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actualité, info
avancée thérapeutique
Pr Samia Hurst
Médecin et bioéthicienne
Institut d’éthique biomédicale
Faculté de médecine
CMU, 1211 Genève 4
[email protected]
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42_45.indd 1
Alzheimer : les nouve lles
de la génétique
Mobilisation internationale pour mieux com­
prendre – et donc a priori mieux traiter – la
maladie d’Alzheimer, cet enjeu majeur – et
croissant – de santé publique. Les dernières
informations du front nous sont fournies
sur le site de Nature Genetics1 par un consor­
tium réunissant pas moins de 108 labora­
toires pour l’essentiel européens ; consortium
animé et coordonné par deux équipes : une
britannique (dirigée par Julie Williams – Cen­
tre de neuropsychiatrie génétique et de géno­
mique, Université de Cardiff) et une autre,
française (dirigée par Philippe Amouyel –
Inserm, Université et Institut Pasteur de
Lille). Les membres de ce consortium annon­
cent en substance avoir pu identifier cinq
nouveaux facteurs de prédisposition géné­
tique directement impliqués dans le déve­
loppement de cette maladie neurodégéné­
rative.
Cette découverte s’inscrit dans le cadre de
l’entreprise paneuropéenne de coordination
des activités de recherche concernant les
maladies neurodégénératives, une initiative
qui avait été annoncée l’an dernier (Rev Med
Suisse 2010;6:938-9). Il s’agit de la première
initiative de programmation conjointe ayant
pour but de relever les «grands défis socié­
taux» auxquels les pays de l’Union euro­
péenne – et plus généralement ceux du Vieux
Continent – devront faire face dans les an­
nées et les décennies à venir. Partant du pos­
tulat que la résolution de ces problèmes ne
peut venir des seules compétences et res­
sources nationales, il s’agit ici de potentiali­
ser les capacités de lutte contre ces défis. Et
la maladie d’Alzheimer avait d’emblée été
retenue comme une priorité du fait de ses
dimensions médicales et socioéconomiques.
On sait que cette affection, principale cause
de dépendance de la personne âgée résulte
d’une dégénérescence neuronale observée
dans différentes régions du cerveau. Elle se
caractérise plus précisément par le déve­
loppement dans le cerveau de deux types
de lésions : les plaques amyloïdes et les dé­
générescences neurofibrillaires. Les plaques
amyloïdes proviennent de l’accumulation
extracellulaire d’un peptide, le peptide b
amyloïde (Ab), dans des zones particulières
du cerveau. Les dégénérescences neurofibril­
laires sont, quant à elles, des lésions intra­
neuronales provenant de l’agrégation anor­
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 20 avril 2011
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male, sous forme de filaments, de la protéine
Tau. L’identification des gènes impliqués est
désormais un objectif essentiel pour mieux
comprendre, en amont, l’origine de ces pro­
cessus pathologiques et les voies métabo­
liques cibles potentielles de nouveaux trai­
tements.
La dernière publication de Nature Genetics
s’inscrit aussi dans le prolongement des tra­
vaux des deux équipes coordinatrices. Ces
à la maladie d’Alzheimer devrait permettre
d’élargir le nombre des hypothèses de recher­
che sur la physiopathologie de cette affec­
tion. Cette étape est essentielle pour pouvoir
identifier de nouvelles pistes de traitements
curatifs dans la mesure où les médicaments
actuels n’ont – au mieux – que de fugaces ef­
fets symptomatiques quand ils ne sont pas
toxiques.2 Par ailleurs, les gènes ainsi identi­
fiés devraient aider à mieux cerner les ter­
rains individuels favorisant la survenue de
la maladie d’Alzheimer ; à ce titre, ils seront
une aide précieuse lorsque des approches et
des traitements préventifs seront disponibles.
Toujours sur le site de Nature Genetics,3 un
consortium américain animé par l’Université
de Pennsylvanie annonce avoir également
identifié quatre de ces cinq gènes dans une
dernières avaient permis (c’était en sep­
tembre 2009) de découvrir trois nouveaux
facteurs de susceptibilité génétique à la ma­
ladie d’Alzheimer (dénommés CLU, CR1,
PICALM) en plus de celui connu depuis
une quinzaine d’années : l’allèle e4 du gène
codant pour l’apolipoprotéine E (APOE).
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs
ont analysé les génomes de 59 176 personnes
parmi lesquelles 19 870 souffraient de la ma­
ladie d’Alzheimer. C’est cet énorme travail
de séquençage qui a permis de découvrir
l’existence de cinq nouveaux gènes de pré­
disposition dénommés ABCA7, MS4A,
EPHA1, CD2AP et CD33. Ils ont également
confirmé l’importance du gène BIN1.
Pour les chercheurs, ces résultats présen­
tent deux intérêts majeurs. Tout d’abord,
l’identification de nouveaux gènes associés
population comparant plus de 11 000 per­
sonnes atteintes et un nombre équivalent de
personnes saines. L’ensemble des chercheurs
européens et américains ayant contribué à
ces découvertes s’étaient réunis pour la pre­
mière fois à Paris, en novembre 2010, pour
créer le consortium mondial IGAP (Interna­
tional genomics Alzheimer project).
La démonstration de l’efficacité des entre­
prises massives de séquençage réalisées sous
l’égide de consortiums internationaux est
donc ici une nouvelle fois apportée. Mais on
ne peut pas non plus, face aux avancées du
décryptage génétique (et dans l’attente de
leurs traductions thérapeutiques), ne pas sou­
lever les questions inhérentes au «dépistage»
qui leur sont immanquablement associées ;
questions qui seront de plus en plus fré­
quemment posées aux praticiens.
Source : Wikipedia, Photo : Bonio
uve lles lumières
Rapportons ici les informations et les con­
seils pratiques que donnent les responsa­
bles de la «Société Alzheimer du Canada» 4
à propos de l’allèle e4 du gène codant pour
l’apolipoprotéine E. «Ce gène est le facteur
de risque le plus important de la forme spo­
radique de la maladie d’Alzheimer. Les gènes
apoE régulent la production d’une protéine
qui aide notamment au transport sanguin du
cholestérol. Des trois variantes du gène apoE
(apoE2, apoE3 et apoE4), la variante apoE4 est
associée à un risque accru de maladie d’Al­
zheimer. Les personnes dont la paire de
gènes apoE comprend un gène apoE4 cou­
rent trois fois le risque normal de dévelop­
per la maladie d’Alzheimer. Chez les per­
sonnes porteuses de deux gènes apoE4, la
moitié développera la maladie d’Alzheimer
à 65 ans (…). Une personne qui n’est pas
porteuse du gène apoE4 peut quand même
développer la maladie d’Alzheimer et une
personne qui est porteuse de deux gènes
apoE4 n’en sera pas nécessairement atteinte.»
Une manière simple et accessible de dire
qu’en dehors des formes familiales «les gènes
n’expliquent pas tout» et que cette affection
semble le plus souvent résulter des effets
combinés de l’exposition à différents fac­
teurs de risque ; effets qui «dépassent la ca­
pacité des mécanismes naturels de répara­
tion du cerveau qui, normalement, aident à
maintenir la santé des cellules nerveuses».
Etant bien entendu que le principal facteur
de risque est, ici, l’avancée en âge. Autre
précision, essentielle, fournie par la Société
Alzheimer du Canada : «Il n’existe actuelle­
ment aucun test génétique fiable pour la
forme sporadique courante de la maladie
d’Alzheimer. Par conséquent, pour la grande
majorité des familles, les tests génétiques
prédictifs ne sont pas recommandés pour
diverses raisons, la plus importante étant
sans doute qu’au mieux, ces tests ne peu­
vent qu’indiquer une susceptibilité à déve­
lopper la maladie. Ils ne peuvent en aucun
cas prédire si une personne aura ou non la
maladie d’Alzheimer.» Nous sommes en
2011 ; en sera­t­il toujours ainsi ?
Jean-Yves Nau
[email protected]
1 Common variants at ABCA7, MS4A6A/MS4A4E, EPHA1,
CD33 and CD2AP are associated with Alzheimer’s disease. Nature Genetics. http://dx.doi.org/10.1038/ng.
803
2 www.slate.fr/story/34417/alzheimer-medicamentsinutiles-meurtriers-remboursement
3 Common variants at MS4A4/MS4A6E, CD2AP, CD33
and EPHA1 are associated with late-onset Alzheimer’s
disease. http://dx.doi.org/10.1038/ng.801
4 www.alzheimer.ca/french/society/intro.htm
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