Expo Hugues Vassal pdf

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Expo Hugues Vassal pdf
jeudi 19 janvier 2012 | N°13359
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Hugues Vassal, ex-fan des sixties
Exposition C’est à l’Institut français du Liban, à l’occasion de l’inauguration de sa
nouvelle salle d’exposition, que Hugues Vassal a naturellement choisi de présenter sa
série de photos intitulée « Mes années sixties »*. Entre humour, tendresse et nostalgie.
Carla HENOUD
Les années sixties de Hugues
Vassal ont été, même si immortalisées pour la plupart
en noir et blanc, des années
pleines de couleurs. Celles
d’une vie qu’il a choisi de
mener en toute liberté, pour
le meilleur et parfois le pire,
et qui en a fait alors un photographe atypique.
La première chose qui interpelle chez Hugues Vassal,
c’est son regard. Non seulement un regard de photographe qui remarque, qui saisit
en arrêtant le temps et le
moment, mais un regard qui
voit. Des yeux qui transpercent son interlocuteur et qui
acceptent, rassurés, quelques
instants plus tard, de se laisser
aller aux franches confidences. La discrète Leica, déposée sur la table, tout près, ou
accrochée à son cou. Inséparable. Et cette longue et fine
tresse sel et poivre, intriguant
détail qui lui confère une certaine sagesse, apparemment
venue avec le temps.
Car le jeune homme qu’il
fut a d’abord usé et abusé de
ses coups de cœur pour prendre des décisions majeures. À
17 ans, il quitte le domicile
de ses parents, encore mineur, pour convoler en « non
justes noces » avec une femme de 23 ans. Horreur, malheur pour cette famille bourgeoise de militaires. « Je suis
passé de la Porte d’Auteuil à
la porte de Saint-Ouen sans
passer par la case départ ! »
confie-t-il. Un an et demi
à, officiellement, « porter les
sacs d’un photographe », à,
officieusement, développer
une passion et un métier,
jusqu’en 1957, lorsqu’il est
engagé comme photographe stagiaire par le fameux
France-Dimanche dans la rubrique des faits divers. C’est
là qu’il rencontre Édith Piaf.
Elle va bouleverser sa vie,
tant professionnelle qu’amicale. « Elle dirige encore mes
pas, » avoue-t-il.
Les années sixties qui
vont suivre furent celles d’un
succès qui le place parmi
les meilleurs photographes
des stars. Tous, de Johnny
à Nougaro, en passant par
Aznavour, Bécaud, Mireille
Mathieu, Françoise Hardy,
Sheila, Dalida et les autres,
lui ont offert leur intimité.
« L’abominable homme des
coulisses ! », comme on le
surnomme alors, transforme
ces rencontres en belles photos, drôles et émouvantes, en
respectant la formule sacrée
des grands professionnels du
reportage : « Disparaître pour
Jacques Brel dans un grand moment de solitude.
idée du photojournalisme,
celle qui l’a animé pendant
toutes ces années.
Une exposition
La Piaf heureuse.
faire apparaître l’autre. »
Années bonheur
Ces années furent surtout
celles d’une collaboration qui
deviendra une amitié indéfectible avec la grande Piaf,
« cette petite dame en noir,
précise-t-il, derrière laquelle
se cachait la grande dame
en blanc ». Piaf, il pourrait
en parler pendant des heures. Les centaines de superbes clichés, « jusqu’à son lit
de mort » qu’il expose quelquefois, les livres auquel il a
participé, témoignent autant
de la vie de la Môme, des
bonheurs, des moments
de « grande solitude », de
la chanteuse mais aussi du
grand talent du photographe
qui met toujours l’humain en
premier plan. « Après Piaf,
poursuit-il, tout devient facile. Tout s’ouvre à vous. »
Vassal profite des privilèges
de sa notoriété jusqu’à saturation. Ébloui, voire accaparé
par toutes ces étoiles éphémères, il décide en décembre
1966, avec quatre complices, de « ne plus être salarié,
d’avoir la volonté de tout
partager à égalité, les frais
et les recettes des reportages
que nous choisissons de couvrir ». Cette liberté aura pour
nom Gamma. Une agence
qui réunit, outre Vassal, Hubert Henrotte, alors photographe au Figaro, Raymond
Depardon, photographe à
l’agence Dalmas, Léonard
de Raemy, photographe du
show-bizz et ami de Brigitte
Bardot, et enfin Jean Monteux, commercial de l’agence
Reporters Associés. Le photographe Gilles Caron devait
les rejoindre six mois plus
tard, avant de disparaître au
Cambodge en mai 1968, puis
Floris de Bonneville, qui sera
directeur des rédactions de
1968 à 1996.
Avec de tels photojournalistes, Gamma obtient
très vite ses lettres de noblesse et devient la première
agence photographique du
monde. En 1967, au retour
d’un reportage sur la tournée
de Johnny Hallyday en Argentine, en Uruguay et au
Brésil, Vassal décide d’abandonner « en dégradé » cette
direction photographique.
Cap sur... la cour impériale
d’Iran, la révolution culturelle en Chine, « j’étais un
des premiers photographes
européens à y aller, avant le
voyage de Nixon », l’apartheid en Afrique du Sud. Fin
des années sixties, l’agence
Gamma connaît des dissensions au sein de ses actionnaires. Hubert Henrotte part
en 1973 et crée Sygma. Restent Depardon, Vassal, Laurent, venu remplacer Gilles
Caron, Monteux, Cabellic,
responsable des archives, et
de Bonneville. Depardon,
puis Vassal et enfin Jean
Monteux prirent à tour de
rôle la direction de l’agence.
Gamma résiste face aux nouvelles agences. Hugues Vassal tire sa révérence en 1978,
intéressé par une nouvelle
aventure, plus humaine : la
transmission des compétences à la jeune génération, en
leur inculquant une certaine
Fort de toute ces expériences et en possession de magnifiques archives, Hugues
Vassal se plaît à organiser des
expositions en France et dans
le monde, telle « Édith Piaf »
à New York en avril dernier.
Très heureux d’être venu
présenter ses clichés à Beyrouth, espérant pouvoir revenir « pour approfondir »,
Hugues Vassal présente 50
ans en 40 photographies,
réunies sous le titre « Mes
années sixties ». Une galerie de portraits touchants,
amusants, indélébiles, bref,
humains. Piaf cueillant des
fleurs, Antoine dans sa maison de campagne, Salvatore
Adamo dans la cuisine de ses
parents, Gilbert Bécaud dans
sa loge de l’Olympia, Claude
François dans son appartement de la Porte d’Auteuil
à Paris. Charles Aznavour,
avec son fils Misha, Dalida,
chez elle à Paris, Enrico Macias et son fils Jean-Claude,
Françoise Hardy et ses guépards au château de Thoiry,
Jacques Brel, après un spectacle à l’Olympia, Joe Dassin,
Mireille Mathieu, Sheila,
Michel Simon et ses chats à
Nogent-sur-Marne, Dali et
tant d’autres.
« Mes années sixties » raconte l’histoire d’une période
heureuse et un peu naïve.
Elle raconte également l’histoire du photojournalisme à
travers l’œil, la sensibilité et
la nostalgie d’Hugues Vassal.
*« Mes années sixties », du
17 janvier au 10 février, à la
nouvelle salle d’exposition de
l’Institut français du Liban, rue
de Damas. Ouvert du lundi au
vendredi, de 13h à 19h.
Les photographies exposées seront mises en vente au profit de
la fondation Kfarsama
Hugues Vassal devant une photo de Charles Aznavour.
Photo Michel Sayegh