chine-portrait tan dun - Philharmonie de Paris

Transcription

chine-portrait tan dun - Philharmonie de Paris
André Larquié
président
Brigitte Marger
directeur général
Dans le cadre de l’exposition La Voix du dragon consacrée aux trésors archéologiques et à l’art campanaire de la Chine ancienne, la cité de la musique a le plaisir de vous présenter ce portrait du compositeur Tan Dun, chinois d’origine mais
passionné depuis de nombreuses années par les liens que peuvent entretenir
aujourd’hui les cultures d’Orient et d’Occident. Les trois œuvres du programme
sont données en création française et reflètent, chacune à leur manière, la réalité
de ces échanges. The Gate (quatrième volet de la série Orchestral Theatre) vient
d’être créé le 25 novembre 2000 à Tokyo (par le NHK Symphony Orchestra, dir.
Charles Dutoit) et fait dialoguer trois personnages considérés comme des mémoires
de leur culture : Yu Ji (d’après Adieu ma concubine, un opéra de Pékin du XIXe
siècle), Juliette (d’après Roméo et Juliette de Shakespeare) et la marionnette
Koharu (d’après Les Suicides de l’amour de Chikamatsu, XVIIIe siècle, Japon).
Les deux autres œuvres (On Taoism et Orchestral Theatre I : Xun) s’inspirent de
la spiritualité asiatique et du pouvoir évocateur propres aux instruments traditionnels chinois pour construire un dialogue avec l’orchestre symphonique, considéré comme l’archétype de la musique occidentale.
jeudi
25 janvier - 20h
salle des concerts
portrait de Tan Dun
Tan Dun
Orchestral Theatre IV : The Gate (création française)
(texte de Tan Dun, voir trad. page 15) durée : 50 minutes
Tan Dun, direction
Song Yang, actrice de l’Opéra de Pékin (rôle de Yu Ji
inspiré de Adieu ma concubine, Opéra de Pékin, XIXe s.)
Nancy Allen Lundy, soprano (rôle de Juliette inspiré de Roméo et Juliette de Shakespeare)
Hua Hua Zhang, marionnettes (rôle de Koharu inspiré
des Suicides de l’amour de Chikamatsu, XVIIIe s., Japon)
Mike Newman, création vidéo
Sarah Ioannides, assistante de Tan Dun
Orchestre national de Lyon
entracte
Tan Dun
On Taoism (création française)
durée : 15 minutes
Tan Dun, direction
Nancy Allen Lundy, vocalises
Michel Bontoux, clarinette basse
André Cornard, contrebasson
Orchestre national de Lyon
Orchestral Theatre I : Xun (création française)
durée : 20 minutes
Tan Dun, direction
Chen Tao, xun (instrument à vent en céramique)
Orchestre national de Lyon
durée du concert (entracte compris) : 1h45
Chine, portrait de Tan Dun
Tan Dun
Orchestral Theatre
Orchestral Theater IV :
The Gate
4 | cité de la musique
Chine, portrait de Tan Dun
La série Orchestral Theatre est le fruit des recherches
de Tan Dun qui, pendant dix ans, a tenté d’abolir le
contraste apparent entre le rituel « primitif » et l’expérience du concert public vécue par les exécutants et les
spectateurs, ainsi qu’entre les cultures occidentales et
orientales. Cette série, qui s’étend sur la période 19891999, a atteint son terme au cours des dernières
années du XXe siècle et constitue une ouverture pour les
compositions que Tan Dun proposera au XXIe siècle.
Orchestral Theatre I : Xun est consacré à la confrontation entre des sonorités non occidentales et un
orchestre occidental ; cette pièce remet parallèlement
en question le dogme selon lequel les interprètes de
l’orchestre se limitent à jouer de leur instrument.
Orchestral Theatre II : Re s’attache à l’implication du
public dans le rituel et à la disposition non conventionnelle des participants du concert.
Quant à Prévision Rouge : Orchestral Theatre III, il s’agit
de la première incursion de Tan Dun dans la vidéomusique. Dans cette œuvre où les bulletins météo tiennent lieu de métaphore, le compositeur s’applique à
utiliser la vidéo comme moyen de documentation (par
les nouvelles, les sons, les chansons et les textes ) ainsi
que comme contrepoint à la musique elle-même.
Avec Orchestral Theatre IV : The Gate, Tan Dun va
encore plus loin dans son exploration du multimédia
et du multiculturalisme. « À l’approche du nouveau
millénaire, explique Tan Dun, on a fréquemment
demandé aux compositeurs ce qu’ils souhaitaient
exprimer. Pour ma part, en travaillant sur cette nouvelle
création pour l’an 2000, j’ai compris que ce que je
voulais, c’était rendre hommage à ces êtres qui se
sont sacrifiés pour l’amour véritable. » À la porte que
doivent franchir les âmes pour renaître, trois femmes,
s’étant suicidées par amour, attendent le jugement
dans le quatrième volet de la série de Tan Dun,
Orchestral Theatre. Aux côtés de Yu-Ji, héroïne de
Adieu ma Concubine (Opéra de Pékin, XIXe siècle),
et de la Juliette du Roméo et Juliette de William
Shakespeare (Angleterre, XVIe siècle), Tan Dun a choisi
de présenter Koharu, le personnage des Suicides
d’Amour à Amijima Chikamatsu (Japon, XVIIIe siècle).
Le compositeur précise plus loin : « Il y a de nos jours
un manque d’amour si profond ; la résurrection de
ces trois femmes m’est apparue comme une tâche
symbolique très importante. »
Trois voix, trois histoires
Ces trois histoires, extraites de trois traditions narratives,
ont comme point de départ et comme thème central
« l’amour fatal » qui s’accomplit tragiquement sous la
pression de circonstances extérieures. Ce que les personnages ont en commun fonctionne comme un
thème et ses variations, comme un gabarit qui est la
base du concept musical de Tan Dun pour The Gate.
Pour créer la partition de The Gate, Tan Dun s’est
imposé un défi : conserver leur identité à des histoires
qui exigent trois factures différentes et illustrent des
traditions distinctes, tout en sauvegardant une ligne
musicale fluide les liant les unes aux autres. Tan Dun
s’est rendu compte que sa conception de la musique
lui apportait une solution : « Dans mon esprit, toutes les
musiques – qu’elles soient orientales ou occidentales –
sont une. » C’est pourquoi il utilise le même matériau
musical de bout en bout, mais traite les parties correspondant aux personnages à travers des styles
caractéristiques des différentes coutumes nationales,
linguistiques, théâtrales et médiatiques.
Le premier mouvement de l’œuvre contient les éléments
qui seront développés par la suite. Les signes musicaux authentiques de l’esprit Opéra de Pékin du mouvement de Yu Ji – le « petit ruisseau » mélodique de
Tan Dun – deviennent un « ample fleuve » pour le mouvement de Juliette dans la « grande » tradition de l’opéra
occidental. Dans le mouvement de Koharu, le motif original de l’Opéra de Pékin se fait plus abstrait et théâtral,
mais retrouve la marque reconnaissable de l’art oriental.
Tan Dun est arrivé à de telles conclusions à la suite
d’une réflexion sur son parcours. Après une enfance
à la campagne, un apprentissage musical et personnotes de programme | 5
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
nel en plein Manhattan et de nombreux voyages de
par le monde, Tan Dun s’est découvert une tendance
naturelle à briser les barrières habituelles entre les cultures et les formes artistiques. « C’est parce que cette
œuvre s’aventure dans l’expérimentation que je la ressens comme étant au plus près de mes rêves »
déclare-t-il. C’est pourquoi il tient à poursuivre ses
recherches et son combat pour le métissage culturel
à travers l’utilisation du multimédia.
Tan Dun a collaboré avec des artistes associés aux traditions des trois héroïnes. Chacune raconte une histoire
avec sa propre voix : Yu Ji est interprétée par une actrice
de l’Opéra de Pékin, Juliette par une soprano lyrique
occidentale, et Koharu par une marionnettiste japonaise.
Par respect pour les voix anciennes et immuables des
personnages et de leurs auteurs, Tan Dun a puisé les
termes de son livret dans les textes originaux.
scène et vidéo
6 | cité de la musique
Pour souligner encore l’aspect éternel et cependant
actuel de l’œuvre, Tan Dun a imaginé une disposition
scénique intégrant le public à l’action. En plus des interprètes, Tan Dun a invité un vidéaste à prendre part à
cette création. Contrairement à l’élément vidéo de
Prévision Rouge : Orchestral Theatre III, qui employait
du matériel filmique préexistant, The Gate propose des
images vidéo captées en direct sur scène tout au long
de la représentation. L’intention de Tan Dun consiste à
établir des alliances dramatiques nouvelles grâce à ce
médium, en soulignant certains moments de l’action se
déroulant sur scène – en intensifiant l’expérience vivante
pour le public et en rendant le spectacle à la fois plus
réel. La disposition de l’orchestre permettra à l’auditoire d’être « au cœur du son » grâce aux violons qui
entoureront l’espace où il est installé. La salle de concert
figure une cour de justice siégeant en enfer avec les
spectateurs confrontés non seulement à un événement musical, mais également témoins de la défense
des héroïnes, de leurs vies et de leurs amours.
Dans la ligne d’Orchestral Theatre, qui interroge et
expérimente les différents rôles que peuvent jouer
tous les éléments rassemblés dans la salle de concert,
les participants, qui ne sont pas d’ordinaire engagés
dans l’action scénique, sont concernés directement.
L’idée de l’omniscience du chef d’orchestre est plaisamment exploitée puisque le rôle du juge lui est
confié ; l’orchestre incarne un corps compatissant
envers les personnages, et il lui arrive de vocaliser ; le
public est lui-même impliqué dans l’intrigue lorsque le
juge demande : « Réponds sincèrement puisque tu
espères renaître. À l’assistance qui siège ici pour te
juger, raconte ta mort... »
Lori Yamato (traduction Pierre Charras)
Tan Dun
On peut imaginer Tan Dun, en 1990, alors qu’il comOrchestral Theatre I : Xun posait cette œuvre, s’efforçant de trouver des réponses
à diverses questions qu’il ne devait formuler que bien
plus tard : « Un orchestre classique peut-il avoir un son
non classique, et si oui, comment ? » « Est-il capable de
transmettre le sens d’une autre culture, le rituel de ses
instruments et de ses voix ? » « Est-ce que ce qu’on
rencontre couramment dans les fêtes populaires et le
théâtre chinois peut-être rendu par un orchestre occidental ? » « À quoi ressembleraient des sons primitifs
avec une harmonie occidentale ? » « Pourquoi la harpe
devrait-elle rester la harpe et le koto rester le koto,
séparés à jamais l’un de l’autre ? »
Dès le début du morceau, la harpe occidentale semble
se mettre en quête justement des possibilités évoquées
ici, pour se rapprocher autant que possible des sonorités du koto japonais, en un bref solo qui émerge des
souffles de l’orchestre. Plus tard, les cordes seules imitent la haute tessiture et le débit continu des acteurs
de l’Opéra chinois, dans un passage qui se termine par
un rire stylisé du tuba, obtenu par l’interprète en tapotant l’embouchure de la paume de la main. Dans les
deux cas, l’effet inhabituel recherché consiste à tirer
des instruments certains sons rappelant la voix humaine.
Plus profondément, au-delà de la mise en parallèle des
sonorités (sonorités orientales, sonorités vocales),
notes de programme | 7
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
l’œuvre propose un orchestre qui aurait presque tout
oublié de ce qu’il savait de la grande tradition occidentale – même s’il existe dans la partition de Tan Dun
certains échos des complaintes mélodiques des cordes
de Chostakovitch, du contrepoint de Bach et de la
richesse harmonique de Debussy ou de Messiaen –
et serait parti s’exiler dans quelque village perdu de
Chine, ce qu’a fait le compositeur quand il était jeune.
Après ce long voyage imaginaire, la mission de l’orchestre est toujours de faire de la musique, mais dans
une telle situation elle prendra une signification différente. Il s’agit d’éveiller l’esprit, de participer à un rituel.
Ce rituel débute avec un xun, flûte chinoise en céramique qui s’apparente un peu à l’ocarina d’Amérique du
Sud. Tan Dun a fait fabriquer, spécialement pour lui,
une série de ces instruments par Ragnar Naess, un ami
potier de New York, et l’œuvre s’ouvre avec le soliste
accompagné par dix autres xuns, confiés à la section
des bois de l’orchestre. Contrairement aux instruments
occidentaux classiques, ces xuns transmettent directement le bruit de la respiration, le bruit de l’être humain
qui crée la musique. Et plus tard, ces êtres humains
vont faire entendre leur réalité encore plus nettement,
lorsqu’ils crieront et murmureront, abandonnant tout à
fait – même si ce n’est qu’une image – les nœuds
papillons et les robes du soir qui constituent les signes
obligés des concerts occidentaux.
Au fur et à mesure que l’œuvre se déroule, elle nous
montre une dramaturgie interprétée par les solistes et
les ensembles instrumentaux (allant parfois jusqu’à
l’idée de foules) – une dramaturgie qui, comme dans
tous les opéras, qu’ils soient de l’Est ou de l’Ouest,
charrie de fortes passions et des retournements soudains. Il en résulte un paroxysme, principalement
l’œuvre des bois qui se livrent à une intense incantation.
Après quoi, le calme revient et le morceau se termine
avec les seuls sons des xuns et du souffle humain.
Paul Griffiths (traduction Pierre Charras)
8 | cité de la musique
Tan Dun :
un chinois citoyen
du monde
Après le succès du Pavillon aux pivoines (Peony
Pavilion) créé à Bobigny en 1998, le compositeur
Tan Dun – New-yorkais d’adoption mais plus
Chinois que jamais – revient à Paris pour une
série de créations françaises illustrant les différentes facettes de son style absolument unique :
un style qui trace une voie nouvelle entre les cultures d’Occident et de la Chine ancienne.
cité de la musique : Pouvez-vous nous expliquer
ce que constitue, pour un créateur comme vous, le fait
de s’inspirer d’une culture ancestrale comme la culture chinoise ?
Tan Dun : D’abord il n’y a pas une mais plusieurs cultures chinoises. Pour aller vite, on distingue celle du
Nord localisée dans la région du Fleuve Jaune : celle
qui a longtemps été considérée comme la culture
« officielle »... d’ailleurs souvent la seule connue par
les Occidentaux. Et puis il y a la culture chu de la Chine
du Sud, localisée dans les montagnes et associée par
les autorités du pays aux minorités ethniques. Je suis,
pour ma part, issu de cette dernière culture, étant originaire de la région du Hunan. Cette culture se caractérise par le culte de la nature et des esprits, ainsi que
par le rôle très important que jouent les chamans, censés communiquer avec ces esprits. Le chant, le théâtre
et la musique : toutes ces formes artistiques sont utilisées par la culture chu pour parler de la vie et de la
mort, et en particulier des vies antérieures et des vies
futures qui appartiennent à chaque être. C’est cette
culture que je partage avec Shi-Zhen Chen, bien connu
maintenant du public français pour avoir dirigé la production du Pavillon aux pivoines « traditionnel » donné
au Parc de La Villette il y a un an, durant six soirées
d’affilée. Mao Tsé-toung était aussi issu de la culture
chu ; mais le drame avec lui, c’est qu’il a presque
réussi, durant la Révolution culturelle, à détruire avec
obstination les traces de cette culture. Un peu comme
s’il se détruisait lui-même...
notes de programme | 9
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
c. m. : Comment se manifeste cette culture dans vos
œuvres ?
T. D. : Je la fais vivre sans la citer, mais en l’actualisant
en fonction de mon propre itinéraire. Comme une recréation. J’ai d’abord étudié la composition à Pékin :
la composition dans le style « traditionnel » chinois et
la composition « occidentale » avec son lot de combinaisons presque scientifiques destinées à l’élaboration des différents paramètres (hauteurs, rythme,
durées...). C’est à cette époque que j’ai commencé à
prendre conscience des limites de la musique écrite
« avec des notes » ou des hauteurs classées. La
musique traditionnelle chinoise, de tradition orale, ne
se conçoit pas en notes, mais en sons. Vous n’avez
donc pas besoin de fractionner la multitude des sons :
vous pouvez vous immerger dans un univers presque
infini, comme si vous nagiez dans un océan de sons.
Si l’on prend l’image du chocolat, c’est comme si les
Occidentaux n’aimaient le chocolat qu’en tablettes
ou en carrés... Alors que les Chinois l’aiment fondu,
fondant, libre.
Un vrai problème s’est posé à moi lorsque j’ai dû
« écrire » ma musique, sans en oblitérer la souplesse.
Je n’ai alors rien trouvé de mieux que d’inventer ma
propre notation, en particulier celle des lignes vocales
dont je voulais préserver la très grande flexibilité (à la
manière des chamans). Le système que j’ai adopté est
résolument visuel, linéaire, graphique : je trace cinq
lignes par portée pour donner des repères élémentaires (registres très bas, bas, moyen, haut, très haut) ;
et sur ces lignes, je « dessine » ma musique, à la
manière d’une libre calligraphie.
c. m. : C’est cela qui vous rapproche des chamans ?
T. D. : Oui, dans la mesure où un chaman ne se préoccupe pas de savoir s’il chante un do, un ré ou un
la ; ni même de raisonner en intervalles ou de savoir si
ce qu’il chante est consonant ou dissonant. Pour lui,
10 | cité de la musique
seul compte le fait de traduire les gestes invisibles des
esprits. Telle courbe stylisera le chant du typhon ; telle
autre le bruit des ailes d’un oiseau. J’ai une fois
demandé à un chaman à quoi il pensait dans ses incantations : il m’a simplement répondu qu’il pensait à luimême… à lui-même il y a deux mille ans, lorsqu’il était
une grenouille… En fait, un chaman mêle, dans son
chant, l’homme et la nature, le passé et l’avenir. J’ai
tenté ce genre de parallèle dans mon opéra Marco
Polo. La première partie de l’œuvre fait allusion à un
parcours d’ordre physique, en référence à la route de
la Soie sinuant entre l’Italie et la Chine. La seconde
partie illustre l’idée d’un autre parcours, plus spirituel,
entre le passé et l’avenir (avec notamment des textes
de Dante et du poète chinois Li-Tai-Po dont s’est aussi
inspiré Gustav Mahler dans le Chant de la Terre).
c. m. : Quand vous vous êtes installé à New York en
1986, comment ont réagi les musiciens occidentaux
que vous avez rencontrés ?
T. D. : Ma première grande expérience a eu lieu avec
le New York Symphony Orchestra dont le directeur
s’était intéressé à ma pièce On Taoism. Quand je lui ai
montré la partition, il m’a immédiatement répondu :
« Ah non ! Ça, ce n’est pas possible. Personne ne
pourra le chanter à New York. » Le hasard a voulu
qu’à la même époque, j’aie rencontré des amis à
Boston qui avaient invité à dîner un Chinois, aussi
pauvre étudiant que moi, qui nettoyait des tapis et
repeignait des bâtiments pour survivre. Il se nommait
Shi-Zhen Chen... J’ai appris qu’il était originaire du
Hunan et qu’il avait appris le chant là-bas ! Il a fait un
essai devant moi : fantastique. Si bien que le lendemain, il répétait avec le New York Symphony Orchestra
au Lincoln Center, avant d’obtenir un très grand succès marquant le début de sa carrière. Et c’est cette
pièce que j’ai choisie pour la cité de la musique : d’une
part pour revivre un peu cette expérience unique, mais
aussi pour faire entendre comment la musique chu
notes de programme | 11
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
traditionnelle m’a nourri sans que je cherche à l’imiter, encore moins à la « mixer » au style occidental.
c. m. : Certains commentateurs disent pourtant que
vous opérez une synthèse. Etes-vous d’accord avec
cette appréciation ?
T. D. : Pas vraiment. Pour la bonne raison que je ne
cherche par à concilier l’inconciliable. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver une voie personnelle pour cheminer entre les cultures d’Orient et d’Occident, ou
entre les différentes échelles temporelles. Ma musique
s’offre comme un reflet du monde – multiculturel –
dans lequel je vis. Je me compare quelquefois aux
grands cuisiniers qui, sans se définir comme des chefs
« français », « italiens » ou « chinois », cherchent d’abord
à créer leur propre cuisine, avec des alliances de couleurs, de goûts et d’influences qui leur sont personnelles. Et d’une certaine manière, New York est ma
cuisine : une cuisine qui me nourrit et que je nourris.
c. m. : Vous dirigerez le concert de la cité de la
musique. Est-ce important pour vous ?
T. D. : C’est non seulement important mais presque
indispensable, puisque ma notation ne peut transcrire
que très partiellement l’idéal sonore que j’ai en tête.
Je ne dirige d’ailleurs pas à la manière occidentale,
au profit de gestes en accord avec les gestes des
chamans. Il m’arrive de ne me servir que du mouvement des yeux, parfois seulement d’un doigt. Et quelquefois je ne dirige plus, me laissant juste conduire
par les événements. Une expérience m’a profondément marqué. C’est quand j’ai dirigé Marco Polo avec
l’Orchestre de la Radio de Turin. Il y avait notamment
un passage difficile à sentir parce qu’il ne pouvait plus
être dirigé à la manière occidentale (il s’agissait d’une
boucle de sons aux cordes, avec des pizzicati).
L’orchestre a commencé à sentir le son quand je l’ai
guidé seulement des yeux, en bougeant légèrement la
12 | cité de la musique
tête pour traduire la courbe que j’entendais et en clignant des yeux pour trouver la bonne place des pizzicati. Le contact était alors établi avec les musiciens,
sans passer par une décomposition mathématique
des événements. Et c’était normal, puisque ma
musique est théâtrale, spontanée, vivante. Le dialogue
que j’établis avec des musiciens occidentaux ressemble un peu à celui des parents qui babillent avec
un nouveau-né : j’arrive à faire passer ce que je veux
par des moyens « naturels », sans artifice de langage.
Dans mon travail avec un orchestre, je tiens aussi à
ce que les musiciens n’essaient pas de jouer ma
musique avant de l’avoir entendue et visualisée intérieurement. Je demande aux musiciens de fermer les
yeux pendant plusieurs minutes et de visualiser le son
qu’ils auront à produire. Je leur demande aussi de
chanter ce qu’ils ont à jouer, car quand on chante
bien, on joue bien. Cela peut vous paraître un peu
étrange, mais je vous assure que les orchestres qui
jouent le jeu en ont tous été « remués » ; ils découvrent que la musique contemporaine n’est pas qu’affaire de technique ou de gymnastique (« plus vite, plus
brillant, plus complexe »). Ma musique fait appel à l’essence des éléments plus qu’aux éléments eux-mêmes.
c. m. : Pensez que cette « essence » est quelque chose
qui concerne finalement les musiciens occidentaux ?
T. D. : Oui, certainement. Et je le crois d’autant plus
que si les orchestres occidentaux veulent « survivre »
et avoir un avenir, c’est-à-dire vivre dans notre monde
et avoir un sens dans notre vie, ils devront se poser la
question. Il leur faut désormais embrasser toutes les
cultures ; et pas seulement celle de leur histoire mais
celles des autres peuples.
propos recueillis par Emmanuel Hondré
notes de programme | 13
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
Tan Dun
La Porte
Tan Dun
The Gate
I
I
Judge
before the next sun,
by this gate, the gate of resurrection
you three, women dead by your own hand
waiting to be reborn.
mine is the choice, to open the Gate or not !
Juge
Avant la prochaine aurore
Par cette porte, la porte de la résurrection,
Vous trois, femmes mortes de votre propre
main,
Vous espérez renaître.
Il m’appartient d’ouvrir ou non cette Porte.
Orchestra
ya... (vocalizing)
Orchestre
Oui... (vocalises)
Judge
this is the voice of the gate.
answer truly,
tell me of your death – how and why ?
Juge
Ceci est la voix de la porte.
Réponds sincèrement,
Raconte-moi ta mort – comment et pourquoi ?
Yu Ji
two thousand years ago, I was Yu Ji,
favored concubine of the king of Chu
close, loving trusting we were as man and wife.
our kingdom near the end in battle,
surrounded, peril on every side
will Chu last another day ?
Yu Ji
Il y a deux mille ans, on m’appelait Yu Ji,
Concubine et favorite du roi de Chu.
Nous vivions en époux unis, aimants, confiants.
Notre royaume presque englouti dans les combats,
Cerné par mille dangers,
Chu verra-t-il demain ?
in the tent, robed for battle, my Lord the king
sleeps.
outside, hoping to drive away my sorrow,
turning, pausing in this wilderness
covered with brilliant moonlight.
Sous la tente, dressée pour la bataille, mon
Seigneur le roi dort.
Je sors, dans l’espoir de dissiper mon chagrin.
J’erre et je m’arrête dans la campagne sauvage
Toute couverte de la brillance de la lune
what trick is this ?
why our own Chu-songs’ singing from the
enemy ?
today might be the day of our farewell...
Mais que se passe-t-il ?
Pourquoi nos chants de Chu viennent-ils des
rangs ennemis ?
Aujourd’hui risque d’être le jour de nos adieux.
my Lord, drink and listen to my song,
be soothed by my dance.
the will of the people was destroyed,
leaving us with endless tumult.
woarriors know that victory
or defeat are often in the blink of an eye.
drink, may calm attend you.
Bois, mon Seigneur, et écoute ma chanson,
Que ma danse t’apaise.
La volonté du peuple a été anéantie
Nous laissant dans un tourment sans fin.
Les guerriers savent bien que victoire
et défaite s’échangent pour un rien.
Alors, mon Seigneur, repose sous ma tente,
Bois, et que la paix veille sur toi.
14 | cité de la musique
my dear Lord, if you can break free of this siege,
our kingdom of Chu may recover.
but I, I am nothing but a burden.
now it is clear,
I shall take my life with your sword,
ending your worry about me.
Mon cher Seigneur, si tu parviens à te libérer de
ce siège,
Notre royaume de Chu peut-être se relèvera.
Mais moi, que suis-je sinon un fardeau ?
Maintenant tout est clair.
Je vais par ton épée m’ôter la vie
Et te délivrer du souci que tu as de moi.
the armies have seized our lands,
our own songs distract us on all sides,
my Lord loses resolve and fortitude.
how can I linger here ?
farewell...
Les armées ont pris possession de nos terres,
Nos propres chants nous assaillent de toutes parts,
Mon Seigneur perd sa détermination et sa force.
Comment pourrais-je demeurer ici ?
Adieu...
II
II
Judge
you, the second, the voice of the gate questions you.
answer truly, as you hope to be reborn.
tell us of your death – how and why ?
Juge
Toi, la deuxième, la voix de la porte t’interroge.
Réponds sincèrement puisque tu espères
renaître.
Raconte-nous ta mort – comment et pourquoi ?
Juliet
for never was there story of more woe
than this of Juliet and my Romeo...
Juliette
Jamais il n’y eut histoire plus désolante
Que celle de Juliette et de mon Roméo...
my only love spring from my only hate !
too early seen unknown, and known too late !
prodigious birth of love it is to me,
that must love a loathed enemy
O mon unique amour né de ma seule haine !
Inconnu trop longtemps et reconnu trop tard !
C’est pour moi une naissance prodigieuse de
l’amour
Que de devoir aimer un ennemi mortel.
come, Romeo – come, loving night...
take him and cut him in little stars,
and he will make the face of heaven so fine
that all the world will be in love with night,
and pay no worship to the garish sun...
Viens, Roméo — et toi nuit d’amour viens...
Emporte-le et change-le en un ciel d’étoiles,
Ainsi il rendra le visage du paradis si charmant
Que le monde tout entier sera amoureux de la nuit
Et se détournera du soleil vulgaire...
is ther no pity sitting in the clouds
that sees into the bottom of my grief ?...
N’y a-t-il nulle pitié au sein des nuages
Pour voir les profondeurs de ma douleur ?
give me, oh tell me not of fear !
love give me strength ; strength shall help
afford...
Romeo I come, this do I drink to thee.
why are thou yet so fair ?
shall I believe that unsubstantial death is amorous.
Donne-moi, et ne me parle pas de peur !
Amour, donne-moi la force, la force qui me
soutiendra...
Roméo me voici, c’est pour toi que je bois.
Pourquoi es-tu encore si beau ?
Dois-je croire l’immatérielle mort capable d’aimer ?
notes de programme | 15
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
poison, I see hath been his timeless end
Je vois que le poison a causé ta fin prématurée.
O churl ! drink all and leave no friendly drop
to help me after ? I will kiss thy lips ;
haply some poison yet doth hang on them,
to make me die !
Romeo, I come.
thy lips are warm,
oh happy dagger ! this is thy sheath.
Romeo, I come.
O avare ! Tu as donc tout bu et ne m’as pas
laissé une seule goutte compatissante
Pour m’aider à te suivre ? Je vais embrasser tes
lèvres ;
Un peu de poison s’y sera-t-il par chance attardé,
Qui me conduira à la mort !
Me voici, Roméo,
Tes lèvres sont chaudes.
Oh bienheureuse dague ! Ici est ton fourreau.
Roméo, me voici !
III
Juge
Et toi, Koharu,
Réponds sincèrement puisque tu espères
renaître.
À l’assistance qui siège ici pour te juger
Raconte ta mort – comment et pourquoi ?
Koharu
I was a courtesan.
a courtesan must sleep with hundreds
of men, but I am a woman.
why can’t I fall in love , or be loved
like any other ?
Jiheu-san, am I asking too much ?
Koharu
J’étais une courtisane.
Une courtisane doit coucher avec des centaines
D’hommes, mais je suis aussi une femme.
Pourquoi ne puis-je tomber amoureuse, ou
être aimée
Comme une autre ?
Jihei-san, est-ce que j’en demande trop ?
even now making excuses to Osan,
making excuses to these children,
how could I face the people aroud us
and keep on living ?
I want to be with you, but I cannot be with
you...
Même aujourd’hui, m’excusant auprès de Osan,
Et m’excusant auprès de ces enfants,
Comment pourrais-je affronter les gens qui
nous entourent
et continuer de vivre ?
Je veux être auprès de toi, mais je ne peux
pas être auprès de toi...
we may visit one hundred times
The temple that will make couples apart,
but all our promises to part come in vain,
and we are compelled to die,
we cry our to gods, shedding blood and tears,
Nous pouvons nous rendre cent fois
Au temple où se séparent les couples,
Mais tous nos espoirs de séparation restent vains
Et nous sommes condamnés à mourir.
Nous supplions les dieux, répandant sang et
larmes,
Séparez-nous, tranchez-nous, brisez-nous.
Seule la mort peut nous désunir,
16 | cité de la musique
Toi au paradis et moi en enfer
Maintenant la bruine s’alourdit en neige,
Le fleuve Shijimi se teinte de rouge,
Les larmes se déversent dans le courant
Et le font s’enfler et rugir.
La vie de Koharu ressemble à des pétales de fleur
Qui flottent un moment sur l’eau, puis sombrent.
(Koharu is in pure white kimono with pure
while hood on her head. A door opens
slowly, Koharu emerges and wander around.
The bell of earthly pleasure tolls six times in
seven and the last toll is sent from the nether
world.)
(Une porte s’ouvre lentement. Koharu, en
kimono blanc immaculé, un capuchon blanc
immaculé rabattu sur la tête, la franchit et se
met à errer. La cloche des plaisirs terrestres
sonne six de ses sept coups et le dernier
s’élève depuis les enfers.)
Koharu
telling tear-soaked respires with fingers
we cross the bridge,
at the foot if which lies the AmiJirna,
the nether world of lovers’ suicides,
the Sijimi River of no return.
our sandals place side by side
on the shores by the place of our death.
Koharu
Suffoqués de larmes
Nous traversons le pont
Qui enjambe le AmiJima,
L’enfer des amants suicidés,
Le fleuve Sijimi sans retour.
Nos sandales sont rangées côte à côte
Sur le rivage de notre mort.
conjugal bonds are said to last two lifetimes.
Jihei-san, Osan is your true wife.
I shall die alone, not by your side.
I am not meant to live in mine.
On dit que les liens conjugaux durent deux vies.
Jihei-san, Osan est ta véritable épouse.
Je mourrai seule, non à tes côtés.
Il n’est pas écrit que je vivrai dans ton âme
Ni toi dans la mienne.
Orchestra
Nami Amida Butsu...
Orchestre
Nami Amida Butsu...
III
Judge
you ! Koharu,
answer truly, as you hope to be reborn.
tell the audience, sitting in judgement
here, of your death – how and why ?
separate us, sever us, break us apart.
only death can make us apart,
you to the heaven, I to the hell.
the drizzle now turns to sleet
the Shijimi River is dyed in red
tears well up to inundate the river
making the current run swift
Koharu’s life is like flower petals floating on the
water, sinking into it.
(Anguished from suffering, Koharu pierces
her chest with a sword in hand.)
(Déchirée de douleur, Koharu se transperce
la poitrine d’une épée.)
Koharu
Jihei-san,
I will go find a place nearby, and die alone.
Koharu
Jihei-san,
Je vais trouver un endroit où mourir seule.
(A red cloth falls from the sky. Koharu snatches
the cloth and wraps herself around.)
(Une étoffe rouge tombe du ciel, Koharu s’en
empare et s’en enveloppe.)
even in the rain,
falling heavy like arrows, pierces my body,
I will hold on to the sash of your red blood.
Obstinée est la pluie
Qui tombe lourdement, tel un faisceau de
flèches criblant mon corps.
Je vais m’agripper à la ceinture écarlate de ton sang.
Je vais mourir loin de toi et non à tes côtés
I will die away from you, not on your side,
notes de programme | 17
Chine, portrait de Tan Dun
Chine, portrait de Tan Dun
for the sake of Osan and your two children.
Pour le salut de Osan et de vos deux enfants.
Judge
so much pain among you three,
And may death be the end of pain.
now, I am asking you three
do you really have courage to start again ?
Juge
Que de douleur en vous trois,
Puisse la mort sonner la fin de cette souffrance.
Et maintenant je vous demande à toutes :
Avez-vous vraiment le courage de recommencer ?
Yu Ji, Juliet, Koharu
NaMuAMiDaBuTsu...
Yu Ji, Juliette, Koharu
NaMuAMiDaBuTsu...
Judge
open the gate
let these three beautiful souls
return to life !
Juge
Ouvrez la porte,
Que ces trois belles âmes
Retournent à la vie !
Text by Tan Dun, based on traditional Peking
Opera (19th Century, China) Shakespeare (16th
Century, Englang) and Chimakatsu (18th Century,
Japan). With generous help from Mary Norton
Scherbatskoy, Jusaburo Tsujimura and Hiromi
Sakamoto.
Texte de Tan Dun d’après un classique de l’Opéra
de Pékin (XIXe siècle, Chine), Shakespeare (XVIe
siècle, Angleterre) et Chimakatsu (XVIIIe siècle,
Japon). Avec l’aide gracieuse de Mary Norton
Scherbatskoy, Jusaburo Tsujimura et Hiromi
Sakamoto.
traduction française Pierre Charras
18 | cité de la musique
biographies
Tan Dun
Né en 1957, Tan Dun fait
aujourd’hui partie des
plus authentiques compositeurs qualifiés de
« world », depuis son
apprentissage traditionnel
en Chine ensuite
confronté aux formes
occidentales de l’art
contemporain.
En 1976, il est en effet
admis à l’Opéra de Pékin
et travaille parallèlement
au Conservatoire central
de Chine (Pékin) d’où il
sort diplômé. L’année
1986 marque son installation à New York ; il est, six
ans plus tard, diplômé de
Columbia University. Ses
œuvres scéniques ont été
les plus remarquées :
Nine Songs (1989) créé
au Pace Downtown
Theatre de New York
sous sa direction (avec
des instruments traditionnels) ; Marco Polo (1995)
créé à la Biennale de
Munich, toujours sous sa
direction (sur un livret de
Paul Griffiths) ; et Peony
Pavilion (1998) co-produit
par le Festival de Vienne,
le Barbican Centre de
Londres, la MC 93 de
Bobigny et Cal
Performances of the
University of California de
Berkeley (mise en scène
de Peter Sellars). Ses
œuvres pour orchestre
sont à ce jour très nombreuses et témoignent de
son ouverture, tout autant
que de son désir de trouver une nouvelle voie
entre les cultures occidentales et asiatiques :
Concerto pour guitare et
orchestre (1996),
Concerto pour water percussion et orchestre
(1998), Death and Fire :
Dialogue with Paul Klee
(1992), Heaven Earth
Mankind (Symphony
1997) (1997), The
Intercourse of Fire and
Water (1993), On Taoism
(1985), Orchestral Theater
I-IV (1990-2000), Out of
Peking Opera
(1987/1994), Requiem
and Lullaby (1995)... Il
vient de signer la musique
originale du film de Ang
Lee Tigre et dragon (avec
le violoncelliste Yo-Yo
Ma). En 1997, il a été élu
« musicien de l’année »
par le New York Times. Il
y a quelques mois, il a été
directeur du Festival 2000
au Barbican Centre de
Londres, ce qui lui a
donné l’occasion de programmer une vaste série
de concerts intitulée Fire
Crossing Water (avec
notamment la création
britannique de Orchestral
Theatre IV : The Gate).
Song Yang
est aujourd’hui connue à
travers le monde pour
avoir interprété le rôle de
Madame Du dans Le
Pavillon aux pivoines, un
drame de vingt heures
écrit par Shi-Zhen Chen
se déroulant au temps de
la dynastie des Ming.
Song Yang est née en
1969 à Liaoning (Chine).
Depuis 1980, elle a étudié
à l’École d’opéra chinois
de Fuxuen où elle s’est
spécialisée dans les rôles
daomadan (guerrières).
Après ses études, elle est
devenue l’actrice principale de la Troupe d’opéra
chinois de Fuxuen. En
1991, elle a été admise à
l’Académie d’opéra traditionnel chinois de Pékin et
a été nommée professeur
de cette institution quatre
ans plus tard. Ses élèves
ont, dès lors, remporté de
nombreuses récompenses dans le pays, de
même qu’elle a été déclarée « meilleur professeur »
notes de programme | 19
Chine, portrait de Tan Dun
à l’École d’opéra de
Pékin. Parmi ses autres
récompenses, il faut citer
le Prix Fei-Tien pour l’interprétation d’opéra
chinois, le Prix du meilleur
acteur au Concours national des jeunes pour
l’opéra chinois et le Prix
de la meilleure interprétation au Concours d’Opéra
de Pékin. Elle s’est produite au Japon, en
Angleterre, en France, à
Singapour, en Italie, en
Australie et aux ÉtatsUnis.
Nancy Allen Lundy
a suivi ses études au
Juilliard Opera Center, tout
en étant par ailleurs
membre du Merola Opera
Program et du Aspen
Opera Center. Outre ses
études au Juilliard Center,
elle a obtenu ses diplômes
à la Eastman School of
Music et au Concordia
College (MN). En 1993-94,
elle a remporté le Sony ES
Award ; en 1995-96, le
Tausend Award (New York
City Opera) ; et en 1997 le
Sullivan Foundation Award.
Elle a fait ses débuts sur la
scène du New York City
Opera en 1994, dans le
rôle de Rosine dans Le
Barbier de Séville. Elle s’est
20 | cité de la musique
Chine, portrait de Tan Dun
ensuite produite au Festival
de Spoleto en 1995 à l’invitation de Spiros Argiris, puis
a interprété le rôle de
Sophie dans Der
Rosenkavalier aux côtés de
Renata Scotto. Elle a été
ensuite invitée, durant l’été
1998, au Houston Grand
Opera pour participer à la
production d’Arabella de
Strauss, avec Renée
Fleming et Wolfgang
Brendel (sous la direction
de Christoph Eschenbach).
Elle a fait ses débuts européens, la même année,
dans le rôle de Du Liniang
dans la production du
Peony Pavilion de Tan Dun
(mise en scène de Peter
Sellars). Durant la saison
2000-01, elle a chanté
Violetta dans La Traviata
(Dayton Opera), Sophie
dans Der Rosenkavalier
(Opera Pacific), Susanna
dans Les Noces de Figaro
(Ft. Worth Opera) et un rôle
important dans Of Mice
and Men de Curley. Elle a
également été l’interprète
de la création britannique
de The Gate à Londres au
Barbican Centre. Elle
habite actuellement à New
York et continue d’étudier
avec son professeur Arthur
Levy.
Hua Hua Zhuang
a appris l’art des marionnettes anciennes en
République populaire de
Chine. Entre 1974 et
1995, elle a été l’une des
marionnettistes les plus
en vue dans la Troupe
des marionnettes chinoises de Pékin. Avec
cette troupe, reconnue
comme la plus performante, elle a parcouru le
monde entier, tout en collaborant avec de
nombreuses chaînes de
télévision. En 1994, elle
s’est vue décerner le Prix
du meilleur directeur,
auteur et interprète au
Concours des marionnettes de Chine. Au milieu
des années 1990, Hua
Hua Zhang s’est lancée
dans une aventure commune avec Bart
Roccoberton, l’un des
principaux marionnettistes
américains, pour produire
un show américain destiné au public chinois et
devant montrer la « véritable vie aux États-Unis »,
ce qui lui a donné l’envie,
avec les responsables de
l’Université du
Connecticut, de savoir
comment elle pouvait
devenir « plus qu’une
interprète ». Elle en est
donc venue à créer un
cursus de formation de
marionnettiste dans cette
université. Durant ses
études, elle a continué à
se produire au Jim
Henson International
Festival of Puppet Arts en
1998 (avec Tango de
Termine), puis en 2000
avec Untitled de Cathy
McCullough. Durant l’été
2000, Hua Hua Zhang a
collaboré à la création de
The Gate de Tan Dun à
Londres. Elle a dessiné et
construit une marionnette
représentant le personnage de Koharu, d’après
la tradition japonaise du
théâtre Bunraku. En
2001, elle collaborera
avec le Théâtre Ming Ri
pour Playing With Klee.
Mike Newman
est un artiste et un producteur dont l’essentiel
de l’activité concerne le
design et la création de
lumières pour des performances vidéo ou
télévisuelles. Il a par
exemple travaillé à de
nombreuses reprises pour
la BBC TV, ainsi que pour
d’autres productions à
travers le monde. Il a été
amené, à travers ces projets, à collaborer avec le
trompettiste de jazz
Wynton Marsalis et le
ténor José Carreras, ainsi
qu’avec des compositeurs comme Sir Peter
Maxwell Davies et Sally
Beamish. Dans le
domaine de la danse, il a
travaillé avec les chorégraphes Martha Clarke et
Julie Taymor, ce travail
ayant donné lieu à des
mises à l’écran, tout
comme ses productions
d’opéra (Le Téléphone de
Menotti, La Voix humaine
de Poulenc...) pour Decca
Video. Mike Newman cultive une palette très variée
de centres d’intérêt, ce
dont témoignent ses
récentes productions
avec BB2 drama (Mrs
Warren’s Profession) et
avec le Chamber Music
Group of Scotland (The
Elements). S’étant par
ailleurs passionné pour la
culture chinoise, il a, en
1998, dirigé le festival
New Chinese Music qui
avait pour but d’introduire
l’œuvre des jeunes compositeurs chinois en
Europe. Il a régulièrement
collaboré avec le compositeur Tan Dun,
notamment pour le documentaire Soundshape,
pour la création de Work
and Process
(Guggenheim Museum de
New York), pour Red
Forecast (pour soprano et
orchestre) et pour
Awaking the Bells (un programme pour BBC TV
autour de Symphony
1997 de Tan Dun).
Sarah Ioannides
est née à Canberra
(Australie). Elle a étudié le
violon, le piano et le cor
en Angleterre, avant d’obtenir un Master of Art à
Oxford University. En
même temps qu’elle a
poursuivi ses études instrumentales au Somerville
College, elle a commencé
la direction d’orchestre en
devenant chef du Oxford
Philharmonia et concertmaster de l’Oxford
University Orchestra and
Opera. Elle obtient
ensuite son diplôme de
direction à la Guildhall
School of Music de
Londres. Sa première
prestation importante a
immédiatement été
remarquée par la presse ;
il s’agissait de The
Woodlanders de Stephen
Paulus, avec l’Oxford
University Opera. En
1996, elle est admise au
Curtis Institute, puis à la
notes de programme | 21
Chine, portrait de Tan Dun
Juilliard School de New
York où elle obtient son
Master de direction d’orchestre, tout en étant
considérée comme l’assistante de son
professeur Otto-Werner
Mueller. En 1997, elle est
engagée comme
Resident conductor et
comme Associate in
Performance au
Swarthmore College.
L’Opera Company de
Philadelphie l’engage
ensuite comme chefassistante. Elle bénéficie
par ailleurs d’une bourse
pour aller étudier à SaintPétersbourg (grâce à la
Pressler Foundation). En
mai 2000, elle a été invitée à diriger le Kyoto
International Students
Music Festival (Japon).
Elle a travaillé très régulièrement avec le
compositeur Tan Dun,
tout comme elle a créé
des œuvres de Louis
Andriessen, Richard
Danielpour et Stephen
Paulus. Parmi les formations avec lesquelles elle
a travaillé, il faut citer : le
BBC Concert Orchestra,
l’Orchestre de la Radio
flamande, le RIAS
Kammerchor et les
London Voices. Elle a été
22 | cité de la musique
Chine, portrait de Tan Dun
assistante au Covent
Garden Festival (avec le
British Youth Opera), au
Festival d’Évian et au
Festival de Spoleto. En
septembre 2000, elle a
été engagée comme
chef-assistante et comme
coordinatrice de production pour la mise en
œuvre du festival Fire
Crossing Water donné
par le BBC Symphony
Orchestra et le London
Sinfonietta au Barbican
Centre de Londres
(notamment pour la création de The Gate de Tan
Dun). Durant la saison
2001-2002, elle est invitée à diriger à Paris,
Tokyo, Stuttgart et
Shanghai.
Chen Tao
est actuellement connu à
New York pour avoir été
le fondateur de l’ensemble Melody of
Dragon, Inc. et du
Chinese Music Ensemble
de cette ville. Avant de
s’installer aux États-Unis,
Chen Tao était professeur
associé au Conservatoire
central de musique de
Chine, membre de
l’Association des
Musiciens chinois et
membre de l’Association
des instrumentistes traditionnels chinois. En 1986,
Chen Tao a été diplômé
du Conservatoire central
de Chine, dans le
Département de musique
traditionnelle. Son jeu instrumental allie l’élégance
raffinée de l’école du Sud
à la robustesse de l’école
du Nord. Chen Tao n’est
pas seulement un spécialiste des flûtes xiao et
xun ; il est aussi un virtuose sur d’autres
instruments à vent (bawu,
koudi, chiba...). En 1989,
il remporte la première
place au Concours national des Instruments
traditionnels, ce qui lui a
donné l’occasion de se
produire dans le monde
entier (États-Unis,
Allemagne, Italie, France,
Grande-Bretagne, PaysBas, Finlande, Suède,
Singapour, Hong Kong,
Taiwan, Macao...). En
1993, il s’installe aux
États-Unis pour se produire sur les plus grandes
scènes (Lincoln Center,
New Jersey Performing
Arts Center, China
Institute...). On a même
pu l’entendre dans différents films hollywoodiens
(Seven Years in Tibet,
Corrupter avec le New
York Philharmonic), ainsi
que dans le documentaire
Under the Red Flag
(PBS). Il a collaboré à de
nombreuses reprises
avec des compositeurs
contemporains comme
Tan Dun, Zhou Long,
Chen Yi, Joan La
Barbara, Joel Goodman,
Carter Burwell et Qu
XiaoSong.
Orchestre national de
Lyon
Héritier de la Société des
Grands Concerts de Lyon
fondée en 1903,
l’Orchestre national de
Lyon s’enorgueillit d’un
passé prestigieux auquel
ont contribué André
Cluytens, Charles Munch,
Ernest Ansermet, Pierre
Monteux, Paul Paray,
Georges Prêtre et Otto
Ackermann. Il est aujourd’hui administré et
soutenu par la Ville de
Lyon, qui l’a institué en un
orchestre permanent de
102 musiciens en 1969, et
l’a doté, en 1975, d’une
salle de concerts. Se sont
succédés comme chefs
permanents : Louis
Frémaux de 1969 à 1971,
Serge Baudo de 1971 à
1986, Emmanuel Krivine
de 1987 à 1999 et David
Robertson depuis septembre 2000. Sous
l’appellation nouvelle
d’Orchestre national de
Lyon, il se consacre,
depuis 1985, au répertoire
symphonique et connaît,
sous l’impulsion
d’Emmanuel Krivine, un
renouveau qui a été
reconnu unanimement par
la critique internationale
lors de ses récentes tournées aux États-Unis, au
Japon et en Allemagne.
L’Orchestre collabore
désormais régulièrement
avec des chefs aussi
renommés que Kurt
Sanderling, John Nelson,
Rafael Frühbeck de
Burgos, Eliahu Inbal,
Neeme Järvi, Guennady
Rojdestvensky, Jerzy
Semkow et Leonard
Slatkin ; et invite les plus
grands solistes actuels :
Martha Argerich, José van
Dam, Shlomo Mintz, Maria
João Pires, Gidon Kremer,
Isaac Stern, Yo-Yo Ma,
Krystian Zimerman, Gil
Shaham, Maxim Vengerov,
Augustin Dumay…
Défenseur de la musique
de notre temps,
l’Orchestre national de
Lyon a accueilli récemment quelques grands
compositeurs de ce siècle
venus diriger leurs œuvres,
tels Luciano Berio ou
Krzysztof Penderecki. Il a
fait découvrir en première
audition au public européen des pièces d’Elliott
Carter et Toru Takemitsu.
L’Orchestre, sous la direction de David Robertson,
vient d’enregistrer un programme entièrement
consacré à Ginastera, à
paraître chez Naïve. En
avril 2001, est prévu également l’enregistrement,
pour Le Chant du Monde,
de Sarka de Janacek avec
le Chœur de la Radio de
Prague. L’Orchestre national de Lyon est
actuellement dirigé par
David Robertson (directeur musical), Anne
Poursin (directrice générale) et Nathalie Tiberghien
(coordinatrice artistique).
flûtes
Jean Moreau °
France Verrot
Benoît Le Touzé
hautbois
Jérôme Guichard °
Philippe Cairey-Remonay
clarinettes
François Sauzeau °
Olivier Derbesse
Michel Bontoux
notes de programme | 23
Chine, portrait de Tan Dun
bassons
violons I
contrebasses
Olivier Massot °
Giovanni Radivo (supersoliste)
Botond Kostyak °
Louis-Hervé Maton °
Yves Chalamon
Daniel Billon
André Cornard
Roman Zgorzalek
Benoït Nicolas
Constantin Corfu
Gérard Frey
cors
Philippe Lumbus
Yves Stocker °
Claudie Boisselier
Joël Nicod
Anne Rouch
Patrick Rouch
Annabelle Faurite
° musiciens solistes
* musiciens supplémentaires
Serge Leriche
violons II
trompettes
Anne Ménier °
Christian Léger °
Mireille Monin
Arnaud Geffray
Keiko Chimoto
Michel Haffner
Marie-Claire Moissette
Monique Lumbus
trombones
Bernard Boulfroy
Philippe Cauchy °
Marie-France Poirier
Frédéric Boulan
Sylvie Diou
Jean Gotthold
altos
tuba
Jean-Pascal Oswald °
Christian Delange °
Fabrice Lamarre
Valérie Jacquart
technique
cité de la musique
régie générale
Joël Simon
régie plateau
timbales
Catherine Bernold
Benoît Cambreling °
Alain Asanovic
Eric Briault
Vincent Hugon
régie lumières
percussions
Franck Lombard
Michel Visse °
Marie Gaudin
Joël Boscher
régie son
Bruno Morain
Michel Gauthier-Murty
technique
Romero Montero *
violoncelles
Minh-Tan N’Guyen *
Nicolas Hartmann °
Hervé Voirin *
Fernando Rapetti °
Frédéric Jeannin *
Marie-Jo Desgranges °
Jean-Michel Mathé
Vincent Falque
régisseur adjoint
piano
Stephen-Maurice Favre
Céline Cottin *
Dominique Denni
Jean-Etienne Tempo
harpe
Odile Abrell *
24 | cité de la musique
Orchestre national de Lyon
régie générale
Georges Gomez
techniciens d’orchestre
Daniel Adjou
Didier Guillaud
André Duret