Modéliser des phénomènes complexes : le cas d
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Modéliser des phénomènes complexes : le cas d
Modéliser des phénomènes complexes : le cas d’un site web de journalisme participatif B2.5 : Modéliser des phénomènes complexes : le cas des blogs de journalisme participatif Marie-Caroline Heïd ; ATER en SIC à l’ITIC - Université Montpellier 3 ; CERIC, EA1973 Valérie Méliani ; CERIC, EA1973 Résumé : Notre communication présente une méthode pour modéliser des phénomènes de communication comme les usages d’un site web de journalisme participatif. La sémiotique situationnelle permet de saisir le sens des phénomènes de communication dans toute leur complexité. Pour appliquer cette méthode à des dispositifs socio-techniques, nous distinguons trois niveaux situationnels : micro/méso/macro. Après avoir présenter la méthode et sa mise en œuvre, nous l’appliquons au dispositif Agoravox. Ainsi, nous parvenons à dégager les principaux usages prescrits par ce dispositif. Mots clés : méthode, usage, dispositif socio-technique, média, hologrammatisme, sémiotique situationnelle. L’objectif de notre communication est de présenter une méthode pour saisir le sens de phénomènes de communication complexes liés à l’usage de dispositifs socio-techniques et de l’appliquer à un site web de journalisme participatif. Choisir d’appréhender le dispositif par la porte de la complexité nous permet de saisir des significations attachées à des conduites d’acteurs en interaction avec le dispositif étudié et de mettre en relief les logiques d’usage en tenant compte du poids de la technique, entre liberté et déterminisme (JacquinotDelaunay & Monnoyer, 1999). La méthode présentée ici permet de formaliser la multitude d’usages d’un site web tout en conservant leur complexité et ne pas réduire le sens des phénomènes à des explications trop réductrices. L’analyse sémiotique situationnelle, méthode qualitative en sciences de l’information et de la communication développée par Alex Mucchielli (2007), est dédiée à la compréhension du sens d’un phénomène, d’une conduite ou plus globalement d’une communication pour les différents acteurs d’une situation. L’auteur postule que toute situation peut être définie par sept cadres. Pour permettre une lecture plus systématique des usages de dispositifs socio-techniques, nous croisons aux sept cadres de la situation, trois niveaux de complexité : micro/méso/macro. Selon le principe hologrammatique (Morin, 1990), une signification relevée à un certain niveau et dans un certain cadre doit nécessairement être relié à un autre niveau et dans un autre cadre. En repérant ces récurrences, nous dégageons les principales significations 1 portées par le site web et qu’il adresse à ses usagers. Pour faciliter l’appropriation et la diffusion de la méthode, nous veillons particulièrement à rendre lisible nos résultats et les étapes mises en œuvre pour y arriver. Nous proposons donc d’appliquer la sémiotique situationnelle à l’analyse de dispositifs socio-techniques, nous expliquons alors en détail notre grille d’analyse déclinée par niveaux situationnels et sa méthode d’application. Puis, pour saisir les procédures méthodologiques, nous analysons un site web de journalisme participatif, Agoravox. La sémiotique situationnelle pour modéliser des phénomènes complexes Pleinement ancrée dans la sociologie compréhensive et le paradigme constructiviste, la sémiotique situationnelle (Mucchielli, 1998, 2005, 2008) est une théorie de moyenne portée qui propose une méthode pour appréhender les phénomènes humains comme une construction de sens en situation pour l’acteur. La situation est le concept fondateur de cette sémiotique qui ne conçoit le sens que rattaché à son contexte de production. La sémiotique situationnelle par niveaux Pour la sémiotique situationnelle, toute situation de communication peut être lue du point de vue d’un acteur à travers sept « cadres ». Il s’agit du cadre identitaire définit par les intentions, les enjeux ou les projets des acteurs; du cadre culturel des normes et des règles explicites ou implicites; du cadre des positions sociales et des rôles des acteurs. Il y a également le cadre relationnel social immédiat qui définit l’ambiance des échanges; le cadre temporel; le cadre spatial; et enfin le cadre physique et sensoriel (Mucchielli, 2008). Nous allons donc utiliser ces cadres pour mettre en évidence les éléments significatifs de la situation analysée. Il s’agit de contextualiser les éléments significatifs du dispositif sociotechnique selon le « cadre de référence ». Pour mieux répondre au critère de reproductibilité dans l’analyse sémiotique situationnelle de dispositif socio-technique, nous avons dû formaliser davantage la méthode en distinguant, pour chaque cadre, des niveaux situationnels (Méliani et Heïd, 2009). La situation est alors appréhendée selon trois niveaux : micro, méso et macro; en plus des sept cadres. Sur le plan méthodologique, cela nous conduit à renseigner un tableau à double entrée (comme nous le verrons dans l’exemple en deuxième partie). D’un point de vue historique, les approches macro qui expliquent le monde à travers de grands fonctionnements d’ensembles se sont toujours opposées aux approches micro qui, à l’inverse, partent de petites unités pour accéder aux flux de la société (Dortier, 2004, p. 439). Cette différence sur les points d’entrée, entre déterminisme social et rationalité de l’acteur en 2 grossissant les traits, peut être dépassée par une approche des phénomènes dans le paradigme de la complexité (Morin, 1990). Ainsi, plutôt que d’opposer macro et micro, le principe hologrammatique nous offre la possibilité de relier les niveaux présents dans une même situation pour mettre en relief les différentes dimensions d’un même phénomène. Dans le cadre de notre étude, le niveau micro-situationnel correspond à l’interaction de l’usager avec le site web. Le niveau meso-situationnel est défini par l’interaction de l’usager avec les autres usagers du site web. Au niveau macro-situationnel, nous observons l’interaction de l’usager avec la communauté d’appartenance du site web. Les émergences de sens ne se manifestent pas de manière identique sur les différents niveaux, mais elles sont en résonance et peuvent se comprendre les unes au regard des autres. Méthodologie et visée La sémiotique situationnelle est une méthode souple qui s’applique à des domaines très variés, par exemple la création de publicité, la communication des organisations, l’évaluation de dispositif ou encore l’analyse de situation dans la vie quotidienne. Elle s’inscrit pleinement dans les recherches qualitatives de type constructiviste et laisse ainsi au chercheur le soin de se l’approprier (Paillé et Mucchielli, 2003). Tout en conservant la marge de manœuvre laissée aux chercheurs, nous avons toutefois souhaité formaliser davantage la méthode de la sémiotique situationnelle dans le cadre de son application à des dispositifs socio-techniques, tels que les sites web. Dans ce souci de reproductibilité, nous préconisons de suivre quatre étapes pour conduire l’analyse. La première étape consiste à définir l’objectif de l’analyse et la place du chercheur. Nous avons déjà appliqué la sémiotique situationnelle par niveaux à des dispositifs de type sites web dans l’objectif d’une évaluation (Méliani et Heïd, 2009). Dans le cadre de cet article, nous l’appliquons aussi à un site web, Agoravox, pour repérer cette fois-ci les usages normés, c’est-à-dire prescrits par le dispositif. L’objectif de notre analyse sémiotique situationnelle est de dégager les propositions d’action faites par le site web de journalisme participatif. Autrement dit, il s’agit de repérer les affordances de sens du site web pour expliciter les intentions d’usage du dispositif. Nous entendons le terme d’affordance, en référence aux travaux de la psychologie écologique de Gibson, c’est-à-dire comme « des indices qui actualisent une gamme d'actions appropriées, accessibles dans l'immédiat » (Gibson, 1977). La principale question que nous nous posons est : Quelles sont les actions que le dispositif propose aux usagers ? L’analyse permet à un chercheur acculturé de dégager les usages normés portés par le dispositif. En effet, pour parvenir à repérer les usages attendus, le chercheur doit être lui-même un usager du dispositif. Ainsi, il fait partie 3 intégrante de l’observation et du recueil de données. L’analyse lui permet alors d’expliciter ses propres usages du dispositif et de repérer d’autres usages possibles, usages normés que suscite le dispositif. Jacques Perriault (1989) distingue ces usages conformes des usages décalés qui témoignent de « détournements », de « braconnages » ou de « tactiques de bricolages » pour citer les termes de Michel de Certeau (1990). Soulignons ici une des limites de notre méthode d’analyse qui, pratiquée par un seul chercheur acculturé, ne permet pas de repérer les usages déviants. Cette limite peut facilement être dépassée en exploitant les résultats produits par l’analyse dans la conduite d’entretiens semi-directifs auprès d’usagers. La deuxième étape propose de renseigner la grille sémiotique situationnelle par cadres et par niveaux, telle qu’elle a été présentée précédemment. Les données renseignées sont de deux types, le chercheur relève les éléments pertinents du site web étudié et y associe des significations. Au cours de cette étape, il doit faire preuve de minutie et de rigueur car ce sont ces données qui lui permettront de fonder son analyse, c’est-à-dire d’expliciter le phénomène de communication. Dans la troisième étape, le chercheur rassemble les différentes significations mises à jour autour de formes globales signifiantes et les commente. Il s’agit ici de repérer dans la grille les récurrences entre les différents cadres, niveaux par niveaux. Rassemblées, ces significations constituent alors des formes globales signifiantes qui sont les idées fortes dégagées par l’analyse. La dernière étape consiste à modéliser le phénomène de communication. Il s’agit de qualifier les relations entre les principales formes globales signifiantes dégagées pour permettre de saisir le sens du phénomène. Le chercheur attache une attention particulière aux relations similaires, complémentaires ou paradoxales. « Loin d’être une banale simplification de la réalité qui pourrait dénaturer l’objet d’étude, il s’agit plutôt d’une réduction de l’objet d’étude à ses caractéristiques les plus significatives. Ainsi, la modélisation consiste à relever, parmi les divers éléments liés à un phénomène, ceux qui le caractérisent le mieux, pour ensuite dégager les liens dynamiques qui les unissent. […] La modélisation devient alors une méthode particulièrement utile pour rendre intelligible des phénomènes qui le seraient difficilement à travers la multitude des éléments du réel. » (Collerette, 1996, p.131). Lecture situationnelle des usages d’un média participatif en ligne Les caractéristiques du web 2.0 et le journalisme participatif Le journalisme participatif est un phénomène en pleine expansion lié aux nouvelles possibilités offertes aujourd’hui par le web 2.0. Le terme web 2.0 a été lancé en 2003 par 4 Dale Dougherty, co-fondateur d’O’Reilly Media1. Il s’agit de l’Internet tel que nous le connaissons, auquel on a rajouté une dimension collaborative en intégrant toutes sortes d’applications en ligne, faciles d’utilisation. Alors que le web d’hier se composait d’une multitude de sites web statiques, isolés sur la toile, le web 2.0 est considéré comme un socle d’échanges, d’expressions et de créations entre les utilisateurs. Les internautes ont ainsi la possibilité de participer à la création de contenus via des outils tels que les blogs et les wikis, d’échanger des contenus sur les plateformes de partage, d’accéder aux mises à jour de différents types d’informations via des flux RSS ou encore de communiquer via des réseaux sociaux. Véronique Mesguich (2006, pp.1-5) définit le web 2.0 selon sept principes : 1. Le web vu comme une plate-forme de services : Il s’agit de passer d'une collection de sites web à une plateforme informatique à part entière, fournissant des applications web aux utilisateurs. 2. Considérer les internautes comme co-développeurs des applications : La notion de « logiciel produit » évolue vers celle de « logiciel service ». 3. Le service s’améliore quand le nombre d’utilisateurs augmente (ou effet de la « longue traîne »). 4. La richesse est dans les données : O’Reilly envisage un mouvement « des données libres » s’opposer peu à peu à l’univers des données propriétaires. 5. Tirer parti de l’intelligence collective : L’implication des utilisateurs dans le réseau est le facteur-clé pour la suprématie sur le marché. 6. Mettre en place des interfaces souples et légères fondées sur les nouveaux standards et protocoles du Web. 7. Le logiciel se libère de l’ordinateur pour aller vers les objets nomades. Les médias participatifs en ligne, socles du web 2.0, permettent aux internautes de s’exprimer sur l’actualité, la politique, la société et de devenir à leur tour capteurs et producteurs d’informations. En France, le site web pionnier de journalisme participatif est AgoraVox2, en ligne depuis 2005. Sur ce site web, l’actualité n’est pas décrite par des professionnels de l’information mais par des « journalistes citoyens ». Agoravox ou littéralement « la voix de la place publique » est l’une des premières initiatives européennes de journalisme citoyen à grande échelle complètement gratuite. Il s'agit de mettre à disposition des internautes des rubriques identiques à celles d'un quotidien comme « actualités », « tribune Libre », « sport », « économie »... 1 2 5 O'Reilly Media est une société d'édition américaine, fondée en 1978, et dont l'activité principale est la publication de livres concernant l'informatique. www.agoravox.fr Plusieurs milliers de rédacteurs inscrits sur le site postent plus de trois cent articles chaque jour. Les fondateurs, dirigeants d’une société de veille stratégique sur Internet sont également les auteurs de « La révolte du pronétariat » dans lequel ils définissent le journalisme citoyen ou « participatif » comme « un concept présent sur des sites projets qui éditent et centralisent des informations provenant d'individus, sortes de témoignages sous forme d'articles, d'images, d’audio ou de vidéos. » (De Rosnay et Revelli, 2006, p. 117). Le premier modèle de réussite d’un média de journalisme participatif en ligne est le site web sud-coréen Ohmynews3. A partir de 2007, d’autres sites web qui s’autoproclament comme des médias participatifs ont vu le jour tels Mediapart4 ou Rue895. Contrairement à ces deux derniers, Agoravox n’a pas été fondé par un journaliste issu d’un organe de presse professionnel. Analyse sémiotique situationnelle d’Agoravox - Première étape : Définir l’objectif de l’analyse et la place du chercheur. Comme développé dans la première partie, l’objectif de l’analyse sémiotique situationnelle est ici de repérer les usages normés du dispositif socio-technique. Dans ce cadre, le chercheur est intégré au dispositif d’observation et est lui-même un usager du dispositif étudié. - Deuxième étape : Renseigner la grille sémiotique situationnelle. Il s’agit d’intégrer les éléments pertinents dans la grille et de formuler leur signification (notée en gras pour les différencier). 3 4 5 6 http://english.ohmynews.com www.mediapart.fr www.rue89.com Niveaux Cadres Identitaire enjeux, intentions, projets, finalités Qualité des relations Ambiance, climat degré de proximité/ distance Normes règles partagées, « déjà-la » culturels Positionnement places, statuts, rôles Temporel contexte historique, dates, passé/ présent/futur Meso-situationnel Interaction de l’usager avec les autres usagers au travers du site web - Possibilité de devenir prescripteur de l’information pour d’autres usagers : Possibilité de modérer des articles (après 4 articles publiés), de noter la pertinence d’un article (sans être inscrit) ou de le commenter. - Possibilité d’échanger des discussions et des informations avec d’autres usagers : Les commentaires, le chat (à partir de facebook, twitter ou tynichat), le partage d’articles avec d’autres usagers (sur des réseaux sociaux). Macro-situationnel Interaction de l’usager avec l’extérieur du site web - Activités de découverte des réseaux en lien avec Agoravox sur le web : Possibilité d’accéder aux sites du réseau Agoravox (4 liens sous formes différentes sur une page vers Agoravox TV, naturavox, carevox…). Rejoindre et consulter la page Agoravox sur Facebook : voir la page fan Agoravox ou devenir fan d’Agoravox. Rejoindre facebook (plusieurs moyens). Faire un don à la fondation Agoravox. Connaître et accéder au réseau infovox (sites « amis et complémentaires »). - Incitation à entrer en communication avec d’autres usagers membres d’une communauté ayant les mêmes centres d’intérêt : Possibilité de discussion, de jugement sur les articles de rédacteurs. - Bonne qualité des relations avec les réseaux sociaux et sites en lien avec Agoravox : Frontière floue entre le site et infovox, fondation, sites amis ou communautaires, réseau Agoravox. - Reconnaissance et importance de chaque individualité : Accès personnalisé à l’information (flux RSS, newsletter, page d’accueil, différents moyens d’accéder à une information), possibilité de signer les articles, incitation à participer au contenu. - Norme de liberté d’expression : Par le biais des commentaires. - Garant de sérieux (articles vérifiés, fiables, bien rédigés…). - Instantanéité : L’information change de minute en minute. - Normes d’échange, de partage d’informations. - Co-construction collective du contenu informationnel. - Norme d’interactivité : Chat en ligne sur facebook, twitter, tinychat. - Communautaire. - Reconnaissance : Large réseau fiable et reconnu. - Œuvrer pour des causes justes : Communiquer responsable, soutenir une fondation pour la liberté d’expression… - « Etre à la pointe du web ». - Soutenir les logiciels libres : « Agoravox utilise les technologies du logiciel libre ». - L’internaute n’est pas un simple lecteur mais un producteur d’informations, prescripteur, donateur : « Devenez rédacteur, votez, soutenez la fondation, ajoutez un commentaire. » - Importance de la participation de chaque individualité dans l’œuvre commune : Au travers du débat, de la confrontation d’avis… - Agoravox fait partie de la communauté du web 2.0. - Communauté qui lutte pour la liberté d’expression. - Accès aux informations en temps réel/instantanéité : Des notifications apparaissent en bas de page qui indiquent les mises à jour en temps réel, possibilité d’accéder aux éditions précédentes et de rechercher des informations passées. - Possibilité d’échanger avec des internautes instantanément : Répondre ou noter un article en temps réel. - Possibilité de chatter avec d’autres internautes. - Possibilité de faire circuler l’information vue sur le site à l’extérieur instantanément : Partager sur des réseaux sociaux, envoyer un mail… Micro-situationnel Interaction de l’usager avec le site web - Incitation à l’activité de s’informer : Plus de 50 liens possibles vers des articles ou vidéos sur la page d’accueil, possibilité d’accéder à une information par différents moyens (voir les derniers commentaires postés, les articles les plus lus, les auteurs du jour), aide à l’accès à l’information (traduire la page, effectuer une recherche, accéder aux éditions précédentes). - Incitation à participer à la production d’information : Dans le bandeau en haut du site, deux possibilités de s’inscrire pour devenir rédacteur (« devenez rédacteur »). Possibilité de se loguer pour les rédacteurs déjà inscrits. Et, possibilité de répondre à un sondage sur une question d’actualité (sans être inscrit). - Possibilité d’accéder aux informations du site facilement par la suite : Mettre le site dans ses marques pages ou en page d’accueil, s’abonner à des flux RSS ou à la newsletter. - Possibilité de contacter Agoravox : Rubrique contact. - Activités à but commercial : Visionner des publicités. - Incitation à entrer en relation avec le site : Rechercher, voter, devenir rédacteur. - Possibilité d’accéder à Agoravox sans aller sur le site : (Flux RSS sur la boite mail, page d’accueil, newsletter). 7 Tableau n°1 : Grille d’analyse sémiotique situation nelle qualitative de sites web 8 - Troisième étape : Rassembler les différentes significations mises à jour autour de formes globales signifiantes et les commenter. Nous avons regroupé les principales significations autour de sept formes globales signifiantes : Agoravox est une plateforme de services à part entière : « Sur Agoravox, vous avez accès à différentes applications ». Possibilité d’accéder à différentes informations, de faire circuler l’information vue sur le site à l’extérieur instantanément, d’échanger des discussions avec d’autres usagers sur des réseaux sociaux, d’alimenter son profil sur les réseaux sociaux… Agoravox tire parti de l’intelligence collective : « La participation de chacun de vous est importante ». L’internaute est fortement incité à participer au contenu et les possibilités de participation sont faciles d’utilisation, visibles et lisibles. Agoravox œuvre pour des causes louables : « Participer à Agoravox, c’est œuvrer pour le bien commun ». Agoravox soutient la liberté d’expression, utilise des logiciels libres, plaide pour la participation de l’info pour tous par tous. Agoravox reconnait l’importance de chaque individualité : « Sur Agoravox, chaque internaute est unique et indispensable ». L’accès aux informations est personnalisé, il y a une forte incitation à donner son avis ainsi que la possibilité d’accéder à Agoravox sans se connecter directement au site web. Agoravox utilise les réseaux sociaux « Vous faites partie d’une communauté avec laquelle vous avez la possibilité d’échanger » possibilité d’aller sur la page Facebook d’Agoravox, de discuter de l’actualité directement sur le site web sur Twitter, Facebook, Tinychat… Agoravox fait partie d’une large communauté : « Sur Agoravox, vous participez à un large réseau fiable et reconnu ». Nous comptons un grand nombre de sites « amis », connexes, la présence d’internautes sur le site est en permanence soulignée. Agoravox est un site fiable, garant de sérieux : « Vous devenez de véritables capteurs et producteurs d’informations sérieuses ». Agoravox reprend la même norme qu’un journal traditionnel. Remarquons que dans ces sept formes globales signifiantes, nous retrouvons une grande majorité des principes du web 2.0 énoncés par Véronique Mesguish. Un de ces sept principes est indirectement soutenu par le site web mais non développé. Il s’agit de considérer les internautes comme co-développeurs des applications. Agoravox n’est pas un site qui suscite le développement des applications par les internautes, mais qui utilise des logiciels libres. Le seul principe que l’on ne retrouve pas est le déplacement du site web vers 9 les objets nomades. Aucun lien ne permet de télécharger l’application Agoravox sur smartphone. Considérant ces formes globales signifiantes, nous remarquons qu’Agoravox fait partie des sites issus du web 2.0 et qu’en même temps la plupart des principes qui caractérisent le web 2.0 sont dans Agoravox. Nous retrouvons ici le principe hologrammatique qui « démontre la réalité physique d'un type étonnant d'organisation, où le tout est dans la partie qui est dans le tout, et où la partie pourrait être plus ou moins apte à régénérer le tout. » (Morin, 1992, p. 101). - Quatrième étape : Modéliser le phénomène. Dans cette dernière étape de la méthode, il s’agit de dégager les liens dynamiques qui unissent les différentes formes globales repérées pour modéliser le phénomène de communication. Modélisation des formes signifiantes adressées aux les usagers par le site web Agoravox 10 La modélisation nous permet de dégager quatre grandes catégories d’usages qui englobent les sept formes signifiantes : • S’exprimer sur le contenu (repérée au niveau méso et macro). • S’informer sur le contenu (repérée au niveau micro). • Produire un contenu informationnel (repérée au niveau micro et méso). • Communiquer sur la communauté Agoravox (repérée au niveau macro). La modélisation fait clairement apparaître que deux catégories d’usage (« communiquer sur la communauté Agoravox » et « participer au contenu ») regroupent davantage de formes globales signifiantes que les autres. Aussi, elles englobent à elles seules les sept formes globales signifiantes. Nous pouvons ainsi dire que le dispositif fait plus de propositions d’action qui encouragent les internautes à communiquer sur Agoravox (et notamment au travers des outils issus du web 2.0) et à enrichir le site web en contenus informationnels. La pérennité d’Agoravox est entièrement dépendante des usagers à travers leur contribution à la production de contenu et à la promotion du site web. Cette modélisation nous permet d’accéder au sens global du phénomène de communication : « Le site web Agoravox a besoin des usagers pour exister ». Il est particulièrement intéressant de remarquer que ces deux principales catégories d’usage : « communiquer sur la communauté Agoravox » et « participer au contenu » apparaissent comme sous-jacentes, elles ne sont pas explicitement exprimées sur le site web. Un internaute en quête d’information sur Agoravox accède dans la rubrique « Qui sommes nous ? à la présentation suivante : « Agoravox est un média 100% citoyen et 100% participatif. Agoravox permet de vous exprimer et de vous informer autrement (…) Ses principales missions sont l’information à l’égard du public et le soutien à la liberté d’expression. » Le site web insiste ici sur deux propositions d’action faîtes à l’internaute : « s’informer sur le contenu » et « s’exprimer sur le contenu ». Ces deux propositions sont affichées explicitement sur le site, mais apparaissent au second plan parmi les différentes actions proposées aux usagers. En effet, les internautes sont plus largement incités à participer au contenu et à communiquer sur Agoravox à l’extérieur du site. L’analyse sémiotique situationnelle nous a permis de comparer les usages affichés explicitement sur le site et les usages prescrits implicitement. Outre sa réelle efficience dans le cadre d’une recherche scientifique, nous accédons grâce à la méthode à des données indispensables dans une logique d’intervention lors de la conception ou de l’évaluation de ce type de médias. Dans cette logique pragmatique, nous notons également que la forme globale signifiante « Agoravox est une plateforme de services à part entière » est englobée par toutes les catégories d’usage. Elle apparaît comme la forme centrale, socle des usages possibles et condition essentielle du succès d’un média participatif en ligne. 11 Bibliographie Certeau (de), M. (1990). L’invention au quotidien, tome I : Arts de faire. Paris : Gallimard. Colerette, P. (1996). Modèle. [In A. Mucchielli (ed.)], Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales. Paris : Armand Colin. Dortier, J.-F. (2004). Le dictionnaire des sciences humaines. Paris : Sciences Humaines. Jacquinot-Delaunay, G. et Monnoyer, L. (1999). « Avant-propos. Il était une fois. ». In Le Dispositif. Entre usage et concept. Revue Hermès, n°25, Paris : CNRS Editions. http://hdl.handle.net/2042/14694 Méliani, V. et Heid, M.-C. (2009). « La sémiotique situationnelle appliquée à l’évaluation qualitative de sites web. ». Actes du 2ème Colloque International Francophone sur les Méthodes Qualitatives. Enjeux et stratégies, les 25 et 26 juin 2009 à Lille (publication en cours). Mesguich, V. (2006). « Le Web 2.0 démystifié : principes, définitions et atouts pour le professionnel. » Netsources, N°64, septembre-octobre. Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF. Morin E. (1992). La Méthode, T. 3 La connaissance de la connaissance. Paris : Editions du Seuil. Mucchielli, A. (1998). Les sciences de l’information et de la communication. Paris : L’Harmattan. Mucchielli, A. (2005). Approche par la contextualisation. Paris : A. Colin. Mucchielli, A. (2008). Manuel de sémiotique situationnelle pour l’interprétation des conduites et des communications. ISNB n° 2-9519798-1-9. Paillé, P. et Mucchielli, A. (2003). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris : Armand Colin. Perriault, J. (1989). La logique de l’usage. Essai sur les machines à communiquer. Paris : Flammarion. 12