L`iconographie du Cœur dans le « Mortifiment de vaine plaisance

Transcription

L`iconographie du Cœur dans le « Mortifiment de vaine plaisance
heART
L’iconographie du Cœur
dans le « Mortifiment de vaine plaisance »
du roi René.
S
Pascal Gueret, CHU Henri Mondor, Créteil - [email protected]
i ses faits d’arme et son œuvre politique sont controversés, la postérité
a gardé de René d’Anjou l’image
du « bon roi » René, homme d’une
grande culture, parlant plusieurs
langues, protecteur des arts et des
lettres. Il possédait une bibliothèque (une « librairie »
comme on disait au moyen âge) particulièrement
riche et variée et il fut lui même l’auteur de plusieurs
ouvrages dont 2 récits allégoriques illustrés par de magnifiques enluminures: Le livre du Cœur d’amour épris
(1455) et Le Mortifiment de vaine plaisance (1457).
représentée dans les 2 tiers supérieurs alors que dans
la partie inférieure figurent des angelots ou des personnages ailés soutenant des banderoles où sont inscrits
des caractères.
Les personnages allégoriques illustrés par ces
enluminures sont représentés dans des actions de
purification du cœur animé de toutes les vicissitudes
et des plaisirs mondains qui constituent la « vaine
plaisance » et qu’il faut délaisser.
Rédigé en français et en prose « affin que mieulx soit
de tous entendu » et pour « y pouvoir faire fructifier
les simples gens lays (laïcs) » , le Mortifiment de vaine
plaisance (mortification du vain plaisir) s’inscrit dans
le style de la littérature allégorique de morale religieuse
de la fin du moyen âge et dans les préoccupations
spirituelles de la chevalerie, en s’appuyant sur des
citations de la Bible et en ayant recours aux narrations
paraboliques. René rédigea cette allégorie morale et la
dédia à son confesseur, Jean Bernard, archevêque de
Tours. Ce récit est connu par une douzaine d’exemplaires
du manuscrit qui circulaient dans le cercle étroit des
cours princières européennes. Ils étaient tous illustrés
par 8 enluminures décrivant les mêmes sujets, peintes
sur vélin et qui en font le caractère luxueux. Barthelemy
d’Eyck, peintre très proche du roi René auquel il avait
confié les illustrations du Livre du Cœur d’amour épris,
en a effectué personnellement ou a fortement inspiré
beaucoup d’entre elles, dès la rédaction du texte en
1455. Les compositions illustrées ici proviennent de
l’exemplaire de Cologny-Genève. Il aurait appartenu à
un membre de la famille royale de la cour de France
puis après un long périple passant par Amsterdam et
Vienne, il a été acquis par Martin Bodner en 1951 et est
conservé actuellement à la fondation qui porte son nom.
Ces enluminures sont l’œuvre de Jean Colombe, qui les
a exécutées vers 1470-1475. Ce disciple de Barthelemy
d’Eyck a bien entendu été influencé par son maitre mais
des différences apparaissent dans la mise en page et dans
le style, elles sont composées de la scène principale
DÉCEMBRE 2014
30
CORDIAM
Au début du récit, l’Ame s’adresse à Dieu et se lamente
sur l’état de son coeur, attiré par les vanités du monde.
Elle désire être instruite « pour bien corriger son très mal
dévot et émancipé cuer ». Après narration de 3 paraboles,
illustrées dans tous les exemplaires du manuscrit mais
non représentées ici, deux femmes se proposent d’aider
l'Ame et de la remettre sur le droit chemin.
A gauche, L’Ame sortant d’une simple masure, remet
son cœur à Crainte de Dieu, armée de la divine justice
symbolisée par l’épée figurant au dessus de sa tête et à
Contrition.
Au centre, deux vertus théologales couronnées et munies
d’un maillet clouent le cœur sur la croix, tandis que
Grâce Divine revêtue des habits impériaux le transperce
d’une lance afin de l’expurger de ses vices figurés par le
sang qui s’en écoule.
Enfin (à droite), Crainte de Dieu et Contrition rendent
le cœur blessé, comme le suggèrent les gouttes de sang
qui s’écoulent à l’emplacement des clous mais purifié
à l’Ame qui, dans le texte, remercie le Créateur par des
prières de louanges.
Les scènes sont situées dans un décor bucolique de
jardins, d’arbres et de haies fleuries. A la manière de la
peinture hollandaise, le paysage est représenté en arrière
plan, en particulier un château de la région de Bourges,
ce qui a permis d’attribuer ces enluminures à Jean
Colombe. Les costumes somptueux dont sont revêtues
Ame et Crainte de Dieu contrastent avec la simplicité de
celui de Contrition laissant sa poitrine découverte et ses
pieds nus; elle garde sous son bras gauche l’instrument
de ses flagellations, symbole de son repentir.
Après le décès du roi René survenu à Aix en Provence
en 1480, sa seconde épouse Jeanne de Laval organisa le
transfert de son corps à la cathédrale d’Angers, ville où il
était né alors que son cœur était transféré dans l’ancien
couvent franciscain de la ville, où il avait lui même fait
construire une chapelle destinée à le recevoir.
DÉCEMBRE 2014
CORDIAM
31

Documents pareils