Assassin Productions
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Assassin Productions
Interview de Maître Madj réalisée par Juls, le 08 Octobre 2003 Assassin Productions Explique nous l’origine d’Assassin Productions, ses fondements juridiques et ses activités. L’origine exacte remonte à Octobre 1991. Assassin était à l’époque chez « Remark Record » et venait de rompre son contrat après la sortie du maxi « Note mon nom sur ta liste ». C’est l’envie de bosser sur un album d’Assassin qui a motivé la création d’Assassin Productions fin 91 début 92. A cette période personne ne voulait sortir cet album (qui était déjà maquetté). Et c’est la rencontre avec Jacques Renaud et grâce à son soutien financier qu’à été crée Assassin Productions. La sortie de l’album était donc possible. Sinon pour les fondements juridiques c’est une S.A.R.L. L’objectif était avant tout la sortie de l’album « le futur que nous réserve t-il ? », de plus c’était une nécessité. Ensuite les objectifs et ambitions se sont multipliés, grâce notamment au marchandising. Dès 1995 on a commencé à se développer et à tendre la main à des artistes comme Kabal puis Pyroman, La Caution ou encore la sortie de maxis « L’avant-garde » Une réelle envie de nous diversifier s’est imposée. Quels sont les projets et l’actualité d’Assassin Productions ? L’actualité c’est la sortie de l’album de LA BANDE DES 4 « Hors de Contrôle », le 4 novembre 2003. C’est vraiment un projet atypique qui ne s’inscrit pas dans la vague actuelle. Ce n’est pas évident mais on va le défendre. Sinon côté projets il y a la sortie prochaine, en VHS et DVD du film « Wesh, wesh, qu’est ce qui se passe ? » auquel nous sommes liés. LA BANDE DES 4 sévie depuis 4 ans déjà, qui est-elle ? Et quelle place prend elle au sein d’Assassin Productions ? Il y a une volonté de maintenir un côté nébuleux et impalpable au groupe. Mais les « crédits » dans l’album préciseront « qui fait quoi ». 4 occupe la place qui lui revient dans Assassin Productions. C’est un projet intéressant et c’est aujourd’hui la préoccupation principale. Parle nous plus de l’album « Hors de contrôle » de LA BANDE DES 4. L’envie au départ à été de donner une suite aux 2 Street tapes, qui était un concept nouveau. Au départ on voulait en faire une troisième et puis finalement ça ne nous intéressait plus et on voulait passer à autre chose. Il y a, par la suite, eut une phase de travail sur des instrus. On les a faites écouter à Squat qui a montré un grand manque d’intérêt, du dédain même. Bref ça ne l’intéressait pas du tout. Donc on a décidé de faire un album instrumental. C’est une sorte de grand voyage de la piste 1 à la piste 17. Le but est de réintroduire le rap dans une dimension de musique populaire. Le rap n’est pas né « comme ça », cette musique découle d’un tas de choses. C’est donc un voyage atypique, un album neuf et nouveau qui réservera des surprises et permettra à Assassin Productions de retrouver l’essence qu’on avait peut être mis de côté depuis quelques temps. Assassin Productions a déjà aidé beaucoup de groupes à se lancer, allez vous continuer ? On verra. En tout cas ce n’est pas à l’ordre du jour mais ça n’est pas exclu. On en a fait, on a vu ce que ça nous a procuré et ce qu’on a eu en retour. Maintenant si tu tiens pas les gens avec des cadenas et si t’utilises pas des armes contractuelles c’est plus possible. Or je travaille et fonctionne beaucoup sur la confiance. Donc de ce côté là je suis un peu vacciné. Mais bon tu sais la musique est imprévisible. L’actualité c’est LA BANDE DES 4 et on va se battre pour l’imposer. Maître Madj Résume nous ton parcours. Je crois que tu étais animateur sur Beur FM non ? Oui, ça s’appelait Radio Beur avant et j’étais avec Mil, on animait l’émission « Fusion dissidente » sous-titrée « Tribune Libre de la culture urbaine ». Ca a commencé en décembre 1987 et l’histoire a pris fin en janvier 1991. C’était l’époque des balbutiements du rap en France. On a invité des tas de groupes et d’artistes de divers courants, ça allait de Assassin, NTM, Daddy Nuttea, Tonton David aux Berurier Noir, La Souris Déglinguée ou encore Parabellum. On agissait sur le terrain de la contreculture. Il y avait un bouillonnement extraordinaire et on avait envie d’être le reflet de cette contreculture. On a passé des moments riches en rencontre. A la suite de ça j’ai travaillé 1 an pour le fanzine « Get Buzy », histoire qui ne s’est d’ailleurs pas très bien terminée humainement parlant. Et un jour Squat m’a appelé, on s’était déjà rencontré plusieurs fois, parce qu’Assassin était en panne de manager. On a vite vu que je ne correspondais pas à ce qu’ils attendaient vraiment mais par contre ils avaient besoin d’une meilleure organisation et de rigueur, ce que je pouvais apporté. Tu sais c’était vraiment la grande époque, les textes de Squat et Solo m’ont vraiment plu. Un état d’esprit proche de celui de Public Enemy par exemple. J’ai apporté donc mes connaissances sociales et politiques. Je pense qu’aucun groupe français n’a eu cette opportunité en toute modestie, d’avoir cet aspect visionnaire. J’ai beaucoup alimenté « l’esprit Assassin ». La crédibilité s’est aussi faite grâce à mon apport. Je te parle là de la période 91-97. Quel est ton rôle exact au sein d’Assassin Productions ? Le même qu’à l’époque mais il est aujourd’hui accentué. Avant je m’occupais plus de l’administration, de la gestion de la société. Et bon tu vois fallait tenir la boutique. Et aujourd’hui plus que jamais puisqu’on distribue une vingtaine de disques et qu’on gère une structure de VPC… Beaucoup de choses reposent sur mes épaules depuis longtemps. Parles nous du film « Wesh, wesh qu’est-ce qui se passe ? » que tu as co-écrit avec Rabah Ameur-Zaïmeche. C’est le résultat d’une très longue aventure qui a commencée en 1994. Rabah c’est un vieil ami et cette année là il m’a proposé d’écrire un scénario ensemble. Il voulait parler de sujet tels que la double peine. Mais bon c’était une période difficile pour Assassin Productions notamment à cause du départ récent de Solo et la préparation de « L’Homicide Volontaire ». Mais petit à petit on a terminé le scénario, il était bouclé début 1997. Ensuite on a eu beaucoup d’hésitations et d’incertitudes. On hésitait à se lancer dans la réalisation, le cinéma on n’y connaissait pas grand-chose. Mais finalement Rabah a tourné le film pendant l’été 1999, le tournage a duré 3 mois. Puis il y a eu la post-production et enfin la distribution. Le film a été primé à quelques festivals et cela a permit de le voir débarquer dans les salles le 1er Mai 2002. En tout ça a donc mis 8 ans. C’est un très beau film. J’en profite pour rendre hommage à Rabah car c’était un premier film et il n’avait pas beaucoup de moyens. Et là c’est la suite, il sort en DVD et VHS dans les points de vente habituels le 18 novembre 2003. C’est 2 semaines après la sortie de l’album de LA BANDE DES 4 mais c’est du pur hasard. A noter que l’habillage du DVD est constitué de morceaux de N.A.P, Assassin et LA BANDE DES 4. As-tu d’autres projets personnels de ce type ? Non, pas pour le moment, c’est des longs parcours et il faut du temps. Le film a fait une sortie remarquée en salles et j’espère que ça sera pareil pour la sortie en vidéo. J’espère que LA BANDE DES 4 interpellera le public car c’est un challenge pas facile à réaliser. J’espère qu’on y arrivera. Assassin / Squat Pourquoi avoir continuer à utiliser le nom de groupe Assassin après les départs successifs de DJ Clyde, Solo et Doctor L ? Parce que tout simplement Assassin était un groupe, c’était de multiples énergies au service d’une même entité. Même si ça s’est resserré principalement autour de Squat et moi, ça restait un groupe. Sur le plan artistique bien sûr centré sur Squat mais bon ça restait logique. Un groupe c’est un ensemble d’individus qui portent ensemble une aventure qui les amènent à se dépasser. Il ne faut pas d’individualisme. Ca ne peut pas aller si on a un ensemble d’individualités qui n’est pas au service d’un même truc. L’énergie qui se dégage du groupe on doit s’y plier. Clyde a quitté le groupe en 93, Solo début 94 et Doctor L fin 95. Mais bon rien n’est usurpé, tout est légitime… Le terme « crew » ou « académie » a-t-il encore un sens aujourd’hui pour parler d’Assassin? Je ne pense pas. Aujourd’hui en 2003, au sens de 1991 on est plus dans la même dynamique. Il n’y a plus d’académie dans le sens imagé auquel on l’entend. Il n’y a plus d’envie de dénoncer, de transmission de savoir, en tout cas je ne la vois pas… Que penses tu des récentes prestations de Squat comme les 2 « Illégal Mixtape » ou le morceau « Libre » ? Tu sais y’a une phrase comme ça : « Chassez le naturel, il revient au galop », voilà ! Quand on a construit Assassin Productions, c’était autour de l’album « Le futur que nous réserve t-il ? », mais là ce que fait Squat c’est plus du tout le même esprit. Le titre « Libre » c’est pas Assassin pour moi c’est Rockin’ Squat. Que ce soit Assassin y’a que lui qui le dit. Aujourd’hui on sort « Hors de contrôle » de LA BANDE DES 4 et le public, je ne pense pas qu’il soit abruti, sera à même de juger qui fait quoi, qui s’approche le plus du côté originel et qui s’en éloigne… L’orientation psycho-ego-thug-rasta de Squat ne me concerne pas du tout. Pour moi c’est pas Assassin. Il est intéressant de comparer « Touche d’espoir » avec les 2 albums précédents. Cet album reste un bon album de rap français, comme il y en a d’autres d’ailleurs. Les 2 autres étaient tout simplement exceptionnels. Avant il y avait une véritable volonté d’avancer un propos, un engagement. Je crois que je ne suis pas le seul à penser ça. Beaucoup pensent et disent que Squat n’est pas authentique et qu’il n’est pas en adéquation avec ses paroles, parles nous du personnage et de son évolution, toi qui le connaît depuis plus de 10 ans. Humainement parlant, je ne m’étalerai pas car j’ai pas envie de rejoindre le coin des médisants qui dégueulent sur Assassin ou Squat depuis longtemps. Du point de vue de son parcours artistique il a tout simplement été l’un des meilleurs rappeurs français. Les artistes engagés comme LKJ, Public Enemy, Paris, Zebda, Noir Désir, The Clash ou les Berurier noir, quand je les vois, j’ai le sentiment qu’ils sont inclus dans tout ce qui touche le domaine social et politique, qu’ils sont concernés par les luttes. Je me demande si les grands problèmes qui ont secoués la France et le monde ces derniers temps ont réellement été abordés par Squat. On ne peut pas se prétendre « engagé » quand on est en décalage de la réalité sociale. Il faut être au fait de ce qui trouble et anime le monde. Hip Hop Est-ce que les prestations d’anciens proches d’Assassin comme celles des ex-NTM pour les débuts, des ex-Kabal avec l’album solo de D’ et le groupe In Vivo pour Djamal, de Starflam ou même d’Ekoué t’intéressent ? Ca fait très longtemps que je doute de la capacité d’NTM à être engagé. A l’époque on me disait que j’avais tort quand je disais ça. On a bien vu le résultat. La clé de la réussite c’est la constance. Kabal, In Vivo et D’ en solo, c’est fidèle aux garçons que j’ai connu, c’est cohérent. Starflam reste un excellent groupe de rap, cohérent et fidèle à lui-même. Ekoué on l’a connu en 1993, il était jeune, il devait avoir 18 ans. Il était fan d’Assassin et à la suite d’un concert il est venu nous voir. C’est aujourd’hui l’un de ceux qui a le plus dégueulé sur Assassin. Mais même si j’ai des doutes par moment sur l’honnêteté intellectuelle de certains membres de La Rumeur, je trouve que textuellement ils véhiculent de bonnes choses et c’est certainement l’un des trucs les plus intéressants en ce moment en terme de propos. Qu’écoutes tu niveau rap français et international ? En rap français, j’écoute pas grand chose, plus rien ne me transcende. Pour ce qui est du rap américain, la face émergée de l’iceberg ne m’intéresse plus même si ça rappe bien. Au début le rap US était une réaction face à la société capitaliste américaine. Maintenant c’est devenu le contraire. Y’a toujours du bon, des anciens comme Kool G Rap par exemple. Quand Krs-one sort un nouvel album ça fait toujours plaisir aussi, quand Chuck D fait l’intro avec Henry Rollins sur « Rise Above » je trouve que c’est un superbe hommage, ça fais plaisir. J’ai beaucoup de respect pour ces gens. Public Enemy ça fait plus de 15 ans qu’ils sont là et aujourd’hui c’est pas Will Smith tu vois ce que je veux dire ! C’est ça la cohérence pour moi, il ne court pas après le passé Chuck D, il est où il doit être. C’est pas 50cent ! C’est une cohérence que je retrouve chez peu de gens, et pas chez Squat. Le rap tourne en rond depuis 7-8 ans, il n’a pas évolué donc je me replonge dans la musique populaire américaine et explore des mouvements comme le Blues, depuis 4-5 ans. C’est un style riche par la multitude de ses courants. J’aime beaucoup le rocksteady aussi, un style entre le ska et le reggae, c’est une forte culture. J’aime aussi beaucoup le punk-rock. Tout ça a existé bien avant le Hip-hop et a contribué à construire son identité, ce sont des musiques qui me parlent. J’aime quand la musique est un témoin de son temps. Sinon le Hip-Hop US n’est pas mort, y’a toute une série de labels indépendants qui font vivre cette tradition mais ce ne sont pas les plus exposés et comme je l’ai dit, malgrès tout ça n’évolue pas beaucoup Comment vois tu l’avenir du rap en France ? S’il n’y a pas la volonté d’imposer une musique alternative, on fonce dans le mur. Déjà pour la France faut plus parler de Hip-hop, c’est du rap c’est tout, si tu vois ce que je veux dire. L’avenir n’est pas beau, pas très joyeux. En plus avant de vouloir réagir aux problèmes sociaux et politiques, il faut réfléchir à la manière de traiter la musique. Assassin en avait les moyens, de par son histoire, sa force, on avait le truc qui manquait. Aujourd’hui en France il y a un vide, il manque vraiment un gros groupe Hip-Hop de contre-culture, un vrai. Je suis contre l’impérialisme américain, je suis d’une autre génération aussi. Et tu peux pas combattre cette domination en reproduisant ses codes. Il faut avoir une vraie identité. Le Punk-Rock anglais par exemple ne s’est jamais fait avoir, c’était le britannisme. Comme dans le Hip-hop anglais qui a aussi toujours eu sa propre identité. Il y a les normes anglaises, Il faut en avoir envie et conscience. C’est sur ce discours qu’on a fidélisé des gens et j’ai pas l’habitude de trahir. J’ai la faiblesse de penser que le Madj de 1990 et le Madj de 2003 sont sensiblement les mêmes. As-tu un message à faire passer aux visiteurs du site ou des dédicaces à faire passer, lâches toi. Je voudrais faire part de mes impressions sur ton site. Je pense que t’as bien compris le truc. Tu n’as pas essayé de faire un site officiel bis. Tu as cherché à mettre à disposition des gens, des documents qui ne sont pas présents sur notre site, comme des interviews ou des photos. C’est un bon complément à notre site et c’est vers ça que tu dois avancer, un complément.