 = 0.8 6 7 ≈ 0.8571 √ 4 5+2 √30 5 −2+3 30 ≈ 0.8844 √ 3 20+27 √15 10 −3+11 15 ≈ 0.943 √ 99 5+33 33 √ 5 −33+680 33 ≈ 0.9946 q q v0 1 2 2 q3 3 q4 q ≈ 0.7071 ≈ 0.8165 ≈ 0.8660 4 5 ≈ 0.8944 5 ≈ 0.9487 q6 6 7 ≈ 0.9950 ∆⊥ x1 i2d Q∨ 2 ≤ 0 c2 ≥ 0 x ∆ Figure 4.4 – Cône nef pour g = 2 d2 x1 + d1 x2 + γ∆ pour tout b ∈ B, alors Lb est nef pour b ∈ B très général (cf. [42, Prop. 1.4.14]). Courbes de genre 3 très générales. Soit X une courbe très générale de genre 3. On obtient des classes nefs comme suit : 1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique (très générale) de genre 3 sont aussi nefs pour une courbe très générale. 2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ et c2 := 8 ∨ 3 x − ∆ est positive, et pour lesquelles Q2 (d1 , d2 , γ) ≤ 0, sont nefs. 4 3. Les classes b1 = (1, 45 ) et b2 = (− 35 , 29 ) sont nefs (cf. remarque 4.4.4.2). ∆⊥ c⊥ e Q∨ 2 ≤ 0 c2 ≥ 0 ce ∆ Figure 4.5 – Cône nef pour g = 3 CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 105 Courbes de genre g = r2 très générales. Soit X une courbe très générale de genre g = r2 , un carré parfait. On obtient des classes nefs comme suit : 1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique très générale de genre g sont aussi nefs pour une courbe très générale. 2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ est positive, et pour lesquelles Q∨ 3 (d1 , d2 , γ) ≤ 0, sont nefs. √ 3. La classe λn = ( g + 1)x − ∆ est nef. 4. La classe b1 est nef. ∆⊥ Q∨ 3 ≤ 0 c2 ≥ 0 ∆ λn Figure 4.6 – Cône nef pour g = 4 Courbes de genre ≥ 5 très générales. Soit X une courbe très générale de genre g et supposons que g n’est pas un carré parfait. On obtient des classes nefs comme suit : 1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique très générale de genre g sont aussi nefs pour une courbe très générale. 2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ est positive, et pour lesquelles Q∨ 2 (d1 , d2 , γ) ≤ 0. 3. Pour g ≥ 5, λn n’est pas connu, mais on a des bornes supérieures sur λn (cf. proposition 4.3.2.1). 4. La classe b1 est nef. ∆⊥ Q∨ 2 ≤ 0 c2 ≥ 0 λn Figure 4.7 – Cône nef pour g = 5 ∆ 5. Bibliographie [1] S. Abeasis. The GL(V)-invariant ideals in S(S 2 (V )). Rend. Mat., (6) 13 :235– 262, 1980. [2] E. Amerik. A computation of invariants of a rational self-map. Ann. Fac. Sci. Toulouse Math., pages 481–493, 2009. [3] M. Baker and B. Poonen. 127(1) :109–116, 2001. Torsion packets on curves. Compos. Math., [4] W. Barth and A. Van de Ven. Fano-varieties of lines on hypersurfaces. Arch. Math., 31(1) :96–104, 1978. [5] A. Barvinok. A course in convexity. Grad. Stud. Math. American Mathematical Society, 2000. [6] F. 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