1 PONGO LE PETIT INDIEN Dans les temps lointains, les Indiens n

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1 PONGO LE PETIT INDIEN Dans les temps lointains, les Indiens n
PONGO LE PETIT INDIEN
Dans
les
temps
lointains,
les
Indiens
n’avaient
pas
de
chevaux.
Lorsqu’ils devaient se déplacer, ils utilisaient des chiens, qui tiraient de longues perches sur
lesquelles étaient disposés leurs tentes enroulées et leurs bagages.
Pour le reste, ils ne pouvaient compter que sur leurs bras pour porter et sur leurs jambes pour
marcher.
Les voyages étaient longs, la chasse difficile : impossible de rattraper le bison dans sa course
rapide. Mais depuis toujours les chasseurs connaissaient les chemins qu’empruntaient les
troupeaux et leur tendaient des embuscades. Car le bison c’était le trésor des Indiens :la
viande qui n’était pas mangé tout de suite était séchée ou fumée, la graisse alimentait les
lampes, les tendons devenaient cordes ou fils, les peaux servaient de couvertures.
Ce printemps là plusieurs familles s’étaient retrouvées près de la Grande Rivière pour attendre
le passage d’un énorme troupeau. Les hommes avaient dressé leurs tentes et préparé leurs
armes ; les femmes avaient allumé les feux et cuisaient la nourriture et les enfants jouaient et
se pourchassaient en riant . Pourtant parmi eux, il y avait un garçon qui restait à l’écart et ne
participait ni aux activités des grands ni aux jeux des petits.
Il s’appelait Pongo, c’était un orphelin. A la mort de ses parents, il était resté parmi les siens,
mais personne n’avait ouvert sa tente pour l’accueillir, personne ne s’était poussé pour lui
laisser une place autour du feu.
Pongo était si petit, si maigre et paraissait si, faible qu’il ne pouvait rien porter, ni armes, ni
bagages, ni rien. Lorsque les enfants de son âge partaient ramassés du bois mort, il ne
rapportait que quelques petites branches bien vite brûlées. Et quand les garçons s’entrainaient
à tirer à l’arc, il ne parvenait pas à tendre la corde
_ « C’est une bouche inutile disaient les Indiens entre eux, il ne sera jamais un homme et ses
parents ne sont plus là pour le protéger : pourquoi devrions-nous le nourrir alors qu’il ne sait
rien faire. »
Ils auraient sans doute fini par le chasser si Ilowa, le chef, ne s’était interposé.
« Tirawa, le grand Esprit nous l’a confié. Lui seul sait pourquoi ce garçon est venu au monde
Chacun a son rôle sous le soleil. Un jour, peut-être, il nous rendra service »
_ « Et comment fera-t-il ? Un bébé est plus fort que lui ! »
Alors, pour ne pas le laisser mourir de faim, les hommes lui lançaient parfois des restes de
viande comme on fait pour les chiens.
Et lorsque chacun se retirait dans la tente pour dormir, Pongo s’entourait dans sa couverture et
dormait seul sous le ciel sombre, sans protection.
Ce matin là, on entendit soudain un grondement lointain venant de l’est. D’abord, à peine
perceptible, il s’amplifia peu à peu. C’était comme si des milliers de tambours battaient
ensemble en se rapprochant. La terre se mit à trembler
_ Les bisons crièrent les hommes, les bisons arrivent !
Aussitôt tout le monde est sur pied et s’affaire. En grande hâte, les tentes sont démontées, les
bagages pliés, les chiens attelés. En quelques instants, chacun est prêt au départ
- Et Pongo ? demande soudain une femme.
_ Pongo ? il ne peut rien porter et il traîne la jambe : il ne fera que nous retarder !
Ilowa se tourna vers l’orphelin et lui dit doucement :
_ Pongo, attends-nous ici. Nous serons de retour dans quelques jours, quand la chasse sera
terminée. C’est mieux ainsi.
Et, au milieu des cris, des aboiements et des claquements de fouet, tous se mettent en route.
Pongo les regarde s’éloigner. Lorsqu’ils ont disparu, il revient lentement vers le lieu du
campement. Comme un animal, il flaire ça et là, cherchant un éventuel reste de nourriture,
mais en vain. Il se sent triste et abandonné. Il marche jusqu’à la Grande rivière, s’assoit sur le
sable et regarde l’eau couler.
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Pongo l‘orphelin, Pongo l’inutile, se répète-t-il. Pongo le petit, Pongo le bon à rien. Pongo
aux bras légers comme des nuages, Pongo au cœur lourd comme un rocher : « pourquoi ne
suis-je pas au pays des morts comme mes parents ? »
Et silencieusement il se met à pleurer.
Ses larmes coulent sur ses joues et tombent sans bruit sur le sable. Bientôt celui-ci est tout
mouillé. Pongo sourit malgré ses larmes : « je vais modeler un petit chien, il me tiendra
compagnie. »
Ses doigts habiles sculptent le sable humide, peu à peu les formes apparaissent : le corps, la
tête. Mais le cou lui semble trop grand, les pattes trop longues. Il tente de les réduire mais en
vain : c’est comme si le sable refusait de lui obéir.
-« Celui-ci est raté, se dit-il, je vais en faire un autre. »
A nouveau il façonne, à nouveau il dessine : mais le second animal ressemble en tous points
au premier : même cou, mêmes pattes, même queue fournie. Dépité, le garçon s’arrête :
« Je n’y arriverai pas ! C’est à croire que ce sable est magique ! Pongo le bon à rien même pas
capable de modeler un chien. »
Il sent soudain une immense fatigue l’envahir et, sans qu’il le veuille, ses yeux se ferment et il
s’endort.
A peine endormi, il fait un rêve. Comme porté par un nuage, un être étrange lui apparaît ; Un
être ni homme, ni femme ,ni lumière, ni ombre, sans visage, ni forme, un être qui lui parle
d’une voix douce comme une musique :
_Pongo ! Ne sois plus triste et n’aie pas peur : je suis Tirawa le Grand Esprit, j’ai quitté ma
demeure lointaine pour te venir en aide et te dire ce que tu dois faire.
C’est moi qui sans que tu le saches, t’ai donné l’idée de sculpter le sable. C’est moi qui ai
guidé tes doigts .Les animaux que tu as faits ne sont pas des chiens, ce sont des chevaux. Ils
pourront porter des charges et des hommes, ils pourront battre les bisons à la course, ils seront
serviables et fidèles. Ecoute-moi bien et n’oublie pas mes paroles : à ton réveil, ils seront
vivants mais encore très faibles. Garde-les auprès de toi pendant quatre jours : ils brouteront
l’herbe de la prairie, boiront l’eau de la rivière, ils grandiront et deviendront forts. Tu pourras
les chevaucher et les guider. Les quatre jours entiers passé, va rejoindre les tiens. Grâce à ses
animaux tu ne seras plus jamais Pongo le petit, mais le grand Pongo .Et Tirawa sortit du
songe du garçon comme une brume.
Lorsque Pongo s’éveilla, il découvrit près de lui les deux petits animaux de sable, oreilles
dressées, crinière mouvante, allure fringante. Mais ils avaient gardé la taille que le garçon leur
avait donnée en les sculptant et semblaient être des jouets vivants .Pongo les saisit
délicatement dans ses mains et les porta un peu plus loin, à un endroit où l’herbe était
abondante. Il les posa sur le sol et aussitôt ils se mirent à brouter. Ils broutèrent toute la
journée et le garçon ne pouvait s’empêcher de les admirer car, chose extraordinaire, plus ils
broutaient, plus ils grossissaient. Le soir venu, ils avaient déjà la taille d’un chien. Ils burent à
la rivière et s’endormirent debout sur leurs pattes. Pour la première fois Pongo passa une nuit
paisible.
Le lendemain, le garçon surveilla à nouveau ses chevaux : ils broutèrent l’herbe de la prairie,
burent l’eau de la rivière et, le soir, il se rendit compte qu’ils étaient aussi grand que lui.
« J’espère qu’ils ne vont pas continuer à grandir comme ça pendant deux jours, sinon je ne
pourrais jamais les monter » se dit-il un peu inquiet.
Le jour suivant Pongo s’enhardit et monta tour à tour ses deux chevaux.
Il les fit galoper dans la prairie, apprit comment les diriger et, pour la première fois de sa vie,
vécut une journée de bonheur complet. Le soir, il constata que les bêtes avaient encore grandi,
mais beaucoup moins que les jours précédents.
Pongo se sentait fier. Il avait hâte de montrer aux autres indiens le merveilleux cadeau que lui
avait donné Tirawa. Il était si heureux et si impatient qu’il se dit :
« A quoi bon attendre un jour de plus ? De toute façon, ils ne grandiront plus ! »
Le matin du quatrième jour, il se mit en route avec ses chevaux pour retrouver les siens. Il
découvrit sans peine les traces du troupeau de bisons et, après une longue chevauchée, aperçut
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bientôt à l’horizon les fumées signalant le campement. Il poussa un long cri de joie et lança
ses bêtes au galop. Il fut accueilli avec un mélange d’étonnement et de crainte. Tous
observaient avec étonnement ces animaux inconnus et le garçon qui les chevauchait. Car ce
que l’orphelin ignorait, c’est qu’il avait grandi en même temps que ses chevaux. En trois
jours, il était devenu robuste et fort, et c’est à peine si les autres le reconnaissaient.
Du haut de sa demeure céleste Tirawa avait tout vu.
Il s’irrita d’abord : « Pourquoi ce garçon n’a-t-il, pas attendu quatre jours comme je le lui avis
dit ? A cause de lui, les chevaux des Indiens seront plus petits que ceux des Blancs ? Ce n’est
pas bien.
Puis il s’apaisa et se mit à sourire :
« Jeunesse et impatience sont faites pour vivre ensemble ! Ce qui est fait est fait. Après tout
ces petits chevaux seront plus lestes et plus faciles à diriger pour la chasse
C’est pour cette raison que, de nos jours encore, les chevaux indiens sont plus petits que les
autres.
Les chevaux de Pongo portèrent des charges et des hommes, ils furent serviables et fidèles, ils
battirent les bisons à la course et la chasse devint plus facile.
Plus tard, ils eurent des poulains et, en quelques années, la tribu posséda un vaste troupeau.
Quant’ à leur maître, il devint un jeune homme respecté et admiré. Plus jamais on ne l’appela
l’orphelin et plus jamais il ne dormit dehors.
Lorsqu’Ilowa rejoignit le lointain pays des âmes errantes, tout le monde fut d’accord pour
élire Pongo à sa place, et celui-ci dirigea son peuple avec sagesse pendant de longues années.
Ce récit est adapté d’une légende pawnee. On peut la retrouver dans « Mille et une Histoires(
janvier 2013 sous le titre Petite Plume.)
Les chevaux ont, en fait, été amenés en Amérique par les Européens entre 1720 et 1784
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