LE REGARD No 13
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LE REGARD No 13
Le Regard Revue du TeRRiToiRe d’HaïTi de la Compagnie de Jésus Année 4, Nº 13 CONTENU Editorial : Le silence est rompu. Jean Denis Saint Felix, sj Infos Son /Lakay Regards Croisés I : Expériences du Mois d’Arrupe de nos théologiens : Canada et Rome. Regards Croisés II: Accueillir une nouvelle étape de ma formation. Delsen Innocent, sj Regards Croisés III: La méthode ESDAC à découvrir à partir d’expérience. Delsen Innocent, SJ et Charles Stanley, SJ Regards Croisés IV: De la lutte contre la traite et le trafic de personnes à la frontière Malpasse-Jimani Regards Croisés V: « Les rêves d’ Haïti », Jean Yves Fernand, sj Comité de redaction Levelt Michaud, SJ Georges Jean Vanel, SJ Mise en page Levelt Michaud, SJ Correction Jean Denis Saint-Felix, SJ Stanley Charles, SJ Comité d’information et de soutien Brillaire Délices, SJ Brunelson Exilas, SJ Emmanuel R. Saint-Hilaire, SJ Rwolds Augustin, SJ Stanley Charles, SJ Germain Clerveau, SJ Jean Bertin ST LOUIS, SJ Novembre 2014 Editorial : Le silence est rompu Chers lecteurs, Après un long silence, Le Regard, votre bulletin électronique dont la mission est de soigner et de promouvoir l’union des cœurs et des esprits, est de retour. Des changements au niveau de la direction du bulletin ont eu lieu. Germain Clerveau et Bertin Saint-Louis ont terminé leur régence et sont partis pour le Canada pour commencer leurs études en théologie. Nous en profitons pour leur remercier de leur engagement de qualité à la tête du Bulletin et leur souhaitons beaucoup de succès dans cette nouvelle étape de leur formation dans la Compagnie. Là où ils sont, ils continueront à offrir leur précieuse collaboration. Deux nouveaux régents, Jean Vanel GEORGES et Levelt MICHAUD, ont accepté de porter ce beau projet. Nous leur disons notre gratitude et leur promettons notre appui et collaboration. Cependant, il revient à chaque jésuite de mettre ses talents au service de notre bulletin. Dans ce nouveau numéro vous trouverez le mot du Père Délégué nous invitant à être attentifs à certains événements majeurs dans la vie de l’Église et dans notre vie de jésuites ; un retour sur l’expérience du « Mois Arrupe » telle que vécue par certains de nos scolastiques durant l’été ; le sacerdoce du point de vue d’un jeune prêtre et des réflexions portant sur l’importance du discernement et le travail qui se fait sur la frontière dans le domaine des droits humains. Votre lecture prendra fin sur une note plus esthétique pétrie de poésie et de peinture. Merci à tous les contributeurs. Pour le prochain numéro, vous êtes invités à réfléchir sur les différentes manières dont La Compagnie peut participer à la rédemption du peuple haïtien. Merci d’y penser sérieusement, car au moment où nous écrivons ces lignes, l’avenir de notre pays ne saurait être plus incertain, le chômage bât son plein, la misère s’ingénue à laisser son empreinte sur les mœurs ; et les politiciens s’évertuent à enlaidir davantage le paysage politique et à polluer le vivre-ensemble. Cette réalité inquiétante nous interpelle tous et remet en question la présence même de la Compagnie en Haïti. Bonne lecture ! Mots du délégué Chers compagnons, chers collaborateurs, chers amis, Nous avançons vers la fin de l’année. Trois événements attireront notre attention au niveau de la vie de l’Église et de la Compagnie de Jésus.D’abord le lancement de l’Année de la Vie Consacrée qui débutera le 23 novembre 2014, jour de la fête du Christ Roi, et prendra fin le 2 février 2016. « Réjouissez-vous » est le thème retenu pour la commémoration de cette Année de la Vie Consacrée. Le Cardinal Joao Braz de Aviz, brésilien, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, reprend les paroles du Pape François et nous invite à rendre grâce au Seigneur « pour le don de la vie consacrée au monde et à l’Église elle-même ». Il signale les trois principaux objectifs de l’Année de la Vie Consacrée : faire mémoire avec gratitude, embrasser l’avenir avec espérance et vivre le présent avec passion de façon à «réveiller le monde» (Zenit, 31 janvier 2014).Le 2ème événement sera l’entrée dans le temps de l’Avent le 30 novembre 2014. La liturgie de ce temps fort nous invitera à veiller, espérer et préparer notre cœur pour accueillir Jésus, qui est présence éternelle de Dieu incarné au cœur de notre humanité.Le 3ème événement, qui concerne particulièrement la Compagnie de Jésus, sera la convocation de la 36ème Congrégation Générale le 8 décembre 2014 par le Supérieur Général de la Compagnie de Jésus, le Père Adolfo Nicolás. Tous ces événements nous inviteront à prendre du temps pour célébrer, réfléchir, prier, remercier, partager, discerner et écouter la voix de Dieu qui nous appelle et nous engage dans la mission au service de son peuple. Du 27 octobre ou 4 novembre, j’ai eu la joie de participer à la 29ème Assemblée de la Conférence des Provinciaux de l’Amérique Latine (CPAL), tenue à Santa Cruz de la Sierra en Bolivie.Les thèmes de la rencontre tournaient autour de la gestion économique des Provinces, les bureaux de développement, la solidarité dans la formation des nôtres, le processus de restructuration des provinces et des centres de formation en philosophie, l’application du plan opératif annuel du Projet Apostolique Commun (PAC). Les deux Assistants du Père Général, présents à cette rencontre, nous ont donné des informations sur des sujets importants comme la prochaine Congrégation Générale (36ème CG) qui sera convoquée le 8 décembre, le rôle des supérieurs dans le gouvernement de la Compagnie, l’admission aux derniers vœux… Le Projet Apostolique Commun (PAC), approuvé par les provinces et régions de l’Amérique Latine et des Caraïbes, signale les grands défis sur lesquels la Compagnie de Jésus doit concentrer ses compétences et ses ressources en vue de donner une réponse efficace aux grands problèmes qui affectent des millions d’êtres humains dans les différents pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Nous avons profité aussi pour avoir une rencontre de partage sur le Projet Caraïbes avec les représentants de la Province des Antilles, Haïti, Jamaïque, Puerto Rico, Venezuela et Guyana, en présence du P. Jorge Cela, président de la CPAL, et du P. Gabriel Ignacio Rodriguez, assistant du P. Général pour l’Amérique Latine Septentrionale. Nous avons vu ensemble la nécessité de bien définir notre identité caribéenne sur une base spirituelle solide, d’élaborer une stratégie de communication entre les différentes provinces et régions de la Caraïbe en vue de renforcer la conscience caribéenne des compagnons jésuites et de nos collaborateurs et collaboratrices, de promouvoir la solidarité et la collaboration dans tous les aspects de notre vie jésuite à travers la mise en place d’activités concrètes communes qui répondent aux grands défis de la région caribéenne, tels que l’injustice, la violence, la pauvreté, la migration forcée, la dégradation écologique. Il nous faut alors trouver un délégué qui coordonne ce travail de mise en place d’une mission commune pour la Compagnie de Jésus dans la Caraïbe. Au moment où j’écris ces lignes, l’invitation au dialogue entre les différents acteurs de la vie politique et sociale se fait pressante en vue de trouver une solution à la crise qui menace Haïti dès le 2ème lundi du mois de janvier 2015. En ce sens, nous apportons notre appui à la démarche de dialogue que veut entreprendre de nouveau la Conférence Épiscopale d’Haïti sous la houlette de notre Cardinal Chibly Langlois. Veillez, priez ! Préparons-nous à accueillir dans la foi et l’espérance Celui qui est déjà là et qui vient. Miller Lamothe, sj Infos / Son Lakay BELGIQUE: Succès à notre compagnon Kénel Après avoir réussi avec distinction ses études de master complémentaire en droits humains, notre compagnon Kénel Sénatus, sj, est en train de poursuivre des démarches pour faire son doctorat en Espagne. Il a déjà eu des interviews très fructueuses par skype et attend maintenant sa lettre d'admission pour lancer la demande d'un visa d'étudiant. Nos félicitations et succès. ITALIE: Collegio Internazionale del Gesù: Rencontre des scolastiques jésuites à Rome Le 18 octobre dernier, nous avons eu un après midi de rencontre entre des jésuites étudiants à Rome. Nous avons des jeux de basketball, pingpong, Badminton, etc. suivi de hamburgers. Ce fut vraiment une joie de retrouver les vieilles connaissances, de partager un peu de ce que nous vivons et de la réalité de nos provinces. REPUBLIQUE DOMINICAINE: 1.-Ils sont 7 les scholastiques haïtiens en République Dominicaine mais ils ne vivent pas tous au philosophât. Trois d’entre eux se retrouvent dans trois communautés distinctes. Brunelson Exilas, sj vit à San Cristobal dans la communauté IPL; Jean Yves Fernand, sj vit dans la même communauté que le Père Provincial Javier Vidal, sj à Valle Llano et Gerard Myriam Paul sj à la curie. 2.- Levelt Michauds, sj et Johnny Masseba sj ont gradué et obtenu leur diplôme en philosophie le samedi 11 octobre 2014 à INTEC. Les deux ont eu pour mention Magna Cum Laudae. Plusieurs de leur confrères avaient pris part à la cérémonie de graduation pour manifester leur appui et leur joie avec eux. 3.- Le P. Berthony Saint Goerges sj, a défendu avec brio sa thèse doctorale : «Praxis de libération et résistance de l’altérité: de l’éthique de la libération de Enrique Dussel à l’unité utopique de l’action politique», le mois d’aout 2014 au Département de philosophie de l’UQAM. Il a eu pour mention EXCELLENT. 4.- Notre confrère Sudzaire Charelus,sj a obtenu un prix pour son poème intitulé « los llantos de la razón». Vous trouverez le poème à la dernière page de ce bulletin. HAITI : 1.- CERFAS. Une quarantaine de jeunes haïtiens ont bouclé leur étude à l’IHFOP. La cérémonie de la graduation a eu le lieu le dimanche 21septembre 2014. Et pour la nouvelle session, plus de 75 personnes se sont inscrites. Les cours sont assurés par des Dr. 2.- Le P. Gabriel Ambroise Dorino, s.j n’est plus le directeur de Foi et Joie. Actuellement il est au Mexique pour son troisième AN. Attendant l’arrivée du nouveau directeur au tout début de l’année 2015, le P. Marcos Recolons, sj la direction de Foi et Joie est assurée par le directeur adjoint, le P. Joazile Jean Maxène sj. 3.- Le P. provincial Jean-Marc sj est Haïti allant du 11 au 25 novembre 2014. Il fait la visite canonique des communautés de Biassou et de Ouanaminthe. Il profite de visiter certaines œuvres aussi. 4.- La construction du NOUVEAU NOVICIAT, dans la zone de Croix des Bouquets à l’Est de Port-au-prince, a terminé. Les clés ont été remises le mois dernier. En ces jours, on fait l’ameublement. L’endroit est très agréable et très calme. Le déménagement de l’ancien noviciat est prévu pour la fin de l’année 2014. Expériences du Mois d’Arrupe de nos théologiens : Canada et Rome. Mon expérience de Mois d’Arrupe, un moment de grâce Le mois de juillet dernier a marqué une nouvelle étape de ma formation jésuite. Nous étions une quinzaine de scolastiques jésuites, réunis en France et venant de coins géographiques différents et de cultures diverses, qui ont participé à ce temps de réflexion profonde du Mois Arrupe qui est un moment de réflexion intense établi dans la Compagnie de Jésus par le père Pedro Arrupe dans l’objectif d’aider les scolastiques qui sont appelés à la prêtrise à réfléchir sur l’engagement que recouvre ce ministère dans l’Église. Cette expérience a été pour moi une occasion de faire un pèlerinage sur les pas de saint Ignace en Espagne. D’abord, j’étais arrivé en Espagne une semaine avant le Mois Arrupe, ce qui me donnait l’occasion de visiter les lieux ignatiens où notre saint fondateur a vécu une bonne partie de sa vie. J’ai été précisément à la Santa Casa à Loyola où Inigo a vécu sa convalescence. J’ai été aussi à la ville de Pampelune là où le brave Inigo s’est fait fracasser la jambe. Une semaine après le pèlerinage, je me suis rendu à Paris où j’ai rencontré les autres compagnons scolastiques du territoire (Stanley, Eddy, Paul-Fils ). Nous étions arrivés à la communauté de Vanves et j’ai pris mon premier contact avec Paris. Deux jours après nous nous sommes dirigés vers la région de Lozère, entre Toulouse et Marseille, précisément à Severette chez les Sœurs Ursulines qui nous accueillaient dans le lieu qui devenait notre demeure pour ce temps de réflexion. C’était dans ce beau endroit agréable et tranquille en pleine campagne, entourés de montagne et de beaux arbres que nous avons vécu les éléments substantiels de la réflexion sur le ministère presbytéral. La première partie du mois Arrupe s’est constituée autour d’un grand thème : Prêtre à la manière jésuite. Dans cette tranche, nos discussions suivies de moment de réflexions personnelles étaient basé sur la lecture des textes fondateurs de la compagnie qui nous rappellent notre vocation de religieux jésuites qui est l’invitation continuelle de notre Seigneur à aller au-delà des frontières de ce monde. C’est aussi un rappel à la haute exigence de la mission jésuite qui prône le magis et le don de nous-mêmes dans la radicalité de l’évangile. C’était une occasion de redécouvrir certains textes déjà étudiés au Noviciat. En effet, pour assurer l’animation de cette section, un jeune prêtre Jésuite de la province de Belgique venait nous partager son expérience. Par groupe de pays ou de région, on présentait en soirée, les églises d’origine et le défis que cette église est appelée à relever. Chacun était aussi tenu de présenter de manière individuelle sa vie et l’histoire de sa vocation. La deuxième section de la formation consiste à réfléchir sur la prêtrise à la manière de Vatican II. Dans cette partie, on a lu quelques textes référant au magistère de l’Église relatifs au ministère presbytéral. Je me souviens particulièrement du texte conférence du Cardinal Maradiaga « La formation des ministres de demain : De quel type de prêtre aurons-nous besoin à l’avenir? » qui fait largement écho du texte de l’Exhortation apostolique post-synodale « Pastores dabo vobis » dans lequel, il a esquissé le profil du prêtre dans le monde pour aujourd’hui et dans le futur. Ce texte m’a aidé à réfléchir non seulement sur le ministère en générale tel qui est esquissé dans le Nouveau Testament, mais aussi une analyse de la situation du monde actuel et les divers courants de pensées de contre-valeur chrétienne qui sont dans le paysage éthique et culturel du prêtre ont été abordés. Ce texte de conférence m’a aidé à réfléchir profondément sur les défis et les exigences du sacerdoce. Ce moment de réflexion plus pratique que théologique était aussi ponctué d’un témoignage d’un couple laïc qui venait nous partager son point de vue sur ce qu’il attend d’un prêtre. Un prêtre diocésain était aussi invité à venir partager avec nous son expérience dans la vie diocésaine. Tout cela me donne une compréhension plus claire du ministère de la prêtrise. Il est une grâce que le Christ donne à son église pour offrir le sacrifice du monde au milieu même des déboires et des grandes contradictions de cette vie. La prêtrise est une manière de vivre pour le Seigneur qui appelle à la pauvreté du cœur et qui s’exprime son essence dans l’exercice de la charité, de la pauvreté et de la configuration avec le christ pour le bien du peuple de Dieu. À la fin de l’expérience, une retraite de huit jours des exercices a été donnée au monastère de Notre-Dame de saint Aiguebelle chez les moines trappistes. Dans cette retraite, j’étais heureux de pouvoir prier sur des points spécifiques de ma vie et de réfléchir profondémentà la lumière de l’évangile de Marc sur la pauvreté et la charité comme exigence même de la prêtrise. L’expérience du Mois Arrupe réveille en moi le désir de servir Dieu et l’Église. Cependant, j’ai pu sentir aussi les défis et les exigences qui m’attendent dans service du Seigneur. C’était un moment de confirmation et de reconnaissance de tout ce que le Seigneur a réalisé dans ma vie. J’ai pu comparer ce moment avec la métaphore des mariés qui, avant la noce, sont en train de réfléchir, de méditer et de mesurer le « oui mutuel » qui engagera idéalement toute leur vie. Je rends grâce à Dieu pour ce moment béni dans ma vie et avec Saint Ignace et tous les saints de la Compagnie, j’offre ma vie comme un sacrifice au seigneur en disant : Délices Brillaire, Québec (city), sj L’expérience du mois d’Arrupe Parler du mois Arrupe m’inspire trois choses: l’importance de mon histoire, de ma formation jésuite et d’être prêtre aujourd’hui. Pourquoi le mois Arrupe? Après le Concile Vatican II, Arrupe constate un départ massif des jeunes prêtres jésuites. À ce moment, étant le général de la Compagnie, il invite les supérieurs majeurs à une réflexion, en vue de trouver la cause de ces départs. Pourquoi le jeune jésuite laisse-t-il après plusieurs années de formation qui l’ont mené à son ordination? Afin de remédier à cette situation, il propose que les jeunes vivent un temps de discernement et de relecture de leur vie, en vue de la préparation à l’ordination. L’expérience du mois d’Arrupe a été pour moi un voyage. Un voyage de grâce où j’ai revisité mon passé, humain, affectif et spirituel. Durant ce périple, j’ai appris à me reconnecter aux grands évènements de ma vie, à travers lesquels Dieu était présent. J’appelle ce moment de partage, mon histoire sainte. Dieu me prend comme je suis avec mes forces et mes faiblesses, et Il me dit de le suivre. La vie du jésuite n’est pas et ne doit pas seulement être une vie faite et construite sur le discours. Elle doit être adéquate avec la réalité dans laquelle il vit. L’expérience du mois d’Arrupe me fait dire que je suis jésuite aux frontières. Et me fait prendre conscience de toute la responsabilité que cela demande. La Compagnie croit dans la formation de ses jeunes. Devant les grands défis actuels, une formation assidue est obligatoire. Après cette formation, je pense que le jeune peut être fier de la richesse reçue dans la Compagnie. Cette fierté n’est pas de l’orgueil, au contraire, elle devrait être une prise de conscience des besoins de la société. Dans la Compagnie être prêtre équivaut à servir. La Compagnie prend au sérieux la formation de ses sujets et forme des gens capables d’aller plus loin. Elle nous accompagne avec nos limites et nos grandeurs. Elle nous forme pour répondre à des besoins extrêmes dans la société d’aujourd’hui. La disponibilité et l’humilité sont au cœur de notre vie jésuite. Durant cette formation, je deviens plus conscient de l’importance du partage, de la confiance et de la transparence dans mes relations. Cette expérience est l’un des plus beaux moments vécus dans la Compagnie. En cette étape de la formation dans la Compagnie, le mois d’Arrupe est primordial. Eddy Mondestin, sj Une bonne expérience de mois d’Arrupe Pour le mois Arrupe, nous étions un groupe de 15 personnes (13 scolastiques et 2 formateurs) et de 6 pays différents. C’était vraiment un temps de relecture et d’approfondissement: un temps de témoignage personnel, qui m’a vraiment permis de relire l’histoire de ma vie, ses hauts et ses bas, et de prendre conscience des défis de la mission face à l’avenir; d’autre part d’approfondissement sur ce que c’est un prêtre, un prêtre jésuite, et la vie religieuse, dans leurs caractéristique propres. Cela m’a bien tiré de l’ignorance sur les exigences d’un prêtre dans la Compagnie. Je sens que je suis en train d’avancer avec beaucoup plus de conscience sur ce qu’exige être prêtre dans la Compagnie. Plus conscient certes mais pas totalement à la hauteur. Ainsi je compte sur la grâce de Dieu et la prière de mes compagnons. C’était la première fois que j’ai vécu de manière personnalisée les Exercices Spirituels à la dernière semaine du mois Arrupe. Je l’ai beaucoup aimée et je crois avoir tiré beaucoup de profits spirituels. Il s’agissait de méditer l’évangile selon saint Marc. Me sont restés pendant longtemps l’épisode de la tempête apaisée et là ou Jésus demande à qui veut le suivre de prendre sa croix (Mc 4, 35-41;8, 34). Cela n’a pas cessé de me faire réfléchir, de méditer et m’a donné une certaine peur eu égard à l’avenir. Oui j’ai senti cette peur à cause des difficultés de toutes sortes qui pourraient se présenter, mais j’ai eu confiance que le Seigneur sera toujours là comme il s’est apparu subitement aux disciples en plein milieu de la mer. A partir de cette expérience, je me sens entrain de passer à une autre étape de ma vie: l’ordination. J’ai senti que ce sera vraiment une étape. Je me sens encore appelé à la vigilance: Une équipe de football après avoir marqué un but se laisse emporter par la joie, alors que l’adversaire est agacé irrité. Dans un laps de temps tout a changé, l’adversaire a pris le dessus. Pour ne pas me laisser emporter, je sens cet appel à cette vigilance dans la prière. J’ai senti beaucoup d’autres appels suite à cette expérience: Une vie spirituelle rythmée et nourrie pour me soutenir dans la mission. Face à mes questions: pourquoi un prêtre de plus? Juste pour augmenter numériquement la liste de nombre de prêtre jésuite? Pourrais-je apporter quelque chose au monde, à la Compagnie? Je ne sens pas que je signifie grand-chose, et alors je me sens appelé à la disponibilité à collaborer avec Dieu dans ce qu’il est en train de faire dans son Eglise et dans le monde. Je me sens aussi appelé à vivre le détachement. Je partage cette petite expérience relative à cela au début même du mois Arrupe: Avant de laisser Rome pour les vacances d’été (mois Arrupe, formation ESDAC, visites de certains lieux ignatiens, etc), le ministre de la maison a invité librement à ceux qui veulent de laisser leurs chambres pour accueillir d’autres, particulièrement des jésuites croates qui allaient venir à la maison. J’ai hésité à laisser la mienne. Après un temps, je me suis dit je n’ai pas de la cocaïne dans la chambre et aussi l’an prochain j’entrerai chez moi et je laisserai pour toujours cette chambre. Après le fruit de ce discernement, j’ai décidé de laisser ma chambre à disposition. Arrivé à Paris, la chambre dans laquelle on m’a accueilli était celle d’un scolastique qui s’en est allé pour quelques jours de vacances et l’a laissée à ma disposition. C’était avec joie que j’ai occupé cette chambre. Je sens que la simple idée de laisser la mienne m’a été inspirée par le bon esprit. Pendant les vacances et peu de temps après le mois Arrupe, j’ai eu la chance de séjourner et de rencontrer certains compatriotes dans les pays que j’ai eus la chance de visiter. J’avais au fond la curiosité de savoir comment ils vivent. J’ai vite découvert que la vie est difficile et tous sentaient au plus profond de leur cœur le désir de retourner un jour au bercail. J’ai constaté trois catégories: la première, des professionnels, qui ont une vie décente de part leur logement, leur train de vie. Mais ils vivent dans l’inquiétude du lendemain quant à leur emploi. Car quand on n’a pas de travail et il faut payer les factures ; le stress s’empare des gens. Une autre, ce sont les ouvriers où ce qui vivent à partir de l’aide du gouvernement. Les moyens pour vivre sont vraiment limités. Certains vivent vraiment dans des espaces réduits, que j’ai moi-même partagés. Enfin, des gens qui ont des bourses d’études ayant vraiment le stricte nécessaire. Cependant, en Haïti, vue la situation de misère des gens, on pense que ceux qui sont à l’étranger vivent dans le luxe. Et nos diasporas en donnent aussi l’impression quand ils vont au pays. La visite et les jours que j’ai demeurés chez des parents ou amis m’aident à me rendre compte que la vie est difficile. Cela m’a permis aussi, une fois de plus, de prendre conscience des bonnes conditions que me donne la Compagnie pour faire les études. Ce qui me pousse à les prendre davantage au sérieux afin d’offrir un meilleur service au peuple de Dieu. En fin de compte j’ai eu une belle expérience de mois d’Arrupe, suivi des moments de vacance et de formation. Je rends grâce à Dieu pour tout ce que j’ai pu découvrir et pour la Compagnie qui m’a donné tout le nécessaire pour bien vivre cette expérience. Stanley CHARLES, SJ THEME POUR LE PROCHAIN NUMERO : Comment la Compagnie de Jésus en Haïti peut contribuer à la rédemption d’Haïti à long terme ? Ps : Nous attendons vos contributions dès à présent jusqu’au 20 décembre prochain. Sur les pas de Saint Ignace Et voilà!!! Comme le titre l’annonce, nous allons emboiter les pas de Saint Ignace. On est le 6 Juillet 2014, je suis arrivé en Espagne, principalement à Valladolid pour commencer le Mois Arrupe (étape de formation préalable à l’ordination diaconale). Nous sommes 15 jeunes jésuites de différents pays : 5 Indiens, 3 Bangladais, 2 Sud-Coréens 2 Haïtiens, 1 Canadien, 1 Portugais et 1 Zimbabwéen (une riche diversité pour un si petit groupe -surtout que être originaire de l’Inde ne veut pas dire qu’on parle forcement la même langue). Il y a aussi des jésuites en provenance de l’Angleterre, de l’Irlande et d’autres conférenciers qui venaient exposer sur différents thèmes comme, Affectivité et intégration humaine, Prêtre et Évêque dans la mission et finalement Femme dans l’Église d’aujourd’hui et demain. Maintenant nous allons sur les pas de Saint Ignace. Dans le programme du « Mois Arrupe », il a été prévu de visiter des endroits où Saint Ignace de Loyola a lui-même visités ou vécus. Alors mettons-nous en route vers Salamanca. En arrivant à Salamanca, j’ai rencontré des jésuites de divers horizons, ils viennent soit pour étudier l’Espagnol, soit pour effectuer des Exercices Spirituels, soit pour faire le Troisième An ou suivre des cours de Spiritualité Ignacienne. Il y a également des jeunes jésuites qui font leur juvénat. Imaginez donc la diversité : 15 qui sont venus faire le Mois Arrupe et les autres jésuites qui sont à Salamanca. En visitant les endroits que Saint Ignace a visités à Salamanca ou encore qu’il a été forcé de visiter ou de vivre, je suis arrivé dans une chambre dans laquelle, selon les témoignages des jésuites, Saint Ignace a été emprisonné par des dominicains (l’Ordre des frères prêcheurs). Alors vous êtes prêts à vous embarquer pour la prochaine visite? Qui ne dit rien consent; alors on part. Maintenant nous allons au Pays des Basques. Ignace de Loyola est un Basque, né en 1491 à Loyola – Azpeitia. J’ai eu la chance de visiter la maison de ses parents et surtout la chambre de sa conversion. Pour moi c’est une grâce d’avoir fait cette expérience. J’ai profité pour revivre le début de deux grands moments d’amour. Le premier grand moment c’est ma vocation de devenir prêtre. Le deuxième grand moment est le début du premier grand amour à la Compagnie de Jésus commencé au noviciat. J’ai pu enfin identifier et contempler les lieux renfermant d’enrichissantes et instructives histoires dans les lectures antérieures que j’avais faites alors que j’étais encore novice. La maison des parents de Saint Ignace est devenue un musée avec les différentes instructions sur les chambres et sur sa vie. Tout est très beau et invite à une méditation et contemplation à n’en plus finir (je vous confesse que je me sens jésuite plus que jamais). Je sais que vous êtes en train de méditer sur l’expérience que j’ai eue… alors je vous accorde seulement une minute pour le faire parce que nous devons continuer le pèlerinage. Alors c’est reparti!!! En route vers Notre Dame de Aranzatzu. Entre Loyola et Aranzatzu, c’est environ 50 km de route. Aranzatzu est un lieu important puisque Saint Ignace, après avoir reçu le don de chasteté, a passé une nuit dans le sanctuaire de Aranzatzu en l’honneur de Notre Dame. Il alla remercier Notre Dame de Aranzatzu de lui avoir accordé la grâce de ne vivre plus pour les vaines gloires. Le sanctuaire que Ignace a connu a complètement été détruit dans un incendie en 1834 mais le statut a été toujours gardé intacte. Vers l’année 1950 on a reconstruit le Sanctuaire et on a replacé le statut de Notre Dame. J’ai profité de ce moment pour revivre un peu l’autobiographie de Saint Ignace et de faire quelques « dizaines de Chapelet » à Notre Dame de Aranzatzu tout en demandant à Notre Dame d’intercéder pour moi auprès de notre Seigneur afin qu’Il me fasse le don de chasteté. En laissant Aranzatzu, Ignace s’était rendu à Barcelone, puis en Terre Sainte. Moi aussi, j’ai voulu continuer le pèlerinage mais je n’ai pas pu physiquement me rendre sur les lieux puisque je devais commencer la retraite de 8 jours le jour suivant. Alors, je suis retourné à Valladolid pour la retraite. Il faut dire que le projet de continuer le pèlerinage n’a pas été abandonné. Comme bon ignacien, pendant la retraite j’ai fait le pèlerinage mental; ou dans les expressions de Saint Ignace j’ai fait la composition de lieux. Je me vois marcher avec Saint Ignace de Aranzatzu à Barcelone et ainsi de suite jusqu’à la fondation de la Compagnie. Et comme la retraite a pris fin avec l’envoi en mission des disciples de Jésus, moi aussi j’ai reçu la mission de Jésus à travers Saint Ignace d’aller sur les frontières là où les autres ne peuvent pas atteindre. Quant à la préparation à l’ordination diaconale, tout a été confirmé; la vocation de devenir prêtre est là bien vivante et vivifiante. Cependant la démarche pour arriver à cette confirmation a été totalement différente de celle que j’avais prévue. Maintenant voici la nouvelle démarche que j’ai adoptée et qui correspond mieux à notre statut d’hommes et femmes imparfaits. C’est une démarche puisée dans un article rédigé par un jésuite américain, Michael J. Buckley S.J. Le titre de l’article est : êtes-vous faible assez pour devenir prêtre? (Are you weak enough to be a priest?). Buckley croit que c’est en reconnaissant notre faiblesse que nous pourrons recevoir la grâce de Dieu (Quand je suis faible c’est alors que je suis fort - Saint Paul). Donc, si nous n’avons que de bonnes qualités; en d’autres mots si nous sommes parfaits, il n’y a pas de place pour Dieu dans notre vie. En terminant l’expérience, je prends mon statut d’homme imparfait qui cherche Dieu en tout et partout. Je me sens heureux d’avoir pris conscience de ma faiblesse et de vouloir faire plus de place pour Dieu dans ma vie. Déjà, le taux de stress et de peur a considérablement diminué; et je me sens plus que jamais prêt à accepter et recevoir mon ordination diaconale comme un cadeau de Dieu. Jean Robert Déry, S.J. Anniversaire des nôtres JANVIER MARS P. Jean-Marie Louis 03 NS. Frantz B. Georges 02 NS. Ernst Djéride Jean-Baptiste 09 S. Emanuel Michel Barreto 13 S. Rivelino Jean 11 F. Fernando Breilh Luna 14 P. Kenel Sénatus 17 P. Kawas François 14 S. Jean-Robert Dery 24 P. Pierre Rachelin Coicou 15 DECEMBRE S. Jean Vanel Georges 15 P. Midy Godefroy 04 P. Gilles Beauchemin 18 P. Gabriel Ambroise Dorino 05 S. Jean Hugues Miracle 08 S. Levelt Michaud 26 P. Berthony Saint Georges 28 FEVRIER AVRIL S. Amos Estinor 06 S. Pierre Edward Luc 05 NS. Gary Jacques 07 S. Brunelson Exilas 12 S. Rwolds Augustin 17 Mgr. Joseph-Gontrand Décoste 24 S. Jean Bertin ST LOUIS 22 NS. Maréus Tousséliat 27 F. Mathurin Charlot 27 Joyeux anniversaire et bonne fête à tous et à chacun !!! Regards Croisés I: Accueillir une nouvelle étape de ma formation La publication de ce numéro du "Le Regard" coïncide avec mes trois premiers mois d’ordination presbytérale. Tout de suite après ladite ordination, je suis retourné à Rome où j’étudie la spiritualité ignacienne afin de poursuivre mes études. Il m’a été demander de partager mon vécu durant la période postérieure à mon ordination. Il ne fait pas de doute que la visée de cette demande est de savoir comment se déroule la vie d’un jeune prêtre aux études? Et, également, une interrogation que plus d’un m’a faite, qu’est devenue ma vie depuis que j’ai été ordonné prêtre? Ces deux questions orienteront ce bref partage. Prêtre et étudiant Le milieu romain me permet de vivre ces deux aspects de ma vie cités ci-dessus sans grande difficulté. En effet, ils sont nombreux les prêtres, religieux et religieuses qui, comme moi, étudient dans la cité éternelle. D’une certaine manière, je vis mon être étudiant avec cette communauté estudiantine. Dans un niveau strictement personnel, je continue de m’émerveiller face à ce grand changement advenu dans ma vie. En plus du fait de m’accueillir comme un vase d’argile portant un trésor, je suis stupéfait de me rendre compte que je n’ai aucun pouvoir sur ce don que je porte. Don, la grâce que j’ai reçue l’est avant tout pour les autres. Aussi, ai-je compris que c’est seulement en me donnant que je deviendrai ce que je suis appelé à être : pasteur. Dans la résidence où je vis, nous sommes 74 jésuites de trente-deux nationalités différentes. Admirable diversité! La grande majorité des compagnons sont des prêtres (66). Ce fait présente un grand avantage pour un jeune prêtre, se sentir accompagné, vivre le sacerdoce ensemble avec d’autres confrères expérimentés qui rassurent et d’autres jeunes prêtres, avec qui porter ses questionnements. Il va sans dire que, sans éluder les écueils inhérents à l’expérience, le fait d’être dans une si grande communauté est une chance. Les compagnons d’ici m’ont permis d’avoir une vision beaucoup plus ample de ce qu’est un jésuite. Il convient de souligner qu’au milieu de cette grande diversité générationnelle et culturelle, il y a un noyau qui nous unit et qui subsiste chez chacun :l’aspect ignacien de notre vie. Au service d’une communauté ecclésiale Au plan pastoral, je continue à rendre service dans une paroisse administrée par des prêtres diocésains: saint Grégoire le Grand, où j’ai collaboré l’année dernière comme diacre. Je dois beaucoup à ces confrères diocésains qui m’ont permis de faire incursion dans leur monde et qui aujourd’hui, m’aident à m’améliorer dans mon rapport à la liturgie. Je vous épargne la liste des erreurs que j’ai faites comme diacre. Durant le peu de temps que j’y vais comme prêtre, j’y ai vécu des expériences intenses. Permettez que je vous en raconte une. Un dimanche où je devais concélébrer, je n’avais pas préparé d’homélie écrite. L’heure de la célébration venue, celui qui devait présider l’eucharistie avait un empêchement. Vite, je me prépare pour présider. Après les rites d’introduction, je prends conscience que je n’avais pas d’homélie. Quel apeurement! J’ai dû faire une homélie spontanée! Je ne me croyais pas capable. À la fin de l’eucharistie, des paroissiens m’avaient félicité... Aujourd’hui encore je peine à croire que je l’ai fait! Je vais à la paroisse une fois par semaine, là-bas, je célèbre l’eucharistie et j’écoute les confessions. Des activités qui me remettent en question et me renvoient à ma relation à Dieu. Le milieu paroissial me fait sortir de mes zones de confort. Le support des confrères me permet d’avancer dans l’affrontement du nouveau qui s’offre à moi. Cet espace m’offre, à la fois, un lieu où m’incarner et une communauté où rencontrer le ressuscité dont je célèbre la vie dans l’eucharistie. Membre d’une famille La paroisse saint Grégoire le Grand où je collabore, se distingue des autres paroisses par la présence de la Congregazione Mariana delle Case della Carità1 fondé par le P. Mario Prandi en 1941. Il s’agit d’une communauté de carmes qui prend soin de personnes déficientes.Ce sont des religieuses exceptionnelles! Elles ne sont que deux religieuses dans la maison. Cependant, elles font un travail gigantesque avec une simplicité désarmante. Elles s’occupent d’une dizaine de femmes... Dans cette demeure, une vraie famille, j’ai de très bonnes amies. (Voir photo) À plusieurs égards, sans chaires ni titres, loin de l’université, ces gens ont été mes professeurs.En guise d’exemple, je ne pourrai jamais réciter l’ave Maria en italien sans penser à eux. Ce sont eux qui me l’ont appris. Cette maison est une vraie famille pour moi. En fait, c’est mon seul point de contact avec le monde italien. En outre, ces gens m’aident à maintenir présent ce qui est essentiel. On ne peut les côtoyer avec masques. Ils sont parmi les gens les plus libres que j’ai connus. Finalement, la Casa della Carità de Roma est une grande école d’humanisation pour moi. Dans leurs faiblesses, leurs limitations, mes amiessont des êtres humains à part entière, des témoins, des semeia.Dans cette perspective, le fondateur de la congrégation affirme que : « Celui qui voit un pauvre ou un malheureux et qui n’améliore pas sa condition est comme quelqu’un qui, voyant passer le saint sacrement, ne s’agenouille pas en adoration2.» Delsen INNOCENT, sj 1 Congrégation religieuse ayant deux branches, masculine et féminine, de spiritualité carmélitaine et qui s’occupe de personnes handicapées, âgées, de personnes laissées-pour-compte… 2 «Uno che vedendo un povero o un disgraziato non lo solleva [...] È come chi, vedendo passare il SS. Sacramento, non si inginocchia in atto di adorazione.» Regards Croisés II: La méthode ESDAC à découvrir à partir d’expérience En vue de discerner ce que Dieu veut de nous en tant que corps apostolique en Haïti, notre provincial, le P. Jean-Marc Biron,sj nous avait invité à faire une retraite ESDAC (Exercice Spirituel pour un Discernement Apostolique en Commun) à la fin de l’année 2012. Se rendant compte de la profondeur et de la valeur de cette expérience, le Provincial et sa consulte ont jugé bon d’envoyer deux d’entre nous, Delsen et moi-même, à apprendre cette méthode afin d’aider d’autres à l’avenir. Ainsi, du 05 au 14 septembre de cette année, nous avons pris part à une séance de formation sur la dite méthode en Belgique. Nous étions un groupe de 22 participants conduit par une équipe de formateurs. La méthode ESDAC est une mise en œuvre des exercices spirituels de saint Ignace de Loyola suivant la pratique de la conversation spirituelle, en vue d’une prise de décision. Elle tient aussi compte d’une approche psychologique et de l’engagement social de la personne. Entre autres nouveautés de cette manière de faire les exercices spirituels, on peut souligner le fait que ce parcours est guidé par une équipe de religieux ou de laïcs. Dans le monde francophone, c’est l’équipe belge qui est la source de cette méthode. Les jésuites belges promouvant l’ESDAC sont tributaires de l’ISECP (Ignatian Spiritual Exercices for the Corporate Person) élaboré par une équipe américano-canadienne autour des années 1990. En tant que participants, on nous a fait découvrir par nous-mêmes cette méthode à travers la prière personnelle, le partage en petit et en grand groupe. Il y a un moment de réflexion sur la prière vécue et des retours sur ces moments afin de nous aider à prendre conscience de certaines théories. Dans la pratique, il s’agit d’une expérience dynamisant qui permet à ceux qui la vivent de retrouver leurs racines les plus profondes, de les consolider afin de pouvoir affronter ensemble et sciemment les importunités pouvant porter atteinte à l’existence même du groupe. La recherche de la volonté de Dieu pour le groupe qui vit l’itinéraire ESDAC se joue à trois niveaux: personnel, en petit groupe et en plénière. De ce fait, tous les membres du corps en question sont inclus dans la démarche; chacun apporte les fruits de sa prière et de sa méditation pour permettre à l’entité de progresser dans sa quête. Le consentement de l’ensemble du groupe est déterminant pour entamer une retraite ESDAC, car les retombées de la retraite les engageront tous. En outre, ladite méthode peut être modulée, au besoin, afin d’être utile à une diversité de groupes. En effet, qui pourrait prétendre ne pas avoir besoin de discerner? Ainsi, en Belgique, les différents types de besoins ont conduit à mettre sur pied, pour le moment, des «week-ends Jonas», pour couples et familles; des «Jonas montagne», pour adultes (familles, couples et célibataires) et des «week-end let’s go» pour ados. Nous pensons que cette méthode peut bien nous aider en Haïti: Elle contribuerait à une plus grande pratique de la relecture de nos expériences à la lumière de la parole de Dieu et surtout à les partager. Partager nos expériences spirituelles (dans la Compagnie on en a une certaine pratique) n’est pas une coutume fréquente dans notre vécu de chrétiens. Avec le temps, la patience et la pratique de la relecture de nos vies, nous pourrions parvenir à l’établissement d’espaces où l’on s’exprime en vérité dans le respect des uns et des autres. C’est vraiment un outil pouvant aider à mieux construire personne et communauté, évitant alors à sombrer dans des querelles intestines pouvant ruiner nos liens et nous faire perdre le temps que Dieu nous donne pour bien vivre et servir les autres. Au début de la formation, après la présentation de la manière de procéder une dame avait pris la parole pour dire, avec un ton acide: «si c’est l’histoire de petits groupes et de grands groupes, dites-le moi pour que je retourne chez moi tout de suite». À la fin de la formation, elle a été la première à dire que:«c’était une bonne formation». Une façon très simple de reconnaitre qu’il s’agissait d’une formation de qualité axée primordialement sur l’expérimentation plus que sur un contenu discursif. Delsen, sj et Stanley, sj Regards Croisés III: De la lutte contre la traite et le trafic de personnes à la frontière Malpasse-Jimani Le Service Jésuite aux Migrants (SJM-Haïti) à Fonds-Parisien, dans le cadre de son travail de défense des droits fondamentaux de la personne humaine au point frontalier de Malpasse-Jimani, en collaboration avec les autres institutions étatiques et non-étatiques à la frontière promeuvent une culture de paix et du respect des droits des usagers. Dans cette perspective, il se met à explorer les différentes localités dans les communes de Fonds-Verrettes et de Cornillon-Grand-Bois, réputées pour l’immigration illégale et des trafics illicites. De ces explorations, le SJM-Haïti a dépêché des moniteurs et monitrices bénévoles en vue d’assurer les travaux d’observations et de vigilances sur les différents cas de violation des droits humains à la frontière pour en faire des plaidoyers. Du coup, il intensifie la lutte pour le respect des droits humains par la multiplication des rencontres avec les secteurs de défense des droits humains afin de réfléchir sur les possibilités de solution. Ces rencontres ont montré comment le phénomène de la traite et du trafic de personnes bat son plein sur toute la ligne de la frontière occidentale et devient une préoccupation pour ces secteurs. En fait, la traite et le trafic de personnes sont considérés comme un crime transnational. Selon l’article 3 du «Protocole additionnel à la convention des Nations-Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée, la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants est réprimée et punie». L’expression traite des personnes désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation». Étant localisée dans les zones frontalières, la traite de personnes qui n’est pas nouvelle en Haïti, s’est développée vers les années 90 avec la période d’embargo qu’a connu le pays (GARR, 2009). À cette époque, les régions frontalières ont accusé un flux migratoire interne considérable, car la République Dominicaine était à ce moment considérée comme le principal, pour ne pas dire le seul fournisseur de produits en Haïti. Après le séisme du 12 janvier 2010, la question de la traite de personnes s’intensifie non seulement en République Dominicaine mais aussi dans certains pays de l’Amérique Latine notamment, au Brésil, en Équateur, au Pérou et au Chili. Les auteurs de la traite de personnes utilisent des procédés manipulatoires pour détourner l’attention des autorités civiles et policières présentes dans ces zones de passage. Dans plusieurs régions en Haïti, plus particulièrement dans les zones frontalières (GanthierFonds-Verrettes à l’Ouest du pays), il existe de très larges réseaux composés d’haïtiens et de dominicains qui s’adonnent à ces genres d’activités. Très souvent, ils sont aidés par des passeurs, aide-passeurs, chauffeurs de taxi. Dans les postes de frontières non-officiels notamment Fonds-Verrettes et Cornillon-Grand-Bois, le phénomène de la traite et du trafic de personnes est beaucoup plus fréquent, selon ce qu’a constaté le SJM-Haïti. Cependant, à la frontière de Malpasse-Jimani la stérilité et l’impuissance des autorités étatiques et non-étatiques pour contrôler les transactions relatives à la traite et au trafic de personnes se fait remarquer. Pendant que les questions de l’offre de travail et de fausses promesses deviennent une stratégie pour inciter les paisibles gens à laisser leur domicile pour se rendre illégalement et dangereusement en République Dominicaine. La traite et le trafic de personnes : un mal pour la société Le phénomène de la traite et du trafic de personnes fait beaucoup de victimes dans la société haïtienne. Personne n’en est épargné. Cependant, les catégories les plus vulnérables demeurent les femmes et les enfants. Même si on n’a pas les chiffres exacts concernant Haïti, mais on estime à 4 millions (GARR, 2009) le nombre de filles et de femmes victimes de la traite à des fins de prostitution. En effet, la traite et le trafic des personnes ne peuvent pas être combattus sans par une amélioration des conditions socio-économiques de la population haïtienne. Le chômage, la faim, la misère, la pauvreté, le manque important d’infrastructures comme les écoles, les hôpitaux, les routes, les moyens de communication dans les zones reculées sont les principales causes qui rendent la situation des Haïtiens et Haïtiennes très vulnérable. N’est-ce pas ce qui les oblige à se laisser manipuler par des membres des réseaux établis des deux côtés de la frontière ? En somme, il est recommandé à l’État de prendre des mesures sévères visant à lutter contre la traitre et le trafic d'êtres humains qui, sans nul doute, seraient bénéfiques aux trafiquants nationaux et internationaux. La première solution serait d'améliorer les conditions de vie des personnes dans leurs pays d'origine pour les empêcher de fuir en quête d’une vie meilleure à l’étranger dans des conditions illégales. La seconde est d'intensifier les contrôles aux frontières. Aussi il lui est exigé une application rigoureuse des lois sur la traite et le trafic de personnes. Une telle application pourrait entrainer un nouveau mode de traitement accordé à l’enfance en Haïti. Elle pourrait du coup réduire considérablement le phénomène de traite et de trafic de personnes en Haïti. Rodady Gustave Poème de Sudzaire Charelus, sj Los llantos de la Razón En medio de mis interminables llantos Unos, por ignorancia de mi elección, quiero dejar esos infelices versos; vagan en el túnel de la desolación. simples, claros, pálidos, decolorados, Al vivir soñando, me confunden otros cuyas sílabas, palabras y estrofas con un mundo de ideas congeladas. representan el océano de penas Los que me conocen están sofocados donde mis fuerzas se hallan ahogadas. como el grano en espinosas tierras. Movidos por viles razones, confunden Se entristece mi dulce pensamiento lo razonable con lo desrazonable, ante el sorprendido y feo hecho mi YO con sus ambiciones y el desdén. de que no sólo se distinguen los hombres Los niños por debajo del mismo árbol de los demás vivientes por mis bondades, cantan el mismo refrán indeseable: sino también por otras motivaciones ¡qué pena! nada nuevo hay bajo el sol. que se llaman simplemente: lo absurdo. En su afán por dominar el planeta, sigue forjando infranqueables mares diseñan un mundo desigualitario que disocian a los ricos de los pobres. a la altura de sus diversos vicios. Y en su incontrolable arrogancia, En este clima de grandes desconfianzas, transforman en un áspid el puro viento unos, construyendo altas fortalezas, para la vida de los hijos futuros. huyen alos otros considerándolos como el ébola personificado; Y están tan acostumbrados al horror, creando un mundo con tinte de odio tan acostumbrados a cosas macabras, vaciando el amor de sus contenidos. que la muerte y las tragedias del mundo son solamente una noticia de más; El consumismo y las modas fugaces siguiendo así sepultando sin pudor andan forjando falsas necesidades; el sentido en medio del sinsentido. precipitando la pregunta por el ser en las tinieblas oscuras del parecer. Se desvanece el bello altruismo La tierra con hastío sigue cantando: en una ciega individualización, ¡por Dios! nada nuevo hay bajo el cielo. provocando una deshumanización, en donde se disuelve sin alteridad Antigüedad, medioevo, modernidad, toda idea de responsabilidad pasado, presente, prehistoria, historia ante el mundo y el necesitado. bajo los motivos de la humanidad, son sencillamente tiempos sinónimos El proceso de la gran comunicación que permiten vislumbrar futuros cuadros corre edificando lazos virtuales, desprovistos de signos de alegría. encarcelando los problemas reales. Y la tan alabadaglobalización Jerjes, Alejandro Magno, Julio Casar, Napoleón, todos los demás leones, en medio de la música de las armas hoy en día son los mismos arrogantes y bombas de los inconscientes hermanos sedientos continuamente de poderes, que, atomizándose unos a otros encarnados vilmente con otros nombres, en nombre de una vil universal paz, escribiendo una historia sin andar. queman los brotes de toda esperanza. Transforman los avances tecnológicos Y yo ando sólo con mis largos llantos “lanzas en misiles”,“flechas en pistolas” y mis amargos pensamientos diciendo: y“catapultas en bombas atómicas” ¡Ojala puedan ver mi pura belleza! en visto de potencializar los tiros, Así podrían construir un gran mundo resumiendo en un clic desconcertante donde seríanlos pueblos de la tierra toda distancia entre“vida” y “muerte”. un gran cuadro de colores infinitos. Y el diálogo, por su parte, camina Sudzer Charélus, sj Poème de Brunelson Exilas, sj , sj SONETO AL ESPÍRITU SANTO El susurro de una brisa ligera, Como el olor de un rosal perfumador, el coro nocturno del gallinero, de jazmín, o cualquier otra que sea; el fino recital del chiripero; así, huele el cortejo del Mediador. así, escucho su voz consejera. Buen compañero y buen consolador Somnoliento sueño y efímera del alma humilde, bella o fea; imagen del atardecer de enero, así es, el Espíritu del Creador. como una estrella fugaz de febrero; así, veo su sombra verdadera. Brunelson Exilas, sj « Les rêves d'Haïti », Jean Yves Fernand, sj. Selon un article publié par Jean Moréas dans les colonnes du Figaro en 1886, l’art a pour objectif de «Revêtir l’idée d’une forme sensible». En effet, la toile que je vous présente est le fruit de la transformation d'une idée – qui a pris naissance dans mes pensés depuis des années– en quelque chose de concret. En d'autres termes, j'ai transformé ma vision concernant Haïti en quelque chose de visible, quelque chose que les sens peuvent saisir. Ce tableau de 88 centimètre de longueur et de 68 centimètre de largeur met en évidence une belle jeune maman haïtienne qui porte dans ses bras son enfant et, en même temps, qui souffle des bulles de savon ayant de très belles couleurs. Outre, on peut observer également des couleurs rayonantes comme celles de l'arc-en-ciel au fond du tableau. À rappeler que, bibliquement parlant, l'arc-en-ciel est un symbole de la bienveillance de Dieu et un signe d'alliance entre Lui et la terre ; c'est un symbole de promesse, d'espérance, etc. En conclusion, dans ce tableau, mon objectif est de montrer cette grande force qui anime le peuple haïtien : celle de continuer à croire dans la bienveillance et la promesse divine malgré tout, celle d'espérer contre toute espérance. Malgré toutes les calamités qu'a connues ce peuple, il continue à rêver. Malgré tout, il reste débout. C'est incroyable ! Jean Yves Fernand, sj