La Confédération paysanne veut interdire l`insecticide Regent TS

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La Confédération paysanne veut interdire l`insecticide Regent TS
jeudi 26 février 2004, 19h34
La Confédération paysanne veut interdire
l'insecticide Regent TS
PARIS (Reuters) - Plusieurs dizaines d'apiculteurs et de membres de la
Confédération paysanne ont occupé jeudi après-midi la Direction générale de
l'alimentation (DGAL) à Paris pour réclamer l'interdiction immédiate de
l'insecticide Régent TS.
Le ministère de l'Agriculture a annoncé son intention de porter plainte pour les
"dégradations et effractions" commises, selon lui, par les manifestants.
Les manifestants, qui jugent insuffisantes les décisions prises par le ministère
de l'Agriculture, réclament "l'arrêt définitif de l'utilisation de l'insecticide Régent
TS", a déclaré à Reuters le porte-parole de la Confédération paysanne, José
Bové.
Les apiculteurs, "qui ont vu mourir des millions d'abeilles, ont apporté leurs
sacs de couchage et sont prêts à rester le temps nécessaire" dans les locaux
de la DGAL, a-t-il ajouté.
Le ministre de l'Agriculture Hervé Gaymard a demandé mardi l'interdiction de
la commercialisation de six insecticides, dont le régent TS, contenant du
Fipronil, une molécule soupçonnée de décimer les abeilles.
Il a toutefois autorisé l'usage des stocks existants et les mises en culture pour
ce printemps.
"Cela veut dire que pour l'année 2004, la situation des apiculteurs sera
exactement la même que pour l'an passé puisque les champs seront pollués
par cet insecticide", a dit José Bové. "M. Gaymard n'a fait qu'un effet
d'annonce".
Parmi les manifestants figurent quelques céréaliers et deux députés Verts,
Yves Cochet et Martine Billard.
Le Régent TS est commercialisé depuis mars 2003 par la société BASF Agro.
jeudi 26 février 2004, 20h31
José Bové et Gilles Lemaire interpellés à Paris
PARIS (AFP) - Le leader de la Confédération paysanne José Bové et le
secrétaire national des Verts Gilles Lemaire ont été interpellés jeudi à Paris
après l'occupation des locaux de la Direction générale de l'alimentation
(DGAL), a-t-on appris de source policière.Selon le porte-parole nationale de la
confédération paysanne Nicolas Duntze, MM. Bové, Lemaire, et une trentaine
de manifestants ont été conduits au commissariat central du XVe
arrondissement.
Les CRS étaient intervenus jeudi vers 17H30 pour mettre fin à l'occupation par
des militants de la Confédération Paysanne des locaux de la Direction
générale de l'alimentation (DGAL).
"Il n'y a eu ni effraction ni violence de la part des manifestants", a déclaré M.
Duntze, affirmant que des vitres avaient été brisées par "des coups de
matraque des policiers".
Le syndicat entendait protester par cette action contre la décision du ministre
de l'Agriculture d'autoriser l'utilisation des stocks de semences traitées au
fipronil, produit accusé de décimer les abeilles.
Le ministère de l'Agriculture a décidé de porter plainte contre les militants de la
Confédération Paysanne qui se sont introduits "de force" dans les locaux, a-t-il
annoncé jeudi dans un communiqué.
jeudi 26 février 2004, 20h37
Régent: la Confédération paysanne occupe un temps un
service du ministère de l'Agriculture
PARIS (AP) - La Confédération paysanne a occupé jeudi après-midi la Direction
générale de l'alimentation (DGAL) à Paris pour exiger l'interdiction immédiate de
l'utilisation des insecticides à base de fipronil, dont la vente est prohibée mais dont les
stocks peuvent encore être écoulés. Les militants, parmi lesquels figurait José Bové,
ont ensuite été évacués en fin d'après-midi par les forces de l'ordre.
"Nous sommes une cinquantaine à occuper le bureau du directeur" général de
l'alimentation, a déclaré à l'Associated Press Brigitte Allain, porte-parole de la
Confédération paysanne. "On est quelques-uns à s'être enchaînés".
Les militants qui avaient investi la DGAL à 14h ont téléphoné au cabinet du ministre
de l'Agriculture Hervé Gaymard pour faire part de leurs revendications. "On demande
qu'il annonce clairement l'interdiction de semer du tournesol traité au Régent et
l'interdiction de toute semence traitée au Gaucho", a indiqué Brigitte Allain.
"Le simple fait de le suspendre reconnaît qu'il est dangereux, mais le ministre dit qu'on
peut semer ce qui est dans les stocks. On demande l'arrêt pur et simple de la mise en
culture", a-t-elle ajouté.
Les CRS sont intervenus à 17h30, ont coupé les chaînes des militants qui s'étaient
attachés et ont interpellé une trentaine de personnes dont José Bové, a précisé jeudi
soir Brigitte Allain, jointe au téléphone depuis un fourgon de CRS.
Dans un communiqué de presse, le ministère de l'Agriculture a annoncé qu'il avait
décidé de porter plainte contre les auteurs des "dégradations et effractions constatées
au moment du départ" des manifestants du bureau du directeur général de
l'alimentation.
"On n'a rien dégradé", a assuré la porte-parole de la Confédération paysanne. "S'il y a
eu dégradation et effraction, c'est le fait de la police qui a cassé une vitre pour nous
faire sortir. Ils ont poussé fortement la porte".
La Confédération paysanne exige dans un communiqué "la libération immédiate de ses
militants, ainsi que celle de Gilles Lemaire, secrétaire nationale des Verts, interpellé"
avec José Bové et Brigitte Allain.
M. Gaymard avait décidé lundi soir de suspendre la vente et l'utilisation des
insecticides agricoles à base de fipronil, une molécule accusée de tuer les abeilles.
Mais il avait aussi autorisé les agriculteurs à utiliser pour les semis de printemps les
semences déjà enrobées d'insecticide dont ils disposent.
Le directeur général de l'alimentation Thierry Klinger était absent lorsque les militants
ont investi son bureau et y ont installé deux ruches habitées, a rapporté Brigitte Allain.
L'UFC-Que Choisir ne se satisfait pas non plus de la simple suspension de
commercialisation du Régent. L'association de consommateurs demande son
interdiction immédiate et définitive, celle du Gaucho également et l'interdiction
d'utiliser les stocks de semences déjà enrobées par ces produits.
Dans un communiqué diffusé
jeudi, elle rappelle qu'elle
"dénonce depuis 1998 les
dangers de ces pesticides pour
l'équilibre des écosystèmes et les
risques pour la santé de
l'homme". Comme la
Confédération paysanne, l'UFCQue Choisir fustige les
procédures d'homologation
actuelles. Elle exige que cette
tâche soit confiée à une "agence
indépendante".
Les insecticides à base de
fipronil sont interdits en France
jusqu'à ce que l'Autorité
européenne de sécurité des
aliments (AESA) prenne
position d'ici la fin 2005. Le
fipronil est accusé de provoquer
la mort des abeilles, mais les
conclusions des rapports
scientifiques divergent sur ses
conséquences sur la santé
humaine. AP
cb/com/mw
José Bové, porte-parole de la Confédération paysanne, a été interpellé jeudi puis
relâché après avoir occupé la Direction générale de l'alimentation (DGAL), à Paris,
pour demander l'interdiction totale des insecticides à base de fipronil accusés de
décimer les abeilles.
• Jean Ayissi (AFP - jeudi 26 février 2004, 23h06
jeudi 26 février 2004, 23h06
Insecticide Fipronil: occupation de la DGAL, Bové
interpellé puis relâché
PARIS (AFP) - José Bové, porte-parole de la Confédération paysanne, a été interpellé
jeudi puis relâché après avoir occupé la Direction générale de l'alimentation (DGAL),
à Paris, pour demander l'interdiction totale des insecticides à base de fipronil accusés
de décimer les abeilles.
José Bové est ressorti jeudi soir du commissariat du XVe arrondissement après près de
trois heures de garde à vue, a-t-on appris de source policière.
Le secrétaire national des Verts, Gilles Lemaire, interpellé en même temps, est sorti un
peu plus tard, selon cette même source.
Le ministère de l'Agriculture a annoncé qu'il portait plainte pour les dégradations
causées dans les locaux de la DGAL - une direction du ministère - située rue de
Vaugirard, dans le XVe arrondissement.
En début d'après-midi, munis de trois ruches, les militants s'étaient introduits, avec
deux députés Verts de Paris, Yves Cochet et Martine Billard, ainsi que Gilles Lemaire,
dans le bureau du directeur de la DGAL, Thierry Klinger, absent au moment des faits.
Ils entendaient protester contre la décision du ministre de l'Agriculture Hervé Gaymard
d'autoriser l'utilisation des stocks de semences traitées au fipronil, pour les semis de
printemps.
Les militants de la Confédération paysanne, essentiellement des apiculteurs, ses deux
porte-parole, José Bové et Brigitte Allain, ainsi que M. Lemaire, ont été délogés par
les CRS vers 17H30, alors que M. Cochet avait déjà quitté les lieux. Mme Billard n'a
pas été inquiétée.
Le ministère de l'Agriculture a décidé de porter plainte contre les militants qui se sont
introduits "de force" et ont "dégradé" les locaux, selon lui. Le ministère "porte plainte
contre tous les auteurs des dégradations, la justice fera son travail", a précisé un porteparole du ministère.
Hervé Gaymard a annoncé lundi la suspension de la vente des insecticides à base de
fipronil, en premier lieu le Régent du groupe BASF, tout en autorisant les agriculteurs
à utiliser les stocks de semences déjà traitées pour les semis de printemps.
"La revendication des apiculteurs et de la Confédération Paysanne est très claire: l'arrêt
définitif de l'utilisation du Régent et pas simplement la suspension de sa
commercialisation", avait déclaré dans l'après-midi José Bové.
"Le ministre doit prendre une décision ferme et définitive d'arrêt de l'utilisation du
Régent, c'est-à-dire demander le retour dans les entreprises de toutes les semences qui
ont été traitées avec du Régent", a-t-il ajouté.
"Nous avons trouvé un document émanant du ministère indiquant que le retrait des
stocks de semences déjà traitées pour les semis de printemps coûterait beaucoup plus
cher que les indemnisations versées en cas de problèmes découlant de l'utilisation de
ces produits", a affirmé à l'AFP Brigitte Allain.
Martine Billard a justifié l'occupation de la DGAL par la nécessité de "prendre ses
responsabilités. C'est tellement scandaleux de faire semblant de prendre une décision
et en fait de ne pas vraiment décider: quand le ministre ne prend pas ses
responsabilités, heureusement que des citoyens prennent les leurs", a-t-elle déclaré.
Elle a affirmé que les parlementaires étaient venus "en protection": "la répression est
dure et s'il y a des parlementaires, ils n'osent pas taper".
Le syndicat agricole avait obtenu le soutien de Greenpeace-France, pour qui "la
décision du ministère (...) est incohérente et fait fi du principe de précaution".
José Bové et Gilles Lemaire interpellés
après avoir occupé la Direction générale
de l'alimentation
LEMONDE.FR | 27.02.04 | 09h22
Le porte-parole de la Confédération paysanne et le secrétaire
national des Verts protestaient contre la décision du
ministère de l'agriculture de ne pas interdire immédiatement
l'insecticide Régent TS.
José Bové, porte-parole de la Confédération paysanne et le
secrétaire national des Verts, Gilles Lemaire, ont été interpellés jeudi
26 février puis relâchés après avoir occupé la Direction générale de
l'alimentation (DGAL) à Paris, pour demander l'interdiction totale des
insecticides à base de Fipronil accusés de décimer les abeilles.
José Bové est ressorti jeudi soir du commissariat du XVe
arrondissement après près de trois heures de garde à vue, a-t-on
appris de source policière. Le secrétaire national des Verts, Gilles
Lemaire, interpellé en même temps, est sorti un peu plus tard, selon
cette même source.
Les militants de la Confédération paysanne, essentiellement des
apiculteurs, ses deux porte-parole, José Bové et Brigitte Allain, ainsi
que M. Lemaire, ont été délogés par les CRS vers 17 h 30, alors que
M. Cochet avait déjà quitté les lieux. Mme Billard n'a pas été
inquiétée.
"Ils sont montés dans les bureaux, dont ils ont cassé les vitres, et
ont interpellé tous les militants, dont Bové et Lemaire, a raconté un
militant. Ceux-ci ont été ensuite transférés à bord de fourgons,
parfois brutalement, au commissariat de l'arrondissement et
interrogés."
Le ministère de l'agriculture a annoncé qu'il portait plainte pour les
dégradations causées selon lui dans les locaux de la DGAL - une
direction du ministère - située rue de Vaugirard, dans le XVe
arrondissement.
CONTRE LA DÉCISION D'HERVÉ GAYMARD
En début d'après-midi, munis de trois ruches, les militants s'étaient
introduits, avec deux députés Verts de Paris, Yves Cochet et Martine
Billard, ainsi que Gilles Lemaire, dans le bureau du directeur de la
DGAL, Thierry Klinger, absent au moment des faits.
Ils entendaient protester contre la décision du ministre de
l'agriculture, Hervé Gaymard, d'autoriser l'utilisation des stocks de
semences traitées au Fipronil, pour les semis de printemps.
Hervé Gaymard a annoncé lundi la suspension de la vente des
insecticides à base de Fipronil, en premier lieu le Régent, du groupe
BASF, tout en autorisant les agriculteurs à utiliser les stocks de
semences déjà traitées pour les semis de printemps.
"Cela veut dire que, pour l'année 2004, la situation des apiculteurs
sera exactement la même que pour l'an passé puisque les champs
seront pollués par cet insecticide, a dit José Bové. M. Gaymard n'a
fait qu'un effet d'annonce."
"La revendication des apiculteurs et de la Confédération paysanne
est très claire : l'arrêt définitif de l'utilisation du Régent et pas
simplement la suspension de sa commercialisation", avait déclaré
dans l'après-midi José Bové. "Le ministre doit prendre une décision
ferme et définitive d'arrêt de l'utilisation du Régent, c'est-à-dire
demander le retour dans les entreprises de toutes les semences qui
ont été traitées avec du Régent", a-t-il ajouté.
"Nous avons trouvé un document émanant du ministère indiquant
que le retrait des stocks de semences déjà traitées pour les semis de
printemps coûterait beaucoup plus cher que les indemnisations
versées en cas de problèmes découlant de l'utilisation de ces
produits", a affirmé Brigitte Allain.
Martine Billard a justifié l'occupation de la DGAL par la nécessité de
"prendre ses responsabilités. C'est tellement scandaleux de faire
semblant de prendre une décision et en fait de ne pas vraiment
décider : quand le ministre ne prend pas ses responsabilités,
heureusement que des citoyens prennent les leurs", a-t-elle déclaré.
Elle a affirmé que les parlementaires étaient venus "en protection" :
"La répression est dure et s'il y a des parlementaires, ils n'osent pas
taper."
Avec AFP et Reuters
Insecticides : les notes confidentielles du
ministère révélées par José Bové
LE MONDE | 27.02.04 | 14h10
Des militants de la Confédération paysanne ont découvert,
lors d'une occupation mouvementée, jeudi 26 février, du
ministère de l'agriculture, un dossier sur le Régent,
soupçonné de tuer les abeilles. Pour le syndicaliste, "les
considérations financières l'ont emporté sur les impératifs
sanitaires".
L'initiative voulait marquer les esprits. Des manifestants de la
Confédération paysanne ont investi, jeudi 26 février, à 14 h 30, le
bureau du directeur général de l'alimentation, au ministère de
l'agriculture, à Paris. Ils entendaient protester contre la décision du
ministre, Hervé Gaymard, d'autoriser les agriculteurs et les
semenciers à écouler en 2004 leurs stocks de Régent, un enrobage
pesticide dont la molécule active, le fipronil, est soupçonnée de tuer
les abeilles. José Bové, porte-parole du syndicat paysan, a participé
à l'occupation.
Le préfet Thierry Klinger, directeur général de l'alimentation, n'était
pas dans son bureau au moment de l'intrusion : il finissait de
déjeuner dans le bistrot d'en face. M. Klinger a alors proposé aux
manifestants d'ouvrir une discussion dans une salle adjacente mais
s'est vu opposer un refus : les protestataires ne souhaitaient parler
qu'au ministre ou à un de ses conseillers.
"Ce sont des mœurs qui n'ont rien à voir avec la légalité française,a
affirmé M. Klinger, bloqué dans le hall. Je ne comprends pas ces
gens qui bravent la loi pour réclamer la légalité." Sur le fond du
dossier, le directeur général de l'alimentation a expliqué : "Les
apiculteurs disent : "le Régent, le Régent, le Régent" comme, dans
Molière, les médecins disent : "le poumon, le poumon, le poumon".
Ils refusent d'admettre que d'autres problèmes existent qui peuvent
expliquer les mortalités d'abeilles."
Dans le bureau du directeur, au sixième étage de la rue de
Vaugirard (15e arrondissement) se trouvaient une bonne trentaine
de manifestants. Des apiculteurs de la Confédération paysanne "Des intermittents de l'apiculture plutôt, plaisantait l'un d'eux. Un
jour, tu as des ruches, un jour tu n'en as plus" - mais également des
éleveurs et des céréaliers solidaires, venus de différentes régions.
Participaient également à l'opération deux députés (Verts) de Paris,
Yves Cochet, ancien ministre de l'environnement, et Martine Billard.
Gilles Lemaire, secrétaire général du parti écologiste, était
également du nombre.
SACS DE COUCHAGE
Plusieurs personnes avaient amené des sacs de couchage, prêts à
supporter un siège. "Nous ne quitterons pas ce bureau tant que le
ministre ne reviendra pas sur sa décision", affirmaient-ils. Sur les
bureaux trônaient trois ruches transportées depuis les Yvelines.
Etaient également posé un répulsif pour fourmis et un sac de
semences de maïs traités au Régent.
"On ne peut pas bâtir une agriculture qui provoque la disparition
d'une partie des siens. Or c'est exactement ce que provoque le
Régent avec les apiculteurs, explique Jean-Jacques Bailly, céréalier
en Haute-Marne. On met les agriculteurs dans la position d'être
demain dénoncés comme pollueurs et assassins. On est en train de
se faire hara-kiri." "Moi, je fais du tournesol et je n'utilise pas de
Régent, affirme Francis Huchot, céréalier dans l'Yonne. Il y a
d'autres solutions qui permettent d'obtenir des rendements égaux.
Ces produits-là bénéficient plus aux firmes qui les produisent qu'aux
agriculteurs."
Les syndicalistes ont trouvé - "sur le bureau" du directeur, affirme
José Bové - un dossier sur le Régent, contenant plusieurs documents
confidentiels. Une lecture à haute voix en a été faite dans un
brouhaha de réprobation et des photocopies ont commencé à
circuler. José Bové, avec un verre de marcillac, a attendu vainement
un appel du ministre.
PHOTOCOPIES
A 16 h 57, une cinquantaine de CRS ont donné l'assaut. Ils ont
d'abord essayé d'entrer par la porte, contre laquelle s'étaient arcboutés les militants de la Confédération paysanne. A 17 h 10, deux
CRS postés sur la terrasse ont brisé une des baies vitrées, projetant
des éclats de verre dans toute la pièce. L'irruption des forces de
l'ordre a mis fin à l'épreuve de force. Les manifestants, une
quarantaine, se sont assis et n'ont plus opposé qu'une résistance
passive. Au chahut a succédé un grand silence seulement perturbé
par le bruit du verre broyé sous les pas. Quelques abeilles
échappées des ruches et engourdies ont été écrasées.
Sans brutalité, les forces de l'ordre ont transporté un à un les
protestataires. José Bové s'était enchaîné au bureau, il a fallu le
dégager avec une pince coupante avant de l'emmener. A 17 h 26,
l'évacuation était achevée. Le dernier à quitter le bureau, le
journaliste du Monde, a pu constater le désordre occasionné tant par
les manifestants que par l'intervention de la force publique. Il a pu
s'assurer à cette occasion que le coffre-fort était fermé.
Des officiers de police judiciaire et M. Klinger se sont alors isolés
dans le bureau afin de procéder au constat, tandis que les
manifestants étaient évacués. Cinq minutes plus tard, ils sont sortis
en déclarant : "Il y a eu effraction et vol, la police judiciaire est
saisie." Il a été affirmé que la porte du coffre-fort avait été
retrouvée entrebâillée.
Tandis que les manifestants étaient conduits dans deux fourgons, les
journalistes étaient retenus dans le hall. Ils ont subi une palpation,
opérée avec civilité sur le journaliste du Monde par les matricules
463 318 et 484 559, qui ne dénichèrent rien. Des photocopies ont
en revanche été retrouvées sur deux confrères. Des journalistes ont
alors été conduits au commissariat du 15e arrondissement, tout
proche. Ils y ont été entendus comme témoins, de manière brève et
courtoise, par un agent de police judiciaire. Ils ont pu quitter les
locaux de la police vers 21 h 30, retrouvant sur le trottoir les
manifestants qui avaient été également relâchés.
"J'ai déclaré au commissaire divisionnaire qui m'interrogeait que je
n'avais rien à déclarer", affirmait José Bové, qui devait s'envoler
pour Bamako (Mali) vendredi. Il a pris acte de la plainte pour
dégradation, annoncée par le ministère de l'agriculture. Avant
d'allumer sa pipe et de lancer à la cantonade : "Bon, où est-ce
qu'on peut boire un coup maintenant ?"
Benoît Hopquin
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 28.02.04
Terre
Descente en piqué des apiculteurs
Emmenés par José Bové, des manifestants ont envahi la Direction de l'alimentation
pour exiger l'interdiction immédiate du Fipronil.
Par Alexandra FEYTIS
vendredi 27 février 2004
l était 14 heures hier lorsqu'une quarantaine de manifestants, apiculteurs,
agriculteurs céréaliers et autres membres de la Confédération paysanne se sont
retrouvés sur le pied de guerre, devant le bâtiment de la Direction générale de
l'alimentation (DGAL), rue d'Alleray à Paris. A leur tête, José Bové, porte-parole
de la Confédération, mène efficacement la délégation, accompagné d'Yves
Cochet et Martine Billard, députés Verts, et de Gilles Lemaire, secrétaire national
du parti.
La tension est forte et les manifestants, déterminés. Chargés de sacs de
pesticides et de trois ruches d'abeilles, ils montent au sixième étage du bâtiment,
et investissent d'autorité les bureaux de Thierry Klinger, directeur de la DGAL. A
peine arrivé, José Bové s'installe au bureau de Thierry Klinger, mystérieusement
absent ce jour-là. Entouré d'apiculteurs en tenue, enchaînés aux meubles, Bové
entame sa conférence de presse. Son inévitable pipe vissée au coin des lèvres.
Sacs de couchage. Face aux nombreux journalistes présents, il fustige la
«moitié de mesure» prise par le ministre de l'Agriculture, Hervé Gaymard. «Nous
nous installons jusqu'à nouvel ordre dans les bureaux de la DGAL afin d'exiger
l'interdiction immédiate de tout usage du fipronil ainsi que le retrait des
semences traitées et la remise à plat des procédures d'homologation, annonce-til. Si Hervé Gaymard reste sur ses positions, 2004 sera une année de cauchemar
pour les apiculteurs. Nous sommes donc décidés à rester le temps qu'il faudra
pour que le ministre assume ses responsabilités.» Sacs de couchage, nougat et
bouteilles de vin : les membres de la Confédération paysanne sont équipés pour
tenir un siège. «Plusieurs jours» si nécessaire.
Chez les Verts, l'attitude est plus modérée. Yves Cochet n'a pas apporté son sac
de couchage, pour cause de «meeting à Lyon». Mais il espère tout de même
«gagner cette bagarre et obtenir une réglementation» à l'échelle européenne.
Martine Billard, députée de Paris, fulmine : «Il est scandaleux de faire semblant
de prendre une décision.»
De nombreux agriculteurs céréaliers, membres de la Confédération, sont
présents sur les lieux afin de témoigner des dégâts infligés par des pesticides tels
que le Régent ou le Gaucho et apporter leur soutien aux apiculteurs. «Nous
sommes scandalisés par le fait qu'un produit aussi toxique que le Régent soit
commercialisé sans autorisation réelle», explique François Servel, apiculteur en
Ariège. Un fait d'autant plus choquant que, selon certains agriculteurs céréaliers
présents, «il existe de nombreuses alternatives» à l'utilisation de ces pesticides.
Issues bloquées. Tout au long de l'après-midi, José Bové essaie de joindre le
ministère de l'Agriculture. Mais ses tentatives restent sans réponse. Confiants,
les manifestants attendent patiemment un appel du ministre ou de son chef de
cabinet. Pendant ce temps, les forces de police s'amoncellent au pied du
bâtiment et bloquent toutes les issues. Plus personne ne peut rentrer ou sortir
jusqu'à nouvel ordre. Les autorités n'ont d'ailleurs pas lésiné sur les moyens.
Trois cars de CRS et plus d'une dizaine de camions de police sont alignés sur le
trottoir. Ils attendent les instructions, qui ne tardent pas à arriver.
Vers 17 h 30, le coup d'envoi est donné. Les CRS bloquent le sixième étage et
font une entrée fracassante dans les bureaux de la DGAL. La vitre du balcon vole
en éclats et ouvre le passage aux forces de police. Toutes les personnes
présentes dans la pièce sont alors évacuées du bureau, de gré ou de force, selon
un photographe encore sur les lieux. L'interpellation est sauvage et se fait sans
aucune distinction. Tous les acteurs du drame sont logés à la même enseigne :
José Bové, Gilles Lemaire et les journalistes sur place sont énergiquement
embarqués au commissariat. Seuls les députés Verts échappent à cette
opération, protégés par leur statut de parlementaires. Les personnes interpellées
sont ensuite réparties dans des bus grillagés par «manque de place» au
commissariat du XVe. Puis fouillées par la police judiciaire qui cherche un
mystérieux document disparu. Le ministère de l'Agriculture a annoncé qu'il
portait plainte pour les dégradations causées dans les locaux de la DGAL.
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