LE LIBRE PARCOURS DE RICOCHET
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LE LIBRE PARCOURS DE RICOCHET
LE LIBRE PARCOURS DE RICOCHET Miguel Gomez Le libre parcours de Ricochet Policier Éditions Persée Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence. Consultez notre site internet © Éditions Persée, 2016 Pour tout contact : Éditions Persée – 38 Parc du Golf – 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.fr À Marc et Nicole. PROLOGUE LA RENCONTRE A LIEU À SÉVILLE 7 U n événement provoque la mort de deux jeunes gens qui venaient de se rencontrer. Dès cet instant tout s’enchaîne autour de la complexité des personnages qui ont tous un point en commun pouvant engendrer des profits colossaux, ça c’est pour le fond. Pour la forme, l’humour est toujours sous-jacent afin de décrire la réalité avec du recul, celle des meurtres liés à l’argent, notre Dieu, ce chaos que nous avons mis en place. D’autres paradoxes humains surgissent comme une évidence, l’amitié improbable, l’intelligence au service de la bêtise, notre envie de croire à une apparence qui est pourtant fausse, le destin choisi qu’on essaye d’éviter. L’ambiance de ce thriller se sert du décor magnifique de la capitale andalouse, de sa gastronomie, de son envie de faire la fête, servant admirablement de contraste à cette route sombre qu’empruntent les personnages principaux pour aboutir nulle part. 8 PREMIÈRE PARTIE LE MEURTRE DE NATHAN ET DE ROSE I LA RENCONTRE DE NATHAN ET DE ROSE NO & DO Q uelques mots inscrits dans mon agenda allaient changer mon emploi du temps : départ pour Séville 09.30 – Narcotrafiquants – Meurtres inexpliqués – mai 2003. Le printemps venait de débuter, j’étais à bord du vol K710CO une heure après le décollage et comme toujours dans ces cas-là rarement de bonne humeur, victime à la fois d’aviophobie et d’une dépendance imposée par la contrainte du voyage. En sortant de l’aéroport, je pris le premier taxi d’une file sans fin en lui montrant sur un bout de papier une adresse proche de la « Plaza Nueva » à deux pas de la cathédrale. Je détestais l’avion, j’avais besoin de me retrouver seul pour remercier Dieu d’avoir trouvé un gars qui sache piloter. Quoi de plus normal que d’aller le faire chez Lui, dans sa cathédrale. Je fis le tour des nombreuses chapelles et sortis en donnant 10 euros à un indigent assis à l’entrée avant de me diriger vers 11 les « Cien montaditos » en face de la cathédrale pour y boire une « caña » fraiche. Retapé, j’arrêtai un attelage pour touristes qui me conduisit au 44 de la rue Zaragoza en passant par la rue Matéos Gago qui s’achemine vers le fameux « barrio de Santa Cruz ». Deux meurtres avaient été commis à cette adresse. Arrivé sur place, la question que je me posais mentalement en voyant les corps trouva une réponse idiote qui s’imposa d’ellemême. Deux chiffres, deux combinaisons. En regardant les cadavres des pieds vers la tête, la position des corps sur les flancs indiquait le chiffre 99 car les têtes qui penchaient en avant faisaient penser à la boucle du chiffre. Des photos furent prises avec mes remarques incomprises comme commentaire. Par contre, en regardant cet homme et cette femme nus, de la tête vers les pieds, c’est le 66 qui l’emportait. J’étais de toute évidence fatigué d’être là. Ils étaient couchés par terre sur leur côté gauche, l’un contre l’autre, dans une mare de sang presque noire, ayant déféqué tous les deux. À la base du crâne ils avaient une plaie profonde. L’odeur d’excréments m’a toujours dérangé et je ne comprenais pas pourquoi j’avais choisi ce métier. En les contournant pour me placer devant leurs visages, je fus étonné de constater que leurs traits n’avaient aucun signe de douleur, leur faciès sans rides évoquait plutôt un avenir plein de promesses. Leurs yeux visibles sous leurs paupières fermées étaient rougis par le sang et leur bouche sensuellement entrouverte. Le bassin de la femme dépassait celui de l’homme de quelques centimètres, soulignant sa féminité. Quant à lui, sa main droite 12 retenait les corps sur la tranche. Aucun membre ne manquait ni à l’un ni à l’autre. L’appartement respirait le luxe et le bon goût. Le marbre blanc du living contrastait avec le mobilier en bois de « caoba ». Les murs étaient blancs, parsemés de toiles d’artistes contemporains africains aux couleurs vives. Il y avait des photos de voiliers sur les murs, l’une d’elles avec un jeune couple souriant. L’appartement était au sixième étage, sans voisins. L’ascenseur y déposait ses occupants dans un hall d’entrée décoré par d’immenses miroirs encastrés dans des cadres dorés. Rien de plus dans ce hall, excepté une odeur très agréable de patchouli et la sensation désagréable d’être observé par les miroirs. Les cadavres se trouvaient dans la cuisine sur un sol pavé de dalles noires extrêmement brillantes et chaudes. Tout était d’une propreté invraisemblable pour un jeune couple que l’on imagine plus enclin à laisser la vaisselle pour le lendemain, les vêtements à même le sol et la poussière envahir les surfaces. Pas de traces d’effraction. Instinctivement je mis le répondeur du téléphone en route : « Nathan, c’est Joé, il est cinq heures du mat’. Dis à Rose que je serai en retard à l’université. Désolé pour la table de conversation en espagnol… ! » À l’entrée de l’immeuble, sur des plaques en titane trapézoïdales surmontées de deux triangles isocèles pouvant faire penser 13 à une tête de taureau, on pouvait lire un des prénoms cités par le répondeur, Nathan Delmont. — Y a-t-il d’autres blessures visibles ? demandai-je à mon adjoint en train de photographier les corps. — Non, aucune ! — Des traces de lutte, alors ? — Non. — Bordel ! On ne les a pas tués en leur coupant gentiment la nuque sans qu’ils ne disent rien ! Kurt – c’est le nom de mon adjoint – demande une analyse sanguine et fouille cet appart de nantis à la recherche de drogue. Je ne comprends rien à cette mise en scène. Tu as le nom de la fille ? — Elle s’appelait Rose Carcit. Laissant ce petit monde d’experts occupé à décortiquer le moindre détail, j’allais en vadrouille à la recherche d’un élément qui puisse me fournir d’autres informations. En quittant le salon, j’arrivai dans un long couloir menant à une salle carrée servant d’antichambre destinée à recevoir les invités. La salle retint mon attention par sa décoration soignée. Au sol, le marbre laissait la place à un parquet alternant les motifs en bois de merisier et de noyer. 14 Elle contenait quatre bibliothèques en chêne remplies de volumes, apparemment tous des romans. « Un véritable intérieur digne d’un magazine de décoration ! » pensais-je, loin d’être au bout de mes surprises, en ressentant, je l’avoue, une petite pointe de jalousie bien contrôlée. À propos de surprises, l’une d’entre elles cachait un couloir menant aux chambres, à deux salles de bains, à un gymnase et à un bureau. Je me dirigeai vers le bureau. Il était classique, avec un ordinateur, plusieurs écrans, une photocopieuse, un téléphone, une machine à café, un buvard protégeant le bois lustré du secrétaire et deux stylos « Mont blanc » en or. Mais à ma grande déception il n’y avait pas de documents utiles. Kurt m’appela via un interphone placé, je suppose, pour communiquer avec celui qui se trouverait quelque part perdu dans ce grand espace. « Venez voir dans la chambre au parquet de chêne, la première à droite en entrant par la pièce de réception. » En arrivant sur place, on retrouvait la même odeur qui imprégnait l’air de la cuisine. Sur le lit il y avait des taches brunes. Au-dessus, suspendu au plafond, un écran avec arrêt sur image. — Ce sont des scatos, bordel dans quel monde on vit ! dis-je, dégoûté par la scène. 15