Le plaisir de faire soi-même Les nouveaux atours du « team

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Le plaisir de faire soi-même Les nouveaux atours du « team
La Croix -lundi 2 janvier 2017
16
Économie&entreprises
par delà
les frontières
avec
Vie au travail.
Après le dépassement de soi
et la compétition entre salariés,
place à la valorisation du travail
en équipe.
Les nouveaux atours
du « team-building »
M
ais qui a assassiné le Père
Noël ? Cette année, les
salariés de Beemoov, entreprise nantaise de jeux virtuels
sur Internet, ont été invités à résoudre cette énigme en équipe.
La journée s’est terminée par une
raclette et du vin chaud dans un
décor rappelant le film Les Bronzés font du ski.
« L’an dernier, nous avions fait
une soirée “Gatsby” dans un hôtel
particulier et tout le monde s’était
déguisé, raconte Benoit Guihard,
cofondateur et gérant de Beemoov. Ces moments de convivialité
font partie des rites de l’entreprise
que nos salariés jugent absolument
nécessaires. »
Né dans les années 1980 aux
États-Unis, le team-building, que
l’on peut traduire par « consolidation d’équipe », consiste à renforcer la cohésion d’un groupe de
personnes à travers toutes sortes
d’événements ludiques. « Au début, l’heure était au dépassement
de soi avec des sorties en rafting
ou du saut à l’élastique, raconte
­D elphine Leroux, cofondatrice
de la société Coezi, spécialisée
dans ce secteur. Ensuite, ces événements ont été placés sous le signe
de la convivialité avec du karting
ou du paintball. Depuis le début
des années 2000 et l’arrivée de
modes de management plus collaboratifs, c’est l’occasion de mieux
travailler ensemble. »
Les opérations de team-building – qui coûtent de 80 à 150 €
par salarié – ont souvent lieu une
à deux fois par an, en hiver et en
été. « Le but peut être complètement ludique ou avoir une visée pédagogique, poursuit-elle. À Noël,
c’est souvent la convivialité qui
prime : l’année a été longue, les efforts importants et c’est l’occasion
de récompenser les salariés. »
Il peut aussi s’agir de renforcer
la cohésion d’équipe entre des
commerciaux qui se croisent peu,
faciliter l’intégration de nouveaux
collaborateurs ou encore régler
des difficultés de communication.
Si les grandes entreprises s’en
sont largement emparées, les
PME s’y mettent aussi. « C’est l’oc-
casion de mélanger les équipes
pour permettre aux gens de se découvrir, souligne Benoit Guihard,
chez Beemoov, qui emploie une
cinquantaine de salariés. L’effet sur l’ambiance est instantané
même si cela ne dure pas forcément
dans le temps. »
L’entreprise Bonnefon SAS, distribuant du matériel de soudage,
s’est lancée pour la première fois,
en réunissant sa vingtaine de salariés autour d’un atelier de cuisine encadré par un chef. « Nous
avons tous parlé d’autre chose que
du travail, salue Juliane Osmont,
responsable marketing. Les gens
se sont souvenus longtemps de
cette journée, c’était un bon moyen
de fabriquer des souvenirs communs. »
« C’est l’occasion de
mélanger les équipes
pour permettre
aux gens de se
découvrir. L’effet
sur l’ambiance est
instantané même
si cela ne dure pas
forcément. »
Dans ces activités, le dirigeant
se doit d’être partie prenante, au
même niveau que ses salariés. « Il
n’est pas question qu’il se place en
posture d’observation », prévient
Delphine Leroux.
Car la consolidation d’équipe
peut avoir des effets pervers.
« Passer deux nuits dans un château avec ses collègues n’est pas
toujours évident, prévient Denis
Monneuse, chercheur à l’IE Business School. Ce n’est pas facile
de se positionner dans ce cadre ludique et informel. Cela peut même
devenir un piège pour ceux qui
s’épanchent. Car il ne faut pas oublier la dimension managériale de
ces événements. » D’où l’intérêt de
ne pas abuser du vin chaud…
Florence Pagneux (à Nantes)
Roland Gibert,
PDG de Cruzilles.
La confiserie
Cruzilles
s’étend hors
d’Auvergne
Consommer autrement.
Sur Internet, de nombreux
tutoriels permettent d’aider
l’utilisateur novice à réaliser
toutes sortes de projets.
Le plaisir de faire
soi-même
C
’est le dernier des confiseurs
encore en activité dans le
Clermontois. Cruzilles, fondée en 1880, est l’ultime survivante
d’un métier qui a connu son heure
de gloire sous le Second Empire.
Au départ, le sucre était un
moyen de conserver les fruits.
Il est vite devenu une friandise,
déclinée sous forme de pâtes
de fruits, fruits confits et autres
marrons glacés. Les grands vignobles de la région, les cultures
betteravières et les fruits goûteux
– poires, prunes et abricots – alimentaient en direct une activité
qui a compté jusqu’à 20 entreprises employant 2 000 personnes.
Plus tout à fait artisanale avec
ses 80 salariés, Cruzilles utilise
toujours des procédés manuels.
« Nous cuisons les fruits dans des
cuves en cuivre et réalisons une
découpe à la guitare, souligne Roland Gibert, son PDG. Clémentines,
prunes et marrons sont confits en
trois semaines. »
Ce positionnement haut de
gamme permet à l’entreprise de
réaliser 15 % du chiffre d’affaires
dans 32 pays. « Historiquement, la
confiserie auvergnate a une longue
tradition d’exportation, explique
Roland Gibert. À l’époque du thermalisme, les touristes venaient
“prendre les eaux” et se régaler de
confiseries locales. » La clientèle
britannique en est très friande, de
même que le Japon et les Émirats
arabes unis (sur le créneau particulier du fourrage de dattes et
des écorces d’oranges).
Mais cette présence demande
à la PME, qui a reçu le soutien de
Bpifrance, un gros investissement :
« Deux personnes sont affectées
en permanence à l’export, et nous
sommes présents sur les grands salons internationaux », souligne le
PDG, pour qui « il reste encore de
belles perspectives, à condition
de rester sur un positionnement
haut de gamme. »
Florence Quille (à Lille)
Entrepreneurs, Bpifrance vous soutient
en prêt et capital, contactez Bpifrance
de votre région : bpifrance.fr
Fabriquer soi-même ses objets n’a jamais été aussi simple,
grâce à Internet. kaninstudio/Fotolia
V
oulez-vous tapisser votre
mur, réparer votre cafetière
ou fabriquer une lampe ? Il
existe forcément pour cela des tutoriels. Blogs et chaînes YouTube
recèlent de ces solutions pratiques
illustrées, qui vous guident, étape
par étape, dans votre projet. 85 %
des Français en seraient désormais
familiers (1).
Pour Hortense Sauvard, 34 ans,
l’essor de ce phénomène estampillé DIY (pour Do It Yourself, c’està-dire « Fais-le toi-même ») s’appuie
sur « le plaisir d’inventer et d’apprendre en faisant ». Enfant, cette
ingénieure concevait ses bijoux et
jouets. Cette année, elle a co-fondé
Ouiaremakers.fr, qui rassemble plus
de 1 000 tutoriels : cuisine, mode et
beauté, décoration, électronique…
Créé aussi en 2016, Wikifab.org témoigne de la dimension sociale du
phénomène. Sur ce site, où 300 tutoriels sont classés par niveaux de
difficulté et de budget, on partage
ses créations, commente, propose
des améliorations – entretenant une
sorte d’intelligence collective.
Le succès du « Fais-le toi-même »
comporte une dimension économique et écologique. « J’éprouve
une grande satisfaction à donner une
seconde vie aux objets », explique
Anne, 29 ans, qui « réfléchit avant
de jeter ou d’acheter ».
« Le DIY introduit un rapport plus
libre et heureux à l’objet », analyse
Céline Lebrun, designer auxerroise
de 27 ans, qui a inventé des kits pour
créer lampe, portemanteau et table
basse à partir de matériaux de récupération (2). « Aujourd’hui, on peut
acheter et se faire livrer instantanément ; fabriquer soi-même requiert
de la patience, on s’approprie l’objet,
que l’on préférera adapter plutôt que
jeter. Il nous correspondra bien mieux
qu’un produit fini vendu à renfort de
publicités » – souvent pour un prix
moindre. Céline Duhamel, 30 ans,
propose ainsi chaque mercredi à
ses trois enfants de créer ensemble
« quelque chose qui leur plaît ».
Techniquement, les imprimantes 3D et les machines-outils
à commande numérique ont démocratisé la réalisation d’objets. Et
certains sites proposent des projets
d’envergure, comme lairdubois.fr,
réseau de passionnés du bois, qui
offre de conseils et plans libres de
droits.
En anglais, sketchchair.cc et
opendesk.cc permettent de concevoir chaises, bureaux et rangements
via un mini-logiciel. Les plus bricoleurs monteront leur meuble euxmêmes, les autres s’adresseront à un
artisan local partenaire. De la même
façon, wikihouse.cc permet de créer
sa maison en bois.
Adrien Bail
(1) Observatoire Société et Consommation
(2015).
(2) www.facebook.com/
MeiKITlekitdureemploi/