Rieffel Rémy, Mythologie De La Presse Gratuite, 2010, Le Cavalier

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Rieffel Rémy, Mythologie De La Presse Gratuite, 2010, Le Cavalier
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Rieffel Rémy, Mythologie De La Presse Gratuite,
2010, Le Cavalier bleu éditions, coll. « Myth’O », 95
pages
Adeline Wrona
Communication & langages / Volume 2010 / Issue 166 / December 2010, pp 179 - 180
DOI: 10.4074/S0336150010014109, Published online: 05 January 2011
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LES LIVRES
MYTHOLOGIE DE LA PRESSE GRATUITE
RIEFFEL Rémy, 2010, Le Cavalier bleu éditions,
coll. « Myth’O », 95 pages
Lancée en mai 2008, la collection « Myth’O »
s’inspire des Mythologies de Barthes pour interroger « les emblèmes du quotidien », ces
« paroles de notre époque », comme l’indique
le paragraphe de présentation figurant en quatrième de couverture. Ces petits volumes de
moins de cent pages, à la couverture marbrée
et au format étroit, font donc le tour des
« mythes du XXIe siècle », qui correspondent
pour une grande part aux objets quotidiens
de la communication (mythologie de la téléréalité, des séries télé, de la peopolisation, du
portable. . .).
C’est un fin connaisseur du monde du journalisme
qui se livre à l’exercice, dans cette Mythologie
de la presse gratuite : professeur à l’université
Paris II, dont il dirige l’école de journalisme (IFP),
Rémy Rieffel observe avec le recul du sociologue,
et l’acuité du pédagogue, ce phénomène émergent que constitue la culture de la gratuité dans
l’univers de l’information.
En trois temps – naissance de la presse gratuite,
analyse de la « culture de l’accès », avenir
du phénomène – Rémy Rieffel décompose les
incidences de l’apparition des titres gratuits sur
le paysage médiatique. La démarche s’avère
modérée et très documentée : la bibliographie
le prouve, qui est non seulement riche mais
aussi singulièrement récente, surtout pour un
ouvrage de ce format. Les sources utilisées pour
ce panorama synthétique présentent un atout
notable : elles combinent travaux universitaires
et rapports issus de commandes institutionnelles ou organisationnelles, études de marché
et enquêtes sociologiques
Rémy Rieffel prend Roland Barthes au mot :
revenant sur la définition du « mythe », selon le
texte de 1957 (un objet social qui s’impose par
sa « naturalité », p. 7 ; « avec lui, les choses ont
l’air de signifier toutes seules », p. 26), il entend
tout d’abord rappeler l’histoire et cerner l’enjeu
des « gratuits », pour en interroger l’évidence.
Alors se dévoile l’arrière-plan idéologique du
phénomène.
Le premier chapitre donne les clés pour comprendre l’émergence de la presse gratuite :
celles-ci sont d’abord quantitatives – les chiffres
établissent sans conteste ce que Rémy Rieffel
décrit comme une « percée spectaculaire »,
qui concerne tant le nombre d’exemplaires
que celui des titres, et des lecteurs cumulés.
La chronologie des différents lancements rend
compte ensuite des prudentes expérimentations
auxquelles se sont livrés les créateurs nordiques
des titres pionniers, avant d’affronter l’hostilité
de certains marchés nationaux : à Marseille,
les premiers exemplaires de Metro sortent des
imprimeries sous la protection des CRS. Enfin, la
notion même de gratuité suppose une approche
idéologique : elle engage en effet une culture
qui dépasse largement le seul cas des quotidiens distribués dans les grandes villes. Comme
l’auteur le note avec justesse, le terme ne renvoie
pas nécessairement aux mêmes valeurs selon
qu’il est employé dans un contexte européen, où
la gratuité est liée à l’égalité, ou bien dans un
contexte nord-américain, où la freeness engage
la liberté du citoyen, et sa responsabilité.
Le deuxième chapitre se consacre à un
phénomène dont les quotidiens gratuits sont le
symbole : le développement d’une « culture de
l’accès ». Inspirée de Jérémy Rifkin, cette notion
renvoie à « de nouveaux modes de consommation
de l’information », qui déterminent eux-mêmes
une économie culturelle spécifique. La « logique
de l’accès » se combine à la « recherche
d’expériences vécues », qui l’emporterait
désormais sur le désir de biens à posséder en
propre ; la « gratuité » des produits ainsi mis à
disposition aurait pour revers « l’absorption de
la sphère culturelle par la sphère marchande ».
On s’en doute, cette évolution est bien loin de ne
concerner que la presse écrite : elle est propre
à tout l’univers du numérique, et va des loisirs
à l’information, caractérisant finalement « l’ère
postmoderne » qui serait la nôtre.
D’où le bilan plutôt contrasté dressé par le
troisième chapitre, qui pose la question suivante :
« vers le tout gratuit » ? Le succès des quotidiens
gratuits, replacé aux côtés de phénomènes concomitants tels que le développement d’Internet,
révèle surtout l’affaiblissement de la presse
écrite désormais dite « payante ». L’habileté
déployée par les fondateurs de ces journaux
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en termes de marketing – le « géomarketing »
complétant le « chronomarketing », tous deux
jouant pour le « produit » comme pour sa distribution – ne saurait, selon l’auteur, compenser
la relative fragilité du modèle informatif mis en
place. Sur le plan financier comme sur le plan
du contenu, ces titres n’ont pas encore vraiment
fait leurs preuves. Rémy Rieffel conclut donc sur
une alerte citoyenne, appelant à la responsabilité
démocratique des médias d’information, et de
leurs lecteurs. Si l’objectif initial, selon les
principes rappelés en début d’ouvrage, était de
mieux partager l’information, en touchant les
non-lecteurs de la presse écrite, les journaux
gratuits dévaluent selon l’auteur la profession
journalistique : certes, l’autonomisation des récepteurs compense en partie l’industrialisation
de l’information. Il n’en demeure pas moins que
les formes hybrides du journalisme contemporain, entre logique de l’offre et logique de la
demande, invitent à s’inquiéter de la possible
« mort d’un journalisme d’exigence » (p. 90).
Soupçon de nostalgie ? On est tenté de le croire,
si l’on se souvient comment, au XIXe siècle déjà,
les Sainte-Beuve et autres Balzac vitupéraient
les premiers quotidiens modernes, les accusant
de fabriquer de la « littérature industrielle »,
ou, comme Louis Blanc de « transposer en un
trafic vulgaire ce qui est une magistrature »,
et de faire du journalisme « le porte-voix de
la spéculation ». Telle est la tâche difficile
du journal : concilier hauteur des ambitions
citoyennes et exigences du marché. L’illusion de
la gratuité, d’ailleurs récemment analysée aussi
par la sociologue Marie-Anne Dujarier dans Le
Travail du consommateur (La Découverte, 2008),
ne fait que conforter la puissance des enjeux
économiques, serait-ce sous couvert d’intérêts
démocratiques. Quant à Rémy Rieffel, on peut le
remercier d’avoir tenu son pari : ces 96 pages ont
su décomposer la fallacieuse évidence de cette
mythologie contemporaine – celle de la gratuité
de l’information.
ADELINE WRONA
IDENTITÉS SOCIALES ET DISCURSIVES DU SUJET PARLANT
CHARAUDEAU Patrick (dir.), 2009, l’Harmattan,
231 pages
L’ensemble des contributions de cet ouvrage
collectif traite de la notion d’identité au prisme de
l’analyse du discours, domaine de référence de
Patrick Charaudeau.
Son texte, qui ouvre l’ouvrage, rappelle les enjeux
de la notion d’identité en sciences sociales en
même temps qu’il pose les modes théoriques
d’appréhension du double rapport de l’identité
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que le titre indique : sociale et discursive. Cette
première intervention a le mérite de proposer un
regard synthétique sur les recherches menées
en analyse du discours autour de la question
du sujet tout en rappelant les notions phares
issues des travaux de Charaudeau que sont
le contrat de communication et la compétence
communicationnelle.
La notion de sujet est présentée en quatrième
de couverture comme « susceptible de créer
un lien entre les différentes sciences humaines
et sociales » ; l’accent est mis sur le sujet en tant
qu’il est parlant, les auteurs appartenant pour
la grande majorité à la discipline des sciences
du langage. L’objectif sous-jacent au recueil est
alors celui de parvenir à poser l’enjeu de l’identité
du sujet dès lors qu’il y a discours. Il s’agit
d’interroger le double rapport du sujet en tant
qu’individu discursif et social. Comment se régule
l’interrelation entre ces deux modes ? En quoi
la situation de communication est-elle un cadre
dans lequel peut être jugé ce « jeu entre identité
sociale et discursive » ? Si la scène discursive
est le lieu de la construction de l’identité sociale,
l’identité discursive quant à elle se négocie dans
le champ de la scène sociale, afin, comme
l’explique Patrick Charaudeau, « que le résultat
de cette combinaison produise un “je-nous”, une
identité du singulier-collectif » qui résume la
tension à l’œuvre dans les apparitions du sujet
sur la scène sociale. Ainsi, l’espace discursif en
tant que lieu de construction identitaire est au
cœur des phénomènes sociaux qui sont relayés
par un système médiatique.
De cette organisation découlent les trois thématiques de regroupement des interventions
dans l’ouvrage. D’abord le traitement de cette
double identité du sujet, puis le rapport entre
la notion de sujet et le circuit médiatique, enfin
l’interrogation de cette notion au prisme de la
question du groupe social. Cette tri-dimension,
en plus de proposer des approches complémentaires, permet de saisir les recherches menées
sur l’identité selon les différentes échelles possibles offrant ainsi pour des chercheurs en
SIC des ponts, des connexions avec des objets à l’interconnexion d’échelles micro, macro
et medio.
Ainsi, des questions sont soulevées par des interventions théoriques et méta-réflexives comme
celle de Rosa Graciela Montes qui, en abordant le
dialogisme dans le discours, peut faire écho à la
proposition de Raquel Gutiérrez Estupinan, autour
de la question de l’identité des personnages
féminins dans les romans de Luisa Josefina
Hernandez.
La richesse de l’ouvrage étant de parvenir à
établir les liens entre les propositions de chacun
des chercheurs, montrant ainsi comment cette
question du sujet et de l’identité peut irriguer des
objets variés de différentes disciplines.