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24heures | Samedi-dimanche 9-10 novembre 2013
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TENDANCES
Madame Mo murmure ses
mots doux depuis dix ans
Rencontre avec les mamans des petits personnages ludiques et japonisants, avant leur venue en Suisse
Annick Chevillot
Toulouse
L
e petit café du centre-ville de
Toulouse est cosy et chaleureux. Il fait beau et chaud. Il a
fallu se rendre dans le Sud
pour rencontrer les deux mamans de Madame Mo: un univers et des personnages colorés, ludiques
et enfantins. Pascale et Agnès arrivent.
Leur ressemblance est frappante: on dirait des jumelles. «Non, moi je suis l’aînée
et je crée. Le graphisme, c'est moi», lance
Pascale Moteki, 40 ans. «Et moi, je suis la
gestionnaire», explique Agnès Lafaye,
39 ans. Les sœurs toulousaines forment
un tandem complémentaire. Pascale habite toujours dans la cité rose. Agnès,
elle, habite un petit village du Béarn
(dans la région de Pau) après avoir
voyagé entre Lille, Paris, Lisbonne.
L’aînée a étudié les sciences du langage,
la puînée le commerce.
Les créations de Pascale et d’Agnès
dépoussièrent les traditions japonaises,
pas celles de la Haute-Garonne. Pour
autant, avec elles, on ne navigue pas ici
entre manga, anime et sushis, mais bien
dans l’illustration et la réinterprétation
Les koinobori, des poissons à faire
flotter au vent. DR
«Nous savons que nous n’avons pas
choisi le chemin de la facilité. Mais nos
valeurs sont plus importantes qu’une
stratégie commerciale. Nous n’avons
d’ailleurs pas de business plan! Nous
fonctionnons à l’humain, à la rencontre,
à la confiance. Nous avons une démarche
citoyenne et désirons rester dans l’artisanat.»
A deux, le succès des premières années n’était pas gérable. Madame Mo a
grandi… puis rétréci. Elles rient, se rient
de ces aléas économiques en continuant
à créer, à imaginer un monde douxamer, comme celui de leur personnage.
Elles ont découvert le yoga et espèrent
continuer leur travail au calme: «Nous
avons fait le choix de la tranquillité.»
Les deux sœurs sortent volontiers de
la douceur de leur cité pour faire connaître la marque. «Il fait bon vivre à Toulouse. La ville est dynamique au niveau
du rugby, du foot, de l’aéronautique et
de l’apéro. Mais culturellement…» Paris
aimante, toujours, concentre presque
tout. Elles ne s’imaginent pourtant pas
chez Colette, le concept store huppé de la
capitale.
Au mois d’avril 2014, elles vont fêter
les 10 ans de Madame Mo (lire ci-dessous).
Il faudra bien faire la tournée des grands
ducs pour marquer le coup. Même si
elles n’ont «clairement pas assez d’argent
pour organiser une grande fête», Pascale
et Agnès y voient tout le positif et le potentiel que cela représente. Créer, inventer, se réinventer et continuer à «faire
plaisir».
Celles qui ont influencé nombre de
créateurs ces dix dernières années dans
le domaine de la papeterie, des tissus,
des cartes ou des objets ludiques ne veulent pas trop se disperser. Elles maîtrisent leur univers enfantin conçu dans des
matériaux nobles, locaux et faits avec
soin. «Dans dix ans? Nous aimerions bien
nous transformer en… dalaï-lama», lancent-elles dans un grand éclat de rire.
Plus sérieusement, elles souhaitent tout
simplement continuer à vivre de leurs
créations et être encore là.
«Nous avons
une démarche citoyenne
et désirons rester
dans l’artisanat»
Agnès
Lafaye,
39 ans,
gestionnaire
Pascale
Moteki,
40 ans,
graphiste
des coutumes nipponnes. Sous la marque Madame Mo, on trouve donc des
noren (sorte de rideaux), des tabliers, des
articles de papeteries, des koinobori
(manches à air en forme de carpes qui se
mettent à l’extérieur des maisons au
mois de mai en l’honneur de la fête des
enfants), des peluches et un livre Les fêtes
japonaises, sorti ce printemps. Quatre
nouveaux ouvrages sont en préparation.
Mais alors, comment le Japon est-il
entré dans leur vie? Les filles du SudOuest l’ont découvert grâce à l’amour:
«J’ai rencontré mon mari, Norio, à l’Université, raconte Pascale. Il est venu ici
pour étudier le français.» Devenue Madame Moteki, elle trouve également le
nom de sa petite entreprise, Madame Mo.
Au début, elle crée un dessin animé avec
trois personnages: Plüg, Rose et Yoko.
Des dessins naissent des poupées de chiffons. «A l’époque, je vivais à Paris, souligne sa sœur. J’ai commencé à faire du
porte-à-porte avec le travail de Pascale,
de boutique en boutique. Je me déplaçais
en métro avec toute ma marchandise
dans un caddie.»
L’accueil est «très bon» dès le départ.
Le succès les pousse à élargir la gamme,
mais pas à grandir trop vite. «Nous avons
des valeurs très fortes!» Les deux sœurs
refusent de délocaliser. «Cela ne nous
intéresse pas de faire fabriquer nos articles en Chine, assurent-elles en chœur.
Nous voulons privilégier l’emploi ici, en
France. Madame Mo ne représente pas
juste un revenu. Nous voulons donner du
sens à notre travail.»
Ainsi, le parapluie maison est confectionné à Aurillac. Leur robe-tablier est
taillée dans du lin cultivé, tissé et sérigraphié en France. Tout le textile est bio.
VC6
Contrôle qualité
Les personnages colorés de Madame Mo se réfèrent au Japon, mais ils sont tous fabriqués en France.
Dix bougies et quelques émotions
U Pour fêter les 10 ans de la petite
Madame Mo, ses deux mamans ont
prévu un programme riche. Il sera à
découvrir tout au long de l’année 2014
sur leur site internet et dans les
boutiques partenaires.
Elles vont commencer par créer une
collection entière dédiée à cet anniversaire. Il y aura aussi beaucoup de
Koinobori (manches à air en forme de
carpes). «C’est devenu l’emblème de
notre marque, explique Pascale Moteki.
C’est l’objet qui nous a fait connaître au
Japon.» Ces poissons colorés seront
donc partout: tissus, pochettes, etc. Des
carnets d’écritures avec des motifs
spéciaux seront également offerts.
Mais le projet qui leur tien le plus à
cœur, ce sont les bols Henriot. La
plupart des petits Français reçoivent un
jour ou l’autre un de ces bols bretons
avec leur prénom écrit à la main. «Cet
objet a un véritable potentiel affectif»,
se réjouit la graphiste. La version
nippono-toulousaine des bols, toujours
fabriqués, en Bretagne est promise à un
bel accueil. Et pour les poètes, il y aura
un concours de haïkus.
www.madamemo.com
On trouve les objets Madame Mo chez:
Genève Au chien Bleu, rue Leschot 11.
Nyon The Reading Duck, Grand-Rue 26.
Lausanne Fricote, rue Marterey 36.
Lutry Librairie Cha-Pitre, Grand-Rue 35.
Les voir en Suisse
Pascale et Agnès viennent en Suisse
la semaine prochaine.
15 novembre Au Chien Bleu à Genève,
pour une séance de dédicace qui sera
suivie d’un apéritif. De 17 h à 19 h.
16 novembre A Lausanne, d’abord
chez Fricote pour un atelier Art de la
table, pliage d’origamis et séance de
dédicace. De 11 h à midi. Puis chez
Payot pour une lecture de l’histoire La
Fête des enfants et un atelier bricolages. Une séance de dédicace suivra.
De 15 h à 16 h. Nombre de places
limitées. S’inscrire à l’avance.