résistances et mésententes autour du mot « genre
Transcription
résistances et mésententes autour du mot « genre
QUEL GENRE ? RÉSISTANCES ET MÉSENTENTES AUTOUR DU MOT « GENRE » DANS LE DÉVELOPPEMENT Christine Verschuur * Le genre n’apparaît pas toujours comme une catégorie d’analyse utile dans les études de développement malgré son apparition depuis près de 40 ans dans les sciences sociales. La richesse de la pensée féministe et l’hétérogénéité des femmes ont longtemps été méconnues dans les études de développement. Grâce aux apports des études féministes postcoloniales, le genre en tant que catégorie d’analyse, articulée avec les catégories de classe et de race, contribue à renouveler la pensée sur le développement. Mots clés : genre et développement, mouvements de femmes, féminismes postcoloniaux. Le mot genre est de ceux qui provoquent encore des remarques amusées, ou qui évoquent « chez la plupart des praticiens du développement un sentiment palpable d’ennui » (Molyneux 2004, citée par Cornwall, 2007, p. 69). Pour de nombreuses personnes travaillant dans le domaine des études de développement, il s’agit d’un terme fourre-tout et à la mode – donc suspect – ou technocratique – donc peu sérieux. Que révèle cet « ennui », en dehors d’une méconnaissance des apports des études féministes postcoloniales ? S’agit-il tout simplement de dévaloriser un terme associé au féminin ? Ou s’agit-il, en dénigrant ce mot, de refuser d’aborder les questions de pouvoir, notamment celles liées à la reproduction des inégalités de développement ? En effet, il faut « regarder au-delà des acteurs et de la valeur littérale de leurs mots. Les relations de pouvoir entre nations et le statut des sujets coloniaux sont devenus compréhensibles (donc légitimes) dans des termes de relations entre masculin et féminin » (Scott, 2000, p. 32). Le politologue néo-conservateur américain R. Kagan (1992), haut fonctionnaire de l’administration G. W. Bush, en parlant des rapports entre l’Europe et l’Amérique, les comparait bien à Vénus (déesse de la beauté) et à Mars (dieu de la * Institut de hautes études internationales et du développement, Genève. rticle on line N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - p. 785-803 - REVUE TIERS MONDE 785 Christine Verschuur guerre) ! De même, les relations entre pays du Sud et du Nord peuvent être lues en des termes codés comme masculins et féminins. Des qualificatifs dits féminins seraient associés aux pays « pauvres » : subordonnés, faibles, exploités, traditionnels... par contraste avec des caractéristiques dites masculines attribuées aux pays « riches » : dominants, forts, protecteurs, rationnels, modernes. De nombreux « mots du développement » sont connotés féminins : la solidarité, l’aide, la vulnérabilité par exemple, sont des termes associés à des caractéristiques dites féminines. Est-ce anodin ? anecdotique ? une asymétrie « naturelle » ? ou le genre est-il une catégorie d’analyse utile pour les études de développement ? Le mot genre est apparu dans les sciences sociales depuis près de 40 ans (Oakley, 1972), en tant que catégorie d’analyse. Contrairement à ce qui s’est passé dans le milieu académique, dans les programmes de développement, le mot genre n’a pas été repris comme tel. Il a été introduit dans le répertoire du développement, dans les années 1980, suite aux analyses critiques du biais androcentrique du développement, et en réponse au constat que des programmes, en donnant une certaine survisibilité aux femmes durant les années 1970, les avaient pénalisées. L’introduction du mot genre prétendait recentrer les programmes vers les hommes et les femmes, au lieu de se focaliser sur les femmes seulement, et « rééquilibrer les relations » entre hommes et femmes. Ces « relations » n’étaient pas entendues comme des rapports de pouvoir. Le mot genre dans le développement a remplacé le mot « femmes » ou celui de sexe, a été employé comme un outil descriptif plutôt que comme outil analytique et associé à des prescriptions normatives plutôt qu’à des revendications de droits. Le répertoire des professionnels du développement s’est accommodé de ce « buzzword », devenu « fuzzword » 1 (Cornwall, 2007), en vidant ce concept de son contenu analytique critique. Faut-il alors se débarrasser de ce mot ? Faut-il ignorer ceux et celles que ce mot ennuie ? Ou faut-il continuer à démontrer sa portée analytique dans le développement, dans la mesure où le genre continue d’être mis en avant comme une priorité dans les agences de coopération et où les inégalités de genre/classe/race sont loin de se réduire ? Tant la complexité et la richesse de la pensée féministe – traversée de courants multiples, variée selon les régions, les histoires sociales et coloniales, les enjeux –, que l’hétérogénéité des femmes – diverses selon les articulations de classe, race, caste – ont longtemps été méconnues par les chercheurs et praticiens du développement, y compris souvent par les personnes chargées des questions de « genre » dans des programmes de coopération. Le concept de genre élaboré par des chercheures féministes a été revisité grâce à de multiples apports auparavant invisibles, considérés insignifiants, peu reconnus ou sans légitimité académique. Ces apports proviennent notamment des idées et mouvements dissidents de femmes dans les pays du Sud, de migrantes, des exclu-es, des subalternes. Des études, recherches, publications et rencontres ont permis de mieux les reconnaître. Ces contributions ont favorisé le croisement des études féministes avec les études de développement, que ce soit au Nord ou au Sud, dans des contextes où ce regard croisé avait été limité jusqu’à relativement peu, comme dans les pays francophones, à la différence des pays anglo-saxons. De 1 - Buzz : bourdonnement, fuzz : duvet, ou, comme adjectif, confus. 786 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » nouveaux champs théoriques ont ainsi été construits, qui ont souvent précédé l’institutionnalisation du champ d’études postcoloniales. Le concept de genre ayant été élaboré par des chercheures se réclamant du féminisme, je présenterai d’abord brièvement le cheminement des pensées et mouvements féministes, car cela n’est pas sans incidence sur les changements dans l’utilisation de cet outil d’analyse. Je présenterai ensuite comment le genre a été introduit dans les programmes de coopération, où il a été détourné du sens dans lequel il avait été élaboré dont le monde académique. Cela n’est pas sans rapport avec les tensions dans la division du travail intellectuel entre les penseurs, de l’Est ou de l’Ouest (Verschuur, 2009), entre les chercheur-es situé-es dans le monde académique, les organisations militantes, les institutions du développement, hommes ou femmes. J’indiquerai en quoi les études féministes postcoloniales ont contribué à enrichir ce concept en tant que catégorie d’analyse et à affiner les analyses des processus de transformations sociales. Cela nous permettra de comprendre les résistances et mésententes autour de l’utilisation du mot genre dans le développement. En quoi le fait de croiser les études et pratiques féministes, et notamment postcoloniales, dans toute leur diversité, avec les études et pratiques de développement a-t-il contribué à mieux comprendre les transformations sociales, la problématique de développement ? Les études de développement sans le genre sont-elles possibles 2 ? I – FÉMINISMES EN MOUVEMENT Dès l’apparition du mot féminisme, des jeux de mots sont faits. « C’est dans un pamphlet antiféministe – L’homme-Femme – que surgit pour la première fois, en 1872, l’adjectif féministe, sous la plume d’Alexandre Dumas fils. Emprunté au vocabulaire médical, il désignait la féminisation pathologique du sujet masculin. [Dumas] le détourna de son sens pour prendre la défense de la différence sexuelle, menacée par le processus égalitaire qui viriliserait les femmes. » (Bard, 1999, p. 27). Le qualificatif sera repris, avec humour, par Hubertine Auclert (1848-1914), une militante féministe et anti-cléricale française, qui lui donnera son sens moderne (Riot-Sarcey, 2002). Avant même l’apparition du terme féministe, des femmes, esclaves, ouvrières, socialistes, anarchistes, migrantes, ont contribué aux luttes et débats contre les inégalités – entre femmes et hommes, mais aussi contre d’autres inégalités. Flora Tristan (1803-1844) par exemple avait pris conscience d’être une « paria », doublement rejetée parce que femme et ouvrière. Elle témoignait déjà de cette capacité à rendre compte des dynamiques de genre et de classe, mais aussi de politiser cette prise de conscience (Tristan, 1838). La pensée et les mouvements féministes sont pluriels, hétérogènes. De multiples ouvrages rendent compte de la richesse des débats, des tensions, de 2 - Pour paraphraser le titre du colloque des historiennes féministes de Rouen en 1997, « Une histoire sans les femmes est-elle possible ? » (Sohn, Thelamon, 1998). N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 787 Christine Verschuur l’anti-féminisme (Kandel, Picq 1982 ; Thébaud, 1992 ; Toupin, 1993 ; Bard, 1999 ; Hirata et alii, 2000 ; Riot-Sarcey, 2002 ; Gubin et alii, 2004 ; Dorlin, 2008). La diversité des féminismes est grande tant dans les pays occidentaux que dans les pays du Sud, comme en ont témoigné par exemple les congrès puis les rencontres féministes qui se sont succédé en Amérique latine depuis déjà un siècle (Gargallo, 2002). Trois grandes vagues du féminisme peuvent être identifiées, qui ne se succèdent pas nécessairement dans le temps, qui peuvent se superposer partiellement, mais qui indiquent tout de même les principaux enjeux autour desquels ont porté les débats et les luttes des femmes. La première vague du féminisme, de la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle, a été associée au combat pour le droit de vote des femmes. Les pamphlets ridiculisant les « suffragettes » sont un témoin de la résistance qu’a provoquée cette revendication. Mais les débats furent également âpres en Europe entre les féministes « bourgeoises » et les femmes socialistes. Ainsi, les femmes socialistes réunies à Copenhague en 1910 privilégiaient une représentation de la lutte des femmes où les ouvrières luttaient pour leurs conditions de travail. Pour elles, lutte des femmes et lutte des classes étaient deux choses différentes et il fallait empêcher qu’elles se confondent. Certaines, comme Clara Zetkin, qui avait créé le mouvement socialiste féminin international, prônaient la séparation complète des femmes socialistes d’avec les féministes bourgeoises (Kandel, Picq, 1982). En Chine, les luttes des femmes chinoises pour obtenir le droit de vote, depuis la fin du XIXe siècle, qui étaient dirigées par des femmes actives de l’élite, principalement issues de familles aisées et éduquées à l’étranger, créèrent des tensions et rendirent le mouvement suspect aux yeux des radicaux (Dirlik, 2009). Ailleurs, le combat pour le droit de vote s’est croisé avec celui contre la discrimination du droit de vote entre femmes colonisées et femmes de la puissance coloniale. C’est ainsi qu’en Afrique de l’Ouest, en 1945, des femmes de SaintLouis et de Dakar au Sénégal luttaient pour obtenir le droit de vote en tant que citoyennes, non seulement au même titre que les hommes du Sénégal, mais aussi au même titre que les femmes de la Métropole vivant sur le territoire de l’AOF (Sarr, 2009). Ces exemples montrent combien les catégories de genre, classe, race et nation se croisent déjà à cette période dans les expériences, les débats et les luttes des divers mouvements des femmes, en Occident ou ailleurs. Dans les années 1960 – la deuxième vague du féminisme –, le mouvement des femmes prend conscience d’une oppression spécifique : le travail gratuit réalisé par les femmes, invisible, « pas pour soi mais pour d’autres, au nom de la nature, de l’amour ou du devoir maternel » (Kergoat, 2000, p. 37). Les travaux sur la division sexuelle du travail, en tant que catégorie d’analyse, à différentes époques et dans divers contextes culturels, contribuent à expliquer la persistance de l’oppression des femmes. Christine Delphy, militante féministe et sociologue, dans son article « L’ennemi principal » (Delphy, 1970), qui fait partie des textes fondateurs du mouvement de libération des femmes, explique que l’ennemi principal, ce n’est ni l’Homme avec un grand H, ni les hommes en général, c’est un système autonome d’exploitation et de domination : le patriarcat. Delphy propose une approche des rapports hommes/femmes en termes de rapports sociaux de production – un féminisme matérialiste. Elle critique les analyses des 788 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » théoriciens marxistes pour qui il ne peut y avoir de coexistence de divers modes de production. En théorisant sur le « travail domestique » et le « mode de production domestique », elle pose le problème de l’extraction du travail gratuit des femmes et du maintien de l’oppression des femmes. Durant ces années, le mouvement black feminism (Combahee River Collective, 1977 ; hooks, 1981 ; Davis, 1982 ; Hill Collins, 1989), évoquant les luttes pour les droits des femmes esclaves ou abolitionnistes du milieu du XIXe siècle, et dans la foulée des mouvements contre le racisme des années 1960 aux États-Unis, a représenté un courant critique de la pensée dominante féministe. « Par Black feminism, il ne faut pas entendre les féministes “noires”, mais un courant de pensée politique qui, au sein du féminisme, a défini la domination de genre sans jamais l’isoler des autres rapports de pouvoir, à commencer par le racisme ou le rapport de classe, et qui pouvait comprendre, dans les années 1970, des féministes “chicanas”, “natives américaines”, sino-américaines ou “du Tiers Monde” (toutes les femmes rentrant dans la catégorie de “colored women”). Ce point de vue donne lieu à des luttes, à une appréhension des rapports de force et à une construction de l’identité politique et féministe, différentes de celles d’autres groupes » (Dorlin, 2008, p. 21). Vers la fin des années 1980, avec la publication du texte de Patricia Hill Collins (1989), le féminisme Noir « est passé d’une logique de groupe de conscience, à celle de groupe de réflexion, d’étude et d’action [voir Falquet, 2006] » (Dorlin, 2008, p. 21). Parmi ses objectifs figure celui que « les études féministes ne se réfugient pas derrière une méthodologie prétendument “objective”, derrière un académisme qui a historiquement permis d’invisibiliser l’histoire des groupes les plus dominés, qualifiant leurs expériences, leurs résistances ou leurs pensées et cultures d’inexistantes, d’insignifiantes ou de par trop militantes. » (Dorlin, 2008, pp. 25-26). Au Brésil également, des femmes noires ont lutté pour leurs droits, que ce soit dans les « quilombos » (enclaves libres constituées d’esclaves fugitifs), lors de la fondation de la première association de travailleuses domestiques (dont l’immense majorité sont des femmes noires) dans les années 1930 dans l’État de São Paolo, ou avec la création du Conseil national de la Femme Noire en 1950 (Werneck, 2009). « L’exclusion de la présence des femmes noires (tout comme les femmes indigènes et d’autres personnes et groupes) des récits de l’histoire politique brésilienne et mondiale et de l’histoire du féminisme doit se lire principalement comme une des stratégies d’invisibilisation et de subordination de ces groupes. [...] Cette invisibilisation a été bénéfique aux courants féministes qui ne sont pas engagés dans une transformation substantielle du statu quo. » (Werneck, 2009, pp. 161-162) Ce que certaines appellent la troisième vague dans le mouvement féministe, à partir des années 1980, correspond à une démarche critique vis-à-vis de l’hégémonie d’une certaine pensée féministe qui n’avait pas suffisamment reconnu les tensions dans les débats et luttes féministes, pourtant âpres, en Occident et ailleurs, et ce dès le XIXe siècle, autour des questions de classe, de race ou de nation, de l’intersectionnalité des rapports de domination. Cette démarche de décolonisation du féminisme est inspirée par des militantes et théoriciennes issues de la migration, des minorités, parfois en rupture avec la génération précédente issue de la deuxième vague, et surtout par des militantes et théoriciennes dans les pays du Sud, dont la voix et les écrits commencent à être mieux diffusés et reconnus. N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 789 Christine Verschuur Des chercheures féministes comme Chandra Mohanty, une universitaire indienne immigrée aux États-Unis, se sont en effet offusquées de la « colonisation discursive » de certaines théoriciennes féministes (Mohanty, 1988, 2002). Elle reproche à ce courant de pensée hégémonique de n’avoir pas intégré les points de vue des femmes de couleur pauvres et de femmes marginalisées du Sud, qui fournissent une compréhension très fine des logiques de pouvoir, et d’avoir construit une image homogénéisante des « femmes du Sud » sans prendre en compte les différences de classe, de race, de caste. Elle dénonce la construction d’une image « coloniale » de « la » femme du Sud, qui serait celle d’une femme muette, démunie, impuissante (powerless), victime, vulnérable, traditionnelle... alors que l’image de « la » femme occidentale serait celle d’une femme éduquée, moderne, qui contrôlerait son propre corps et sa sexualité, qui aurait la liberté de prendre ses propres décisions. La capacité de « la » femme du Sud à prendre conscience des inégalités et à vouloir intervenir dans les transformations sociales serait de cette manière niée. Cette image de « la » femme qui ne serait pas sujet de son histoire, mais objet construit par une certaine pensée dominante du féminisme, est maintenant dénoncée. Ces tensions au sein de la pensée féministe ne traversent pas seulement l’axe Nord/Sud mais sont également présentes au sein des divers féminismes du Sud. Au Mexique, des mouvements de femmes indigènes reprochent au courant dominant du féminisme mexicain de les avoir invisibilisés (Masson, 2005). En Inde, des mouvements de femmes Dalits se sont offusqués de leur invisibilisation par certains courants dominants du féminisme indien. Uma Narayan (2000), une universitaire originaire de l’Inde enseignant aux États-Unis, rappelle en revenant sur l’histoire des mouvements de contestation de la colonisation en Inde comment les présupposés de la supériorité de la « culture occidentale » furent utilisés par les colonisateurs comme justification de leur entreprise. « Liberté et égalité étaient représentées comme des valeurs occidentales », l’Occident avait une mission civilisatrice. Et pourtant, est-il besoin de rappeler combien « les nations occidentales étaient engagées dans des entreprises d’esclavage, de colonisation, de déni de liberté et d’égalité à toute une partie des sujets occidentaux, y compris les femmes » ? En réaction à la colonisation, « des mouvements anti-coloniaux nationalistes ont de leur côté renforcé les notions essentialistes de culture nationale en reprenant, et tentant de revaloriser des facettes de leur propre culture incorporées dans les stéréotypes coloniaux » (Narayan, 2000). Le droit des femmes de critiquer de l’intérieur certains aspects de leur propre culture leur est ainsi, encore aujourd’hui, reproché par certains comme un manque de respect pour leur propre culture, comme une « occidentalisation ». Tant de l’extérieur (par la « colonisation discursive ») que de l’intérieur (par le reproche « d’occidentalisation »), il a été difficile de faire reconnaître les débats et pratiques menés par des femmes de différentes classes, castes et races, contre les inégalités entre hommes et femmes dans des contextes différents. 790 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » Les analyses des chercheures féministes dissidentes du Sud, migrantes ou de minorités, ont contribué à ce que soient reconnus les mouvements de femmes ou féministes qui se sont constitués dès la fin du XIXe siècle dans divers lieux et moments. Elles ont également permis de montrer les liens qui ont été faits dès alors entre les systèmes d’oppression de sexe, de classe, de caste et le système d’exploitation raciste et colonial 3 (Beteille, 1990 ; Kishwar, 1991 ; Chaudhuri, 2004 ; Kannabiran, 2009). Ainsi par exemple, au Brésil, vers les années 1880, des associations de femmes abolitionnistes publiaient une revue féministe, A familia, contre l’esclavage. En Argentine, des ouvrières anarchistes, immigrées, publiaient en 1896 un journal féministe, La Voz de la Mujer, dont le mot d’ordre était « Ni Dieu, ni Patron, ni Mari » ! (La Voz de la Mujer, 1997 [1896-1897]). Une des premières thèses de doctorat soutenue à la faculté de philosophie de Buenos Aires, ouverte en 1896, était celle d’Elvira Lopez, sur « Le mouvement féministe » (Gargallo, 2002). Le premier congrès féministe latino américain était organisé à Buenos Aires, il y a cent ans, en 1910 4 ! En Palestine, en Iran, en Afrique du Sud ou de l’Ouest, en Inde, dans de multiples autres régions du monde, dès la fin de XIXe siècle, des revendications autour des questions d’égalité entre hommes et femmes s’exprimaient, par des femmes de diverses origines sociales. Gargallo (2002), une chercheure mexicaine (d’origine italienne), pense que l’analyse des rapports de pouvoir entre hommes et femmes – ce que l’on appellerait maintenant le genre – fait partie depuis longtemps de l’outillage théorique des mouvements de femmes en Amérique latine, même si le mot en tant que tel y suscite maintenant des réactions de rejet. Cette perspective historique et le rappel des apports des études féministes postcoloniales fournissent des éléments pour repenser le genre dans les rapports Nord-Sud. II – FÉMINISMES ET PROGRAMMES DE COOPÉRATION Dans les programmes de coopération, des interactions ont eu lieu entre les pratiques et théories féministes et les pratiques et théories du développement, depuis la fin des décolonisations. Les approches « bien-être des femmes », « femmes dans le développement », « genre et développement » ou « genre et empowerment » se sont succédé dans les programmes de coopération, en réponse aux biais androcentriques dans le développement, à l’invisibilisation des femmes, puis aux approches centrées sur les femmes qui les pénalisaient lourdement (Moser, 1993 ; Dagenais, Piché, 1994 ; Degavre, 2004). Ces changements dans les orientations des programmes de coopération ont évolué avec les nouvelles théories du développement, en lien avec la diversité des analyses féministes. Trois phases peuvent être identifiées dans la construction du champ de 3 - Un colloque s’est tenu les 16-17 octobre 2008 à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève pour rendre compte de la diversité des mouvements de femmes et des féminismes anti-coloniaux, dont les Actes sont parus en 2009. 4 - Dont le centenaire sera célébré en 2010 à Buenos Aires. N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 791 Christine Verschuur savoirs « femmes/genre et développement ». Tout comme les vagues des féminismes, elles ne se succèdent pas nécessairement de manière chronologique, mais peuvent coexister ou s’interpénétrer. – Une première phase qui a permis de faire reconnaître le travail invisible des femmes, à commencer par celui des paysannes dans le Tiers Monde (Boserup, 1970 ; Beneria, Sen, 1981). Sous la pression des mouvements féministes, des études avaient été menées dans les pays dits du Tiers Monde et avaient constaté que les projets ne prenant pas les femmes en compte étaient un échec, et que la situation des femmes s’était dégradée. Le « biais masculin » dans le développement (Elson, 1991) a été dénoncé à la 1re conférence internationale des Nations unies sur les femmes à Mexico en 1975 (Pronk, 1975). Les analyses sur la manière dont « les » femmes ont ensuite été « intégrées » dans le développement ont montré que les programmes visaient finalement surtout une meilleure utilisation de cette ressource que sont les femmes. La dévalorisation du travail des femmes est liée à la division sexuelle du travail. Les anthropologues féministes (Mathieu, 1985) ont donné un contenu nouveau à ce concept qui traduit « non une complémentarité des tâches mais la relation de pouvoir des hommes sur les femmes » (Kergoat, 2000, p. 36). La division sexuelle du travail est ainsi devenue un concept analytique – et non seulement un outil descriptif – permettant de comprendre les inégalités entre hommes et femmes (Young, 1978 ; Beneria, 1982 ; Kergoat, 2000). Les économistes féministes ont travaillé sur le « care economics », critiquant notamment les postulats des disciplines économiques qui ne reconnaissent pas la valeur économique du travail domestique, leur « incapacité de s’intéresser aux identités et aux actions collectives fondées sur le sexe ou la nation, la race ou la classe » (Folbre, 1997, p. 11). Folbre observe que « l’économie conventionnelle considère les normes et les priorités de chacun comme acquises [..., considérant que] les individus sont parfaitement préoccupés par leur intérêt sur le marché, et parfaitement altruistes dans leur famille » (Folbre, 1998a, p. 21). D’autres auteurs (Delphy, 1970 ; Meillassoux, 1975 ; Rey et alii, 1976) avaient de leur côté montré l’importance du maintien des rapports de production de type domestique pour le développement de l’économie capitaliste. Des anthropologues marxistes comme Meillassoux, se penchant sur les analyses du sous-développement, reconnaissaient ainsi que l’articulation entre la sphère reproductive (où dominent des rapports de production de type domestique) et la sphère productive (où dominent des rapports de production capitalistes) est la « cause essentielle du sousdéveloppement en même temps que de la prospérité du secteur capitaliste. » (Meillassoux, 1975, p. 149). – Une deuxième phase a notamment consisté à analyser les transformations des rapports sociaux de sexe liées à la nouvelle division internationale de travail, en lien avec la mondialisation. Les études portent notamment sur l’intégration des femmes dans les industries manufacturières délocalisées, la féminisation du prolétariat, la place croissante des femmes dans l’économie informelle dans les villes, la féminisation des migrations (Beneria, 1982 ; Kabeer, 1995 ; Federici, 2002 ; Sassen, 2005). Silvia Federici (2002) soulignera, dans son analyse des 792 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » migrations et de la nouvelle division internationale du travail dans la mondialisation, l’importance de « cet immense cadeau de travail domestique » (Federici, 2002, p. 55) des femmes du Sud aux pays riches, pour répondre à la demande en « travailleurs venant au monde tout faits » (Marx, cité par C. Meillassoux, 1975, p. 161), émigration qui permet de contribuer gratuitement à la reproduction de la force de travail. L’économie du « care » est analysée en lien avec la division internationale du travail (Razavi, 2007). Une attention particulière est donnée à l’étude du « care drain » 5 (la fuite des « soins aux autres ») (Ehrenreich, Hochschild, 2002, p. 17), où un nombre important de femmes migrent pour s’occuper des enfants, des vieux, et des malades dans les pays « riches », que ce soit comme employées domestiques, nannies, aides-soignantes à domicile ou dans les maisons de retraite. Des études sur le transnationalisme et sur les identités parmi les migrantes se mettent en place : Ya no soy la que dejé atrás est ainsi le titre d’un ouvrage d’une migrante dominicaine (Arija, 2000). – Une troisième phase qui s’intéresse plus particulièrement aux identités et à la lutte pour les droits, au niveau domestique, local ou global, dans le contexte de la mondialisation et de la nouvelle division internationale du travail (Molyneux, Razavi, 2003). La déconstruction de l’image coloniale de « la femme du Sud » a permis de s’interroger sur la construction de l’individu en tant que sujet de sa propre histoire (Rauber, 2003). Durant cette phase, sous l’impulsion notamment des mouvements de femmes et des féministes du Sud, des minorités ou migrantes, est ravivée la réflexion sur l’imbrication des rapports de classe, caste, race, genre. Dans le monde anglo-saxon, une vaste littérature existe maintenant sur ces questions. Ces études contribuent aux questionnements féministes dans les pays occidentaux, en lien avec les interrogations sur le racisme ou les a priori de type colonial, avec les groupes issus des migrations et des minorités. La revue Nouvelles Questions Féministes a contribué à diffuser ces réflexions, notamment en provenance des courants autonomes d’Amérique latine, dans le monde francophone (Curiel, Falquet, Masson, 2005 ; Benelli, Delphy, Falquet, Hamel, Hertz, Roux, 2006). Durant ces différentes phases, les mouvements de femmes et féministes au Nord ont joué un rôle important – plus dans les pays anglo-saxons que dans les pays francophones – pour influencer la réflexion et les pratiques de développement. À partir des années 1975, des études furent financées, notamment en lien avec la préparation des grandes conférences internationales, des évaluations et des recherches ont été réalisées, un corpus important de données s’est bâti représentant un champ de savoirs sur femmes/genre et développement. La production de ce champ de connaissances a été principalement dominée, jusqu’aux années 1995, par des chercheures du monde académique ou d’institutions liées à la coopération, au Nord, tout particulièrement dans les pays anglosaxons. Les expériences, pratiques et réflexions des organisations et mouvements de femmes au Sud, sur lesquelles et avec lesquelles ce champ de savoir s’est bâti, n’a pas vu ses contributions théoriques et pratiques reconnues. L’enrichissement 5 - Par analogie avec le « brain drain » (la fuite des cerveaux). N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 793 Christine Verschuur des analyses féministes et de genre dans le développement a été freiné par le manque d’échanges et de reconnaissance entre systèmes de pensée – anglosaxons, hispanophones et autres –, ou l’existence de tensions dans la construction de ce champ de savoir selon diverses lignes de fractures, féminisme hégémonique/féminismes postcoloniaux, Nord/Sud, savoir académique/savoir militant, institutions de coopération/institutions de recherche. Alors que la construction de la pensée et les débats des théoriciennes et militantes féministes en France sont très riches et divers, elles ne se sont que relativement peu et tardivement intéressées à la problématique du développement. Dans les régions anglophones ou hispanophones, le croisement des études féministes et de genre et les études ou pratiques de développement depuis une trentaine d’années, a permis aux écrits dans ces systèmes de pensée de dominer le champ d’études « genre et développement ». Les apports théoriques des divers courants de pensée féministe en France n’ont ainsi pas toujours été mis à profit dans les analyses critiques du développement. La conceptualisation de la division sexuelle du travail entre hommes et femmes, qui traduit les rapports de pouvoir entre hommes et femmes, et des « rapports sociaux de sexe » a été une avancée théorique essentielle pour comprendre les mécanismes de production et reproduction des inégalités entre hommes et femmes en tant que catégories sociales. Cependant, dans les études et pratiques de développement, c’est le concept de genre qui s’est imposé, notamment à travers les travaux des chercheures anglo-saxonnes. Dans la mesure où dans le développement, le fuzzword genre est souvent utilisé sous la forme « d’un euphémisme acceptable qui adoucissait le discours dur sur les droits et le pouvoir » (Cornwall, 2007, p. 70), l’accent mis sur le concept de genre est parfois apparu finalement comme un recul théorique pour ce courant de pensée féministe en France. III – DIVERSES DÉFINITIONS ET UTILISATIONS DU MOT GENRE Ce sont des féministes, historiennes et spécialistes anglo-saxonnes des sciences sociales, qui ont véritablement introduit le mot « gender » dans les années 1970 (Oakley, 1972). Dans son acception actuelle en sciences sociales, il est défini comme « une façon première de signifier des rapports de pouvoir » (Scott, 1986) et comme un outil d’analyse. « Le concept de genre structure la perception et l’organisation concrète et symbolique de toute la vie sociale » (Scott, 2000, p. 56 [1986]). Le concept genre rappelle qu’être femme ou être homme est un construit social, et non un donné biologique 6. Les constructions sociales des féminités et des masculinités sont variées et changent, selon les rapports de classe, de race, les époques historiques, les contextes culturels. Dans la foulée de l’élaboration du concept genre émergent les « men’s studies » et le concept de « masculinité hégémonique » (Connell, 1987). 6 - Judith Butler défend l’idée que ce n’est pas seulement le genre qui est socialement construit, mais aussi le sexe (Butler, 2006). 794 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » Le terme « gender » a été emprunté à la grammaire. Sa traduction a, sous prétexte de respect de la langue française, suscité des résistances en France. Selon la Commission générale de terminologie et de néologie française (1995), « on constate en effet, notamment dans les ouvrages et articles de sociologie, un usage abusif du mot “genre”, emprunté à l’anglais “gender” [...] En français, le mot sexe et ses dérivés sexiste et sexuel s’avèrent parfaitement adaptés dans la plupart des cas pour exprimer la différence entre hommes et femmes, y compris dans sa dimension culturelle, avec les implications économiques, sociales et politiques que cela suppose. » C’était nier toute la complexité du concept genre... Le terme a malgré tout progressivement été adopté en français 7, et ce dès les années 1970, par exemple par Delphy (« Penser le genre »). Les résistances persistent néanmoins, et pas pour de soi-disant raisons linguistiques. L’une d’elles tient au fait que ce concept est rattaché au féminisme. Comme le dit Michelle Perrot, « l’anti-féminisme se sustente de toute une série de peurs enchevêtrées. Peur de la perte de pouvoir et d’une puissance féminine menaçante qu’il s’agit de contenir. » (Perrot, 1999, p. 18). Dans la mesure où le mot est rattaché à ce qualificatif féministe, il est associé à des pratiques jugées provocatrices, ou ridiculisé, comme par refus de (re)connaître la portée critique de cette pensée. Aux féministes, on reproche leurs excès, « ces actes symboliques [... qui] transgressent les normes du comportement féminin » (Bard, 1999, p. 305). Le rejet du genre, en tant que concept élaboré et travaillé par des chercheures féministes, est d’abord le reflet d’un certain rejet du féminisme ou, du moins, de certaines approches féministes. C’est en réponse aux critiques sur le biais masculin dans le développement et sur la surcharge de travail des femmes que l’approche « femmes et développement » avait entraîné le fait que le mot genre s’était installé dans le répertoire de la coopération internationale à partir des années 1980. « A growing official literature discribes the importance of moving from models of “women in development” towards models of “gender and development”, signaling a new emphasis on analyzing men’s roles as well as women’s. [...] Yet, discussions of gender have remained segregated within special reports or specific policy initiatives, having relatively little impact on the mainstream discourse of development economics » (Folbre, 1998b, p. 27). Les programmes genre dans la coopération insistent alors sur l’idée de se préoccuper non seulement des femmes mais de rapports plus équilibrés entre hommes et femmes, et sur l’idée que le genre concerne également les hommes. S’intéresser à la construction sociale de la masculinité était nécessaire, mais cela a surtout permis de maintenir dans les programmes de coopération l’attention sur les hommes – et n’a pas mené nécessairement vers une analyse critique de la contruction sociale de la masculinité. Dans la coopération, la politique du « gender mainstreaming », qui signifie intégrer le « genre » dans tous les programmes, est parfois devenue, comme le disent certaines, du « gender menstreaming »... 7 - Voir des revues ou collections comme Travail, genre et sociétés, Cahiers du Genre, Cahiers Genre et Développement. N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 795 Christine Verschuur Le terme est perçu comme moins menaçant, plus neutre, plus consensuel, un fuzzword. On s’éloigne du qualificatif « féministe », qui apparaît trop militant, pour employer un terme qui semble donner plus de légitimité scientifique. On réduit les résistances des hommes qui se trouvent ainsi à nouveau intégrés dans les processus (ils n’avaient pas franchement disparu...). On tente de répondre aux critiques de celles et ceux qui affirment qu’on risque de surcharger les femmes. Cependant, le mot « genre » ne fait fréquemment que remplacer le mot « femme », et est souvent simplement utilisé comme « cache-sexe » ou comme alibi dans les interventions de développement. Le travail invisible des femmes reste sous-estimé, l’articulation des sphères domestique et publique n’est pas repensée avec l’introduction des programmes « genre ». Les apports des économistes féministes, qui remettent en question les valeurs implicites sous-jacentes à l’économie « conventionnelle », ne sont pas pris en compte. Si le concept genre, tel qu’il a été élaboré par des universitaires des sciences sociales, comprend la notion de pouvoir, au cœur des rapports entre hommes et femmes, dans les programmes de coopération cette notion de pouvoir n’est pas réellement abordée, pas plus que le problème des inégalités structurelles. Ainsi dans les indicateurs des Nations unies, l’accès des femmes au pouvoir est évalué selon le nombre de postes occupés par des femmes au Parlement, dans des fonctions gouvernementales ou dans des positions de management dans des entreprises. Or, ces indicateurs ne mesurent souvent que les performances individuelles de certaines femmes – parfois liées à une certaine élite –, et sont certainement insuffisants pour mesurer des changements profonds dans les asymétries de pouvoir entre hommes et femmes. Des programmes d’empowerment, faisant référence au black power, incluant cette notion de pouvoir, ont été proposés comme alternative par des organisations de femmes, dans les pays du Sud, pour renouveler l’approche « genre et développement » dans la coopération. Ces programmes ont eux aussi souvent été instrumentalisés, neutralisés par les agences de coopération qui ont repris la proposition à leur compte 8. Le genre a souvent été utilisé dans les programmes de coopération comme un instrument technique servant à la professionnalisation des mouvements de femmes et ONG de femmes du Sud, ce qui a été interprété par certaines comme une stratégie de dépolitisation. Ainsi en Amérique latine, certains mouvements de femmes ou féministes refusent maintenant d’employer le terme (Femenias, 2002), considérant qu’il oblige à se conformer à l’agenda et aux exigences des bailleurs de fonds. Le fait que certaines organisations de femmes s’en servent pour capter des fonds en provenance de la coopération crée par ailleurs des divisions entre les mouvements et organisations. Ailleurs, en Palestine par exemple, en raison de « la séparation des questions des femmes de la gouvernance et du système politique, et de la lutte nationale » (Kuttab, 2009), en lien avec les exigences de la communauté internationale des donateurs après les accords d’Oslo, les programmes de professionnalisation des organisations féminines – avec leurs gender workshops, gender tools, etc. –, ont, selon Kuttab, mené à une dépolitisation de l’activisme féminin. Les régimes s’accommodent ainsi des organisations de femmes, en les ONG-isant, comme le dit Islah Jad : « The appearance of the wives of presidents and rulers, princesses, and prominent women in 8 - Voir article sur l’empowerment dans ce numéro de la Revue Tiers Monde. 796 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » certain women’s NGOs cannot be translated as a willingness to reform, but means rather that women’s rights and claims are seen as apolitical and politically unthreatening, since they do not touch the political, economical and social foundations of the Arab regimes » (Jad, 2004, p. 42). IV – LES FÉMINISMES POSTCOLONIAUX ET LE GENRE Les chercheures féministes postcoloniales, les mouvements dissidents de femmes des pays du Sud, les militantes et chercheures des minorités ou migrantes, critiquent le fait que le terme genre ait été « récupéré » par les agences internationales de développement, en lui ôtant son pouvoir analytique foncièrement critique ou sa capacité mobilisatrice pour transformer des rapports de pouvoir inégaux au sein de la société. Dans la mesure où le genre, dans la coopération, n’est pas utilisé comme une expression de rapports de pouvoir, il ne permet pas de reconnaître et remettre en question les divers mécanismes de pouvoir qui produisent et perpétuent les inégalités, entre hommes et femmes, entre femmes, entre hommes, et ne permet pas de repenser les transformations sociales. Les études féministes postcoloniales s’intéressent justement à la manière dont les divisions de classe, de race, de caste structurent les rapports de genre, et comment les divisions de genre sont structurées par d’autres catégories d’analyse : la classe, la race et la caste. Dans le sillage de l’approche postcoloniale de Chandra Mohanty, l’analyse de la manière dont la diversité des appartenances sociales détermine l’engagement et les pratiques de transformation sociale permet de repenser le développement dans une perspective d’égalité entre hommes et femmes. La manipulation des questions de genre dans des interventions internationales (par exemple pour justifier la guerre en Afghanistan) ou dans les politiques d’immigration (en Suisse, discours sur l’immigration et l’identité, sur la « criminalité étrangère », en France, débats sur le voile, crise des banlieues) montre que le genre peut aussi être instrumentalisé pour justifier des pratiques qui continuent de se baser sur un regard de type colonial sur l’« autre ». Les analyses de genre permettent non seulement de porter un regard critique sur les approches de type colonial au sein même des pays du Nord, mais aussi de porter un regard critique sur les paradigmes dominants de diverses disciplines en sciences sociales. Tiyambe, un historien africain du Malawi, enseignant aux États-Unis, a par exemple fait une analyse des implications théoriques de l’absence des femmes et d’analyse de genre dans l’historiographie africaine, tant par les historiens conventionnels, les historiens rattachés aux théories de la dépendance que les historiens marxistes. « L’historiographie de la dépendance partageait la logique de l’historiographie impérialiste qui présentait l’histoire africaine comme un prolongement de l’histoire européenne. La seule différence est que cette dernière décrivait l’histoire en Afrique comme un récit exaltant des efforts héroïques de l’Europe pour introduire la “civilisation” sur le “continent noir”, alors que pour l’historiographie de la dépendance, c’est une triste histoire de pillages et de saccages par l’Europe. L’histoire de la dépendance est donc une histoire d’un continent otage N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 797 Christine Verschuur permanent des forces externes [...]. C’est une histoire de relations et de luttes internationales, non de classes » (Zeleza, 2004, pp. 107-108). De leur côté, pour les historiens marxistes, « c’est la classe et non le genre qui est la problématique centrale [...]. L’oppression des femmes est perçue comme un phénomène secondaire, un symptôme de l’oppression capitaliste » (idem, p. 109). À travers l’analyse de l’histoire des femmes et du genre en Afrique, c’est le regard colonial sur l’Afrique et l’absence de reconnaissance des hommes et femmes comme sujets de leur histoire qui sont dénoncés. Passer de history à herstory, comme le demandaient des historiennes féministes, ne suffit pas et Zeleza propose de récupérer ourstory. Selon Zeleza, « prendre le genre au sérieux en tant qu’outil conceptuel pour comprendre le passé de l’humanité, c’est [...] transcender les questions et les problématiques traditionnelles [...] ainsi que les théories et les modèles explicatifs de la transformation sociale » (ibidem, p. 122). Cela est vrai pour les transformations sociales du passé, celles en cours ou à venir, dans quelque pays que ce soit. Les apports de l’analyse de genre ne signifient pas « rajouter les femmes » et continuer le business as usual. Il s’agit de remettre en question les paradigmes dominants dans les diverses disciplines, que ce soit l’histoire – pas seulement celle des relations internationales – ou d’autres disciplines, l’économie, l’anthropologie, la sociologie politique. Edward Saïd opposait dans son livre L’Orientalisme ce qui est familier (l’Europe, l’Occident, « nous », le masculin) à ce qui est étranger (l’Orient, « eux », le féminin). Les « autres » étaient réduits à des « ombres muettes ». Jamais la parole ne leur était donnée. Comme le disait Saïd, « ce n’est que lorsque des personnes subalternes comme les femmes, les Orientaux, les noirs et d’autres “indigènes” ont fait suffisamment de bruit que l’on s’est intéressé à eux et qu’on leur a demandé de parler » (Saïd, 1989, p. 210). Des femmes, des mouvements de femmes, des penseurs et penseures du Sud, migrantes, postcoloniales, féministes ont fait en sorte de se faire entendre. La production du champ de savoir « genre et développement » s’est nourrie de l’analyse de ces méthodes, pratiques, et réflexions critiques, et de nouveaux champs théoriques ont été (re)construits. Nommés black feminism, chicana feminism, subaltern studies ou sans dénomination académique, ces courants ont souvent précédé l’actuelle institutionnalisation d’un champ d’études postcoloniales. En croisant la catégorie de genre avec les catégories de classe, race et caste, ces apports contribuent à penser de manière articulée genre et rapports coloniaux, à renouveler la pensée sur le développement. Le champ d’études « genre et développement » s’est petit à petit institutionnalisé 9 en incluant ces apports méthodologiques, ces expériences et ces contributions théoriques. 9 - À l’IHEID, où il existe un « Pôle genre et développement », diverses activités d’enseignement et de recherche sont menées depuis 1995, et depuis 2009 est proposé un Master en études de développement avec une orientation « genre et développement ». Divers instituts anglo-saxons et hispano- 798 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » Le mot féminisme avait été détourné de son sens initial, « la féminisation pathologique du sujet masculin », pour combattre la « virilisation des femmes », mais des femmes militantes s’en étaient tout de même emparées avec humour pour défendre leurs propres idées. De même, le mot genre a été détourné de son sens dans les programmes de coopération, où il est trop souvent encore considéré comme un buzzword. Plutôt que de s’en débarrasser par ennui, il est impératif, face à la persistance des inégalités, d’intégrer le genre dans le développement en tant que catégorie d’analyse, articulée avec les catégories de classe et de race, et de reconnaître les apports des études féministes postcoloniales aux études sur le développement. BIBLIOGRAPHIE ARIJA M., 2000, Ya no soy la que dejé atrás, Mujeres migrantes en República dominicana, México, IIS – Plaza y Valdés. BOSERUP E., 1970, Women’s Role in Economic Development, St Martin’s Press, traduction française, 1983, La femme face au développement économique, Paris, PUF. BARD C. (dir.), 1999, Un siècle d’antiBUTLER J., 2006, Trouble dans le genre, féminisme, Paris, Fayard, pp. 21-41. Paris, La Découverte (traduction de son BENELLI N., DELPHY C., FALQUET J., ouvrage paru en 1990, Gender Trouble: HAMEL C., HERTZ E., ROUX P., 2006, Feminism and the Subversion of IdenSexisme, racisme et postcolonialisme, tity, New York/London, Routledge). Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, n° 3. CHAUDURI M. (dir.), 2004, Feminism in India: Issues in Contemporary FemiBENERÍA L., SEN G., 1981, « Accumula- nism, New Delhi, Kali for Women. tion, Reproduction, and Women’s Role in Economic Development: Boserup Combahee River Collective, 1977, « A Revisited », Signs: Journal of Women in Black Feminist Statement » in NICHOLCulture and Society, 7 (2), pp. 279-298, SON L. (dir.), The second Wave. A Reatraduit in BISILLIAT J., VERSCHUUR C. der in Feminist Theory, New York, (dir.), 2001, Genre et économie, un Routledge. premier éclairage, Cahiers Genre et Développement n° 2, Paris, L’Harmat- Commission générale de terminologie et de néologie, 2005, « Recommandatan, pp. 97-111. tion sur les équivalents français du mot BENERÍA L., (dir.), 1982, Women and “gender” », Bulletin Officiel n° 34, Development: The Sexual Division of 22 septembre 2005, http://www. Labor in Rural Societies, New York, education.gouv.fr/bo/2005/34/ Praeger. CTNX0508542X.htm, consulté le 28/03/2009. BETEILLE A., 1990, « Race, Caste and Gender », Man, New Series, 25 (3), CONNEL R. W., 1987, Gender and Power, Cambridge, Polity. pp. 489-504. phones proposent également, depuis des années, des spécialisations en genre et développement dans le cadre de leurs masters. N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 799 Christine Verschuur CORNWALL A., 2007, « Revisiting the ELSON D., 1991, Male Bias in the Deve“Gender Agenda” », in IDS Bulletin, lopment Process, Manchester, Manvol. 38, n° 2, pp. 69-78, Sussex, IDS. chester University Press. CURIEL O., FALQUET J., MASSON S., 2005, Féminismes dissidents en Amérique latine et aux Caraïbes, Nouvelles Questions Féministes, vol. 24, n° 2. FALQUET J., 2006, « Le Combahee River Collective, pionnier du féminisme Noir. Contextualisation d’une pensée radicale » in FALQUET J., LADA E., RABAUD A., (Ré)articulation des rapports sociaux de sexe, classe et « race ». Repères historiques et contemporains, Cahiers du CEDREF, Paris, Université ParisDiderot, pp. 69-104. DAGENAIS H., PICHE D., 1994, « Conceptions et pratiques du développement : contributions féministes et perspectives d’avenir » in Femmes, féminismes et développement, Montréal, Institut canadien de recherches sur les FEDERICI S., 2002, « Reproduction et femmes. lutte féministe dans la nouvelle distriDAVIS A., 1982, Women race and class, bution internationale du travail » in London, The Women’s Press Ltd, tra- Genre, mondialisation et pauvreté, duction française 1983, Femmes, race Cahiers Genre et Développement n° 3, et classe, Paris, Éd. Des Femmes. VERSCHUUR C. (dir.), avec REYSOO F., Paris, L’Harmattan, pp. 45-73. DEGAVRE F., 2004, Genre et développement dans les contextes Nord. Une lecture à partir des pratiques visant la reproduction du lien social et la recomposition d’un territoire de vie, Thèse de doctorat, Institut d’études du développement, Université catholique de Louvain. DELPHY C., 1970, « L’ennemi principal », in Partisans, numéro spécial Libération des Femmes, n° 54-55, juilletoctobre, article reproduit in DELPHY C., 1998, L’ennemi principal : économie politique du patriarcat, (Tome 1), Paris, Éditions Syllepse. DIRLIK A., 2009, « Louise Edwards, Gender, Politics, and Democracy: Women’s Suffrage in China », Perspectives chinoises, n° 2009/1, [En ligne], mis en ligne le 1er avril 2009. URL : http:// perspectiveschinoises.revues.org/ document5192.html. FEMENIAS M.-L., 2002, Perfiles del feminismo iberoamericano, Buenos Aires, ed. Catalogos. FOLBRE N., 1997, De la différence des sexes en économie politique, Paris, Éd. Des Femmes. FOLBRE N., 1998a, « Réflexions sur le genre, l’économie et le développement » in PREISWERK Y. (textes réunis par), Les silences pudiques de l’économie, Actes des colloques genre, Genève, éditions DDC-CNSU, IUED, pp. 21-25. FOLBRE N., 1998b, « Engendering economics: new perspectives on women, work and demographic change » in PREISWERK Y. (textes réunis par), Les silences pudiques de l’économie, Actes des colloques genre, Genève, Éditions DORLIN E., 2008, « Black Feminism DDC-CNSU, IUED, pp. 27-53. Revolution ! » in Black Feminism, GARGALLO F., 2002, « El feminismo mulParis, L’Harmattan. tiple: practicas e ideas feminístas en EHRENREICH B., HOCHSCHILD R. A. (dir.), América latina » in FEMENIAS M.-L., Per2002, Global Woman. Nannies, Maids files del feminismo iberoamericano, and Sex Workers in the New Economy, Buenos Aires, ed. Catalogos, London, Granta Books. pp. 103-131. 800 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 Résistances et mésententes autour du mot « genre » GUBIN E., JACQUES C., ROCHEFORT F., THÉBAUD F., ZANCARINI-FOURNEL M., Le siècle des féminismes, Préface de Perrot M., Paris, les Éditions de l’Atelier/ Éditions Ouvrières. KERGOAT D., 2000, « Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe » in HIRATA H. et alii (dir.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, pp. 35-44. HILL COLLINS P., 2009 [1989], « La construction sociale de la pensée féministe noire » in WALLACE M., Combahee River Collective, LORDE A., SMITH B., CARBY H., HOOKS B., HILL COLLINS P., HARRIS L. A., SPRINGER K., GUY-SHETALL B., Black Feminism, Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, textes choisis et présentés par DORLIN E., Paris, L’Harmattan, pp. 135-177, publié en anglais dans Signs. KISHWAR M., 1991. « Why I do not Call Myself a Feminist ? », Manushi, 2-8. KUTTAB E., 2009, « Palestinian Women’s Movement: From Liberation to Accommodation and Globalization » in VERSCHUUR C. (dir.), Vents d’Est, vents d’Ouest. Mouvements de femmes et féminismes anticoloniaux. Actes du colloque international genre, Berne/ Genève, IHEID/Commission nationale HIRATA H., LABORIE F., LE DOARÉ E., suisse pour l’UNESCO/DDC. SENOTIER D. (dir.), 2000, Dictionnaire La Voz de la Mujer, 1896-1897, [1997], critique du féminisme, Paris, PUF. Periódico comunista-anárquico, préHOOKS B., 1981, Ain’t I a Woman: face Molyneux M., Universidad NacioBlack Women and Feminism, Cam- nal de Quilmes, Argentina. bridge MA, South End Press. MASSON S., 2005, Les femmes indiennes JAD I., 2004, « The NGO-isation of Arab au Chiapas (Mexique) : un mouveWomen’s Movements » in IDS Bulletin, ment féministe postcolonial ? Tsome Sussex, vol. 35, n° 4, octobre, Ixuk: étude de cas d’une coopérative pp. 34-42 (9). de femmes tojolabales, thèse de doctoUniversité Paris-VIII KABEER N., 1995, « Necessary, Sufficient rat, or Irrelevant ? Women, Wages and Vincennes-Saint-Denis. Intra-Household Power Relations in MATHIEU N.-C., 1985, L’arraisonneUrban Bangladesh » in Institute of ment des femmes, Essais en anthropoDevelopment Studies Working Paper, logie des sexes, Éd. de l’EHESS, Cahiers n° 25, septembre, Sussex. de l’Homme XXIV, Paris. KAGAN R., 2002, « Power and Weakness » in Policy Review, n° 113, MEILLASSOUX C., 1975, Femmes, greniers et capitaux, Paris, Maspéro. juin-juillet. KANDEL L., Picq F., 1982. « Le mythe des origines, à propos de la journée internationale des femmes », La Revue d’En face, n° 12, automne. MOHANTY C., 1988, « Under Western Eyes: Feminist Scholarship and Colonial Discourse », Feminist Review n° 30, automne 1988, pp. 61-88. KANNABIRAN K., 2009, « Women’s Lifeworlds and the Idea of Feminist Insurgency » in VERSCHUUR C. (dir.), Vents d’Est, vents d’Ouest. Mouvements de femmes et féminismes anticoloniaux. Actes du colloque international genre, Berne/Genève, IHEID/ Commission nationale suisse pour l’UNESCO/DDC. MOHANTY C., 2002, « Under Western Eyes Revisited: Feminist Solidarity through Anticapitalist Struggles », Signs: Journal of Women in Culture and Society, n° 28 (2). MOLYNEUX M., 2004, « The chimera of success », in IDS Bulletin, vol. 35, n° 4, pp. 112-116, Sussex. N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009 - REVUE TIERS MONDE 801 Christine Verschuur MOLYNEUX M., RAZAVI S., 2003, « Droits des femmes, culture et justice », in VERSCHUUR C., REYSOO F. (dir.), Genre, pouvoirs et justice sociale, Cahiers Genre et Développement, n° 4, Genève/ Paris, L’Harmattan, IUED-EFI, pp. 275-283. MOSER C., 1993, Gender Planning and Development: Theory, Practical Training, London, Routledge. SAÏD E. W., 1989, « Representing the Colonized: Anthropology’s Interlocutors », Critical Inquiry, vol. 15, n° 2 (hiver), The University of Chicago Press, pp. 205-225. SARR F., 2009, « Féminisme en Afrique occidentale ? Prise de conscience et luttes politiques et sociales » in Verschuur C. (dir.), Vents d’Est, vents d’Ouest. Mouvements de femmes et féminismes anticoloniaux. Actes du colloque international genre, Berne/ Genève, IHEID/Commission nationale suisse pour l’UNESCO/DDC. NARAYAN U., 2000, « Undoing the « Package Picture » of Cultures » in Signs, Feminisms at a Millennium, vol. 25, n° 4, été, The University of Chicago Press, pp. 1083-1086. SASSEN S., 2005 [2003], « Restructuration économique mondiale et femmes OAKLEY A., 1972, Gender and Society, migrantes : nouveaux espaces stratéLondon, Temple Smith. giques de transformation des rapports PERROT M., 1999, « Préface » in BARD C., et identités de genre » in VERSCHUUR C., Un siècle d’anti-féminisme, Paris, REYSOO F. (dir.), Genre, nouvelle division internationale du travail et Fayard, pp. 7-19. migrations, Cahiers Genre et DévelopPRONK J., 2000 [1975], « Women in pement, n° 5, Paris, L’Harmattan, Development, Advancing towards auto- pp. 103-109. nomy » in BISILLIAT J., VERSCHUUR C. (dir.), Le Genre, un outil nécessaire, SCOTT J., 2000 [1986], « Genre, une Cahiers Genre et Développement, n° 1, catégorie utile d’analyse historique » in Genève/Paris, L’Harmattan, pp. 87-95. BISILLIAT J., VERSCHUUR C. (dir.), Le Genre, un outil nécessaire, Cahiers RAUBER I., 2003, América Latina, Movi- Genre et Développement, n° 1, Genève/ mientos sociales y representación polí- Paris, L’Harmattan, pp. 41-69, first tica, La Habana/Mexico, ed. Ciencias published as « Gender, a Useful Catesocials. gory of Historical Analysis » in AmeriRAZAVI S., 2007, The Political and can Historical Review 91, n°5, décemSocial Economy of Care in a Develop- bre 1986. ment Context: Conceptual issues, research questions and policy options, SOHN A.-M., THELAMON F. (dir.), 1998, L’Histoire sans les femmes est-elle posGD PP, n° 3, juin, Genève, UNRISD. sible ?, Paris, Perrin. REY P.-P. (dir.), 1976, Capitalisme THEBAUD F. (dir.), 1992, Histoire des négrier, Paris, Maspéro. Femmes en Occident, Le XXe siècle, RIOT-SARCERY M., 2002, Histoire du tome 5, Paris/Rome, Plon/Laterza. féminisme, Paris, La Découverte TOUPIN L., 1993, « Une histoire du fémi(coll. « Repères »). nisme est-elle possible », Recherches SAÏD E. W., 1980, [réédition augmentée féministes, n° 1, pp. 25-51. d’une préface de l’auteur (2003) 2005], L’Orientalisme. L’Orient créé par TRISTAN F., ([1838], 1979), Les pérégril’Occident, Paris, Le Seuil (coll. « La nations d’une paria, Paris, Éditions F.M. La Découverte. couleur des idées »). 802 REVUE TIERS MONDE - N° 200 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2009