Federico García LORCA
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Federico García LORCA
FACEEF EXPOSITION Chronologie 1898 : Naissance de Federico Garcia Lorca, le 5 juin, à Fuente Vaqueros (Grenade) 1908 : Antonio Rodríguez Espinosa devient son premier maître. Il étudie ma musique 1909 : Etudes secondaires à Grenade 1914 : Etudes de philosophie, de lettres et de droit à Grenade 1915 : Cours de guitare et de piano à Grenade 1917 : Il publie un travail littérraire sur Zorilla. Rencontre Manuel de Falla qui aura une grande influence sur lui 1918 : Publication de son premier livre « Impressions et paysages » 1919 : Il écrit « Le maléfice du papillon » 1921 : Publication de son premier livre de poèmes 1923 : Mise en scène de sa pièce pour guignol 1924 : Il se lie d’amitié avec le peintre Gregorio Prieto et avec Rafael Alberti 1925 : Amitié avec Salvador et Ana Maria Dalí 1926 : Première version de la « Savatière prodigieuse » 1927 : Publication de son livre de « chansons ». Première exposition de ses dessins à Barcelone 1928 : Publication du « Romancero Gitano » 1929 : Voyage à New York 1930 : Il écrit des chansons pour l’Argentinita. Voyage à Cuba 1931 : Publication du poème du « Cante Jondo » 1932 : Organise une tournée pour diffuser le théâtre du Siècle d’Or 1933 : Voyage en république d’Argentine. Il finit « Noces de Sang » 1934 : Mort d’Ignacio Sánchez Mejías : il écrit « Llanto por Ignacio Sánchez Mejías » 1935 : Grande Première de « Doña Rosita la soltera » à Barcelone 1936 : Il finit « La Maison de Bernarda Alba » Il est fusillé à Viznar, le 19 août GROUPE DU 27 LES PREMIERES CHANSONS Federico García Lorca fait partie des écrivains connus sous la « Génération du 1927 ». Les spécialistes et les critiques n’aiment pas beaucoup le terme de « génération », car ils préfèrent étudier chaque auteur séparément. Cependant ils font exception lorsqu’il s’agit des auteurs de cette période, car il semble bien que des écrivains et des artistes ont eu conscience d’appartenir à un groupe cohérent. En effet, on les retrouve ensemble : Dans sa ballade « Les trois fleuves », qui fait partie de ses poésies recueillis, dans « Poème du Cante Jondo » Lorca met en opposition Séville et Grenade, avec à la fois une grande fermeté et légèreté. Cependant, il n’y a pas dans celles-ci, la profondeur que l’on découvrira dans ses futures créations. • Dans l’organisation d’actes, comme celui fait en commémoration du tricentenaire de la mort de Góngora, en 1927. • Dans la celèbre Résidence d’étudiants, à Madrid, où ils ont organisé des conférences, des réunions, des expositions, etc. • Dans le conseil de rédaction de mêmes revues, telles que « Occidente » et « la Gazeta Literaria » • Dans l’anthologie faite par Gerardo Diego, en 1931, où il recueille, au moins une contribution de chaque membre du groupe. Dans son poème « La Guitare », le poète fournit un grand effort de concentration, qui révèle sa profonde sensibilité. De chaque partie des on corps se distille une grande mélancolie et tristesse, qui se manifeste abruptement dans sa composition, « Coeur blessé par cinq épées ». CHANSON DU CAVALIER Le livre de chansons, qui contient quelques poèmes et des chansons de la même période, que celles rassemblées dans son recueil, le Cante Jondo, Lorca annonce déjà,, les qualités de son livre de romances, pour le dynamisme, la vivacité, et la densité de créations qui sont contenues dans cet ensemble. Thématique En ce qui concerne la thématique, on retrouve à la fois chez ces auteurs tout ce qu’il peut y avoir de plus recherché et de plus populaire, de plus féerique et de plus humain, de plus select et de plus commun, de plus espagnol et de plus universel. Modernité et tradition se rencontrent, sans pour autant s’affronter. C’est la coexistence parfaite entre différents styles, conceptions, etc. On ne s’étonnera pas que ces écrivains continuent à occuper, de nos jours une des premières places dans l’histoire de la littérature espagnole. Sources d’inspiration - Les écrivains du Siècle d’Or, et, en particulier, Góngora - Le romancero et les chansons traditionnelles - l’Espagne et le monde de leur époque INITIATION POETIQUE Les premières poésies de Federico García Lorca ont reçu les influences de Juan Ramón Jiménez et du Modernisme. C’est le cas des « Poèmes et ballades » C’est le cas des « Poèmes et ballades ». Cependant on aperçoit déja dans ces débuts les extraordinaires capacités du poète. Parmi ses meilleures créations de cette époque, on peut signaler « Ballade d’un jour de juillet ». Dans la chanson du cavalier, Lorca reprend le thème du brigand tragique, une sorte d’interprétation également dramatique de ce qui est son Andalousie. Elle débute dans un climat de mystère : « Au milieu de la lune noire des brigands, les éperons sont en train de chanter ». L’annonce de la mort du brigand qui s’en fuit ne dilue pas le mystère. Bien au contraire, il le fait encore plus dense, car il ne s’agit plus de sa mort, mais de savoir pour quelle raison il a été tué. C’est l’éternelle question que le poète se pose. BALLADE D’UN JOUR DE JUILLET Porte la fleur d’orange, porte l’olive, Andalousie, à tes mers. - Tu cherches donc l’amour, Veuve infidèle? Je souhaite pour toi Que tu le trouves. Hélas, amour qui s’en fut et ne vint! - Les étoiles du ciel Sont mes désirs. Où trouver mon amour Qui vit et meurt? Sous la lune noire des pillards de route tes éperons sonnent... - Il repose dans l’eau; Fille de neige, Couvert de nostalgies Et d’oeillets blancs. - Ah, chevalier errant Par les cyprès, C’est une nuit de lune Que je te donne. PETITE BALLADE DES TROIS RIVIERES CHANSON DU CAVALIER Petit cheval noir où emportes-tu ton cavalier mort? ... Tes durs éperons, brigand inmobile qui perdis les brides. Petit cheval froid quel est ce parfum de fleur de couteau? Sous la lune noire un cri! et la corne d’un feu de montagne. Le fleuve Guadalquivir va parmi oranges et olives. Les deux rivières de Grenade descendent de la neige au blé. Petit cheval noir où emportes-tu ton cavalier mort? Hélas, amour qui s’en fut et ne vint! Commence le pleur de la guitare. De la prime aube les coupes se brisent. Commence le pleur de la guitare. Il est inutile. de la faire taire. Il est impossible de la faire taire. C’est un pleur monotone, comme le pleur de l’eau, comme le pleur du vent sur la neige tombée. Il est impossible de la faire taire. Elle pleure sur des choses lointaines. Sable du sud brûlant qui veut de blancs camélias. Elle pleure la flèche sans but, le soir sans lendemain, et le premier oiseau mort sur la branche. O guitare! O coeur à mort blessé par cinq épées. Le fleuve Guadalquivir a la barbe grenat. Des rivières de Grenade, l’une pleure et l’autre saigne. Hélas, amour qui s’en fut et ne vint! Pour les bateaux à voles Séville a un chemin; mais dans l’eau de Grenade rament seuls les soupirs. Hélas, amour qui s’en fut et ne vint! Guadalquivir, haute tour et vent dans les orangers. Darro et Genil, tourelles mortes sur les étangs. Hélas, amour qui s’en fut et ne vint! Qui dira que l’eau emporte un feu follet de cris! Hélas, amour qui s’en fut et ne vint! LA GUITARE ROMANCE DE LA GARDE CIVILE ESPAGNOLE Ils montent de noirs chevaux dont les ferrures sont noires. Des taches d’encre et de cire luisent le long de leurs capes. S’ils ne pleurent, c’est qu’ils ont du plomb au lieu de cervelle et une âme en cuir vernis. Par la chaussée ils s’en viennent. Groupe bossu et nocturne, sur leur passage ils font naître d’obscurs silences de gomme et des peurs de sable fin. Ils vont par où bon leur semble, cachant au creux de leur tête une vague astronomie de pistolets irréels. O ville des gitans! Aux coins de rues, des bannières. Voici la Garde Civile. Éteins tes vertes lumières. O ville des gitans! Qui jamais peut t’oublier? Laissez-la loin de la mer avec ses cheveux sans peigne. Les gitans se réfugient au portail de Bethléem. Saint Joseph, couvert de plaies, enterre une jouvencelle. Des fusils perçants résonnent, toute la nuit, obstinés. La Vierge guérit les enfants de salive d’étoiles. Pourtant la Garde Civile avance en semant des flammes dans lesquelles, jeune et nue, l’imagination s’embrase. Rosa, fille des Camborios, gémit, assise à sa porte, devant ses deux seins coupés et posés sur un plateau. O ville des gitans! Comment perdre ta mémoire? Qu’on te cherche dans mon front. Jeu de lune, jeu de sable. ROMANCE DE LA LUNE, LUNE La lune vint à la forge avec ses volants de nards. L’enfant, les yeux grands ouverts, la regarde la regarde. Dans la brise qui s’émeut la lune bouge les bras, dévoilant, lascive et pure, ses seins blancs de dur métal. Va-t’en lune, lune, lune. Si les gitans arrivaient, ils feraient avec ton coeur bagues blanches et colliers. Enfant, laisse-moi danser. Quand viendront les cavaliers, ils te verront sur l’enclume étendu, les yeux fermés. Comme chante sur son arbre, comme chante la chouette! Dans le ciel marche la lune tenant l’enfant par la main. Autour de l’enclume pleurent les gitans désespérés. La brise qui veille, veille, la brise fait la veillée. PRISE D’ANTOÑITO EL CAMBORIO SUR LA ROUTE DE SEVILLE ma maison n’est plus la mienne. Ami, je voudrais mourir Antonio Torres Heredia, fils et neveu des Camborios, badine d’osier en main, va vers Séville, aux taureaux. Le teint brun de verte lune, il avance, grave et beau. Ses cheveux lustrés en boucles reluisent entre ses yeux. dans un lit, tranquilement, sur un bon sommier d’acier, entre des draps de Hollande. Vois-tu cette plaie qui s’ouvre de ma poitrine à ma gorge? A mi chemin, il s’arrête pour couper les citrons clairs qu’il lance à foison dans l’eau, à la rendre toute d’or. Et c’est à mi-chemin, sous le feuillage d’un orme, que les gendarmes des routes l’entraînent vers la prison. Antonio Torres Heredia, fils et neveu des Camborios, sans sa badine d’osier, marche entre les cinq tricornes. Antonio, qui donc es-tu? Si tu t’appelais Camborio, tu aurais fait une source de sang, avec cinq ruisseaux. Tu n’es le fils de personne, ni véritable Camborio. Et à neuf heures du soir on verrouilla le cachot. Tel la croupe d’u poulain le soir reluisait encore. ROMANCE SOMNAMBULE Vert c’est toi que j’aime vert, vert du vent et vert des branches, le cheval dans la montagne et la barque sur la mer. L’ombre à la taille, elle rêve, penchée à sa balustrade, vert visage, cheveux verts, prunelles de froid métal, vert c’est toi que j’aime vert, et sous la lune gitane tous les objetes la regardent, elle qui ne peut les voir. Ami, veux-tu me donner ta maison pour mon cheval, ton miroir pour mon harnais, ton manteau pour mon poignard? Je reviens ensanglanté depuis les cols de Cabra. Mon garçon, si je pouvais, j’accepterais ton marché. Mais je ne suis plus moi-même, Au miroir de la citerne se balançait la gitane, vert visage, cheveux verts, prunelles de froid métal. Un mince glaçon de lune la soutient à la surface. La nuit se fit plus intime comme une petite place. Ivres, des gardes civils cognaient aux portes, là-bas... Vert c’est toi que j’aime vert, vert du vent et vert des branches, le cheval dans la montagne et la barque sur la mer. LA BLESSURE ET LA MORT A cinq heures de l’après-midi. Il était juste cinqu heures de l’après-midi. Un enfant apporta le drap blanc à cinq heures de l’après-midi. Une couffe de chaux toute prête à cinq heures de l’après-midi. Le reste était mort et rien que mort à cinq heures de l’après-midi. Le vent emporta les cotons à cinq heures de l’après-midi. Et l’oxyde sema cristal et nickel à cinq heures de l’après-midi. Luttent la colombe et le léopard à cinq heures de l’après-midi. Une cuisse avec une corne désolée à cinq heures de l’après-midi. Le bourdon se mit à sonner à cinq heures de l’après-midi. Cloches d’arsenic et fumée à cinq heures de l’après-midi. Au coin des rues, groupes de silence à cinq heures de l’après-midi. Quand vint la sueur de neige à cinq heures de l’après-midi. quand la plaza se couvrit d’iode à cinq heures de l’après-midi. la mort mit des oeufs à cinq heures de l’après-midi. A cinq heures de l’après-midi. A cinq heures de l’après-midi. Un cercueil sur roues sert de lit à cinq heures de l’après-midi. Ossements et flûtes sonnent à son oreille à cinq heures de l’après-midi. Déjà dans son front mugissait le taureau de qui la barbe touche à la mer. à cinq heures de l’après-midi. La chambre s’irisait d’agonie à cinq heures de l’après-midi. Au loin vient la gangrène à cinq heures de l’après-midi. Trompe d’iris dans l’aine verte à cinq heures de l’après-midi. Les plaies brûlaient comme des soleils à cinq heures de l’après-midi. et la foule brisait les fenêtres à cinq heures de l’après-midi. A cinq heures de l’après-midi. Ah! terribles cinq heures de l’après-midi! Il était cinq heures à toutes les horloges! Il était cinq heures de l’après-midi. Dis à la lune de venir. Je ne veux pas voir le sang d’Ignacio sur le sable. LE ROI DE HARLEM Qui donc me crie de me pencher! Ne me dites pas de le voir! Avec une cuillère il arrachait les yeux des crocodiles et battait le derrière des singes. Avec une cuillère. Un feu de toujours dormait dans le silex et les scarabées ivres d’anisette oubliaient la mousse des villages. Ce vieillard couvert de champignons allait à l’endroit où pleuraient les Noirs, tandis que crissait la cuillère du roi et qu’arrivaient les réservoirs d’eau pourrie. Il faut traverser les ponts et arriver à la rougeur nègre pour que le parfum de poumon nous frappe les tempes avec son vêtement de chaud ananas. Oh! Harlem! Harlem! Harlem! Nulle angoisse comparable à tes yeux opprimés, à ton sang qui frémit dans l’obscure éclipse, à ta violence grenat sourde-muette dans la pénombre, à ton grand roi prisonnier, en costume de concierge. Cette nuit-là le roi de Harlem avec une très dure cuillère arrachait les yeux des crocodiles et battait le derrière des singes. Avec une cuillère. Oh! Harlem, déguisée! Oh! Harlem, menacée par une foule de costumes sans têtes! Ta rumeur m’arrive, ta rumeur m’arrive à traves troncs et ascenseurs, à travers des gravures grises où flottent tes automobiles couvertes de dents, à travers les chevaux morts et les crimes minuscules, à travers ton grand roi désespéré LE SANG REPANDU Je ne veux pas le voir! Je ne veux pas le voir! La lune grande ouverte. Cheval de nuages calmes, et grise plaza du songe avec des saules aux barrières. Je ne veux pas le voir! Mon souvenir se brûle. Prévenez les jasmins à la blancheur petite! Je ne veux pas le voir! Il ne ferma point les yeux quand il vit tout près les cornes, mais les mères terribles relevèrent la tête. Grand torero dans la plaza! Bon montagnard à la montagne! Si doux avec les épis! Si dur avec les éperons! Si tendre avec la rosée! Eblouissant à la Feria! Si terrible avec les dernières banderilles de ténèbres! Oh, mur blanc de l’Espagne! Oh, noir taureau de douleur! Oh, sang dur d’Ignacio! Oh, rossignol de ses veines! Non. Je ne veux pas le voir! Il n’est pas de calice qui le contienne, pas d’hirondelles qui le boivent, ni givre de lumière qui le refroidisse, ni chant ni déluge de lis, ni cristal qui le couvre d’argent. Non. Je ne veux pas le voir! LE ROMANCERO GITANO Le Romancero est la meilleure réussite de Lorca, où se manifeste ses grandes facultés pour faire de la poésie, tout en recréant une Andalousie mythique et polyvalente, avec des matériaux très simples. Lorca déploie une grande richesse métaphorique pour pénétrer dans les univers les plus sombres. Lorsqu’il décide de revenir aux arènes, après les avoir quittées durant quelques années, il vint de célébrer son 43ème anniversaire. Son agilité devant le taureau n’est plus la même qu’auparavant. Certains de ses amis essayèrent de le dissuader, mais il ne les écouta pas.Lorsque Lorca apprit la nouvelle, il déclara : « C’est sa mort que l’on vient de m’annoncer ». VOYAGE A NEW YORK Lorca fait référence à la portée andalouse du livre, en soulignant que les gitans, qui constituent une thématique importante de ces romances, sont les meilleurs dépositaires de la tradition andalouse. Selon Lorca, »Le livre, même s’il porte dans le titre le mot gitan, c’est le poème de toute l’Andalousie, et je l’appelle gitan, car les gitans incarnent le meilleur, le plus profond, le plus aristocratique de mon pays, le plus représentatif de la forme d’être de leurs habitants. Ce sont eux les gardiens de la chaleur, du sang, de l’alphabet et de la vérité andalouse et universelle ». ce n’est pas un livre sur les gitans, dit Lorca, à ceux qui le prétendent. Également, ajout-il, « Je suis très en colère contre ceux qui font de moi un mythe gitan. Ils confondent ma vie et mon caractère. Je ne veux pas cela. Les gitans ne sont pour moi qu’un thème, et rein que cela. On pourrait dire aussi que je suis un poète des aiguilles à coudre ou des paysages hydrauliques. En outre, ce caractère gitan que l’on m’attribue me fait passer pour quelqu’un qui n’a ni culture, ni éducation. On pourrait croire ainsi que je suis un poète sauvage, et, il faut le savoir, je ne le suis pas ». ROMANCE SONAMBULE On range ce romance parmi ses créations, dont l’interprétation est difficile. Cependant, c’est un des romances, qui laisse transparaître le mieux les grandes qualités du poète, dans les domaines les plus divers, comme, dans la peinture. IGNACIO SANCHEZ MEJIAS Ignacio Sánchez Mejías n’était à priori pas un très grand virtuose du « toreo », mais il était sans doute un des personnages les plus connus du monde de la tauromachie. Possesseur d’une grande fortune, il décida d’abandonner les arènes pour d’autres activités. Profond amateur de la littérature, il était en rapport avec les plus grandes personnalités littéraires de son temps, à commencer par Rafael Alberti. Ce fut Ignacio qui subventionna le premier récital poétique du groupe du 27. L’écrivain Sévillan Roméro Murube a dit de lui « Lorsqu’on connaissait Ignacio, de manière plus approfondie, on s’intéressait à sa personne pour d’autres raisons que les taureaux. Lorca développera le thème principal de son oeuvre pendant son séjour à New York dans les années 1929 et 1930. Il s’agit peut-être de la période la plus féconde de sa vie. Ce fut dans cette ville où il allait découvrir ce qui représente le pouvoir de l’argent et les injustices, le manque d’humanisme. C’est cette réalité qui se reflète dans son recueil, « Un poète à New York ». New York était l’opposé de son Andalousie ; l’indifférence et la froideur la plus totale face à la chaleur de sa terre. C’était impossible pour lui de s’y acclimater. Sa grande sensibilité ne pouvait pas souffrir les injustices, dont les noirs étaient les victimes. C’est à eux que Lorca consacrera l’une de ses plus grandes créations : « Je voulais faire un poème sur la race noire des Amériques, et souligner la douleur des noirs face à un monde qui leur était hostile. POETE A NEW YORK New York avait produit chez Lorca une profonde émotion, qu’il définira en deux mots « Géométrie et angoisse ». Il a pu voir là-bas les plus grandes manifestations du pouvoir de l’argent, mais il a aussi été le témoin des plus graves injustices sociales. Toute l’oeuvre de cette époque est remplie d’une considérable connotation sociale (expression employé par Lorca lui-même). Ses poèmes sont des cris de douleur et de protestation. Maintenant, l’angoisse et la frustration vont au-delà du poète : son coeur blessé à rejoint des millions de coeurs également blessés. DESSINS THEATRE Lorca utilise tous les moyens pour manifester son extraordinaire personnalité artistique. Très jeune il se consacre à la musique. Mais il écrit aussi dès son enfance, en prose et en vers, et ne néglige pas les arts plastiques, surtout les dessins. Les pièces de théâtre de Lorca et de Valle-Inclán sont parmi les plus importantes qui se soient écrit en langue espagnole, depuis le début de ce siècle. Il s’agit d’un théâtre poétique, qui est axé autour des symboles vitaux de l’être humain ; comme le sang, le couteau et la rose. Il se déroule dans des espaces mythiques, ou d’un réalisme transcendant. Lorca aborde tous les problèmes essentiels de l’existence dans ses oeuvres dramatiques. Il réalisa une exposition de dessins à Grenade en 1925. Mais ce fut, un événement qui ne sortit pas du cadre familial. C’est en 1927, qu’il organisa sa première exposition, chez Dalmau, à Barcelone, la salle où exposait l’avant-garde catalane. En 1927, Dali avait fait une analyse assez singulière de ses travaux : « Le système poétique des dessins de Lorca tendent vers une immatérialité organique. Ils sont accompagnés de la plus fine calligraphie physiologique. Lorca, qui est un vrai andalou, a un sens très ancien des relations entre les couleurs et l’architecture. Il se base sur une asymétrie non contrôlée et harmonique, des éléments que l’on retrouve dans la plus pure plasticité de l’orient ». Musique, scénographie et chorégraphie s’y entremêlent dans une synthèse parfaite. Le langage est débordant de poèsie et de connotations mythiques. Aussi bien Lorca que Valle-Inclán rejettent le naturalisme de type « colloquial ». Lorca a été très influencé par le drame moderniste (il introduit, en effet, le genre poétique dans ses créations dramatiques) mais il s’inspire aussi du théâtre de Lope de Vega (utilisation stratégique de la chanson populaire) de celui de Calderón de la Barca (démesure tragique de ses allégories) et du guignol. L’instinctif et le culturel, l’individuel et le collectif, l’imaginaire et le réel, l’autorité et la liberté, apparaissent toujours entremêlés dans ses drames. Lorca manie de manière étonnante la combinaison de la poésie et de la prose dans ses créations dramatiques. Mais, plus il écrit, plus il reserve la poésie pour mettre en valeur certaines situations, et en particulier, celles où il veut communiquer une plus haute intensité. Pour Lorca, le théâtre est un moyen d’aborder les problèmes collectifs, mais en acordant aussi une place aux soucis personnels. Il se définit comme « un partisan actif du théâtre d’action sociale ». pour Lorca « le poète doit s’ouvrir les veines pour les autres... », « L’artiste doit rire et pleurer avec son peuple ». génialités lyriques. On peut distinguer quatre modèles d’oeuvres dramatiques chez Lorca : les farces, les comédies (qui selon l’auteur, ne peuvent être représentées) les tragédies et les drames. En ce qui concerne les farces qu’il à écrites entre 1921 et 1928, il convient d’établir une distinction entre les pièces faites pour le guignol, telle que « La tragicomédie de Don Cristobal » et « Retablillo de Don Cristobal » (1931) et ses pièces les plus classiques. Dans la « Zapatera prodigiosa » Lorca nous montre des atmosphères de son Andalousie, et les conflits qui éclatent entre l’univers imaginaire et la réalité. Cervantes en avait fait de même. « Amor de Don Pelimplín con Belisa en su jardin »est un rituel d’initiation à l’amour. Cette piéce annonce les drames de sannées 1930 et 1931, et en particulier, « El público » et « Así que pasen cinco años ». On considère ces deux oeuvres comme les plus hermétiques de Lorca. Il évoque les rapports qui existent entre le théâtre, la révolution et l’homoséxualité. Il fait également des exploration autour de la personne humaine et se pose beaucoup de questions sur le sens de l’existence. Coscient du succés dont jouissaient les drames ruraux poétiques, Lorca écrira ensuite les tragédies intitulées « Bodas de sangre » (1933) et « Yerma » (1934). Ce sont deux oeuvres étonnantes où le mythe, poésie et réalité s’entremêlent. « Doña Rosita la soltera » (1931) et « La Casa de Bernarda Alba », (1936), sont centrés sur les sentiments amoureux et sur les conditions pénibles que connaissent les femmes surtout dans les campagnes. Il en profite pour dénoncer une société, qui voudrait maintenir les femmes sous la férule des hommes. Mais lorsqu’il s’agit de dénoncer l’autoritarisme chez les femmes, il ne s’en prive pas, comme il le fait si brillamment dans la « Casa de Bernarda Alba ». MARIANA PINEDA On a découvert un lien trè sétroit entre Mariana Pineda et le drame moderniste. Mais Lorca donne toujours une tonalité originale à ses créations. C’est ainsi que Lorca n’a pas suivi le schéma épique ou politique des romantiques, lorsqu’il présente le personnage de Mariana Pineda. Lorca fait de Mariana une héroïne par amour, comme il le souligne dans une lettre adressée à Fernández Almagro. C’est par amour que Mariana Pineda se rallie à la cause de la liberté. Il s’agit d’un personnage typiquement « Lorquiano ». C’est une femme passionnelle jusqu’au fond de son être. Elle est obsédée par l’amour, un cas unique d’amour andalou dans un milieu politique. Beaucoup de ses contemporains n’avaient pas compris le sens de son écrit. Il s’agit d’une oeuvre éclectique, pleine de (Extrait de l’oeuvre) Mariana, radieuse. Ma victoire, c’est de t’avoir près de moi, de regarder tes yeux quand tu ne me regardes pas. Quand je suis avec toi, j’oublie ce que je sens et j’aime tout le monde. Même le roi, même Pedrosa. Le méchant et le bon. Pedro, les amoureux sont en dehors du temps. Il n’y a plus ni jour, ni nuit, mais nous deux seulement. Pedro, la prenant dans ses bras. Mariana, tes bras autour de mon corps épuisé sont comme deux chastes rivières de silence. Mariana, le tenant par la tête. Maintenant, je peux te perdre, je peux perdre ta vie. Comme la femme d’un fol navigateur qui voguerait toujours sur une vieille barque, j’appréhende la mer sans fond, sans houle, obscure, j’attends confusément qu’on te ramène à moi noyé. LA MAISON DE BERNARDA ALBA La Maison de Bernalda Alba se dresse au sein de la bourgeoisie aisée, urbaine ou rurale. Le thème s’inspire, selon Lorca, de l’absurdité de devoir se soumettre aux traditions et coutumes qui se heurtent contre le besoin de l’être humain de vivre pleinement libre. Le respect des traditions a des effets néfastes pour les femmes, qui sont condamnées à la soumission face au mâle et à la répression de leurs instincts en dehors du mariage. Toute tentative, de vouloir rompre ses chaînes, finit toujours tragiquement, comme la fin que connaît Adela, et dont la mort ne change pas le destin de ses autres soeurs. (Extrait de l'acte II) Dans un hameau andalou, la despote Bernarda Alba, à la mort de son mari, impose En un pueblo andaluz, la despótica Bernarda Alba, a la muerte de su marido, impone a sus cinco hijas el más riguroso luto, un verdadero encierro, en nombre de la más estricta moral tradicional y de las convenciones de casta. En un ambiente sofocante, irá creciendo la tensión entre madre e hijas, y entre ellas mismas. Sólo la mayor, Angustias, está prometida; pero su novio, Pepe el Romano, está enamorado de la hija más joven, la hermosa, apasionada y rebelde Adela. El conflicto acabará trágicamente. (on entend des clochettes lointaines, comme à travers plusieurs murs) ( Extrait du texte) MAGDALENA.- Ce sont les hommes qui vont au travail. Alors, vous l’accueilleriez bien? LA PONCIA.- Trois heures viennent de sonner. MARTIRIO.- Avec ce soleil! ADELA.- (s'asseyant) Oh, si je pouvais sortir aux champs, moi aussi! Savetière Comme s’il était le roi et la reine tout ensemble. Savetier, trembland. Et si, par hasard,il arrivait à l’instant? Savetière J’en deviendrais folle de joie! MAGDALENA.- (s'asseyant) chacun sa place! MARTIRIO.- (s'asseyant) C'est ainsi! AMELIA.- (s'asseyant) Hélas! LA PONCIA.- Il n'y a rien d'aussi gai que les champs, à cette époque. Hier matin, les moissonneurs sont arrivés. Une cinquantaine de beaux gaillards. MAGDALENA.- D'où viennent-ils, cette année? LA PONCIA.- De très loin. Des montagnes. Joyeux! Brillants comme des arbres grillés de soleil! Et ils criaient, et ils lançaient des pierres! Hier soir, une femme est arrivée au village, tout habillée de paillettes; elle dansait à l'accordéon et quinze d'entre eux l'ont louée pour l'emmener aux oliviers. Je les ai vus de loin. celui qui la louait était un garçon aux yeux verts, dru comme une gerbe de blé. Savetier Vous lui pardonneriez sa folie? Savetière Il y a belle lurette que je lui ai pardonné! Savetier Voulez-vous qu’il arrive à l’instant même? Savetière Ah, s’il venait! Savetier, criant. Eh bien, le voilà! Savetière Qu’est-ce que vous dites? Savetier, arrachant ses lunettes et son déguisement. Je n’y tiens plus! ma savetière bien-aimée! AMELIA.- Vraiment? ADELA.- Est-ce possible! LA PONCIA.- Il y a quelques années, une de ces femmes est venue et moi-même j'ai donné de l'argent à mon fils aîné pour qu'il y aille. Les hommes ont besoin de ça. ADELA.- On leur pardonne tout. AMELIA.- Naître femme est le pire des châtiments. MAGDALENA.- Nous, rien ne nous appartient, pas même nos yeux. LA SAVETIERE PRODIGIEUSE « La Savetière prodigieuse est une farce très simple, sans tonalité classique » « J’ai voulu exprimer dans ma savetière, tout en respectant les limites de la farce et sans me servir des éléments poétiques qui étaient à ma portée, la lutte entre le réalité et l’imaginaire (dans le sens d’irréalisable) et qu’il existe dans tous les être humains ». La Savetière est comme folle, les deux bras écartés du corps. Le Savetier l’embrasse et elle le regarde fixement au milieu de son bouleversement. Dehors, on entend clairement la rumeur des chansons. Savetière, se ressaisissant. Bandit, fripouille, vaurien, canaille! Tu entends? Tout ça par ta faute! Elle renverse les chaises. Savetier, très ému. Il se dirige vers son établi. Ma femme chérie! Savetière Vagabond! Ah, comme je me réjouis que tu sois revenu! Quelle vie je vais te faire!... L’Inquisition, les Templiers de Rome... pire encore! NOCES DE SANG Le thème de ce drame est celui de la jalousie, sur un fond de mariage. Noce de sang est considéré comme un exemple d’intégration parfaite des différents éléments du langage théâtrale : la musique, le pantomime, le langage gestuel, la plastique, la prose et le vers. (Extrait de l’oeuvre) La femme de Léonard Ils se sont enfuis! Elle, et Léonard! A cheval! Serrés l’un contre l’autre! Soufflant la même haleine! Le père Ce n’est pas vrai! Pas ma fille! Non! La mère Ta fille, oui! Fruit de mauvaise mère! Et lui aussi, lui! Mais elle est déjà la femme de mon fils! Le fiancé, entrant Poursuivons-les! Qui a un cheval? La mère Qui a un cheval, tout de suite! Qui a un cheval? Je donnerai tout ce que j’ai, mes yeux, ma langue, pour un cheval! une voix Il y a un cheval La mère, au fiancé. Va! Suis-les! (il sort avec deux garçons) Non! N’y va pas! Ces gens tuent vite et bien... Mais si! Cours! J’irai derrière. YERMA Yerma est l’une des oeuvres de Lorca où apparaît, le plus clairement, la coneption de Lorca sur la psychologie des femmes. Pour lui l’appétit charnel se manifeste aussi fortement chez l’homme, que chez la femme. On voit ceci avec une grande force, aussi bien dans les propos des personnages principaux que dans les secondaires. La tragédie qui résulte de la stérilité se situe beaucoup plus au niveau mythique, que psychologique : « Pour avoir un fils, il a fallu que le ciel et la terre s’unissent » Il est vrai qu’à la fin, il y a une sorte de résignation des personnages. « Tu dois savoir, dit Jean à Yerma, que tout devait se passer comme cela (...) Beaucoup de femmes seraient heureuses de mener la vie que tu mènes. La vie est plus douce lorsqu’on n’a pas d’enfants... » (Extrait de l’oeuvre) Vieille. Lorsque je t’ai vu au bal mon coeur s’enflamma. Les femmes accourent ici pour faire connaissance avec de nouveaux hommes. Le saint patron fait des miracles. Mon fils t’attend, assis derrière la Chapelle. Ma maison a besoin d’une femme. Va le chercher et nous vivrons tous les trois ensemble. Mon fils a du sang dans ses veines, comme moi. Si tu viens chez moi, tu sentiras l’odeur des berceaux. Le drap de ton couvrelit deviendra du pain et du sel pour tes nourrissons. Vas-y! Laisse parler les gens. Et pour ce qui est de ton mari, il y a chez moi du courage et les moyens pour qu’il ne traverse pas la rue. Yerma. «Tais-toi, tais-toi, ce n’est pas cela! Je ne le ferais jamais. Je ne peux pas aller à la recherche d’aucun autre homme. As-tu pu imaginer que je puisse connaître un autre homme? Qu’en fais tu de ma renommée? L’eau ne peut pas revenir en arrière, ni la pleine lune briller à midi. Vas-y! Je continuerai à marcher par le même chemin. As-tu pensé sérieusement que je puisse me plier à un autre homme, ou que j’aille lui demander ce qui m’appartient? Apprends à bien me connaître, pour que tu ne m’adresses plus jamais la parole. Je ne cherche pas.