Quelques réflexions générales sur le principe d`égalité dans la

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Quelques réflexions générales sur le principe d`égalité dans la
LA REVUE EN LIGNE DU BARREAU de LIEGE
- ACTUALITES Quelques réflexions générales sur le principe d’égalité dans la jurisprudence de la Cour
d’arbitrage
par ME Nicolas BANNEUX
10 novembre 2004
La jurisprudence de la Cour d’arbitrage statuant sur le respect, par une norme législative, du principe
constitutionnel d’égalité et de non-discrimination (art. 10 et 11 de la Constitution) a pris, en quinze
ans, une ampleur telle qu’elle tend à s’immiscer dans les différentes branches du Droit et à remettre en
cause la définition des concepts les mieux ancrés.
Nous avons eu récemment l’occasion de commenter quelques aspects de la jurisprudence récente en la
matière (« L’égalité, clef du contentieux constitutionnel ? » in L’égalité : nouvelle(s) clé(s) du droit ?,
Formation permanente, Commission Université Palais, vol. 73, Bruxelles, Larcier, 2004, pp. 8-74).
Nous renvoyons le lecteur à cette contribution pour de plus amples développements.
Qu’il nous soit ici permis d’attirer brièvement l’attention sur quelques questions qui surgissent à
l’occasion de la contestation de la constitutionnalité d’une norme de nature législative.
Jusqu’il y a peu, la Cour d’arbitrage n’exerçait son contrôle qu’au regard des articles 10, 11 et 24 de la
Constitution ainsi que des règles répartitrices de compétence. Cette compétence -théoriquementlimitée a contribué à conférer au principe d’égalité et de non-discrimination une place prépondérante
dans la jurisprudence constitutionnelle.
Le contrôle du respect de ce principe conduit à déterminer des catégories de personnes, à les comparer
entre elles et à vérifier si le traitement qui leur est réservé n’est pas discriminatoire.
L’obligation de comparaison, condition de recevabilité d’une question préjudicielle ou d’un moyen
d’annulation fondés sur les articles 10 et 11 de la Constitution, induit une conception collective du
droit à l’égalité.
En outre, ce type de raisonnement pose le délicat problème de l’origine des discriminations invoquées
(norme expresse, absence de norme spécifique, norme contrôlée dans une interprétation particulière,
…). Une difficulté particulière apparaît lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre certains arrêts qui
constatent une violation du principe d’égalité sans pour autant la situer dans une disposition précise.
Une fois l’existence d’une différence de traitement établie et les termes de la comparaison posés, la
Cour d’arbitrage soumet la norme querellée à différents tests. Chacun d’entre eux présente une
occasion d’obtenir une décision d’inconstitutionnalité :
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Le test de comparabilité tend à vérifier si les situations en cause ne sont pas à ce point
différentes qu’elles ne puissent faire l’objet d’une comparaison utile.
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L’identification de l’objectif poursuivi par le législateur donne, dans de très rares occasions,
lieu à un contrôle de la légitimité de ce but.
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Le critère de distinction doit être justifié. La Cour contrôle le caractère raisonnable de cette
justification.
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Le critère de distinction utilisé doit être objectif (ce qui est généralement le cas) et pertinent,
c’est-à-dire que la Cour vérifie s’il contribue à atteindre le but visé.
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La Cour examine enfin si les moyens employés par législateur ne vont pas au-delà de ce qui
est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. Il s’agit du contrôle de la proportionnalité de la
mesure.
Il importe également de signaler que la Cour accepte de se pencher sur la constitutionnalité de normes
qui n’établissent aucune différence de traitement, si elles saisissent des catégories de personnes qui se
trouvent dans des situations essentiellement différentes en leur réservant un traitement identique.
Nous formulerons enfin trois observations qui semblent traverser l’ensemble de la jurisprudence
constitutionnelle.
Tout d’abord, les différents tests ne se retrouvent pas -loin s’en faut- dans tous les arrêts, la Cour
focalisant son contrôle sur ceux qui posent un problème particulier. En outre, des notions aux contours
souples (comme celle de « raisonnable ») contribuent à envisager de manière globale plusieurs tests
classiquement présentés comme distincts.
Par ailleurs, le contrôle de la Cour d’arbitrage tient compte, aux différents stades du raisonnement, de
la nature des principes en cause, un arrêt d’inconstitutionnalité étant plus aisément obtenu lorsque le
droit revendiqué se trouve au rang de ceux que le Juge constitutionnel considère comme
fondamentaux.
Enfin, la Cour examine le respect du principe d’égalité en considération de l’état du droit et de la
société tels qu’ils se présentent à l’heure où le contrôle est exercé, ce qui a parfois pour effet de révéler
l’inconstitutionnalité de normes pourtant conformes à la Constitution au moment de leur adoption.
Ces réflexions qui tracent quelques lignes de force de la jurisprudence ne doivent toutefois pas
occulter la complexité d’une matière en constante évolution et dont un essai de synthèse ne peut, par
essence, refléter les multiples nuances.
Les opinions émises dans LA REVUE EN LIGNE DU BARREAU de LIEGE
n'engagent que leur(s) auteur(s) et nullement l'Ordre des avocats du barreau de Liège
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