Bavardages sur chat Enda Walsh explore les dérives du masque et

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Bavardages sur chat Enda Walsh explore les dérives du masque et
Bavardages sur chat Enda Walsh explore les dérives du masque et de l’humain dans un texte
joué par six comédiens jeunes, fougueux et talentueux.
Six chaises de métal alignées sur deux rangées, une musique techno et trois pas de tectonique,
chacun des ados a droit à son quart d’heure de célébrité pour se présenter. Le chat peut
commencer. A propos de Charlie et de sa chocolaterie, de J.K. Rowling et de son Harry
Potter, des auteurs qui veulent infantiliser les jeunes
Texte humoristique avant de devenir incisif, "Chatroom" de l’Irlandais Enda Walsh offre une
galerie de portraits atypiques. Avec Laura, Adriana Da Fonseca, la psy de service, Jack,
Cédric Lombard, le babacool à l’acnée resplendissante, William, interprété par Olivier Lenel
implacable dans le rôle du "bécébégé" de la bande, ou Eva alias Elsa Poisot, tendance garce et
fan de Britney Spears, provocatrice et pourtant fragile malgré sa minijupe et sa ceinture
cloutée. Reste Emily, juvénile Deborah Rouach craquante en Fifi Brindacier attardée avec son
ratelier d’acier clairement assumé. Puis, et surtout, Jim, le paumé - enfin pas tant que ça - dont
le père est parti alors qu’il avait six ans, qui se croit détesté par sa mère et qui regrette de
jouer Jean, "l’apôtre tendance gay," dans la pièce de la paroisse.
Tous habitent la même ville et se retrouvent, masqués, sur le Net. Empli de mal-être, Jim, un
Julien Vargas délicatement émouvant, contacte Laura sur un chat de suicide. Elle est à
l’écoute. Pendant ce temps, les autres comparses s’ennuient et cherchent une cause à
défendre. Et si Jim était la proie rêvée ? S’il pouvait commettre un acte héroïque au nom de
tous les adolescents suicidaires ? Le ton monte. Certains chatteurs se sentent responsables,
malgré le confort de l’anonymat. Vont-ils intervenir ? Jeu d’influences, rebondissements,
crescendo, coup de gueule impressionnant de la part, entre autres, d’Olivier Lenel,
fraîchement sorti de l’IAD et déjà capable d’une colère profonde et palpable.
Chacun des six comédiens, d’une réelle justesse, offrira une personnalité et un jeu singulier,
s’étant approprié le texte de Enda Walsh à propos d’une adolescence dont ils semblent avoir
gardé plus que des réminiscences. Leur vraie jeunesse ajoute un atout supplémentaire à la
pièce de Sylvie de Braekeleer qui a brillamment réussi son casting pour une mise en scène
sans audace mais néanmoins actuelle, adaptée au propos et surtout très au service du texte.
De quoi sommes-nous capables ? Que cache la moralité imposée par les règles de la société ?
Telles sont les troublantes questions posées entre les lignes par l’auteur qui vit aujourd’hui à
Londres. "En tant qu’écrivain, je crois que nous avons tous un potentiel malveillant et que
nous sommes tous capables de tout", déclare Enda Walsh à propos de "Chatroom" et d’un
théâtre confrontant ancré dans le chat du temps.