Roger Ménétrier, orfèvre dans le travail du bois de châtaignier

Transcription

Roger Ménétrier, orfèvre dans le travail du bois de châtaignier
La châtaigneraie à bois Cévenole
Auprès de nos arbres n°26 - Mars 2012
Roger Ménétrier, orfèvre dans le travail du bois de châtaignier
Roger Ménétrier rassemble à lui tout seul
l’ensemble des métiers de la forêt. Autodidacte
du travail du bois de châtaignier, il est passé
orfèvre en la matière, acquérant une renommée dans la restauration des charpentes et
boiseries des monuments historiques qui
s’étend bien au-delà de ses Cévennes d’adoption. Après 35 années consacrées au châtaignier, il nous livre sa vision de l’avenir de
l’arbre mythique cévenol.
Originaire du haut Doubs, fils de garde forestier et petit-fils de
bûcheron, très jeune Roger Ménétrier, avec ses frères et sa sœur,
participe à de petits travaux forestiers, pour aider ses parents à
faire bouillir la marmite. Là naîtra certainement « cette espèce
d’appétit pour le travail manuel, pour la nature, pour la forêt ».
Après des études littéraires, qu’il interrompt juste avant d’obtenir sa maîtrise alors qu’il est maître auxiliaire, il devient bûcheron ! Après 4 ans de bûcheronnage dans le Doubs, pendant lesquels il peaufine sa connaissance des arbres et de la forêt, en
1976, il découvre les Cévennes et… le châtaignier ! Il est très
étonné « par cette quantité d’arbres livrés à eux-mêmes » et très
rapidement il s’aperçoit « que c’est un bois intéressant ». Alors
commence à Chalap (Sénéchas) sa relation et son aventure avec
le bois de châtaignier. D’entrée, il transpose à son activité les
pratiques des artisans de son pays forestier natal : il choisit ses
arbres, les abat, les laisse sécher sur coupe sans les ébrancher,
puis les débarde et les transporte jusqu’à sa scierie où il les débite avant de les transformer en charpente, en menuiserie… Le
travail du bois, il l’apprend sur le tas. Il commence par confectionner de petites charpentes à peine équarries comme le faisaient les anciens cévenols. Puis il passe à des choses de plus en
plus élaborées pour finir par de véritables merveilles. Si bien que
pour son remarquable savoir-faire, il reçoit, en 2000, le prix de la
fondation Liliane Bettencourt « pour l’intelligence de la main »
et, en 2003, le « trophée bois entreprise » décerné par le Conseil
régional du Languedoc-Roussillon.
La Gazette : Quel est votre secret pour élaborer de tels chefs d’oeuvre ?
R. Ménétrier : Quand je repère mes coupes, je sais que tel arbre,
avec telle courbe, conviendra à tel chantier. Le bois n’est pas un
simple matériau, c’est un individu, un être vivant. Les arbres ne
réagissent pas tous de la même façon, surtout les châtaigniers.
Même des arbres qui ont poussé proches l’un de l’autre n’ont pas
le même comportement au séchage. Ou bien l’un peut avoir une
vigueur extraordinaire et l’autre aucune vaillance. Chaque arbre
est vraiment une individualité. Pour moi, la charpente est intéressante car elle me permet d’exprimer cette vision un peu particulière de la forêt. Comme je ne fais que du sciage à cœur (une
seule pièce de charpente par bille de bois), je continue à rendre
individu chaque arbre. C’est fidèle à ma conception de la forêt et
cela procure un gros avantage : le bois ne bouge pas !
nettement trop faible. On compte en moyenne 1/3 de menuiserie, 1/3 de chevrons et 1/3 de bois de chauffage. Amortir ses
frais est donc difficile.
Abandonné depuis 40 ou 50 ans, parfois plus, il est clair que les
peuplements de châtaignier sont globalement dans un état catastrophique ! Mais il est encore temps de réagir et de reprendre
en main la destinée du châtaignier.
Quel avenir pour le châtaignier…? C’est bien la question que
tout le monde se pose.
Certes le châtaignier n’est pas une essence méditerranéenne et il
est vrai que les meilleures stations à châtaignier se situent sur
versant nord et au-dessus de 600m. Toutefois, la nature s’avère
parfois très surprenante. En effet, les peuplements exposés au
sud et à basse altitude ne sont pas tous voués à l’échec ! Il est
clair qu’il faut traiter chaque peuplement au cas par cas. Certains
ne donneront jamais rien et il faudrait penser à les transformer
avec des espèces adaptées au réchauffement climatique. Toutefois, s’il subsiste quelques tiges de bonnes qualités sur une parcelle, c’est que cette dernière est située sur une station potentiellement adéquate au châtaignier.
Nos anciens nous ont laissé un incroyable cadeau que nous laissons dépérir ! La solution ? Revaloriser l’image du châtaignier et
motiver davantage les propriétaires. Mais pour cela, il faudrait
avant tout une réelle volonté politique et débloquer suffisamment d’argent pour faire bouger les choses. C’est en réinvestissant dans les forêts privées, où l’on trouve la quasi-totalité des
châtaigneraies pour le bois, que nous pourrons redynamiser sa
sylviculture et ainsi assurer sa pérennité. Il faudrait d’abord passer en coupes rases tous les peuplements de châtaignier surannés, puis effectuer un dépressage dans les nombreux rejets de
souches suivi d’éclaircies successives. Mener une sylviculture
dynamique serait une solution évidente pour sauver la châtaigneraie cévenole. Cette méthode peut paraître violente mais c’est
la seule qui s’avèrera réellement efficace. En effet, par manque de
sylviculture, les tiges ont été concurrencées toute leur vie pour se
faire une place au sein du peuplement. Donc, si on se contente
d’éclaircir, les tiges subiront un choc encore plus violent et ne
s’en remettront pas. D’ailleurs, beaucoup de chantiers d’éclaircies effectuées trop tardivement le prouvent.
D’autre part, je pense qu’il serait nécessaire de créer une sorte
d’observatoire du châtaignier pour valoriser ses différentes capacités et je suis persuadé qu’on a encore beaucoup de choses à
apprendre sur cette essence !
Propos recueillis par Jérémy Bras, technicien au Syndicat.
La forêt privée a beaucoup travaillé au profit du châtaignier et
ce sont les petites entreprises individuelles qui ont réussi tant
bien que mal à le valoriser malgré ses nombreux défauts
(mauvaise conformation, roulure, maladies..). Mais cette filière
souffre. Pour de la menuiserie, le rendement d’une coupe est
Photo J. Bras
Quelle vision avez-vous de l’avenir du châtaignier en Cévennes ?
R. Ménétrier utilise les courbes naturelles des châtaigniers pour créer
des structures originales
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