THÉORIE DES NOMBRES ALGÉBRIQUES

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THÉORIE DES NOMBRES ALGÉBRIQUES
SUR QUELQUES THÉORÈMES GÉNÉRAUX
DE LA
THÉORIE DES NOMBRES ALGÉBRIQUES
PAR T. TAKAGJ
(TORIO)
Dans un Mémoire qui vient d'être publié comme un des derniers cahiers du
Journal de notre Faculté ('), j'ai exposé une théorie du corps algébrique relativement
abélien. Ce Journal étant peu connu parmi nos collègues, je profite de l'occasion du
Congrès pour vous communiquer les principaux résultats auxquels je suis arrivé.
La notion d'idéaux équivalents et celle de la classe d'idéaux ont éprouvé dans ces
derniers temps des généralisations considérables, notamment par Henri Weber.
Deux idéaux a, b d'un corps algébrique k sont équivalents et appartiennent à la
même classe au sens le plus large du mot, quand il existe dans le corps k un nombre x tel que
a=
xb,
c'est-à-dire que le quotient des idéaux - , est un idéal principal fractionnaire (x).
Cette définition de la classe d'idéaux est fondée sur ce fait que les idéaux principaux (x) d'un corps k forment dans leur ensemble un groupe par multiplication.
On voit immédiatement que les classes d'idéaux peuvent ê.tre définies plus généralement en soumettant les quotients - aux autres restrictions, pourvu qu'ils forment
toujours un groupe par multiplication.
En envisageant la totalité des idéaux entiers et fractionnaires d'un corps A*. qui
sont premiers relativement à un idéal donné m (Yexcludeni de Weber), qui forment
(') T. Takagi, Ueber eine Theorie des relaliu Abel'sehen Zahlkörpers (Journal of the College of Science..Tokio Imperial University, vol. ?\i, ail. 9).
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T. TARAGI.
en leur ensemble un groupe G par multiplication, soit 0 un sous-groupe de celui-ci.
On peut alors répartir les idéaux de G en un nombre fini ou infini de complexes
d'idéaux de la forme Oa, qui sera une classe d'idéaux suivant le groupe O, ce dernier étant la classe principale.
Pour être féconde, on doit soumettre le groupe O suivant lequel les classes sont
définies aux restrictions convenables. Celle qui s'est montrée comme la plus importante est la suivante, que je désignerai comme la condition de Dirichlet :
Soit a un idéal entier quelconque de notre corps et soit T(/i) le nombre des
idéaux principaux contenus dans O qui soient divisibles par a, et dont les normes
soient inférieures à n. Il faut alors qu'on ait
T(n)
f.
Lim —i-i =
n
c
—N(a)
où c est une constante positive dépendant seulement de G et O.
De cette condition il s'ensuit que le nombre de classes est fini.
Soit maintenant K un corps supérieur relativement normal de degré relatif n.
Celles des classes du corps de fond k qui contient la norme d'idéal du corps supérieur forment évidemment un sous-groupe H du groupe complet G de classes du
corps k, dont l'index (G : H) n'est jamais supérieur au degré relatif n. C'est là une
conséquence importante de la condition de Dirichlet.
Si toutefois le degré relatif du corps supérieur R est égal à l'index (G : H) du
groupe de classes correspondant H, j'appellerai alors le corps supérieur K le corps
de classes attaché au groupe de classes H, en modification d'une terminologie introduite par H. Weber.
La condition de Dirichlet est remplie, quand on prend pour O le groupe d'idéaux
principaux définis par les nombres a du corps k satisfaisant à la congruence :
a = i (mod. m), m étant un idéal quelconque de k.
On peut aussi assujettir ces nombres a aux certaines restrictions concernant les
signes que prennent les nombres réels conjugués à a, restrictions qui se conforment
à la propriété du groupe, par exemple, d'avoir la norme positive, ou d'être totalement positif^).
Dans ce qui suit, il ne s'agira que de classes d'idéaux définis de cette manière par
voie de congruence avec des restrictions de signes.
Ces préliminaires étant posés, j'énonce quelques théorèmes généraux sur les corps
relativement abéliens par rapport au corps donné k, en vous renvoyant pour la démonstration à mon mémoire que j'ai cité antérieurement.
(') Ces conditions peuvent être posées d'une manière beaucoup plus générale; voir le
mémoire cité.
THÉORÈMES GÉNÉRAUX DE LA THÉORIE DES NOMBRES ALGÉBRIQUES,.
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Le premier de ces théorèmes fondamentaux est le théorème d'existence du corps
de classes, que voici :
Étant donné dans le corps de fond k un groupe de classes H suivant le module m,
il existe toujours un corps de classes, et un seul, attaché à celui-là ; il jouit des propriétés suivantes :
r II est relativement abélien par rapport au corps de fond k ;
20 Le groupe de Galois du corps relatif K//c est holoédriquement isomorphe au
groupe complémentaire G/H du groupe de classes ;
3° Aucun idéal premier de k, ne divisant pas la module de m, n'entre comme
facteur dans le discriminant relatif au corps supérieur K;
4° Tout idéal premier du corps de.fond k qui appartient au groupe de classes H,
et celui-ci seulement, se décompose en facteurs premiers du premier degré relatif
dans le corps supérieur K. Plus généralement, tout idéal appartenant au même complexe Hc se décompose de la même manière en facteurs premiers dans le corps supérieur K.
C'est là un théorème qui contient comme cas particulier celui qui a été énoncé
le premier par M. Hilbert, dans le cas où le module m est égal à 1.
Également important est le théorème réciproque qui s'énonce ainsi :
Soit K un corps donné relativement abélien par rapport au corps de fond k, et
soit m le discriminant relatif. En définissant les classes d'idéaux dans ce dernier
corps suivant le groupe d'idéaux 0(m)(l), — je désignerai ainsi le groupe d'idéaux
principaux définis par les nombres a totalement positifs et satisfaisant à la congruence : a = 1 (mod. m), — il existe toujours.un groupe de classes H, tel que le
corps supérieur K est le corps de classes attaché à celui-là.
C'est ainsi que tous les corps supérieurs relativement abéliens par rapport à un
corps algébrique donné et d'un autre côté tous les groupes de classes d'idéaux de ce
corps se mirent en correspondance univoque et réciproqne et de telle manière de
plus que les corps supérieurs K et K' étant attachés respectivement aux groupes de
classes H et H', K contiendrait K' comme sous-corps, lorsque H serait contenu
comme sous-groupe dans H', et réciproquement.
En désignant alors par K(m) le corps de classes complet suivant le module m, c'està-dire le corps de classes attaché au groupe O(ra) lui-même, on voit que tout corps
supérieur relativement abélien est contenu dans un corps K(m), quand m est divible par le discriminant relatif du corps supérieur.
(*) Cette condition suffisante est beaucoup plus générale qu'il n'est nécessaire. On trouvera la condition plus précise dans mon Mémoire cilé.
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T. TAKAGI.
Outre le corps de nombres rationnels, les corps quadratiques imaginaires jouissent de ce caractère spécial que tous les corps relativement abéliens se ramènent à
certains corps simples, dépeudant des idéaux premiers du corps de fond. On peut
prendre pour ceux-ci les corps :
K(0,
(*=!,*, ...)>
K(fp),
(e = 3ou2),
et
où / est un facteur premier de 2, p un idéal premier différent de /, et e est égal à
3 ou à 2, suivant que le discriminant du corps de fond est pair ou impair.
J'ai démontré dans mon Mémoire cité que ces corps élémentaires peuvent être
définis par les équations de la division des périodes de la fonction sn(u;m) de
Jacobi, lorsque o> est un irrationnel quadratique convenablement choisi dans le
corps de fond, — en confirmation d'une conjecture célèbre de Rronecker, qui n'a été
achevée qu'en partie par II. Weber et M. R. Fueter (dans son mémoire de Math.
Annalen, tome 75).
Parlons encore d'une autre conséquence de notre théorème d'existence du corps
de classes. Comme il a été démontré par H. Weber et par M. E. Landau, l'existence
d'un corps de classes une fois établie, il s'ensuit qu'il y a un nombre infini d'idéaux
premiers du premier degré dans toutes les classes d'idéaux d'un corps algébrique
quelconque, que, de plus, les nombres de ces idéaux premiers, en les comptant suivant la norme croissante, sont asymptotiquement égaux pour toutes, les classes
d'idéaux. C'est là une généralisation d'un théorème classique de Dirichlet sur les
nombres premiers ralionuels contenus dans une série arithmétique.
En m!arrêtant ici, je me permets d'attirer votre attention sur un problème important de la théorie des nombres algébriques : à savoir, rechercher s'il est possible
de définir la classe d'idéaux d'un corps algébrique de telle manière que le corps
supérieur relativement normal mais non abélien puisse être caractérisé par le groupe
correspondant de classes d'idéaux du corps de fond.
C'est ce que l'on n'achève pas, nous venons de le voir, par voie de congruence.