UNIVERSITE PARIS VAL-DE
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UNIVERSITE PARIS VAL-DE
1 UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ********** ANNEE 2010 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale -------- Présentée et soutenue publiquement le : à : CRETEIL (PARIS XII) Par Mme Béatrice DORÉ épouse QUESNEL Née le 31 Mai 1979 à Villeneuve Saint Georges TITRE : Évaluation qualitative d’une formation au bon usage des antibiotiques réalisée dans le cadre de l’étude PAAIR (Prescription Ambulatoire des Antibiotiques dans les Infections Respiratoires) par la méthode du Focus Group. DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA Mme Anne MOSNIER BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Signature du Cachet de la bibliothèque Directeur de thèse universitaire 2 REMERCIEMENTS Au Dr Anne Mosnier Pour avoir accepté de me diriger dans ce travail et ainsi de m’initier à la recherche qualitative. Pour son soutien et ses encouragements dans les moments de doute et sa grande disponibilité malgré une actualité professionnelle chargée. Au Dr Jacques Cittée Pour avoir accepté d’animer les focus group de cette étude. Pour sa disponibilité et ses conseils avisés dans la réalisation de ce travail et particulièrement la méthode d’analyse. Au Dr Claude Attali Pour son enseignement et pour avoir mis sur ma route le Dr Mosnier et le projet PAAIR. Aux Drs Philippe Salagnac et Thierry Ulliac Qui ont su me faire découvrir et aimer la médecine générale. Au Dr Hubert Zerbib alias Bibo Pour qui j’ai une grande admiration. Aux Drs Nathalie Delaveau, Estelle Larroche et Annick Teissedre Qui m’ont donné ma chance et me confient leurs patients depuis plusieurs années. A Mmes Françoise BARAT et Marion QUESNE Qui ont participé au recrutement des médecins pour cette étude. A Mme Jacqueline ERELIE Qui a participé à la retranscription des entretiens de cette étude. Aux médecins qui ont participé à cette étude. 3 A mon fils Clément Chacun de tes sourires est un rayon de soleil. Je te souhaite de trouver toi aussi un métier dans lequel tu pourras t’épanouir et quelle que soit la voie que tu choisiras tu peux être assuré du soutien de ta Maman. A mes parents Comment résumer en quelques lignes ce que je vous dois tant sur le plan personnel que professionnel. Vous avez toujours, chacun à votre manière et avec votre sensibilité propre, su m’encourager et me soutenir. Mes réussites sont avant tout les vôtres, mes échecs ne sont que les miens. A mon mari Olivier Pour tous les bons moments… A mes sœurs Nous avons pris des routes différentes mais qui bien heureusement souvent se rejoignent. A ma famille Comme il est doux de grandir entourée et dans une sécurité affective. Merci à celles et ceux qui m’encouragent au quotidien et qui contribuent à ce qu’il en soit de même pour Clément. A Loulou, mon chien Partenaire fidèle et indéfectible de mes nuits de révision de PCEM1. A mes amis Tout particulièrement Junie embarquée avec moi sur la même galère au cours de ces derniers mois. Une précieuse rencontre. Aux absents à jamais dans mon cœur Mes grands parents qui auraient sans aucun doute été fiers de moi. Mon parrain parti trop tôt. 4 TABLE DES MATIERES I – Introduction 8 II – Problématique de la prescription d’antibiotiques en France 9 A - Surconsommation d’antibiotiques et émergence de résistances bactériennes 9 1 - La situation de la France en Europe 2 - Le phénomène de résistance bactérienne 9 12 B - La particularité des infections respiratoires 14 C - Vers une meilleure prescription des antibiotiques 15 1 - Le plan Antibiotiques et la campagne de la CNAM 16 1.1 - Actions en direction du grand public 16 1.2 - Actions en direction des professionnels de santé 17 2 - L’étude PAAIR 2.1 - PAAIR 1 18 18 2.1.1 - Principes de l’étude 18 2.1.2 - Principaux Résultats 19 2.1.3 - Au total 19 2.2 - PAAIR 2 20 2.2.1 - Principes de l’étude 20 2.2.2 - Principaux résultats 21 a) Résultats issus des données de l’Assurance Maladie 21 b) Résultats issus de l’analyse des cahiers d’observation (MSPR) 23 2.2.3 - Au total 2.3 - PAAIR 3 23 24 III - Matériel et Méthode 25 A - La technique du focus group 25 1 - Définition et historique 25 2 - Caractéristiques générales 25 2.1 - Le recrutement des participants et la constitution des groupes 26 2.2 - Les modalités pratiques (lieu, horaire, durée,...) 26 2.3 - L’élaboration du guide d'animation 27 2.4 - Le rôle de l'animateur 27 2.5 - Le rôle du ou des observateurs 28 3 - L'analyse des données et la synthèse des résultats 28 4 - Une méthode peu usitée en France 29 5 B - Mise en place des focus group de notre étude 1 - Mise en place scientifique 30 30 1.1 - Principe de l’étude 30 1.2 - Travail préparatoire et élaboration du guide d’animation 30 1.3 - Population de l’étude 32 1.3.1 - Critères de randomisation 32 1.3.2 - Sélection des participants 32 2 - Mise en place logistique 33 IV - Résultats et analyse 34 A - Description des groupes 34 1 - Premier focus group (MSPR 2004) 34 2 - Deuxième focus group (Formés 2008) 34 3 - Troisième focus group (FMC 2004) 35 4 - Données globales 35 B - Description du contenu des entretiens 36 1 - Les mots 36 2 - Le verbatim 37 C - Analyse du contenu 1 - Le choix d’une analyse thématique de contenu 37 37 1.1 - Principes généraux 37 1.2 - Réalisation pratique 38 2. - Le vécu de la formation 39 2.1 - Une formation adaptée à la pratique des médecins généralistes 39 2.2 - Des outils, des stratégies utilisables 39 2.3 - Un soutien face à une prescription difficile et emblématique 40 2.4 - Des données marquantes 40 2.5 - Un changement dans le sens d’une amélioration 41 2.6 - Une aide à la communication 42 2.7 - Une confrontation rassurante et enrichissante 42 2.8 - Une formation incomplète pour certains 42 2.9 - Une inscription durable dans le temps 43 2.10 - Des résultats attendus 43 6 3 - La prescription d’antibiotiques 44 3.1 - Une diminution notable pour certains 44 3.2 - Pas pour d’autres 44 3.3 - Le choix des classes d’antibiotiques 44 3.4 - Une conduite à tenir claire dans certaines pathologies 45 3.5 - Des difficultés persistantes avec certains patients 45 3.6 - L’effet du temps 45 3.7 - La prescription différée 45 3.8 - Dans les infections non respiratoires 46 3.9 - Les autres médecins 46 4 - Les autres prescriptions dans les infections respiratoires 47 4.1 - Les médicaments 47 4.2 - Les examens complémentaires 47 4.3 - Les arrêts de travail 48 5 - La relation au patient 48 5.1 - Parler plus, donner plus d’explications 48 5.2 - Donner un diagnostic précis 48 5.3 - Faire un examen clinique plus détaillé 48 5.4 - Commenter son examen clinique 49 5.5 - Être disponible pour réévaluer 49 5.6 - Faire référence à soi 49 5.7- Céder malgré tout dans certaines situations 49 6 - L’évolution des patients 50 6.1 - Des patients mieux informés 50 6.2 - Des patient moins demandeurs d’antibiotiques 50 6.3 - Des patients qui consultent plus tardivement 50 6.4 - Des patients moins demandeurs d’arrêts de travail 50 7 - L’environnement informationnel 51 7.1 - L’aide de la campagne de la CNAM 51 7.2 - L’impact plus fort de la formation PAAIR 51 7.3 - Un changement global 51 7 V – Discussion 52 A - Sur les résultats 52 1 - Des points communs entre les groupes 52 1.1 - Sur le vécu de la formation 52 1.2 - Sur la prescription d’antibiotiques 52 1.3 - Sur les autres prescriptions 54 1.4 - Sur la relation au patient 54 1.5 - Sur les déterminants du changement 55 2 - Des divergences notables 56 2.1 - Le groupe « MSPR 2004 » 56 2.2 - Le groupe « Formés 2008 » 57 2.2 - Le groupe « FMC 2004 » 58 B - Sur la méthode 1 - Choix et avantages de la méthode 58 2 - Les limites de la méthode 58 2.1 - Liées à la méthode elle-même 59 2.2 - Biais liés à l’échantillon 59 2.3 - Biais liés à l’animateur 59 2.4 - Biais liés aux stratégies d’intervention et d’écoute 60 2.5 - Biais liés aux médecins interrogés 60 VI – Conclusion 61 VII – Bibliographie 63 VIII – Annexes 67 Annexe 1 : Guide animation 67 Annexe 2 : Extrait verbatim 69 Annexe 3 : Exemple d’un tableau analyse 70 IX – Glossaire 71 8 I - Introduction Dans les pays développés, et en particulier en France, la prescription inappropriée d’antibiotiques est à l’origine d’une augmentation problématique des souches de bactéries résistantes ou de sensibilité diminuée. Cette multiplication des résistances bactériennes aux antibiotiques constitue un enjeu majeur de Santé Publique car elle compromet largement leur efficacité. En 2001, la France figurait parmi les pays les plus utilisateurs d’antibiotiques avec environ 100 millions de prescriptions par an, dont 80 % en ville (premier rang européen), et 20% à l’hôpital. En ville, environ 30% de ces prescriptions étaient inappropriées, dans la mesure où elles étaient destinées à traiter des infections virales, essentiellement respiratoires et ORL (5) . Conscient de ce véritable problème de Santé Publique et afin de préserver l’efficacité des antibiotiques, le Ministère de la Santé a élaboré, en novembre 2001, un plan national dont l’objectif était d’optimiser la prescription des antibiotiques en ville et à l’hôpital en la maitrisant et en la rationalisant. Au sein de ce plan national, la campagne d’information nationale sur le thème « Les antibiotiques, c’est pas automatique », initiée par l’Assurance Maladie en 2002, avait pour objectif de sensibiliser les professionnels de santé et le grand public sur l’importance d’un usage raisonné des antibiotiques. Elle a largement contribué à informer les usagers et leurs familles. C’est dans ce contexte qu’une étude originale et novatrice, connue sous l’acronyme PAAIR (Prescription Ambulatoire des Antibiotiques dans les Infections Respiratoires) et initiée en 2001, a montré de manière quantitative, que les médecins généralistes ayant reçu la formation PAAIR au bon usage de la prescription d’antibiotiques ont modifié de façon significative et durable leur prescription d’antibiotiques. L’objectif de notre travail est d’explorer de façon qualitative, à distance, le vécu des médecins généralistes quant à la formation suivie dans le cadre de l’étude PAAIR. Pour mener à bien cette évaluation qualitative, nous avons choisi de nous appuyer sur la technique des Focus Group (FG) ou entretien collectif. Ce travail a été mené conjointement avec le bureau d’études Open Rome, en charge de l’évaluation externe du projet PAAIR (projet FAQSV : Fonds d’Aide à la Qualité des Soins de Ville, financé par l’Assurance Maladie) et avec l’appui méthodologique du Dr Jacques Cittée, médecin généraliste enseignant et formé à l’utilisation de la méthode choisie. 9 II - Problématique de la prescription d’antibiotiques en France A - Surconsommation d’antibiotiques et émergence des résistances bactériennes Les antibiotiques ont été introduits en thérapeutique humaine il y a environ 50 ans. Il s’agit de l’une des avancées thérapeutiques majeures du XXème siècle qui a permis de guérir de nombreuses maladies infectieuses bactériennes et a aussi largement contribué aux progrès de la chirurgie, en prévenant les infections post opératoires. Malheureusement, un des effets obligatoires et non voulus de ces médicaments est de favoriser l’émergence et la diffusion, dans la population, de bactéries pathogènes ayant acquis des résistances aux antibiotiques (14,29) . 1 - La situation de la France en Europe Consciente de la nécessité de promouvoir le bon usage des antibiotiques, la Commission Européenne a mis en place en 2001, le réseau ESAC (European Surveillance of Antimicrobial Consumption) destiné à assurer le suivi de l’utilisation des anti infectieux et donc notamment des antibiotiques. Trente quatre pays participent à ce réseau : les 25 pays de l’Union Européenne et 9 autres pays (Bulgarie, Roumanie, Turquie, Croatie, Islande, Norvège, Suisse, Russie, Israël) (28). Dans les publications de ce réseau, l’Europe apparait schématiquement divisée en 3 blocs : les pays du Nord, faibles consommateurs d’antibiotiques, les pays de l’Est, consommateurs modérés et les pays du Sud, forts consommateurs. Parmi les pays du Sud, la France était identifiée comme le pays le plus fort consommateur en 2002 et le 2ème après la Grèce en 2003, avec une consommation trois fois plus élevée que celle des Pays Bas, le plus faible consommateur (28). D’après les dernières données disponibles en ligne sur le site officiel de l’ESAC, qui sont celles de 2006, la France arrive toujours en seconde position après la Grèce, la Russie se plaçant maintenant comme le pays le plus faible consommateur avant même les Pays Bas (13). 10 Graphique 1 : France et 8 pays d’Europe : Évolution de la consommation d’antibiotiques en ville (en DDD/1000 personnes et par jour, données ESAC) 40 35 30 France 25 Grèce Italie 20 Pays Bas Espagne 15 Allemagne Autriche 10 Belgique 5 Russie 0 2002 2003 2004 2005 2006 L’unité de mesure utilisée pour mesurer l’exposition aux antibiotiques est la DDD (defined daily dose ou dose définie journalière). Elle correspond à la posologie quotidienne nécessaire pour traiter un adulte de 70 kg dans l’indication principale du médicament. Cette unité de mesure a été développée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La valeur de la DDD est définie pour chaque médicament par un panel d'experts internationaux au sein de l'OMS. Carte 1: Europe, 2006 : Cartographie de la consommation d’antibiotiques (en DDD/1000 personnes et par jour) (Données ESAC) 11 Parallèlement à ce niveau élevé, la France se distingue également par une augmentation excessive de l’exposition aux antibiotiques durant les mois d’hiver. Ces périodes hivernales se caractérisent par des épidémies d’affections respiratoires aiguës majoritairement virales (virus grippal notamment) ne nécessitant donc pas de traitement antibiotique. On estime à 33% en moyenne la hausse hivernale de prescription d’antibiotiques dans notre pays (tendance confirmée entre 2003 et 2006). Tous les pays ne connaissent pourtant pas de variations saisonnières de cette ampleur et c’est en Suède que cette tendance est la plus faible (+17%) (28) . Graphique 2 : France, juillet 2003-juin 2006 : Evolution de la consommation d’antibiotiques remboursée (en DDD/1000 personnes et par jour) (Données du Régime Général, source CNAMTS) Enfin, il s’avère également que certaines familles d’antibiotiques enregistrent des niveaux de prescription très élevés en France comparativement aux autres pays européens. C’est le cas notamment des céphalosporines de 3ème génération, particulièrement couteuses, ou encore des pénicillines associées aux inhibiteurs de bétalactamase (28). En termes de Santé Publique, le recours banalisé aux molécules plus récentes à spectre d’activité plus large risque de faire apparaitre rapidement des phénomènes de résistance bactérienne à ces antibiotiques. La prescription de molécules plus récentes est d’ailleurs sans doute parfois motivée par l’apparition de résistances bactériennes à des molécules plus anciennes. Il est vrai en effet qu’en quelques années en France, le profil de sensibilité de certaines bactéries a considérablement évolué. Ces nouvelles tendances de prescription ont également un impact économique certain puisque les molécules les plus récentes sont aussi les plus onéreuses. 12 2 - Le phénomène de résistance bactérienne Il est clairement établi que le développement de la résistance bactérienne est favorisé par une consommation élevée d’antibiotiques (15) . Dans de nombreux pays et en particulier en France, cette augmentation des résistances bactériennes est un problème de Santé Publique préoccupant (37) . Effectivement, bien qu’il s’agisse d’un problème mondial, le taux de bactéries multirésistantes est particulièrement élevé dans notre pays (38) . Selon plusieurs études, la France est même championne d’Europe en termes de prévalence et d’incidence des résistances de plusieurs souches bactériennes (3). En 2007, 35% des souches de Pneumocoque étaient de sensibilité diminuée à la pénicilline (PNSP) et 5% des souches de Pneumocoque étaient résistantes. Sur la même période, un peu plus de 38% des Pneumocoques étaient résistants aux macrolides et on estimait à 31% le taux de bactéries multirésistantes (résistantes à au moins 3 familles d’antibiotiques) (32). Carte 2: Europe, 2007 : Proportion des souches invasives de PNSP (Données European Antimicrobial Resistance Surveillance System (EARSS)) 13 Carte 3 : Europe ; 2007 : Proportion des souches invasives de Pneumocoques résistantes à l’Erythromycine (Données EARSS) Carte 4 : Europe, 2007 : Proportion des souches invasives de Pneumocoques insensibles à la Pénicilline et à l’Erythromycine (Données EARSS) Peu d’antibiotiques nouveaux seront commercialisés dans les années à venir et les phénomènes de multirésistance, actuellement signalés en milieu hospitalier, sont considérés par les experts comme conduisant à des impasses thérapeutiques (19) . Pourtant ces phénomènes ne sont pas irréversibles, à condition de diminuer le niveau d’exposition aux antibiotiques (8,23). 14 B - La particularité des infections respiratoires Les infections des voies respiratoires les plus fréquentes, rhinopharyngite, angine non streptococcique, bronchite aigue, bronchiolite, sont généralement d’origine virale et ne justifient donc pas d’antibiothérapie. On constate pourtant qu’il existe dans notre pays une importante discordance entre les recommandations et les pratiques des médecins généralistes concernant la prescription d’antibiotiques dans les infections respiratoires présumées d’origine virale (4) . Les épidémies de grippe sont notamment de grandes pourvoyeuses d’antibiothérapie inutile. En France, en 2002, 20% des grippes cliniques diagnostiquées par un généraliste étaient traitées par antibiotiques. Cette sur-prescription tend tout de même à diminuer puisque ce chiffre était estimé à plus de 50% en 1995 (16). Des études confirment que, comme dans de nombreux pays européens, les infections aiguës virales respiratoires sont un des motifs majeurs de prescription d'antibiotiques alors que ces derniers ne sont théoriquement pas justifiés dans ces indications (17,27) . Cette prescription injustifiée a de lourdes conséquences en termes de Santé Publique en contribuant à la sélection et la diffusion de souches bactériennes résistantes. En 2005, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) a actualisé ses recommandations de bonne pratique concernant l’antibiothérapie dans les infections respiratoires hautes et basses de l’adulte et de l’enfant, à la lumière des nouvelles données sur les résistances bactériennes. Nous en faisons ici un bref résumé afin de rappeler dans quelle proportion celles-ci sont virales et ne nécessitent donc pas d’antibiothérapie (1). Les rhinopharyngites sont presque toujours virales et représentent pourtant une des toutes premières causes de prescription d’antibiotiques en France. Il a été montré qu’un antibiotique était prescrit dans près de 40% des cas de rhinopharyngites alors qu’aucune étude n’a démontré l’efficacité des antibiotiques dans cette affection, ni en terme de durée de la maladie, ni dans la prévention des complications. Les angines sont d’origine virale dans 60 à 90% des cas. Parmi les bactéries pouvant être en cause, le streptocoque du groupe A (SGA) est la plus fréquente (20% tous âges confondus). L’angine à SGA ne représente que 25 à 40% des cas d’angine de l’enfant. Elle survient principalement à partir de 3 ans et est rare chez l’adulte (10 à 25% des cas). Il n’est recommandé de ne traiter par antibiotique que les angines documentées à SGA, en raison du risque de complications septiques locorégionales et de syndrome post streptococcique. L’utilisation du TDR (Test de Dépistage Rapide) est donc recommandée. 15 Dans les Otites Moyennes Aiguës une surinfection bactérienne est impliquée dans 60 à 70% des cas, cependant une guérison spontanée survient dans environ 80% (contre 95% avec une antibiothérapie). Le risque de complications infectieuses graves est plus important avant l’âge de 2 ans donc dans cette tranche d’âge l’antibiothérapie est recommandée d’emblée dans les formes purulentes. Pour les plus âgés elle ne l’est qu’en cas de symptomatologie bruyante (fièvre élevée, otalgie intense). En cas d’abstention une réévaluation s’impose dans les 48 à 72h sous traitement symptomatique. Dans les formes congestives, l’antibiothérapie n’est pas recommandée mais l’enfant doit être revu si les symptômes persistent au-delà de 3 jours. Le principal problème posé par les sinusites aiguës est d’éviter de poser ce diagnostic par excès devant une rhinosinusite aiguë virale congestive contemporaine d’une rhinopharyngite. Si l’antibiothérapie est indiquée sans réserve dans les sinusites sphénoïdale, frontale et ethmoïdale, dans les sinusites maxillaires, la situation est plus nuancée et ne se conçoit que dans certaines situations précises. Les bronchiolites sont d’origine virale. Chez l’enfant âgé de plus de 3 mois et sans facteur de risque, l’antibiothérapie est inutile en première intention. Elle ne se conçoit qu’en cas de complications ou de pathologies associées. Les bronchites sont avant tout d’origine virale. Pourtant en France, des études ont montré qu’entre 70 et 90% des bronchites aiguës étaient traitées par antibiotique. Chez l’enfant sans facteur de risque et âgé de plus de 3 mois ainsi que chez l’adulte sain, l’antibiothérapie n’est pas recommandée en première intention. Elle n’accélère pas la guérison et ne prévient pas les complications. Dans les pneumonies, l’antibiothérapie est toujours recommandée sans délai. C - Vers une meilleure prescription des antibiotiques Comme nous l’avons dit précédemment, les phénomènes de résistance ne sont pas irréversibles, à condition de diminuer le niveau d’exposition aux antibiotiques. C’est donc à l’ensemble des acteurs, professionnels de santé et patients, de prendre conscience de cette problématique et de faire en sorte de diminuer le niveau d’exposition aux antibiotiques. Lorsqu’un traitement antibiotique est nécessaire, il incombe au prescripteur de respecter les recommandations de bonne pratique afin de choisir une molécule adaptée. Pour mener à bien ce projet, de multiples interventions ont été menées aussi bien à un niveau collectif qu’individuel. 16 1 - Le plan Antibiotiques et la campagne de la CNAM (5) En France, un plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques est décliné autour d’un programme d’actions pluriannuel, avec pour objectif de maîtriser et de rationaliser la prescription des antibiotiques. Le premier plan 2001 - 2005 a été complété par une deuxième phase 2007 - 2010 afin de poursuivre les actions engagées et de mettre en œuvre de nouvelles actions. Il était articulé autour des 7 axes avec des objectifs essentiellement d’ordre qualitatif : - Améliorer l’information, - Diffuser des outils pour aider les professionnels, - Améliorer le bon usage des antibiotiques à l’hôpital, - Améliorer les échanges d’information entre la ville et hôpital, - Améliorer la formation, - Améliorer la surveillance conjointe de la consommation des antibiotiques et de la résistance aux antibiotiques, - Améliorer la coordination nationale des actions. 1.1 - Actions en direction du grand public En France, depuis 2002, l’Assurance Maladie conduit des actions pour réduire les prescriptions antibiotiques inutiles, notamment dans les infections virales saisonnières sur lesquelles ils sont inefficaces. La campagne d’information nationale sur le thème « Les antibiotiques, c’est pas automatique », de l’Assurance Maladie, financée sur le Fonds National de Prévention, d’Education et d’Information pour la Santé (FNPEIS), s’est appuyée sur plusieurs supports de diffusion : télévision, radios, journaux grand public et professionnels… Cette campagne a été complétée par la diffusion de brochures d’information : - les antibiotiques c’est pas automatique (CNAMTS), - mieux utiliser les antibiotiques, c’est préserver leur efficacité (CNAMTS)… Le slogan « Les antibiotiques c’est pas automatique » est régulièrement martelé par les médias depuis maintenant plusieurs années. Entre 2002 et 2004, cette campagne a permis de faire baisser la consommation d’antibiotiques de 16%, ce qui correspond à 6,4 millions de traitements inappropriés et à une économie annuelle de 100 millions d’euros. La diminution a été surtout importante chez les enfants où elle atteint 20,6% chez les 0 à 6 ans. Cette campagne a été reconduite le 18 octobre 2005. 17 1.2 - Actions en direction des professionnels de santé Dans le cadre de la campagne nationale « Les antibiotiques, c’est pas automatique » déjà évoquée, des documents destinés aux prescripteurs ont été élaborés et diffusés. L’ouverture d’un site web dédié au Plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques a vu le jour en 2006. Il met à la disposition des professionnels de santé des informations actualisées sur les antibiotiques, leur utilisation, des outils d’aide à la prescription, des données de consommation nationale et européenne, des informations sur la résistance bactérienne, une revue de la littérature, la liste des antibiotiques utilisés en France, un logiciel de calcul de consommation, et toute information jugée utile en lien avec l’utilisation des antibiotiques ou la résistance bactérienne. Seules les dernières versions de ces documents apparaissent sur le site. Un des objectifs du plan national était de diffuser des outils d’aide aux professionnels afin de leur permettre d’identifier les situations où la prescription d’antibiotiques n’est pas utile. En septembre 2002, l’Assurance Maladie a généralisé la mise en place des TDR angines afin d’identifier les angines à SGA qui sont les seules à nécessiter un traitement antibiotique. Depuis cette date, la CNAMTS assure la coordination du dispositif et met à disposition à titre gratuit ces tests pour les médecins libéraux (généralistes, pédiatres et ORL). L’AFSSAPS met désormais à disposition, sur son site Internet, un recueil de spectre d’activité anti-microbienne des antibiotiques, mis à jour régulièrement. Elle a également élaboré et actualisé différents documents sur le thème de l’antibiothérapie : - Recommandations de bonne pratique - Mise au point D’autres pays d’Europe, comme la Belgique, ont mis en place des campagnes nationales afin d’optimiser l’usage des antibiotiques. Preuve que l’ensemble des pays européens se mobilise, le 18 novembre 2008 a eu lieu la 1ère Journée Européenne d’Information sur les Antibiotiques à l’initiative de l’ECDC (Centre Européen de Contrôle des Maladies). Cette journée doit être reconduite tous les ans et a pour objectif de sensibiliser les professionnels de santé comme le grand public aux risques associés à la fois à une surconsommation et à un usage inapproprié, et précisera comment s'orienter vers un usage prudent des antibiotiques. 18 2 - L’étude PAAIR Des études ont montré que les interventions qui parviennent à modifier l’usage des antibiotiques sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur le phénomène de résistance (8, 18,23) . On sait que les actions de diffusion d’information, de formation classique et d’encadrement des pratiques peuvent permettre d’améliorer les pratiques médicales en réduisant leur décalage avec les données de la science. Imaginée et mise en place par le Département de Médecine Générale de la Faculté de Créteil, l’étude PAAIR, initiée en 2001, a voulu, pour mieux comprendre les déterminants de la prescription d’antibiotiques dans des situations cliniques qui ne le nécessitent pas et tenter d’améliorer les habitudes de prescription, expérimenter des méthodes de formation peu utilisées en France : la pratique réflexive et la recherche-action. 2.1 - PAAIR 1 (3, 4,30) 2.1.1 - Principes de l’étude Le cadre théorique qui a servi de support à l'étude PAAIR est donc celui de la « science action ». Cette voie de recherche postule que les praticiens développent et utilisent quotidiennement des compétences pour faire face aux situations complexes auxquelles ils sont confrontés. Cette réflexion dans l'action est aussi connue dans les milieux des sciences de l'éducation sous la dénomination de « praticien réflexif » (34,35). A partir de l'hypothèse que la réflexion dans l'action est capable de fournir les raisons des discordances qui existent entre les recommandations et la pratique et de générer des stratégies afin d'y remédier, des médecins ont tenté, en situation, de transformer leurs habitudes de prescription. Il s’agissait de mieux comprendre les déterminants de la prescription d'antibiotiques dans les situations cliniques où elle n'est pas justifiée. L'étude a été menée en 2001 avec 30 médecins généralistes enseignants de médecine générale issus de 6 facultés de médecine franciliennes (Bichat, Broussais, Cochin, Créteil, Necker, Paris-Ouest). Ces praticiens étaient formés au référentiel de prescription basé sur les recommandations de l’AFSSAPS. Ils devaient rendre compte régulièrement, par le biais d'un cahier de recueil de données, de leur pratique. Pour ce faire, a été utilisée la technique dite de l'incident critique. L'incident critique est défini comme une situation clinique complexe pour laquelle la non prescription d'antibiotiques n'était pas évidente. On a ainsi défini l'incident critique à issue favorable : le praticien réussit à suivre le référentiel et donc à ne pas prescrire ou celui à issue défavorable : le praticien ne parvient pas à ne pas prescrire. 19 2.1.2 - Principaux résultats L'analyse qualitative des cahiers de recueil a permis de mettre en exergue 11 situations critiques donc à risque de prescription inadéquate d'antibiotiques : Tableau 1 : Situations à risque de prescription inadaptée d’antibiotiques dans les infections respiratoires (Données de l’étude PAAIR 1) Liées au patient : Liées au praticien : - Souhaite explicitement des antibiotiques pour différentes raisons (professionnelles, familiales, voyage, examen, anxiété) - Renvoie à des expériences passées considérées comme des échecs médicaux - A déjà commencé le traitement antibiotique - Évoque des épreuves personnelles ou familiales douloureuses - Il s'agit du 2ème ou 3ème contact pour cet épisode - Met le médecin généraliste en concurrence avec d'autres médecins ou avec sa pratique antérieure - Perçoit que le patient est fatigué ou très fatigué - Considère que le patient est « à risque » - Doute de l'origine virale - Est opposé dans ce cas aux recommandations - Trouve que la prescription d'antibiotiques n'est pas le problème principal de la consultation Des stratégies efficaces pour « résister » à la tentation de prescrire une antibiothérapie inappropriée ont également été mises en évidence : Tableau 2 : Stratégies mises en œuvre pour ne pas prescrire d’antibiotiques (Données de l’étude PAAIR1) Ce qui fonctionnait Ce qui ne fonctionnait pas – Mettre en place une stratégie de conviction. – Repérer précocement l’émergence de l’incident. – Décider précocement de ne pas et négocier tout au long de la consultation. – Effectuer un examen ritualisé et commenté (organisation inversée de la consultation orientée vers la non-prescription). – Expliquer la différence entre virus et bactéries. – Expliquer le mode d'action des antibiotiques. – Expliquer les effets nocifs des antibiotiques. – Travailler à partir des craintes/représentations des malades. – Proposer une étiologie de « rechange » non infectieuse. – Proposer une alternative thérapeutique. – Proposer la mise en place d’un suivi. – Pas de mise en place de stratégie. – Explication a minima ou absence d'explications – Repérage tardif de l’incident critique. – Intention de prescrire en toute fin de consultation. 2.1.3 - Au total Grâce à la méthode des incidents critiques, l'étude PAAIR 1 a permis de mieux comprendre comment et pourquoi se produit une sur prescription d'antibiotiques dans les infections respiratoires présumées virales en médecine ambulatoire. Elle a aussi décrit comment, en situation de réflexion, des médecins généralistes « chercheurs » essaient de lutter contre cette sur-prescription en en élaborant des stratégies efficaces de non prescription conceptualisant des stratégies qu’ils utilisaient de façon non consciente. 20 Les principaux problèmes soulevés par ce travail réalisé par 30 généralistes enseignants étaient ceux de sa validité pragmatique. Les données obtenues par cette expérimentation pouvaient-elles avoir une portée plus générale ? Les situations décrites comme critiques dans PAAIR 1 étaient-elles celles qui posaient le plus de difficulté à la majorité des médecins généralistes en pratique courante ? Les stratégies de convictions et d'applications préconisées dans ce travail étaient-elles en mesure de diminuer notablement et durablement la prescription inadéquate d'antibiotiques ? La réponse à ces questions nécessitait la mise en place de nouveaux travaux dont l'objectif serait de vérifier à grande échelle la validité et l'efficacité des stratégies proposées. 2.2 - PAAIR 2 (3,31) 2.2.1 - Principes de l’étude L'étude PAAIR 2, visait à valider les résultats de PAAIR 1 chez des généralistes non enseignants. Initiée en 2004, c’est une étude comparative randomisée contrôlée réalisée avec des médecins généralistes non impliqués dans l’enseignement, dont l’objectif principal était de démontrer que deux types d’interventions réduisaient significativement et durablement (2004-2006) la prescription globale d’antibiotiques en période hivernale. Deux cent médecins généralistes d’Ile de France ont été initialement recrutés volontairement par courrier. Ils ont été ensuite répartis par allocation aléatoire en trois bras : La moitié d’entre eux étaient inclus dans le groupe contrôle, c’est à dire « témoin », soumis à aucune intervention. L’autre moitié constituait le groupe des formés lui-même scindé en 2 sous groupes : - Le sous groupe dit « FMC classique » qui recevrait une formation interactive de 2 jours standardisée basée sur les recommandations AFSSAPS. - Le sous groupe dit « FMC-MSPR » qui recevrait la même formation complétée d’une journée supplémentaire de mise en situation de pratique réflexive encadrée, présentant les enseignements de PAAIR 1. La FMC classique était centrée sur les recommandations AFSSAPS, remises aux participants au fur et à mesure de la formation. L’organisation était classique, alternant séances plénières et travail en petits groupes à partir de cas cliniques rapportés en plénière. L’ambiance chaleureuse et l’animation active permettaient une participation active des médecins généralistes. Pour chaque cas clinique ont été abordés les critères diagnostiques et la place des antibiotiques. 21 Les médecins du groupe FMC-MSPR recevaient la même formation que ceux du groupe FMC classique, puis une formation complémentaire d’une journée selon les données de l’étude PAAIR I. A partir de l’exemple de PAAIR 1, la mise en situation de pratique réflexive (MSPR) était présentée aux participants comme une démarche de recherche action dont le médecin généraliste est l’acteur principal. L’objectif de cette formation complémentaire était de permettre une appropriation complète du cahier de recueil par les médecins généralistes randomisés dans ce groupe afin de les impliquer dans le projet. Cette formation a comporté, outre la lecture et l’explication des cahiers et de la méthode, des exercices de remplissage à partir de 2 situations cliniques, une conforme (C) et une non conforme (NC) aux recommandations puis des jeux de rôle. Les médecins participants devaient ensuite remplir 2 cahiers d’observation à partir des incidents critiques par mois pendant 3 mois (1 à évolution conforme et 1 à évolution non conforme). Les formations ont eu lieu en septembre 2004 et la MSPR en octobre 2004, 3 semaines après la 2ème journée de formation. Le recueil des cahiers s'est fait entre octobre et décembre de la même année. Les 3 mois pendant lesquels les médecins remplissaient les 6 cahiers constituaient un renforcement de la formation, favorisant ainsi la mise en pratique réflexive. Cette étude a nécessité le consentement des médecins participants et a fait l’objet d’une déclaration CNIL type CERFA 99001 pour avoir accès au relevé de l’activité des médecins participants ainsi qu’aux données de leur prescription d’antibiotiques et de médicaments à visée ORL/Pneumologique, à partir des données de la caisse d’Assurance Maladie pour les périodes de janvier à mars 2004, 2005 et 2006. 2.2.2 - Principaux résultats Au final, 170 médecins ont été inclus : 99 dans le groupe témoin, 37 dans le groupe FMC et 34 dans le groupe FMC-MSPR. a) Résultats issus des données de l’Assurance Maladie Avant intervention en 2004, le groupe témoin et le groupe formation (FMC + FMCMSPR) étaient strictement comparables du point de vue de l’activité (nombre d'actes et nombre de prescriptions), de la proportion d'ordonnances comportant des antibiotiques et des médicaments à visée ORL/Pneumologique ainsi que du coût des antibiotiques prescrits sur la période de 3 mois. 22 Après intervention, il existait une différence significative du pourcentage de prescription comportant des antibiotiques dans le groupe formation par rapport au groupe témoin. Par comparaison à 2004, en 2006 il existait une diminution de 2 % dans le groupe contrôle versus 4% dans le groupe formation (Graphique 3). Graphique 3: Evolution 2004 2006 du pourcentage de prescriptions comportant des antibiotiques 20 16,3 15,3 15,2 15 12,3 13 11 Groupe Contrôle 10 Groupe Formation 5 0 2004 2005 2006 En valeur relative, alors que les groupes restaient comparables, 2 points importants sont à noter sur l’évolution durant la période étudiée : L’augmentation de 10% d’ordonnances contenant des antibiotiques dans le groupe témoin entre 2004 et 2005 (vraisemblablement liée à l’épidémie de grippe qui cette année là a coïncidé avec la période étudiée alors qu’en 2004 l’épidémie s’était terminée fin décembre) alors que dans le groupe formation on constatait une diminution de 17%. La diminution de 12 % d’ordonnances comportant des antibiotiques dans le groupe témoin entre 2004 et 2006 (vraisemblablement lié aux différentes campagnes de sensibilisation). Dans le groupe formation, cette diminution était de 25%, la différence entre les 2 groupes restant très significative. La diminution des prescriptions d’antibiotiques s’accompagnait d’une augmentation des prescriptions à visée ORL/Pneumologique. Le surcoût engendré n’était pas significatif et le coût total restait moindre dans le groupe formation que dans le groupe contrôle. Dix huit mois après la formation, la prescription des antibiotiques était significativement plus basse dans le groupe MSPR versus groupe témoin mais le pourcentage d’ordonnances de médicaments à visée ORL/Pneumologique restait significativement plus élevé dans les deux groupes formation. 23 b) Résultats issus de l’analyse des cahiers d’observation (MSPR) Les 11 situations à risque de prescription inappropriée d’antibiotiques issues de PAAIR 1 ont toutes été retrouvées. Quelle que soit l'issue de la consultation, le médecin était plus en difficulté devant un diagnostic de bronchite que devant celui de rhinopharyngite. Toutes les stratégies mises en œuvre pour ne pas prescrire d'antibiotiques décrites dans PAAIR 1 ont été utilisées. Les stratégies les plus fréquemment utilisées sont : l'examen clinique commenté, le repérage tôt du risque d'incident critique et l'explication sur la persistance des symptômes et la mise en place d'un suivi. D’autres stratégies (retrouvées de façon plus sporadique dans PAAIR 1) ont été évoquées comme l'utilisation d'examens complémentaires et en particulier le Streptotest® ou TDR (généralisé depuis 2002 donc après PAAIR1). Les stratégies les plus efficaces pour ne pas prescrire d’antibiotiques étaient celles qui s’appuyaient sur les craintes du patient, l’écoute attentive, les explications ainsi qu’un examen clinique précis et commenté dès le début de la consultation. 2.2.3 - Au total L’étude PAAIR 2 a permis de valider l’hypothèse qu’elle soulevait et de répondre à certains questionnements. Il a été montré que les données de PAAIR 1 sont valides et utilisables par des médecins généralistes tirés au sort et qu’il est possible par une formation interactive de 2 jours de modifier leurs comportements de prescription et de diminuer ainsi les discordances entre les pratiques et les recommandations issues des données de la science. Alors qu’on observait, dans le groupe témoin, une diminution significative de la prescription d’antibiotiques entre 2005 et 2006, l’étude a montré qu’il existait une différence significative de la prescription d’antibiotiques entre 2004 et 2005, avec une prescription moindre dans le groupe formation versus le groupe contrôle. Cette diminution s’était poursuivie, quoique plus faiblement, entre 2005 et 2006. Ce travail a permis par ailleurs d’obtenir un agrément auprès de l’OGC (Organisme Gestionnaire Conventionnel chargé de la formation professionnelle conventionnelle des médecins) pour réaliser un module de 2 jours intégrant les contenus des 2 formations réalisées pour cette étude (FMC et MSPR) avec la possibilité d’évaluer leur impact sur la prescription d’antibiotiques à partir des données de l’Assurance Maladie (SIAM). Dans ce cadre 61 médecins été formés à la méthode PAAIR en 2008. 24 2.3 - PAAIR 3 PAAIR 3 est un prolongement de l'étude PAAIR 2 visant à compléter cette étude en évaluant notamment quelle est la persistance dans la durée des résultats obtenus par PAAIR 2 en termes de modification des pratiques et notamment en ce qui concerne la diminution des prescriptions d'antibiotiques. Elle a pour objectif d’étudier si la différence de prescription d'antibiotiques constatée entre les 2 groupes (formés et non formés) entre 2004 et 2006 va perdurer ou au contraire s'estomper avec le temps (sur une durée de 3 ans s’étalant de 2007 à 2009). Les derniers résultats sont actuellement en cours d’analyse. Selon les premières données disponibles, il s’avère que la diminution des prescriptions dans le groupe des formés s’est maintenue jusqu’en 2009 quoique plus faiblement. Dans le cadre de l’évaluation externe nécessaire du projet PAAIR (projet FAQSV financé par l’Assurance Maladie), il paraissait intéressant de réaliser une évaluation qualitative complémentaire des données quantitatives disponibles. Un des axes choisis pour cette évaluation concernait le vécu des médecins participants par rapport à la formation. Parmi les méthodes d’évaluation qualitative, celle du FG est apparue comme un outil pertinent pour aborder le vécu, les représentations et la pratique des médecins formés. C’est ainsi que nous avons organisé, conjointement avec le bureau d’études chargé de l’évaluation externe, trois entretiens sous forme de FG afin d’explorer à distance, le vécu des médecins généralistes quant à la formation suivie dans le cadre de l’étude PAAIR. 25 III - Matériel et méthode A - La technique du focus group (6,7,10,21,22,25,36) 1 - Définition et historique Le focus group (FG) est une technique d'entretien de groupe. Il s'agit d'un groupe d'expression qui permet de collecter des informations sur un sujet ciblé. Il fait partie des techniques d'enquête qualitative par opposition aux enquêtes quantitatives qui reposent sur un questionnaire. Cette technique permet d'évaluer des besoins, des attentes, des satisfactions ou de mieux comprendre des opinions, des motivations ou des comportements. Le FG est issu d'une technique marketing de l'après guerre aux États Unis qui permettait de recueillir les attentes des consommateurs afin de rendre un produit plus attractif. Mise au point dans les années 40 par Robert Merton dans le but de faire émerger les attitudes et les croyances qui sous tendent les comportements, elle a par la suite perdu tout intérêt en faveur du développement des techniques quantitatives. La technique a été reprise dans les années 80 par la recherche universitaire dans des domaines divers (éducation, santé publique, environnement, sciences sociales). Elle est très utilisée dans les pays anglo-saxons dans les travaux de recherche en soins primaires dans une optique qualitative de recueil d'informations et d'opinions de manière systématique sur des thèmes variés. En France, les spécialistes des enquêtes qualitatives appartiennent principalement au monde de la sociologie. 2 - Caractéristiques générales Le FG est considéré comme une technique d'entretien semi-structuré avec observation directe non participante. L'entretien porte sur des questions ouvertes; il est qualifié de semistructuré grâce à l'utilisation d'un guide d'animation. L'observation est directe car l'observateur est présent lors des entretiens, mais non participante, car il adopte une position d'observateur externe et ne prend pas part aux débats. Le FG repose avant tout sur une dynamique de groupe qui doit permettre d'explorer et de stimuler différents points de vue par la discussion ouverte. Chacun doit être en mesure de défendre ses priorités, ses valeurs et son vécu. La discussion offre l'opportunité de préciser et de clarifier les pensées. L'expression sans tabou de certains doit pouvoir lever les inhibitions des autres. L'expérience commune partagée peut entrainer des solidarités. Le collectif peut donner plus de poids aux critiques que dans des entretiens individuels. 26 Au cours de son évolution, la méthode du FG a connu plusieurs tentatives de systématisation pour répondre aux critiques dont elle faisait l'objet : manque d'objectivité, données non représentatives, non généralisables, biais induit par l'animateur et/ou les chercheurs, etc ... La conduite de FG exige donc dorénavant le respect de certaines règles méthodologiques afin d'assurer la validité et la scientificité de la démarche. 2.1- Le recrutement des participants et la constitution des groupes Les participants sont avant tout sélectionnés en fonction des objectifs de l'étude. Ils ont des caractéristiques communes en lien avec le thème abordé par le FG. Les groupes doivent être homogènes pour obtenir des débats fructueux et égalitaires. Les participants ne doivent de préférence pas se connaître entre eux afin d'éviter la constitution de sous groupes, ni connaitre précisément le thème, ni être expert afin d'éviter d'avoir un effet leader. Ils doivent cependant avoir une expérience commune sur le thème abordé. Le nombre de participants doit être compris entre 6 et 12; 6 étant le minimum pour assurer une bonne dynamique de groupe et 12 le maximum pour éviter la constitution de sous groupes et le débordement des débats. Il faut prévoir 3 ou 4 FG pour répondre au principe de saturation du contenu, c'est à dire qu'on ne constitue plus de nouveau groupe de discussion à partir du moment où il est possible de déterminer à l'avance les propos qui y seront tenus. Il n'est pas nécessaire d'avoir un grand nombre de participants. Il ne s'agit en effet pas d'être représentatif de la population source, comme dans les enquêtes classiques, mais de constituer des groupes qui fassent ressortir les divergences (de représentations, de comportements et d'attitudes) existant au sein de la population par rapport au thème proposé. Les participants seront le plus souvent contactés par courrier précisant les objectifs et les mandataires de l'étude, la méthode d'entretien par groupe, la description globale du thème abordé ainsi que les modalités pratiques de la réunion (lieu, date, horaire,...). 2.2 - Les modalités pratiques (lieu, horaire, durée,...) L'endroit doit être accessible et situé géographiquement de manière à toucher la population ciblée. Le local doit être adapté pour accueillir confortablement et agréablement les participants et être le plus neutre et convivial possible. Il doit bénéficier d'une bonne acoustique. Les chaises seront disposées en cercle afin de favoriser les échanges sur une base égalitaire. 27 L'horaire des réunions sera fixé en tenant compte des contraintes propres à la population concernée. La durée varie entre 1 heure (minimum pour assurer une dynamique de groupe et aborder deux ou trois thèmes) et 3 heures (maximum pour garder l'attention des participants). Il sera judicieux de prévoir une pause à mi parcours afin notamment de proposer une collation et ainsi de garantir un bon niveau d’attention des participants sur la durée de l’entretien. 2.3 - L’élaboration du guide d'animation Il s'agit de cerner précisément l'objet d'étude en décrivant et en regroupant de manière logique les thèmes qui devront être abordés. Le guide permet de définir le temps imparti à chaque thème et servira de trame à l'animateur pour conduire les débats. Une consigne de présentation de l'étude (objectifs, méthode, thèmes...) sera rédigée à l'avance afin d'être exposée de la même manière dans tous les groupes. La question initiale doit être globalisante et accessible à tous afin de stimuler la prise de parole de chacun. Elle peut faire l'objet d'un tour de table pour permettre à tous les participants de répondre et ainsi créer un climat de confiance. On formule ensuite 4 à 5 questions ouvertes, courtes, claires et simples non connotées positivement ou négativement afin de ne pas orienter la discussion. Elles vont du domaine le plus général au plus spécifique. Le guide d'animation reprend alors toutes les questions formulées ainsi qu'un ensemble de sous questions et de relances pour stimuler les échanges. 2.4 - Le rôle de l'animateur La qualité des données recueillies dépend essentiellement des échanges que l'animateur réussira à développer entre les participants. En début de séance, il doit présenter le principe du FG et la question abordée. Il demande l'accord des participants pour l'enregistrement et la retranscription de tout ce qui sera dit pour l'analyse ultérieure et l'utilisation des données à des fins scientifiques. Le respect de l'anonymat et de toutes les opinions est obligatoire et ceci sera annoncé dès le départ. L'animateur doit amener tous les participants à s'exprimer afin de faire émerger tous les points de vue. Il dirige les débats en fonction du guide d'animation. Il doit être informé sur le thème, impartial, éviter tout jugement de valeur, se montrer tolérant, chaleureux, avoir une attitude non verbale neutre et naturelle et savoir donner confiance en montrant l'importance des opinions de chacun. Il doit bien maitriser la technique de conduite de réunion par la reformulation, la clarification et l'esprit de synthèse. 28 2.5 - Le rôle du ou des observateurs L'observateur prend note des comportements non verbaux et relationnels qui apparaissent lors des réunions. Il décrit la dynamique de groupe. Il peut également relever les questions qui peuvent demander un approfondissement dans les groupes suivants. Il est également responsable de l'enregistrement des données. Pour ce faire, l'aspect technique doit bien être réglé avant le début de la réunion (régler et vérifier le son afin d'éviter les bruits parasites, positionner la caméra en cas d'enregistrement vidéo associé). Après chaque session, un « débriefing » entre l'animateur et l'observateur peut être organisé en vue d'établir une synthèse des opinions émises et de comparer les impressions de chacun. 3 - L'analyse des données et la synthèse des résultats La 1ère phase est une phase de collecte où il s'agit de transcrire ce qui a été dit immédiatement après la séance. Les paroles de chaque intervenant, retranscrites mot à mot, doivent être bien individualisées ainsi que tous les aspects non verbaux. On estime entre 8 à 10 heures le temps nécessaire pour retranscrire 1 heure d'entretien. Il s'agit donc d'un travail de longue haleine mais fondamental pour assurer la validité et la richesse des résultats. La 2ème phase est la phase d'analyse à proprement parler. Il importe de définir une démarche d'analyse des données rigoureuse et systématique. Il ne s'agit pas de décrire les impressions générales que l'on peut retirer des FG mais bien de mettre en œuvre une analyse de contenu pertinente et qualifiée afin de mettre en évidence des tendances communes à certains groupes de la population. Le principe de base consiste à analyser les transcriptions de parole des participants (verbatim) qui sont ensuite découpées, classées, comparées et confrontées. Ces verbatim sont alors étiquetés selon l'idée ou le sous thème pouvant les résumer (« occurrence »). Il peut s'agir d'un mot clé, d'un sentiment, d'une expression ou d'une phrase significative. Les sous thèmes peuvent alors être regroupés en grand thème ou grand concept (« dimension »). L'analyse doit être reproductible, c'est à dire que les conclusions doivent être les mêmes quelle que soit la personne qui la fait. Il est important qu'elle porte aussi bien sur le verbal que le non verbal et l'émotionnel. Le rapport écrit comprend une synthèse narrative et descriptive, suivie d'une analyse interprétative des données et de recommandations éventuelles. On peut utiliser l'analyse assistée par ordinateur en classant les items grâce à la fonction « couper, coller » ou utiliser des logiciels de statistiques textuelles ou d'autres permettant une analyse sonore à partir des enregistrements. 29 Il est important de rappeler que les données recueillies lors de FG sont influencées par la situation de discussion de groupe : les individus construisent en effet leur représentation du thème proposé au fur et à mesure des débats. C'est pourquoi, ces données ne doivent jamais être exploitées sans mentionner le contexte dans lequel elles ont été recueillis (biais inhérents à la situation de groupe, orientation donnée par le plan d'analyse et le guide d'entretien définis avant la collecte des informations, réorientation après débriefing, ...). Dans ce sens, toute interprétation des résultats doit donc être contextualisée afin d'éviter une généralisation ou une extrapolation excessive de ceux ci (5). 4 - Une méthode peu usitée en France Une consultation sur Medline (au 30 avril 2009) permet d'identifier 4633 publications référencées sous le mot clé FG sans limitation temporelle. La même requête en spécifiant « langue française » n'en identifie que 38. La même recherche réalisée 5 ans plus tôt retrouvait 2924 publications dont 17 en langue française ce qui montre bien qu'il s'agit d'une technique en pleine expansion mais qui mérite encore de se développer en France. Elle permet en effet une approche qualitative de nombreuses problématiques rencontrées en médecine générale. Le développement de la recherche en médecine générale nécessite de créer des liens avec les sciences humaines et d'assimiler des méthodologies issues de la socio anthropologie. Cette technique d'entretien de groupe offre notamment l'opportunité pour les médecins généralistes d'étudier certains aspects de leur pratique. Elle a par exemple déjà été utilisée pour mettre en évidence les critères de qualité de la relation médecin patient voulus, attendus ou perçus par des généralistes et des patients (11,26). 30 B - Mise en place des focus group de notre étude 1 - Mise en place scientifique 1.1 - Principe de l’étude Trois réunions sous forme de FG ont été organisées en partenariat avec le bureau d’études chargé de l’évaluation externe du projet PAAIR. Il s’agissait de sélectionner au hasard des médecins généralistes ayant participé aux formations PAAIR, afin de leur faire échanger en 2009 sur leur perception du projet, leur expérience et leur avis sur la prescription d’antibiotiques dans les infections respiratoires. 1.2 - Travail préparatoire et élaboration du guide d’animation Un important travail préparatoire a été réalisé conjointement avec le Dr Mosnier, directrice de thèse et le Dr Cittée, animateur et expert. Une première réunion entre les différents intervenants a eu lieu en avril 2009, afin de prendre contact, de déterminer les tâches de chacun et d’établir un rétroplanning de la mise en place des FG. Il paraissait important de savoir, avant de se lancer dans ce travail, si la méthode du focus group avait déjà été utilisée pour ce type d’évaluation. Pour ce faire, nous avons donc commencé par une recherche bibliographique couvrant plusieurs axes : la méthode du FG les méthodes d’évaluation de la formation médicale (quantitative et qualitative) l’évaluation de l’impact subjectif d’une formation, qu’elle soit ou non médicale, à travers un FG ou une autre technique. Deux réunions ont ensuite eu lieu par téléphone : La première fin mai afin de faire le point sur la recherche bibliographique et faire une première ébauche du guide d’animation. La phase de recherche préparatoire avait permis de constater qu’il y a avait très peu d’articles sur l’évaluation qualitative des formations médicales et aucun par la technique des FG. Cette étude s’avère donc être un travail particulièrement innovant. La deuxième a eu lieu mi juin et a abouti à l’élaboration du guide d’animation (Annexe 1). Ce dernier devait servir de fil conducteur au focus group. L’animateur était cependant libre de modifier et d’adapter les questions au déroulement de l’entretien en fonction de la tournure que prenaient les débats. Des relances ou sous questions étaient prévues afin de stimuler les débats si nécessaire. 31 Il s’agissait pour nous, avec ce travail, d’explorer à distance le vécu et les attitudes des médecins généralistes quant à la formation suivie dans le cadre de l’étude PAAIR. Les questions ouvertes proposées aux groupes étaient les suivantes : Qu’avez-vous retenu de la formation PAAIR ? Cette question avait pour objectif d’évaluer l’aspect cognitif, l’impression globale que les médecins gardaient de la formation PAAIR. Pour ce faire, l’animateur demandait à chacun d’écrire un mot pour résumer cette impression, en sachant qu’ils pourraient ensuite développer plus explicitement leur idée. Quelles ont été vos impressions, votre sentiment, votre ressenti sur la formation PAAIR ? Cette question avait pour objectif d’évaluer l’aspect affectif. L’animateur demandait à chaque médecin là encore de résumer en un mot le sentiment définissant leur ressenti. Pour le groupe MSPR, une relance était prévue pour demander aux médecins ce qu’ils avaient pensé de la mise en situation de pratique réflexive et si ils pensaient qu’elle avait eu plus d’impact sur leur pratique qu’une formation classique. Où en êtes-vous aujourd’hui avec votre prescription d’antibiotiques ? Cette question avait pour objectif d’évaluer l’impact ressenti de la formation sur la prescription d’antibiotiques dans les infections respiratoires. Nous voulions mettre à jour si ils ressentaient des changements en terme de quantité, de classe d’antibiotiques ou selon le type de patients. Il nous paraissait intéressant d’essayer de savoir aussi si, au-delà des infections respiratoires, il y avait eu un impact éventuel de la formation sur leur prescription d’antibiotiques dans d’autres infections. D’après vous, qu’est ce qui a le plus pesé sur les changements intervenus que vous avez vécu ? Cette question avait pour objectif d’évaluer les déterminants du changement de la prescription d’antibiotiques afin de définir quel était la part tenue par la formation PAAIR mais également par les campagnes de la CNAMTS, par l’évolution de la demande des patients ou par d’autres déterminants. Dans les infections respiratoires, où en êtes-vous aujourd’hui avec les prescriptions hors antibiothérapie ? Cette question avait pour objectif d’évaluer l’impact ressenti éventuel du changement de prescription d’antibiotiques sur les autres prescriptions dans les infections respiratoires. Nous voulions savoir notamment si les praticiens avaient l’impression d’avoir développé des stratégies de substitution à la prescription d’antibiotiques. 32 1.3 - Population de l’étude Les appels téléphoniques de recrutement devaient cibler des médecins généralistes formés dans le cadre de l’étude PAAIR soit en 2004, soit en 2008. Il a été décidé initialement de former 3 groupes de 9 médecins : un avec des médecins formés en 2004 par une FMC classique (37 médecins formés), un avec des médecins formés en 2004 avec la MSPR (34 médecins formés), et le dernier composé de médecins formés en 2008 (61 médecins formés). 1.3.1 - Critères de randomisation La liste des médecins participant aux formations 2004 était disponible chez l’évaluateur externe et la liste 2008 a été transmise par la coordination de l’étude PAAIR. Pour chaque liste en format Excel les participants étaient classés par ordre alphabétique et numérotés de 1 à X. La fonction « alea entre borne 1 et X » a été utilisée afin de déterminer le 1er médecin à appeler puis la fonction « alea entre borne 1 et 10 » afin de sélectionner les médecins avec un pas de sondage choisi arbitrairement à 10. Les médecins étaient ainsi contactés dans leur ordre de randomisation. Les 9 premiers médecins contactés par téléphone étaient prioritaires et devaient être joints. En cas de refus, les médecins suivants dans la liste, si possible de même sexe et exerçant dans le même département, étaient contactés. 1.3.2 - Sélection des participants Le 1er groupe à avoir été contacté est celui ayant reçu une formation classique en 2004 que nous nommerons « FMC 2004 ». La date du jeudi 9 juillet 2009 était proposée. Trente huit appels ont été passés pour contacter 16 médecins et atteindre l'objectif de 9 préinscrits. Seuls 4 des 9 praticiens présélectionnés selon les critères de randomisation avaient donné leur accord pour participer au FG. Il a donc fallu trouver 5 autres participants et pour ce faire contacter 7 médecins supplémentaires. Le 2ème groupe contacté a été le groupe formé en 2004 avec la MSPR que nous nommerons donc « MSPR 2004 ». La date de la réunion était fixée au mercredi 1er juillet 2009. Trente deux appels ont été passés et il a fallu contacter 17 médecins pour atteindre l'objectif de 9 préinscrits. Sept des 9 médecins présélectionnés avaient accepté de participer à la réunion. Il a donc fallu en trouver 2 autres et pour cela en contacter 8. 33 Le 3ème groupe contacté était composé de médecins formés en 2008 que nous appellerons « Formés 2008 ». La date de la réunion était fixée au mercredi 8 juillet 2009. Vingt neuf appels ont été passés et il a fallu contacter 20 médecins pour atteindre l'objectif de 9 préinscrits. Quatre des 9 médecins présélectionnés avaient accepté de participer à la réunion. Il a donc fallu en trouver 5 autres et pour cela en contacter 11. Au total, il a donc fallu passer 99 appels téléphoniques et contacter 53 médecins afin de constituer 3 groupes de 9 médecins. 2 - Mise en place logistique Quelques jours avant la date prévue de la réunion, les médecins ont été recontactés pour demander confirmation de leur venue et leur rappeler l’heure et le lieu des réunions ainsi que de ne pas oublier d’apporter leur numéro Urssaf afin de pouvoir procéder à leur indemnisation. Les médecins généralistes participants ont été en effet indemnisés pour un montant de 6C (soit 132 Euros). Il leur était précisé également qu’un encas serait proposé. Les séances de FG se sont déroulées dans les locaux du Département de Médecine Générale de la Faculté de Médecine de Créteil (Val de Marne) les 1 er, 8 et 9 Juillet 2009. Les participants étaient convoqués pour 20h30. Les réunions ont commencé vers 21h et se sont terminées aux alentours de minuit. Une collation a été servie au début et une pause était prévue à mi-temps. Quelques jours avant la 1ère date de réunion nous nous sommes rendus sur place afin de nous familiariser avec le matériel d’enregistrement audio et vidéo. Les locaux du Département de Médecine Générale sont particulièrement adaptés à la réalisation de FG grâce notamment : à l'agencement des salles : une salle où se sont déroulées les réunions à laquelle est adjacente une autre salle séparée de la 1ère par une glace sans tain, offrant ainsi un poste d’observation idéal. à un matériel informatique et vidéo permettant d'enregistrer et de filmer les débats. D’un point de vue logistique pur, il a fallu prévoir des papiers et des stylos ainsi que des badges pour identifier plus facilement les participants et organiser un buffet. L’animation des groupes a été confiée au Dr Jacques Cittée, médecin généraliste expérimenté dans ce type de recherche et enseignant au Département de Médecine Générale de la Faculté de Médecine de Créteil. Le Dr Anne Mosnier et moi-même étions observatrices pour chacun des FG. 34 IV - Résultats et analyse A - Description des groupes Comme nous l’avons dit précédemment, 9 médecins généralistes étaient convoqués par réunion. Ce chiffre avait été choisi en tenant compte de l’éventualité de désistement de dernière minute afin d’avoir le nombre de participants minimal (6 médecins) requis pour garantir une bonne dynamique de groupe. 1 - Premier focus group (FG 1 = MSPR 2004) Le 1er FG a réuni 6 médecins généralistes. Sur les 9 préinscrits, tous de sexe masculin, 3 ne sont donc finalement pas venus dont 2 s’étaient excusés. La moyenne d'âge de ce groupe était de 56,3 ans. Deux des participants sont maîtres de stage dont l’un est arrivé en retard mais s’est immédiatement intégré au groupe. Ils ont d’ailleurs eu tendance tous les 2 à souvent prendre la parole ainsi qu’un autre, d’autant plus que les 3 autres participants pourraient être qualifiés de plutôt « discrets » au moins au début de l’entretien. Cette dichotomie apparaissait même visuellement sur l’enregistrement car ces 2 groupes étaient spontanément séparés par un siège vide. 2 - Deuxième focus group (FG2 = Formés 2008) Le 2ème groupe s’est déroulé avec 7 médecins généralistes : 2 femmes et 5 hommes. Sur les 9 préinscrits, 2 femmes s’étaient excusées de ne pouvoir venir. La moyenne d'âge était de 55,3 ans. Bien qu’il s’agisse de médecins tous généralistes, 2 d’entre eux ont un mode d’exercice particulier : l’un travaille au sein d’une structure spécialisée en réadaptation cardiaque et l’autre dans une maison médicale d’urgence. La plus jeune participante était installée en médecine générale depuis tout juste un an à la date de l’entretien. Là encore, 2 d’entre eux sont également impliqués dans l’enseignement notamment en tant que maîtres de stage. Il s’agissait de personnalités assez fortes, ayant souvent tendance à la digression lors des débats, ce qui a contraint l’animateur à redoubler d’attention pour que les autres puissent s’exprimer. L’ambiance générale lors de ce FG nous a semblé plus pesante par moments que lors des 2 autres. Une des 2 femmes, la plus âgée, était particulièrement effacée malgré les relances de l’animateur, d’ailleurs la plupart de ses rares interventions sont presque inaudibles à l’enregistrement. 35 3 - Troisième focus group (FG3 = FMC 2004) Le 3ème FG a réuni 6 médecins généralistes : 3 femmes et 3 hommes. Il s’agissait donc du seul groupe où la parité a été respectée. Trois préinscrits (1 femme et 2 hommes) s’étaient excusés de ne plus pouvoir y participer. La moyenne d'âge était de 55,8 ans. Deux d’entre eux ont une activité d’enseignement dont l’un est également attaché de consultation en psychiatrie en thérapies comportementales et cognitives dans un hôpital de la banlieue parisienne. Un autre a une activité orientée vers la gériatrie et fait partie des deux qui exercent dans des quartiers dits « sensibles » de l’Essonne. Une est installée en milieu rural (village de Seine et Marne d’environ 2000 habitants). Deux des médecins présents, dont surtout 1, ont reconnu ne pas se souvenir de la formation, ce qui ne les a pas empêchés de débattre largement sur le sujet. L’ambiance générale est apparue plus légère, notamment grâce à la présence de personnalités très diverses mais n’hésitant pas à s’exprimer et à s’opposer avec respect. 4 - Données globales Au total, 19 médecins ont donc participé à notre étude, dont 5 femmes (soit un peu plus d’1/4). La plus jeune avait 30 ans et le plus âgé 64, soit une moyenne d’âge de 52,9ans. Six d’entre eux, soit près d’1/3, étaient impliqués dans l’enseignement. Tableau 3 : Caractéristiques générales des médecins participants FG1 FG2 FG3 Médecin 1 2 3 4 5 6 Age 47 52 58 60 60 61 Sexe M M M M M M Département 94 77 94 77 94 77 1 2 3 4 5 6 7 48 30 43 62 59 45 45 F F M M M M M 75 94 95 95 75 75 92 1 2 3 4 5 6 51 53 51 57 59 64 F M F M F M 77 94 91 91 94 94 Enseignant x Particularités x x x Réadaptation cardiaque Urgence ambulatoire Zone rurale Zone sensible Zone sensible/Gériatrie x x Attaché en psychiatrie 36 B - Description du contenu des entretiens 1 - Les mots Même s’il n’apparait pas pertinent de fonder notre analyse à partir des mots choisis par chaque médecin participant en réponse aux deux premières questions du guide d’animation qui avait essentiellement pour objectif de favoriser la prise de parole il parait néanmoins important de les citer ici. En réponse à la question : en un mot qu’avez-vous retenu de la formation PAAIR, 18 mots différents ont été cités par les médecins participants, le terme « intéressant » ayant été cité à 2 reprises dans 2 FG différents. Tableau 4 : Impression globale de la formation pour les médecins participants M1 M2 M3 M4 M5 M6 FG 1 Discernement Indication Amélioration Intéressant Changer Stratégies FG 2 Argumenter EBM Résistance Résister Arrêt de travail Nuire Expliquer M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M1 M2 M3 M4 M5 M6 FG 3 Intéressant Changement Virale Rien Antibiotiques Utile En réponse à la question : quel est en un mot le sentiment, le ressenti que vous gardez après cette formation, 17 mots différents ont été cités. Un des médecins du FG2 n’a pas trouvé de mot. Le terme « frustration » a été cité à 2 reprises dans 2 FG différents. Tableau 5 : Sentiment ressenti après la formation par les médecins participants M1 M2 M3 M4 M5 M6 FG 1 Etre sous influence Partage Positif Satisfaction Inquiétude Confiance FG 2 M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 Persévérance Bon Apaisement Frustration Vitalité Progression M1 M2 M3 M4 M5 M6 FG 3 Sérénité Unité Frustration Expectative Espoir Rassurant Plusieurs points sont à noter : La plupart des termes choisis par les médecins participants ont une forte connotation positive : intéressant, amélioration, utile, confiance, satisfaction,... La majorité des mots sont différents, seuls deux mots ont été cités à deux reprises dans deux groupes distincts. Le même mot peut avoir été cité dans un sens totalement différent (exemple : frustration choisi par un médecin du FG2 pour exprimer son désaccord vécu avec un des formateurs et par un médecin du FG3 pour exprimer son regret de ne pas avoir été sélectionné dans le groupe MSPR et de ne pas avoir eu la 3ème journée de formation). 37 2 - Le verbatim Le contenu des 3 FG (image et son) avait été enregistré sur DVD. Il a ensuite fallu retranscrire mot à mot (verbatim) les échanges verbaux et, avec le plus de fidélité possible, les aspects non verbaux observés lors des entretiens collectifs ou au visionnage. Cette étape est cruciale et doit être minutieuse afin de permettre une concordance parfaite entre ce qui a été dit et ce qui sera analysé. Il s’agit d’un travail particulièrement long et fastidieux qui nécessite de nombreux visionnages et écoutes de chacun des enregistrements. Nous avions environ 9 heures d’enregistrement qui ont été retranscrites en près de 100 heures. Afin de respecter l’anonymat des participants nous avons décidé de les identifier par des numéros : Médecin 1, Médecin 2 … (Annexe 2). Pour l’analyse nous les identifierons également en fonction de leur FG. Pour ce travail nous avons utilisé des conventions de retranscriptions du verbatim publiées par Michael Billig (12) : = est indiqué à la fin de la prise de parole d’un des participants et au début de celle d’un autre pour indiquer que le second reprend la parole sans laisser d’interruption, voire l’interrompt, et que le premier lui laisse la place. [ est utilisé pour montrer que deux personnes parlent en même temps. (.) indique une pause courte. … signale une omission ou quelque chose d’inaudible. {} est utilisé pour toutes formes de précision, (relatives au ton ou à des gestes). On souligne les mots pour marquer une insistance et on met en majuscules les moments ou les voix se font particulièrement fortes. C - Analyse du contenu 1. - Le choix d’une analyse thématique de contenu (39) 1.1 - Principes généraux L’analyse de contenu thématique ou catégorielle est la plus ancienne et la plus fréquemment utilisée pour analyser des données qualitatives. Elle fonctionne par opération de découpage du texte en unités de sens. Il peut s’agir de mots, phrases ou groupes de phrases désignant une seule idée. Ces unités de sens sont ensuite classées en catégories selon des regroupements analogiques. Les catégories peuvent être définies au départ ou émerger de l’analyse. 38 La lecture du matériel à plusieurs reprises permet tout d’abord d’acquérir une vue d’ensemble, de saisir le sens général du texte et ainsi de voir émerger certains thèmes. On procède ensuite à une réorganisation du matériel en catégories et sous catégories afin d’inclure tous les concepts rapportés par les participants. Il faut au final vérifier que l’ensemble des énoncés correspond bien à chacune des catégories ou sous catégories auxquelles ils ont été associés. 1.2 - Réalisation pratique Une lecture globale des 3 FG par 3 chercheurs a permis de dégager 6 axes concernant les perceptions des médecins généralistes participants : - le vécu de la formation - la prescription d'antibiotiques - les autres prescriptions dans les infections respiratoires - la relation au patient - l’évolution des patients - l'environnement informationnel A partir de ces 6 axes, nous avons réalisé un premier codage manuel et informel des 3 FG, qui consistait à catégoriser les verbatim selon chaque axe, voire dans plusieurs axes. Nous avons ici fait le choix de ne pas faire d’analyse informatisée à l’aide d’un logiciel spécifique. L’unité élémentaire de sens choisi était la phrase et non le mot qui hors contexte peut être interprété de manière différente. Puis en reprenant un à un chaque axe, nous avons pu identifier des thèmes et regrouper des verbatim par thème émergent. Cette étape a nécessité bien évidemment de multiples lectures et relectures des 3 FG ainsi que 3 réunions de mise en commun et de validation des axes. Nous avons utilisé un fichier Microsoft Excel® pour organiser nos données. Chaque feuille correspondait à un axe et était divisée en deux parties (Annexe 3). d’une part les thèmes retrouvés d’autre part les extraits de verbatim correspondant à chaque thème, avec pour chaque extrait, le numéro du médecin et du FG correspondant (ex : F1M1 représente le Médecin 1 du 1er FG) Il nous est apparu que bien que de durée assez similaire, le contenu du FG2 était beaucoup moins riche en termes de données analysables. 39 2. - Le vécu de la formation Quand nous parlons ici de « formation » cela concerne la formation de l’étude PAAIR quelle qu’elle soit (FMC ou FMC + MSPR). 2.1 - Une formation adaptée à la pratique des médecins généralistes Plusieurs médecins ont exprimé le fait que cette formation était adaptée à leur pratique, qu’elle avait répondu à leurs attentes. Beaucoup attendait essentiellement une aide à la non prescription. Ils ressentent qu’on a tenu compte de la dimension particulière de leur exercice qui est une prise en charge globale et qui doit « s’adapter » au patient. « Là, on a répondu à des questions que je me posais » F1M2 « Mais c’est surtout le libre arbitre qui a été souligné » F2M3 «Et effectivement ce qui m’avait intéressée par mal dans le séminaire, c’est surtout le versant ne pas prescrire plus que le versant prescrire » F2M2 « C’était plus sur recommandations qu’on suit ou qu’on ne suit pas, mais pas un protocole qu’on applique » F2M2 2.2 - Des outils, des stratégies utilisables Les médecins interrogés ont le sentiment d’avoir eu des outils, d’avoir appris à identifier des situations à risque ainsi que des stratégies pour y faire face. « La formation nous a permis d'avoir des outils pratiques, objectifs. Satisfaction de sortir avec quelque chose de presque physiquement présent, d'un outil de travail, d'avoir la satisfaction d'être ressorti avec un outil de travail ». F1M1 « Oui, ça nous a donné des outils (.) et donc une manière de tenir ces outils, d’utiliser ces outils (.). Les outils en l'occurrence les tests » F3M6 « Peut-être qu'aussi on a appris à mieux discerner les situations qui risquent de devenir conflictuelles, (.) et de les désamorcer. Je crois que ça aussi ça c'est quelque chose aussi qui m'a été apporté par ces réunions, mieux vaut percevoir tôt, avant d'avoir signé l'ordonnance, qu'il y a un pétard avec une mèche allumée et qu'il faudrait mieux mettre de l'eau dessus avant » F1M2 « Stratégie parce que c'est bien d'identifier les circonstances dans lesquelles on est en difficulté pour ne pas prescrire. Un certain nombre de situations identifiées sont assez facilement reconnaissables mais surtout ce qui est intéressant c'est qu'il y a des stratégies qui correspondent à chacune des situations et que ça ne laisse pas sans outils pour pouvoir faire face aux situations, ce qui était intéressant, ce que j'ai retenu, c’était que à chaque difficulté correspondait une stratégie.(.) J'ai pu vérifier que c’était plutôt opérationnel » F1M6 40 2.3 - Un soutien face à une prescription difficile et emblématique Il apparait pour beaucoup de médecins de l’étude, que la formation leur a permis d’être conforté, réconforté, dans une prescription souvent source de conflit ainsi que de se déculpabiliser. Plusieurs ont parlé de l’inquiétude qu’ils pouvaient avoir de ne pas prescrire d’antibiotiques quant au risque éventuel de surinfection et de la façon dont la formation les a rassurés. « Et souvent je prescrivais des antibiotiques sous pression parce que, en plus installé, on subit toujours l'influence, la pression des autres, en me disant si je ne le fais pas, si y a une complication on me le reprochera. Aujourd'hui, et grâce aussi à PAAIR et tout ce contexte de remise en cause, et bien je le fais bien sûr maintenant sans aucune culpabilité » F1M1 « Et ça avait été répété plusieurs fois pendant la formation, il y avait une vraie insistance là-dessus pour dire vous ne risquez rien à ne pas prescrire » F2M6 « En étant épaulé finalement par un discours commun avec voilà un certain niveau de preuves, avec (.) des outils d'études faites, etc quoi, donc (.) finalement ça met de l'eau au moulin pour argumenter et pour ne pas se départir de ce dont on est la plupart du temps convaincu, voilà » F3M3 Pour d’autres une certaine forme d’inquiétude demeure tout de même. « La formation révèle l'inquiétude. Elle la met en évidence parce qu’on est jamais sûr de tout, surtout les tableaux infectieux on sait très bien le polymorphisme et l'atypisme que cela peut prendre. Et c'est vrai que cette formation aussi a mis des limites presque infranchissables dans notre tête. Alors en nous disant il ne faut pas prescrire d'antibiotiques, ça peut nous rendre plus inquiet parce que ça va nous forcer à adopter des attitudes qui vont quelque part aussi nous découvrir, nous faire prendre un risque potentiel» F1M1 Certains praticiens se sont dit demandeurs de formations identiques dans d’autres domaines où ils ressentaient des besoins similaires. « On pourrait parler aussi des arrêts de travail, ou d'autres médicaments, qui sont aussi là, dans la reconnaissance de la maladie du patient et qui posent encore problème aujourd'hui. Comme les psychotropes, ou les arrêts de travail aussi d’ailleurs. F1M1 2.4 - Des données marquantes Le contenu de la formation est apparu aux médecins interrogés comme particulièrement pertinent et percutant. Certains médecins ont été marqués par les données sur les résistances aux antibiotiques et exprimaient leur inquiétude face à l’absence de nouveaux antibiotiques. Les études présentées sur le retour à la sensibilité des antibiotiques quand on réduit leur prescription ont été source d’espoir et de motivation. 41 Plusieurs praticiens interrogés ont souligné qu’ils avaient appris pour certains ou redécouvert pour d’autres le caractère viral de certaines pathologies (notamment la bronchite) ainsi que l’évolution naturelle des maladies. « Quand même la réalité, le fait que, qu'il fallait, le but était de prescrire moins d'antibiotiques pour éviter les résistances, qu'il y a quand même une vraie inquiétude sur le manque de nouveaux antibiotiques » F1M5 « Intéressant aussi la, le retour à la sensibilité des antibiotiques quand on baisse la pression antibiotique, j'avais appris ça en Hollande où ils avaient diminué les antibiotiques et où les pneumocoques redevenaient plus sensibles aux pénicillines » F3M5 « Moi je n’avais pas cette notion obligatoirement, qu’une bronchite c'était toujours viral, donc j'ai appris ça, que la bronchite c’était toujours viral, ou quasiment toujours viral, donc pas d'antibiotiques dans la bronchite » F3M5 « L'élément qui a augmenté mon discernement c'est la découverte ou la redécouverte de quelque chose d'assez honteux, c'est de s'apercevoir que quand même les maladies infectieuses guérissaient toutes seules quoi, si ça n'avait pas été le cas, l'humanité aurait disparu depuis longtemps. Dans cette formation, j'ai redécouvert d'un seul coup, que voilà on avait un équipement immunitaire qui n'avait pas besoin d'être aidé pour travailler à lutter contre les infections » F1M6 2.5 - Un changement dans le sens d’une amélioration La plupart des médecins interrogés ont ressenti un vrai changement dans leur prescription d’antibiotiques suite à la formation. Ils ont l’impression de s’être amélioré, d’avoir évolué positivement. Pour certains il s’agit d’un changement radical qui a été plus progressif pour d’autres. « Parce que c'est vrai qu'on avait la pratique d'antibiotiques quand même très très facile. Pour moi c'est une révolution anti culturelle, j'ai changé complètement ma façon de faire » F1M3 « Ça a été un moment important, quand même à partir de ce moment là, il y a eu un changement dans ma pratique » F1M5 « Une progression personnelle et collective » F2M4 « Mais c'est pas un changement radical immédiat, c'est une aide à améliorer les pratiques, on va dire ça comme ça. Ce n’est pas du jour au lendemain un changement de pratiques. Ce n’est pas un changement radical, c'est un changement progressif mais qui continue dans le temps » F3M5 42 2.6 - Une aide à la communication Il apparait que pour la majorité des praticiens interrogés cette formation a eu un impact sur leur façon de communiquer avec leurs patients dans le cadre de la prise en charge des pathologies respiratoires virales. Ils ont le sentiment d’avoir eu plus d’arguments pour expliquer leur décision. « Et c'est surtout aussi la façon d'aborder le patient, de lui faire comprendre, de lui expliquer » F1M3 « Ça a amélioré surement aussi nos façons d'expliquer à nos patients en étant plus rigoureux, en étant plus scientifique, en étant plus ouvert aussi » F1M2 2.7 - Une confrontation rassurante et enrichissante Pour beaucoup de médecins interrogés, l’échange avec les autres participants a été rassurant car ils ont pu se rendre compte qu’ils étaient tous plus ou moins confrontés aux même difficultés et également enrichissante car ils ont pu voir comment chacun y faisait face à sa manière. « Progression surement parce que c’est toujours intéressant de se confronter à d’autres confrères et de se retrouver comme ça dans des réunions où chacun apporte son vécu ça c’est toujours très très intéressant » F2M5 « On a effectivement confronté nos pratiques avec probablement des patientèles différentes et pourtant, des comportements qui étaient pas si différents que ça les uns des autres, ou en tous cas, des problèmes qui n'étaient pas si différents les uns des autres, et le travail en atelier nous a permis de voir comment chacun se débrouillait avec des problèmes qu'on rencontre tous les jours, et dire, ah ben ouais tiens il fait comme ça, c'est intéressant, je vais me servir du truc dont il se sert. Il n'y a pas que les experts qui nous ont enrichis, il y a évidemment les confrères généralistes, on s'est apporté mutuellement des choses » F1M2 2.8 - Une formation incomplète pour certains Certains médecins notamment dans le 2ème FG ont le sentiment d’être toujours en difficultés dans certaine situations. « Je trouve qu’elle n’était pas complète cette formation. Je ne sais pas, mais face à mon patient, ok j’ai progressé, mais justement si je suis là ici ce soir c’est parce qu’il nous manque quelque chose quand même, c’est pas parfait à 100% » F2M7 Plusieurs médecins du 3ème FG donc ceux qui avaient reçu une formation classique ont spontanément exprimé leur regret de ne pas avoir eu la formation complémentaire. Ils avaient l’impression qu’il leur manquait quelque chose. 43 « En écrivant frustration, je pourrais dire que si je pensais aux sentiments de cette formation c'est que j'étais contente, et j'avais une frustration parce que j'aurai bien aimé faire partie du groupe suivant » F3M3 « Je n’ai pas de frustration mais c'est vrai que quand tu dis ça, moi je, oui c'est vrai. C'est vrai quand on nous a distribué j'ai fait ah tant pis. Trop tard » F3M1 2.9 - Une inscription durable dans le temps liée à la MSPR Les médecins du groupe MSPR affirment unanimement que cette formation a eu une influence durable sur leur pratique. Il est même question de mise sous influence. Certains considèrent que ceci est directement lié au fait qu’ils ont été « acteurs », qu’ils ont élaboré eux même les outils. « C'est surtout pour essayer de parler de l'inscription dans le temps de cette formation. Beaucoup de séminaires que j'ai faits probablement comme vous et qui sont restés dans des classeurs que j'ai oubliés. Voilà, je les ressors de temps en temps mais ça ne m'a pas marqué. Or ce travail que nous avons fait là s'est inscrit dans une forme de continuité temporelle. C'est une espèce, c'est comme vous savez, comme le fond d'écran de mon ordinateur, c'est constamment là, et dans ma pratique aussi, c'est à dire que je me réfère toujours et depuis même maintenant 5 ans à, aux discussions que nous avions eues, à propos des cas litigieux et des problèmes dont tu as parlé tout à l'heure, des conflits et de l'anticipation que je vais, etc, donc c'est quelque chose qui est là, dans ma poche, je le ressors, et puis il est là, il m'influence » F1M1 « Je pense qu'on a été beaucoup acteur, comme tu dis, un processus. Je ne suis pas sûr que si j'avais participé qu'à une cession ou deux, sans avoir fait la dernière, j'aurai pu peut être durer, ou être aussi rapidement dans le coup» F1M3 2.10 - Des résultats attendus Plusieurs médecins ont précisé qu’ils attendaient avec une certaine impatience les résultats de l’étude PAAIR afin de voir si leurs impressions étaient confirmées par l’étude et de notamment en mesurer l’effet bénéfique. « Donc ce sera positif lorsqu'on nous donnera la réponse à la fin de cette étude » F1M4 « Persévérer oui bien sur mais je pense aussi qu’effectivement les résultats qui tomberaient nous permettraient de persévérer dans ce sens là. Moi j’ai un peu signé pour ça j’étais très curieux des résultats » F2M3 44 3 - La prescription d’antibiotiques 3.1 - Une diminution notable pour certains Les médecins interrogés ont globalement l’impression de prescrire moins d’antibiotiques, certains avancent même des résultats chiffrés. « Moi j'en prescris beaucoup moins. Je pense qu'avant je prescrivais au moins un antibiotique tous les jours probablement, de divers noms, probablement, (.) là pour les pathologies respiratoires, c’est quand même, (.) ça devient rare. C'est difficile à quantifier quand même » F1M3 « Moi j’ai nettement diminué ! » F2M1 3.2 - Pas pour d’autres Plusieurs médecins notamment ceux qui se considéraient déjà avant comme peu prescripteurs d’antibiotiques n’ont pas eu l’impression d’en prescrire moins suite à la formation. Même si ils ne pensent pas avoir beaucoup diminué en volume certains perçoivent tout de même une évolution. « Moi je suis petit prescripteur d'antibiotiques, donc j'ai pas du changer énormément mes prescriptions en quantité » F1M2 « Je ne sais pas. Non c'est vrai je suis pareil quand (.) la sécurité sociale vient, les contrôleurs inspecteurs, et amènent les courbes, ils ne m'ont jamais fait le reproche, dans mes courbes je suis toujours nettement en dessous. Est ce que je l'étais avant ? Est ce que je le suis plus depuis ? Est ce que j'ai tendance à remonter aussi ? Je ne sais pas » F1M4 « Je ne sais pas si je prescris beaucoup moins mais ça a changé » F3M3 3.3 - Le choix des classes d’antibiotiques Certains praticiens ont le sentiment de mieux choisir les antibiotiques, d’être plus sélectif. On perçoit un retour en force de la prescription d’amoxicilline simple au détriment des macrolides qui semblent avoir presque disparu. « Peut-être de mieux les choisir quand j'en prescrivais, Les différentes classes c'est devenu plus clair. C'est devenu plus clair et on va dire que globalement, l'impact marketing labo est devenu moins influent » F1M2 « C’est vrai avec l'amox on avait tendance à ralentir puis on s'est aperçu qu'en définitive ben oui, il fallait peut-être repartir là-dessus et puis laisser les macrolides un peu de côté hein » F3M1 45 3.4 - Une conduite à tenir claire dans certaines pathologies Pour de nombreux médecins la décision de ne pas prescrire d’antibiotiques est beaucoup plus claire et facile dans certaines pathologies et notamment dans la bronchite. « Je ne prescris plus normalement d’antibiotiques dans les bronchites » F2M4 « Ma prescription par rapport aux antibiotiques dans les bronchites, elle a complètement changé » F3M4 « Maintenant une otite congestive, on fait comprendre aux parents que ça peut s'arranger » F3M5 3.5 - Des difficultés persistantes avec certains patients Certains patients posent tout de même encore des problèmes à certains médecins : les fumeurs, les patients âgés ou considérés comme « fragiles ». « Il y a certaines situations qui me posent toujours problème… Les patients fumeurs, les patients qui ont des antécédents pas vraiment… » F2M3 « Bon, c'est vrai que les bronchites chez les personnes âgées ou chez les fumeurs, il y en a quand même encore quelques unes qui relèvent encore des antibiotiques » F3M2 3.6 - L’effet du temps Certains médecins expriment clairement qu’ils ressentent le fait que leur prescription d’antibiotiques a tendance à remonter avec le temps et qu’ils doivent rester vigilants. « J’ai quand même l'impression que ça raugmente Je suis toujours gêné d'en prescrire, je me dis toujours est ce que j'ai vraiment raison d'en prescrire, mais bon » F1M5 « Aujourd’hui un an après c’est un peu chassez le naturel, il revient au galop, et donc persévérer justement dans ce qu’on a pu voir dans ce séminaire et que tout de suite après je me suis dit c’est super maintenant je maitrise et puis longtemps après je commence à me dire ah il ne faut pas que j’oublie » F2M2 3.7 - La prescription différée Le recours à une prescription différée est à l’origine d’avis très divergents. Pour certains elle est habituelle, pour d’autres elle ne se conçoit qu’avec des patients très bien connus et dans des situations assez claires. Pour d’autres elle n’a pas lieu d’être car ils préfèrent revoir le patient pour réévaluer la situation. « Alors moi sur l’ordonnance différée, on a beau connaître ses patients, moi je ne suis pas pour. Alors je le fais c’est vrai, mais c’est très très rare et c’est toujours avec des patients qu’on connait très bien. Mais encore une fois pas systématiquement. » F2M3 46 « Là ce que je veux bien souligner c'est que jamais je donnerais l'amoxicilline en leur disant, si dans 48h ça va pas mieux vous prendrez l'amoxicilline. Jamais! » F3M6 « Maintenant c’est vraiment très, très rare, parce que je trouve que finalement, au bout de 3 jours qu’est ce qui ce passe ?... Si c’est une fièvre, ... il se trouve que c’est une grippe et au 5ème jour il y a encore 40 de fièvre, je préfère vérifier par la radio pulmonaire qu’il n’y a pas une pneumopathie. Donc finalement, à force de fréquenter des formations sur qu’est ce qu’il faut faire, qu’est ce qu’il ne faut pas faire, je me suis rendu compte que finalement, l’antibiothérapie différée elle ne sert que pour des situations du genre rhinopharyngite qui évolue mal, dont on est à peu près certain que ce n’est pas autre chose. On n’est pas dans un truc reproductible systématiquement » F2M4 3.8 - Dans les infections non respiratoires Il apparait de façon unanime dans les 3 FG qu’il n’y a pas eu de modification de la prescription d’antibiotiques dans les autres infections. Tous prennent l’exemple des infections cutanées et urinaires où la prescription leur pose moins de problèmes. La vraie problématique de la prescription d’antibiotiques est donc bien, pour les médecins interrogés, celle des infections respiratoires. « Je n’ai pas changé d’un iota mes prescriptions. S’il y a une pathologie précise il y a une thérapeutique précise. Un érysipèle c’est tant d’antibiotiques par jour pendant 8 à 10 jours. Si il y a une infection urinaire il ne s’agit pas de laisser évoluer en pyélonéphrite donc il faut taper vite et fort. » F2M5 « J'ai pas l'impression qu'il y ait des situations qui soient aussi, euh, que ce soit le bazar comme dans le respiratoire. Je ne crois pas que ça ait changé grand-chose » F3M3 3.9 - Les autres médecins Plusieurs médecins ont parfois l’impression que beaucoup de leurs confrères généralistes et spécialistes continuent à prescrire des antibiotiques de manière inadaptée. « Ça continue encore aujourd'hui il ne faut pas se leurrer, les ORL, les pédiatres, ça y va larga manu, alors que nous on est là, debout sur les freins,…, les gens viennent nous dire, vous ne l'avez pas mis sous antibiotiques alors que l'autre oui, ou alors l'ORL l'a fait. » F1M1 « Et par contre j'ai l'impression, que les dermatologues font beaucoup moins attention à la prescription d'antibiotiques et prescrivent larga manu quand même des cyclines dans les acnés, les rosacées, et puis pour des durées euh assez longues » F3M5 « Je me suis dit que face à tous les médecins généralistes, peut être que tout ce travail ne porterait pas ses fruits » F2M3 47 4 - Les autres prescriptions dans les infections respiratoires 4.1 - Les médicaments Tous les médecins interrogés reconnaissent prescrire des traitements symptomatiques pour soulager leur patient. La plupart n’ont pas l’impression d’en prescrire plus depuis qu’ils prescrivent moins d’antibiotiques. Ils ont même pour certains le sentiment que leurs ordonnances se réduisent. Un autre changement perçu et évoqué par certains est qu’ils sont de plus en plus souvent amenés à prescrire des traitements non remboursés. « Moi je ne prescris pas plus de médicaments » F1M3 « Je prescris des médicaments symptomatiques, des sirops » F2M1 « Je trouve que mon traitement symptomatique s'allège de plus en plus » F3M5 « C'est rien qu'avec des produits pas remboursés » F3M2 Certains praticiens ont fait état de la gêne qu’il pouvait éprouver à prescrire moins de médicaments. « C’est vrai que je suis un peu en difficulté sur l’ordonnance avec juste du Paracétamol, ça c’est vrai, et que donc j’ai tendance à rajouter des petites choses » F2M2 « Oui mais parfois je suis gêné parce que j’ai l’impression de ne rien prescrire » F2M7 Pour pallier à cette difficulté, certains ont pris l’habitude d’impliquer le patient dans son traitement et de le responsabiliser notamment en laissant le choix de la galénique et en débanalisant les traitements symptomatiques comme les antipyrétiques en rappelant qu’il s’agit de médicaments puissants potentiellement toxiques. « Quand je prescris du Paracétamol, je leur dis que c'est un produit toxique » F2M5 « Donner le choix au patient et lui donner l’impression qu’il va jouer un rôle dans l’ordonnance » F2M4 4.2 - Les examens complémentaires Certains médecins ont l’impression de prescrire plus d’examens complémentaires depuis qu’ils prescrivent moins d’antibiotiques sans qu’il n’y ait de notion de substitution. « Ce sont des radios pulmonaires ou sinusiennes que je prescris plus qu'avant » F1M2 « Peut être plus de radios et peut être aussi de bilan biologiques » F1M1 D’autres n’ont pas ressenti de changement notable dans ce domaine. « Je pense que donc je ne prescris pas plus d'examens complémentaires, parce que j'explique, bon de toute façon que si on a besoin dans 48h, dans 3 jours, c'est peut-être que je suis dans un secteur où je peux avoir les examens, ce n’est pas pareil que, moi j'ai la radio à côté, j'ai le laboratoire à côté, donc je peux l'avoir dans la journée, donc je suis plus à l'aise déjà pour travailler. Donc en faisant comme ça, j'en prescris pas plus » F1M3 48 4.3 - Les arrêts de travail Globalement on ne perçoit pas de lien entre la diminution des prescriptions d’antibiotiques et une augmentation des arrêts de travail. Certains médecins admettent y avoir recours pour limiter la contagion du fait qu’il s’agit de pathologies virales mais ce n’est en aucun cas lié au fait qu’ils ne donnent pas d’antibiotiques. « Peut-être un peu plus d'arrêts de travail aussi parce que dans un certain nombre de cas, pour éviter les contacts avec d'autres, pour laisser les gens se reposer » F1M4 « Les gens peuvent demander un arrêt maladie, ça c’est sûr, mais si tu veux moi je ne vois pas le lien entre le fait que je ne prescrive pas un antibiotique et le fait que j'accepte plus facilement quoi qu'est ce voilà » F3M3 5 - La relation au patient 5.1 - Parler plus, donner plus d’explications La majorité des médecins interrogés a le sentiment d’expliquer plus, d’argumenter leur décision de prescrire ou non des antibiotiques. Pour certains seule la teneur du discours a changé, pour d’autres cela implique également que les consultations sont plus longues. « Je prescris plus de paroles, de conseils » F1M1 « Oui ça prend plus de temps de faire la démarche, d’argumenter c’est vrai » F2M1 « Je leur explique l'évolution naturelle, les gens qu'on voit tousser 15 jours après une rhinopharyngite, que l'enfant il tousse quand il est couché parce qu’il a les glaires qu'il avale » F3M5 5.2 - Donner un diagnostic précis Pour plusieurs médecins il est indispensable pour eux et pour le patient de parvenir à un diagnostic précis. « La clé d'une décision c'est le diagnostic précis » F1M6 « Je pense que j'essaye de donner un diagnostic, ils viennent pour ça ! » F3M2 5.3 - Faire un examen clinique plus détaillé Certains médecins soulignent le fait qu’ils font désormais un examen clinique plus systématique et plus complet. « Ce que je fais plus par contre, c'est l'examen clinique qui est plus détaillé et là je me casse un peu plus le cul pour les examiner » F1M6 « Je déshabille complètement l'enfant ou le patient, et je l'examine toujours dans tous les coins » F3M6 49 5.4 - Commenter son examen clinique Certains praticiens ont pris l’habitude de commenter leur examen clinique afin de transmettre à leur patient ce qu’ils constatent. « Vous examinez la gorge et vous dites « il n'y a pas d’angine », vous examinez les oreilles et vous dites « il n'y a pas d'otite ». Donc il n'y aura pas à prescrire d'antibiotiques pour ces deux indications parce qu'elles n'existent pas » F1M2 5.5 - Être disponible pour réévaluer Plusieurs des médecins interrogés ont souligné que quand ils ne prescrivent pas d’antibiotiques ils insistent sur le fait qu’il peut être nécessaire de réévaluer la situation selon l’évolution et restent à la disposition de leur patient en cas de besoin. « Moi ma réponse c’est : aujourd'hui, vous n'avez pas besoin d'antibiotiques, si vous en avez besoin, il sera toujours temps d'en donner » F1M3 « Je leur dis : vous pouvez me téléphoner, vous m’appelez, on n’est pas loin, on est jamais loin. Le médecin généraliste c’est celui qui est, on est vraiment en 1ère ligne donc on n’est pas loin » F2M5 5.6 - Faire référence à soi Plusieurs médecins sont amenés à faire référence à eux-mêmes pour argumenter leurs décisions aussi bien pour justifier une non prescription d’antibiotiques que d’arrêts de travail. « Il m’arrive rarement (.), quand j’ai plus d’argument, devant une mère et son enfant, je dis ben écoutez ma fille elle a ça et je ne lui prescris pas. Je ne sais plus quoi dire mais c’est sincère, je le fais pas chez moi. Je peux me tromper mais c’est ce que je fais, c’est un argument » F2M4 « Ben ouais, sachez que moi quand je m'arrête je perds tout » F1M2 5.7- Céder malgré tout dans certaines situations Plusieurs médecins reconnaissent avoir encore des difficultés et être parfois contraints de céder notamment dans certaines situations à risque. « Y a des jours où on est plus flippé que d'autres, ou des jours où on est plus fatigué que d'autres et donc voilà, on va plus facilement céder» F3M3 « La gestion ça dépend aussi de mon humeur, de mon état d'esprit, de ma fatigue, euh c'est vrai que s'il arrive à 8h moins le quart le soir et que j'ai commencé à 8h le matin, il partira plus facilement avec ses antibiotiques que si je sors d'une formation » F3M5 50 6 - L’évolution des patients 6.1 - Des patients mieux informés Plusieurs praticiens rapportent que leurs patients sont désormais plus informés, discutent plus les décisions prises par le médecin. « Les gens sont de plus en plus informés, ils vont sur internet, ils ont des informations parfois erronées qu'on est obligé parfois de contrecarrer ou des choses comme ça » F3M4 « Ça évolue, ils discutent plus. Ils ont plus de notions. (.) Ils demandent plus d'explications. (.) Pas seulement par rapport aux antibiotiques » F3M5 6.2 - Des patient moins demandeurs d’antibiotiques Certains praticiens soulignent le fait que maintenant quand ils prescrivent un antibiotique les patients ont tendance à discuter leur décision. « Je dirais que la tendance a tendance à s'inverser. C’est-à-dire maintenant, quand on prescrit un antibiotique quand on pense que c'est nécessaire, la réflexion c’est : vous pensez que c'est vraiment nécessaire ? » F1M3 6.3 - Des patients qui consultent plus tardivement Plusieurs médecins ont l’impression que les patients ont désormais tendance à venir consulter plus tard et le ressentent comme une nouvelle forme de pression pour laquelle il faut développer de nouvelles stratégies. Ils évoquent le fait que de nombreux patients ont bien souvent déjà pris des traitements symptomatiques achetés en pharmacie pour un montant parfois conséquent et qu’il leur faut donc apporter une certaine « valeur ajoutée ». « Ils ont laissé une vraie ardoise chez le. Donc nous devons leur apporter un plus et c'est à nous de nous démarquer » F2M5 « Ben que, à la limite ils disent, je sais bien que si je viens vous voir tôt j'aurai pas les antibiotiques alors maintenant on a l'impression des fois qu'ils viennent plus tard en disant voilà, j'ai essayé ça, j'ai essayé ça mais ça va pas mieux docteur, etc, et euh à la limite on prescrit les antibiotiques » F3M5 6.4 - Des patients moins demandeurs d’arrêts de travail Certains praticiens ressentent qu’il y a moins de pression de la part des patients concernant l’arrêt de travail. Ils l’attribuent notamment à la conjoncture. « Il y a parfois depuis quelques années avec le chômage l’inverse, c’est à dire des patients qui nous étonnent en disant euh aujourd’hui oui mais demain non » F2M4 51 7 - L’environnement informationnel 7.1 - L’aide de la campagne de la CNAM Tous les médecins ressentent que la campagne de la CNAM a été bénéfique. Pour beaucoup elle était essentiellement destinée à éduquer les patients et cela a contribué à les aider. « Je pense que si y avait pas eu l'influence de la sécurité sociale sur les esprits des patients euh ça aurait posé beaucoup plus de problèmes que ça en a posé » F1M4 « La campagne pour moi elle m'a aidé quelque part, parce que c'est vrai, la pression des gens est moins forte » F3M4 7.2 - L’impact plus fort de la formation PAAIR Les médecins interrogés ont globalement le sentiment que la formation au bon usage des antibiotiques a eu plus d’impact sur eux que les seules informations de la CNAM. « Dans la pratique quotidienne je pense que c'est la formation qui m'a influencé » F1M2 « Je pense que la formation a plus d’importance» F2M3 « Je sais pas si je n’avais pas eu, suivi cette formation si j'aurais autant diminué ma prescription d'antibiotiques hein, je ne sais pas, je ne pense pas, enfin j'en sais rien » F3M1 7.3 - Un changement global Pour la majorité des médecins les changements de la prescription d’antibiotiques dans les infections respiratoires sont la conjonction de plusieurs facteurs. « C'est une question de langage commun finalement. Si l'étude PAAIR 2 nous a donné un langage commun entre confrères, une espèce de transversalité comme ça, eh bien, je dirais que les pouvoirs publics et l'action des pouvoirs publics nous a permis d'avoir un langage commun avec nos patients. Et l'idée c'est : conjonction, langage commun. Et sincèrement je crois qu’il n'y aurait pas eu une telle diminution de la prescription d'antibiotiques, telle qu'on l'a constatée, s'il n'y avait eu que des formations type PAAIR 2 » F1M1 « Comme disaient mes collègues, je pense c’est un peu un ensemble de choses » F2M2 « Tout le monde a pu aller dans le même sens » F3M6 52 V - Discussion A - Sur les résultats 1 - Des points communs entre les groupes 1.1 - Sur le vécu de la formation A de rares exceptions près (2 médecins du FG3 c'est-à-dire FMC 2004), les participants se souvenaient parfaitement de la formation. Dans les 3FG il apparaissait clairement qu’ils en gardaient un souvenir globalement positif. Les données théoriques paraissaient bien choisies pour être marquantes et les amener à réfléchir sur leur prescription d’antibiotiques et son impact en termes de Santé Publique. Ils considèrent que le contenu était adapté à leur mode d’exercice et reconnaissent que la formation a été à l’origine d’une amélioration dans leur pratique. Ils se sont sentis rassurés, soutenus et épaulés notamment grâce à l’apport d’outils que sont les stratégies issues de PAAIR 1. Nous avions d’ailleurs été frappés lors des entretiens de constater que beaucoup de médecins formés en 2004 étaient capables de citer précisément ces stratégies. Les participants ont reconnu qu’échanger avec des collègues sur le thème de l’antibiothérapie les avait enrichis. Cependant comme l’ont souligné certains, ce concept émerge souvent après tout type de formation professionnelle donc on ne peut pas dire que cela soit spécifique à celle ci. Plusieurs médecins dans des groupes différents ont précisé qu’ils seraient demandeurs de formations comparables dans d’autres domaines source également de problèmes au quotidien dans leur exercice. 1.2 - Sur la prescription d’antibiotiques Dans les 3 groupes les médecins ont l’impression de prescrire moins d’antibiotiques. Ceux qui ne le ressentent pas se considéraient déjà comme de petits prescripteurs donc n’ont pas le sentiment que cela ait beaucoup changé. Il est apparu que depuis la formation certains médecins prescrivaient différemment en termes de classes d’antibiotiques. Nous avons perçu qu’ils prescrivaient notamment plus d’amoxicilline et moins de macrolides suite à la formation. Ceci a été évoqué dans les 2 groupes formés en 2004 qui sont ceux dans lesquels les participants soulignaient que les données de la science fournies par les formateurs sur la sensibilité et la résistance aux antibiotiques avaient été pour eux marquantes. On peut supposer que se sont ces données qui ont eu un certain impact sur les choix de prescription. Ceci n’apparaissait pas dans le FG2. 53 Il est apparu de manière unanime que la prescription d’antibiotiques n’a pas changé dans les autres infections. Tous les médecins interrogés citaient les infections urinaires ou cutanées qui finalement ne leur posent pas ou peu de problèmes. Nous avions supposé que la formation aurait pu avoir un impact au-delà du domaine des infections respiratoires. Il apparait clairement que ce n’est pas le cas. Plusieurs participants ont souligné que c’est uniquement dans les infections respiratoires qu’ils se sentent en difficulté. Ceci confirme les résultats d’études qui montrent que les infections respiratoires sont à l’origine de la majorité des prescriptions inappropriées d’antibiotiques. Il ne parait donc pas nécessaire d’élargir le thème de la formation aux autres infections ni d’organiser des séminaires de formation spécifiques. Nous avons pu noter que la prise en charge de certaines pathologies s’est clarifiée suite à la formation. Plusieurs participants ont pris l’exemple de la bronchite lors des entretiens et ont admis qu’ils ne prescrivent maintenant plus d’antibiotiques dans les bronchites qui étaient jusque là des situations où ils étaient souvent hésitants. Ceci vient confirmer les résultats qualitatifs de l’étude PAAIR 2 où on constatait que le médecin était plus en difficulté pour ne pas prescrire devant un diagnostic de bronchite que devant celui de rhinopharyngite. La rhinopharyngite n’a d’ailleurs quasiment pas été évoquée au cours des 3FG. On a pu également percevoir une évolution sur la prise en charge des otites rapportée par certains médecins. Ce n’est pas la majorité mais plusieurs médecins, et de façon étonnante principalement les plus récemment formés (2008), ont l’impression qu’après une phase de diminution, leur prescription d’antibiotiques a tendance à augmenter. Ceci peut faire discuter de la nécessité d’une éventuelle intervention de rappel. Les médecins interrogés ont le sentiment que les changements intervenus ne sont liés qu’à une minorité de médecins. Pour eux, beaucoup de confrères généralistes continuent à prescrire de manière inappropriée des antibiotiques. Cela peut d’ailleurs les mettre en difficulté vis-à-vis de certains patients. Il semble d’après eux qu’il en est de même pour certains spécialistes notamment ceux qui interviennent dans la prise en charge de pathologies respiratoires virales (pédiatres et ORL). La majorité des participants à notre étude étaient des médecins exerçant depuis longtemps puisque la moyenne d’âge était d’environ 53 ans. On ne peut donc pas dire que la sur-prescription d’antibiotiques ne soit que le fait de praticiens âgés restés sur leurs acquis. Nous avons conscience que les participants, dont certains étaient enseignants, ne sont pas représentatifs de la communauté médicale. Il est néanmoins intéressant de noter que même des médecins avec une longue expérience, voire en fin de carrière (comme c’était le cas d’un des participants), sont toujours prêts à débattre et remettre en question leur pratique. 54 1.3 - Sur les autres prescriptions Les participants prescrivent des traitements symptomatiques sans qu’il ne semble y avoir de différence significative entre les 3FG. La plupart n’ont pas l’impression d’en prescrire plus depuis qu’ils prescrivent moins d’antibiotiques et beaucoup ont même le sentiment de prescrire moins. Ceci va en opposition avec les données de PAAIR 2 qui montrent que la diminution des prescriptions d’antibiotiques s’accompagnait d’une augmentation significative des prescriptions à visée ORL/Pneumologique plus élevée dans les deux groupes formation que dans le groupe témoin. Leur perception dans ce domaine est donc erronée. Bien que les praticiens interrogés précisaient qu’ils étaient amenés à prescrire de plus en plus de médicaments non remboursés PAAIR 2 a montré que le surcoût lié aux prescriptions à visée ORL/Pneumologique n’était pas significatif et que le coût total restait moindre dans le groupe formation par rapport au groupe contrôle. Nous voulions savoir si les médecins prescrivaient plus d’arrêt de travail du fait de moins prescrire d’antibiotiques dans l’idée qu’il pouvait y avoir une sorte de substitution. Il est apparu unanimement qu’ils ne percevaient pas de lien entre les deux. Il ne nous est pas possible de confirmer ou d’infirmer cette impression. En effet, comme le soulignait l’un des participants, la prescription d’arrêt de travail n’était pas étudiée dans PAAIR. Ceci nous apparait difficilement envisageable car il aurait été particulièrement complexe et fastidieux voire impossible d’étudier ce critère. Le seul point qui a été évoqué par certains médecins est qu’ils pouvaient être amenés à prescrire des arrêts de travail ou des journées « enfant malade » dans le cadre de pathologies virales en raison du risque de transmission ou d’impossibilité de maintien en collectivités. Ils soulignaient bien que c’était sans aucun lien avec le fait de prescrire ou non un antibiotique. 1.4 - Sur la relation au patient Les médecins interrogés ont pour la plupart le sentiment qu’il y a eu des modifications notables dans leur relation avec le patient. Ils ont l’impression de plus parler, d’être en mesure de mieux expliquer, d’argumenter leur décision de prescrire ou non des antibiotiques. Pour ce faire, là encore certains ont évoqué précisément les stratégies issues de PAAIR et apprises dans le cadre de la formation comme l’examen clinique commenté et détaillé. L’intérêt d’expliquer les symptômes et l’évolution naturelle d’une pathologie virale semble être apparue à certains suite à la formation. 55 Des médecins au sein des 3 groupes ont admis qu’il leur arrivait encore de « céder » et de prescrire des antibiotiques dans des situations ne le nécessitant pas. Cependant il nous est apparu que les formés 2004 le faisaient en ayant conscience de ne pas être en accord avec les recommandations mais parce qu’il s’agissait de situations à risque ce qui témoigne d’une certaine réflexion. Ceux de 2008 le percevaient plus comme un véritable échec. Ce recul est sans doute en partie lié à l’effet du temps mais probablement lié aussi à la méthode de formation. 1.5 - Sur les déterminants du changement Même si les médecins admettent tous clairement que les informations distillées par la CNAM dans le cadre de la campagne nationale « les antibiotiques c’est pas automatique » les ont aidés face à une prescription difficile souvent source de conflit avec les patients c’est surtout selon eux la formation qui leur a permis d’évoluer. Certains l’ont souligné en parlant de « changement global », « langage commun », « symbiose », « mise sous influence ». Pour plusieurs la campagne de la CNAM était essentiellement destinée à sensibiliser les patients à la problématique des antibiotiques et y est parvenue. Cette impression globale de diminution et l’impact lié à la formation sont confirmés conjointement par les données de la littérature et les résultats quantitatifs de l’étude PAAIR. Une étude publiée récemment a en effet démontré le rôle bénéfique de la campagne de la CNAM. Entre 2002 et 2007 on a observé une réduction générale de 26,5% de la prescription hivernale d’antibiotiques en France. Cette diminution était conséquente dans toutes les tranches d’âge, dans les 22 régions et pour toutes les classes thérapeutiques les plus souvent utilisées. Elle atteignait même 30,1% chez les enfants de moins de 6 ans. L’objectif initial des autorités sanitaires de réduire de 25% l’usage des antibiotiques a donc été atteint en 5 ans (33). Figure 1 : Évolution de la prescription hivernale d’antibiotiques entre octobre 2000 et mars 2007 (33). 56 L’impact positif de la campagne de la CNAM est également mesuré dans PAAIR 2 puisque, sur le premier trimestre de chaque année, on note une diminution significative de 12% d’ordonnances comportant des antibiotiques entre 2004 et 2006 dans le groupe témoin (considéré comme n’ayant été soumis qu’à la seule information de la CNAM). Cette baisse est donc vraisemblablement liée aux différentes campagnes de sensibilisation. Mais comme nous l’avons souligné plus haut, l’étude PAAIR a montré que les médecins formés prescrivaient moins d’antibiotiques en comparaison au groupe témoin. La diminution sur la période étudiée était en effet significativement plus importante dans le groupe des formés puisqu’elle atteignait 17%. Tous ces éléments contribuent à affirmer que les médecins de notre étude, formés dans le cadre de PAAIR, ont raison de considérer qu’ils ont prescrit moins d’antibiotiques et que ceci est du à la campagne de la CNAM mais surtout à cette formation. 2 - Des divergences notables 2.1 - Le groupe « MSPR 2004 » Nous avions prévu dans notre guide d’animation d’utiliser une éventuelle relance afin d’interroger les médecins du 1er groupe sur ce qu’il avait pensé de la MSPR et de son éventuel impact singulier sur le vécu de la formation étudiée et les pratiques de prescription. Il n’a pas été nécessaire de les relancer sur ce sujet car il est spontanément apparu au cours de l’entretien que ce type de formation avait eu sur eux une influence particulière. Plusieurs praticiens soulignaient même cette différence en comparaison avec des formations classiques purement théoriques. L’un deux la rapprochait d’autres formations que sont les groupes de pairs ou d’autres FG qui sont donc également des situations où il y a une mise en situation de réflexion. Les médecins du groupe MSPR sont en effet les seuls à avoir insisté sur le fait que cette formation avait eu sur eux une influence durable. Certains ont souligné que cela leur semblait directement lié au fait qu’ils avaient été réellement impliqués dans l’étude PAAIR 2. On peut rapprocher ceci d’un concept de psychologie nommé « effet Hawthorne » (24) . On a pu constater que les résultats d'une expérience ne sont pas dus uniquement aux facteurs expérimentaux mais au fait que les sujets ont conscience de participer à une expérience dans laquelle ils sont testés, ce qui se traduit généralement par une plus grande motivation. Le fait de former un groupe solidaire et valorisé semble suffire à augmenter la motivation de chacun. Les relations humaines priment alors sur l’intérêt individuel, quel que soit l’environnement. L’effet Hawthorne est un concept clef de la dynamique de groupe. 57 Les médecins du FG3 avaient reçu la même formation théorique mais sans la MSPR. On peut donc faire l’hypothèse que c’est bien ce mode particulier d’enseignement de pratique réflexive dans le cadre de la science action qui est à l’origine de l’influence durable évoquée dans le groupe MSPR. Les médecins du FG2 formés en 2008 avaient quant à eux eu une formation adaptée sur 2 jours et pourtant ils n’ont pas non plus évoqué cette influence durable même si ils ont bien évidemment moins de recul. Nous sommes contraints de constater que malheureusement l’effet étude ne peut pas être reproductible. La prescription différée n’a pas du tout été évoquée par les médecins du FG1 alors qu’elle l’a été dans les 2 autres groupes. Ceci ne semble lié ni à un effet groupe ni à un biais d’animation car dans les autres FG ce sujet est apparu spontanément. Il faut rappeler qu’elle ne faisait pas partie des stratégies de PAAIR 1. On peut faire l’hypothèse que les médecins du FG1 ont suffisamment bien intégré les stratégies pour ne pas prescrire inutilement des antibiotiques et qu’ils n’ont donc pas besoin d’avoir recours à ce type de pratique. Contrairement aux médecins des 2 autres groupes, ceux du FG1 n’ont pas abordé le fait que cette formation leur paraissait incomplète. Ceux du FG2 l’ont affirmé dans le sens où ils constataient encore que face à certaines situations ils étaient en difficulté. Certains du FG3 regrettaient de ne pas avoir eu la formation complète c'est-à-dire la 3ème journée consacrée à la MSPR. 2.2 - Le groupe « Formés 2008 » Les stratégies issues de PAAIR n’ont pas été citées par les médecins du FG2. Elles avaient pourtant été exposées lors de la formation comme dans les autres groupes. Les médecins de ce groupe sont les seuls à avoir rapporté le fait qu’ils pouvaient éprouver une certaine gêne du fait de ne plus prescrire d’antibiotiques. Contrairement à ce qui a été dit dans les 2 autres groupes, les médecins formés en 2008 n’ont pas du tout évoqué le fait qu’ils prescrivaient plus d’examens complémentaires du fait de prescrire moins d’antibiotiques. Ceci ne semble pas lié ni à un effet groupe ni à un biais d’animation car le thème était apparu inopinément sans qu’il soit suggéré dans les autres FG surtout le premier. On peut faire l’hypothèse que les médecins de 2008 formés plus récemment n’ont peut être pas encore le recul nécessaire pour réaliser cet éventuel changement dans leur pratique. Il n’est cependant pas possible d’authentifier s’il y a effectivement eu une augmentation notable de la prescription d’examens complémentaires car ce critère n’était pas étudié dans PAAIR 2. Dans le cadre de notre étude qualitative cet élément est néanmoins important à prendre en compte. 58 2.3 - Le groupe « FMC 2004 » Il ne nous est pas apparu de spécificités propres à ce groupe. Le vécu et les attitudes de ces médecins formés dans le cadre d’une formation de type classique semblent globalement superposables à ceux des autres médecins formés en 2004. Ces médecins semblent avoir intégré les stratégies de PAAIR et les utiliser. Ils ont néanmoins exprimés un manque. La différence majeure et non des moindres avec les médecins du FG1 est qu’ils n’ont absolument pas évoqué cette notion d’inscription particulière et durable dans le temps si clairement ressentie et exprimée par les médecins du groupe MSPR. B - Sur la méthode 1 - Choix et avantages de la méthode Il existe plusieurs façons d'évaluer une FMC selon que l’on veuille mesurer la satisfaction générale des formés, l’augmentation de leurs connaissances, la modification de leurs pratiques ou l’amélioration de l’état de leurs patients. Un chercheur américain, Donald Kirkpatrick, professeur à l’université de Wisconsin, a mis au point et publié en 1959, une classification de l’évaluation des formations professionnelles (20). Elle consiste à établir quatre niveaux d’évaluation. Cette méthode a été adaptée pour l’évaluation des FMC depuis une trentaine d’années (9). L’évaluation de niveau 1 évalue le niveau de satisfaction des participants à l'issue de la formation. Il s’agit le plus souvent d’un questionnaire de satisfaction globale. Il est théoriquement indépendant du contenu de la formation. L'évaluation de niveau 2 a pour objectif de comparer les connaissances acquises à l'issue de la formation par rapport à celles pré existantes. Elles sont comparées grâce à un même questionnaire rempli avant et après la formation (pré et post test). Cela permet de tester l’efficacité immédiate du séminaire. L’évaluation de niveau 3, beaucoup plus compliquée à organiser et peu fréquemment faite en pratique, consiste en une enquête sur les modifications des pratiques des participants, réalisée à distance de la formation. Enfin l'évaluation de niveau 4 mesurerait l'impact éventuel de la formation sur l'état de santé des patients. C’est une évaluation très lourde, complexe et coûteuse, et très rarement mise en œuvre en pratique. 59 Les résultats de chaque niveau d'évaluation servent de base pour l'élaboration du niveau suivant et chaque niveau supérieur représente une mesure plus pertinente et rigoureuse de l'efficacité de la FMC. L’idéal pour évaluer l'efficacité d’une FMC serait d’évaluer les quatre niveaux à la fois. Pour notre travail il s’agissait avant tout d’étudier à distance le vécu et les attitudes des médecins généralistes suite à la formation PAAIR, nous nous situons donc à la fois dans une évaluation de niveau 1 et 3. Pour ce faire, la méthode du FG nous est apparue comme particulièrement pertinente. Cette méthode est en effet idéale pour étudier la variété des opinions et sentiments sur un sujet donné, mettre en évidence des convergences ou des différences de perspectives entre des groupes d'individus, faire émerger ou tester des idées nouvelles au sein d'un groupe. Tout ce qui a de la valeur pour les participants est abordé, comparé et confronté. Tout est « valide » : même une seule idée minoritaire est « vraie ». Elle contribue au recueil d'informations utiles à la préparation ou à l'interprétation des résultats d'une étude quantitative. C’est une méthode de recherche théoriquement économique en temps de recueil de données et en argent, notamment parce que l'échantillonnage du groupe est sans exigence de représentativité. 2 - Les limites de la méthode 2.1 - Liées à la méthode elle même Une lourdeur logistique Une analyse des données longue et fastidieuse demandant au chercheur d’y consacrer beaucoup de temps. Des résultats non généralisables car le groupe n'a pas été constitué dans un but de représentativité de la population source. Un risque de domination de certains participants au sein du groupe (leader d’opinion) ou de relations conflictuelles. 2.2 - Biais liés à l’échantillon Les médecins de l’étude ont répondu à une sollicitation par courrier et ont pris de leur temps pour venir assister et participer aux entretiens collectifs. Certains étaient maitres de stage. Il s’agit donc de médecins motivés par le sujet, ce qui peut constituer un biais de recrutement difficilement évitable. 60 Nous avions fait le choix de faire 3 FG en prenant des praticiens formés à des temps différents et par des méthodes différentes afin de les comparer entre eux. Il aurait pu être intéressant de réaliser plusieurs FG au sein de chaque groupe afin de tenter, si ce n’est de saturer les données, de pouvoir analyser si on mettait en évidence les mêmes thématiques. Nous aurions pu aussi réaliser des FG avec des médecins du groupe témoin afin d’évaluer l’impact de la formation en comparaison avec ceux qui avaient seulement eu d’autres informations (campagne CNAM notamment). 2.3 - Biais liés à l’animateur La position que les médecins participants attribuent à l’animateur joue un rôle important dans le contenu et la forme des informations collectées. Le choix d’un animateur médecin se présentant comme tel et dont la ressemblance avec le groupe est ainsi bien réelle, a pour but d’exclure les biais liés au malaise des participants mais ceci peut tout de même entraîner un risque de retenue potentielle car le médecin interrogé peut se sentir jugé par son pair et donc hésiter à parler de situations difficiles et délicates. Dans les 3 FG de l’étude, il nous est apparu que ceci a peu joué. La plupart des médecins n’ont pas hésité à faire part d’attitudes personnelles parfois peu conforme « aux bonnes pratiques » en prenant parfois le risque assumé de choquer leurs collègues. 2.4 - Biais liés aux stratégies d’intervention et d’écoute Les stratégies utilisées par l’animateur entraînent un processus d’influence et d’interaction qui sont au cœur de la problématique des effets de biais dans tout entretien. Afin de le réduire, l’animateur doit essayer de varier au mieux les stratégies d’intervention directives et non directives telles que marquer des encouragements, renvoyer à des remarques faites par le médecin interrogé, enquêter sur sa dernière remarque, sur une idée précédant la dernière remarque, ou sur une idée exprimée plus tôt dans le FG, utiliser les relances prévues dans le guide d’animation ou introduire un nouveau thème. 2.5 - Biais liés aux médecins interrogés Les médecins interrogés peuvent employer sciemment ou non des mécanismes de défense tels que la fuite, la rationalisation (ce qui fut le cas notamment pour 1 des médecins du FG3 qui ne se souvenait pas de la formation), la projection, l’introjection, l’identification, le refoulement, le renversement, l’oubli. Ils peuvent également manquer de temps et de disponibilité, limitant ainsi la production d’un discours plus approfondi. Une des pistes pour tenter de pallier à ce problème aurait pu être de compléter notre étude en réalisant des entretiens individuels. 61 VI - Conclusion La FMC a pour objectif le perfectionnement des connaissances dans le but d’améliorer la qualité des soins tout en tenant compte des priorités de Santé Publique. Elle doit aujourd’hui faire partie intégrante de la vie des médecins, quelle que soit leur spécialité, puisqu’elle est désormais obligatoire. La prescription d’antibiotiques est en France, comme dans de nombreux autres pays d’Europe, une problématique en raison de l’émergence de résistances bactériennes. De nombreuses actions sont donc menées par les Pouvoirs Publics et on assiste à la multiplication des offres de FMC sur ce thème. Il parait indispensable dans ce contexte d’évaluer ces formations afin de privilégier celles qui ont l’intérêt et l’impact les plus importants. Pour cela, il existe différentes manières selon ce que l’on souhaite mesurer. Pourtant il existe peu d’études dans la littérature sur l’évaluation des actions de FMC dans notre pays. L’étude PAAIR 2 et son prolongement PAAIR 3 montrent de manière quantitative que les médecins formés dans le cadre de cette étude prescrivent moins et de manière durable d’antibiotiques dans les infections respiratoires. Nous avons voulu par ce travail évaluer qualitativement cette même formation auprès de médecins formés par des techniques différentes et à des temps différents. La méthode utilisée, celle du Focus Group, a permis d’évaluer le vécu, le ressenti et les attitudes des médecins concernant cette formation et de mettre en évidence les changements intervenus dans les prescriptions d’antibiotiques et autres dans les infections respiratoires. Nous avons ainsi pu faire émerger les différences notables entre 3 groupes de médecins formés en s’appuyant sur la dynamique de groupe. Ce travail tend à confirmer que les médecins formés perçoivent les changements dans leur prescription et les attribuent principalement à la formation aussi bien dans son contenu que dans sa forme. On constate que les médecins participants en ont un vécu positif. L’impact majeur et l’influence durable liés au mode de formation particulier qu’est la MSPR peuvent conduire à envisager de privilégier les formations mettant en pratique une certaine réflexion afin que les effets à long terme soient maintenus le plus durablement possible. L’effet étude ne pourra malheureusement pas être reproduit. 62 Il pourrait être intéressant de compléter ce travail en réalisant d’autres FG avec des médecins formés selon les différents types de formation ainsi qu’avec des médecins du groupe témoin pour constater si d’autres éléments émergent. Il serait envisageable aussi d’organiser des entretiens individuels afin de lever les éventuelles inhibitions persistantes liés à l’effet de groupe inhérent à la méthode choisie. La méthode du FG bien que relativement lourde logistiquement et méthodologiquement du fait du temps nécessaire à consacrer à la retranscription et à l’analyse, mérite de se développer car elle est en mesure de permettre une approche qualitative de nombreuses problématiques rencontrées en Médecine Générale. 63 VII - Bibliographie (1) AFSSAPS. Recommandations pour la Pratique Clinique. Antibiothérapie par voie générale dans les infections respiratoires hautes et basses de l’adulte et de l’enfant. Octobre 2005. (2) ATTALI C. Méthodologie de l’étude PAAIR II. Med Mal Infect 2005; 35: 87-9. (3) ATTALI C, ROLA S, RENARD V, ROUDOT-THORAVAL F, MONTAGNE O, LE CORVOISIER P, et al. Situations cliniques à risque de prescription non conforme aux recommandations et stratégies pour y faire face. Exercer 2008; 82: 66-72. (4) ATTALI C, AMADE-ESCOT C, GHADI V, COHEN JM, POUCHAIN D, HUAS D, et al. Infections respiratoires présumées virales. Comment prescrire moins d'antibiotiques ? Rev Prat Med Gen 2003; 17: 155-60. (5) Bilan du plan pour préserver l’efficacité des antibiotiques 2001-2005. Avril 2006. Disponible sur le site www.sante.gouv. (6) BRITTEN N. Qualitative interviews in medical research. BMJ 1995; 311: 251-3. (7) BRITTEN N, JONES R, MURPHY E, STACY R. Qualitative research methods in general practice and primary care. Fam Pract 1995; 12: 104-14. (8) CHIEW YF, YEO SF, HALL LM, LIVERMORE DM. Can susceptibility to an antimicrobial be restored by halting its issue? The case of streptomycin versus Enterobacteriaceae. J Antimicrob Chemother 1998; 41: 247-51. (9) DAVIS DA, TAYLOR-VAISEY A. Two Decades of Dixon: The Question(s) of Evaluating Continuing Education in the Health Professions. The Journal of Continuing Education in the Health Profession 1997; 17: 207-213. (10) DAVISTER C et al. Les groupes focalisés. Fiches méthodologiques, Liège, Apes-ULG, 2004, 4p 64 (11) DEDIANNE MC, HAUZANNEAU P, LABARERE J, MOREAU A. Relation médecin malade en soins primaires : qu'attendent les patients ? Investigation par la méthode des « focus groups ». Rev Prat Med Gen 2003; 17: 653-6. (12) DUCHESNE Sophie, HAEGEL Florence. L’enquête et ses méthodes. L’entretien collectif. Armand Colin, 2004: 126 p. (13) Données disponibles sur le site www.esac.ua.ac.be (14) GIRAUD A, MATIC I, RADMAN M, FONS M, TADDEI F. Mutator bacteria as a risk factor in treatment of infectious diseases. Antimicrob Agents Chemother 2002; 46: 853-5. (15) GOOSENS H, FERECH M, VANDER STICHELE R, ELSEVIERS M, for ESAC Project Group. Outpatient antibiotic use in Europe and association with resistance: a crossnational database study. Lancet 2005; 365: 579-87. (16) GRANFILS N, SERMET C, AUVRAY L. La prescription d’antibiotiques chez les généralistes. Evolution 1992-2002, questions d’économie de la santé n°87 décembre 2004. IRDES n°87. Décembre 2004. (17) GUILLEMOT D, CARBON C, VAUZELLE-KERVROEDAN F, BALKAU B, MAISON P, BOUVENOT G et al. Inappropriateness and variability of antibiotic prescription among French office-based physicians. J Clin Epidemiol 1998; 51: 61-8. (18) GUILLEMOT D, VARON E, BERNEDE C, WEBER P, HENRIET L, SIMON S et al. Reduction of antibiotic use in the community reduces the rate of colonization with penicillin G-nonsusceptible Streptococcus pneumoniae. Clin Infect Dis 2005; 41: 930-8. (19) JARLIER V. Bactéries multirésistantes dans les hôpitaux français : des premiers indicateurs au Réseau d’alerte d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales (Raisin). BEH 2004; 32-33:148-51. (20) KIRKPATRICK D. Evaluating Training Programs: The Four Levels. San Francisco, CA: Berrett-Koehler. 1998. (21) KITZINGER J. Qualitative research. Introducing focus group. BMJ 1995; 311: 299-302. 65 (22) Krueger RA, Casey MA. Focus groups: a practical guide for applied research. 3rd edition. Thousand Oaks-London-New Delhi : Sage Publications, 2000 : 125- 55; 195-206 (23) LOPEZ-LOZANO JM, MONNET DL, YAGUE A, BURGOS A, GONZALO N, CAMPILLOS P et al. Modelling and forecasting antimicrobial resistance and its dynamic relationship to antimicrobial use: a time series analysis. Int J Antimicrob Agents 2000; 14: 2131. (24) MAC CARNEY R, WARNER J, ILIFFE S, VAN HASELEN R, GRIFFIN M, FISHER P. The Hawthorne Effect: a randomised, controlled trial. BMC Med Res Medothol 2007; 7: 30. (25) MOREAU A, DEDIANNE MC, LETRILLART L, LE GOAZIOU MF, LABARERE J, TERRA JL. S'approprier la méthode du focus group. Rev Prat Med Gen 2004; 18: 382-4. (26) MOREAU A, DEDIANNE MC, BORNET-SARRASAT L, HAUZANNEAU P, LABARERE J, TERRA JL. Attentes et perception de la qualité de la relation entre médecins et patients. Rev Prat Med Gen 2004; 18: 1495-98. (27) Observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments dans les secteurs ambulatoires et hospitaliers. Prescription et consommation des antibiotiques en ambulatoire. Agence du médicament 1999. (28) La consommation d’antibiotiques : situation en France au regard des autres pays européens. Points de repère n°6 novembre 2006. Revue de l’Assurance Maladie. (29) RADMAN M, TADDEI F, MATIC I. DNA repair systems and bacterial evolution. Cold Spring Harb Symp Quant Biol 2000; 65: 11-9. (30) RAPPORT SCIENTIFIQUE PAAIR 1 Octobre 2001. Disponible sur www.urmlidf.org/urml/paairrf.pdf. (31) Rapport scientifique Evaluation externe PAAIR 2. 2006. (32) Rapport d’activité 2008 du Centre National de Référence des Pneumocoques (relatif à l’épidémiologie 2007) disponible sur le site www.invs.sante.fr. 66 (33) SABUNCU E, DAVID J, BERNEDE-BAUDIN C, PEPIN S, LEROY M, BOELLE PY et al. Significant reduction of antibiotic use in the community after a nationwide campaign in France, 2002-2007. PLoS Med 2009; 6: 1-9. (34) SAINT-ARNAUD Y. Connaitre par l’action. Presse Universitaire de Montréal, 1992. (35) SCHON A. Nouvelle épidémiologie de la pratique. Savoirs théoriques et savoirs d’action. Paris PUF, 1996. (36) SENEZ B, ORVAIN J, DOUMENC M. Qualité des soins : revue à travers la littérature des outils et critères utilisés en médecine ambulatoire. ANAES. Service évaluation en secteur libéral 2000. (37) THERRE H. Politiques nationales de prévention de la résistance aux antibiotiques. La situation de 17 pays européens fin 2000. Euro Surveill 2001; 6:5-14. (38) TRYSTAM D, VARON E, PEAN Y, GRUNDMANN H, GUTMANN L, JARLIER V et al. Réseau européen de surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques (EARSS) : résultats 2002, place de la France. BEH 2004; 32-33: 142-4. (39) TURGEON J. La recherche qualitative. Synthèse réalisée d’après les ateliers animés par Jean Turgeon. Université Laval, Québec, Mathieu ALBERT Université Toronto, 2004. 67 VIII - Annexes ANNEXE 1 : Guide d’animation 1ère partie : Introduction (5-10 minutes) - Présentation de l’animateur et de son rôle - Présentation du sujet - Explication principe du FG et de son déroulement Importance de la participation de tous Respect anonymat Absence de bonnes et mauvaises réponses Modalités de déroulement (durée globale, pause,…) Présence observateur et enregistrement des débats (importance de l’accord des participants) - Tour de table avec présentation des participants (prénoms, mise à disposition de badge) 68 2ème partie : Grille pour le déroulement de l’entretien collectif Axes de travail Objectifs Questions principales Relances Sous questions Evaluer l’aspect cognitif (impression globale) Qu’avez-vous retenu de la formation PAAIR ? Un mot ? - Juste après que vous l’ayez faite ? - A distance ? - Et maintenant ? Evaluer l’aspect affectif (+ centré sur analyse qualitative) Quelles ont été vos impressions, votre sentiment, votre ressenti sur la formation PAAIR ? Un sentiment ? - Juste après que vous l’ayez faite ? - A distance ? - Et maintenant ? Temps 25 min 1 25 min 2 Pour le groupe MSPR : - Que pensez-vous de la mise en situation de pratique réflexive ? - Pensez vous quelle a eu plus d’impact sur votre pratique qu’une formation classique ? 25 min 3 Evaluer quel a été l’impact de la formation sur la prescription des antibiotiques Où en êtes-vous aujourd’hui avec votre prescription d’antibiotiques ? - Dans les infections respiratoires? - En quantité ? - En classe d’antibiotiques ? - Selon le type de patient ? - Au delà des infections respiratoires, avez-vous l’impression que vos prescriptions d’antibiotiques se soient modifiées également dans d’autres affections ? Pause de 5 à 10 minutes 25 min 4 Evaluer quels sont / ont été les déterminants du changement D’après vous, qu’est ce qui a le plus pesé dans les changements intervenus dans votre prescription d’antibiotiques ? - La formation PAAIR ? - Les campagnes de la CNAM ? - L’évolution de la demande des patients ? - Autres ? Evaluer l’impact sur les autres prescriptions Dans les affections respiratoires, où en êtes-vous aujourd’hui avec vos prescriptions (hors antibiothérapie) ? - Quels autres classes de médicaments prescrivez vous plus (sirops, fluidifiants,…) - Avez-vous l’impression d’avoir développé des stratégies de substitution ? Lesquelles ? 15 min 5 69 ANNEXE 2 : Extrait verbatim Exemple FG1 Animateur : Et par rapport à d'autres expériences de formation que tu as eu, ça se démarque par rapport à ça ? Médecin 2: Ça se démarque dans la durée, ça se démarque dans l'interactivité, ça se démarque dans le fait, comme je l'ai dit, de participer à la création commune d'outils communs, parce que finalement, je pense en tous cas dans les premiers temps, on s'est tous servis d'outils assez proches. Ensuite on les a travaillés à notre sauce. On est ressorti avec euh un langage commun. Le constat qu'on faisait souvent des erreurs communes, ce qui quelque part soulage, c'est évident. Tu disais qu'on a une pratique isolée, on est chacun dans notre cabinet, tout seul, on partage assez peu sauf dans les groupes de pairs. Là, on s'est retrouvé à beaucoup, à se rendre compte qu'on avait à peu près, tous les mêmes problèmes, les mêmes interrogations, avec le biais du fait que nous avons répondu, on n'est pas venu nous chercher. On n’a pas dit, toi, toi, toi, t'as pas le choix, tu viens en formation. Animateur : Médecin 3, tu dirais aussi toi que c'est une formation qui t'as marqué ? Médecin 3 : Oui ça m'a marqué. Animateur : Durablement ? Qui te marque encore ? Médecin 3 : Oui, parce que ça nous a donné les outils, comme tu l’as dit. Ça n'a pas été que théorique. On est sorti avec les outils pour pouvoir les utiliser dans la pratique quotidienne et donc les utiliser dans la relation avec les patients, euh, donc oui, je pense que je n’aurais pas tenu, je pense que ça m'a, ça m'a, ça m'a, j'étais convaincu. Si en vérité, si on était là, c'est qu'on était convaincu de faire quelque chose, mais peut-être que ça n'aurait pas été aussi facile entre guillemets de changer la pratique quotidienne sans ces outils. Animateur : Médecin 4, t'es marqué aussi, comme les autres ? On peut dire ça ? Médecin 4 : Durablement jusqu'à ce qu'on me donne les résultats sur la prescription ou la non prescription, sur les conséquences, après on verra. Animateur : Après tu verras si t'es marqué ? Et Médecin 5, Médecin 5 t'as été marqué ? Médecin 5 : Oui, durablement. Animateur : Oui durablement, y a quand même des choses qui te sont restées, qui restent encore ? Médecin 5 : Oui on y pense. Le problème se pose chaque jour. 70 ANNEXE 3 : Exemple feuille d’analyse Axe « Prescription d’antibiotiques » THEME VERBATIM UNE DIMINUTION NOTABLE DE LA PRESCRIPTION D'ANTIBIOTIQUES Je prescris moins d'antibiotiques (ATB) Moi j'en prescris beaucoup moins. F1 M3 C'est difficile (de quantifier), Je peux être plusieurs journées sans en prescrire Moi je pense que j'ai diminué des deux tiers F1M3 Je pense qu'avant je prescrivais au moins un antibiotique tous les jours probablement, de divers noms, probablement, (.) là pour les pathologies respiratoires, c’est quand même, (.) ça devient rare. C'est difficile à quantifier quand même F1M3 Oui je prescris moins, c'est sur F1M5 (sans pouvoir quantifier) J'ai repris par curiosité, (.), je reprends les carnets de santé des enfants, je fais beaucoup de pédiatrie, et je suis des gosses qui ont maintenant 18 ans, que j'ai posé sur la balance à 1 mois, et je reprends leur carnet de santé et je reprends toutes les petites pathologies que j'ai traité là donc 15 ans, etc. Je m'aperçois du décalage extraordinaire entre la prise en charge que j'avais il y a 15 ans et de celle que j'ai maintenant. (.) Mais c'est pas énorme, parce que j'ai peu, finalement très peu, parce que j'étais déjà très en deçà de l'ambiance locale je dirais, entouré de pas mal de médecins prescripteurs d'antibiotiques, je faisais un petit peu défaut Donc est ce que je prescris moins ? Oui. De façon importante ? Je ne pense pas mais forcément oui. F1M1 Moi j’ai nettement diminué ! F2M1 Moins 26% selon la sécurité sociale ! F2M5 (Mais ne s'en rend pas compte) Moins, le moins possible. Non, j’ai un à priori qui est de dire le moins possible, d’ailleurs le moins de médicaments possible F2M6 Ben je prescris moins effectivement F2M7 Moins, différemment ça c'est sur, et puis les chiffres officiels puisque moi je les ai eu avant-hier, euh montre que, que effectivement y a -25%. J'étais très surprise moi, j’avais pas cette sensation là. F3M1 Ben pareil je pense. Je sais pas quel est le pourcentage F3M2 Je pense que c'est moins, Ouais c'est beaucoup moins. F3M2 Euh, (.) moi je n’en ai aucune idée des chiffres euh. Mon impression, ouais j'ai l'impression que, (.) je ne sais pas si je prescris beaucoup moins mais ça a changé F3M3 Donc oui j'ai l'impression de prescrire moins. F3M5 actuellement, oui j'essaye de prescrire moins d'antibiotiques. F3M5 PAS DE DIMINUTION NOTABLE EN QUANTITE Je n'ai pas changé ma prescription d'ATB (je ne prescris pas moins ATB) Moi je suis petit prescripteur d'antibiotiques, donc j'ai pas du changer énormément mes prescriptions en quantité F1M2 En quantité je n’ai pas beaucoup changé car j'étais déjà petit prescripteur dans les relevés de la sécu donc je n’étais pas embêté là-dessus et euh ayant toujours eu une image de petit prescripteur d'antibiotiques, j'entendais souvent mes patients me dire : « ouais mais de toute façon vous ne prescrivez pas, vous n'aimez pas les antibiotiques ». F1M2 Je ne sais pas. Non c'est vrai je suis pareil quand (.) la sécurité sociale vient, les contrôleurs inspecteurs, et amènent les courbes, ils ne m'ont jamais fait le reproche, dans mes courbes je suis toujours nettement en dessous. Est ce que je l'étais avant ? Est ce que je le suis plus depuis ? Est ce que j'ai tendance à remonter aussi ? Je ne sais pas F1M4 Bon, (.) je suis désolé pour le qualitatif, je vais prendre les statistiques de la sécu, donc euh, par rapport à 2006, en 2007 (.) j'ai fait + 41%, c'est ce qui est écrit là, alors que les autres généralistes du département ils ont fait -0.6%, c'est bien ça ? + 41%. Les autres sont restés stables. Et puis euh, l'année suivante, donc en 2008, c'est -27%. F1M6 Ouais mais ça n'est que les deux dernières années. Or il faudrait avoir toutes les années après la formation, de façon à voir la tendance, ça peut très bien, je peux très bien avoir diminué après la formation, être augmenté beaucoup après et être redescendu un peu, mais il y a peut-être aussi une autre question, c'est que à partir du moment où on est dans une prescription très faible, la moindre augmentation influence énormément le pourcentage. Ce que j'observe moi, c'est que j'ai des variations très amples par rapport aux autres qui restent à peu près stables. Pour la tendance, malheureusement, je n'ai que les deux dernières années, les deux autres je ne sais pas ce qu'elles sont devenues. F1M6 ça dépend du terrain. Moi chez l’enfant, c’était très bas, ça reste toujours bas. F2M3 Dans l’ensemble c’est vrai que j’en donne peu depuis le 1er séminaire, et donc évidemment j’en donne évidemment pas plus depuis le deuxième. F2M4 C’est vrai que j’ai l’impression de prescrire peu en fait. F2M4 71 X - Glossaire AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé AMM : Autorisation de Mise sur le Marché CNAM : Caisse Nationale d’Assurance Maladie CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés EBM : Evidence Based Medecine ECDC : Centre Européen de Contrôle des Maladies ESAC : European Surveillance of Antimicrobial Consumption EARSS : European Antimicrobial Resistance Surveillance System FAQSV : Fonds d’Aide à la Qualité des Soins de Ville FG : Focus Group FMC : Formation Médicale Continue FNPEIS : Fonds National de Prévention, d’Education et d’Information pour la Santé MSPR : Mise en Situation de Pratique Réflexive OGC : Organisme Gestionnaire Conventionnel PAAIR : Prescription Ambulatoire des Antibiotiques dans les Infections Respiratoires PNSP : Pneumocoques de Sensibilité diminuée à la Pénicilline SGA : Streptocoque du Groupe A SIAM : Système Informationnel de l’Assurance Maladie TDR : Test de Dépistage Rapide 72 SOUTENANCE A CRÉTEIL ANNEE : 2010 NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : DORÉ - QUESNEL Béatrice DIRECTEUR DE THESE : Docteur MOSNIER Anne TITRE DE LA THESE : Évaluation qualitative d’une formation au bon usage des antibiotiques réalisée dans le cadre de l’étude PAAIR (Prescription Ambulatoire des Antibiotiques dans les Infections Respiratoires) par la méthode du Focus Group. En 2009, nous avons voulu évaluer le vécu, la perception et les attitudes de médecins formés à la prescription des antibiotiques dans le cadre d’une étude nommée PAAIR basée sur le concept du praticien réflexif. Pour cela nous avons réalisé des entretiens collectifs sous forme de Focus Group (FG) composés de médecins formés à des temps différents et par des méthodes différentes. Nous avons organisé 3 FG : l’un composé de médecins formés en 2004 par une méthode classique, l’un avec des médecins formés la même année par une formation identique mais complétée d’une journée de formation dite MSPR (Mise en Situation de Pratique Réflexive) dans le cadre de l’étude et le dernier avec des médecins formés en 2008 par une formation classique mais exposant les résultats de PAAIR. L’objectif était de faire échanger librement ces médecins afin de faire émerger les convergences et divergences selon les différents types de formation. Nous avons conclu que la méthode choisie permettait d’évaluer qualitativement la formation en mettant notamment en exergue les différences liées à la méthode même de formation. La majorité des formations médicales sont évaluées en terme de satisfaction globale des formés et/ou amélioration de leurs connaissances ce qui ne permet qu’une approche parcellaire de leur efficacité. La technique du FG permet en plus d’enquêter sur les modifications des pratiques et mérite de se développer d’autant plus qu’elle est en mesure de permettre une approche qualitative de nombreuses problématiques rencontrées en Médecine Générale. MOTS CLES : Formation continue Pratique professionnelle Médecine générale Focus group ADRESSE DE L’U.F.R. : 8, rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX 73