chine-portrait tan dun - Philharmonie de Paris
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chine-portrait tan dun - Philharmonie de Paris
André Larquié président Brigitte Marger directeur général Dans le cadre de l’exposition La Voix du dragon consacrée aux trésors archéologiques et à l’art campanaire de la Chine ancienne, la cité de la musique a le plaisir de vous présenter ce portrait du compositeur Tan Dun, chinois d’origine mais passionné depuis de nombreuses années par les liens que peuvent entretenir aujourd’hui les cultures d’Orient et d’Occident. Les trois œuvres du programme sont données en création française et reflètent, chacune à leur manière, la réalité de ces échanges. The Gate (quatrième volet de la série Orchestral Theatre) vient d’être créé le 25 novembre 2000 à Tokyo (par le NHK Symphony Orchestra, dir. Charles Dutoit) et fait dialoguer trois personnages considérés comme des mémoires de leur culture : Yu Ji (d’après Adieu ma concubine, un opéra de Pékin du XIXe siècle), Juliette (d’après Roméo et Juliette de Shakespeare) et la marionnette Koharu (d’après Les Suicides de l’amour de Chikamatsu, XVIIIe siècle, Japon). Les deux autres œuvres (On Taoism et Orchestral Theatre I : Xun) s’inspirent de la spiritualité asiatique et du pouvoir évocateur propres aux instruments traditionnels chinois pour construire un dialogue avec l’orchestre symphonique, considéré comme l’archétype de la musique occidentale. jeudi 25 janvier - 20h salle des concerts portrait de Tan Dun Tan Dun Orchestral Theatre IV : The Gate (création française) (texte de Tan Dun, voir trad. page 15) durée : 50 minutes Tan Dun, direction Song Yang, actrice de l’Opéra de Pékin (rôle de Yu Ji inspiré de Adieu ma concubine, Opéra de Pékin, XIXe s.) Nancy Allen Lundy, soprano (rôle de Juliette inspiré de Roméo et Juliette de Shakespeare) Hua Hua Zhang, marionnettes (rôle de Koharu inspiré des Suicides de l’amour de Chikamatsu, XVIIIe s., Japon) Mike Newman, création vidéo Sarah Ioannides, assistante de Tan Dun Orchestre national de Lyon entracte Tan Dun On Taoism (création française) durée : 15 minutes Tan Dun, direction Nancy Allen Lundy, vocalises Michel Bontoux, clarinette basse André Cornard, contrebasson Orchestre national de Lyon Orchestral Theatre I : Xun (création française) durée : 20 minutes Tan Dun, direction Chen Tao, xun (instrument à vent en céramique) Orchestre national de Lyon durée du concert (entracte compris) : 1h45 Chine, portrait de Tan Dun Tan Dun Orchestral Theatre Orchestral Theater IV : The Gate 4 | cité de la musique Chine, portrait de Tan Dun La série Orchestral Theatre est le fruit des recherches de Tan Dun qui, pendant dix ans, a tenté d’abolir le contraste apparent entre le rituel « primitif » et l’expérience du concert public vécue par les exécutants et les spectateurs, ainsi qu’entre les cultures occidentales et orientales. Cette série, qui s’étend sur la période 19891999, a atteint son terme au cours des dernières années du XXe siècle et constitue une ouverture pour les compositions que Tan Dun proposera au XXIe siècle. Orchestral Theatre I : Xun est consacré à la confrontation entre des sonorités non occidentales et un orchestre occidental ; cette pièce remet parallèlement en question le dogme selon lequel les interprètes de l’orchestre se limitent à jouer de leur instrument. Orchestral Theatre II : Re s’attache à l’implication du public dans le rituel et à la disposition non conventionnelle des participants du concert. Quant à Prévision Rouge : Orchestral Theatre III, il s’agit de la première incursion de Tan Dun dans la vidéomusique. Dans cette œuvre où les bulletins météo tiennent lieu de métaphore, le compositeur s’applique à utiliser la vidéo comme moyen de documentation (par les nouvelles, les sons, les chansons et les textes ) ainsi que comme contrepoint à la musique elle-même. Avec Orchestral Theatre IV : The Gate, Tan Dun va encore plus loin dans son exploration du multimédia et du multiculturalisme. « À l’approche du nouveau millénaire, explique Tan Dun, on a fréquemment demandé aux compositeurs ce qu’ils souhaitaient exprimer. Pour ma part, en travaillant sur cette nouvelle création pour l’an 2000, j’ai compris que ce que je voulais, c’était rendre hommage à ces êtres qui se sont sacrifiés pour l’amour véritable. » À la porte que doivent franchir les âmes pour renaître, trois femmes, s’étant suicidées par amour, attendent le jugement dans le quatrième volet de la série de Tan Dun, Orchestral Theatre. Aux côtés de Yu-Ji, héroïne de Adieu ma Concubine (Opéra de Pékin, XIXe siècle), et de la Juliette du Roméo et Juliette de William Shakespeare (Angleterre, XVIe siècle), Tan Dun a choisi de présenter Koharu, le personnage des Suicides d’Amour à Amijima Chikamatsu (Japon, XVIIIe siècle). Le compositeur précise plus loin : « Il y a de nos jours un manque d’amour si profond ; la résurrection de ces trois femmes m’est apparue comme une tâche symbolique très importante. » Trois voix, trois histoires Ces trois histoires, extraites de trois traditions narratives, ont comme point de départ et comme thème central « l’amour fatal » qui s’accomplit tragiquement sous la pression de circonstances extérieures. Ce que les personnages ont en commun fonctionne comme un thème et ses variations, comme un gabarit qui est la base du concept musical de Tan Dun pour The Gate. Pour créer la partition de The Gate, Tan Dun s’est imposé un défi : conserver leur identité à des histoires qui exigent trois factures différentes et illustrent des traditions distinctes, tout en sauvegardant une ligne musicale fluide les liant les unes aux autres. Tan Dun s’est rendu compte que sa conception de la musique lui apportait une solution : « Dans mon esprit, toutes les musiques – qu’elles soient orientales ou occidentales – sont une. » C’est pourquoi il utilise le même matériau musical de bout en bout, mais traite les parties correspondant aux personnages à travers des styles caractéristiques des différentes coutumes nationales, linguistiques, théâtrales et médiatiques. Le premier mouvement de l’œuvre contient les éléments qui seront développés par la suite. Les signes musicaux authentiques de l’esprit Opéra de Pékin du mouvement de Yu Ji – le « petit ruisseau » mélodique de Tan Dun – deviennent un « ample fleuve » pour le mouvement de Juliette dans la « grande » tradition de l’opéra occidental. Dans le mouvement de Koharu, le motif original de l’Opéra de Pékin se fait plus abstrait et théâtral, mais retrouve la marque reconnaissable de l’art oriental. Tan Dun est arrivé à de telles conclusions à la suite d’une réflexion sur son parcours. Après une enfance à la campagne, un apprentissage musical et personnotes de programme | 5 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun nel en plein Manhattan et de nombreux voyages de par le monde, Tan Dun s’est découvert une tendance naturelle à briser les barrières habituelles entre les cultures et les formes artistiques. « C’est parce que cette œuvre s’aventure dans l’expérimentation que je la ressens comme étant au plus près de mes rêves » déclare-t-il. C’est pourquoi il tient à poursuivre ses recherches et son combat pour le métissage culturel à travers l’utilisation du multimédia. Tan Dun a collaboré avec des artistes associés aux traditions des trois héroïnes. Chacune raconte une histoire avec sa propre voix : Yu Ji est interprétée par une actrice de l’Opéra de Pékin, Juliette par une soprano lyrique occidentale, et Koharu par une marionnettiste japonaise. Par respect pour les voix anciennes et immuables des personnages et de leurs auteurs, Tan Dun a puisé les termes de son livret dans les textes originaux. scène et vidéo 6 | cité de la musique Pour souligner encore l’aspect éternel et cependant actuel de l’œuvre, Tan Dun a imaginé une disposition scénique intégrant le public à l’action. En plus des interprètes, Tan Dun a invité un vidéaste à prendre part à cette création. Contrairement à l’élément vidéo de Prévision Rouge : Orchestral Theatre III, qui employait du matériel filmique préexistant, The Gate propose des images vidéo captées en direct sur scène tout au long de la représentation. L’intention de Tan Dun consiste à établir des alliances dramatiques nouvelles grâce à ce médium, en soulignant certains moments de l’action se déroulant sur scène – en intensifiant l’expérience vivante pour le public et en rendant le spectacle à la fois plus réel. La disposition de l’orchestre permettra à l’auditoire d’être « au cœur du son » grâce aux violons qui entoureront l’espace où il est installé. La salle de concert figure une cour de justice siégeant en enfer avec les spectateurs confrontés non seulement à un événement musical, mais également témoins de la défense des héroïnes, de leurs vies et de leurs amours. Dans la ligne d’Orchestral Theatre, qui interroge et expérimente les différents rôles que peuvent jouer tous les éléments rassemblés dans la salle de concert, les participants, qui ne sont pas d’ordinaire engagés dans l’action scénique, sont concernés directement. L’idée de l’omniscience du chef d’orchestre est plaisamment exploitée puisque le rôle du juge lui est confié ; l’orchestre incarne un corps compatissant envers les personnages, et il lui arrive de vocaliser ; le public est lui-même impliqué dans l’intrigue lorsque le juge demande : « Réponds sincèrement puisque tu espères renaître. À l’assistance qui siège ici pour te juger, raconte ta mort... » Lori Yamato (traduction Pierre Charras) Tan Dun On peut imaginer Tan Dun, en 1990, alors qu’il comOrchestral Theatre I : Xun posait cette œuvre, s’efforçant de trouver des réponses à diverses questions qu’il ne devait formuler que bien plus tard : « Un orchestre classique peut-il avoir un son non classique, et si oui, comment ? » « Est-il capable de transmettre le sens d’une autre culture, le rituel de ses instruments et de ses voix ? » « Est-ce que ce qu’on rencontre couramment dans les fêtes populaires et le théâtre chinois peut-être rendu par un orchestre occidental ? » « À quoi ressembleraient des sons primitifs avec une harmonie occidentale ? » « Pourquoi la harpe devrait-elle rester la harpe et le koto rester le koto, séparés à jamais l’un de l’autre ? » Dès le début du morceau, la harpe occidentale semble se mettre en quête justement des possibilités évoquées ici, pour se rapprocher autant que possible des sonorités du koto japonais, en un bref solo qui émerge des souffles de l’orchestre. Plus tard, les cordes seules imitent la haute tessiture et le débit continu des acteurs de l’Opéra chinois, dans un passage qui se termine par un rire stylisé du tuba, obtenu par l’interprète en tapotant l’embouchure de la paume de la main. Dans les deux cas, l’effet inhabituel recherché consiste à tirer des instruments certains sons rappelant la voix humaine. Plus profondément, au-delà de la mise en parallèle des sonorités (sonorités orientales, sonorités vocales), notes de programme | 7 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun l’œuvre propose un orchestre qui aurait presque tout oublié de ce qu’il savait de la grande tradition occidentale – même s’il existe dans la partition de Tan Dun certains échos des complaintes mélodiques des cordes de Chostakovitch, du contrepoint de Bach et de la richesse harmonique de Debussy ou de Messiaen – et serait parti s’exiler dans quelque village perdu de Chine, ce qu’a fait le compositeur quand il était jeune. Après ce long voyage imaginaire, la mission de l’orchestre est toujours de faire de la musique, mais dans une telle situation elle prendra une signification différente. Il s’agit d’éveiller l’esprit, de participer à un rituel. Ce rituel débute avec un xun, flûte chinoise en céramique qui s’apparente un peu à l’ocarina d’Amérique du Sud. Tan Dun a fait fabriquer, spécialement pour lui, une série de ces instruments par Ragnar Naess, un ami potier de New York, et l’œuvre s’ouvre avec le soliste accompagné par dix autres xuns, confiés à la section des bois de l’orchestre. Contrairement aux instruments occidentaux classiques, ces xuns transmettent directement le bruit de la respiration, le bruit de l’être humain qui crée la musique. Et plus tard, ces êtres humains vont faire entendre leur réalité encore plus nettement, lorsqu’ils crieront et murmureront, abandonnant tout à fait – même si ce n’est qu’une image – les nœuds papillons et les robes du soir qui constituent les signes obligés des concerts occidentaux. Au fur et à mesure que l’œuvre se déroule, elle nous montre une dramaturgie interprétée par les solistes et les ensembles instrumentaux (allant parfois jusqu’à l’idée de foules) – une dramaturgie qui, comme dans tous les opéras, qu’ils soient de l’Est ou de l’Ouest, charrie de fortes passions et des retournements soudains. Il en résulte un paroxysme, principalement l’œuvre des bois qui se livrent à une intense incantation. Après quoi, le calme revient et le morceau se termine avec les seuls sons des xuns et du souffle humain. Paul Griffiths (traduction Pierre Charras) 8 | cité de la musique Tan Dun : un chinois citoyen du monde Après le succès du Pavillon aux pivoines (Peony Pavilion) créé à Bobigny en 1998, le compositeur Tan Dun – New-yorkais d’adoption mais plus Chinois que jamais – revient à Paris pour une série de créations françaises illustrant les différentes facettes de son style absolument unique : un style qui trace une voie nouvelle entre les cultures d’Occident et de la Chine ancienne. cité de la musique : Pouvez-vous nous expliquer ce que constitue, pour un créateur comme vous, le fait de s’inspirer d’une culture ancestrale comme la culture chinoise ? Tan Dun : D’abord il n’y a pas une mais plusieurs cultures chinoises. Pour aller vite, on distingue celle du Nord localisée dans la région du Fleuve Jaune : celle qui a longtemps été considérée comme la culture « officielle »... d’ailleurs souvent la seule connue par les Occidentaux. Et puis il y a la culture chu de la Chine du Sud, localisée dans les montagnes et associée par les autorités du pays aux minorités ethniques. Je suis, pour ma part, issu de cette dernière culture, étant originaire de la région du Hunan. Cette culture se caractérise par le culte de la nature et des esprits, ainsi que par le rôle très important que jouent les chamans, censés communiquer avec ces esprits. Le chant, le théâtre et la musique : toutes ces formes artistiques sont utilisées par la culture chu pour parler de la vie et de la mort, et en particulier des vies antérieures et des vies futures qui appartiennent à chaque être. C’est cette culture que je partage avec Shi-Zhen Chen, bien connu maintenant du public français pour avoir dirigé la production du Pavillon aux pivoines « traditionnel » donné au Parc de La Villette il y a un an, durant six soirées d’affilée. Mao Tsé-toung était aussi issu de la culture chu ; mais le drame avec lui, c’est qu’il a presque réussi, durant la Révolution culturelle, à détruire avec obstination les traces de cette culture. Un peu comme s’il se détruisait lui-même... notes de programme | 9 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun c. m. : Comment se manifeste cette culture dans vos œuvres ? T. D. : Je la fais vivre sans la citer, mais en l’actualisant en fonction de mon propre itinéraire. Comme une recréation. J’ai d’abord étudié la composition à Pékin : la composition dans le style « traditionnel » chinois et la composition « occidentale » avec son lot de combinaisons presque scientifiques destinées à l’élaboration des différents paramètres (hauteurs, rythme, durées...). C’est à cette époque que j’ai commencé à prendre conscience des limites de la musique écrite « avec des notes » ou des hauteurs classées. La musique traditionnelle chinoise, de tradition orale, ne se conçoit pas en notes, mais en sons. Vous n’avez donc pas besoin de fractionner la multitude des sons : vous pouvez vous immerger dans un univers presque infini, comme si vous nagiez dans un océan de sons. Si l’on prend l’image du chocolat, c’est comme si les Occidentaux n’aimaient le chocolat qu’en tablettes ou en carrés... Alors que les Chinois l’aiment fondu, fondant, libre. Un vrai problème s’est posé à moi lorsque j’ai dû « écrire » ma musique, sans en oblitérer la souplesse. Je n’ai alors rien trouvé de mieux que d’inventer ma propre notation, en particulier celle des lignes vocales dont je voulais préserver la très grande flexibilité (à la manière des chamans). Le système que j’ai adopté est résolument visuel, linéaire, graphique : je trace cinq lignes par portée pour donner des repères élémentaires (registres très bas, bas, moyen, haut, très haut) ; et sur ces lignes, je « dessine » ma musique, à la manière d’une libre calligraphie. c. m. : C’est cela qui vous rapproche des chamans ? T. D. : Oui, dans la mesure où un chaman ne se préoccupe pas de savoir s’il chante un do, un ré ou un la ; ni même de raisonner en intervalles ou de savoir si ce qu’il chante est consonant ou dissonant. Pour lui, 10 | cité de la musique seul compte le fait de traduire les gestes invisibles des esprits. Telle courbe stylisera le chant du typhon ; telle autre le bruit des ailes d’un oiseau. J’ai une fois demandé à un chaman à quoi il pensait dans ses incantations : il m’a simplement répondu qu’il pensait à luimême… à lui-même il y a deux mille ans, lorsqu’il était une grenouille… En fait, un chaman mêle, dans son chant, l’homme et la nature, le passé et l’avenir. J’ai tenté ce genre de parallèle dans mon opéra Marco Polo. La première partie de l’œuvre fait allusion à un parcours d’ordre physique, en référence à la route de la Soie sinuant entre l’Italie et la Chine. La seconde partie illustre l’idée d’un autre parcours, plus spirituel, entre le passé et l’avenir (avec notamment des textes de Dante et du poète chinois Li-Tai-Po dont s’est aussi inspiré Gustav Mahler dans le Chant de la Terre). c. m. : Quand vous vous êtes installé à New York en 1986, comment ont réagi les musiciens occidentaux que vous avez rencontrés ? T. D. : Ma première grande expérience a eu lieu avec le New York Symphony Orchestra dont le directeur s’était intéressé à ma pièce On Taoism. Quand je lui ai montré la partition, il m’a immédiatement répondu : « Ah non ! Ça, ce n’est pas possible. Personne ne pourra le chanter à New York. » Le hasard a voulu qu’à la même époque, j’aie rencontré des amis à Boston qui avaient invité à dîner un Chinois, aussi pauvre étudiant que moi, qui nettoyait des tapis et repeignait des bâtiments pour survivre. Il se nommait Shi-Zhen Chen... J’ai appris qu’il était originaire du Hunan et qu’il avait appris le chant là-bas ! Il a fait un essai devant moi : fantastique. Si bien que le lendemain, il répétait avec le New York Symphony Orchestra au Lincoln Center, avant d’obtenir un très grand succès marquant le début de sa carrière. Et c’est cette pièce que j’ai choisie pour la cité de la musique : d’une part pour revivre un peu cette expérience unique, mais aussi pour faire entendre comment la musique chu notes de programme | 11 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun traditionnelle m’a nourri sans que je cherche à l’imiter, encore moins à la « mixer » au style occidental. c. m. : Certains commentateurs disent pourtant que vous opérez une synthèse. Etes-vous d’accord avec cette appréciation ? T. D. : Pas vraiment. Pour la bonne raison que je ne cherche par à concilier l’inconciliable. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver une voie personnelle pour cheminer entre les cultures d’Orient et d’Occident, ou entre les différentes échelles temporelles. Ma musique s’offre comme un reflet du monde – multiculturel – dans lequel je vis. Je me compare quelquefois aux grands cuisiniers qui, sans se définir comme des chefs « français », « italiens » ou « chinois », cherchent d’abord à créer leur propre cuisine, avec des alliances de couleurs, de goûts et d’influences qui leur sont personnelles. Et d’une certaine manière, New York est ma cuisine : une cuisine qui me nourrit et que je nourris. c. m. : Vous dirigerez le concert de la cité de la musique. Est-ce important pour vous ? T. D. : C’est non seulement important mais presque indispensable, puisque ma notation ne peut transcrire que très partiellement l’idéal sonore que j’ai en tête. Je ne dirige d’ailleurs pas à la manière occidentale, au profit de gestes en accord avec les gestes des chamans. Il m’arrive de ne me servir que du mouvement des yeux, parfois seulement d’un doigt. Et quelquefois je ne dirige plus, me laissant juste conduire par les événements. Une expérience m’a profondément marqué. C’est quand j’ai dirigé Marco Polo avec l’Orchestre de la Radio de Turin. Il y avait notamment un passage difficile à sentir parce qu’il ne pouvait plus être dirigé à la manière occidentale (il s’agissait d’une boucle de sons aux cordes, avec des pizzicati). L’orchestre a commencé à sentir le son quand je l’ai guidé seulement des yeux, en bougeant légèrement la 12 | cité de la musique tête pour traduire la courbe que j’entendais et en clignant des yeux pour trouver la bonne place des pizzicati. Le contact était alors établi avec les musiciens, sans passer par une décomposition mathématique des événements. Et c’était normal, puisque ma musique est théâtrale, spontanée, vivante. Le dialogue que j’établis avec des musiciens occidentaux ressemble un peu à celui des parents qui babillent avec un nouveau-né : j’arrive à faire passer ce que je veux par des moyens « naturels », sans artifice de langage. Dans mon travail avec un orchestre, je tiens aussi à ce que les musiciens n’essaient pas de jouer ma musique avant de l’avoir entendue et visualisée intérieurement. Je demande aux musiciens de fermer les yeux pendant plusieurs minutes et de visualiser le son qu’ils auront à produire. Je leur demande aussi de chanter ce qu’ils ont à jouer, car quand on chante bien, on joue bien. Cela peut vous paraître un peu étrange, mais je vous assure que les orchestres qui jouent le jeu en ont tous été « remués » ; ils découvrent que la musique contemporaine n’est pas qu’affaire de technique ou de gymnastique (« plus vite, plus brillant, plus complexe »). Ma musique fait appel à l’essence des éléments plus qu’aux éléments eux-mêmes. c. m. : Pensez que cette « essence » est quelque chose qui concerne finalement les musiciens occidentaux ? T. D. : Oui, certainement. Et je le crois d’autant plus que si les orchestres occidentaux veulent « survivre » et avoir un avenir, c’est-à-dire vivre dans notre monde et avoir un sens dans notre vie, ils devront se poser la question. Il leur faut désormais embrasser toutes les cultures ; et pas seulement celle de leur histoire mais celles des autres peuples. propos recueillis par Emmanuel Hondré notes de programme | 13 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun Tan Dun La Porte Tan Dun The Gate I I Judge before the next sun, by this gate, the gate of resurrection you three, women dead by your own hand waiting to be reborn. mine is the choice, to open the Gate or not ! Juge Avant la prochaine aurore Par cette porte, la porte de la résurrection, Vous trois, femmes mortes de votre propre main, Vous espérez renaître. Il m’appartient d’ouvrir ou non cette Porte. Orchestra ya... (vocalizing) Orchestre Oui... (vocalises) Judge this is the voice of the gate. answer truly, tell me of your death – how and why ? Juge Ceci est la voix de la porte. Réponds sincèrement, Raconte-moi ta mort – comment et pourquoi ? Yu Ji two thousand years ago, I was Yu Ji, favored concubine of the king of Chu close, loving trusting we were as man and wife. our kingdom near the end in battle, surrounded, peril on every side will Chu last another day ? Yu Ji Il y a deux mille ans, on m’appelait Yu Ji, Concubine et favorite du roi de Chu. Nous vivions en époux unis, aimants, confiants. Notre royaume presque englouti dans les combats, Cerné par mille dangers, Chu verra-t-il demain ? in the tent, robed for battle, my Lord the king sleeps. outside, hoping to drive away my sorrow, turning, pausing in this wilderness covered with brilliant moonlight. Sous la tente, dressée pour la bataille, mon Seigneur le roi dort. Je sors, dans l’espoir de dissiper mon chagrin. J’erre et je m’arrête dans la campagne sauvage Toute couverte de la brillance de la lune what trick is this ? why our own Chu-songs’ singing from the enemy ? today might be the day of our farewell... Mais que se passe-t-il ? Pourquoi nos chants de Chu viennent-ils des rangs ennemis ? Aujourd’hui risque d’être le jour de nos adieux. my Lord, drink and listen to my song, be soothed by my dance. the will of the people was destroyed, leaving us with endless tumult. woarriors know that victory or defeat are often in the blink of an eye. drink, may calm attend you. Bois, mon Seigneur, et écoute ma chanson, Que ma danse t’apaise. La volonté du peuple a été anéantie Nous laissant dans un tourment sans fin. Les guerriers savent bien que victoire et défaite s’échangent pour un rien. Alors, mon Seigneur, repose sous ma tente, Bois, et que la paix veille sur toi. 14 | cité de la musique my dear Lord, if you can break free of this siege, our kingdom of Chu may recover. but I, I am nothing but a burden. now it is clear, I shall take my life with your sword, ending your worry about me. Mon cher Seigneur, si tu parviens à te libérer de ce siège, Notre royaume de Chu peut-être se relèvera. Mais moi, que suis-je sinon un fardeau ? Maintenant tout est clair. Je vais par ton épée m’ôter la vie Et te délivrer du souci que tu as de moi. the armies have seized our lands, our own songs distract us on all sides, my Lord loses resolve and fortitude. how can I linger here ? farewell... Les armées ont pris possession de nos terres, Nos propres chants nous assaillent de toutes parts, Mon Seigneur perd sa détermination et sa force. Comment pourrais-je demeurer ici ? Adieu... II II Judge you, the second, the voice of the gate questions you. answer truly, as you hope to be reborn. tell us of your death – how and why ? Juge Toi, la deuxième, la voix de la porte t’interroge. Réponds sincèrement puisque tu espères renaître. Raconte-nous ta mort – comment et pourquoi ? Juliet for never was there story of more woe than this of Juliet and my Romeo... Juliette Jamais il n’y eut histoire plus désolante Que celle de Juliette et de mon Roméo... my only love spring from my only hate ! too early seen unknown, and known too late ! prodigious birth of love it is to me, that must love a loathed enemy O mon unique amour né de ma seule haine ! Inconnu trop longtemps et reconnu trop tard ! C’est pour moi une naissance prodigieuse de l’amour Que de devoir aimer un ennemi mortel. come, Romeo – come, loving night... take him and cut him in little stars, and he will make the face of heaven so fine that all the world will be in love with night, and pay no worship to the garish sun... Viens, Roméo — et toi nuit d’amour viens... Emporte-le et change-le en un ciel d’étoiles, Ainsi il rendra le visage du paradis si charmant Que le monde tout entier sera amoureux de la nuit Et se détournera du soleil vulgaire... is ther no pity sitting in the clouds that sees into the bottom of my grief ?... N’y a-t-il nulle pitié au sein des nuages Pour voir les profondeurs de ma douleur ? give me, oh tell me not of fear ! love give me strength ; strength shall help afford... Romeo I come, this do I drink to thee. why are thou yet so fair ? shall I believe that unsubstantial death is amorous. Donne-moi, et ne me parle pas de peur ! Amour, donne-moi la force, la force qui me soutiendra... Roméo me voici, c’est pour toi que je bois. Pourquoi es-tu encore si beau ? Dois-je croire l’immatérielle mort capable d’aimer ? notes de programme | 15 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun poison, I see hath been his timeless end Je vois que le poison a causé ta fin prématurée. O churl ! drink all and leave no friendly drop to help me after ? I will kiss thy lips ; haply some poison yet doth hang on them, to make me die ! Romeo, I come. thy lips are warm, oh happy dagger ! this is thy sheath. Romeo, I come. O avare ! Tu as donc tout bu et ne m’as pas laissé une seule goutte compatissante Pour m’aider à te suivre ? Je vais embrasser tes lèvres ; Un peu de poison s’y sera-t-il par chance attardé, Qui me conduira à la mort ! Me voici, Roméo, Tes lèvres sont chaudes. Oh bienheureuse dague ! Ici est ton fourreau. Roméo, me voici ! III Juge Et toi, Koharu, Réponds sincèrement puisque tu espères renaître. À l’assistance qui siège ici pour te juger Raconte ta mort – comment et pourquoi ? Koharu I was a courtesan. a courtesan must sleep with hundreds of men, but I am a woman. why can’t I fall in love , or be loved like any other ? Jiheu-san, am I asking too much ? Koharu J’étais une courtisane. Une courtisane doit coucher avec des centaines D’hommes, mais je suis aussi une femme. Pourquoi ne puis-je tomber amoureuse, ou être aimée Comme une autre ? Jihei-san, est-ce que j’en demande trop ? even now making excuses to Osan, making excuses to these children, how could I face the people aroud us and keep on living ? I want to be with you, but I cannot be with you... Même aujourd’hui, m’excusant auprès de Osan, Et m’excusant auprès de ces enfants, Comment pourrais-je affronter les gens qui nous entourent et continuer de vivre ? Je veux être auprès de toi, mais je ne peux pas être auprès de toi... we may visit one hundred times The temple that will make couples apart, but all our promises to part come in vain, and we are compelled to die, we cry our to gods, shedding blood and tears, Nous pouvons nous rendre cent fois Au temple où se séparent les couples, Mais tous nos espoirs de séparation restent vains Et nous sommes condamnés à mourir. Nous supplions les dieux, répandant sang et larmes, Séparez-nous, tranchez-nous, brisez-nous. Seule la mort peut nous désunir, 16 | cité de la musique Toi au paradis et moi en enfer Maintenant la bruine s’alourdit en neige, Le fleuve Shijimi se teinte de rouge, Les larmes se déversent dans le courant Et le font s’enfler et rugir. La vie de Koharu ressemble à des pétales de fleur Qui flottent un moment sur l’eau, puis sombrent. (Koharu is in pure white kimono with pure while hood on her head. A door opens slowly, Koharu emerges and wander around. The bell of earthly pleasure tolls six times in seven and the last toll is sent from the nether world.) (Une porte s’ouvre lentement. Koharu, en kimono blanc immaculé, un capuchon blanc immaculé rabattu sur la tête, la franchit et se met à errer. La cloche des plaisirs terrestres sonne six de ses sept coups et le dernier s’élève depuis les enfers.) Koharu telling tear-soaked respires with fingers we cross the bridge, at the foot if which lies the AmiJirna, the nether world of lovers’ suicides, the Sijimi River of no return. our sandals place side by side on the shores by the place of our death. Koharu Suffoqués de larmes Nous traversons le pont Qui enjambe le AmiJima, L’enfer des amants suicidés, Le fleuve Sijimi sans retour. Nos sandales sont rangées côte à côte Sur le rivage de notre mort. conjugal bonds are said to last two lifetimes. Jihei-san, Osan is your true wife. I shall die alone, not by your side. I am not meant to live in mine. On dit que les liens conjugaux durent deux vies. Jihei-san, Osan est ta véritable épouse. Je mourrai seule, non à tes côtés. Il n’est pas écrit que je vivrai dans ton âme Ni toi dans la mienne. Orchestra Nami Amida Butsu... Orchestre Nami Amida Butsu... III Judge you ! Koharu, answer truly, as you hope to be reborn. tell the audience, sitting in judgement here, of your death – how and why ? separate us, sever us, break us apart. only death can make us apart, you to the heaven, I to the hell. the drizzle now turns to sleet the Shijimi River is dyed in red tears well up to inundate the river making the current run swift Koharu’s life is like flower petals floating on the water, sinking into it. (Anguished from suffering, Koharu pierces her chest with a sword in hand.) (Déchirée de douleur, Koharu se transperce la poitrine d’une épée.) Koharu Jihei-san, I will go find a place nearby, and die alone. Koharu Jihei-san, Je vais trouver un endroit où mourir seule. (A red cloth falls from the sky. Koharu snatches the cloth and wraps herself around.) (Une étoffe rouge tombe du ciel, Koharu s’en empare et s’en enveloppe.) even in the rain, falling heavy like arrows, pierces my body, I will hold on to the sash of your red blood. Obstinée est la pluie Qui tombe lourdement, tel un faisceau de flèches criblant mon corps. Je vais m’agripper à la ceinture écarlate de ton sang. Je vais mourir loin de toi et non à tes côtés I will die away from you, not on your side, notes de programme | 17 Chine, portrait de Tan Dun Chine, portrait de Tan Dun for the sake of Osan and your two children. Pour le salut de Osan et de vos deux enfants. Judge so much pain among you three, And may death be the end of pain. now, I am asking you three do you really have courage to start again ? Juge Que de douleur en vous trois, Puisse la mort sonner la fin de cette souffrance. Et maintenant je vous demande à toutes : Avez-vous vraiment le courage de recommencer ? Yu Ji, Juliet, Koharu NaMuAMiDaBuTsu... Yu Ji, Juliette, Koharu NaMuAMiDaBuTsu... Judge open the gate let these three beautiful souls return to life ! Juge Ouvrez la porte, Que ces trois belles âmes Retournent à la vie ! Text by Tan Dun, based on traditional Peking Opera (19th Century, China) Shakespeare (16th Century, Englang) and Chimakatsu (18th Century, Japan). With generous help from Mary Norton Scherbatskoy, Jusaburo Tsujimura and Hiromi Sakamoto. Texte de Tan Dun d’après un classique de l’Opéra de Pékin (XIXe siècle, Chine), Shakespeare (XVIe siècle, Angleterre) et Chimakatsu (XVIIIe siècle, Japon). Avec l’aide gracieuse de Mary Norton Scherbatskoy, Jusaburo Tsujimura et Hiromi Sakamoto. traduction française Pierre Charras 18 | cité de la musique biographies Tan Dun Né en 1957, Tan Dun fait aujourd’hui partie des plus authentiques compositeurs qualifiés de « world », depuis son apprentissage traditionnel en Chine ensuite confronté aux formes occidentales de l’art contemporain. En 1976, il est en effet admis à l’Opéra de Pékin et travaille parallèlement au Conservatoire central de Chine (Pékin) d’où il sort diplômé. L’année 1986 marque son installation à New York ; il est, six ans plus tard, diplômé de Columbia University. Ses œuvres scéniques ont été les plus remarquées : Nine Songs (1989) créé au Pace Downtown Theatre de New York sous sa direction (avec des instruments traditionnels) ; Marco Polo (1995) créé à la Biennale de Munich, toujours sous sa direction (sur un livret de Paul Griffiths) ; et Peony Pavilion (1998) co-produit par le Festival de Vienne, le Barbican Centre de Londres, la MC 93 de Bobigny et Cal Performances of the University of California de Berkeley (mise en scène de Peter Sellars). Ses œuvres pour orchestre sont à ce jour très nombreuses et témoignent de son ouverture, tout autant que de son désir de trouver une nouvelle voie entre les cultures occidentales et asiatiques : Concerto pour guitare et orchestre (1996), Concerto pour water percussion et orchestre (1998), Death and Fire : Dialogue with Paul Klee (1992), Heaven Earth Mankind (Symphony 1997) (1997), The Intercourse of Fire and Water (1993), On Taoism (1985), Orchestral Theater I-IV (1990-2000), Out of Peking Opera (1987/1994), Requiem and Lullaby (1995)... Il vient de signer la musique originale du film de Ang Lee Tigre et dragon (avec le violoncelliste Yo-Yo Ma). En 1997, il a été élu « musicien de l’année » par le New York Times. Il y a quelques mois, il a été directeur du Festival 2000 au Barbican Centre de Londres, ce qui lui a donné l’occasion de programmer une vaste série de concerts intitulée Fire Crossing Water (avec notamment la création britannique de Orchestral Theatre IV : The Gate). Song Yang est aujourd’hui connue à travers le monde pour avoir interprété le rôle de Madame Du dans Le Pavillon aux pivoines, un drame de vingt heures écrit par Shi-Zhen Chen se déroulant au temps de la dynastie des Ming. Song Yang est née en 1969 à Liaoning (Chine). Depuis 1980, elle a étudié à l’École d’opéra chinois de Fuxuen où elle s’est spécialisée dans les rôles daomadan (guerrières). Après ses études, elle est devenue l’actrice principale de la Troupe d’opéra chinois de Fuxuen. En 1991, elle a été admise à l’Académie d’opéra traditionnel chinois de Pékin et a été nommée professeur de cette institution quatre ans plus tard. Ses élèves ont, dès lors, remporté de nombreuses récompenses dans le pays, de même qu’elle a été déclarée « meilleur professeur » notes de programme | 19 Chine, portrait de Tan Dun à l’École d’opéra de Pékin. Parmi ses autres récompenses, il faut citer le Prix Fei-Tien pour l’interprétation d’opéra chinois, le Prix du meilleur acteur au Concours national des jeunes pour l’opéra chinois et le Prix de la meilleure interprétation au Concours d’Opéra de Pékin. Elle s’est produite au Japon, en Angleterre, en France, à Singapour, en Italie, en Australie et aux ÉtatsUnis. Nancy Allen Lundy a suivi ses études au Juilliard Opera Center, tout en étant par ailleurs membre du Merola Opera Program et du Aspen Opera Center. Outre ses études au Juilliard Center, elle a obtenu ses diplômes à la Eastman School of Music et au Concordia College (MN). En 1993-94, elle a remporté le Sony ES Award ; en 1995-96, le Tausend Award (New York City Opera) ; et en 1997 le Sullivan Foundation Award. Elle a fait ses débuts sur la scène du New York City Opera en 1994, dans le rôle de Rosine dans Le Barbier de Séville. Elle s’est 20 | cité de la musique Chine, portrait de Tan Dun ensuite produite au Festival de Spoleto en 1995 à l’invitation de Spiros Argiris, puis a interprété le rôle de Sophie dans Der Rosenkavalier aux côtés de Renata Scotto. Elle a été ensuite invitée, durant l’été 1998, au Houston Grand Opera pour participer à la production d’Arabella de Strauss, avec Renée Fleming et Wolfgang Brendel (sous la direction de Christoph Eschenbach). Elle a fait ses débuts européens, la même année, dans le rôle de Du Liniang dans la production du Peony Pavilion de Tan Dun (mise en scène de Peter Sellars). Durant la saison 2000-01, elle a chanté Violetta dans La Traviata (Dayton Opera), Sophie dans Der Rosenkavalier (Opera Pacific), Susanna dans Les Noces de Figaro (Ft. Worth Opera) et un rôle important dans Of Mice and Men de Curley. Elle a également été l’interprète de la création britannique de The Gate à Londres au Barbican Centre. Elle habite actuellement à New York et continue d’étudier avec son professeur Arthur Levy. Hua Hua Zhuang a appris l’art des marionnettes anciennes en République populaire de Chine. Entre 1974 et 1995, elle a été l’une des marionnettistes les plus en vue dans la Troupe des marionnettes chinoises de Pékin. Avec cette troupe, reconnue comme la plus performante, elle a parcouru le monde entier, tout en collaborant avec de nombreuses chaînes de télévision. En 1994, elle s’est vue décerner le Prix du meilleur directeur, auteur et interprète au Concours des marionnettes de Chine. Au milieu des années 1990, Hua Hua Zhang s’est lancée dans une aventure commune avec Bart Roccoberton, l’un des principaux marionnettistes américains, pour produire un show américain destiné au public chinois et devant montrer la « véritable vie aux États-Unis », ce qui lui a donné l’envie, avec les responsables de l’Université du Connecticut, de savoir comment elle pouvait devenir « plus qu’une interprète ». Elle en est donc venue à créer un cursus de formation de marionnettiste dans cette université. Durant ses études, elle a continué à se produire au Jim Henson International Festival of Puppet Arts en 1998 (avec Tango de Termine), puis en 2000 avec Untitled de Cathy McCullough. Durant l’été 2000, Hua Hua Zhang a collaboré à la création de The Gate de Tan Dun à Londres. Elle a dessiné et construit une marionnette représentant le personnage de Koharu, d’après la tradition japonaise du théâtre Bunraku. En 2001, elle collaborera avec le Théâtre Ming Ri pour Playing With Klee. Mike Newman est un artiste et un producteur dont l’essentiel de l’activité concerne le design et la création de lumières pour des performances vidéo ou télévisuelles. Il a par exemple travaillé à de nombreuses reprises pour la BBC TV, ainsi que pour d’autres productions à travers le monde. Il a été amené, à travers ces projets, à collaborer avec le trompettiste de jazz Wynton Marsalis et le ténor José Carreras, ainsi qu’avec des compositeurs comme Sir Peter Maxwell Davies et Sally Beamish. Dans le domaine de la danse, il a travaillé avec les chorégraphes Martha Clarke et Julie Taymor, ce travail ayant donné lieu à des mises à l’écran, tout comme ses productions d’opéra (Le Téléphone de Menotti, La Voix humaine de Poulenc...) pour Decca Video. Mike Newman cultive une palette très variée de centres d’intérêt, ce dont témoignent ses récentes productions avec BB2 drama (Mrs Warren’s Profession) et avec le Chamber Music Group of Scotland (The Elements). S’étant par ailleurs passionné pour la culture chinoise, il a, en 1998, dirigé le festival New Chinese Music qui avait pour but d’introduire l’œuvre des jeunes compositeurs chinois en Europe. Il a régulièrement collaboré avec le compositeur Tan Dun, notamment pour le documentaire Soundshape, pour la création de Work and Process (Guggenheim Museum de New York), pour Red Forecast (pour soprano et orchestre) et pour Awaking the Bells (un programme pour BBC TV autour de Symphony 1997 de Tan Dun). Sarah Ioannides est née à Canberra (Australie). Elle a étudié le violon, le piano et le cor en Angleterre, avant d’obtenir un Master of Art à Oxford University. En même temps qu’elle a poursuivi ses études instrumentales au Somerville College, elle a commencé la direction d’orchestre en devenant chef du Oxford Philharmonia et concertmaster de l’Oxford University Orchestra and Opera. Elle obtient ensuite son diplôme de direction à la Guildhall School of Music de Londres. Sa première prestation importante a immédiatement été remarquée par la presse ; il s’agissait de The Woodlanders de Stephen Paulus, avec l’Oxford University Opera. En 1996, elle est admise au Curtis Institute, puis à la notes de programme | 21 Chine, portrait de Tan Dun Juilliard School de New York où elle obtient son Master de direction d’orchestre, tout en étant considérée comme l’assistante de son professeur Otto-Werner Mueller. En 1997, elle est engagée comme Resident conductor et comme Associate in Performance au Swarthmore College. L’Opera Company de Philadelphie l’engage ensuite comme chefassistante. Elle bénéficie par ailleurs d’une bourse pour aller étudier à SaintPétersbourg (grâce à la Pressler Foundation). En mai 2000, elle a été invitée à diriger le Kyoto International Students Music Festival (Japon). Elle a travaillé très régulièrement avec le compositeur Tan Dun, tout comme elle a créé des œuvres de Louis Andriessen, Richard Danielpour et Stephen Paulus. Parmi les formations avec lesquelles elle a travaillé, il faut citer : le BBC Concert Orchestra, l’Orchestre de la Radio flamande, le RIAS Kammerchor et les London Voices. Elle a été 22 | cité de la musique Chine, portrait de Tan Dun assistante au Covent Garden Festival (avec le British Youth Opera), au Festival d’Évian et au Festival de Spoleto. En septembre 2000, elle a été engagée comme chef-assistante et comme coordinatrice de production pour la mise en œuvre du festival Fire Crossing Water donné par le BBC Symphony Orchestra et le London Sinfonietta au Barbican Centre de Londres (notamment pour la création de The Gate de Tan Dun). Durant la saison 2001-2002, elle est invitée à diriger à Paris, Tokyo, Stuttgart et Shanghai. Chen Tao est actuellement connu à New York pour avoir été le fondateur de l’ensemble Melody of Dragon, Inc. et du Chinese Music Ensemble de cette ville. Avant de s’installer aux États-Unis, Chen Tao était professeur associé au Conservatoire central de musique de Chine, membre de l’Association des Musiciens chinois et membre de l’Association des instrumentistes traditionnels chinois. En 1986, Chen Tao a été diplômé du Conservatoire central de Chine, dans le Département de musique traditionnelle. Son jeu instrumental allie l’élégance raffinée de l’école du Sud à la robustesse de l’école du Nord. Chen Tao n’est pas seulement un spécialiste des flûtes xiao et xun ; il est aussi un virtuose sur d’autres instruments à vent (bawu, koudi, chiba...). En 1989, il remporte la première place au Concours national des Instruments traditionnels, ce qui lui a donné l’occasion de se produire dans le monde entier (États-Unis, Allemagne, Italie, France, Grande-Bretagne, PaysBas, Finlande, Suède, Singapour, Hong Kong, Taiwan, Macao...). En 1993, il s’installe aux États-Unis pour se produire sur les plus grandes scènes (Lincoln Center, New Jersey Performing Arts Center, China Institute...). On a même pu l’entendre dans différents films hollywoodiens (Seven Years in Tibet, Corrupter avec le New York Philharmonic), ainsi que dans le documentaire Under the Red Flag (PBS). Il a collaboré à de nombreuses reprises avec des compositeurs contemporains comme Tan Dun, Zhou Long, Chen Yi, Joan La Barbara, Joel Goodman, Carter Burwell et Qu XiaoSong. Orchestre national de Lyon Héritier de la Société des Grands Concerts de Lyon fondée en 1903, l’Orchestre national de Lyon s’enorgueillit d’un passé prestigieux auquel ont contribué André Cluytens, Charles Munch, Ernest Ansermet, Pierre Monteux, Paul Paray, Georges Prêtre et Otto Ackermann. Il est aujourd’hui administré et soutenu par la Ville de Lyon, qui l’a institué en un orchestre permanent de 102 musiciens en 1969, et l’a doté, en 1975, d’une salle de concerts. Se sont succédés comme chefs permanents : Louis Frémaux de 1969 à 1971, Serge Baudo de 1971 à 1986, Emmanuel Krivine de 1987 à 1999 et David Robertson depuis septembre 2000. Sous l’appellation nouvelle d’Orchestre national de Lyon, il se consacre, depuis 1985, au répertoire symphonique et connaît, sous l’impulsion d’Emmanuel Krivine, un renouveau qui a été reconnu unanimement par la critique internationale lors de ses récentes tournées aux États-Unis, au Japon et en Allemagne. L’Orchestre collabore désormais régulièrement avec des chefs aussi renommés que Kurt Sanderling, John Nelson, Rafael Frühbeck de Burgos, Eliahu Inbal, Neeme Järvi, Guennady Rojdestvensky, Jerzy Semkow et Leonard Slatkin ; et invite les plus grands solistes actuels : Martha Argerich, José van Dam, Shlomo Mintz, Maria João Pires, Gidon Kremer, Isaac Stern, Yo-Yo Ma, Krystian Zimerman, Gil Shaham, Maxim Vengerov, Augustin Dumay… Défenseur de la musique de notre temps, l’Orchestre national de Lyon a accueilli récemment quelques grands compositeurs de ce siècle venus diriger leurs œuvres, tels Luciano Berio ou Krzysztof Penderecki. Il a fait découvrir en première audition au public européen des pièces d’Elliott Carter et Toru Takemitsu. L’Orchestre, sous la direction de David Robertson, vient d’enregistrer un programme entièrement consacré à Ginastera, à paraître chez Naïve. En avril 2001, est prévu également l’enregistrement, pour Le Chant du Monde, de Sarka de Janacek avec le Chœur de la Radio de Prague. L’Orchestre national de Lyon est actuellement dirigé par David Robertson (directeur musical), Anne Poursin (directrice générale) et Nathalie Tiberghien (coordinatrice artistique). flûtes Jean Moreau ° France Verrot Benoît Le Touzé hautbois Jérôme Guichard ° Philippe Cairey-Remonay clarinettes François Sauzeau ° Olivier Derbesse Michel Bontoux notes de programme | 23 Chine, portrait de Tan Dun bassons violons I contrebasses Olivier Massot ° Giovanni Radivo (supersoliste) Botond Kostyak ° Louis-Hervé Maton ° Yves Chalamon Daniel Billon André Cornard Roman Zgorzalek Benoït Nicolas Constantin Corfu Gérard Frey cors Philippe Lumbus Yves Stocker ° Claudie Boisselier Joël Nicod Anne Rouch Patrick Rouch Annabelle Faurite ° musiciens solistes * musiciens supplémentaires Serge Leriche violons II trompettes Anne Ménier ° Christian Léger ° Mireille Monin Arnaud Geffray Keiko Chimoto Michel Haffner Marie-Claire Moissette Monique Lumbus trombones Bernard Boulfroy Philippe Cauchy ° Marie-France Poirier Frédéric Boulan Sylvie Diou Jean Gotthold altos tuba Jean-Pascal Oswald ° Christian Delange ° Fabrice Lamarre Valérie Jacquart technique cité de la musique régie générale Joël Simon régie plateau timbales Catherine Bernold Benoît Cambreling ° Alain Asanovic Eric Briault Vincent Hugon régie lumières percussions Franck Lombard Michel Visse ° Marie Gaudin Joël Boscher régie son Bruno Morain Michel Gauthier-Murty technique Romero Montero * violoncelles Minh-Tan N’Guyen * Nicolas Hartmann ° Hervé Voirin * Fernando Rapetti ° Frédéric Jeannin * Marie-Jo Desgranges ° Jean-Michel Mathé Vincent Falque régisseur adjoint piano Stephen-Maurice Favre Céline Cottin * Dominique Denni Jean-Etienne Tempo harpe Odile Abrell * 24 | cité de la musique Orchestre national de Lyon régie générale Georges Gomez techniciens d’orchestre Daniel Adjou Didier Guillaud André Duret