A_corps_et_Ã _cri_-_M_Demeuldre_2008

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A_corps_et_Ã _cri_-_M_Demeuldre_2008
« A corps & à cri »
ou comment ressentir la culture de l’autre à travers la danse et le chant.
COURT RESUME : La musique et la danse réalisent une véritable « orchestration » sociale
des comportements des individus. Elles ont permis de rendre les travaux agricoles collectifs
moins fastidieux. Mais surtout elles ont formaté des attitudes sociales, des esthétiques et
particulièrement des dispositions vocales et gestuelles. Sartre demandait : à quoi reconnaît on
le garçon de café ? Et de répondre : à user de gestes de garçon de café.
On pourrait aussi se demander à quoi reconnaît- on un curé catholique, un prêcheur
évangéliste, un militant ouvrier socialiste, un musicien Alevi, un homme de la cour du
Mwami, etc… ? Réponse : il y a un style relationnel, une manière de se positionner vis à vis
d’autrui par le corps et par la voix. La danse et le chant sont des stylisations de ces manières
relationnelles. Elles sont régies esthétiquement par un ethos social. Ce qui est beau pour les
uns ne l’est pas pour les autres. Un groupe socio-culturel se caractérise par ses préférences
esthétiques. Son choix esthétique n’est jamais innocent. Par un style chorégraphique et
musical il met en scène d’une part ses expériences et apprentissages physiques (techniques du
corps, habitus socio-professionnels) et d’autre part ses représentations sociales et ses
croyances. Nous essayons donc à la fois de détecter les vécus corporels des éleveurs nomades,
les cultivateurs sédentaires mais aussi de comprendre de l’intérieur différentes esthétiques
religieuses et par exemple comment la sensibilité des prêtres européens a pu marquer celle des
Kinois. Pourquoi des voix claires dans les traditions catholiques et des voix de gorge dans les
traditions chamaniques ? Nous tentons d’analyser les choix musicaux et les stratégies
esthétiques de musiciens de telle ou telle origine comme des positions politiques pour se
démarquer ou affirmer une autre identité que celle qu’un groupe dominant a voulu leur
imposer (voir Miles Davis par ex.). Les jeux de rôle dans les diverses formes culturelles de
théâtres chantés dans le monde sont particulièrement riches en tentatives de « définir la
situation » par le truchement des formes de voix chantées et de gestes dansés
.
EN INTRODUCTION
Quelques mises en scènes musicales et chorégraphiques
- d’une part des vécus ( expériences et apprentissages) corporels et
- d’autre part des représentations, croyances et dispositions relationnelles (ethos)
par la vocalité et la gestualité :
Exemples : timbres de voix et gestes des mains : petite promenade comparative
a)esthétique « angélique »de la clarté, de la pureté et de la sérénité : voix du ciel
-prêtre catholique,
- voix de fausset (negro spiritual, chant orthodoxe des chérubins)
- tenorino (ou ténor de grâce) de Tino Rossi, de Tabu Ley, Papa Wemba,
- esthétiques du Tango Turc, Ghazal Indien, bolero urbain d’Amérique centrale
b) esthétique « corporelle » de la conversion et de l’engagement « corps & âme »
-prêcheur pentecôtiste, chanteurs de Blues, de Gospel, du DJ, animateur radio
- voix de militant d’un parti ouvrier (« foi » marxiste),
c) esthétique « diabolique » de la subversion et du refus
-caïd grec, culture urbaine du rebetiko):danse zeibekiko (Zeibek = aigle en turc )
ex : Vamvakharis
un chanteur grec comme Vamvacharis qui exhibait et cultivait une voix enrouée, abîmée, à ce qui paraît
par le raki et le hachisch, convenait admirablement pour l'
interprétation du répertoire "Rebetiko" qui s'
adressait à
un public masculin s'
identifiant volontiers aux « rebetes » et aux "mangas", c'
est à dire aux caïds qui ont derrière
eux un passé très lourd et à qui la vie n'
a pas fait de cadeau. Mais il est probable qu'
il n'
aurait guère rencontré
beaucoup de succès comme crooner auprès des jeunes filles ou comme diacre à l'
office. On peut donc parler
d’une stratégie esthétique exhibant des indices et exploitant les valeurs locales de virilité, d’expérience de la
vie dans les bas-fonds.
-chanteur contestataire russe (« bardes »urbains, chant de malfrats russes :
ex : Wladimir Vissotski, Mikhaïl krug, Choufoutinski,
a
d) esthétique « des profondeurs », des esprits et des ancêtres : voix de gorge et troupeaux de ruminants
chaman, théâtres asiatiques : dalang du Walang kulit indonésien, bunraku et kabuki
japonais, P’ansori coréen
Enka japonais et Ppontchak coréen
Chant ethiopien en amharique accompagné par la bëgëna
Chants zulu : voix de « grogneurs »
(voir explications pp 11)
LES ESTHETIQUES MUSICALES sont le produit d’un ETHOS SOCIAL
Ainsi nous voyons que le choix d’un type de timbre, d’un style de voix, le jeu
instrumental et les attitudes corporelles correspondent à des styles traditionnels mais ceux-ci
ont un sens et créent un climat propice à des sentiments et à des dispositions relationnelles
inconscientes. Ce « réglage » culturel des sentiments collectifs par un style vocal et musical
constitue ce qu’on appelle un « ethos ».
Les différentes cultures ont des appellations particulières de cet ethos qui
correspondent à des colorations émotionnelles plus ou moins précises : tarab (en arabe),
duende (en espagnol), saudade (portugais), kaïmos (grec), etc. Souvent ces climats
sentimentaux sont doux amers et nostalgiques voire franchement douloureux et ont une
origine littéraire ou religieuse.
Quand un musicien ou un chanteur est apprécié, qu’il exerce un charme, un
« charisme » (capacité d’influencer, d’envoûter grâce à un don, une force d’origine sacrée) sur
son public, c’est souvent qu’il parvient à faire passer cet ethos. Il est intéressant de pouvoir
observer un changement ou l’apparition d’un nouveau style car son succès peut révéler
l’existence d’une réalité sociale significative.
Les nouveaux styles correspondent à des choix de véritable stratégie esthétiques ou en
tout cas à des dispositions relationnelles visant à régler sentimentalement, à « orchestrer »
collectivement une communauté de goût. Nous allons nous concentrer sur 3 aspects
musicaux :1 le corps « mis en musique », 2. le timbre vocal & instrumental, 3. la création
collective
1.Le corps socialisé
et sa « mise en musique » : la danse.
La musique se joue et se danse par des corps en relation les uns avec les autres. Ces
corps sont diversement socialisés (c. à d. qu’ils ont fait l’objet d’un apprentissage). Ainsi la
musique et la danse constituent des cultures incorporées. La danse est fonction de
l’expérience quotidienne du corps. Son style dynamique dépend de ce que l’ethnologue
français Marcel Mauss a appellé les « techniques du corps » propres à une société, on parle
aujourd’hui de « gestes techniques », de la marche, de l’utilisation du corps pour le travail, la
lutte, l’expression sociale, la mise en scène de soi. Un cultivateur sédentaire, un éleveur
nomade et un chasseur ne marchent et ne dansent donc pas de la même façon. Et par
conséquent la musique qui accompagne ces danses diffère également. Rien n’est donc plus
faux que de parler de « La » danse africain. Faire danser ensemble sur un même rythme un
Rwandais et un Congolais n’est déjà pas une chose évidente. Notre problème est que dans
nos sociétés tertiaires mécanisées et informatisées, nous ne pratiquons plus aucune activité
corporelle routinière monotone et rythmée sous forme de gestes techniques comme un tour
de main d’un artisan, un enchaînement et que par conséquent au cours de nos expériences
professionnelles, nous n’avons incorporé dans notre mémoire gestuelle aucun rythme
susceptible de former notre culture motrice pour la danse et la musique. Autrement dit, nous
sommes tentés d’user et d’abuser d’ « énergiseurs » et autres produits dopant là où nos grandmères semblent infatigables.
Exemples au cours de l’exposé : danses de combat : zeibeck de Smyrne (Izmir), Tango et
jeux de couteau, danse de pages royaux du Rwanda (danse des intorés).
1.1.culture motrice :L’exemple
du Tango Uruguayo- Argentin.
Quelles sont les processus qui ont « formaté » le corps des danseurs de Buenos Aires ?
Pour analyser l’évolution d’un style populaire comme le tango, vécu par des acteurs
spéciaux comme une esthétisation de leur relation au monde, il nous faut ainsi prendre en
compte:
1.1.1° Les motricités acquises, les techniques du corps (« taxismes ») dans
lesquelles se formèrent les éleveurs, celles dans lesquelles ils s’aguerrirent au combat au
couteau, mais aussi le répertoire des techniques phonatoire locales (l’accent du terroir) qui, en
réglant le rythme, le débit, la courbe intonationnelle, la pose de la voix par les muscles de la
cavité buco-pharyngienne, les mimiques, postures et gestes paraverbaux, imprègne la
mémoire motrice au moment de s’engager physiquement dans le chant, la danse et donc dans
le jeu musical qui s’y associe et l’entraîne. Musiciens, chanteurs, danseurs du Rio de la Plata
déformaient, « reformataient » par leur commune motricité technique la canzone napoletana,
les mazurcas déjà remodelées à Paris, les contredanses, les fantangos, habaneras cubaines
revues et corrigées dans les opérettes espagnoles ( zarzuelas ) alors en vogue en Amérique du
sud. Ainsi retrouve-t-on les allures de cavaliers d’Andalousie et de la Pampa au niveau du
buste, les jambes fléchies des luttes au couteau, les figures de salon, les audaces des bordels,
les accelerandi en début de phrase et les decelerandi avec glissandi ou vibrato expressif sur
l’avant dernière note, comme dans la langue parlée lunfardo (argot local) imprégné des
dialectes des immigrants venus en majorité de Naples et de ses environs (accent avec
allongement de la pénultième). Quant à la pose de la voix, bien qu’elle tente d’imiter celle de
la chanson napolitaine très en vogue à l’époque, elle est elle même inimitable avec sa façon de
remonter la base de la langue près du palais: on retrouve ainsi la musculation buccale typique
du parler local.
Les expériences motrices engrangées dans les mémoires corporelles et verbales y sont
mutuellement contagieuses : une forme rythmique ou une « mélodie gestuelle » peuvent
susciter un engouement qui n’est explicable qu’en terme de régression à un vécu corporel
passé plus ou moins inconscient mais intensément re-senti. Le succès local et la survie du
tango, danse et musique, a été fonction de son aptitude à déclencher une régression taxique
vécue collectivement. Le transfert d’un « tour de main » d’un cadre taxique professionnel
(élevage) avec ses cinèses, ses rythmes, ses dynamismes moteurs (par exemple maniement du
couteau pour égorger des vaches), dans un autre cadre avec ses propres contraintes comme
celui du combat, puis de celui-ci dans celui de la danse, se répercute en fin de parcours dans
les dynamismes du jeu musical. On peut donc observer une certaine contagion du geste, de la
technique corporelle qui amène une « délocalisation » de la machinerie corporelle et du
déplacement de l’utilisation de celle-ci. La création d’un nouveau rythme populaire n’est
jamais tout à fait le réemploi pur et simple de celui qui a fait ses preuves dans une technique
ménagère ou professionnelle, mais l’imagination est limitée et une structuration complexe ne
peut jaillir de celle-ci sans s’articuler sur des apprentissages moteurs bien rodés, inscrits dans
des automatismes acquis de longue date. C’est par une sorte de maladresse, une difficulté à
maîtriser des dynamismes mis au point en Europe, que les éleveurs immigrés à Montevideo et
Buenos Aires ont fait preuve de créativité en retombant « dans des travers » dynamiques
familiers: l’innovation créatrice consiste souvent en régression à un stade expérimenté plus tôt
dans un autre cadre et à sa réadaptation, à son reformatage pour assurer une nouvelle cohésion
stylistique en accord avec une nouvelle cohérence esthétique.
1.1.2° L’habitus (en particulier l’hexis ou disposition corporelle propre à un milieu
social). On pouvait déceler chez les jeunes danseurs bourgeois de « chez Hansen », un endroit
chic de Buenos aires dans les années 30, un souci de raffinement, de légèreté et comme dit
Bourdieu de « distance par rapport à la nécessité ». Dans nos concepts, on peut traduire cette
distance par rapport au monde du travail et des activités manuelles, comme une moindre
imprégnation motrice par les techniques de l’élevage et de la lutte. La danse, le rythme, les
voix perdent en « efficacité » ce qu’ils gagnent en raffinement chorégraphiques savants et en
sophistication harmonique des orchestrations. Par ailleurs les dispositions culturelles variaient
selon les milieux d’origine des immigrants en Argentine. Ainsi, on a pu observer une majorité
d’artistes « tanguistes » issues de familles catholiques surtout d’Italie, d’Espagne, de l’empire
habsbourgeois, de Pologne et de France, alors que la délectation morose n’était guère en
relation d’affinité élective avec l’ethos des milieux protestants germaniques et anglo-saxons.
1.1.3° L’esthétique motrice, la volonté de transformation esthétique du monde au
départ de son corps:
A) Sur le site incubateur de l’innovation:
Quand un chanteur comme Gardel ou un joueur de bandonéon comme Anibal Troïlo
créent un modèle de « Tanguité » une manière d’être « tango », quand Contursi écrit « Mi
noche triste » et que le tango devient « cette tristesse qui se danse », le style chorégraphique
ne se limite plus à n’être qu’une déformation de mazurka par des éleveurs maladroits et des
campagnards italiens immigrés au Rio de la Plata, il devient un style d’excellence. La figure
du « compadre » se construit et devient un nouveau modèle d’être, de se mouvoir, de prendre
la femme, d’affirmer une prise sur le réel.
B) Sur les sanctuaires internationaux de périodisation de la Mode et du « Zeitgeist » (l’esprit
de son temps) :
A Paris, le Tango est perçu et reformaté, tant par les danseurs de salons européens que
par des compositeurs comme Igor Stravinski, pour devenir « compatible » et s’intégrer à un
style « Art déco » des années 20. Celui-ci est tout en séquences discontinues, mouvements
anguleux et rigidité mécanique. Le style relationnel y est plus déluré, canaille, « apache »,
cosmopolite, libéré des manières gentilles, angéliques, alanguies de la belle époque, des
courbures interminables de la Valse, de Horta et des poses innocentes à la tête penchée des
couples galants. Il est cependant probable que le succès de l’art nègre, de musiques et danses
« exotiques » telles que Cake-walk, Ragtime, Tango, Charleston et autres danses réputées
« folles » n’aurait rien eu de comparable sans la possibilité de les percevoir comme
« désarticulées », mécaniques (selon les termes de Stravinski) ou plutôt « machinisables » par
les nouvelles esthétiques constructivistes, cubistes, du Bauhaus à un moment où l’on
divinisait le progrès des machines, du « fonctionnel » et donc des nouvelles exigences
taxiques du travail en usine.
1.2. modes et stylisations des motricités:
Qui créent les modes ?
L’initiative de la création esthétique d’un nouveau style n’est pas l’apanage des élites
sociales mais également de groupes marginaux. En cela notre point de vue va à contrecourant de nombreuses théories.
On sait que pour Bourdieu, les enfants des classes dominantes (les « héritier »),
disposent d’un capital culturel incorporé (habitus) plus élevé. Celui-ci oriente la disposition
de leurs membres vers un souci plus marqué pour la forme, le style, l’esthétique que pour le
contenu des communications et des biens culturels. Ce souci esthétique serait une « seconde
nature »; ce raffinement du goût, et singulièrement pour les formes les plus « spirituelles » de
l’expression artistique comme la musique, leur serait « chevillé au corps », tout comme leur
« dégoût pour les goûts des autres ». Comme le pensait déjà Simmel, les changements, en
particulier de la mode, seraient générés à l’intérieur de ces classes dominante par les
« prétendants », les « status seeker » (les chasseurs de statuts), représentés par les couches
ascendantes et les jeunes élites dans une perpétuelle préoccupation de « distinction » dans les
deux acceptions du terme : pour être « distingué » et pour se distancer des classes inférieures
(qui, elles, tentent de les copier dès que possible. Pour Bourdieu comme pour Adorno, les
couches populaires n’apprécieraient comme musiques sophistiquées que des formes
popularisées, édulcorées, abatardies: « gezunkenes Kulturgut » (le bien culturel dégénérées)
et de l’étendre autour d’eux avec le temps en l’imposant comme modèle aux classes suivistes
(de la mode et des classes dominates).
Or cette théorie marxiste n’est pas un bon modèle d’intelligibilité : elle néglige le processus
inverse que nous observons: ce sont précisément les enfants d’immigrés, les descendants
d’esclaves qui ont inventé le plus de styles musicaux, chorégraphiques et vestimentaires.
Il ne faut pas confondre ces créateurs populaires et les « people » et les « branchés » qui ne
créent pas mais qui veulent être les premiers à adopter une « nouveauté ».
Il nous apparaît que cette pulsion créatrice de soi et de son propre monde peut
arriver à s’exprimer à divers degrés non seulement chez certaines élites mais chez des
individus interagissant dans des situations et des contextes où la communication expressive
(et le « code restreint » dont parle Bernstein) a plus de chance d’être valorisée que la
communication instrumentale (et les codes élargis) que ces individus contrôlent mal et dans
laquelle ils partent perdant s’ils se mesurent avec les élites. Ces milieux « expressiogènes »
ont donc plus de chance de se trouver où la communication instrumentale et le travail sont
moins valorisés que certaines formes d’attitudes et de comportements exaltant l’honneur, la
reconnaissance et l’image identitaire, où l’être est plus valorisé que le faire en général,
où l’aspect est plus immédiatement valorisé et monnayable que l’activité productrice.
Rapport au temps= rapport social : Plaisirs différés et plaisirs immédiats :
Faire ou être : Prospérité ou honneur : Création utilitaire ou expressive,
Se réaliser par le travail (ouvrier, bourgeois) ou par la musique & la danse (esclave noble)
Ainsi, au sein d’une société qui sort de l’esclavage les individus n’investissent guère
l’avenir et recherchent le plaisir immédiat et l’évasion, dans tous les sens du termes. Ceci
favorise une créativité expressive et ludique. Cette créativité est d’autant plus compréhensible
chez les anciens esclaves qu’elle permet de court-circuiter les formes culturelles maîtrisées
par l’élite, puisque la création impose ses propres règles. Ce n’est pas dans le milieu puritain
bourgeois où l’on prône le plaisir différé et l’engagement dans la transformation du monde
que l’on va valoriser l’invention de danses provocantes et l’exhibition d’extravagances et de
luxes vestimentaires. Par contre les formes d’évasions comme la danse, l’ébriété, la transe et
les expressions charismatiques religieuses ont proliféré parmi les populations d’anciens
esclaves au point que la plus grande partie des styles musicaux et chorégraphiques nés sur le
continent américain sont l’œuvre de ces populations. Elles ont donc un point commun avec
celles des cours et les salons non seulement dans l’Europe baroque (modèle versaillais et
étude de N.Elias) mais partout où des « classes de loisir » (Veblen) valorisent le non-travail.
Le jeu des interactions sociales y privilégie l’expression de l’habileté ludique, la virtuosité de
l’esprit et du style au détriment de la performance utilitaire. Le rejet des contingences et de la
mesquinerie routinière y aboutit aussi à des ascèses mystiques.
La convergence esthétique et la complicité sociale
de ces classes de loisir pourtant aux antipodes de l’échelle sociale,
Cette complicité dans l’encanaillement a permis la création mixte de styles comme le Fado, la
Canzone napoletana, les « Magyar notak » le Danzon, la musique et la danse « Intore » au
Rwanda.
Dans tous ces cas une élite oisive appréciant le geste et la dépense gratuite rencontre
des artistes audacieux d’un « outgroup »socialement marginal (juif, tsigane, pigmée, azmari,
black USA) qui entend également affirmer sa propre supériorité dans l’expression d’une
sensibilité, d’un « feeling », d’une « soul » charismatique que « seul pouvait leur accorder
leur destin.(ou une force céleste).. ».
C’est la rencontre entre étudiants nobles et aventuriers des ports portugais,
de chanteurs juifs et des élites musulmanes dans la Méditerranée d’avant-guerre,
de la gentry hongroise et des tsiganes,
des batwa et des batutsi,
des jazzmen noirs et des gangsters juifs et italiens au grand scandale des strates industrieuses
bourgeoises, ouvrières ou paysannes, scandale qui entretient d’ailleurs l’animosité à l’égard
de ces « parasites ».
Il est d’ailleurs symptomatique que les modes vestimentaires les plus dépensières furent non
seulement le fait des nobles mais aussi des africains américains et des latinos (zooties et
pachucos), des immigrés antillais à Londres pendant les années cinquante et des jeunes kinois
(sapeurs) des années quatre-vingt.
1.3.Transferts sociaux de motricités et de musique:
comment expliquer le succès d’une danse et d’une musique d’une autre classe ou d’une
autre ethnie que la sienne ?
Esthétiques socialement mixtes & modes internationales
-Exemple de la danse au RWANDA :
Comment expliquer la coopération entre les musiciens twa (ou « faux pygmées ») et les
danseurs tutsi pages de la cour, dans les royaumes interlacustes d’Afrique orientale ?
Les deux castes avaient d’ailleurs des relations à plaisanteries entre elles comme au
sein de chacune d’elles alors que ce type d’attitude n’avait guère cours avec les hutu de la
paysannerie. En réalité, la musique et la danse des « Intore » n’aurait pu se créer sans la
rencontre des ex-chasseurs et des ex-pasteurs, devenus oisifs à la cour. On retrouve les
taxismes (techniques du corps) des chasseurs pygmées qui mimaient la dance nuptiale des
grues couronnées et d’autres oiseaux qu’ils chassaient. Le clan tutsi des Niguinya dont était
issu la famille royale prit la grue comme emblème. Les jeunes pages adoptèrent la danse des
pygmées mais introduisirent les taxismes pastoraux et guerriers en lui conférant la « majesté
d’allure des vaches » et en jouant de la lance et du bouclier avec une esthétique nouvelle de
virilité et de défi guerrier. Ce style reprend le même jeu moteur, mais en investissant la
tension musculaire au niveau des articulations du cou et des membres, reprenant les taxismes
des parades à la cour, de la lutte au bâton et du maniement de la lance avec le bétail. Toutes
formes d’ondulation et de rotation du bassin sont bannies. Celles-ci, omniprésentes dans les
rites de fécondité et les danses populaires des cultivateurs bantous, constituent le contremodèle esthétique. Inversement, les pygmées avaient adopté les trompes en corne de vache
des tutsi pour les accompagner. Ainsi ces deux castes extrêmes des sociétés de cour des
grands lacs ont participé à la création et à la survie d’un style commun en opposition avec
celui des cultivateurs.
-Exemple des Big Bands de Jazz est la rencontre entre musiciens noirs de jazz,
gangsters juifs et italiens (mécénat fabuleux décrit par Morris, 1988) et jeunes élites
blanches.
Après sa période critique de création, le jazz s’est d’ailleurs popularisé parmi les
jeunes blancs des classes moyennes américaines d’avant 1940 et chez les étudiants des
couches aisées du genre « oxbridge » en Angleterre et de Saint-Germain des Prés en France.
Ainsi donc la connivence est moins une affaire de sensibilité de classe sociale (l’hexis ou
habitus corporel propre à une catégorie sociale) que la rencontre de jeunes de strates
différentes mais disposant de loisirs, par luxe ou par inactivité, et voulant les utiliser non pas
en bricolant ou en étudiant mais en s’amusant. Becker (1963) à la fois jazzman et sociologue
a décrit le mépris des musiciens de jazz à l’encontre des « caves » qui n’ont aucun sens du
rythme et des musiciens « commerciaux » qui se prostituent à ces béotiens en matière de
rythme et de jazz. Cette attitude « d’outsiders » ressemble à la fois à celle de « parfaits »
d’une secte et à celle que les nobles avaient pour les marchands et les hommes de peine qui
doivent travailler pour n’être que ce qu’ils sont: des êtres « sans goût et sans grandeur ».
Pourtant, ce n’est pas dans l’aristocratie que se recrutait cette élite des musiciens mais parmi
les noirs les plus pauvres et les jeunes des classes moyennes blanches.
L’étude des musiques populaires nous à amené à considérer l’évolution des courants
de styles de musiques de danse comme parallèle, à la fois,
1°) à celle des schémas procéduraux des mémoires motrices collectives,
2°) à des changements sociaux
3°) à des besoins périodiques de la part de générations d’adolescents de révolte
identitaire et de transformation concomitante de soi et du monde sur le plan formel,
aspectuel et relationnel (autrement dit sur le plan esthétique).
2. LA VOIX :
LES TIMBRES, DE VOIX ET D’INSTRUMENTS
: mises en aspects sonores DES REPRESENTATIONS COLLECTIVES
En assumant esthétiquement un timbre, une pose de voix ou d’instrument, le musicien se positionne
psychologiquement (position au sens de l’analyse transactionnelle parent, adulte, enfant...),
culturellement (les formes de voix constituent des indices d’appartenances et des traces d’expériences
socialement (souci de se distinguer, de gommer ou d’affirmer son origine sociale).
Le théâtre chanté
se prête très bien à l'
étude des rapports entre types de rôles et types de voix chantées. La
différenciation est codifiée surtout selon l'
âge et à la fonction dans l'
opéra chinois, les rôles
psycho-sexuels et sociaux dans l'
opéra romantique européen.
2.1.MUSIQUE RELIGIEUSE & SAVANTE (« classique ») EUROPEENNE
-Exemples de voix d’opéra
dans la musique populaire napolitaine (canzone)et
dans les « rancheras » mexicaines
Pour Bernard Shaw, l'
opéra italien se résumait à une "histoire de baryton qui veut empécher
le ténor de coucher avec la soprano". Pour Dominique Fernandez, critique et écrivain féru
d'
opéra, celui-ci représente le psychodrame de tout un peuple: Le peuple italien, république
des fils aux prise avec l’autorité des pères s'
opposerait au culte des chefs en Russie. Il fait
observer que dans le public italien, les hommes s'
identifient plus facilement aux rôles tenus
par les ténors alors que les Russes leur préfèrent les barytons et basses censés évoquer la
responsabilité et le pouvoir parental et politique.
Si nous écoutons différents genres musicaux au sein d'
une même culture, et à plus forte raison au sein de cultures
différentes, nous sommes frappés autant par la variété des timbres que celles des structures mélodiques et
rythmiques. Dans les musiques populaires, le timbre vocal et instrumental est un ingrédient essentiel de l'
ethos et
constitue un attrait (un "hook") recherché pour lui-même au même titre que le rythme ou la mélodie
L'
Europe a développé une méthode sophistiquée pour mémoriser les tons en les transcrivant sur une partition et
l'Inde pour caractériser et diversifier les différents rythmes par un système syllabique. Aucune culture n'
a pu
élaborer un système précis de classification, de mémorisation et donc de reproduction de différents timbres. Tout
au plus certaines comme la culture maure disposent-elles d'
une dizaine de termes pour désigner les façons de
pincer la corde et donc de distinguer les sons en fonction des types d'attaque.
En Europe se sont développés les architectures verticales des mélodies, les harmonies et les contrepoints. La
musique savante religieuse et de concert s'
est mentalisée en abstraction intellectuelle avec l’imposition de son
écriture puisque l'
interprète doit idéalement retrouver les intentions de l'
auteur et exécuter un programme encodé
sur une partition "avec bon goût et inspiration" autrement dit sans initiatives intempestives et sans s'
écarter des
timbres standards communément admis par les écoles de chant.
La méconnaissance du timbre a été la conséquence directe de la prépondérance de l'
écriture dans le
processus de création musicale. Les deux phénomènes nous apparaissent concomitants de celui plus vaste de la
rationalisation occidentale.
Celui-ci a connu ses grandes progressions à l'
époque de la Grèce classique, des ordres mendiants
(dominicains et franciscains) et du Gothique, de la Renaissance, du Classicisme des Lumières et de l'
ère
industrielle. En effet, durant ces périodes, des courants de sensibilité vers l'
abstraction, soutenus par des
philosophes et des théoriciens se référant à Platon ont eu tendance à délaisser la couleur au profit du dessin, la
rhétorique au profit de la logique et le timbre au profit de l'
architectonique.
Le timbre comme la couleur et l'
effet rhétorique (l’art de l’expression pour
convaincre) s'
est trouvé relégué au rang des « artifices ».
Platon a poussé très loin le goût aristocratique d’une société esclavagiste dévalorisant le
travail manuel: celui de l’abstraction et du mépris de la matière.
La ligne abstraite du dessin, de la géométrie ou de la mélodie écrite était donc considérée supérieure à
la surface matérielle colorée, au timbre, aux distances concrètes mesurées par l’esclave arpenteur. Il
considérait la couleur comme l'
illusion par excellence, comme « le fard que les femmes utilisent pour
cacher leur laideur », il méprisait tout autant les effets de voix des poètes et des sophistes.
Le clergé chrétien et les élites occidentales ont conservé ce mépris pour la matière, pour le
concret et la pratique. Ce ne fut pas le cas en extrême orient où les principaux courants de pensée ont
mis l'
accent sur la pratique et sur le concret. L'
occident euclidien et platonicien a inventé la ligne sans
épaisseur la plume et le crayon alors que l'
orient utilise le pinceau qui encre des surfaces. Ici, la
musique est écriture du temps, et là vibration de l'
espace.
2.2.HISTOIRE DES IDENTITES « BLACK » aux USA
-Exemple du théâtre des « Black Faces » aux USA
Tout le développement des styles musicaux et chorégraphiques, proclamés spécifiquement
« noirs », est marqué par l’histoire des « minstrels shows » . Le style identitaire affirmé dans
la musique noire américaine s’est nourri de facéties et de jeux chorégraphiques et musicaux
mis en scène par des « black faces », des artistes blancs barbouillés de cirage. Ils servirent
de modèles à des minstrels noirs prenant la relève des blancs. Mais ce ne furent pas seulement
ces émules noirs qui adoptèrent les styles de personnages comme « Jim Crow » et « Zip
Coon » inventés par les créateurs blancs. La plupart des musiciens noirs et des danseurs de
claquettes se conformèrent à cette « exodéfinition » (par l’extérieur) ou « hétérodéfinition »
(par « l’autre » groupe ethnique) puisque des noirs imitaient une imitation blanche des noirs
(censés d’ailleurs singer les blancs comme c’était le cas pour Zip Coon). Ainsi Fats Waller et
Louis Armstrong n’hésitèrent pas à faire rouler les yeux comme des billes, à prendre des
mimiques exagérées et à amplifier les trémolos comme les personnages des minstrels shows.
Quand Miles Davis rejeta les expressions clownesques et les chevrotements à la trompette,
réputés « noirs », il fût taxé « d’imitateur de blancs » et fit une bonne partie de sa carrière en
compagnie de musiciens blancs comme Gil Evans et d’autre artistes de la mouvance « cool ».
Mais les styles musicaux, censés représenter l’identité groupale « authentique », ne se
réduisent pas à un jeu de forces dans le temps court. Les réélaborations intragroupales de
représentations et de définitions intergroupales et donc les perceptions de l’altérité et de
l’identité groupale, dépendent non seulement des interactions sociales quotidiennes, mais
également des changements culturels lents comme l’évolution des croyances religieuses. Les
conceptions religieuses de « l’autre monde », du « tout-Autre » métaphysique qu’est Dieu,
interviennent dans le relationnement de l’homme à son Dieu, au reste du monde, aux autres, à
l’autre sexe.
-Exemple de musique « cool » : le timbre de la trompette de Miles Davis
Comment le choix par M.Davis d’un jeu de trompette sans trémolo est un acte politique ?
Quand Miles Davis 1)rejette les mimiques, les trémolos et le timbre « dirty » de Musiciens noirs
comme Louis Armstrong qui évoquent les personnages des black faces créés par les blancs
2) impose, à la place, un son dépouillé et de longues notes imperturbables, il propose une
autre représentation sociale du blues du jazz, de l’identité des noirs américains et de leur « soul »,
autrement dit une autre « définition de la situation » des rapports noirs-blancs.
Donc : Sa visée esthétique est bel et bien militante et transformatrice des relations existantes. A un
stade préconscient, avant même que l’on puisse l’expliciter, tout acte musical est un élan de
transformation ou de confirmation d’un style relationnel.
2.3.COMPARAISON : RELIGIONS ORIENTALES & OCCIDENTALES
EXEMPLES
2.3.1en ASIE : VOIX DE GORGE « voix autres »
des esprits et des bêtes
Une société ne se limite pas à un système de relations entre des hommes vivants. Au cours des rituels de
présentation de soi ou des prestations artistiques, les individus projettent des images sur autrui, sur eux-mêmes,
sur les projections d'
autrui sur eux-mêmes, sur leurs animaux domestiques et autres prothèses sociales, parfois
même sur leur ordinateur comme les enfants sur leurs poupées ou les croyants sur des êtres invisibles, esprits ou
divinités. Dans une société où règne un consensus sur la réalité de leur existence, les vivants considèrent non
seulement que les esprits participent à la vie sociale mais que leurs rôles et statuts y sont primordiaux et que sans
leur existence, la société verrait ses structures, ses institutions et ses objectifs collectifs remis totalement en
question.
Au cours de rituels allant des transes possessionnelles aux formes théâtrales plus stylisées, ces êtres peuvent se
manifester, s'
exprimer par la voix du chaman, du possédé, de l'
officiant liturgique ou de l'
acteur-chanteurdanseur sacré. La voix de ce médium, vicaire de l'
être spirituel est sensée subir une déformation puisque
l'
interprète n'
est plus qu'
une enveloppe matérielle mise à la disposition de l'
esprit et à ce titre, une épiphanie de
celui-ci. Par exemple, dans le théâtre noh qui s'
est développé au cours du moyen âge japonais en même temps
que le bouddhisme zen, les personnages principaux sont ou ont des qualités surnaturelles. Héros mythiques,
fantômes, dieux ou démons, ils s'
expriment par des voix "intérieures" ("uragoe") et par une technique de
modification des cavités pharyngée et buccale qui a pour effet de "postérioriser les voyelles ".Les "a" ont
tendances à devenir des"o", les "i", des "u",etc...Akira Tamba a montré la parenté de ces phonations et celles des
offices bouddhistes, parenté qui se manifeste jusque dans les cris qui émaillent les prestations et qui ressemblent
nettement aux "kïai" des moines qui sont utilisés également dans les arts martiaux d'
inspiration zen.
Mais cette voix de gorge sensée exprimer l'
intériorité, la profondeur et l'
ataraxie a aussi une histoire tout au long
du parcours de la pénétration bouddhiste en Asie. Dans la plupart des régions où cette religion s'
est imposée,
étaient pratiqués des rites au cours desquels le chaman utilise de telles techniques vocales. On peut ainsi
comparer les vocalisations des moines avec les « ulzyau » et « khömiz » ou chants de gorge des chamans des
monts Altaï, de l'
Oural, de Mongolie, de Tuva et du Tibet.
Or ce qui constitue un archaïsme dans beaucoup de chants chamaniques, ce sont les
formes empruntées originellement aux rites sacrés qui précèdent les chasses ou les
autres activités où l'homme entend s'assurer une domination magique sur l'animal ou la
réactualisation d'un lien mythique avec un animal totémique. Cela peut expliquer comment
les vocalisations les plus archaïques desquelles procèdent les expressions religieuses les plus solennelles, sont à
animaux que l'on mettait en scène au cours des rites
rapprocher des imitations sonores d'
d'envoûtement. Il ne faut donc pas s'étonner, en particulier des ressemblances entre les expressions des
populations pastorales et celles des animaux de leur cheptel
paradoxe que l'
accès au spirituel puisse passer
par le mimétisme animal.
C'
est le cas des chansons populaires japonaises, les "enka" issues de la modernisation du pays à l'
ère Meiji qui
avaient tout d'
abord une forme occidentale au XIXème siècle et qui ont intégré, par la suite, des expressions du
'
gidayu bushi". C'
est le style narratif du théâtre de marionnettes "bunraku" qui a d'
ailleurs influencé aussi celui
du kabuki. Or ce style qui porte le nom de son codificateur Gidayu Takemoto emprunte lui-même l'
essentiel au
chant inspiré d'
expressions sacrées antérieures au Bouddhisme.
2.3.2. EN AFRIQUE…..ANIMISME &
SOUFFLES RAUQUES
Des phénomènes semblables se retrouvent en Afrique. Des voix de masque ou autres distorsions vocales
sensées être des voix d'
esprits surnaturels quittent le contexte rituel traditionnel pour s'
insérer dans les chants du
répertoire populaire.
Un exemple saisissant est le "mpaqanqa" sud africain, prodigieux mélange de techniques vocales issues
de deux traditions spirituelles pourtant bien éloignées. Un des groupes les plus célèbres est" Mahlathini et les
Mahotella Queens" : le choeur des femmes rappelle très nettement les chorales protestantes alors que Mahlathini,
le soliste masculin "grogne" de sa voix de gorge. Le tout est accompagné par les guitares électriques.
Au niveau de la Corne de l'
Afrique, c'
est plutôt la tradition du chant chrétien copte qui a marqué le
chant populaire. Ici aussi une pose de la voix très grave et nasale sur la gorge pourrait avoir une origine animiste
mais elle est systématiquement utilisée pour la lecture des psaumes et autres textes de la bible avec
accompagnement d'
une harpe "bagana" tout aussi grave et bourdonnante au point qu'
on se demande parfois,
devant un tel mimétisme, qui de la voix ou de l'
instrument a imité l'
autre. De nos jours, les chants d'
amour
éthiopiens en langue Amhara utilisent d'
autres techniques des chants religieux chrétiens et détournent en quelque
sorte au profit du lyrisme les outils vocaux du pathos narratif de l'
épico-religieux. C'
est d'
ailleurs ce qui donne au
chant éthiopien un caractère qui n'
est pas sans rappeler celui des arias de l'
opéra romantique européen.
Dans les exemples cités, le répertoire des techniques vocales expressives du chant théâtral épique ou lyrique,
trouve énormément de ressources dans celui des cultes, autrement dit, la richesse expressive d'
une tradition de
chant pour évoquer des relations entre deux êtres vivants comme dans la chanson d'
amour puise dans les
techniques de distorsion de la voix parlée sensées convenir à la médiation avec le "tout autre".
EXEMPLES des
2.3.3.VOIX de RELIGIONS du LIVRE: Les voix angéliques claires et suaves
Dans les exemples que nous avons cités d'
Extrême Orient et d'
Afrique, les voix étranges, étrangères au
profane, de démons et d'
esprits se veulent souvent aussi terrifiantes que leurs masques. Par opposition à ces voix
de démons, la Méditerranée a vu s'
épanouir une riche tradition de voix angéliques dont l'
origine est à chercher du
côté de l'
ancienne Perse, pays de la pensée dualiste où s'
est développée la croyance aux anges, aux purs esprits
du bien et du mal.
Cette recherche de la pureté absolue y a marqué tour à tour l'
esthétique hellénistique byzantine et arabe et s'
est
étayée philosophiquement sur les courants néoplatoniciens et la mystique soufi.
Esthétiques orthodoxes, catholiques, & protestantes
Les voix de castrats sont apparues comme celles qui étaient les plus pures, les moins liées au corps, à la
chaire, au sexe. De Byzance au monde arabe, de l'
Espagne musulmane les castrats sont passés à Rome pour les
offices divins mais l'
école de Naples a très vite concurrencé celle d'
Espagne. La divinité et la royauté de droit
divin pouvaient donc être représentées par des tessitures extrêmes, par la voix la plus élevée qui symbolise la
pureté de l'
esprit (et non la contingence) la voix de tête (et non celle de la poitrine ) ou comme à Byzance, par
une voix de basse qui symbolise le pouvoir du mâle dominant, la protection et la punition paternelle. En fait, la
divinité ayant à la fois l'
attribut de la pureté et du pouvoir, a l'
embarras du choix pour s'
exprimer. Cependant
l'
imaginaire religieux est différent dans les clergés de Rome et de Constantinople.
Le monde orthodoxe a une longue tradition de césaropapisme,1 le pouvoir politique a un fondement
religieux ou idéologique. L’empereur, le tsar ou le secrétaire général du comité central du parti communiste
s'
identifie sinon au représentant de Dieu ou au mâle dominant du moins à ce que l'
analyse transactionnelle
qualifierait de rôle « parent ». La barbe et la voix basse conviennent donc mieux à un clergé marié et qui
proclame surtout la gloire du Dieu, père tout puissant et du christ ressuscité d'
entre les morts.
Alors que le clergé célibataire s'
identifie plus facilement à un christ pré-pubère, vénérant d'
avantage l'
enfant
jésus et sa mère (Gesu bambino e la madona). Les chants des moines ont un caractère asexué. Enfants et
adultes apprennent à chanter à l'
église avec des voix de tête sans la moindre aspérité, même les gestes du chef de
la chorale sont tout en rondeur.
L'
opéra baroque a hérité des techniques de chant et de l'
esthétique religieuse et a confié aux castrats les
rôles de Dieux, de rois et de héros. Les vocalises, la coloratura dans lesquelles les castrats excellaient
renforçaient l'
impondérabilité et la subtilité des rôles concernés. C'
était donc la qualité spirituelle, aérienne
détachée des contingences sublunaires qui était leur principal attribut et non le poids de leur pouvoir, de leurs
actes et de leur responsabilité.
Si la voix a un timbre riche en harmoniques, si l'
interprète chante de la poitrine, de la gorge ou du nez,
bref s'
il donne du corps à son timbre, le public romantique considère qu’il y met de la chair et de la sensualité.
Mais s’il parvient à maintenir une voix de tête ou tout au moins imposer l'
homogénéité à une voix claire,
semblable à la voix d'
un enfant tout en inhibant ses expressions passionnelles, il peut alors, faire oublier son
corps, ses désirs charnels et faire croire à son innocence (Cf. les chanteurs des offices catholiques mais aussi des
séducteurs sans agressivité des années quarante comme Tino Rossi). C'
est à peu près ce que fait le chien qui
rentre la queue entre les jambes pour empêcher l'
odeur de ses glandes de se répandre et de faire affront au mâle
dominant qui lui, ne se privera pas de dresser la queue.
L'
opéra se « ténorise et se sopranise » dans les pays catholiques et singulièrement en Italie où la
chanson populaire, et particulièrement la canzone napolitana reprend les mêmes archétypes de séduction.
L'
Europe, selon qu'
elle soit catholique ou protestante a diversement influencé les styles vocaux des
musiques populaires dans les villes modernes de l'
Amérique et de l'
Afrique.
Dans la mer des Caraïbes, le chant liturgique catholique, l'
opérette française et la zarzuela, son émule espagnole
ont fait la part belle aux ténors. Ceux-ci dominent la scène de la musique populaire des îles mais,- et la chose
mérite d'
être relevée,- c'
est loin d'
être le cas des sopranos chez les femmes où les timbres et les tessitures les plus
populaires sont assez proches des hommes au point qu'
on peut les confondre. Il est d'
ailleurs symptomatique que
dans l'
histoire de la chanson populaire cubaine, Celia Cruz, la chanteuse la plus célèbre ait une voix plus grave et
plus sombre que celles des interprètes masculins les plus fameux comme Benny More, Pablo Milanes ou Carlos
Embale.
EXEMPLES comparatifs
TIMBRES des tambours AFRICAINS &CUBAINS
La percussion afro-cubaine a connu, si l'
on peut dire, une mutation dans le sens de la christianisation des
tessitures. En effet, dans les styles d'
Afrique occidentale introduits en Amérique, le tambour qui jouait les
variations et assurait ainsi un rôle dominant de soliste était le tambour "femelle", la "hembra", c'
est à dire le gros
tambour des basses fréquences tandis que le rythme de base était assuré par un petit tambour "mâle". Or dans les
villes cubaines, c'
est au processus inverse qu'
on a assisté. Suivant en cela la répartition des rôles entre
chanteurs dans les églises et dans les opéras, ce sont les tambours aigus qui sont devenus les solistes,
baptisés d'
ailleurs "quinto" sans doute parce que, à l'
église, le soliste chantait une quinte audessus du choeur.
EXEMPLES de musiques de la RD du CONGO
L'évolution de l’esthétique des timbres des chanteurs populaires en Afrique est aussi révélateur des
changements dans les modes de représentation des rapports entre sexes dans la famille, la société et l'
imaginaire
religieux.
Au Congo belge, les musiciens de Léopoldville se sont inspirés des styles cubains et napolitains. Le "son" et la
rumba connurent un succès considérable et un style local de rumba vit le jour. La rupture esthétique avec les
styles instrumentaux et vocaux traditionnels fut flagrante.
Tino Rossi fit un véritable malheur grâce à ses films et ses disques. Ses émules congolais s’appelaient
d'
ailleurs "les Tinos", Tino Mambo, Tino Baroza, Rossi Gnol, etc...Mais on est en droit de se demander pourquoi
son succès dans la population africaine dépassait celui qu'
il avait chez les Belges et pourquoi son étoile était la
seule à briller au firmament des crooners importés. En quoi son style vocal supportait-il mieux le climat ? Ce ne
fut certainement pas le fruit d'
un matraquage promotionnel, d'
autant que le séducteur corse avait tellement peur
de l'
avion qu'
il n'
osa jamais faire le voyage au pays de ses adorateurs.
La réponse est à chercher tout d'
abord du côté du rôle social de l'
éducation religieuse.
Les écoles, d'
abord exclusivement, ensuite majoritairement catholiques scolarisaient une masse de
jeunes nettement plus importante que dans les autres colonies d'
Afrique. Mais la formation s'
est longtemps
arrêtée à l'
école moyenne, soit jusqu'
à 14 ou 15 ans. Les cours de chant essentiellement axés sur la liturgie
s'
adressaient donc à des voix avant ou à l'
aube de la mue et le modèle était le chant choral du type des "petits
chanteurs de Vienne" ou des "petits chanteurs à la croix de bois. Par une sorte rétroaction à la Pigmalion, les
fruits verts et chastes de "Missa Louba", Missa Kwango, etc...connurent un franc succès en Europe dès les
années 50 (et jusqu'
en 1970 avec la bande du film anglais "If").
Pour l'
adulte congolais, l'
émission vocale en "voce finta" appris à l'
école était une preuve de la
scolarisation et donc un attribut ostentatoire du niveau social, au même titre que le furent avant l'
indépendance,
les objets qu'
il fallait acquérir pour obtenir de l'
administration la fameuse carte d'
"évolué" qui donnait alors accès
à certains hotels et lieux réservés de la ville européenne. Inversement, une voix chantée rauque était un indice de
ruralité, d'
animisme, d’analphabétisme pour ne pas dire de sauvagerie.
Quand j'
avais émis le souhait de voir se constituer un groupe de musique traditionnelle dans l'
école, j'
ai
essuyé un refus poli mais résolu: "Nous voulons bien vous faire plaisir mais en tous cas pas jouer devant les
petits. Nous n'
avons pas fait autant d'
années d'
étude pour jouer des instruments d’analphabètes". En particulier ce
qu'
ils rejetaient avec dégoût, c'
étaient les sons "grésillants". Ces vibrations additionnelles dont les musiciens
traditionnels de la plupart des contrées de l'
Afrique sont si friands constituaient bien des indices que ces
instruments provenaient "de la brousse".
La voix légère, et les sons "clean" du jeu de guitare électrique, du saxo (à l'
opposé de celui des
musiciens de jazz) ne conférait pas seulement une identité "civilisée, elle ne s'
inscrivait pas seulement dans le
cadre d'
une stratégie sociale d'
excellence culturelle et de distinction au sens où l'
entend Bourdieu ; elle participait
à un élan de pureté morale, de piété et donc de qualité éthique autant qu'
esthétique. Il y avait dans cet acte de
chanter sans poitriner, une sorte d'
attitude qui relève de la mystique chrétienne de l'
élévation vers les cieux
divins.
Le fait même de l'
engouement et de l'
imitation du modèle congolais dans toute l'
Afrique est hautement
significative de la nouvelle donne sociale et sexuelle dans l'
ensemble des villes du continent. L'
adoption générale
de la voix de ténor n'
est pas une mutation esthétique innocente ; elle révèle un nouveau système de rapports et de
positionnements respectifs où les hommes sont moins des modèles de virilité et davantage des enfants à la fois
séductrice et accablant les femmes de reproches.
3 LA CREATION COLLECTIVE
Dans quel contexte les musiques populaires sont elles apparues? :
3.1. Dans des périodes transitoires « loin de l’équilibre ». (au XIXème & XXème) :
La forme définitive de la Valse survint en pleine transition économique, urbaine, politique,
sociale et culturelle, entre la restauration post-napoléonienne et la révolution de mars 1848.
Le Jazz et le blues connaissent ses étapes de création et de développement à des
moments critiques, dans des contextes de crise de la guerre de sécession et des grandes
mutations urbaines de la Nouvelle Orléans, de Chicago, de Harlem, etc...
Le Tango est né et a vécu pendant le grand conflit entre la capitale où vit la majorité
de la population constituée essentiellement d'
immigrés d'
un côté et des provinces dirigées par
les éleveurs et les grands propriétaires créoles de l'
autre. Le Tango a vécu a…u rythme des
dictatures et du péronisme entre un pays colonial et une société postindustrielle.
Le Rebetiko a vu le jour en plein bouleversement des structures de la Grèce après
l'
exode des populations chrétiennes de Turquie.
3.2 .Au cours de grands changements démographiques .
Tous les styles surviennent après une immigration massive ou une modification
démographique importante dans certains quartiers des grandes villes. Ce ne sont pourtant pas
les étrangers qui en sont les créateurs mais leurs enfants.
Immigration massive des campagnes voisines ou de pays étrangers: Seules sont touchées des
villes en situation de "non équilibre" démographique engendré par une immigration des
régions rurales ou /et de l'
étranger.
Déséquilibre du rapport hommes- femmes (sex-ratio) La plupart des migrants étaient du
même sexe. D’abord des hommes, puis des employées de maison et des prostituées. Cette
situation s'
accompagnait jusqu'
à la seconde moitié du XXéme siècle souvent et donc d'
une
série d'
autres phénomènes qui affectent la vie sexuelle, le temps libre, les valeurs d’individus
issus en grande partie du monde rural comme le développement de la vie nocturne, la
prostitution, le jeu, l'
alcool, (puis la drogue), les compétitions interethniques, l’organisation de
la criminalité en réseaux, etc....
Juxtaposition spatiale mais isolement culturel réciproque des différents groupes migrants avec
« arrêt sur image » de traditions clichées au moment du départ migratoire: Malgré les origines
diverses des immigrants, on ne peut guère parler de "métissage" culturel ni même de créativité
artistique particulière de la part de ceux-ci sauf quand il s'
agit d'
immigrants qui apportent une
culture et une technologie bénéficiant des faveurs de la mode et d'
un plus haut degré de
légitimité : huguenots et brabançons à Londres au XVIéme, coloniaux et militaires (en
particulier les G.I.s pendant les années quarante en Europe et singulièrement dans le sud de
l'
Angleterre.)
Les enfants d'étrangers constituent par contre une partie très importante de ceux qui
participent à la création esthétique collective
3.3. Dans des ports et autre lieux urbains de confluence de transports:
trafics maritimes, fluviaux, ferroviaires, routiers
Les villes incubatrices de nouveaux styles ne sont pas nécessairement les plus importantes sur
le plan démographique, politique ou économique mais celles qui disposent ou constituent
d'
importants centres de rencontre, de passage, voire de simple transit comme les villes
frontières entre les U.S.A. et le Mexique où est né le style "Texmex". La plupart des danses
urbaines sont nées dans des ports de mer ou de fleuve. Les autres se situent dans les abords
immédiats de gare de chemin de fer ou de bus comme à Bamako, Kinshasa et Tel Aviv (on y
appelait d'
ailleurs "station music" l'
actuelle "musika mizrahit"). C’est en effet dans ces lieux
de transbordement que se croisent et s’installent le plus souvent de nombreux immigrants et
leurs enfants, mais aussi qu’abondent les débits de boissons, bars et bordels fréquentés par les
musiciens et les danseurs.
Zones "interstitielles" « liminaires » ou de transition
D'
une manière générale des quartiers proches des nœuds de communication précités mais en
dehors des nouvelles zones de développement urbain où l'
habitat vieilli et déprécié attire des
immigrants récents (école de Chicago Burgess, Thrasher) et où une « culture des herbes
folles » comme on dit au Japon (Pons,1999), une créativité criminelle et musicale est facilitée
par l'
existence de grands bâtiments délabrés peu coûteux ou abandonnés et donc
«recyclables»:
a) Les "quartiers chauds" « tréfonds charnels de l’existence collective » (Chevalier,1980) du
Pirée (Rebetiko), de" La Boca" de Buenos Aires (Tango), de "Storyville" à La Nouvelle
Orléans (Jazz), d'
Alfama à Lisbonne (Fado), de Mohamedia à Casablanca (Style Nouvelle
vague Nass el Ghiwane, Jil Jilala,...) de Derb-Haï Nasr, Haï-Si-Salah, Sidi-el-Houari à Oran
(Raï), la rue große Freiheit dans le quartier St Pauli à Hambourg, etc... sont les lieux
cosmopolites de rencontre des prostituées, des musiciens et de leurs clients.
b) des vieux quartiers avant que "la bohème" ne les mettent au goût du jour (Soho à Londres)
c) des quartiers dégradés envahis par les jeunes (Westside, Bronx à New York...)
3.4. « Non congruence" de statuts des populations innovantes:
Ce ne sont pas exclusivement des enfants de travailleurs étrangers qui sont les créateurs mais
des "outsiders" de toutes sortes . Ce peuvent même être des enfants de la gentry hongroise
révoltée et chassée de ses terres par les troupes autrichiennes de Marie Thérèse qui
s'
acoquinèrent avec des tsiganes pour créer la "mélodie magyar".(Magyar nota). C’est
d’ailleurs pour une bonne part cet inconfort ressenti par ces individus et provoqué par la non
congruence entre les modes de ressentir dominants et celui de leur vécu qui expliquent ce
besoin pressant de concocter un autre style relationnel.
3.5. Contexte de « débrayage » des normes et extraconjugalité
: Les bars, salles de danse et bordels sont la plupart du temps les cellules culturelles où des
"outsiders" et des travailleurs masculins ont l'
occasion de rencontrer des femmes disponibles.
Après 1945 en Europe et aux USA, les dancings vont offrir aux adolescents des possibilités de
flirter et de faire, entre eux, l'
apprentissage plus précoce des approches sexuelles. Ces
contextes de «débrayage des normes» permet d’expérimenter des comportements purement
ludiques et des expressions plus audacieuses. En matière musicale et chorégraphique, les
individus ne sont pas tenus par des normes comme en milieu hiérarchisé sous autorité
familiale ou professionnelle.
3.6. Contexte régressif:
-Nuit. La musique populaire est associée à des activités "non publiques" et en dehors du cadre
du monde du travail sans être nécessairement délictueuse et la nuit s'
en fait en quelque sorte la
complice. Le monde de la nuit est un peu comme celui du carnaval un cadre où le groupe
s’autorise l’inversion des rôles et des valeurs.
-Drogues et alcool : Elles sont associées au monde du Jazz, du rebetiko (qui était joué dans les
"teke" caves pour fumer le haschich ), du rock, de la House, du reggae (musique et "ganja"
permettent à l'
homme exilé dans la "Babylone" de ne point s'
y enraciner mais de préparer le
retour à la mère Afrique) aux formes musicales des mystiques soufis, seuls défenseurs de la
musique en monde musulman, de la danse, de la transe possessionnelle, bref des moyens que
prônait Platon pour s'
élever du " monde de la caverne"
3.7. Milieu composite:
Tout style emblématique, quel que soit le type de stratégie identitaire se développe toujours en
fonction de l'autre milieu. Tout style "original" peut ainsi se définir par ses oppositions
contrastées ou par ses transformations transgressives de celui "des autres». Les styles «noirs»
et «blancs» des U.S.A sont différenciés et polarisés tout en se copiant. Chacun de définir la
situation en transformant ce qu’il emprunte en fonction de la perception que l’autre pourrait
avoir de lui. Les mises en spectacle dans les «rues choeurs», sur les planches ou au cinéma
illustrent ces jeux transactionnels pour imposer une position identitaire à travers un style
moteur. Là où la fracture intergénérationnelle est particulièrement saillante, le même type de
jeu de miroirs déformants oppose le style «chaabi» des cheikh (vieux) et le style «raï» des
«cheb» (jeunes).
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Vigouroux, R., La fabrique du beau, Odile Jacob, Paris, 1992,
5 questions
1) Tino Rossi a eu du succès : a)au Congo parce qu’il y a fait une tournée/ b)
au Congo car il chantait comme les missionnaires/ c) au japon parce que sa
voix rappelait celle des chanteurs de Kabouki/
2) Miles Davis jouait de la trompette sans vibrato a) car il préférait un son dur
et « dirty »/ b) car il ne voulait pas « jouer au minstrel nègre »c) / car il
voullait plaire au public des blancs
3) Les principaux créateurs de nouvelles musiques sont : a) issus des classes
favorisées (les « héritier ») pour « se distinguer»/ b) immigrés car ils
peuvent comparer/ c) des enfants d’immigrés car en créant ils ne sont pas
défavorisés par rapport aux parents ni par rapport aux autochtones.
4) Les chamans ont des voix aiguës a)pour imiter les oiseaux/ b)ont des voix
de gorge à cause des conditions climatiques/ g)par alliance totémiques
avec un animal ruminant (mouton, yak, chameau…)
5) Le quinto est un instrument de percussion solo apprécié des cubains car il
est « une quinte au dessus » et par conséquent joue un rôle dirigeant
comme le soliste soprano b/ car cet instrument est sacré /c) car le rythme
cubain est caractérisé par le 5 temps (2-3 ou 3-2)
Rép1b, 2b, 3c, 4c, 5

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