Le fardeau des petits empereurs : enfants uniques et

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Le fardeau des petits empereurs : enfants uniques et
Le fardeau des petits empereurs :
enfants uniques et transmission de la culture
Gladys Chicharro-Saito
(Ethnologie et sociologie comparative,
Université Paris X)
La question des problèmes relatifs à l'éducation des nouveaux enfants uniques revient régulièrement dans les médias ou dans les conversations courantes actuellement en Chine. Les premiers enfants de cette génération sont
nés en 1979, date d'entrée en vigueur de la loi sur le contrôle des naissances. Ils ont fêté leurs vingt-cinq ans l'année dernière et commencent euxmêmes à fonder des familles. Désormais les pédagogues, les psychologues
ou autres spécialistes de l'éducation, mais aussi la société en général,
n'hésitent plus à critiquer certaines conséquences néfastes de cette politique, notamment sur le comportement des enfants. Certaines caractéristiques, positives et négatives, leurs sont attribuées \ Par ailleurs, ils sont nés
1
II suffit de se référer aux titres des articles de presse et surtout à l'Internet : « Les enfant uniques sont-ils véritablement des enfants à problèmes ? ?È_E^jfc|tÉfîl|_[RjllIl£
-y-Ei ? » (http://baby.sina.com.cn/pc.2005-3-22/101/302.html) ; « Que faire quand les
enfants uniques sont colériques? Ï È â i ^ & S S l P I ^ f ë ^ x f t ?» (http://www.
age06.com/Age06Public/SPEAuditing/PostPreview.aspx?) ; « Mille et une manières
de faire manger un "petit empereur" "/JvHifr" D_tSâU N ftf Vtfè » (http://news.xinhuanet.com/food72005-4/15/content_2832284.htm) ; « Cherche professeur particulier
homme : éducation familiale des garçons enfant unique Wffî.È&W^'fà ' $L$i-FM
J_SlJ"j§fttfcW"» publié à l'origine dans le Beijing qingnian bao zJtïCW^fll
(http://news.xinhuanet.com/edu/2004-08/04/content_1707474.htm).
Études chinoises, vol. XXIV (2005) - Journée de l'APEC du 10 juin 2005
Notes de recherche
en milieu urbain pendant la période des grandes réformes économiques et
d'ouverture de la Chine lancée par Deng Xiaoping en 1978. Ils vivent dans
un environnement social qui ne cesse d'évoluer et qui est complètement
différent de celui qu'ont connu leurs parents durant leur jeunesse. Cette
génération fait donc à la fois l'expérience d'une situation familiale sans
précédent en Chine, mais aussi d'une période historique particulière.
Pour comprendre la manière dont cette nouvelle situation est perçue,
j'ai choisi de travailler dans un lieu considéré comme exemplaire de la
modernité chinoise : Langfang Jfi5f£;, chef-lieu de la sous-préfecture du
même nom dans la province du Hebei. Situé à mi-chemin entre Pékin et
Tianjin, il bénéficie d'une situation privilégiée de « lieu de passage » entre
ces deux grandes métropoles qui lui a permis de connaître un développement économique et démographique particulièrement rapide depuis le début des années 1980 2 . Au nord-ouest de la ville, à la fin des années 1990,
une « Zone de développement économique et technique », Langfang jingji
jishu kaifa qu J j f j j i è ë ^ ë t ^ ^ f S i £ 2 . y a été construite, facilitant ainsi
l'installation d'entreprises. En outre, depuis l'an 2000, la « Cité universitaire de l'Est », Dongfang daxue cheng AK^T;*C^J$C, dans laquelle plusieurs grandes universités pékinoises délocalisent désormais leurs premières années d'enseignement, se trouve également à proximité. Il s'agit donc
d'une ville « riche », dont les habitants, plus de 500 000 à ce jour, sont
pour beaucoup arrivés récemment d'autres provinces et continuent
d'affluer. Langfang s'inscrit parfaitement dans le boom économique chinois de ces dernières années et dans la volonté de modernisation qui en découle.
Dans ce contexte particulier j'ai cherché à comprendre dans quel environnement vivent ces enfants uniques. Qu'en pensent-ils eux-mêmes ?
Que cherche-t-on à leur transmettre ?
2
Langfang est passé du statut administratif de « village » cun ifj à celui « district »
xian Jt- en 1948, puis à celui de « ville » shi rfj en 1983.
318
Le fardeau des petits empereurs
Éducation scolaire et transmission familiale
En lisant les articles qui paraissent régulièrement sur l'éducation dans les
journaux chinois ou bien sur l'Internet, on s'aperçoit qu'ils font tous référence à trois aspects de l'« éducation » jiaoyu ^ W : « l'éducation de
l'école » xuexiao ^fesIftW, « l'éducation de la famille »jiating =§[j!l|^l=F
et « l'éducation de la société » shehui tfcz^ifcW qui. bien évidemment,
doivent coopérer pour former une nouvelle génération 3.
Le mot jiaoyu est formé des deux caractères dont le premier signifie
guider, enseigner, instruire et le second cultiver, élever. Réunis, ils forment un terme que l'on traduit généralement par éducation, enseignement,
formation, ou instruction, mais qui sous-entend en tout cas une volonté de
former un individu ou une collectivité dans une direction précise, avec des
objectifs (you mudi ^ § &Çj)4. Dans la vie courante, les habitants de Langfang utilisent donc volontiers ce terme pour le contexte scolaire car celuici transmet aux enfants une certaine forme de « culture » wenhua j£'ft>
qu'ils dénomment aussi « savoir (ou connaissance) culturel » wenhua
zhishi ^C'fc^niR), dans un but clairement défini : « devenir un homme
utile au pays ».
En revanche, l'expression « éducation familiale » est très rarement employée en dehors des médias, ou des livres à destination des parents. Les publications rappellent qu'elle est la base de toute formation, mais les habitants
de Langfang considèrent que la famille « élève » (peiyang i t f # ) l'enfant,
3
Cf. « Xuexiao jiating shehui jiaoyu jiehe de yuance
^fâ^Mftï?k$!Cff%nû$3Wi.
PKI » (Les principes de coopération entre l'éducation scolaire, familiale et de la société, http://pep.com.cn/200406/ca460530.htm).
4
Gernet (2003, p. 10) souligne qu' « il n'y a qu'un seul mot en chinois pour éducation
et instruction, jiao f£ ».
319
Notes de recherche
terme qui renvoie davantage au nourrissage et aux soins qui sont prodigués
aux plantes et aux animaux5.
Tout au plus, la famille exerce-t-elle une « influence » (yingxiang j|J
Pour être franc, parler d'éducation familiale, c'est un peu la surestimer, l'apport
familial peut juste être nommé influence, l'appeler éducation c'est le surestimer.
(BS, 43 ans, professeur de philosophie / politique retraité, père d'un fils unique)
Ces termes renvoient à un mode de transmission informel et en partie inconscient, différent de l'enseignement scolaire. Aucun nom spécifique n'est associé au savoir familial et beaucoup ont tendance à minimiser
voire à nier le rôle qu'aurait pu jouer leur famille dans leur formation.
En famille, je n'en ai aucune idée (de ce que j'ai pu apprendre). (YD, 20 ans,
propriétaire d'un magasin de vêtement, fils unique)
Toutefois, cette dévalorisation du rôle de la famille est aussi à mettre
en relation avec la politique de l'enfant unique. En effet, cette dernière a
complètement bouleversé la structure familiale : les générations des
grands-parents et des parents sont maintenant surreprésentées par rapport à
celle des enfants. Certaines positions familiales, les termes de parenté qui
les représentent ainsi que les comportements qu'elles appellent sont en
train de disparaître pour les enfants uniques : non seulement le frère (aîné
et cadet) et la sœur (aînée et cadette), mais aussi le mari, le fils et la fille
de la sœur aîné ou cadette, la femme, le fils et la fille du frère aîné ou cadet n'existent plus... Cette déstructuration familiale est évoquée de ma-
5
Gernet (ibid., p. 23) cite les termes littéraux employés par le pédagogue Wang Yangming (1472-1529) révélateurs de cette conception : il faut « élaguer-butter » caipei ^
i#, « former-nourrir » hanyang î ® # » les enfants.
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Le fardeau des petits empereurs
nière détournée par certains interlocuteurs qui regrettent de ne plus pouvoir transmettre à leurs enfants toutes les subtilités de la terminologie de
parenté chinoise dont ils sont très fiers. Ce savoir, les termes de parenté,
d'adresse et de désignation mais aussi les comportements qu'ils appellent,
est considéré comme fondamental. Les familles se retrouvent donc dépossédées d'une partie de leur rôle, et de ce que l'ancienne société considérait
comme primordial. Paradoxalement, puisqu'elles ne peuvent plus transmettre les désignations correctes, il apparaît souvent qu'elles renoncent à
transmettre toutes formes de savoir particulier.
Les parents qui possèdent ce savoir sur la structure familiale et ses
désignations, sur leur éventuelle expérience religieuse, démentent toujours
vouloir le communiquer à leurs enfants. Même le récit de leur propre histoire familiale n'est souvent plus transmis. Ces questions leur paraissent
sans doute inutiles et inadaptées dans une société où la structure familiale
a été complètement bouleversée et ils préfèrent en général faire confiance
à l'éducation scolaire. Si l'héritage familial se transmet toujours, c'est
principalement à travers le langage inconscient, presque à l'insu des intéressés, ou bien en sautant une génération : certains grands-parents essaient
en effet d'enseigner à leurs petits enfants la calligraphie ou un instrument
de musique traditionnel, et les emmènent parfois avec eux dans les lieux
de culte.
« Savoir culturel » et caractères d'écriture
L'école transmet « l'éducation régulière » - xuexiao de jiaoyu shuyu
zhenggui jiaoyu ^fôfàWC^Bcf-^MMM
(BS, 43 ans, déjà cité) -, c'està-dire l'éducation légale dont le contenu a été fixé par l'État, ketang you
guiding de neirong
W^MWm^SH^-La première tâche attribuée à l'école primaire, par l'État comme par la
population, est de transmettre la connaissance des caractères d'écriture ou la
« culture » car l'une et l'autre sont indissociables en Chine. La phrase « À
l'école nous apprenons la culture », women zai xuexiao xue wenhua, ficif1-ÔÎ
321
Notes de recherche
^3j>^p$£f£ peut tout aussi bien être traduite par « À l'école nous apprenons à lire et à écrire ».
Le mot wenhua, que l'on peut traduire en français par « culture » ou
« civilisation », signifie littéralement « ce qui a été transformé par
l'écriture » 6 . C'est en étant façonnés par l'écriture que les enfants sont éduqués 7 .
Avoir de la culture c'est connaître beaucoup de caractères. (WG, 25 ans, vendeur
de kiosque)
Posséder le « savoir culturel » c'est savoir lire et écrire le corpus de
caractères et maîtriser la sommes des connaissances zhishi £niR qui sont
rassemblés dans les manuels 8 . Les enseignants se doivent d'en suivre
scrupuleusement les directives du primaire au lycée, voire à l'université.
L'importance accordée à ce « savoir culturel » est telle que le « niveau
de culture », wenhua shuiping J t ' f c ^ P , de tous les membres d'un foyer
est indiqué sur les livrets de résidence hukou ben i ^ P ^ par les termes
« illettré » >CHf, « école primaire » / J " ^ , « collège » ^p^,
q u e » tf^r» « l y c é e » iHf^f1» «université technique» A^f,
-j\^.,
« lycée techni«université»
et « doctorat » fUdr. Le « niveau de culture » correspond donc en
réalité au niveau scolaire ; seul le terme « illettré » wenmang ~$CM n'y fait
pas directement référence, mais il signifie finalement que la personne en
6
Cf Cheng (1997), p. 52 ; Gernet (1994), p 361-379.
Baptandier (1993).
8
Les manuels d'enseignement des caractères sont toujours en Chine une compilation
encyclopédique de connaissances générales et de leçons d'instruction morale ou civique. L'exemple du premier manuel considéré comme moderne, le Mengxue keben U
SÊîJIfcÇ: analysé par Nguyen Tri (2003), montre bien qu'il s'agit véritablement de façonner les enfants en leur inculquant simultanément à la maîtrise de l'écrit, les
connaissances et les valeurs considérées comme nécessaires à une époque donnée. Ceci se vérifie toujours actuellement, cf. Chicharro (2001).
7
322
Le fardeau des petits empereurs
question n'est jamais allée à l'école, ou du moins n'a pas achevé entièrement le cycle primaire qui permet d'acquérir les 2 000 caractères nécessaires pour être reconnu comme « connaissant les caractères » d'après les critères gouvernementaux. Désormais tous les enfants sont légalement sensés
atteindre un stade bien supérieur à celui-ci car la scolarité obligatoire est de
neuf années en Chine (école primaire et collège). Ceux qui en accomplissent le cursus (la grande majorité en ville) savent normalement reconnaître
près de 7 000 caractères, nombre comparable à celui que maîtrisaient les
« lettrés » d'autrefois (9 000). De nos jours, comme autrefois, « avoir de la
culture » ou « être civilisé » c'est avant tout maîtriser l'écrit, mais cette
maîtrise concerne aujourd'hui l'ensemble de la population et ne s'acquiert,
officiellement, qu'à l'école.
Les familles doivent veiller à ce que leur unique enfant acquière le
mieux possible ce corpus de caractères défini par l'Etat et la culture pour
qu'il trouve sa place dans la société, c'est-à-dire selon les attentes actuelles,
qu'il ait un bon travail, et gagne suffisamment d'argent. À partir de l'entrée
à l'école primaire, certaines familles remettent donc complètement leur enfant entre les mains de l'école et des professeurs. Il n'est pas rare que ces
derniers s'en occupent également en dehors des heures scolaires : le midi
ou le soir ; sans parler de la nouvelle mode du pensionnat dès l'âge de six
ans pour ceux qui en ont la possibilité financière. D'autres s'appliquent à
seconder le rôle de l'école en supervisant attentivement les devoirs des enfants. La grande majorité des familles ne cherche pas à transmettre d'autres
formes de savoir que celui de l'école et minimise donc la transmission familiale.
La société : source de savoir, source de danger
Ce n'est pas parce que tu ne connais pas les caractères que tu ne sais rien, car au
lieu d'aller à l'école tu peux apprendre d'autres choses. (JB, 25 ans, sans profession)
323
Notes de recherche
Pour moi, aller à l'école ne vaut pas de n'y pas aller. (...) Il y a beaucoup de
choses que j'ai apprises à l'époque où je séchais les cours, en m'amusant avec
des enfants plus âgés que moi. Alors il y ce que je n'ai pas étudié, mais j'ai appris ces choses sur la société. (YD, 20 ans, propriétaire d'une boutique de vêtements)
m&&$Lt¥*m*±.. (-)
nmm^^mmw&m-mm^,
Il est très courant d'entendre ce type de déclaration, où sont mis en
parallèle l'apprentissage des caractères appris à l'école et une autre forme
de savoir qui s'acquiert au contact de la société9. Ce « savoir social », shehui zhishi f t ^ ^ n i R , est généralement considéré comme bien plus fondamental que le « savoir culturel » de l'école. Même le directeur de l'école
dans laquelle j'ai travaillé, fils de paysans, qui reconnaît devoir en partie sa
réussite à l'éducation scolaire, estime que c'est au sein de la société qu'il a
le plus appris, en tout cas ce qui lui semble le plus important. Apprendre à
se tisser dès l'enfance un réseau de relations autres que celles du réseau familial, par exemple, les fameux guanxi ^ ^ et la liturgie sociale qui les
sous-tend, représente une part non négligeable de cet apprentissage social.
Savoir se comporter et parler correctement avec chacun en fonction de son
propre statut et de celui de la personne qui se trouve en face de soi est primordial. Par la suite cela deviendra absolument nécessaire pour trouver une
place dans la société, obtenir de l'aide ou un soutien en cas de besoin (entrer
dans une bonne école, trouver un emploi, emprunter de l'argent, se sortir
d'une situation difficile avec la hiérarchie...).
Pour beaucoup, c'est grâce à leur enfance « à l'extérieur », évoquée
avec plaisir, qu'ils ont pu acquérir ce savoir sur les codes implicites qui régissent la société. Ces derniers règlent par exemple les formes de salutations,
les rapports inter-générationnels extra-famililaux, les règles de commensalité notamment lors des banquets ; ils sont bien souvent l'expression de prin9
Pour un exemple de société extérieure à la Chine où le savoir scolaire est mis en parallèle et comparé avec d'autres formes de savoirs considérés et reconnus par la société
en question comme fondamentales, se reporter à Bloch (1993).
324
Le fardeau des petits empereurs
cipes confucéens qui façonnent encore la société d'aujourd'hui . Des notions comme celle de «vertu» de @, de «piété filiale» xiao ^ , de
« loyauté » zhong jj£ ou de « respect » jing ffc dominent toujours la vie sociale, si bien que même les manuels scolaires contemporains en sont empreints. Toutefois seule une fréquentation importante de la « société extérieure » permet véritablement d'acquérir les usages actuels qui, en suivant
les recommandations de M. Détienne de «comparer l'incomparable» u ,
sont finalement les héritiers des rites sociaux prônés par le confucianisme.
Une personne maîtrisant parfaitement cette forme de savoir-vivre, aboutissement d'une pensée ancienne sans cesse remodelée, a davantage de chance
de trouver sa place dans la société chinoise.
Les caractères d'écriture permettent certes d'accéder à la qualité
d'humain civilisé, mais il faut également savoir se comporter en société.
Pour « être un homme » wei ren ^J A . il importe de maîtriser les deux aspects complémentaires de la culture wenhua : l'écriture et les rites (le mot
étant employé dans le sens de liturgie sociale).
Il y a encore peu de temps, dès l'âge de cinq ans environ, les enfants
jouaient dehors, personne ne les surveillait réellement, même si un voisin
jetait éventuellement un coup d'œil de temps en temps. Ils ne rentraient à la
maison que pour manger et dormir.
Qu'ils sortent : cela développera leur capacité à se débrouiller ; c'est une bonne
chose, les enfants ont besoin déjouer en dehors du foyer. (BS, 43 ans, déjà cité)
Cf. Yu (1993) pour une analyse du fonctionnement d'un banquet chinois. Yang
(1994), quant à elle, montre de quelle manière les guanxi sont, dans la société contemporaine, à l'interjection entre le « traditionnel » et le « socialisme ».
11
Détienne défend la démarche comparatiste en histoire et en anthropologie. Il s'agit
de comparer sur un thème précis des sociétés à travers le temps et / ou l'espace « non
pas pour trouver ou imposer des lois générales (..., mais) pour construire des comparables, analyser des microsystèmes de pensée » (2000, p. 57-58).
325
Notes de recherche
Les termes de « s'amuser » wan et « extérieur, dehors », waimian, reviennent constamment en liaison avec la « société ». Ce sont ces «jeux »,
dans un environnement perçu comme non contrôlé, qui permettent non seulement d'apprendre à se comporter dans la société, mais aussi de se construire en tant qu'individu par rapport aux autres. C'est ainsi que l'on acquiert la «capacité à se débrouiller», huodong nengli tSSÔfbil, c'est-àdire à se comporter réellement en être humain parmi d'autres hommes, tout
en devenant soi-même.
Le mot « société » est formé à partir du caractère she %i. qui désigne
l'endroit où, autrefois, on accomplissait les rites en l'honneur du dieu du
sol, et du caractère hui ^ , réunion, regroupement, assemblée, de choses ou
de personnes. La société est donc à l'origine la communauté villageoise qui
se réunit pour rendre un culte au même dieu du lieu 12. Le terme a ensuite
pris le sens d'« association », « société » (d'artisans, de commerçants...) ;
c'est ce deuxième sens qui est à l'origine de l'emploi du mot shehui pour
traduire le concept occidental de « socialisme », shehuizhuyi jjtbêÈL^C- La
société, ou selon l'expression de certains interlocuteurs la « société extérieure », waimian de shehui -^Mffiltii.^, désigne aujourd'hui l'environnement dans lequel chaque individu évolue, « extérieur » renvoyant à un
espace aux contours plus ou moins flous, mais qui se trouve, en tout cas en
dehors du contrôle exercé par certaines institutions (l'unité de travail,
l'école, la famille...).
Ceci explique pourquoi, dans la terminologie communiste, ce terme
de shehui prend une connotation péjorative : il désigne l'espace extérieur à
l'unité de travail, normalement contrôlé par les comités de quartier, mais
qui est souvent source de désordre. Dans les années 1970 et 1980 par
exemple, l'expression «jeunes de la société» shehui qingnian frbjzH^f
Chavannes (1910) ; Dean (1998).
326
Le fardeau des petits
empereurs
désignait les jeunes chômeurs, le fait qu'ils n'appartenaient à aucune « unité de production » était ainsi souligné et stigmatisé 13.
Pour la presse officielle, «l'éducation de la société » shehui jiaoyu
l i ^ l f c W reste suspecte :
L'éducation donnée par la société est celle qui a le plus d'ascendant sur les enfants, et à mesure qu'ils grandissent son influence augmente. L'éducation de la
société comprend celle de l'État et à ses objectifs précis, mais elle comprend
également un grand nombre d'influences désordonnées.
ÔSH^BIRI- (sKi^E, sur le site www.jiajiao8.com)
Le terme de « désordre, désordonné », luan fUL, est constamment associé à celui de « société » dans les médias. Celle-ci est donc à la fois perçue
par tous comme le lieu d'apprentissage par excellence, mais aussi comme
un lieu dangereux pour l'État qui la contrôle difficilement.
Les transformations de la société : entre regret, crainte et espoir
La « société » a énormément changé en peu d'années, et Langfang en est
un exemple parlant ; les premiers arrivants et ceux qui en sont originaires
se souviennent d'un simple « village », cun ^f, avec des maisons basses,
pingfang ^-Jj, et des chemins de terre, tudao -HH.
Lorsque je suis arrivée, il y avait encore des champs de blé et de légumes partout (...) Les immeubles ont poussé tout d'un coup. (SAL, 40 ans, arrivée à
Langfang en 1990, mère d'un fils unique)
M^wfgsmtKafyis*. m&. (...) -*{gsm«ï±£m*.
13
Cf. Zhang (2004), p. 60, n. 13 ; Bonnin (2004), p. 84.
327
Notes de recherche
Aujourd'hui, de larges avenues bétonnées traversent Langfang de
part en part, un « périphérique » l'encercle et les voitures se font chaque
année plus nombreuses. Les anciennes maisons basses en briques rouges
sont peu à peu remplacées par des immeubles bleus, roses ou crème, agrémentés de colonnettes et de frontons néoclassiques dans lesquels les habitants accèdent à la propriété privée en dehors de leurs unités de travail. De
nombreux migrants originaires des villages alentours, de Pékin, de Tianjin
ou de provinces bien plus lointaines arrivent sans cesse. Ce nouvel environnement représente à la fois la richesse à laquelle tout le monde aspire,
mais aussi les dangers dont les médias se font l'écho avec plaisir (accidents
de voiture, criminalité...).
Beaucoup de parents ont adopté le discours négatif sur la société véhiculé par les médias et ne laissent désormais plus sortir leurs enfants. Il est
effectivement plus difficile de les surveiller depuis le sixième étage que
des maisons basses d'autrefois ; surtout, les migrations récentes et les nouvelles accessions à la propriété font que nombre de voisins sont maintenant
de parfaits étrangers. Ils proviennent de surcroît bien souvent de localités
différentes, ce qui crée une distance supplémentaire : on n'est pas du
« même pays ». Ce nouvel environnement est comparé, de manière nostalgique, à la «société d'avant», «sûre et calme», dans laquelle tout le
monde se connaissait, vivait dehors ensemble, chacun sortait de chez soi
sans fermer la porte, et les enfants pouvaient se mouvoir en sécurité. Il y a
bien évidemment une part d'idéalisation dans cette image de la société
d'autrefois paisible et communautaire, un regret de l'enfance et de la
communauté villageoise (sens premier de shehui). Mais certains soulignent
parfois ironiquement qu'il ne pouvait y avoir de danger nulle part à cette
époque puisque personne ne possédait rien, on n'avait donc pas de raison
de vouloir du mal à son voisin... Ainsi, il ne s'agit pas d'une volonté de
retour au passé - personne ne reniant les avantages économiques apportés
par la modernité - mais plutôt d'une critique de la manière dont
l'urbanisation se fait actuellement. L'absence de transmission d'un certain
type de savoir-vivre extrêmement valorisé autrefois peut avoir de lourdes
conséquences sur l'avenir.
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Le fardeau des petits empereurs
La résurgence de certains lieux communautaires : temples et lieux de
culte, associations de danseuses de Yangge et autres fait partie de cette volonté de continuer à maintenir et à transmettre une autre forme de culture
que le savoir scolaire. Mais l'État cherche toujours à contrôler toutes les
manifestations du « shehui » et ce qui s'y transmet14. Depuis quelques années, l'existence de cybercafés a permis d'assister à l'émergence de nouveaux types d'échanges et de relations. Les enfants, jusqu'ici limités dans
leurs lectures et leurs échanges écrits par le corpus « officiel » des caractères qui leur sont transmis, avaient pu grâce au média internet, inventer un
nouveau lien social. Surveillés avec vigilance, les cafés internet ont été
bien souvent fermés pour des périodes plus ou moins longues sous divers
prétextes jusqu'à ce que finalement leur fréquentation soit interdite au
moins de 14 ans en 2004. Nombreux sont les patrons qui étendent cette interdiction aux « non adultes » weichengnianren T ^ ^ C ^ - À pour être assurés
de ne pas avoir d'ennuis avec les autorités. Jusqu'à cette date, les cybercafés situés à proximité des écoles, étaient pris d'assaut pendant la pause du
déjeuner et à la sortie des cours, les écoliers se mêlant aux étudiants pour
jouer en réseau mais aussi « chatter » grâce au serveur de messagerie national, le « QQ ». Ils produisaient de la sorte un nouveau « texte » qui
échappait à tout contrôle, ce pour quoi il fut limité.
En 2004 également, une parodie de manuel scolaire Q ban yuwen Q
ItSla^t a été écrite par un jeune homme de 26 ans (enfant unique ?), publiée puis aussitôt interdite 15. L'auteur y reprend les histoires les plus classiques utilisées dans les manuels scolaires, mais il mêle les héros traditionnels à des personnages de dessins animés ou de son invention, il les met
dans des situations contemporaines (rencontrer l'âme sœur en surfant sur
l'Internet, faire des « petits boulots » pour gagner de l'argent...) et se joue
de la morale : on voit ainsi un vieux sage conseiller à Yugong de faire
croire à ses voisins qu'un trésor est enfoui sous la montagne pour que ces
derniers l'aident à la déplacer. La censure de ce livre qui a connu un
Cf. les travaux de Graezer sur la manière dont les autorités utilisent la résurgence
des groupes de danseurs de yangge (2003).
15
Lin (2004).
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Notes de recherche
énorme succès chez les collégiens et les lycéens montre que tout texte qui
se démarque des manuels scolaires reste étroitement surveillé. L'énorme
corpus de caractères que les enfants apprennent aujourd'hui n'a pas pour
objectif de leur accorder un espace de culture plus large.
Le fardeau des enfants uniques
La « société extérieure», considérée comme un lieu d'apprentissage fondamental deviendrait donc source de dangers pour les enfants. Cette évolution peut paraître finalement assez banale : nous sommes face à un phénomène d'urbanisation et de migrations qui entraîne un changement de mode
de vie. Cependant, ses conséquences sur l'éducation des enfants ne seraient
pas encore acceptées par la population, d'autant que ce phénomène est aggravé par une situation proprement chinoise : l'enfant unique. Les familles,
quasiment amputées, vivent pour le moment présent davantage repliées sur
elles-mêmes. Parfois six personnes (deux parents, quatre grands-parents)
projettent toutes leurs attentes et leurs espoirs plus ou moins conscients sur
l'enfant, seul à assurer la continuité familiale, la « lignée » qui, sinon,
s'éteindrait définitivement. Dans ces conditions, il est assez difficile pour
les enfants de se construire en tant que sujet indépendant. En général surprotégés, ils ne sont plus jamais livrés à eux-mêmes que ce soit dehors ou
même en famille. Les adultes ont tendance à les décharger de toute tâche,
formant finalement des enfants incapables de se « débrouiller » seuls.
L'avantage, c'est que les familles s'en occupent beaucoup, le désavantage c'est
que leurs capacités d'indépendance ne sont pas très bonnes. (ZLJ 24 ans, professeur de musique en primaire, lui-même enfant unique)
Les parents délèguent leur pouvoir de transmission à l'école dans
l'espoir que leurs enfants réussiront leur vie. La «pression» yali JEE^J
scolaire ne cesse d'augmenter ; elle est aussi parfois mise en avant comme
330
Le fardeau des petits
empereurs
raison pour ne plus laisser sortir les enfants : ils n'ont de toute façon plus le
temps de sortir s'amuser, car ils ont bien trop de devoirs à faire à la maison.
Notre fils est en troisième année de lycée, il n'a pas le temps de sortir s'amuser,
si je lui laisse du temps, il ne sort pas non plus (...) Les enfants sont fatigués,
leur vie est bien plus épuisante que la mienne. Quand j'étais petit, je vivais auprès de mes parents de manière très détendue et joyeuse. (...) J'étais heureux et
gai, mais je suis aussi allé à l'université, j'ai aussi des connaissances. Je trouve
qu'aujourd'hui, ils vivent de manière trop fatigante. (...) Les hommes se bousculent vers le haut, tout le monde se presse anxieusement. À mon époque, ce n'était
pas aussi stressant. Quand je suis entré à l'université, je n'avais pas réfléchi à y
aller, il n'y avait pas ce type de mentalité, ni aucune pression. Nous vivions de
manière très libre, maintenant ils ont vraiment beaucoup de pression. (BS, 43 ans,
déjà cité)
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Nous étions plus détendus que les enfants d'aujourd'hui, nous avions beaucoup
plus d'activités en dehors de l'école, nous avions aussi une pratique de la société
plus grande, je jouais du erhu (violon chinois). (ZLJ, 24 ans, déjà cité)
Beaucoup d'enfants des grandes villes chinoises d'aujourd'hui n'ont
plus la possibilité d'être confrontés à la société et à la multitude de savoirs
et d'activités qu'elle propose. Ils n'ont même plus le temps de jouer et
donc de former leur individualité. S'ils ne veulent pas décevoir les attentes
familiales, il n'existe pour eux que le savoir scolaire, ces milliers de caractères à intérioriser qui deviennent l'expression d'une culture unique que
possèdent tous ces « enfants uniques » eux-mêmes... Or, paradoxalement,
les connaissances scolaires dont on attend la réussite et vers lesquelles sont
poussés tous les enfants, sont jugées par trop abondantes, inutiles, voire
331
Notes de recherche
même dangereuses. La petite phrase « il (elle) a étudié à en devenir bête ! »,
ta xue sha le ! fÉ^'UlT, revient constamment dans les discours pour qualifier les lycéens ou les étudiants. Leur « bêtise », sha, leur « immaturité »,
bu chengshu ^ J ^ ^ , ou tout simplement le fait qu' « ils ne sachent rien
(faire) », shenme dou bu hui f"h2\ffi5^:ê. e s t stigmatisé. D'une part, le
temps consacré à une étude passive de la culture dispensée par les manuels
scolaires, jugée pléthorique et dépassée, interdit de s'intéresser aux autres
types de savoirs ; à cela s'ajoute la prise en charge familiale, ce qui a pour
résultat de façonner des êtres inadaptés à vivre dans une société nouvelle
dont ils ne maîtrisent pas les codes. Le système des campus universitaires
aggrave la situation pour ceux qui ont la chance d'y entrer, car les étudiants
y vivent alors en milieu clos 16, éloigné de la société réelle. Les étudiants
eux-mêmes, tout autant que les personnes qui ne l'ont jamais été et ne le
seront jamais, partagent en général ce point de vue.
Certains enfants uniques, au grand désespoir de leurs parents, renoncent ou se rebellent parfois contre la culture scolaire. Ils sont alors confrontés un peu plus jeunes que leurs camarades à la société et à ses lois. Certains arrivent à trouver ou à créer un espace pour exprimer leur individualité, mais lorsqu'on les interroge sur ce qu'ils en ont appris, beaucoup, mal
préparés à l'affronter, évoquent l'argent.
Dehors, dans la société ? Le plus important ça doit être l'argent, (en réponse à
une question sur ce qu'il a appris de plus important) (YD, 20 ans, propriétaire
d'un magasin de vêtements)
Désormais l'argent remplace ou domine ce qu'était le savoir social
dans sa complexité.
La grande majorité des étudiants chinois vivent ensemble sur le campus où ils étudient, même ceux qui habitent dans la même ville, car les quartiers des universités sont
en général éloignés des centres villes. Mais il s'agit aussi pour les étudiants de l'une
des rares phases de leur vie durant laquelle ils peuvent vivre à l'écart de leur famille.
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Le fardeau des petits empereurs
Les enfants vivent donc actuellement entre une famille en voie de
déstructuration, qui les surprotège et nourrit de grands espoirs quant à leur
future réussite économique, et l'école qui leur transmet un savoir culturel
dont on attend beaucoup tout en le dénigrant. Le fardeau fudan J75ÎS porté
par ces enfants uniques est extrêmement lourd : alors qu'on les qualifie de
« petits empereurs égoïstes », ils concentrent sur leur seule personne les
aspirations des différents membres de leur famille. Leur bagage de
connaissances scolaires est certes bien supérieur à celui de leurs parents,
mais il se trouve souvent dépassé par l'évolution extrêmement rapide de la
société et par une ignorance trop grande de la réalité sociologique : de
moins en moins confrontés à la société et à d'autres formes de savoirs, ces
enfants n'ont plus le temps d'apprendre à savoir correctement s'y comporter, et n'ont aucun moyen de se construire en tant qu'individu indépendant.
Finalement, ils manquent cruellement de cette « capacité à se débrouiller »,
huodong nengli fêUlttïfj, capacité à vivre et à s'adapter dans une société
en mutation permanente.
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