restitution du congrès de l`esa 2015
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RESTITUTION DU CONGRÈS DE L’ESA 2015 La Société Européenne d’Anesthésie organise son congrès, EUROANESTHESIA, partout en Europe. Les congrès sont soutenus par des membres et des non-membres représentant plus de 65 pays du monde entier. L’EUROANESTHESIA est organisé avec la participation active de sociétés nationales et des réunions communes sont tenues avec eux occasionnellement. L’EUROANESTHESIA est accrédité par l’UEMS*/EACCME* pour des crédits de C.M.E*. Le programme scientifique est établi par 19 sous-comités scientifiques. L’EUROANESTHESIA offre un programme scientifique complet de cours de remise à niveau, de symposiums scientifiques, de symposiums satellites et d’ateliers, ainsi que la présentation et la discussion de papiers de recherche originaux. Cette année s’est tenue à Berlin la dixième édition de ce congrès. A cette occasion, un comité de quatre médecins a accepté, en partenariat avec Dräger, d’assister à des conférences précises et de vous en apporter la substantifique moelle. Les abstracts et posters présentés durant le congrès sont publiés comme un supplément au Journal Européen d’Anesthésiologie. L’ensemble de ces résumés est organisé selon le sommaire suivant : Partie 1 : La ventilation en anesthésie-réanimation Partie 2 : Mises au point 1. L’ambulatoire 2. Le remplissage vasculaire 3. Le patient obèse Partie 3 : Les tendances de demain 1. En anesthésie 2. En réanimation * European Union of Medical Specialists / European Accreditation Council for Continuing Medical Education * Continuing Medical Education Composition du comité scientifique : Dr Benjamin Bonnot (APHP St Antoine, Paris) Dr Emmanuel Rineau (CHU d’Angers) Dr Sébastien Ponsonnard (CHU de Limoges) Restitution du Congrès de l’ESA 2015 Dr Marc Tran (APHP La Pitié Salpêtrière, Paris) Avec le conseil du Pr Olivier Langeron (APHP La Pitié Salpêtrière, Paris) 1 L’aventure continue ! Cette année à Berlin… Ils sont toujours quatre jeunes anesthésistes-réanimateurs, tels les mousquetaires en route pour le congrès annuel de l’European Society of Anesthesiology (ESA) qui se tenait cette année à Berlin. Avec la société Dräger, soutien de cette «aventure humaine et professionnelle», ils ont pour mission de partager avec nous les nouveautés présentées au congrès de l’ESA dans les domaines de l’anesthésie mais aussi de la réanimation, aussi bien à travers les communications scientifiques que les conférences présentées par des experts internationaux. Cette année encore, j’ai le privilège et surtout le grand plaisir de les parrainer dans cette aventure. Vous trouverez dans ce document restituant quelques-uns des nombreux thèmes abordés au cours du congrès, des informations issues de l’analyse de nos jeunes collègues qui ont assisté avec assiduité aux communications et débats sur des thèmes sélectionnés par leurs soins. Les thèmes suivants sont traités : la ventilation toujours au cœur de nos préoccupations d’anesthésistes-réanimateurs, des mises au point sur l’ambulatoire, le patient obèse et le remplissage vasculaire, enfin quelques perspectives concernant l’anesthésie et la réanimation sont abordés. Ce groupe de Jeunes Anesthésistes-Réanimateurs, constituant le JAR-club, est désormais bien en place et vous permettra en un minimum de temps d’avoir un maximum d’informations sur de nombreux sujets et communications présentés au congrès de l’ESA à Berlin.…Très bonne lecture ! Pr Olivier Langeron Réanimation Chirurgicale Polyvalente, Département d’Anesthésie-Réanimation Hôpital Universitaire Pitié-Salpêtrière, Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, UPMC– Paris VI. 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 PARIS Cedex 13 2 Restitution du Congrès de l’ESA 2015 Partie 1 : La ventilation en anesthesie-reanimation 1. A propos du monitorage Le réglage des paramètres de ventilation chez un patient sédaté repose principalement sur l’hématose et les différentes variables mesurées par le respirateur. L’objectif de ces modifications est d’améliorer les échanges gazeux dans les zones atteintes, tout en limitant les lésions associées à un excès de pression et de volume exercé par cette ventilation dans les zones saines. Cependant, la problématique essentielle réside dans le fait que la plupart des lésions pulmonaires concerne une partie seulement du parenchyme tandis que la pression et les volumes délivrés sont répartis de manière homogène dans l’ensemble du poumon. Ainsi, alors que la pratique usuelle de la ventilation s’intéresse à la globalité du parenchyme pulmonaire chez les patients en défaillance respiratoire aiguë, la place d’un support d’imagerie permet de mieux considérer les différentes hétérogénéités parenchymateuses, et d’adapter les paramètres du ventilateur à l’étendue des lésions observées. Cette imagerie est également intéressante pour le suivi de l’évolutivité de l’atteinte pulmonaire. Quelles modalités d’imagerie sont les plus adaptées en réaRestitution du Congrès de l’ESA 2015 nimation, dans ce contexte ? La radiographie standard et la tomodensitométrie (TDM) sont les examens les plus fréquemment utilisés, mais elles comportent toutes deux des limitations qui réduisent leur utilité. Alors que la première est peu sensible chez un patient ventilé et alité (Xirouchaki et al, Int Care Med, 2011), la TDM, gold standard de l’imagerie pulmonaire, expose à des risques non négligeables liés d’une part au transport du malade et d’autre part aux radiations émises (Beckman et al, Int Care Med 2004), ce qui ne permet pas son utilisation répétée en routine. Les techniques d’imagerie telles que la tomographie par impédance électrique, bien que très intéressantes dans les modèles de SDRA expérimentaux (Wolf et al, Crit Care Med, 2013), sont en cours d’évaluation pour la routine clinique. L’échographie pleuro-pulmonaire s’affranchit de ces limites : facile d’utilisation, non irradiante, reproductible et avec une courbe d’apprentissage rapide, sa performance est supérieure à celle de la radiographie standard ou de l’auscultation (Lichtenstein et al, Anesthesiology, 2004). Le principe repose sur les propriétés physiques des ultrasons. Ceux-ci ne traversant pas un milieu rempli de gaz, le parenchyme pulmonaire sain n’est pas visible au-delà de la plèvre. En revanche, en cas de lésion, l’augmentation de tissu qui résulte de l’inflammation locale tend à créer des artefacts visibles à l’échographie. Ces artefacts sont examinés dans les 12 cadrans pulmonaires prédéfinis et sont quantifiés graduellement en allant de la « queue de comète » simple à la consolidation alvéolaire franche et l’hépatisation du poumon. Le score de LUS (Lung Ultrasound Score) résulte de cette étude et définit la gravité de l’atteinte pulmonaire. En parallèle, l’analyse du glissement pleural permet de détecter les pneumothorax, et la visualisation de la course diaphragmatique permet de prédire une paralysie associée. Les indications de l’échographie pleuro-pulmonaire sont aujourd’hui larges. Elle permet de détecter l’aération pulmonaire au décours d’un traitement antibiotique dans les pneumopathies infectieuses (Bouhemad et al, CCM, 2010), de monitorer l’effet de la Pression Expiratoire Positive (PEP) et d’en définir la « best PEP » dans les SDRA (Rouby et al, AJRCCM, 2011), d’éliminer un pneumothorax (Lichtenstein et al, Int Care Med, 1999), et d’orienter un diagnostic vers une pathologie infectieuse ou de surcharge. 3 En revanche, l’échographie ne permet pas de surveiller les sondes trachéales ou œsophagiennes. Tiré de “Lung imaging in the operative room and in the ICU”. K Markstaller (AU), JJ Rouby (FR), MG Abreu (DE). Les complications de l’accès aux voies aériennes supérieures sont fréquentes (Cook et al. Brit J Anesth 2012). Si ces complications sont moins fréquentes en réanimation qu’en péri-opératoire (20 % vs 74 % du total des événements), elles sont plus souvent mortelles (50 % vs 12 %). Les difficultés de ventilation au masque et d’intubation sont prévisibles (SFAR 1996, réactualisé en 2006). La présence de deux critères parmi les suivants permet de prédire la ventilation au masque difficile : âge > 55 ans, index de masse corporelle (IMC) > 26 kg/m², limitation de la protrusion de la mâchoire, édentation sub-totale, ronflement et barbes. Le risque d’intubation difficile est quatre fois plus important lorsque la ventilation est difficile. Les autres critères prédictifs d’intubation difficile sont : antécédents d’intubation difficile, Mallampati > 2, distance thyromentonnière < 65 mm, ouverture de bouche < 35 mm, limitation de la protrusion de la mâchoire 4 ou de la mobilité cervicale, IMC > 35 kg/m², circonférence du cou > 45 cm, pré-éclampsie, pathologie de la face et du cou. Récemment, le développement du score MACOCHA par l’équipe d’AzuRéa (De Jong et al. Am J Resp Crit Care. 2013) a permis d’identifier de nouveaux facteurs de risques : hypoxémie sévère (SpO2 < 80 %), coma et intubation par un non anesthésiste. Ainsi l’intubation dans un secteur de réanimation doit toujours être considérée comme difficile. La dénitrogénation avant l’induction permet d’augmenter le stock d’O2 (réserve pulmonaire principalement) et le temps d’apnée pendant l’intubation trachéale. Elle nécessite l’emploi d’une FiO2 à 100% (Edmark et al. Anesthesiology. 2003), est plus efficace associée à la ventilation non invasive (Baillard et al. Am J Respir Crit Care. 2006) et est améliorée par le proclive chez l’obèse (Dixon et al. Anesthesiology. 2005). La mise en place d’un protocole de service en réanimation permet de réduire l’incidence des complications de la prise en charge des voies aériennes supérieures (Jaber et al. Crit Care Med. 2006). L’utilisation d’un curare améliore les conditions d’exposition lors de la laryngoscopie (Mencke et al. Anesthesiology. 2003) et diminue la morbidité de l’intuba- tion trachéale (Jaber et al. Crit Care Med. 2006). Lors d’une urgence, la présence d’un anesthésiste confirmé pendant le geste diminue également la morbidité (Schmidt et al. Anesthesiology. 2008). L’extubation est un autre temps critique de la prise en charge des voies aériennes. Lorsque l’intubation a été difficile, la présence d’un guide échangeur facilite la réintubation lorsqu’elle est nécessaire et diminue les complications de cette dernière (Mort et al. Anesth Analg. 2007). Lors de l’intubation prolongée, un test de fuite réalisé avant l’extubation peut permettre de prédire le risque de détresse laryngée et de réintubation (Jaber et al. Int Care Med. 2003). L’œdème laryngé post- extubation peut être prévenu par l’administration systématique de corticoïdes dans les 24 heures précédentes (François et al. Lancet. 2007). La ventilation non invasive post-extubation permet de réduire l’incidence des échecs de sevrage ventilatoire en réanimation (Ferrer et al. Am J Respir Crit Care Med. 2006). En réanimation, un protocole de service incluant tous ces éléments est la clef pour réduire la morbi-mortalité liée à la prise en charge des voies aériennes. Tiré de “Complications of airway Restitution du Congrès de l’ESA 2015 management in the ICU”. O Langeron (FR). Deux publications majeures encadrent le déplacement de la ventilation dite protectrice de la réanimation (ARDS Network. New Eng J Med. 2000) vers le bloc opératoire (Futier et al. New Eng J Med. 2013). La ventilation à petits volumes courants (VT = 6 ml/kg de poids idéal théorique) associée à la présence d’une Pression Expiratoire Positive (PEP) systématique et à des manœuvres de recrutement améliorent la survie et diminuent la morbidité des patients de réanimation et de chirurgie. La question est de savoir pourquoi. Qu’est-ce qui lie la diminution de volume courant à la diminution de morbi-mortalité ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre la relation entre la variation de pression pulmonaire (∆PL ou stress) et la tension pulmonaire (ou strain). Le strain peut être représenté par : strain = VT/EELV où EELV correspond au volume pulmonaire télé expiratoire (End Expiratory Lung Volume). La relation qui lie le stress au strain est celle-ci : stress = ELspec x strain ; ELspec est l’élastance pulmonaire spécifique (Chiumello et al. Am J Respir Crit Care Med. 2008). La relation entre stress et strain Restitution du Congrès de l’ESA 2015 est linéaire lorsqu’on augmente le VT jusqu’à ce que le strain soit supérieur à 2. Au-delà de ce point, la relation est de type exponentielle ; c’est-à-dire que l’augmentation de VT (ou l’augmentation de strain) induit beaucoup plus de stress (Protti et al. Am J Respir Crit Care Med. 2011). C’est ce phénomène qu’on appelle VILI (Volume Inducted Lung Injury). Finalement, la diminution d’énergie appliquée au poumon explique la diminution de morbimortalité. Un stress à moins de 20 cmH2O et un strain à moins de 1,5 pourraient être proposés comme définition de la ventilation protectrice. Tiré de “Lung protective ventilation: from the ICU to the OR and back”. L Gattinoni (IT), B Vivien (FR), G Hedenstierna (SW). Comment le stress et le strain peuvent induire un VILI ? Tout est une question d’énergie apportée au poumon. Lorsque la tension appliquée (strain) est variable dans le temps, par exemple lors de l’administration d’un VT, une énergie est appliquée : Pression x ∆V = Energy Input. En revanche, lorsque le strain appliqué est continu, il n’y a pas d’entrée d’énergie : PEP x ∆V = Energy Input = 0. En diminuant le VT et en augmentant la PEP, même si le volume pulmonaire total mobilisé est le même, le strain est diminué et donc le stress est diminué (Protti et al. Crit Care Med. 2013). Moins d’énergie est appliquée aux structures pulmonaires et ce de manière plus homogène, il n’y a pas de VILI. L’absence de VILI n’entraine pas d’agression et d’inflammation locale (O’Neil et al. Nature. 2005). 5 Partie 2 : Mises au point 1. L’ambulatoire Il est classiquement admis que la présence d’un accompagnant est une chose obligatoire dans les suites d’une anesthésie réalisée dans un contexte ambulatoire. Ce « dogme » en plus de ne se baser que sur un support scientifique très peu fourni ne fait pas l’unanimité des pratiques continentales. Une étude parue en 2013, rapporte que seuls 75% des anesthésistes demandent un accompagnant pour le retour au domicile, ce chiffre passe à 81% lorsque l’on considère la présence d’un tiers au domicile. En ce qui concerne les sociétés savantes, les recommandations sont présentes mais sans caractère obligatoire formel. Cette question de l’accompagnant soulève en réalité plusieurs problèmes. D’abord le problème des différences d’aptitude physique, mentale, et d’autonomie du patient après l’anesthésie qui font grandement varier les besoins. Certaines de ces différences comme des difficultés de compréhension pré-opératoire sont simples à détecter. A contrario, l’élimination des drogues anesthésiques même modernes est marquée par des différences interindividuelles qui peuvent être importantes. Une étude 6 effectuée chez des volontaires sains rapporte que durant les heures suivant l’administration d’hypnotiques, les capacités sont aussi altérées qu’avec une alcoolémie de 0,08%. En considérant des patients et de surcroit avec des différences de métabolisme, l’effet est même probablement plus important. Un autre problème est celui de la compliance du patient aux instructions inhérentes à la prise en charge en ambulatoire. Il faut compter qu’environ 25% des patients ne respecteront pas au moins une des instructions. 4% d’entre eux vont conduire, 13% vont cuisiner, garder des enfants, ou effectuer d’autres tâches ménagères. 2% d’entre eux vont même consommer de l’alcool. L’oubli des règles ou leur aspect inutile est la principale cause de cette non compliance. L’information adaptée délivrée par le médecin est ici essentielle et ne doit pas se résumer à des instructions écrites. L’accompagnant peut dans ce cadre jouer le rôle de garde-fou ou de rappel à la règle. L’aspect médico-légal est aussi un des problèmes soulevés par cette question de l’accompagnant. Ce cadre légal dépend avant tout du pays considéré. Cependant force est de constater que le médecin ne peut s’assurer de la présence de l’accompagnant qu’au départ de l’unité d’ambulatoire. L’information du patient revient ici comme un aspect majeur. Enfin la gestion des complications rares mais potentiellement graves est difficile à envisager chez un patient isolé. L’environnement direct et les moyens de communication du patient sont ici essentiels. A l’inverse, il est évident que tous les patients n’ont pas besoin d’une aide d’un tiers durant les 24 premières heures et que nombre d’entre eux peuvent se contenter d’un retour accompagné en taxi par exemple. L’anesthésie locorégionale associée à des interventions mineures se prête totalement à ce genre de prise en charge. De plus, les moyens de communication et de télésurveillance sont actuellement en pleine expansion et ils laissent entrevoir des possibilités de prise en charge totalement nouvelles. Le choix des patients est ici le problème. Face à la singularité de chaque situation sociale et clinique, le praticien ne dispose que du bon sens pour effectuer ce choix. Pour conclure on peut diviser la question de l’accompagnant en deux sous-questions. Fautil une aide pour le retour au domicile ? La réponse est de Restitution du Congrès de l’ESA 2015 manière pragmatique oui. Un retour en voiture étant clairement recommandé. La seconde question est : faut–il un accompagnant durant les premières 24 heures ? La réponse est en général oui mais on peut faire certaines exceptions en fonction du patient, de la chirurgie et surtout du bon sens. Tiré de “Do all patients need an escort and someone at home after ambulatory anaesthesia?”. J Raeder (NW) Une anesthésie sûre, efficace et comportant le moins d’effets secondaires post-opératoires facilite la sortie des patients en chirurgie ambulatoire. Si une partie des interventions médicochirurgicales est réalisable sous anesthésie locorégionale (ALR) ou sous sédation seule, beaucoup d’interventions nécessitent encore une anesthésie générale. Elle s’est d’ailleurs révélé être une technique sûre dans le cadre d’une hospitalisation ambulatoire, mais implique de choisir des agents anesthésiques, en particulier morphiniques, ayant une durée d’action courte, d’anticiper l’analgésie postopératoire, et de prévenir les effets secondaires associés à ces deux impératifs. La majorité des morphinomimétiques utilisés actuellement Restitution du Congrès de l’ESA 2015 pour l’anesthésie générale est adaptée à l’anesthésie ambulatoire. En 2015, le rémifentanil reste probablement le morphinique de choix en raison de sa rapidité d’action, sa demi-vie contextuelle très courte, et son association possible avec les hypnotiques de courte durée d’action (Mandel, J Clin Anesth 2014). Il est d’ailleurs utilisable pour une intubation sans curare, même si son association à un curare tel que le rocuronium améliore les conditions d’intubation (Mencke et al, BMC Anesthesiol 2014). Les inconvénients du rémifentanil doivent cependant être connus afin d’être prévenus, et ont fait l’objet d’études récentes. Ainsi, les nausées-vomissements post-opératoires (NVPO) sont un effet indésirable classique, mais qui ne semble pas augmenté par rapport aux autres morphiniques en chirurgie ambulatoire (Hara et al, Korean J Anesthesiol 2013), les frissons post-opératoires pourraient quant à eux être facilités par l’utilisation de doses élevées en per-opératoire (Nakasuji et al, BJA 2010), et la bradycardie et l’hypotension pourraient être diminuées par l’administration systématique d’éphédrine à l’induction (Masjedi et al, J Anaesthesiol Clin Pharmacol 2014). Enfin, une méta-analyse récente confirme que l’utilisa- tion de doses élevées de rémifentanil augmente la douleur et l’utilisation de morphine dans les 24 premières heures postopératoires (Fletcher et al, BJA 2014). Cette augmentation de douleur, quoique modérée, est en partie liée à une hyperalgésie induite par le rémifentanil, favorisée par les doses cumulées élevées et la durée d’administration. Elle pourrait être réduite par des agents antihyperalgésiques tels que la kétamine, le propofol, le magnésium ou encore le protoxyde d’azote. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces données. La douleur post-opératoire est responsable d’un retard à la sortie des patients, de réadmissions, ou de consultations extérieures, qui rendent son contrôle indispensable en chirurgie ambulatoire. Une analgésie multimodale faisant appel en priorité aux analgésiques non morphiniques est la règle, au premier rang desquels se trouvent le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une méta-analyse a par ailleurs montré récemment l’intérêt du paracétamol pour diminuer les NVPO lorsqu’il était administré par voie intraveineuse avant la chirurgie (Apfel et al, Pain 2013). Concernant la voie orale, de nouvelles formu- 7 lations en cours de développement (fast-dissolving acetaminophen) devraient lui permettre une action plus rapide et pourraient trouver leur place à terme dans le cadre de l’ambulatoire (Yue et al, Clin Ther 2013). La prescription d’AINS, qui se traduit par une épargne morphinique importante, doit quant à elle prendre en compte leurs contre-indications habituelles, et respecter une durée limitée pour éviter leurs effets indésirables. Des études récentes ont en particulier confirmé une augmentation du risque cardio-vasculaire en cas de prise prolongée d’AINS incluant l’ibuprofène ou le diclofénac (Bhala et al, Lancet 2013 ; Kohli et al, Am J Med 2014). Enfin, l’utilisation des gabapentinoïdes en post-opératoire, comme la prégabaline, ne semble pas avoir d’intérêt par rapport à une dose unique en pré-opératoire, et son intérêt en ambulatoire semble limité par ses effets indésirables tels que la sédation prolongée, les vertiges et les troubles de la vision (Mishriky et al, BJA 2015). L’ALR, principalement sous forme d’injection unique, est bien sûr à associer dès que possible à l’anesthésie générale pour contrôler au mieux la douleur post-opératoire. Différents adjuvants comme la dexaméthasone et la dexmé- 8 détomidine permettent d’allonger la durée du bloc sensitif lorsqu’ils sont administrés en périneural avec l’anesthésique local (Marhofer et al, BJA 2013 ; De Oliveira et al, Pain Res Treat 2014), mais leur innocuité reste à démontrer. En revanche, la dexaméthasone par voie intraveineuse est utilisable et permettrait de prolonger la durée du bloc de manière équivalente à la voie périneurale (Desmet et al, BJA 2013). Là encore, des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces données. Tiré de “Update general anaesthesia for patients undergoing day surgery?”. A Gupta (SW), M Skues (UK) 2. Remplissage vasculaire Depuis plus d’une dizaine d’années, le remplissage vasculaire est source de discussion, notamment concernant le type de solutés à administrer pour l’expansion volémique au bloc opératoire et en réanimation. En effet, l’utilisation de molécules à fort pouvoir osmotique, sur la seule donnée théorique, ne permet pas d’améliorer le pronostic des patients. Au contraire, ces produits sont potentiellement délétères dans un certain nombre de situations. C’est le cas des hydroxyéthyla- midons (HEA), dont plusieurs études ont montré l’augmentation à la fois de la mortalité et de la morbidité rénale chez les patients en sepsis sévère ou en choc septique (étude VISEP, Reinhart, NEJM, 2008 et étude 6S, Perner, NEJM, 2012). Il est donc important de se baser sur des études bien menées afin d’optimiser la prise en charge volémique du patient. Néanmoins, la vigilance doit rester de mise quant à l’interprétation et l’extrapolation des résultats retrouvés dans ces études. L’erreur serait d’aboutir à une conclusion erronée, notamment en condamnant définitivement un soluté dans un contexte et une population différents de ceux de la littérature en question. De manière plus pragmatique et pour en revenir à l’HEA par exemple, il ne semble pas pertinent de transposer les effets indésirables retrouvés dans le cadre d’un choc septique à une situation d’expansion volémique au cours d’une hémorragie peropératoire. Bien sûr, il est déconseillé d’utiliser cette molécule en première intention au vu du risque majeur qu’elle pourrait entraîner et en l’absence d’arguments forts en faveur de sa supériorité. Cependant, proscrire définitivement l’HEA dans le cadre d’un saignement aigu semble, à ce jour, Restitution du Congrès de l’ESA 2015 scientifiquement inapproprié. Cette réflexion porte également sur l’indication du remplissage et l’optimisation hémodynamique. Depuis 2001, la base de la prise en charge volémique du patient en sepsis sévère repose sur l’Early Goal Directed Therapy (Rivers, NEJM, 2001). Ce dogme, longtemps incontestable et intangible, est, près de quinze ans plus tard, remis en question par l’absence de validité externe et l’impossibilité de retrouver les résultats de l’étude princeps. Ainsi, deux études majeures récentes ont montré, sur de larges populations de cohorte en Amérique du Nord et en Australie, que la prise en charge initiale du choc septique par l’algorithme de Rivers n’améliore pas le taux de mortalité des patients. (Étude PROCESS, Yealy, NEJM 2014, et étude ARISE, Peake, NEJM 2014). à administrer. Le « evidence based medecine » doit incontestablement être la base du raisonnement, mais utiliser cet outil sans en faire une analyse pertinente et approfondie, et sans l’adapter au cas par cas aboutit inévitablement à des dogmes erronés et à la reproduction des erreurs passées. « Faites confiance en ceux qui cherchent la vérité, mais méfiezvous de ceux qui l’ont trouvée » André Gide (1869- 1951), Prix Nobel de Littérature, 1947. A l’heure actuelle, aucune recommandation ni aucune preuve robuste ne permet de privilégier définitivement un soluté par rapport à un autre. Si effectivement les cristalloïdes, et de manière plus spécifique les solutés balancés, semblent être moins délétères tout en étant aussi efficaces que les colloïdes, chaque situation et chaque patient méritent une réflexion sur le meilleur produit Dès l’induction anesthésique, l’utilisation de la ventilation en pression positive est indispensable afin d’augmenter les réserves d’oxygène du patient. La ventilation non invasive avec une Pression Expiratoire Positive (PEP) à 6 mmHg et une aide à 10 mmHg permet d’améliorer de 5% la fraction expirée d’O2 jusqu’à 5 minutes après son utilisation (Jaber, Anesth Anal, 2008). Les dispositifs de Restitution du Congrès de l’ESA 2015 Tiré de « Perioperative fluid therapy: how real life could be improved by clinical trials”. M Jacob (DE), A Afshari (D). 3. Le patient obèse La difficulté de la prise en charge respiratoire du patient obèse ne laisse pas de place à l’aléatoire. haut débit nasal d’oxygène, par lunettes, permettraient d’obtenir le même résultat tout en maintenant la pression positive durant l’intubation. Cette pratique, bien qu’élégante, est encore en cours d’évaluation grâce à différentes études. Afin d’améliorer l’exposition lors de la laryngoscopie, la position dite « ramped », consistant à aligner le conduit auditif externe avec la fourchette sternale via des coussins placés derrière la tête du patient, semble être supérieure à la position initialement décrite dite de « sniff », chez les patients obèses morbides (Collins, Obes Surg, 2004). En peropératoire, la question du recrutement alvéolaire est centrale. La diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle pulmonaire liée à l’obésité doit théoriquement amener à augmenter les pressions inspiratoires et expiratoires afin de maintenir constante la pression transpulmonaire pour, in fine, lutter contre le collapsus des alvéoles et améliorer les échanges gazeux. Cependant l’efficacité de cette hyper pressurisation reste discutée. Ainsi, une ventilation avec une PEP à 10 mmHg, comparativement à 5 mmHg et 0 mmHg, permet d’améliorer le volume pulmonaire en fin d’expiration, 9 mais n’a aucun effet sur l’oxygénation. (Futier, Eur J Anesthesiol, 2010). L’élévation des pressions n’est pas dénuée d’effets indésirables puisqu’elle favorise des lésions de stress alvéolaire par barotraumatisme, volotraumatisme, et biotraumatisme. De plus, il est important de noter que contrairement aux idées reçues, l’incidence des SDRA chez les patients obèses admis en réanimation est inférieure à celle des patients non obèses (Memtsoudis, J Int Care Med, 2011). En revanche, les manœuvres temporaires de recrutement, notamment par soupir, toutes les demi-heures restent indiquées dans ce cadre. L’efficacité de la ventilation par pression positive continue (CPAP) chez les patients obèses en post-opératoire n’a pas été démontrée. Par contre, l’association entre syndrome d’apnée du sommeil et obésité a un impact sur le devenir des patients et l’utilisation de ce type de ventilation est conseillée. Dans une récente méta-analyse, il est démontré que la CPAP n’améliore pas les complications post- opératoires mais permet de diminuer l’index d’apnéehypopnée ainsi que la durée de séjour des patients obèses (Nagappa, Anesth Analg, 2015). 10 Tiré de “Respiratory management of the obese patients”. P Pelosi (IT), MG Abreu (DE), L Baerdemaeker (BE). tence d’une cardiopathie hypertrophique. Nous ne savons pas si l’obésité altère la diffusion alvéolaire des halogénés. Quatre facteurs gouvernent l’assimilation et la distribution des halogénés dans l’organisme : la ventilation alvéolaire, l’assimilation, le métabolisme et la diffusion tissulaire. L’obésité peut potentiellement influer sur tous ces facteurs. La ventilation alvéolaire (VA) est altérée chez l’obèse anesthésié. La capacité résiduelle fonctionnelle est abaissée, il y a plus d’atélectasies et les échanges gazeux pulmonaires se font moins bien ; ainsi, on observe des altérations de rapport ventilation / perfusion (Eger et al. Anesthesiology. 1964). L’obésité affecte le fonctionnement des cytochromes P450 (Kotlyar et al. Int J Pharmacol Ther. 1999), pour autant, le rôle de l’obésité sur le métabolisme des halogénés n’est pas connu. L’augmentation de la masse graisseuse n’influe pas sur la distribution des halogénés comme sur celle des hypnotiques intraveineux. Il faut considérer chez ces patients un cinquième compartiment de distribution, le compartiment gras constitué de la graisse sous-cutanée et de la graisse adjacente aux organes (Eger et al. Anesth Analg. 2005). La graisse adjacente aux organes est plus rapidement saturée que la graisse sous-cutanée. La diffusion graisseuse survient pour de plus basses pressions partielles pour le sevoflurane ainsi que pour le desflurane, mais elle est plus lente et plus incomplète. L’assimilation des halogénés (U) est fonction du coefficient de solubilité sang/gaz (ʎ), du débit cardiaque (Q) et du gradient de pression alvéolo-capillaire (A-v) : U = ʎ x Q x (A-v). La solubilité des halogénés n’est pas modifiée par l’excès de poids (Esper et al. Anesth Analg. 2015). En revanche, l’hypercholestérolémie (Malviya et al. Anesthesiology. 1990) et l’hypertriglycéridémie (Hu et al. J Cardiothorac Vasc Anesth. 2001) l’augmentent. Le débit cardiaque peut être modifié chez l’obèse du fait de l’exis- Le déstockage graisseux et musculaire des halogénés peut être responsable d’une nouvelle anesthésie après extubation (Leeson et al. Anesth Analg. 2014). La clairance des halogénés est fonction de la VA [C = 100 x VA / ( ʎ x Q + VA)]. L’aug- Restitution du Congrès de l’ESA 2015 Partie 3 : Les tendances de demain mentation de cette dernière afin d’accélérer l’élimination des drogues volatiles a pour limite la PaCO2 : l’hyperventilation induit une hypocapnie qui induit une diminution de ventilation. Une nouvelle méthode permet d’accélérer l’élimination des halogénés et le réveil des patients : il s’agit de l’hyperpnée isocapnique (Katznelson et al. Anesth Analg. 2008). Dans ce système une cartouche de gaz carbonique asservie à la PetCO2 (pression expiratoire en CO2) permet de maintenir une isocapnie alors que le patient est hyperventilé par le respirateur. En pratique, il n’y a pas de différence de profil cinétique du desflurane chez l’obèse par rapport au non obèse (La Colla et al. Minerva Anesthesiol. 2007). L’élimination du sevoflurane est retardée chez l’obèse (Casati et al. Eur J Anaesthesiol. 2004), il en va de même pour l’isoflurane (Lemmens et al. Anesth Analg. 2008). L’hystérésis observé lors des adaptations posologiques n’est pas influencé par l’obésité (Cortinez et al. Anesth Analg. 2011). Le retard d’élimination du sevoflurane n’a pas de conséquence clinique à condition que l’anesthésie soit correctement titrée en fin de chirurgie (Arain et al. J Clin Anesth. 2005). Restitution du Congrès de l’ESA 2015 Finalement, l’obésité ne semble pas être un problème lors d’une anesthésie avec des agents inhalés et la modification de masse grasse n’a pas d’influence sur le calcul de la concentration alvéolaire minimum en halogénés. Tiré de “Drug dosage in obese patients”. L Baerdemaeker (BE). 1. En anesthésie Les médicaments de l’anesthésie possèdent encore tous des limitations associées à leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. A ces limitations se sont ajoutées de nouvelles contraintes liées à l’évolution de notre pratique. La prise en charge de patients de plus en plus âgés et présentant plus de co-morbidités nécessite des produits plus sûrs, tandis que le développement majeur de la chirurgie ambulatoire requiert des produits de plus courtes durées d’action, pour limiter la persistance de leurs effets dans les heures qui suivent la chirurgie. Dans ce contexte, le développement de nouvelles molécules est devenu nécessaire, guidé par plusieurs objectifs théoriques que sont la tolérance, la sûreté, l’efficacité, la maniabilité de ces molécules, et bien sûr le devenir des patients à court, moyen ou long terme. Le concept de « soft drugs » est apparu récemment en pharmacologie pour tenter d’y répondre par l’élaboration de médicaments présentant un index thérapeutique élevé et un métabolisme rapide (et prédictible). Comme dans le cas plus ancien du rémifentanil, une des techniques utilisées pour aboutir à ce type de produit est l’ajout d’un groupe ester à une molécule déjà connue. Ce groupe ester permet la métabolisation rapide du médicament en composants inactifs, évitant ainsi l’accumulation des métabolites actifs et la prolongation de leurs effets dans le temps. C’est en partie sur ce principe que sont actuellement élaborées différentes molécules de la classe des hypnotiques. Le méthylcarboxy-étomidate et le carboétomidate sont deux dérivés de l’étomidate développés dans le but de préserver la stabilité hémodynamique permise par l’étomidate, et de limiter le blocage de la fonction cortico-surrénalienne, son inconvénient majeur. Le premier présente une métabolisation rapide qui lui permet d’éviter la prolongation dans le temps de l’insuffisance surrénalienne, tan- 11 dis que le deuxième voit l’inhibition de la fonction surrénalienne fortement diminuée grâce au retrait d’un atome d’azote sur son groupement pyrrole (Cotten et al, Anesthesiology 2009, 2010). Ces deux molécules, expérimentées uniquement chez le rat, de même que le méthylcarboxycarboétomidate, qui associe les propriétés de ces deux dérivés (Pejo et al, Anesth Analg 2012), pourraient présenter à terme un intérêt majeur chez le patient instable. Dans le groupe des benzodiazépines, c’est le rémimazolam qui fait actuellement l’objet de plus d’attention. Des études de phase I et II viennent en effet de confirmer sa durée d’action courte, avec des temps de réveil médians situés aux alentours de 10 min après un bolus intraveineux, contre 40 min à une dose d’efficacité équivalente pour le midazolam (Borkett et al, Anesth Analg 2015 ; Antonik et al, Anesth Analg 2012). Sa demi-vie contextuelle courte, et constante même après plusieurs heures de perfusion continue, pourraient lui donner une place intéressante dans le cadre de la sédation, pour des actes courts comme en réanimation. Différents analogues du propo- 12 fol sont aussi en phase de développement. Le fospropofol, molécule précurseur du propofol, est convertie en molécule active quelques minutes après l’injection. Cet apparent désavantage pourrait permettre son utilisation en tant que sédation modérée, notamment dans le cadre des fibroscopies digestives ou bronchiques (Silvestri, Chest 2009), mais son intérêt réel par rapport au propofol, dont les propriétés pharmacocinétiques sont plus prédicitibles, reste à démontrer. Le PF0713, une molécule dont la structure est très proche de celle du propofol, présenterait quant à elle la même efficacité que le propofol dans les études de phase I, mais sans douleur à l’injection (Siegel et al, ASA 2009). Enfin, plusieurs études viennent d’évaluer l’intérêt potentiel de l’AZD3043, un analogue structurel du propaninid (Kalman et al, Norberg et al, Björnsson et al, Anesth Analg 2015) dont les effets secondaires semblent peu nombreux et pour lequel la durée d’action est là encore très courte. L’intérêt réel et l’innocuité de ces différentes molécules restent bien sûr à confirmer dans les études cliniques de phase III et IV qui suivront, et ce dans les différents domaines de notre spécialité : anesthésie générale, sédation « simple » ou sédation en réanimation. Enfin, si la très courte durée d’action de la plupart d’entre elles semble intéressante pour notre activité tournée de plus en plus vers la chirurgie ambulatoire, la maniabilité et le coût seront d’autres paramètres à apprécier avant d’affirmer leur utilité en pratique quotidienne. Tiré de “New drugs in anaesthesia”. J Sneyd (UK). Alors même que c’est une démarche quasi quotidienne chez les patients de réanimation et du bloc opératoire, l’évaluation de l’état hémodynamique relève d’une réflexion très complexe, où s’intriquent de nombreux organes et étiologies (drogue anesthésique, sepsis, hémorragie, défaillance cardiaque….). Cette réflexion se base sur un examen clinique rigoureux, ainsi que le monitorage des paramètres macro et parfois microcirculatoires permettant de juger de l’adéquation entre la perfusion tissulaire et les besoins métaboliques. Au bloc, cette réflexion globale est impossible, amputée de quasiment tout l’examen clinique, inaccessible en peropératoire. Restitution du Congrès de l’ESA 2015 Le choix des paramètres hémodynamiques mesurés est donc crucial pour une prise en charge optimale durant l’anesthésie. La mesure du débit cardiaque par monitorage du volume d’éjection systolique apparait aujourd’hui comme la plus pertinente dans la prévention des complications peropératoires. Plusieurs techniques sont actuellement à notre disposition pour obtenir ce paramètre, chacune ayant ses caractéristiques propres de mise en œuvre, de précision, et d’expertise. L’une des plus complètes est l’échocardiographie et plus particulièrement l’échographie par voie transœsophagienne. Elle permet une mesure précise du volume d’éjection, s’affranchissant d’approximations quasiment toujours présentes dans les autres techniques. Ceci est dû au fait que tous les paramètres sont mesurés par l’opérateur. De plus, l’échographie permet l’estimation de nombreux autres paramètres comme la précharge, la postcharge, et la fonction contractile myocardique avec de surcroit des possibilités diagnostiques uniques. Ces nombreuses qualités sont limitées par deux points majeurs. Restitution du Congrès de l’ESA 2015 D’une part, son utilisation requiert une expertise importante avec le risque d’interprétations erronées en cas contraire, et d’autre part, un coût important à l’acquisition. Ces limites tendent désormais à disparaitre avec une formation intégrant des bases d’échocardiographie et l’apparition de matériels moins onéreux, voire jetables et plus simples d’usage. L’analyse de l’onde de pouls est la deuxième grande technique de mesure du volume d’éjection systolique. C’est d’ailleurs celle qui est utilisée par le plus grand nombre des moniteurs récents. Cette technique compte trois méthodes de calcul. L’étude du contour de l’onde de pouls couplée à la thermodilution transpulmonaire utilisée dans le PICCO™, l’approche purement statistique utilisée dans le Vigiléo™ et la mesure de l’énergie pulsée retrouvée dans le PulseCO™. D’un point de vue théorique, l’analyse du contour de l’onde de pouls se base sur les modèles physiologiques décrits par Windkessel où l’élastance (inverse de la compliance) aortique permet le passage d’un débit pulsatile à un débit continu. Le Vigiléo™ avec l’approche statistique utilise une équation intégrant la dérivation standard de la pression artérielle systolique et une constante K. Cette constante qui se rapporte au tonus vasculaire est obtenue par des abaques biométriques. La troisième technique plus complexe ne sera pas décrite ici. Tous ces concepts ont pour limite les variations de l’élastance aortique et du tonus artériel qui dépendent du patient et de la situation clinique, ainsi que de la nécessité d’un signal artériel de qualité et d’autres facteurs comme les régurgitations de la valve aortique et les troubles du rythme. De plus, la présence d’approximations entraine des biais de mesures qui sont à peu près équivalents pour chacune des techniques avec de fait, des zones de mesure dites zones grises ne permettant pas de conclure cliniquement. Enfin ces techniques ne permettent pas de prédire l’augmentation du débit cardiaque lors d’épreuves de remplissage, avec le risque de surcharge hydrique et de morbi-mortalité liée. Pour pallier cette problématique, on peut associer des indicateurs dynamiques, tels que la variation de pression pulsée ou la variation du pouls pléthysmographique. 13 Ces indicateurs présentent le bénéfice d’être facilement mis en œuvre, peu couteux et peu invasifs. Cependant, ils sont basés sur les interactions respiration/circulation et les seuils décrits dans la littérature sont très souvent pris en défaut, ne serait-ce que lors de la mise en œuvre d’une ventilation protectrice utilisant de petits volumes courants. Enfin, la saturation en O2 du sang veineux central (ScVO2), bien que plus invasive, mérite d’être citée du fait de l’importance des informations qu’elle donne. En effet, c’est le seul paramètre permettant d’avoir un reflet de l’équilibre métabolique entre besoin et apport en oxygène : elle peut soulever à elle seule la question de la pose d’un cathéter veineux central. Pour conclure, devant la multiplicité des moniteurs du débit cardiaque non invasif, la principale recommandation est l’utilisation d’une méthode et d’un moniteur dont nous connaissons parfaitement le fonctionnement et surtout les limites, afin d’éviter tout raisonnement erroné. Tiré de “Technologial advances in non-invasive haemodynamic monitoring in the operating room”. K Bendjelid (SZ). 14 2. En réanimation La ventilation mécanique est une technique de suppléance vitale nécessaire mais elle est grevée de complications : VILI (Ventilator Inducted Lung Injury) et PAVM (Pneumopathie Acquise sous Ventilation Mécanique). La réduction de la durée de ventilation mécanique est un objectif prioritaire en réanimation. L’application de protocole de service permet de réduire cette durée (Esteban et al. New Eng J Med. 1995) au prix d’une importante charge de travail, en termes de temps et d’interprétation des différents paramètres inhérents au sevrage ventilatoire. Ce type de prise en charge nécessite ainsi une grande disponibilité des équipes médicales et paramédicales. Le sevrage ventilatoire automatisé est une solution proposée à ces problématiques. Un index de sevrage ventilatoire (IWI : Integrative Weaning Index) a été développé (Nemer et al. Crit Care. 2009) pour permettre l’identification des patients pouvant bénéficier d’un sevrage ventilatoire. Cet index est fiable (aire sous la courbe = 0,96) mais il ne permet pas de diminution ou d’augmentation automatique de l’assistance ventilatoire lorsque cela est nécessaire après une épreuve de sevrage. L’ASV (Adaptative Support Ventilation, Brunner et al. Minerva Anesthesiol. 2002) est un système d’optimisation du travail ventilatoire (volume courant ou VT et fréquence adaptés automatiquement pour une ventilation minute donnée) utilisable en ventilation contrôlée ou assistée. Bien qu’il n’ait pas été développé pour cela, l’ASV a été utilisé pour le passage automatique d’une ventilation contrôlée à une ventilation spontanée, mais n’a pas montré de supériorité par rapport au sevrage ventilatoire manuel (Taniguchi et al. Crit Care. 2009). Le système NeoGanesh (Smartcare®) intégrant en plus la PetCO2 (Pression télé expiratoire en CO2) est capable de détecter avant le clinicien, les patients pouvant être sevrés du point de vue du respirateur (Lellouche et al. Am J Respir Crit Care Med. 2006). En Australie, pays où le ratio infirmière/malade est de 1, la diminution de durée de ventilation mécanique n’a pas été montrée (Rose et al. Int Care Med. 2008) contrairement à Restitution du Congrès de l’ESA 2015 l’étude multicentrique canadienne WEAN (Burns et al. Am J Respir Crit Care Med. 2013). tomated weaning from mechanical ventilation”. M Belliato (IT). NeoGanesh ne s’intéresse qu’à la fonction « pompe » pulmonaire. Il n’intègre aucune donnée sur le sevrage de la PEP (Pression Expiratoire Positive) ou de l’oxygène. Ce n’est pas le cas de l’IntelliVent-ASV, qui en plus des paramètres de mécanique ventilatoire et de PetCO2, intègre la SpO2, néanmoins cette technique reste à valider. Ainsi le système permet un recrutement / dérecrutement et une augmentation ou une diminution de la FiO2 (Fraction inspirée d’O2) automatique. Ce système vient de faire la preuve de son efficacité dans la réduction de la ventilation mécanique après une chirurgie cardiaque (Lellouche et al. Intensive Care Med. 2013). Ainsi la technologie permettant le dépistage automatique des patients éligibles au sevrage ventilatoire est disponible et commence à être évaluée. L’intérêt est double : réduction de la durée de ventilation mécanique et réduction de la charge de travail de l’équipe soignante. Tiré de “The ICU of tomorrow Ultrasound and Equipment: au- Restitution du Congrès de l’ESA 2015 15 FRANCE Dräger Médical S.A.S. Parc de Haute Technologie d’Antony 2 25, rue Georges Besse 92182 Antony Cedex Tel +33 1 46 11 56 00 Fax +33 1 40 96 97 20 [email protected] SIÈGE Drägerwerk AG & Co. KGaA Moislinger Allee 53-55 23558 Lübeck, Allemagne www.draeger.com