Une justice aveugle, mais pas sourde
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Une justice aveugle, mais pas sourde
E D I T O Arménie : le débat sur les réformes constitutionnelles fait rage Une justice aveugle, mais pas sourde En ligne de mire : la rue (à droite) reproche au pouvoir (à gauche) de présenter un projet de réformes taillé à la mesure de ses intérêts. L’opposition menace de boycott. S O M M A I R E / du 1er au 15 septembre 2005 DOSSIER L’EVENEMENT L’affaire Zohrab Le président du Congrès acheté par Ankara ? p.22 p.5 ACTUALITE Liban : La FRA annonce son entrée dans l’opposition p.6 Négationnisme : Nouveau bras de fer entre la Suisse et la Turquie p.7 Brèves p.7 L’INTERVIEW Michel Vauzelle : “Une reconnaissance pour apaiser les blessures” p.8 Dossier : Justice, le grand chantier p.10 Objectif :une loi contre le négationnisme “La dignité,fondement du droit universel” “Notre législation doit évoluer” p.14 p.15 PAGES ARMENIENNES )q « )q ¡ )q Ç Brèves Les chants sacrés de Lucineh p.28 p.28 Kirk Kerkorian : 41ème fortune du monde p.29 Enfin une soirée chic et branchée ! p.29 SPORT Sport-Sprint Football : Bilan des clubs arméniens en France (2) p.31 p.31 Petites annonces et Carnet p.32 )q ëø AGENDA p.21 CHRONIQUE ENTREPRENDRE L’alchimie d’Evalinka p.26 CELEBRITES Noirs destins L’arménophobie prend de l’altitude Gèr ghdgt Njuérgtmyuçi Kyngçj Ig'g;(é Rkgvgà Nyuçfç Ijhfçyu ghegugçgç Tgrhgivyupjuh Photos de vacances d’un été 2005 CULTURE MAGAZINE p.33 La patience du prédateur p.34 Notre justice est comme ça. Elle est aveugle. Souveraine mais doublement aveugle. Et elle y va à tâtons, progresse à un rythme qui lui appartient. Si, longtemps, trop longtemps, tant de crimes comme la pédophilie, la violence sur mineur ou l’abus d’autorité n’ont pu être jugés, c’est parce qu’ils n’existaient pas en tant que tels dans les tribunaux. Puis, enfin, en fourbissant de nouvelles lois, la justice n’a pas seulement été rendue, elle s’est aussi construite, définissant les contours de notre civilisation. Seulement, à ce rythme, on ne s’étonnera pas que certains maux demeurent pour elle des continents inexplorés, ou à demi explorés. Le négationnisme est de ceux-là ; elle n’en a identifié que la face faurissonnienne et antisémite. Reste la part immergée, monumentale : celle de l’Etat turc. Or qui, en France et ailleurs, peut imaginer quelle monstruosité politique constitue le négationnisme d’Etat ? Qui, en France et ailleurs peut se représenter l’ampleur des moyens mis en œuvre par la Turquie - moyens auxquels n’accéderont jamais, pas même en rêve, toutes générations de Garaudy confondues ? Qui a conscience des menaces, pressions, corruptions organisées pour empêcher la reconnaissance du Génocide arménien dans les sphères décisionnaires – à l’instar de ce qui se serait passé en 2000 aux Etats-unis, à la Chambre des Représentants ? Et surtout, qui s’en soucie ? Qui donc, hormis une minorité qui en est aussi la victime ? Cette situation confère aux militants, aux personnalités publiques, mais aussi à tous les citoyens d’origine arménienne une responsabilité particulière. Celle de faire entendre leur voix, leur droit à la mémoire et à la dignité. Car aucune jurisprudence, on le sait, ni législation, n’évolue sans une pression active de l’opinion.Aucune révolution de palais (de Justice) n’a été précédée par une révolution des esprits.Tant que des mots n’ont été mis sur les maux, tant que l’opinion n’a pas un tant soit peu fait son travail de conscience, les crimes de silences peuvent succéder aux crimes eux-mêmes dans une indifférence parfaitement organisée. La justice est certes aveugle, mais pas sourde. Or en la matière, chacun d’entre nous – a fortiori les artistes, créateurs et intellectuels – ont-ils fait tout ce qu’il fallait ? Varoujan Sarkissian FranceArménie / du 1er au 15 septembre 2005 3