Le « placard » s`institutionnalise
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Le « placard » s`institutionnalise
12 MAI 06 Quotidien Paris OJD : 79644 51 RUE VIVIENNE 75002 PARIS - 01 44 82 16 16 Surface approx. (cm²) : 335 Page 1/1 MANAGEMENT • ressources humaines Le « placard » s'institutionnalise • Expression d'un abus de pouvoir, la mise à l'écart de salariés, de cadres et de dirigeants n'en reste pas moins une pratique courante. • Elle s'inscrit même parfois de manière quasi institutionnelle dans les mœurs managériales. > A l'heure où la situation des salariés et des cadres s'orchestre autour d'un axe bipolaire sur-travail/sous-emploi, le désœuvrement imposé, couramment appelé « placard », apporte des éléments d'éclairage sur les codes managériaux. Les « placardisés » échappent à tout bilan statistique. Ds ne figurent pas davantage au bilan social des entreprises. La mise au placard constitue pourtant un abus de pouvoir de la part de l'employeur qui, en contrepartie de ses prérogatives disciplinaires, a l'obligation de fournir a ses salariés du travail et les moyens matériels de l'exercer. Faute de quoi, il peut se retrouver devant les prud'hommes pour exécution fautive du contrat de travail ou devant le juge administratif pour détournement de pouvoir. La loi du 17 janvier 2002 assimile le placard à une forme de harcèlement moral. Dans les faits, il est toujours vécu comme tel. « Tant qu'on ne touche pas au sade du contrat de travail, la Cour de cassation se montre très souple. On peut évoquer le harcèlement, mais il faut pouvoir le prouver », remarque François Taquet, avocat et professeur à l'ESC Tours-Poitiers. À cet égard, les clauses de mobilité signées par les salariés à leur prise de poste protègent les employeurs en autorisant le réaménagement du périmètre des postes de travail. En somme, le placard est si solidement inscrit dans les normes qu'il bénéficie de dispositions contractuelles favorables. Certaines fonctions seraient même adaptées à recueillir les cadres et dirigeants en disgrâce. Exemple : l'infla- OPTEAMAN 2738786000508/RG/MKA tien des postes de chefs de mission ou de conseillers spéciaux. Autre pratique, le système de l'intercontrat, qui concernerait 15 % des salariés des SSII et près de 30 % de ceux des cabinets de conseil et permet aux entreprises de garder au « IL S'AGIT chaud des salariés sans mission, en attendant une reprise des pics d'activité. DE POUSSER Placard ou manifestation d'une incurie LES COLLABORA- dans la gestion des compétences ? La frontière est ténue. « La restriction du rok TEURS JUSQU'À fonctionnel et de l'espace de lne releve de la sphère individuelle. Elle n'entre pas dans UN CERTAIN les priantes des politiques RH, qui gèrent SEUIL PSYCHOle global, la masse », commente Nathalie Bouscasse, consultante à la Cegos. LOGIQUE AFIN Le placard ne s'ouvre jamais par haDE NÉGOCIER sard. « La motivation la plus fréquente est UNE SÉPARATION d'ordre économique : il s'agit de pousser les collaborateurs jusqu'à un certain seuil AMIABLE. » psychologique afin de négocier avantageusement une séparation "amiable". » Ce mode de gestion satisfait les intérêts à court terme de l'entreprise. Mais les motivations et les causes mécaniques d'une mise à l'écart sont multiples : conflit personnel entre l'em- Eléments de recherche : OPTEAMAN : cabinet de recrutement, toutes citations ployeur et le salarié, effets collatéraux de l'arrivée de dirigeants flanqués de leur garde rapprochée, relégauon par l'âge ou prise de distance par rapport aux objectifs ou à une ligne politique. «Jusqu'aux années 70, les entreprises ont été gérées dans une culture patriarcale où le placard sanctionnait ceux qui transgressaient les codes d'honneur, explique Nathalie Bouscasse. Aujourd'hui, la culture est plus contractuelle qu 'honorifique et le couperet tombe sur ceux qui ne respectent pas le contrat de performance. » « S'il y a une exigence qui prévaut aujourd'hui dans l'expression des aspirations, c'est bien l'utdité. Les candidats que nous recevons veulent être impliqués dans la vie de l'entreprise », explique Philippe Cirier, du cabinet de recrutement Opteaman. Prétention souvent frustrée par une restriction de la liberté d'action dans l'entreprise et r obligation de rendre des comptes. Écrasement des strates hiérarchiques oblige, les managers se retrouvent avec des effectifs à gérer toujours plus importants. Les salariés doivent de ce fait apprendre à se manager eux-mêmes. Entreprise d'autant plus difficile que la pression imposée à l'ensemble du corps salarial génère une perte générale de repères qui peut inciter chacun, à tout moment, à jeter l'éponge. « En France, on a tendance à subir son poste plutôt que d'être proacaf», affirme Philippe Cirier. Solution médiane. Pour les employeurs, le placard peut apparaître comme une solution médiane, mâtinée de prudence. Le placard peut être envisagé comme un pis-aller pour des directions qui ne veulent pas prendre le risque de voir se réveiller le moindre contre-pouvoir. Cette stratégie n'est pas sans revers : une fois en quarantaine, le « relégué » a tout le temps d'activer ses réseaux internes et externes. Pour certains, la mise à l'écart des sphères d'action et de décision agit même comme un cadre de ressource. Ce, malgré la persistance de codes managériaux français qui confèrent aux ruptures un caractère radical, voire définitif, là où la culture anglosaxonne intègre l'échec comme une occasion de rebond. Muriel Jaouën