La reconnaissance et l`indemnisation des maladies professionnelles
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La reconnaissance et l`indemnisation des maladies professionnelles
Université de Strasbourg Faculté de Droit, de Sciences politiques et de Gestion Master 2 Droit social interne, européen et international Mémoire de fin d’études Par Anaïs KLEIN. Sous la direction de : Francis MEYER Année Universitaire 2014/ 2015 Je tiens tout d’abord à remercier toute l’équipe pédagogique du Master 2 Droit social interne, européen et international de Strasbourg pour son soutien et son enseignement tout au long de cette année universitaire. Cela m’a permis d’acquérir des connaissances solides et donc une formation complète et enrichissante. Je remercie tout particulièrement Monsieur Francis MEYER qui a accepté de me suivre pour ce mémoire, tant dans mes recherches que dans sa rédaction. Je remercie ensuite le Docteur Lucien PRIVET que j’ai pu suivre durant ces trois mois de stage. J’ai acquis grâce à lui une expérience professionnelle dans le domaine des maladies professionnelles et des accidents du travail, mais aussi une expérience de vie, de par les nombreux déplacements et rencontres que j’ai pu faire grâce à lui. Il m’a permis de réellement m’intéresser à cette problématique et à tout ce qui l’entoure. Je remercie également Monsieur Michel COMMANCAIS qui m’a accueillie au sein de la permanence AT/MP de la CFDT Sidérurgie de Lorraine, pour son soutien et son aide dans mon apprentissage. Son expérience dans le domaine des AT/MP et son engagement ont été très formateurs pour moi. Je remercie encore toutes les personnes de la CFDT que j’ai pu rencontrer et qui m’auront aidé durant mon stage. Je pense notamment à Jean-Luc RUE de la permanence AT/MP de Strasbourg qui m’a mis en contact avec les personnes susceptibles de m’aider pour mon mémoire. Je remercie enfin Monsieur Philippe VORKAUFER et Madame Sophie METZ, qui ont pris de leur temps pour m’orienter dans mes recherches et partager leur expérience professionnelle dans le domaine des AT/MP. 1 SOMMAIRE REMERCIEMENTS ..............................................................................................................1 PARTIE I : PRESENTATION DU STAGE ........................................................................5 I. Présentation de la structure d’accueil ..................................................................................... 5 II. La phase d’observation ......................................................................................................... 6 A. Les permanences AT/MP de la CFDT ..........................................................................................6 B. Les permanences de l’ANDEVA ..................................................................................................7 C. Les victimes de l’amiante : vers la fin de l’indemnisation ? .........................................................8 II. La permanence AT/MP de la CFDT Hagondange.............................................................. 12 A. La mise en pratique des connaissances .......................................................................................12 B. Le choix du sujet de mémoire .....................................................................................................12 PARTIE II : La reconnaissance et l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles dans la fonction publique hospitalière ...................................14 INRODUCTION ..................................................................................................................... 14 I. La reconnaissance des accidents de services et des maladies professionnelles dans la fonction publique hospitalière : un régime dérogatoire ........................................................... 18 A. Les critères de reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle ......18 1. Accident de service et accident de trajet : une définition semblable à celle de l’accident de travail ..................................................................................................................................... 18 a) La qualification d’accident de service ....................................................................................... 18 b) La qualification d’accident de trajet.......................................................................................... 21 2. La distinction entre maladie professionnelle et maladie contractée dans l’exercice des fonctions ................................................................................................................................. 23 a) La maladie professionnelle du fonctionnaire hospitalier .......................................................... 23 b) La maladie contractée dans l’exercice des fonctions ................................................................ 24 2 B. L’absence de présomption d’imputabilité des accidents de service et maladies professionnelles dans la fonction publique hospitalière ..................................................................25 1. La présomption d’imputabilité dans le cas de l’accident de travail : divergences doctrinales .............................................................................................................................. 26 2. La présomption d’imputabilité dans le cas de la maladie professionnelle ......................... 28 a) La présomption d’imputabilité dans le cas d’une maladie professionnelle............................... 28 b) La maladie contractée en service .............................................................................................. 30 c) Le cas particulier des victimes de l’amiante .............................................................................. 32 C. La procédure de reconnaissance : une absence de contre-pouvoir ..............................................33 1. Le fonctionnement du système de reconnaissance : un employeur à la fois décideur et assureur .................................................................................................................................. 33 2. Le rôle de la commission de réforme ................................................................................. 36 a) Caractéristiques de la commission de réforme.......................................................................... 36 b) Le rôle de la commission de réforme ......................................................................................... 38 3. Les voies de recours offertes à l’agent ............................................................................... 40 II. Les conséquences de la reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle : les régimes de l’indemnisation et de l’inaptitude entre similitude et différences des deux systèmes. ................................................................................................ 42 A. La prise en charge des prestations en espèce et en nature : un système calqué sur le système de droit privé ? ...................................................................................................................43 1. Le remboursement des prestations en nature : une totale prise en charge par l’employeur ................................................................................................................................................ 43 2. Le droit à un congé maladie, longue maladie ou de longue durée à plein traitement ........ 45 B. L’indemnisation des accidents de service et des maladies professionnelles : une situation différente pour l’agent apte et l’agent inapte à la reprise de ses fonctions ......................................48 1. La réparation des séquelles : l’octroi d’une rente d’invalidité ........................................... 48 a) L’Allocation temporaire d’invalidité ......................................................................................... 48 b) la procédure d’octroi ................................................................................................................. 50 c) Détermination du taux d’invalidité et de l’ATI .......................................................................... 51 2. Le cas de l’agent déclaré inapte : l’octroi d’une rente d’invalidité .................................... 53 3 a) La reconnaissance de l’inaptitude de l’agent à reprendre son service ..................................... 53 b) L’octroi d’une Rente d’invalidité ............................................................................................... 55 C. La place de la faute de l’employeur dans l’indemnisation de la victime : rapprochement avec le système de droit commun ....................................................................................................56 1. L’obligation de prévention de l’établissement public employeur ...................................... 56 a) Une extension des dispositions du Code du travail aux établissements publics hospitaliers .... 56 b) La mise en place d’un CHSCT au sein des établissements hospitaliers .................................... 58 2. La reconnaissance progressive de la mise en cause de l’employeur public. ...................... 60 a) Le principe de la réparation forfaitaire ..................................................................................... 60 b) Vers une reconnaissance de la faute de l’administration ? ....................................................... 63 CONCLUSION .....................................................................................................................65 PRINCIPALES ABREVIATIONS .....................................................................................67 BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................................68 OUVRAGES .......................................................................................................................... 68 REVUES JURIDIQUES ........................................................................................................ 68 SOURCES LEGISLATIVES, REGLEMENTAIRES ET AUTRES .................................... 70 JURISPRUDENCE ................................................................................................................ 72 SITES INTERNET ................................................................................................................ 76 ANNEXES .............................................................................................................................77 ANNEXE 1 : Avis d’arrêt de travail – Document Cerfa n°10170*05 - Volet 1 et 2 à adresser à l’employeur public .............................................................................................................. 78 ANNEXE 2 : Exemplaire rapport hiérarchique accident de service ...................................... 81 ANNEXE 3 : Extrait du Barème d’invalidité annexé au Code des pensions civiles et militaires,................................................................................................................................ 83 ANNEXE 4 : Formulaire AF3 de la caisse des dépôts et Consignation - Rapport d’expertise médicale ................................................................................................................................. 88 4 I. Présentation de la structure d’accueil J’ai réalisé mon stage du 3 mars au 28 mai 2015 avec le Docteur Lucien PRIVET, au sein de sa Scop TRACES METZ. Le Docteur PRIVET est conseiller médical auprès du syndicat CFDT et de l’ANDEVA (Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante). Il est consulté dans les dossiers des adhérents, victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Sa formation et son expérience lui permettent ainsi de donner, d’abord un avis médical sur les questions posées, mais aussi un avis juridique sur la procédure et la stratégie à suivre dans les dossiers. Il est d’ailleurs le seul médecin en France à être spécialisé sur la question des AT/MP. Il a également une activité de formation auprès de la CFDT. Il organise des séminaires de formation sur les maladies professionnelles et les accidents du travail pour les membres actifs du syndicat. Il a été conseiller auprès du Ministère du Travail dans l’élaboration des tableaux de maladies professionnelles, notamment ceux concernant les affections respiratoires et les troubles musculosquelettiques. Au cours des deux premiers mois de stage, j’ai donc suivi le Docteur PRIVET dans les différentes permanences, soit de la CFDT, soit de l’ANDEVA à travers la France. Nous sommes ainsi allés à Hagondange, Jarny, Saint-Avold, Paris, Dunkerque, Nantes, Saint-Nazaire, Mulhouse, NeufBrisach ou Strasbourg. Durant ces différents déplacements, j’ai pu voir quelle était la méthode de travail du Docteur PRIVET et son fonctionnement. Cela m’a permis d’apprendre notamment quelles sont les différentes difficultés rencontrées par les victimes d’AT/MP et les stratégies pouvant être mises en œuvre pour les contrer. J’ai ensuite continué mon apprentissage au sein de la permanence AT/MP de la CFDT Sidérurgie Lorraine, à Hagondange avec Michel COMMANCAIS. Après une phase d’observation, j’ai donc pu mettre en pratique les conseils et méthodes du Docteur PRIVET. 5 Michel COMMANCAIS m’a alors formé dans la prise en charge des victimes, la recherche de solutions et la mise en place de la procédure à suivre en la matière. II. La phase d’observation J’ai commencé mon stage avec le Docteur PRIVET en le suivant dans ses différents déplacements à travers la France et les différentes permanences dans lesquelles il opère. J’ai ainsi pu travailler avec des personnes de la permanence AT/MP de la CFDT et des personnes de l’ANDEVA. A. Les permanences AT/MP de la CFDT La CFDT est née en 1964, après scission d’avec la CFTC. Elle est le premier syndicat en nombre d’adhérents (plus de 868 000) et le deuxième syndicat français en voix aux élections prud’homales et dans les entreprises et administrations. La CFDT comprend 1 300 syndicats de base qui sont regroupés en 22 unions régionales interprofessionnelles et 15 fédérations nationales professionnelles. La CFDT compte aussi deux unions confédérales : - la CFDT Cadres - l'union confédérale des retraités (UCR). Elle compte également une union fédérale qui représente les 3 fonctions publiques : l'union des fédérations des fonctions publiques et assimilés (UFFA). Le syndicat a pour mission de défendre les intérêts des salariés, par la négociation d’accords professionnels, mais aussi par l’assistance et la représentation des salariés dans le domaine du droit du travail. En cas de conflit avec l’employeur, les syndicats défendent les intérêts des salariés auprès des directions et peuvent engager toutes sortes d’actions de protestation (grèves, manifestations, pétitions...). Dans les cas de conflits individuels, ils peuvent accompagner les salariés à des entretiens, défendre leurs intérêts auprès des instances hiérarchiques, les soutenir en cas de litiges débouchant sur une procédure judiciaire. Au sein de la CFDT, ou du moins de certaines permanences locales, une cellule AT/MP a été créée. 6 Et c’est de par sa fonction d’accompagnement et de défense, que le syndicat, à travers cette cellule, aide les victimes d’AT/MP à faire reconnaître leurs droits auprès de l’assurance maladie ou de l’employeur. Les délégués syndicaux vont ainsi aider la victime à monter son dossier (soit de reconnaissance de la maladie ou de l’accident, soit de contestation du taux d’indemnisation octroyé, soit encore de demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur) et le cas échéant, vont la représenter devant les différentes juridictions (TASS, TCI, CNITAAT…). Le docteur PRIVET intervient au sein de ces permanences en tant que conseiller médical Il va donner un avis médical sur le dossier présenté par la victime et évaluer le taux d’IPP auquel elle peut prétendre. B. Les permanences de l’ANDEVA L’ANDEVA a été créée en 1996 à l’initiative de trois associations : - L’ALERT (Association pour l’Etude des Risques au Travail) - La FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés) - Le Comité Anti-Amiante de Jussieu Elle a pour but de représenter et de défendre les victimes de l’amiante, en les aidant notamment à faire reconnaître le caractère professionnel des maladies développées suite à une exposition professionnelle à l’amiante. Elle assiste ainsi les victimes dans la mise en place de leur dossier auprès de l’assurance maladie ou encore du FIVA. Le siège national de l’ANDEVA se trouve à Vincennes, mais l’association compte également plusieurs cellules locales à travers la France (ADDEVA) L’ANDEVA a également une mission d’information des salariés ou anciens salariés exposés à l’amiante. Elle publie d’ailleurs mensuellement une revue : le bulletin de l’ANDEVA. La mission du Docteur PRIVET au sein de cette association est la même que celle effectuée avec la CFDT. Il est consulté sur les dossiers des associations locales ou de l’ANDEVA et donne un avis à la fois médical et juridique sur les questions posées. 7 C. Les victimes de l’amiante : vers la fin de l’indemnisation ? Durant mon stage, les permanences du Docteur PRIVET se déroulant essentiellement à l’ANDEVA et à la CFDT Sidérurgie, j’ai pu rencontrer beaucoup de victimes de l’amiante. Il s’agit pour nous d’un sujet assez ancien (l’amiante étant interdite depuis bientôt 20 ans), pourtant, j’ai pu voir qu’il en restait un bon nombre de victimes. L'amiante, ou « asbeste » en vieux français, est une fibre minérale naturelle massivement utilisée pendant plus d’un siècle, dans des milliers de produits à destination industrielle ou domestique, pour ses différentes propriétés : grande résistance à la chaleur et au feu, résistance à la tension, fort pouvoir d’absorption… Ceci associé à son faible coût. Son utilisation remonte déjà à l’époque romaine. On retrouve en effet dans les écrits de Pline l’Ancien (écrivain romain), des passages sur l’amiante. Les esclaves de cette époque étaient chargés de tisser des nappes et des vêtements en amiante pour les plus aisés, qu’on jetait au feu pour les nettoyer. Déjà à cette époque, l’écrivain romain fait part de ses observations quant aux maladies pulmonaires qui touchent la population d’esclaves. La légende veut aussi que Charlemagne, pour impressionner ses convives, s’est procuré une nappe en amiante qu’il a ensuite jeté au feu pour la nettoyer, sans que celle-ci ne brûle. Aujourd’hui, on retrouve encore de l’amiante sous différentes formes, fabriquées par l’homme: - des plaques ondulées, - des conduites ou canalisations en amiante-ciment, - des dalles ou revêtements de sols en matière plastique, - des faux-plafonds, - des mortiers, colles, enduits, mastics, joints, peintures, bitumes, - des calorifugeages et flocages à base d'amiante qui servaient aussi à isoler des gaines, conduits, canalisations, plafonds, cloisons. L’utilisation de l’amiante (ou plutôt des fibres d’amiante) est très toxique pour la santé : l’inhalation de ces fibres, à grandes comme à petites doses, est à l’origine de maladies broncho-pulmonaire. En effet, une fois inhalées, les fibres d’amiante restent dans l’organisme, contrairement au tabac ou à d’autres substances tout aussi dangereuses qui elles finissent par disparaître après l’arrêt de l’exposition. Ces fibres peuvent être comparées à de petits bouts tranchants qui s’installent dans les alvéoles au niveau du poumon, et finissent donc par les abîmer. 8 On peut ainsi parler de l’asbestose (fibrose pulmonaire) ou du mésothéliome qui sont deux maladies pulmonaires uniquement causées par l’amiante, tout comme les plaques pleurales (épaississement de la plèvre). Mais l’amiante peut également causer des cancers broncho-pulmonaires. Déjà en 1899, le Docteur Henry Montague Murray observe à Londres un décès lié à l’amiante. Au fil des années, les dangers de l’amiante pour la santé vont se dessiner petit à petit. En 1976, le CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer) classe toutes les variétés d’amiante comme étant cancérigènes, et en 1977 sont mises en place des valeurs limites d’exposition à l’amiante ainsi qu’un suivi médical pour les travailleurs exposés. Ce n’est pourtant qu’avec le Décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 que l’amiante sera définitivement interdite en France, comme c’était déjà le cas en Allemagne, en Italie, en Suède, aux Pays-Bas, en Norvège et en Suisse. Les dangers de l’amiante étant pourtant clairement bien connus avant cela, il aura fallu 40 ans pour voir l’interdiction de l’utilisation de ce matériau s’appliquer. Durant toutes ces années, la France était en pleine expansion industrielle. Et l’utilisation de l’amiante était essentielle à cela. Alors, on peut se demander si toute personne, employeurs comme travailleurs, n’étaient pas au courant bien avant son interdiction, des méfaits du minéral. Il est vrai qu’on peut se poser la question, vues toutes les publications sur le sujets : mise en place d’un tableau de maladie professionnelle sur l’amiante en 1945 ; en 1977, Marcel Valtat, journaliste, crée « les communications économiques et sociales », un des premiers cabinets spécialisés qui se chargera de la promotion des entreprises et sera le départ du lobbying ouvrier de l'amiante en France. De plus, il est difficile de croire que les ouvriers, travaillant des années dans de la poussière voyante et épaisse, ne se soient pas posé la question des risques sanitaires qu’ils encouraient. Mais les années florissantes qu’ont été les 30 glorieuses ont sans doute laissé cela de côté. Les employeurs, connaissant sans nul doute les risques de l’amiante, rémunéraient grassement leurs ouvriers, indemnisant en quelque sorte la situation de risque à laquelle ils les exposaient. Et ces derniers gagnant aisément leur vie, les syndicats étant concentrés sur l’emploi et non sur les conditions d’emploi, personne n’a jugé bon de faire de l’amiante un combat à cette époque. C’est pourquoi, aujourd’hui, le sujet de l’amiante repose plus sur une politique d’indemnisation que sur une politique de prévention (même si l’Etat a lancé un programme de désamiantage des sites au moment de son interdiction). 9 En effet, les maladies respiratoires liées à l’amiante sont présentes dans 2 tableaux des maladies professionnelles du Code de la Sécurité Sociale (tableau 30 et 30bis). Il est donc plus facile de les faire reconnaître qu’une autre maladie qui elle ne se trouverait pas dans des tableaux. De même, c’est par le scandale de l’amiante qu’a été reconnue par les arrêts de la Cour de Cassation du 28 février 2002, la faute inexcusable de l’employeur dans sa définition telle qu’on la connaît aujourd’hui. La reconnaissance de cette faute permet ainsi à la victime d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, de voir certains préjudices non indemnisé par la sécurité sociale, être pris en charge par l’employeur, afin de compléter l’indemnisation (préjudice d’agrément, préjudice esthétique, doublement de la rente …) Cette jurisprudence a d’ailleurs été étendue à toute maladie ou tout accident d’origine professionnelle. De plus, la loi de financement de la Sécurité Sociale du 23 décembre 2000 a mis en place le FIVA (Fond d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante). Il s’agit d’un établissement public administratif institué par l’Etat, justement pour répondre au scandale de l’amiante. Il a pour rôle de compléter l’indemnisation de la sécurité sociale des victimes reconnues comme porteuse d’une maladie professionnelle liée à l’amiante, ou même d’indemniser celles qui n’ont pas été reconnues, si le lien entre la maladie et une exposition est établie par la victime. Le FIVA permet donc une meilleure indemnisation des victimes, les taux d’IPP et l’indemnisation du régime de sécurité sociale étant souvent très abaissés. Le FIVA est financé par les employeurs, via leurs cotisations pour la branche AT/MP de la sécurité sociale, et par l’Etat. Il peut également se substituer à la victime dans son action contre l’employeur pour la reconnaissance de sa faute inexcusable, et ainsi être remboursé des frais avancés à la victime. Le FIVA a ainsi permis d’indemniser des milliers de personnes ayant été exposées à l’amiante durant leur parcours professionnel. Cette façon de faire est assez révolutionnaire, puisqu’il s’agit du seul fond en la matière concernant les AT/MP. Si cette façon de faire est tout à fait honorable, on peut néanmoins se poser la question de sa légitimité actuelle. En effet, s’il reste encore des victimes de l’amiante qui déclarent des maladies aujourd’hui (celles-ci pouvant se déclarer dans les 40 années suivant l’exposition), elles ne sont pas les seules maladies graves et la seule exposition condamnable aujourd’hui. 10 Les victimes de l’amiante ont pu avoir une indemnisation à juste titre de leurs pathologie, mais il semble que cela soit au détriment d’autres, telles que les TMS (troubles musculo-squelettiques) ou autres cancers dus à une exposition à des produits toxiques (tel que le benzène par exemple). Ces personnes ne bénéficient pas d’un fond d’indemnisation spéciale, et on peut se demander si alors, leur pathologie peut être considérée comme moins grave ou moins importantes que celles liées à l’amiante. Les taux d’IPP octroyés à ces victimes sont de plus, bien plus bas que ceux des victimes de l’amiante. On peut donc parler ici d’un déséquilibre dans l’indemnisation des victimes de maladies professionnelles. S’il est vrai qu’aujourd’hui il y a encore des victimes de l’amiante, celles-ci se font de plus en plus rares, de par l’ancienneté de son interdiction (près de 20 ans) et des connaissances de sa dangerosité d’il y a maintenant plus de 40 ans. Les tableaux 30 et 30bis du Code de la sécurité sociale prévoient des délais de prise en charge pouvant aller jusqu’à 40 ans pour certaines pathologies. Ainsi, en toute logique, l’amiante étant interdite depuis 1997, la prise en charge ne pourra s’effectuer que jusqu’en 2037, soit dans une vingtaine d’années. Mais les personnes exposées de l’époque vieillissant également, il est peu probable qu’il y ait encore autant de victimes qu’aujourd’hui dans les années à venir. Le Gouvernement a d’ailleurs fait savoir en 2011, son intention de revoir la politique d’indemnisation des victimes de l’amiante. L’amiante, de par le scandale qu’elle a créée, a ainsi fait de nombreuses victimes et de par la pression politique qui en a découlé, a permis une indemnisation spéciale de ces dernières. Néanmoins, il apparaît qu’aujourd’hui, si cette indemnisation reste justifiée, elle n’en crée pas moins une situation d’inégalités entre les victimes de maladies professionnelles. On peut ainsi prendre pour exemple les pesticides, substance légalement utilisable aujourd’hui, et qui pourtant apparaît comme aussi dangereuse que les fibres d’amiante. Et pourtant, aucune politique d’indemnisation n’a (encore) été mise en place. 11 II. La permanence AT/MP de la CFDT Hagondange Après avoir observé le travail du Docteur PRIVET durant deux mois, à travers ses différentes permanences, j’ai terminé mon stage à la permanence AT/MP de la CFDT Sidérurgie à Hagondange avec son responsable Michel COMMANCAIS. A. La mise en pratique des connaissances Durant cette période, j’ai pu mettre en pratique ce que m’a appris le Docteur PRIVET. J’ai ainsi pu émettre des réflexions et faire des recherches dans certains dossier de demande de reconnaissance de maladie ou d’accident du travail, ou encore concernant la contestation des taux d’IPP. Les dossiers y étaient plus variés. Le syndicat ne s’occupe pas seulement des victimes de l’amiante, mais également de personnes souffrant d’autres pathologies, tel que les TMS, un cas d’épilepsie etc. J’ai ainsi pu voir comment Michel COMMANCAIS faisait pour choisir la stratégie adéquate à chaque dossier. Le but étant bien sûr d’anticiper et d’éviter les difficultés pouvant être rencontrées. J’ai beaucoup appris durant cette période, puisqu’après avoir vu l’aspect médical d’une reconnaissance d’AT/MP avec le Docteur PRIVET, j’ai pu voir comme allier cela à une problématique plus juridique. B. Le choix du sujet de mémoire J’ai choisi comme sujet de mémoire la problématique des maladies professionnelles et des accidents du travail au sein de la fonction publique hospitalière. N’ayant pas traité la fonction publique durant le Master 2, je n’avais aucune idée quant à son fonctionnement. C’est au cours de la permanence CFDT de Mulhouse que le cas d’une infirmière présentant un asthme professionnel s’est présenté au Docteur PRIVET. J’ai alors pu voir que le processus d’indemnisation et de reconnaissance de la maladie était totalement différent que celui applicable en droit privé. Puis, durant une cession de formation CHSCT effectué par le Docteur PRIVET, plusieurs personnes dans l’assistance faisaient partie du CHSCT de l’hôpital Civil de Strasbourg. J’ai alors pu voir qu’il s’agissait d’une réelle problématique dans cette fonction là et que beaucoup de choses restent encore à faire. 12 J’en ai donc discuté avec Francis MEYER qui m’a conforté dans mon choix. En effet, il m’a indiqué que cette problématique n’était que peu traité par les juristes en droit social. Il m’a donc aidé en m’orientant dans mes recherches, notamment en m’envoyant de la doctrine et des contacts utiles pour ce sujet. Il s’agit donc maintenant de traiter cette problématique dans la seconde partie du mémoire. 13 INRODUCTION La fonction publique regroupe l’ensemble des personnes étant à la disposition des gouvernants, et qui permettent le fonctionnement des services publics. La fonction publique a évolué avec le temps : au début du 20ème siècle, l’Etat n’ayant qu’un rôle de police et n’intervenant que très peu, on comptait alors environ 600 000 agents de la fonction publique. Au cours du 20ème siècle, l’interventionnisme de l’Etat s’est accru dans les domaines économique et social, augmentant ainsi le nombre d’agents à son service. Aujourd’hui, la fonction publique regroupe environ 5 300 000 agents, et se divise en trois grandes catégories : - La fonction publique d’Etat qui compte 2 392 000 agents (44,2%) - La fonction publique territoriale qui compte 1 806 000 agents (34,7%) - La fonction publique hospitalière qui compte 1 100 000 agents (21,2%)1 Les agents de la fonction publique sont subordonnés aux gouvernants, et pendant longtemps le choix des candidats se faisait en fonction de critères politiques, ces derniers étant à l’entière discrétion du ministre. Ils étaient donc choisis par le pouvoir politique, et pouvaient perdre leur poste en cas de changement de gouvernement. Néanmoins, aujourd’hui, si cette subordination hiérarchique reste un élément fondamental de la fonction publique, elle a tout de même été atténuée par l’apparition de nouvelles considérations. Le nombre d’agents allant en s’accroissant, il a en effet été nécessaire de les garantir contre les abus du pouvoir politique et de leur assurer une certaine sécurité de l’emploi, afin d’éviter notamment le licenciement en cas de changement de gouvernement. Et avec le développement des idées 1 Source : portail internet de la fonction publique (http://www.fonction-publique.gouv.fr/) 14 démocratiques et du principe d’égale admissibilité aux emplois publics, le recrutement ne se fonde aujourd’hui non plus sur des idées politiques, mais sur les capacités de l’agent. C’est pour toute ces raisons (la subordination au pouvoir politique, le rôle des agents publics dans le fonctionnement de l’Etat), que les agents de la fonction publique répondent à un système dérogatoire. En effet, les règles issues du Code du travail ne s’appliquent pas aux agents publics. Ces derniers obéissent au Statut général de la Fonction Publique. Ce Statut Général, institué en 1946 a été refondu dans les années 80. Son titre 1er a été instauré par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant « droit et obligation des fonctionnaires ». Cette loi est applicable à l’ensemble de la fonction publique. Le statut général est ensuite composé de trois autres lois, chacune applicable à l’un des versants de la fonction publique : - la loi n° 84-16 du 11janvier 1984 relative au statut des fonctionnaires de l’État (titre II) - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 relative au statut des fonctionnaires des collectivités territoriales (titre III) - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 relative au statut de la fonction publique hospitalière (titre IV) Le statut, c’est l’idée d’une situation juridiquement protégée, qui va permettre en principe à l’agent d’avoir une protection contre l’arbitraire et le favoritisme du pouvoir politique. Les règles applicables à la fonction publique sont donc bien différentes de celles applicables au salarié du secteur privé. De même, elles diffèrent au sein même de la fonction publique, puisque les mêmes règles ne vont pas s’appliquer selon qu’on se trouve face à fonctionnaire d’Etat, un fonctionnaire de collectivité territoriale ou un fonctionnaire hospitalier. Dans ce mémoire, nous nous intéresserons uniquement à la fonction publique hospitalière. La fonction publique hospitalière est la plus jeune des trois fonctions publiques. Elle a été instaurée pour la première fois par un décret du 20 mai 19552, soit 9 ans après la fonction publique d’état et trois ans après la fonction publique territoriale. Avant cette date, la gestion des fonctionnaires hospitaliers se faisait directement par les autorités dirigeantes des établissements. 2 Décret n°55-683 du 20 mai 1955 portant statut général du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics 15 Mais la fonction publique hospitalière telle qu’on la connaît aujourd’hui, est régie par le statut de 19863. Ce statut n’est cependant applicable qu’aux agents titulaires de la fonction publique hospitalière. Sa définition est donnée par l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 : il s’agit des « personnes qui, régies par les dispositions du titre premier du statut général, ont été nommées dans un emploi permanent à temps complet ou à temps non complet dont la quotité de travail est au moins égale au mi-temps, et titularisées dans un grade de la hiérarchie des établissements ci-après énumérés : 1° Etablissements publics de santé ; 2° Hospices publics ; 3° Maisons de retraite publiques, à l'exclusion de celles qui sont rattachées au bureau d'aide sociale de Paris ; 4° Etablissements publics ou à caractère public relevant des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance et maisons d'enfants à caractère social ; 5° Etablissements publics ou à caractère public pour mineurs ou adultes handicapés ou inadaptés, à l'exception des établissements nationaux et des établissements d'enseignement ou d'éducation surveillée 6° Centres d'hébergement et de réadaptation sociale, publics ou à caractère public, mentionnés à l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles ; 7° Centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre. » Les médecins, odontologistes et pharmaciens n’entrent pas dans le champ de cette définition. Cette dernière concerne donc uniquement les agents hospitaliers titulaires, c’est-à-dire titularisés dans un corps et un grade. Car il existe d’autres statuts applicables aux agents hospitaliers. On retrouve ainsi les agents stagiaires, auxquels on applique le Décret n°97-487 du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière, ou encore les agents contractuels, qui ont conclu un contrat avec l’administration. Néanmoins, nous ne nous intéresserons, dans ce mémoire, qu’aux agents titulaires de la fonction publique et qui sont donc soumis au Statut de la fonction publique hospitalière. 3 Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière 16 Car les fonctionnaires hospitaliers, s’ils obéissent à la loi du 9 janvier 1986, ont également un régime spécial de sécurité sociale. Ce régime, obligatoire comme le régime général pour les salariés de droit privé, est un régime mixte : certains risques sont couverts par la CPAM, comme par exemple les prestations en nature, tandis que d’autres relèvent d’une caisse spécifique comme la CNRACL pour les pensions de retraite, ou encore de l’employeur lui-même, comme pour les prestations en espèce. Les accidents de service et les maladies professionnelles quant à eux, sont à la charge de l’employeur dans le remboursement des prestations en espèce et en nature, et relèvent, en ce qui concerne leur indemnisation, d’organismes spéciaux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. En effet, contrairement aux salariés de droit privé, la branche AT/MP du régime général n’intervient pas dans la prise en charge des accidents de service et maladies professionnels des agents hospitaliers. Il s’agit donc d’un enjeu pour les établissements publics employeurs, puisque la reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle entraînerait pour eux, un coût et donc une charge financière. Ainsi, les règles applicables en matière d’accident de service et de maladie professionnelle dans la fonction publique hospitalière ne sont pas les mêmes que celles applicables aux salariés de droit privé. Néanmoins, elles s’en rapprochent plus ou moins selon le domaine dans lequel on se trouve. Il est donc intéressant de se demander en quoi ces deux systèmes sont différents, mais aussi dans quelle mesure nous pouvons les rapprocher. Nous verrons dans une première partie qu’en matière de reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, le régime applicable aux fonctionnaires hospitaliers, notamment par le biais de la jurisprudence du Conseil d’Etat, applique des définitions et une procédure semblables à celles applicables par le régime général de sécurité sociale. Dans une seconde partie, nous étudierons ensuite en quoi les deux systèmes diffèrent, mais aussi en quoi ils peuvent être rapprochés, dans l’indemnisation des accidents de service et des maladies professionnelles. 17 I. La reconnaissance des accidents de services et des maladies professionnelles dans la fonction publique hospitalière : un régime dérogatoire La définition de l’accident de service ou de la maladie professionnelle en droit de la fonction publique est proche de celle donnée en droit de la sécurité sociale (A). Néanmoins, le régime juridique diffère, tant dans l’absence de présomption d’imputabilité (B), que dans la procédure de reconnaissance (C). A. Les critères de reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle 1. Accident de service et accident de trajet : une définition semblable à celle de l’accident de travail a) La qualification d’accident de service Contrairement à l’accident de travail du salarié de droit privé, qui trouve sa définition à l’article L411-1 du Code de la Sécurité Sociale, l’accident de service, lui, n’a pas de définition légale ou règlementaire. Celle-ci a donc été construite à travers la jurisprudence du Conseil d’Etat. En effet, la notion d’accident de service est une notion de droit administratif qui obéit à un régime juridique différent de l’accident de travail. La jurisprudence n’a pas manqué d’appuyer sur ce point : « il résulte des dispositions des articles L415 et L417 du Code de la sécurité sociale, que les accidents corporels survenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions aux agents publics […] ne relèvent pas de la législation sur les accidents du travail »4 Si l’article 34 al.2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, ou encore l’article 41 al. 2 de la loi n° 8633 du 9 janvier 1986 parle de l’accident de service comme d’un « accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions », C’est d’abord à travers la circulaire du 30 janvier 19895, qui synthétise la jurisprudence passée en la matière6, qu’une définition de l’accident de service a été donnée. 4 Trib. Des Conflits, 28 février 1966, Franco c/ Ministre du travail, req. N° 1880, Lebon p. 827 5 Circ. 1711-34 / CMS-2B9 du 30 janvier 1989 6 Notamment : CE, 24 novembre 1971, Even, Lebon p.1090 et CE, 23 janvier 1974, Lebrun, Lebon p.1033 18 Ainsi, l’accident de service est défini à l’article 5.1.1 de la circulaire comme « le résultat de l’action violente et soudaine d’une cause extérieure provoquant au cours du travail ou du trajet une lésion du corps humain ». Mais en 1995, le Conseil d’Etat s’est à nouveau prononcé sur la notion d’accident de service, certains auteurs considérant sa position comme un revirement de jurisprudence7. Dans ses décisions Bedez de 19958 et Caisse des dépôts et Consignations de 19979, le Conseil d’Etat précise que trois éléments sont à prendre en compte pour caractériser l’accident de service : - le lieu de l’accident, qui doit être le lieu de travail - le moment de l’accident, qui doit se produire pendant les heures de travail - l’activité exercée au moment de l’accident, qui doit avoir un lien avec l’exercice des fonctions. Ainsi, le critère de l’action violente et soudaine d’une cause extérieure semble avoir été abandonné, le Conseil d’Etat considérant que lorsque ces trois critères sont remplis, l’accident est qualifié d’accident de service, et cela indépendamment de la faute de l’agent 10 (sauf si celui-ci a été causé par une faute personnelle de l’agent, détachable de ses fonctions11). Il a d’ailleurs confirmé sa position dans la décision n° 348258 du 15 juin 2012, considérant que l’accident d’un agent hospitalier survenu sur le lieu et durant le temps de travail, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, sans faute personnelle de l’agent devait être considéré comme un accident de service. Ont ainsi été reconnu comme accidents imputables au service : l’intoxication alimentaire dont ont été victimes les agents d’un centre hospitalier à la suite d’un repas pris dans le restaurant de ce centre (CE, 10 juin 1997, Sté Ass. Mutuelle de France, req. N° 159.366), la crise de tétanie et l’état dépressif d’un agent hospitalier survenus suite à une altercation avec un collègue sur les lieux et temps de travail (CE, 4 décembre 1995, Centre hospitalier régional de Toulouse c/ Basile, req. N° 146-256), ou encore la maladie d’un fonctionnaire contractée suite à sa vaccination contre l’hépatite 7 Les accidents présumés imputables au service – Conseil d'Etat, 13 juin 1997 – AJFP 1998 p.36 8 CE, 30 juin 1995, Bedez, req. n° 124622 9 CE, 13 juin 1997, Caisse des dépôts et Consignation, req. n° 122902 10 CE, 3 mai 1995, Ministre de l'Education Nationale c/ M. Q, req. n° 110503 11 CE, 13 juin 1986, Caisse des dépôts et consignations c/Mr Jean-Louis B, req n° 56576 19 B, rendue obligatoire pour l’exercice de son activité professionnelle (CE, 21 novembre 2012, req. N° 344561). S’agissant du suicide en lien avec le service, les règles dégagées par la jurisprudence administrative sont les mêmes que pour le suicide du salarié de droit privé. Dans le cas où le suicide (ou la tentative) intervient en temps et lieu de travail, il sera qualifié d’accident de service, s’il n’existe pas de circonstances particulières qui le détacherait du service12 En revanche, si le suicide ou la tentative intervient en dehors des temps et lieu de travail, la qualification d’accident de service ne pourra être retenue que s’il présente un lien direct avec le service. C’est donc le même régime que celui appliqué au salarié de droit privé que l’on retrouve ici13. Le Conseil d’Etat s’est également aligné sur la jurisprudence judiciaire en ce qui concerne les accidents survenus en cour de mission14. Avec sa décision Bonmartin du 30 septembre 1988, le Conseil d’Etat avait en effet uniquement qualifié d’accident de service, les accidents survenus en mission, alors que l’agent se trouvait effectivement sous la subordination de son employeur. Tout comme la Cour de cassation, il écartait ainsi les accidents survenus en mission, mais à l’occasion de l’accomplissement d’actes de la vie courante15. Et tout comme la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat va changer de position sur la question, dans sa décision Quinio du 3 décembre 2004 (req. N° 260786) En effet, par deux arrêts du 19 juillet 2001, SA Framatome c/ Mme Gicquiaux et Mme Salomon c/ CPAM de Lyon et autre, la Chambre sociale avait opéré un revirement de jurisprudence, en reconnaissant aux salariés la présomption d’imputabilité à tout accidents survenus en cours de mission, que cela soit durant les heures de travail ou durant les actes de la vie courante. Elle a en effet suivi le raisonnement selon lequel l’accident, même s’il survient lors d’un acte de la vie courante, n’aurait pas eu lieu si le salarié n’avait pas dû se déplacer pour son travail. Le Conseil d’Etat va s’aligner sur cette jurisprudence et reconnaître que dès lors qu’un accident a lieu en cours de mission, il devra être regardé comme un accident de service. 12 CE, 16 juillet 2014, req. N° 361820 Le suicide ou sa tentative ne bénéficiant pas de la présomption d’imputabilité applicable aux accidents du travail lorsqu’il est commis en dehors du lieu et du temps de travail, le salarié ou ses survivants devront donc démontrer le lien de causalité entre l’acte et l’activité professionnelle (Cas.,Civ. 2ème, 22 février 2007, n° 05-13.771) 13 Voir : Le Conseil d’Etat renforce la protection des agents publics contre les accidents subis en mission, C. LANDAIS, F. LENICA, AJDA 2005, p. 189 14 15 Cass., Soc., 29 janvier 1965, n° 63-12241 20 Nous l’avons vu, la qualification d’accident de service, si elle diffère de celle d’accident de travail de par le régime juridique qui s’applique, elle lui est également similaire dans sa définition, de par les différentes solutions jurisprudentielles qui tendent à rapprocher ces deux notions. Il en va de même pour l’accident de trajet. b) La qualification d’accident de trajet S’agissant de la définition de l’accident de trajet, la jurisprudence s’est là aussi largement inspirée du Code de la sécurité sociale pour la donner16. Dans une réponse ministérielle du 12 septembre 2002, le Ministre de la fonction publique a d’ailleurs précisé : « Par analogie, les dispositions prévues à l'article L. 411-2 s'appliquent au personnel fonctionnaire » 17 Ainsi, « est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou tout autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service »18. Ainsi, l’agent qui chute en sortant de son domicile est victime d’un accident survenu sur le trajet, qui revêt le caractère d’accident de service (CE, 23 juin 1989, Mme Babayan, req. N° 56147). Néanmoins, si le trajet de l’agent n’a pas son point de départ à son domicile, l’accident qui surviendrait ne sera en principe pas un accident de trajet19, sauf si celui-ci se trouve être la résidence secondaire de l’agent (CE, 1er juillet 1958, Dame Cubeddu, req.n° 41002, Lebon p. 405). Est également considéré comme protégé, le trajet entre le lieu de travail et le restaurant où se rend l’agent pour déjeuner durant sa pause, si le choix de celui-ci est dû à sa proximité, à un choix habituel ou encore à la modicité de son prix20. Le Conseil d’Etat veille en effet à adopter une justification objective de la qualification. A l’instar de la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat va également prendre en compte les actes accomplis sur le trajet, pour des nécessités de la vie courante. Car si en principe, le trajet entre le 16 La définition de l’accident de trajet est donnée par l’article L411-2 du Code de la sécurité sociale 17 Réponse du Ministre de la fonction publique à la question n° 01465 de M. Claude Domeizel, publiée au JO du Sénat du 12 sept. 2009, p.2015 18 CE, 17 janvier 2014, Ministre du budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, req. n° 352710 En ce sens : CE, 21janvier 1991, Mlle Le Meur c/ Ministre de l’Economie, des finances et du budget, req. N° 83976, Lebon p. 1021, concernant une institutrice victime d’un accident de voiture sur le trajet vers l’école, alors qu’elle quittait l’appartement d’un collègue chez qui elle avait passé la nuit. 19 20 TA Versailles, 6 avril 1995, Proust, req. N° 89-3607, Lebon p. 872 21 domicile et le lieu de travail doit être direct pour être protégé, certaines exceptions vont tout de même de mise. Il a été admis que l'accident de circulation survenu lors d’un détour opéré par la victime, pouvait être reconnu comme un accident de service s'il est justifié par « une nécessité de la vie courante » et que ce détour n'a pas conduit le fonctionnaire dans une direction opposée à celle de son domicile ou de son lieu de travail (CE, 4 juillet 2001, Ferrand, req. n° 210667). Sont ainsi considérés comme des actes de la vie courante : le fait de déposer ou de chercher ses enfants à la crèche ou chez la nourrice (CE, 9 janvier 1995, Caisse des dépôts et consignations c/ Mme Vibert, req. N° 124026, Lebon p. 872), de passer à la boulangerie (CE, 30 décembre 1998, Caisse des dépôts et consignations c/ Durbano, req. N° 149894), ou encore d’aller chez le médecin (CE, 2 décembre 1988, Ministre de l’Economie, des finances et du budget c/ Mme Marret, req. N° 75209). Tout accident survenu lors de ces détours sera donc considéré comme un accident de trajet. Plus récemment, le Conseil d’Etat a élargi sa définition du trajet protégé21. Un agent hospitalier qui s’était endormi dans le train en rentrant de nuit de l’hôpital, a raté sa station et s’est donc arrêté à la suivante pour faire demi-tour. C’est là qu’il sera victime d’un accident mortel. Les juges administratifs avaient refusé la qualification d’accident de trajet, estimant que le détour fait par la victime ne pouvait être justifié par un acte de la vie courante. Le Conseil d’Etat va censurer cette motivation et retenir la qualification d’accident de trajet, car il s’agissait bien de l’itinéraire habituellement emprunté par la victime pour rentrer chez lui, le détour effectué n’ayant pas été fait de manière intentionnelle. Néanmoins, le traitement des accidents de trajet par le conseil d’Etat diffère de celui accordé aux accidents de trajet d’un salarié de droit privé. En effet, en droit privé, l’accident de travail et l’accident de trajet répondent chacun à un régime juridique bien distinct, de par l’absence d’un lien de subordination dans le second. Pour exemple, si l’accident de travail permet la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, tel n’est pas le cas de l’accident de trajet. En revanche, le Conseil d’Etat ne fait aucune distinction entre l’accident de trajet et l’accident de service. Un accident survenu sur un itinéraire protégé sera donc considéré comme un accident imputable au service, et se verra appliquer les mêmes règles. 21 CE, 29 janvier 2010, Mme Micheline Oculi c/ Caisse des dépôts et consignations, req. N° 314148 22 2. La distinction entre maladie professionnelle et maladie contractée dans l’exercice des fonctions En droit de la sécurité sociale, la maladie professionnelle est définie à l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale. La définition différencie selon que la maladie est présente dans un tableau des maladies professionnelles du Code de la sécurité sociale ou non. En droit de la fonction publique, la même distinction est faite, puisqu’on parle de maladie professionnelle lorsque celle-ci est répertoriée dans ces mêmes tableaux, et de maladie contractée dans l’exercice des fonctions lorsque ce n’est pas le cas. a) La maladie professionnelle du fonctionnaire hospitalier La maladie professionnelle du fonctionnaire hospitalier est la maladie contractée lors de l’exercice des fonctions, et qui figure dans un des tableaux des affections professionnelles du Code de la sécurité sociale en son annexe 4. En effet, c’est là l’originalité du système applicable en la matière, puisque si les agents de la fonction publique hospitalière obéissent à un régime spécial en matière d’AT/MP, les tableaux de maladies professionnelles du Code de la sécurité sociale leur sont tout de même applicables. Si aucun texte de droit public ne le précise réellement, on retrouve quand même des traces légales de cette application. Il y a en premier lieu, le décret n°60-1089 du 6 octobre 1960 applicable à la fonction publique d’Etat qui précise dans son article 1er b) concernant l’allocation temporaire d’invalidité, que celle-ci est due en cas d’invalidité permanente résultant : « de l'une des maladies d'origine professionnelle énumérées dans les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ». Le Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière reprend également cette formulation dans son article 2 b). La maladie professionnelle est celle qui est contractée à l’occasion de l’exercice de la profession de l’agent, compte tenu des tâches accomplies par ce dernier, ou des conditions dans lesquelles il travaille habituellement. La maladie professionnelle entendue comme ici, peut prendre deux formes22 : - La maladie professionnelle « officielle » : c’est la maladie inscrite dans un des tableaux de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale et dont l’agent victime de la maladie Selon le point de vue de Michel Libes, magistrat judiciaire, voir L’accident et la maladie du fonctionnaire imputable au service, régime juridique et garanties statutaires ; Ed. Berger-Levrault, Collec. Les indispensables, 2008, p. 241 22 23 remplit tous les critères, c’est-à-dire ses trois colonnes (pathologie, délai de prise en charge et conditions d’expositions). - La maladie « d’origine professionnelle » : C’est la maladie liée à l’exercice des fonctions, que l’on retrouve dans les tableaux du code de la sécurité sociale, mais l’agent ne remplit pas toutes les conditions nécessaires (c’est-à-dire les trois colonnes du tableau). Dans ces deux cas, si la maladie est reconnue, elle ouvrira droit pour l’agent à des indemnités, qui ne seront pas les mêmes s’il s’agit d’une maladie contractée en service. b) La maladie contractée dans l’exercice des fonctions Les tableaux de maladies professionnelles n’étant pas limitatifs, tant pour les salariés de droit privé23 que pour les agents de la fonction publique, il sera également possible pour l’agent hospitalier de faire reconnaître une maladie qui n’est pas répertoriée dans l’un de ces tableaux. On parle alors de maladie contractée dans l’exercice des fonctions. La maladie contractée dans l’exercice des fonctions ne répond pas au même régime juridique que la maladie professionnelle du fonctionnaire puisqu’elle n’ouvre pas droit aux mêmes indemnités (comme l’ATIACL). Le Conseil d’Etat a d’ailleurs pu rappeler que la reconnaissance d’une maladie professionnelle d’un agent de la fonction public n’était pas subordonnée à son inscription dans un tableau des maladies professionnelles du code de la sécurité sociale : « que la reconnaissance d’une maladie contractée en service au sens des dispositions combinées des articles 34 de la loi du 11 janvier 1984 et L27 du Code des pensions civiles et militaires de retraite n’est pas subordonnée à l’inscription de cette maladie sur les tableaux précités »24. Il semble que si le Conseil d’Etat applique cette solution pour la fonction publique d’Etat, il en va de même pour la fonction publique hospitalière. Ainsi, toute maladie non répertoriée dans les tableaux, à partir du moment où le lien entre sa contraction et le service est établie, pourra être considérée comme une maladie contractée dans l’exercice des fonctions. Deux possibilités de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie depuis la loi n° 93-171 du 27 janvier 1993 et les décrets n° 93-683 et n° 93-692 du 27 mars 1993. 23 24 CE, 7 juillet 2000, Laffray c/ Université de Paris-XII, req. n° 213037, Lebon p. 1060 24 Il en va de même pour la maladie contractée par un agent en mission, notamment dans le cas d’une mission à l’étranger : dans la décision Sénécal c/ Ministre de l’Education nationale25, le Conseil d’Etat a ainsi reconnu comme contractée en service, la maladie d’un professeur d’Université parti en mission en Afrique et en Asie, seuls pays dans lesquels la maladie en question pouvait être contractée. Et puisque ce sont les tableaux du code de la sécurité sociale qui sont pris en référence, tout comme le salarié de droit privé, le fonctionnaire hospitalier qui souhaite faire reconnaitre une maladie mentale comme en lien avec sa profession, ne pourra le faire que par le biais de la reconnaissance d’une maladie contractée en service, puisqu’à l’heure actuelle, aucun tableau sur les risques psychosociaux n’est présent dans ledit code. Ainsi, pour faire reconnaître un état dépressif, il faudra prouver le lien entre ce dernier et le service. S’il est difficile d’en apporter la preuve, le Conseil d’Etat a déjà statué favorablement sur la question, en reconnaissant l’imputabilité de la dépression d’une attachée territoriale à son service26. Ainsi, si l’accident ou la maladie de l’agent entre dans ces définitions, il lui appartiendra, dans la plupart des cas, d’apporter la preuve de son imputabilité au service, la présomption d’imputabilité étant quasi inexistante dans le processus de reconnaissance des AT/MP dans la fonction publique hospitalière. B. L’absence de présomption d’imputabilité des accidents de service et maladies professionnelles dans la fonction publique hospitalière Contrairement aux salariés de droit privé, les fonctionnaires hospitaliers ne bénéficient pas de présomption d’imputabilité au service de leur accident ou de leur maladie. Ce régime leur est d’ailleurs préjudiciable, puisqu’ils devront apporter la preuve du lien avec le service de l’accident ou la maladie dans toutes les circonstances. La situation face à la maladie est donc inégale selon que l’on soit agent hospitalier ou salarié de droit privé. Mais cette absence de présomption n’a pas toujours été évidente. 25 CE, 24 février 1975, Sénécal c/ Ministre de l’Education nationale, req. n° 93750, Lebon p. 1101 26 CE, 16 février 2011, Mme Jayet, req. n° 331746 25 1. La présomption d’imputabilité dans le cas de l’accident de travail : divergences doctrinales En droit de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité s’applique ; principe selon lequel en matière d’accident du travail, l’accident est présumé lié au travail et la lésion liée à l’accident lorsque celui-ci se produit en temps et lieu de travail. Ce principe est posé implicitement par l’article L411-1 du code de la sécurité sociale. Il est donc plus facile pour un salarié de droit commun de faire reconnaître un accident de travail que pour un agent de la fonction public de faire reconnaître un accident de service. La stratégie de beaucoup d’avocats passe d’ailleurs par ce biais, puisque dans l’exemple d’un suicide, il sera préférable de tenter de le faire passer comme un accident du travail que comme une conséquence d’une dépression, considérée comme maladie professionnelle. Car sa reconnaissance par les caisses de l’assurance maladie ne sera que plus facile. L’imputabilité de l’accident de service n’obéit pas au même régime en droit administratif. En effet, la présomption d’imputabilité n’est inscrite dans aucun texte, et la jurisprudence rejette cette idée en recherchant systématiquement un lien avec le service27. Cependant, concernant la jurisprudence en la matière, celle-ci n’a pas toujours été très claire sur l’existence ou non d’une présomption d’imputabilité d’un accident au service, créant ainsi un débat doctrinal. Il est vrai que pendant longtemps, le Conseil d’Etat a laissé planer le doute concernant la possibilité de présumer l’imputation d’un accident au service. La circulaire du 30 janvier 1989 précédemment citée, a tenté de répondre à cette question en précisant que l’agent victime d’un accident de service devait apporter la preuve du lien entre son accident et le service, à l’inverse du salarié de droit privé qui lui bénéficie d’une présomption d’imputabilité. Mais les décisions du Conseil d’Etat Bedez du 30 juin 1995 et Caisse des dépôts et consignation du 13 juin 1997, ou encore Sociétés Assurance mutuelles de France du 30 juillet 1997 ont su semer le trouble dans cette théorie Ainsi, dans les observations publiées sous la décision du 13 juin 1997, il est noté : « le Conseil d'Etat fait aujourd'hui couramment application de la présomption d'imputabilité au service de 27 Par exemple : CE, 25 avril 1980, Thiebault, req. n° 21320, Lebon p. 198 26 certains accidents, […] dès lors que l'accident est survenu pendant les heures de service de l'agent et sur ses lieux de travail, il a le caractère d'un accident de service »28. Certains auteurs en ont ainsi dégagé une volonté du Conseil d’Etat d’instaurer, à l’instar du droit applicable au salarié de droit privé, une présomption d’imputabilité au service de l’accident, lorsque celui-ci survient en temps et en heure de travail29. Mais il existe en réalité un troisième critère nécessaire selon le Conseil d’Etat à l’imputabilité de l’accident au service, qui est le lien avec le service : l’accident doit être survenu lors de l’accomplissement de gestes en lien avec l’exécution du service. Et ce lien doit être prouvé. S’il est donc plus facile de rattacher au service un accident survenu pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, il n’en demeure pas moins qu’il faudra prouver son lien avec le service. C’est d’ailleurs la position que semble adopter le Conseil d’Etat dans sa décision Quinio du 3 décembre 2004 concernant l’accident survenu en mission30. Il appartiendra donc à la victime de prouver que l’accident est en lien avec le service. Elle devra prouver un lien formel, c’est-à-dire prouver qu’au moment de l’accident, elle était bien en service, sur son lieu de travail, et un lien matériel, en prouvant que l’accident est bien en relation avec l’exercice de ses fonctions31. Charge à l’administration ensuite d’en apporter la preuve contraire. Selon Michel Libes32, la présomption d’imputabilité n’a que peu d’intérêt en matière d’accident de service, ce qui expliquerait pourquoi le Conseil d’Etat refuse de s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de Cassation en la matière. En effet, le litige portant sur la reconnaissance d’un accident de travail trouve son intérêt dans les garanties qui en découlent pour la victime. Il s’agit d’un recours en excès de pouvoir, le juge devant apprécier de la légalité de la décision de refus de reconnaissance de l’administration. Il importe peut alors de savoir sur qui la charge de la preuve repose, puisqu’il appartiendra de toute façon au juge de rechercher la légalité de la décision 28 Les accidents présumés imputables au service - Conseil d'Etat 13 juin 1997, AJFP 1998 p.36 En ce sens : Accident survenu en service : la présomption d’imputabilité à une fragilité cardiaque de la victime, Paul Journé, AJFP 2005 p.145 29 La qualification d’accident de service dans le droit de la fonction publique, Didier Jean-Pierre, La Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales n°4, 22 janvier 2007, 2013 30 L’accident survenu en service, le processus d’imputation de l’accident au service, Jean-Laurent Pecchioli, AJDA 2002 p. 393 31 L’accident et la maladie du fonctionnaire imputable au service, régime juridique et garanties statutaires ; Ed. Berger-Levrault, Collec. Les indispensables, 2008, p. 57 32 27 Ainsi, s’il est avéré que l’accident s’est produit durant le temps de travail, sur le lieu de travail, et qu’il est en lien direct avec le service, alors il sera considéré comme imputable au service. C’est le cas par exemple d’une chute lors du service (CE, Taillez, 1er avril 1998, req. n° 150359, Lebon p.992), ou de l’accident lié à des conditions difficile d’exercice du service (CE, Milhaud, 8 septembre 1995, req. n° 119310). Néanmoins, si l’accident survient en dehors des horaires de service, il ne sera en principe pas considéré comme un accident de service (CE, Thibaud, 3 avril 1995, req. n° 111388). Et comme nous l’avons vu précédemment, un accident survenu en dehors du lieu de travail, que ce soit en mission ou sur le trajet, pourra être considéré comme imputable au service, si tous les critères sont remplis. De même, l’accident ne sera pas considéré imputable au service s’il est uniquement dû à un état antérieur de la victime. Tel a été jugé par le Conseil d’Etat concernant une aide-soignante qui a fait une chute durant son service suite à un malaise. Si l’accident n’a pas été reconnu, c’est parce que la chute en question n’a pas demandé de soins particuliers par la suite. La victime demandait la reconnaissance de l’accident de service pour se voir prendre en charge les soins qui ont fait suite à son malaise et qui donc était prodigués dans le but de soigner l’affection à l’origine de la chute, qui, selon les juges, ne saurait être imputable au service33. Néanmoins, il ressort également de cette décision, que si la chute de la victime avait eu des répercussions sur sa santé, alors les soins qui en découleraient devraient être pris en charge au titre de la législation sur les accidents de service. La présomption d’imputabilité ne s’applique donc pas à l’accident de service, même si dans certaines circonstances, le Conseil d’Etat peut laisser paraître qu’il en pense le contraire. S’agissant des maladies professionnelles cependant, le régime applicable semble plus clair en la matière. 2. La présomption d’imputabilité dans le cas de la maladie professionnelle a) La présomption d’imputabilité dans le cas d’une maladie professionnelle Pour être reconnue comme étant d’origine professionnelle, la maladie de l’agent doit avoir un lien direct avec l’exercice de sa profession. 33 CE, 17 janvier 2011, req. n° 328200, inédit au recueil Lebon 28 Le régime de la preuve diffère (ou du moins différait) selon qu’on était en présence d’une maladie professionnelle officielle, d’une maladie d’origine professionnelle ou d’une maladie contractée dans l’exercice des fonctions. Comme il a été vu précédemment, si le régime applicable à la maladie professionnelle du fonctionnaire diffère de celui applicable au salarié de droit privé, les tableaux de maladies professionnelles lui sont tout de même applicables. On pouvait donc aisément en déduire que l’article L461-1 du Code de la Sécurité sociale, qui fait référence à ces tableaux, s’appliquait également aux agents publics. Article qui en son alinéa 2 reconnaît la présomption d’imputabilité de la maladie du salarié à son activité professionnelle lorsque celle-ci répond à toutes les conditions posées par le tableau de maladie professionnelle en question. Dans une décision de 2006, Le Conseil d’Etat avait explicitement reconnu l’application de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale aux agents des collectivités territoriales (« qu'aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux agents des collectivités territoriales ») 34. Ainsi, il existait une présomption d’imputabilité de la maladie au service pour les agents territoriaux dans ce cas précis35 Pour se faire, les juges s’étaient appuyés sur une application combinée de l’article 119 III de la loi du 26 janvier 1984 et de l’article R417-7 du Code des communes (aujourd’hui abrogé). Si cette solution était applicable aux agents territoriaux, sa transposition aux agents hospitaliers paraissait évidente puisque le Conseil d’Etat s’appuyait sur les textes relatifs à la pension d’invalidité, et que ces textes s’appliquent également à la fonction publique hospitalière. Ainsi, selon cette jurisprudence, si l’agent hospitalier était atteint d’une maladie présente dans l’un des tableaux d’affections professionnelles du code de la sécurité sociale et qu’il en remplissait toutes les conditions, alors la maladie était présumée imputable au service. Néanmoins, la jurisprudence du Conseil d’Etat a évolué depuis, et cela en sens contraire. D’abord, concernant la fonction publique d’Etat, dans une décision du 23 juillet 2012, le Conseil d’Etat a écarté explicitement l’application de la présomption d’imputabilité issue de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale aux fonctionnaires de l’Etat : « Considérant qu'aucune disposition ne rend applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'Etat […], les dispositions 34 CE, Caisse des dépôts et consignations c/ Caccavelli, 10 mars 2006, req. n° 267860 35 La maladie professionnelles des fonctionnaires territoriaux, Didier Jean-Pierre, La semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 26, 22 juin 2009, p. 2154 29 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau »36. Ensuite, concernant la fonction publique hospitalière, le Conseil d’Etat a également refusé l’application de la présomption d’imputabilité à la maladie d’un agent hospitalier présente dans les tableaux du code de la sécurité sociale, et a ainsi transposé la décision prise précédemment pour les agents fonctionnaires de l’Etat (CE, 25 février 2015, req. n° 371706, à paraître au recueil Lebon)37. Les juges sont d’ailleurs allés au bout du raisonnement, en appliquant la même solution aux agents publics territoriaux dans une décision plus récente du 27 avril 2015 (CE, 27 avril 2015, req. n° 374541, à paraître au recueil Lebon). La présomption d’imputabilité des maladies professionnelles applicable en droit de la sécurité sociale ne semble donc pas s’appliquer aux agents de la fonction publique hospitalière, instaurant ainsi le même régime, que la maladie soit présente dans un tableau ou contractée en service b) La maladie contractée en service La loi n°93-121 du 27 janvier 1993 a amené de nouvelles dispositions aux alinéas 3° et 4° de l’article L461-1 du Code de la Sécurité sociale. Ainsi, il est possible depuis lors pour les salariés de droit privé de faire reconnaître, soit une maladie présente dans l’un des tableaux de l’annexe IV, mais qui ne remplit pas les conditions imposées par ces tableaux, soit une maladie non répertoriée dans l’un de ces tableaux. Ce système de reconnaissance s’applique également aux agents de la fonction publique hospitalière, ce sont les maladies contractées dans l’exercice des fonctions. Car si la présomption d’imputabilité posée par l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale ne semble plus s’appliquer, il apparaît que le Conseil d’Etat fait tout de même application de ses alinéas 3 et 4. Mais cela n’est applicable que depuis cette loi de 1993, qui n’est pas rétroactive. Ainsi dans la décision Caisse des dépôts et consignations c/ Mme Orsutto (CE, 29 juillet 1994, req. N° 102845) ou encore dans la décision Mme Mazzoni c/ Ministre de l’Education (CE, 18 octobre 1996, req. N° 141572), le Conseil d’Etat a refusé d’admettre le caractère professionnel d’une 36 La présomption d'imputabilité au service des maladies visées au code de la sécurité sociale ne s'applique pas aux fonctionnaires de l'État – Conseil d'Etat 23 juillet 2012, AJFP 2012 p. 325 Maladie du travail : les fonctionnaires hospitaliers ne bénéficient pas de la présomption d’imputabilité, veille par Elise Langelier, La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 10-11, 9 mars 2015, act. 241 37 30 maladie non stipulée dans les tableaux, les faits s’étant déroulés dans les deux cas avant l’entrée en vigueur de la loi. Depuis, le Conseil d’Etat a pu appliquer les nouvelles dispositions de cette loi, notamment dans la décision Caccavelli, dans lequel il précise que « la circonstance qu’une affection ne peut bénéficier du régime de présomption légale ne fait pas obstacle à ce que l’intéressé apporte la preuve de son origine professionnelle »38. Mais si les maladies hors tableaux peuvent également être reconnues comme imputables au service, il appartient à l’agent d’en apporter la preuve (tout comme pour les maladies professionnelles présentes dans un tableau puisque désormais, il est clair que la présomption d’imputabilité ne s’applique pas). L’agent devra de fait prouver « un lien direct et certain de causalité » entre sa maladie et son service39. Ce lien sera plus facile à prouver dans les cas de maladies accidentelles40, qui trouvent leur origine dans un fait bien déterminé et qui donc peuvent être datées de façon précise. Ce sera le cas ainsi d’une maladie contractée suite à une vaccination réalisée dans le cadre du service (CE, 4 mars 2011, Revault, req. n° 313369), si les symptômes apparaissent rapidement après cela (CE, 24 juillet 2009, Hospices civiles Lyon, req. n° 308876, Lebon p. 942). Cependant, le Conseil d’Etat a pu préciser41 que si un lien entre la maladie et le service devait être prouvé, cette dernière n’a pas à être exclusivement liée aux fonctions pour que son imputabilité soit reconnue. Ainsi, « la reconnaissance d’une maladie professionnelle dans la fonction publique implique que l’affection soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident en service »42. Dans le cas présent, l’état dépressif de la requérante a été considéré comme imputable au service, car il a été causé par deux accidents de service et les conséquences qui en ont découlées pour la carrière professionnelle de la victime. 38 CE, 10 mars 2006, Caisse des dépôts et consignations c/ Caccavelli, req. n° 267860 39 CE, 18 février 1991, Giordani, req. N° 95773) L’accident et la maladie du fonctionnaire imputable au service, régime juridique et garanties statutaires ; Ed. Berger-Levrault, Collec. Les indispensables, 2008, p.285 40 41 CE, 23 septembre 2013, req. n° 353093 La maladie professionnelle n’a pas à être exclusivement liée aux fonctions – Conseil d’Etat, 23 septembre 2013, AJDA 2013, p. 1888 42 31 c) Le cas particulier des victimes de l’amiante Pour les salariés de droit privé victimes d’une maladie professionnelle liée à une exposition à l’amiante, un système plus avantageux s’applique. Tout d’abord, dans les cas de maladies liées à l’amiante, les victimes peuvent se voir attribuer une indemnisation complémentaire par le FIVA, depuis sa création par l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Cet organisme indemnise les victimes de l’amiante, que celles-ci aient été exposées à cette fibre dans un environnement professionnel ou non. Le FIVA indemnisant donc toute victime de l’amiante, les personnels de la fonction publique hospitalière peuvent également en bénéficier. Mais là où le régime diffère, c’est concernant l’ACAATA. En effet, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 199943, les salariés de droit privé exposés à l’amiante durant leur vie professionnelle peuvent bénéficier d’une mise à la retraite anticipée dès l’âge de 50 ans. Mais ce système, jusque-là, était fermé aux agents de la fonction publique en général, et donc de la fonction publique hospitalière. Il n’existe toujours pas de pré-retraite amiante pour eux à ce jour, mais il semblerait que cela ne saurait tarder. Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, dans un communiqué de presse du 26 novembre 2014, a présenté aux syndicats les mesures prises par le Gouvernement pour les fonctionnaires victimes de l’amiante. Trois mesures seront donc mise en place au cours de cette année 2015 : - L’ouverture des droits à l’ACAATA pour les fonctionnaires atteints d’une maladie professionnelle liée à l’amiante - La mise en place d’une présomption d’imputabilité au service des maladies liées à une exposition à l’amiante - La mise en place d’un suivi médical post-professionnel pour tous les fonctionnaires exposés à l’amiante au cours de leur carrière Si cette mise à égalité de traitement entre fonctionnaire et salarié de droit privé est à saluer (notamment pour la mise en place d’une présomption d’imputabilité), on peut aussi y voir une mise en place d’une inégalité de traitement entre fonctionnaires atteints d’une maladie professionnelle, puisque celui atteint d’une maladie liée à l’amiante bénéficiera d’un régime de reconnaissance et d’indemnisation plus avantageux que celui atteint d’une autre maladie. 43 Loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, art. 41 32 Car si une différence existe entre le régime applicable aux salariés de droit privé et celui applicable aux agents fonctionnaires hospitaliers concernant la preuve de l’imputabilité de la maladie au service, des différences existent également dans le processus de reconnaissance de la maladie. C. La procédure de reconnaissance : une absence de contre-pouvoir La définition de l’accident de service et de la maladie professionnelle, et le débat concernant l’existence d’une présomption d’imputabilité étant désormais traités, il est temps de s’intéresser à la procédure même de reconnaissance d’un accident ou d’une maladie imputable au service (A). Car si la victime doit apporter la preuve du lien effectif entre son service et son accident ou sa maladie, la décision finale sera prise par son employeur, après avis de la commission de réforme (B). 1. Le fonctionnement du système de reconnaissance : un employeur à la fois décideur et assureur Dès lors qu’un agent hospitalier est victime d’un accident ou d’une maladie, il doit le déclarer pour pouvoir s’en voir reconnaître le caractère professionnel. Les statuts applicables à la fonction publique hospitalière sont cependant muets quant au formalisme à respecter par l’agent pour sa déclaration. S’agissant de l’accident de travail, le fonctionnaire hospitalier devra le déclarer auprès de son employeur, afin de pouvoir mettre en œuvre la procédure de reconnaissance de son caractère professionnel. Pour les salariés de droit privé, l’article R441-2 du code de la sécurité sociale impose que la déclaration de l’accident soit faite au plus tard dans les 24 heures suivantes. Pour les fonctionnaires hospitaliers, il n’existe néanmoins pas de délais imposés par les statuts pour déclarer un accident de service. Le Conseil d’Etat n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler au travers de sa jurisprudence44. En théorie donc, un agent hospitalier victime d’un accident en service pourra le déclarer à n’importe quel moment. En pratique, il est bien entendu conseillé de le faire tout de même au plus vite, au risque sinon de s’en voir refuser l’imputation au service par manque de preuve. En plus de cela, dans la fonction publique hospitalière, afin de pouvoir bénéficier d’un congé maladie, l’agent public doit produire un 44 CE, Ministère de l’Education c/ Dame Coroller, 20 mai 1977, req. n° 02961, publié au recueil Lebon 33 certificat médical dans les 48 heures s’il ne veut pas se voir infliger une sanction pécuniaire 45. Donc si l’accident donne lieu à un arrêt de travail, la victime n’aura d’autres choix dans les faits, que d’envoyer rapidement son certificat médical. La déclaration devra être faite, que l’agent soit placé ou non en congé maladie suite à l’accident. En plus d’une déclaration d’accident, l’agent devra faire établir par son médecin traitant, un certificat médical initial, descriptif des symptômes et séquelles dus à l’accident. Pour la maladie professionnelle, l’agent hospitalier devra faire établir un certificat médical initial par son médecin traitant, ou tout autre médecin, et le transmettre à son employeur. Le médecin devra y établir de manière précise, ses constatations médicales quant à l’état de la victime. Car s’il omet certaines blessures ou symptômes, ceux-ci risquent de ne pas être pris en compte par la suite, une fois l’accident ou la maladie reconnus comme imputables au service. En effet, dans les deux cas, maladie ou accident, la déclaration se fait directement auprès de l’employeur, et non pas auprès de la CPAM comme pour les salariés du régime général. Ceci s’explique par le fait que les fonctionnaires hospitaliers ne relèvent pas du régime général de la sécurité sociale, mais d’un régime spécial, institué en 196046. De fait, en matière de maladie, le fonctionnaire hospitalier bénéficie de prestations en nature, aux termes des dispositions statutaires47, et de prestations en espèces servis par le régime spécial obligatoire auquel il est affilié. C’est donc uniquement à son employeur que le fonctionnaire devra déclarer son accident ou sa maladie. La présomption d’imputabilité n’existant pas dans la fonction publique, l’agent devra fournir, en plus de son certificat médical initial et de sa déclaration d’accident de service, tous les éléments nécessaires à la preuve du lien entre l’accident ou la maladie et le service. Il devra ainsi se constituer un dossier, dans lequel devront apparaître toutes les preuves du lien entre l’accident ou la maladie et le service (comme vu précédemment, les éléments tendant à prouver un lien formel, comme par exemple, son planning pour prouver la réalité de son service au moment des faits, et un lien matériel, comme par exemple des témoignages et la description des gestes ou des produits à l’origine de l’accident ou de la maladie). 45 Décret n° 88-386 du 19 avril 1988, art. 15 46 Il a été instauré par le Décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 relatif au régime spécial de sécurité sociale des agents permanents des communes et de leurs établissements 47 Loi n° 83-33 du 9 janvier 1986 art. 41 concernant les différents congés (dont les congés pour maladie) auxquels le fonctionnaire hospitalier a droit 34 L’employeur public devra ensuite établir un rapport hiérarchique, compte rendu de l’enquête administrative qu’il aura opérée. Il devra d’abord établir les fonctions de l’agent, ses horaires, le moment et le lieu de l’accident ; mais aussi les circonstances de l’accident ou les conditions dans lesquelles la maladie a pu être contractée, le tout de manière objective. Ce rapport, ainsi que la déclaration de l’accident et le certificat médical initial seront transmis à l’assurance de l’employeur si ce dernier en a une. Cet organisme se substituera ainsi à l’employeur pour le remboursement des prestations en nature (par exemple, la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles est un assureur possible pour un établissement hospitalier). L’article 9 du décret du 19 avril 1988 impose également que le dossier de la victime soit remis au médecin du travail, qui devra alors émettre un avis sur l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie. Pour les maladies professionnelles notamment, il devra, à partir de la fiche de poste de l’agent, déterminer les gestes ou les produits auxquels il a été exposé et qui peuvent être à l’origine de la maladie (en tentant notamment de les rattacher aux tableaux de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale). Une fois tous les éléments en main, la décision d’imputation de l’accident ou de la maladie sera prise par l’administration, c’est-à-dire par l’employeur lui-même, même si avant cela, il devra recueillir, dans certains cas, l’avis de la commission de réforme. Si l’administration refuse de reconnaître l’imputabilité de l’accident d’un agent, il devra motiver cette décision. En effet, par une décision de 201348, le Conseil d’Etat a indiqué que le refus de l’administration de l’imputabilité de l’accident d’un agent au service doit être considéré comme le refus d’un avantage dont l’attribution constitue un droit pour ce dernier, et doit ainsi être motivé, au sens de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979. Cet article précisant que toute personne a le droit d’être informé des motifs d’une décision administrative individuelle pris à son encontre et qui lui est défavorable. Si l’administration refuse l’imputabilité de l’accident ou de la maladie au service, elle devra donc en informé la victime, en lui exposant les raisons de ce refus. 48 CE, 15 mai 2013, req. n° 348332 35 Ainsi, comme on peut le voir, dans le cadre de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie dans la fonction publique hospitalière, la décision est prise par l’établissement public qui emploie la victime, qui est également l’assureur de la victime, et la personne mise en cause dans l’accident en tant qu’employeur. On remarque donc ici l’absence de contre-pouvoir, qui peut certes s’expliquer par le fait que l’employeur soit la personne de l’Etat, mais qui n’enlève rien au fait que l’objectivité des décisions puisse être remise en cause. Afin de nuancer cela, la décision de l’administration quant à la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie, doit se faire après avis consultatif du Comité de réforme. 2. Le rôle de la commission de réforme a) Caractéristiques de la commission de réforme La Commission de réforme a été instituée par décret en 198649. Une commission de réforme est instituée au niveau de chaque département, par arrêté préfectoral. Elle est composée de six membres, à savoir deux médecins généralistes (auxquels peut se joindre un spécialiste pour les cas relevant de sa compétence), deux représentants de l’administration, et deux représentants du personnel appartenant à la même catégorie que la victime dans le dossier traité. Chacun de ces membres a deux suppléants. La désignation de ces membres est régie par l’Arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, en ses articles 3 à 6 La Commission de réforme est présidée par un fonctionnaire ou toute autre personne qualifiée désignée par le Préfet. Son rôle est de superviser les délibérations, mais il n’a aucun droit de vote contrairement aux autres membres. Les médecins généralistes sont également désignés par le Préfet, sur proposition du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. Les représentants de l’administration quant à eux, sont aussi désignés par le Préfet, mais par tirage au sort sur une liste de candidats proposés par les conseils d’administration des établissements publics relevant de la commission 49 Décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires. 36 En pratique, les personnes proposées par le conseil d’administration (deux par établissements), sont des retraités de la fonction publique. Ils ne sont pas choisis pour leurs compétences en matière d’AT/MP, mais seulement par rapport à leur ancienne position. Cela peut donc poser problème par la suite dans la prise de décisions, puisqu’aucune formation ne leur ayant été donnée, ils ne pourront délibérer en connaissance de cause. Car si des formations sont bien prévues par les textes, ces derniers n’ont pas l’air d’être appliqués en pratique. Enfin, les représentant du personnel dans la fonction publique hospitalière sont quant à eux désignés par les deux organisations syndicales disposant du plus grand nombre de sièges, et sont choisis, soit parmi les membres de la commission administrative paritaire départementale, soit parmi les électeurs de cette commission50. Le problème de la formation peut également être soulevé ici, puisque même au sein des organisations syndicales, les représentants élus n’ont pas forcément les connaissances ou la formation nécessaire à la prise de décision dans ce genre de comité, qui peut être très technique. Le siège de la Commission de réforme est fixé par son président, et son secrétariat est géré, soit par le Préfet, soit par un représentant qu’il aura désigné. La saisine de la commission de réforme ce fait soit sur convocation des membres par son secrétariat (au moins 15 jours avant la date de la réunion, avec mention de l’établissement, des dossiers à examiner et de l’objet de la demande d’avis)51, soit sur demande de l’agent concerné. Ce dernier devra adresser sa demande à son employeur, qui dispose alors d’un délai de trois semaines pour la transférer au secrétariat de la commission. Sinon, passé ce délai, il pourra saisir la commission directement52. Dans les deux cas, cette dernière a un mois (2 mois en cas de nécessité d’instruction) à compter de la réception de la demande pour statuer. L’agent en cause devra, dans tous les cas, être informé au moins 10 jours avant la réunion de la commission de réforme, de son droit à consulter son dossier et de s’en faire transmettre la partie médicale53. 50 Les commissions administratives paritaires sont des instances représentatives paritaires consultatives qui sont instaurées dans chaque établissement public hospitalier et dans chaque département. Elles ont compétence pour donner des avis sur la situation individuelle professionnelle des agents (voir Décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière) 51 Arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, art. 14 52 CE, 22 juin 2011, req. n° 344596 53 CE, 18 décembre 2013, req. n° 362514 37 Ce dossier est composé de tous les éléments nécessaires aux membres de la commission pour statuer sur la question posée. Ainsi, par exemple, en cas d’accident de service, il devra comprendre entre autres : - La déclaration de l’accident - Le certificat médical initial - Les arrêts de travail qui en ont découlé - Le rapport hiérarchique de l’employeur - Le rapport écrit du médecin du travail Pour instruire le dossier, la commission dispose de pouvoirs d’enquête : elle peut procéder à l’audition de témoins, à l’audition de l’agent, ou encore à toutes expertises qu’elle estimerait nécessaire. Les frais engendrés par cela seront à charge de l’administration en cause. Les membres de la commission sont bien évidemment tenus au secret professionnel, pour toutes les informations dont ils peuvent avoir connaissance au cours du traitement des dossiers54 b) Le rôle de la commission de réforme La Commission de réforme départementale est compétente à l’égard des fonctionnaires hospitaliers exerçant dans son département. Elle doit émettre obligatoirement un avis sur différents points : - L’imputabilité au service des accidents et des maladies. Néanmoins, depuis 200855, la commission de réforme n’est consultée sur ce point que dans les cas où l’imputabilité n’a pas été reconnue par l’administration. Contrairement à la situation antérieure donc, l’employeur de la victime peut prendre la décision d’imputer l’accident ou la maladie au service sans passer préalablement par la commission de réforme. Cette modification du rôle de la commission est entrée en jeu afin d’alléger le travail de cette dernière, qui pouvait se trouver engorgée par le nombre trop grand de dossiers à traiter. - L’attribution d’une CLM, d’un CLD ou encore d’une cure thermale dans les cas de maladie professionnelle ou d’accident de service 54 Loi n° 86-634 du 13 juillet 1983, art. 26 : « les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal » 55 Décret n° 2008-1191 du 17 novembre 2008, modifiant le décret 86-442 du 14 mars 1986 art. 13 et art. 26 38 - L’attribution d’un temps partiel thérapeutique, après un congé maladie faisant suite à un accident de service ou une maladie professionnelle - La reconnaissance de l’incapacité permanente et la mise à la retraite pour invalidité des agents territoriaux et hospitaliers - La décision de mise en disponibilité d’office pour raison de santé - La contestation de l’aptitude physique d’un agent en cas de demande de prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge Les avis rendus par la commission de réforme doivent être motivés en faits et en droit. Néanmoins, s’agissant d’une demande de renouvellement d’un congé longue durée, si son avis est favorable, la commission n’aura pas, dans ce cas-là, à motiver sa décision56. Ses avis sont pris à la majorité des voix. Si les règles de composition de la commission ne sont pas respectées, l’avis rendu sera réputé illégal57. Ainsi, l’avis rendu ne sera valable que si au moins quatre des six membres ayant voix délibératives sont présents lors de la séance, dont au moins deux médecins. Si tel n’est pas le cas, un procèsverbal de carence devra être délivré, et ce n’est que lors de la seconde séance avec le même ordre du jour, que le vote pourra avoir lieu sans la présence nécessaire de ces quatre membres58. Le juge administratif a ainsi pu préciser que l’absence d’un médecin spécialiste de l’affection lors des délibérations entachait d’illégalité l’avis pris par la commission de réforme59 Néanmoins, même si l’avis rendu est valable, il ne lie en aucun cas l’administration60, qui n’est donc pas obligée de le suivre. L’avis n’est en effet, que consultatif selon les termes de l’article 21 de l’arrêté du 4 août 2004 : « La commission de réforme donne son avis sur l'imputabilité au service ou à l'un des actes de dévouement prévus aux articles 31 et 36 du décret du 26 décembre 2003 susvisé de l'infirmité pouvant donner droit aux différents avantages ». 56 CAA Marseille, 10 juillet 2001, n° 00MA00306 57 CE, 5 septembre 2008, req. n° 298297 58 Arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, art. 17 59 TA Rouen, 26 novembre 2012, n° 1000705 60 CE, 3 décembre 2010, req. n° 327845 39 Ainsi, la consultation de la commission de réforme constitue une garantie au sens de la jurisprudence Danthony, comme l’a indiqué le Tribunal administratif de Paris dans son jugement n° 1315019/5-2 du 22 mai 2014. Selon cette décision du conseil d’Etat61, la procédure prévue par les lois et règlements dans la prise d’actes administratifs est de nature à protéger les agents contre l’arbitraire de l’Etat. Son nonrespect, s’il a une influence sur la prise de décision ou sur les garanties qui peuvent en découler entachera ainsi la décision administrative d’illégalité S’il est vrai que l’avis de la commission de réforme va influencer la décision prise par la suite par l’administration, et qu’en ce sens, cela constitue une garantie pour l’agent hospitalier, il n’en reste pas moins que la commission, en rendant des avis seulement consultatifs, n’a pas de réel pouvoir de décision. C’est pourquoi son avis, qui n’a que pour objet « d'éclairer l'autorité investie du pouvoir de décision » ne sera pas susceptible de recours62 . Néanmoins, l’agent pourra toujours demander une contre-expertise, mais celle-ci ne liera pas plus l’administration dans sa prise de décision. En cas de refus de l’administration de reconnaître l’imputabilité de son accident ou de sa maladie au service, l’agent, s’il ne peut contester l’avis rendu par la commission de réforme, dispose tout de même de recours contre cette décision 3. Les voies de recours offertes à l’agent En cas de refus de reconnaissance de l’imputabilité de l’accident ou de la maladie au service par l’administration, l’agent pourra saisir, en premier ressort, le tribunal administratif. Celui-ci, aux termes de l’article L211-1 du Code de justice administrative, est « en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées aux autres juridictions administratives, juges de droit commun du contentieux administratif ». Il est ainsi compétent pour la plupart des litiges entre particuliers et administrations, notamment les conflits du travail dans la fonction publique. Dans le cas d’un contentieux concernant une décision de refus d’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie, le tribunal devra statuer en formation collégiale. 61 CE, 23 décembre 2011, Danthony, req. n° 335033 62 CE, 9 septembre 1998, Lambourdière, req. n° 107466 40 Le recours formé par l’agent contre cette décision sera un recours en excès de pouvoir. Il s’agit en effet d’un recours dirigé contre un acte unilatéral de l’administration en vue de le faire annuler pour cause d’illégalité. On distingue quatre types de moyens : - Les moyens relevant de la légalité externe: il s’agit de l’incompétence de l’auteur de l’acte et du vice de forme ou de procédure - Les moyens relevant de la légalité externe : il s’agit de la violation de la loi (le non-respect par l’administration du texte applicable) et du détournement de pouvoir ou de procédure (lorsque l’administration a usé de pouvoirs ou de procédures dont elle ne disposait pas pour prendre la décision contestée). Lorsqu’un agent conteste la décision de refus de l’administration d’imputer son accident ou sa maladie au service, il exercera dans la plupart des cas, un recours pour violation de la loi. Il devra adresser sa requête au greffe du tribunal administratif, en précisant les raisons de sa saisine. Il dispose alors, aux termes de l’article R421-1 du Code de justice administrative, d’un délai de deux mois pour saisir le juge administratif, à compter de la notification de la décision par l’administration. Au-delà, le délai sera forclos et l’agent ne pourra plus demander l’annulation de la décision, qui sera alors définitive. Lorsque le juge se prononce sur une décision de refus d‘imputabilité, ou encore sur la décision fixant la date de consolidation, il va exercer un contrôle normal de la décision63. Ce type de contrôle, dégagé par la jurisprudence Gomel64, consiste pour le juge à vérifier la qualification juridique des faits pour en déduire si les mesures prises par l’administration étaient ou non justifiées Le juge devra ainsi par exemple, examiner la preuve du lien de causalité entre l'accident subi et l'exécution du service65. Si l’agent obtient gain de cause devant le juge administratif, l’administration devra bien évidemment se plier au jugement et reconnaître le caractère professionnel de son accident ou de sa maladie. Voir : Accident de service : avis de la commission de réforme et contrôle du juge – CE, 27 mars 2015 ; AJDA 2015 p. 665 63 64 CE, 4 avril 1914, Gomel, req. n° 55125, Lebon. P. 488 65 CE, 25 avril 1980, Thiebault, req. n° 21320, Lebon p. 198 41 Néanmoins, dans le cas contraire, l’agent pourra toujours faire appel du jugement devant la Cour Administrative d’Appel. Il dispose alors d’un délai de deux mois à compter du jour où le jugement du tribunal administratif lui a été notifié pour la saisir66. Il devra là aussi adresser sa requête au greffe de la Cour administrative d’appel, et y joindre le jugement contesté. Et si l’agent n’est toujours pas satisfait de l’issue donnée au litige, il pourra encore intenter un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. Néanmoins, il apparaît que dans les faits, les agents dont la maladie ou l’accident n’ont pas été reconnus comme imputables au service par l’administration, ne saisissent que très peu souvent les juridictions administratives. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque d’engouement pour le contentieux : la peur ou le refus d’attaquer son employeur, la peur des conséquences d’un contentieux sur la carrière professionnelle, les délais de traitement des dossiers souvent très longs, etc. S’il est vrai que la justice administrative peut faire peur aux agents publics, il n’en demeure pas moins qu’elle reste le seul contre-pouvoir efficace dans la procédure de reconnaissance de l’imputabilité d’un accident ou d’une maladie au service, puisque le juge en décidera avec toute l’objectivité qui le caractérise. Après avoir vu en détail comment se déroulait la reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle dans la fonction publique hospitalière, de leur définition aux recours juridiques possibles, en passant par la preuve de leur imputabilité, il est désormais temps de s’intéresser aux garanties qui découlent de cette reconnaissance. II. Les conséquences de la reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle : les régimes de l’indemnisation et de l’inaptitude entre similitude et différences des deux systèmes. Le contentieux relatif à la reconnaissance de l’accident de service et de la maladie professionnelle étant désormais traité, il est temps de s’intéresser au régime qui en découle. Dans cette partie, nous nous intéresserons donc aux cas dans lesquels la maladie ou l’accident ont été reconnus comme imputables au service. Nous verrons ainsi que grâce à cette reconnaissance, le 66 Art. R811-2 Code de justice administrative 42 fonctionnaire hospitalier aura droit à un remboursement plus complet des prestations en espèce ou nature qui découlent de l’accident ou de la maladie (A), et qu’il pourra bénéficier en plus, d’une allocation temporaire d’invalidité ou d’une rente d’invalidité selon le cas (B). Enfin, nous verrons que même pour les agents de la fonction publique hospitalière, il est possible d’engager la responsabilité de l’établissement public employeur dans le but de profiter d’une indemnisation plus complète des conséquences de l’accident ou de la maladie (C). A. La prise en charge des prestations en espèce et en nature : un système calqué sur le système de droit privé ? Comme pour les accidents de travail et les maladies professionnelles dans le système de droit privé, le principe qui s’applique en cas de maladie ou d’accident de service dans la fonction publique est celui de la réparation forfaitaire. Les prestations en espèce et en nature seront donc à la charge de l’employeur. 1. Le remboursement des prestations en nature : une totale prise en charge par l’employeur Le régime de sécurité sociale des agents hospitaliers est un régime mixte, certains risques étant couverts par le régime général de la sécurité sociale. Ainsi par exemple, les prestations en nature sont en principe servies par la CPAM pour les fonctionnaires hospitaliers. Mais en cas d’accident de service ou de maladie professionnelle, c’est à l’employeur uniquement qu’incombe la prise en charge de ces frais. Au-delà d’un régime spécial qui s’applique aux fonctionnaires victimes d’un accident ou d’une maladie professionnelles, c’est déjà le système de sécurité sociale de base qui diffère. Ainsi, les prestations en nature sont prises en charge par le régime général de sécurité sociale, à 70% comme pour les salariés de droit privé. Pour la prise en charge des 30% restants, l’article 44 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précise : « l’établissement employeur prend à sa charge pendant une durée maximum de six mois le montant des frais d'hospitalisation non remboursés par les organismes de sécurité social. […] Les fonctionnaires en activité bénéficient, en outre, de la gratuité des soins médicaux qui leur sont dispensés dans l'établissement où ils exercent ainsi que de la gratuité des produits pharmaceutiques qui leur sont délivrés pour leur usage personnel par la pharmacie de l'établissement, sur prescription d'un médecin de l'établissement. » 43 En pratique, cette prise en charge se fait par le biais de mutuelles (comme par exemple la MFH – Mutuelle de France des Hospitaliers). Les agents doivent s’acquitter d’une cotisation, en contrepartie de laquelle la mutuelle gère le risque maladie. Elle va ainsi s’occuper des remboursements, avant d’en demander le paiement par l’employeur. Dans un arrêt du 13 décembre 200167, la Cour de Cassation a estimé que l’article 44 du statut des fonctionnaires hospitaliers constituait un avantage en nature, alloué par l’employeur à son personnel, en contrepartie ou à l’occasion du travail, et que dès lors, cet avantage entrait dans l’assiette des cotisations au titre de la CSG et de la CRDS. Néanmoins, dans une lettre du 24 janvier 2004 du Ministre des Affaires sociales, Monsieur François FILLON adressée à l’ACOSS, ce dernier a indiqué que la gratuité des soins pour les fonctionnaires hospitaliers ne pouvait être un avantage en nature, dès lors que l’agent hospitalier a souscrit à un contrat mutualiste et qu’il s’acquitte d’une cotisation pour cela. Ainsi, si le fonctionnaire a souscrit à un contrat avec une mutuelle, il n’aura pas à s’acquitter de la CGS ou de la CRDS en cas de bénéfice de soins gratuits. Dans le cas contraire néanmoins, il aura à le faire. Que le fonctionnaire ait à bénéficier de soins pour une maladie ordinaire ou pour un accident de service ou une maladie professionnelle, ces derniers seront prodigués dans les deux cas de façon gratuite par l’établissement employeur. Néanmoins, en cas d’accident de service ou de maladie professionnelle, le paiement des soins ne se fait plus de la même manière. En effet, dans ce cas, aux termes de l’article 41 de la loi de 1986, le fonctionnaire a droit « au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ». Tout comme le salarié de droit privé, qui aux termes de l’article L431-1 du Code de sécurité sociale, a droit à la prise en charge totale des frais de santé occasionnés par un accident de travail ou une maladie professionnelle, le fonctionnaire hospitalier n’aura pas non plus à avancer les frais, qui seront totalement pris en charge par son employeur. En effet, si pour le salarié de droit privé, les prestations en nature découlant d’un AT/MP sont prises en charge par la branche AT/MP du régime général, dans le cas des fonctionnaires hospitaliers, c’est à l’employeur qu’incombe le paiement de ces prestations. 67 Cas. Soc., 13 décembre 2001, pourv. N° 00-12540 ; repris par CA Grenoble, 14 février 2008, n° 05/03437 44 Dans ce cas, la CPAM n’intervient plus comme pour une maladie ordinaire, et la totalité des soins devant être prodigués à la victime seront à charge de l’employeur. On peut donc ici mieux comprendre encore l’enjeu pour l’établissement public employeur de la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie d’un agent hospitalier, puisque si tel est le cas, tous les frais médicaux seront à sa charge, contrairement au cas où la maladie serait ordinaire, et où les frais seront partagés avec l’organisme de sécurité sociale. Mais l’accident ou la maladie professionnelle n’engendrent pas que des frais médicaux. En effet, dans la plupart des cas, cela va également conduire à un arrêt de travail pour l’agent, et donc à une perte de rémunération pour lui. 2. Le droit à un congé maladie, longue maladie ou de longue durée à plein traitement L’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 liste les congés auxquels a droit un fonctionnaire hospitalier. En cas de maladie, l’agent aura droit à un congé maladie ordinaire, un congé longue maladie ou un congé longue durée. Contrairement au système général de sécurité sociale, le versement de ces prestations n’est pas géré par la CPAM, mais par l’employeur lui-même, qui en a également la charge financière Pour bénéficier d’un congé maladie, l’agent malade devra faire établir un arrêt de travail par son médecin, comme les salariés de droit privé. Ce certificat peut se faire sur papier libre, ou sur les documents CERFA de l’assurance maladie. Néanmoins, la gestion des arrêts de travail étant opérée par l’employeur, l’agent n’aura à lui adresser que les volets 2 et 3 du document, qui ne comporte pas les motifs médicaux de l’arrêt. Le volet n°1 qui les mentionne devra être conservé par l’agent68. L’agent hospitalier pourra alors bénéficier, en premier lieu d’un congé maladie dit ordinaire. Ce congé peut être d’une durée maximale d’un an, sur une période de douze mois consécutifs. L’agent conservera l’intégralité de son traitement pendant trois mois, puis celui-ci sera réduit de moitié durant les neuf mois suivants. Il pourra également bénéficier d’un congé longue maladie. Ce congé est octroyé au fonctionnaire hospitalier dont la maladie rend impossible l’exercice des fonctions et demande un traitement et des soins prolongés. Circulaire n° FP 4/2049 du 24 juillet 2003 relative aux modalités de traitement des certificats médicaux d’arrêt de travail pour maladie des fonctionnaires 68 45 Une liste des maladies donnant droit à l’octroi des congés de longue maladie est prévue par l’arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie. Néanmoins, la maladie de l’agent n’a pas à figurer nécessairement sur cette liste pour ouvrir droit à ce type de congé, puisqu’elle n’est qu’indicative Ce congé est donné après avis du comité médical. Le congé longue maladie est accordé pour une période allant de 3 à 6 mois, selon proposition du comité médical. Il peut être renouvelé par tranche de mêmes périodes, sans pour autant pouvoir dépasser 3 ans. Il revient à l’agent concerné de faire la demander de renouvellement du congé auprès de son employeur, un mois avant son expiration L’agent bénéficiera de l’intégralité de son traitement durant un an, puis ce dernier sera réduit de moitié pendant les deux années suivantes. Il ne pourra reprendre son service qu’après un examen médical de reprise et avis du comité médical (qui peut en outre formuler des recommandations sur les conditions de travail de l’agent concerné). Un autre type de congé existe pour un fonctionnaire hospitalier malade : c’est le congé de longue durée. Il est également octroyé après avis du comité médical, lorsque l’agent est atteint d’une maladie relevant de l’un de ces groupes : - La tuberculose - Une maladie mentale - Une affection cancéreuse - La poliomyélite - Un déficit immunitaire grave et acquis Pour pouvoir bénéficier de ce congé, en plus d’être atteint de l’une de ces maladies, le fonctionnaire devra avoir épuisé ses droits à un congé longue maladie69. Le CLD est octroyé après avis du comité médical, pour une période allant de 3 à 6 mois, avec possibilité de prolongation sur demande de l’intéressé, sans pour autant pouvoir dépasser une durée totale de 5 ans. L’agent hospitalier conservera l’intégralité de son traitement durant trois ans, puis celui-ci sera réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. 69 TA Nancy, 4 juillet 2003, n° 011708 ; CE, 20 mars 2013, req. n° 347635 et n° 351537 46 Néanmoins, l’agent ne pourra bénéficier que de cinq années de CLD par famille de maladie. Une fois ces droits épuisés pour l’une, il ne pourra plus bénéficier d’un autre CLD, même s’il y a eu reprise d’activité entre les deux. L’agent pourra reprendre ses fonctions, au terme de son CLD, après examen médical de reprise et avis du comité médical sur la question. En cas d’accident de service ou de maladie professionnelle, l’agent hospitalier aura également droit à un congé maladie ordinaire, un congé longue maladie ou un congé longue durée, dans les mêmes conditions que celles citées précédemment. Néanmoins, la rémunération qui lui sera versée durant ce congé sera, elle, différente. Ainsi, l’agent conservera l’intégralité de son traitement durant toute la période de congé qui fait suite à un accident de service ou une maladie professionnelle, c’est-à-dire pendant un an pour un CMO, trois ans pour un CLM, et cinq ans pour un CLD. Il gardera également l’intégralité de son traitement en cas de congé maladie du à une rechute imputable à l’accident de service ou à la maladie professionnelle. Une fois le congé de l’agent terminé, la commission de réforme devra statuer sur son état de santé et apprécier la date de consolidation, qui sera ensuite fixée par l’autorité administrative. L’état de la victime est considéré comme consolidé lorsque les conséquences physiologiques de son accident sont stabilisées, c’est-à-dire que son état n’évoluera plus, ou peu. L’agent pourra reprendre son travail, s’il le peut, après la délivrance d’un certificat médical finale par un médecin agrée. Ce certificat devra, comme pour les salariés de droit privé, établir si l’agent est guéri avec un retour à l’état antérieur, s’il est guéri mais avec une possibilité de rechute ultérieure ou s’il y a consolidation avec séquelles. L’agent pourra reprendre son travail normalement s’il en a toujours les capacités, ou à mi-temps pour des raisons thérapeutiques. C’est le service à temps partiel pour raisons thérapeutiques 70. Sa durée ne peut dépasser un an, et l’agent conserve, durant cette période, l’intégralité de son traitement71. 70 Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 71 TA Nantes, 13 décembre 2007, n° 045191 47 Ainsi, comme le salarié de droit privé, l’agent hospitalier a droit à une prise en charge totale des prestations en espèce et en nature qui découlent d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle. Néanmoins, il ne s’agit pas là des seuls frais auxquels s’exposent la victime, puisqu’elle peut également garder des séquelles de son accident ou dues à sa maladie, et ainsi les voir se répercuter sur sa carrière professionnelle. C’est pourquoi, au-delà de la prise en charge des soins, l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle aura également droit à une indemnisation compensatrice de son incapacité ou de son invalidité. B. L’indemnisation des accidents de service et des maladies professionnelles : une situation différente pour l’agent apte et l’agent inapte à la reprise de ses fonctions Le salarié de droit privé, lorsqu’il garde des séquelles de son accident ou de sa maladie professionnelle, se voit octroyé un taux d’IPP déterminé selon les termes de l’article L434-2 du Code de la sécurité sociale. Il pourra alors se voir octroyer une rente selon le taux retenu par le médecin conseil de la sécurité sociale. Pour les fonctionnaires hospitaliers, le système est différent. L’agent se verra octroyer un taux d’invalidité, calculé selon des règles différentes du taux d’IPP, et bénéficiera ensuite, soit d’une allocation temporaire d’invalidité s’il est apte à reprendre ses fonctions, soit, dans le cas contraire, d’une rente d’invalidité. 1. La réparation des séquelles : l’octroi d’une rente d’invalidité a) L’Allocation temporaire d’invalidité L’ATIACL, ou l’ATI, c’est-à-dire la rente d’invalidité est une prestation attribuée au fonctionnaire hospitalier qui présente des séquelles permanentes à la suite d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle. Cette allocation a été créée en 1961 par la loi de finance n° 61-1393 du 20 septembre 1961. D’abord facultative, elle devient obligatoire en 1969 avec la loi n° 69-1137 du 20 décembre 1696 pour les agents affiliés à la CNRACL. 48 Aujourd’hui régie par un décret de 200572, l’ATI a pour objet « de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle »73. L’ATI sera versé dans le cas où le fonctionnaire est en état d’être maintenu en activité. Dans le cas contraire, il ne pourra bénéficier de cette allocation, mais d’une rente d’invalidité, que nous verrons dans le point suivant. Comme précisé précédemment, pour bénéficier de cette allocation, le fonctionnaire hospitalier doit avoir gardé des séquelles de son accident ou de sa maladie, qui entraîne chez lui une invalidité. La notion d’invalidité doit être entendue comme étant une incapacité permanente qui subsiste chez la victime, malgré les soins qui lui ont été prodigués. Pour pouvoir prétendre à l’ATI, le fonctionnaire hospitalier devra avoir été victime d’un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d’au moins 10%, ou être atteint d’une maladie professionnelle figurant dans l’un des tableaux de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale (sans condition de taux d’incapacité minimum dans ce cas). Dans un arrêt de 199774, la Cour d’Appel de Nancy a pu préciser les conditions d’attributions de l’ATI. Ainsi, celle-ci n’est du qu’en cas d’accident de service ou de maladie professionnelle, mais pas dans les cas prévus à l’article L27 du Code des pensions civiles et militaires, c’est-à-dire « soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes ». L’ATI ne concerne donc que les accidents de service et les maladies professionnelles, en laissant de côté les maladies contractées en service (comme vu précédemment), et les actes de dévouement dans un intérêt public et de sauvetage d’une vie. Si l’agent remplies toutes les conditions requises, il pourra bénéficier de l’ATI. Mais pour cela, il devra en faire la demande et respecter la procédure qui en découle. 72 Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. 73 CE, 16 décembre 2013, req. n° 353798 74 CAA Nancy, 4 mars 1997, n° 95NC01441 49 b) la procédure d’octroi L’agent dispose d’un délai d’un an pour présenter sa demande d’ATI. Le point de départ de ce délai diffère selon les cas75. Si l’agent reprend son service après la date fixée pour sa consolidation, alors le délai courra à compter du jour où il reprend son service. Dans les autres cas, (si l’agent reprend son service avant d’être consolidée, ou s’il n’y a pas eu d’arrêt de travail), le point de départ du délai est le jour de la date de consolidation. Passé ce délai, l’agent perd son droit d’agir. Si le décret de 2005 parle de « déchéance », en faisant allusion à un délai de forclusion, il s’agit en réalité d’un délai de prescription institué au profit de l’administration. Il ne s’agit pas d’une disposition d’ordre public, et de fait, le non-respect de ce délai ne peut être relevé d’office par le juge76. Il incombe donc à l’agent de prendre l’initiative des démarches. Néanmoins, aucune formalité ne lui est imposée. Evidemment, pour des raisons de preuves, il a tout intérêt à faire sa demande de façon écrite. Il devra l’adresser « à l’autorité qui a qualité pour procéder à la nomination »77. Dans les faits, il devra l’adresser à l’établissement public employeur. Ce dernier devra alors désigner un médecin chargé de l’examen médical de la victime. La désignation se fait sur la liste des médecins agrées, délivrée par l’agence régionale de santé. Il devra lui transmettre l’ensemble du dossier médical de la victime, comprenant le rapport médical, les pièces médicales, le rapport hiérarchique et les éventuels témoignages. L’agent victime se verra alors convoqué par le médecin désigné, ce dernier devant décrire et chiffrer chacune des séquelles de l’accident ou de la maladie, et déterminer s’il y a un état préexistant de l’agent à l’événement. La commission de réforme a également un rôle à jouer dans la détermination du taux d’invalidité de l’agent ouvrant droit à l’ATIACL78. 75 Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, art. 3 Le moyen tiré de la prescription du délai de demande de l'allocation temporaire d'invalidité n'est pas d'ordre public – Conseil d'Etat 6 décembre 2006 – Lebon 2006 76 77 Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, art. 6 78 Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, art. 6 : « La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, leurs conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme » 50 L’employeur a en effet l’obligation de consulter la commission de réforme afin d’apprécier le taux d’invalidité de l’agent. Le caractère obligatoire de cette consultation a d’ailleurs été consacré par la jurisprudence a plusieurs reprises79. Néanmoins, sa consultation ne sera pas nécessaire pour les accidents de service ou de trajet, dans les cas où le taux d’invalidité déterminé par le médecin n’excède pas 10% et si l’agent concerné est d’accord avec ce taux. L’employeur devra transmettre à la commission de réforme copie du rapport hiérarchique et du rapport médical accompagné de toutes les pièces médicales du dossier. La commission devra motiver son avis, à défaut de sanction par le juge administratif80. L’avis de la commission de réforme n’est cependant que consultatif, la décision finale étant prise par l’employeur et par la caisse des dépôts et consignations. En effet, avant de prendre la décision finale d’attribution, l’employeur doit recueillir l’avis de la Caisse des dépôts et consignations, organe gérant de l’ATI. C’est en réalité à elle que revient le véritable pouvoir de décision, puisque c’est selon sa décision (favorable ou défavorable), que l’agent pourra ou non bénéficier de l’ATI. Un recours en excès de pouvoir est d’ailleurs admis à l’encontre de cette décision. Il est donc évident qu’en cas de non-respect de cette procédure, la décision prise par l’employeur d’accord ou de refus de l’ATI ne serait pas valable81. En même temps que la décision d’accord de l’ATI, son montant devra également être fixé, et cela en fonction du taux d’invalidité retenu pour la victime. c) Détermination du taux d’invalidité et de l’ATI Afin de déterminer le taux d’invalidité de l’agent, qui servira de base au calcul de l’ATI, le médecin expert devra s’appuyer sur le barème indicatif prévu par l’article L28 du Code des pensions civiles et militaires82. Seul ce barème est applicable, à l’exclusion de tout autre comme celui visé par l’article L434-2 du Code de la sécurité sociale83. 79 Notamment : CE, 12 juin 2006, Caisse des dépôts et consignation c/ Mme Lucas, req. n°278189, Lebon p.293 80 CE, 19 mars 1986, Eliés c/ Min. de l’intérieur et de la décentralisation, req. n°50926 81 CE, 5 février 1990, Mme Brancourt c/ Département du Val de Marne, req. n°70595, Lebon p.844 82 Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, art.5 : « Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite » 83 CAA Douai, 1er mars 2005, Caisse des dépôts et consignations c/ Leguillier, req. n°03DA00119 51 Le taux d’invalidité ne saurait prendre en compte que les atteintes à l’état de santé de la victime. L’ATI n’ayant vocation qu’à réparer les séquelles physiologiques de l’accident ou de la maladie comme vu précédemment. En cas d’accident consécutifs, le calcul du taux d’invalidité obéira à la règle dite de Balthazard, et cela à raison des termes de l’article 5 du décret du 2 mai 2005. Cette règle ne sera cependant applicable que dans les cas où les infirmités successives de l’agent ont soit une relation médicale, soit un lien fonctionnel entre elles84. Selon cette règle, quand un fonctionnaire s’est déjà vu reconnaître un taux d’invalidité suit à un accident de service, le taux d’invalidité résultant d’un nouvel accident est calculé sur la validité restante. De même, en cas de séquelles multiples consécutives à un accident de service, ou lorsque il existe une infirmité préexistante chez l’agent, cette même règle s’appliquera. Cependant, pour le calcul de l’allocation d’invalidité, le taux d’invalidité consécutif à un accident de service et celui consécutif à une maladie professionnelle, octroyés à un même agent ne s’additionnent pas et devront être appréciés séparément pour le calcul de l’ATI85 Une fois le taux d’invalidité déterminé, il s’agira de calculer le montant de l’ATI. La méthode de calcul est la suivante : Montant annuel de référence x Taux d’invalidité retenu 12 mois Un certificat d’attribution constatant le droit à l’ATI sera alors délivré à l’agent, qui se verra verser son allocation mensuellement. Celle-ci est cumulable avec son traitement ou avec une éventuelle pension d’invalidité et est non imposable. L’octroi de l’allocation temporaire d’invalidité n’est cependant pas définitif. En effet, partant du postulat que l’invalidité de l’agent est susceptible d’évolution, soit en s’aggravant, soit en s’améliorant, l’ATI est révisée, obligatoirement au bout d’une période de cinq ans au terme de 84 CE, 3 mars 2008, req. n°304374 Allocation d'invalidité : accident de service et maladie professionnelle ne s'additionnent pas – Cour de cassation 3 octobre 2012 – AJDA 2012 p.2417 (erreur dans le titre de l’article, l’arrêt commenté étant celui du 3 octobre 2012 du Conseil d’Etat) 85 52 laquelle, soit elle est maintenu sans limitation de durée, soit supprimée, et dans les cas où un nouvel accident ou maladie ouvrant droit à l’ATI survenait pour le même agent86. Si l’agent estime que son état s’est aggravé après la révision quinquennale obligatoire, il pourra demander une nouvelle révision, dans le même délai de cinq années après la précédente révision. A noter également que depuis la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, l’agent bénéficiant d’une allocation temporaire d’invalidité ne peut plus se voir condamné à sa suspension, comme cela était prévu dans certains cas par les articles L58 et L59 du code des pensions civiles et militaires. L’ATI étant versée lorsque le fonctionnaire est en état de continuer à exercer ses fonctions, elle ne le sera néanmoins pas pour le fonctionnaire inapte à reprendre son service suite à un accident de service ou une maladie professionnelle. Ce dernier bénéficiera alors d’une rente d’invalidité 2. Le cas de l’agent déclaré inapte : l’octroi d’une rente d’invalidité a) La reconnaissance de l’inaptitude de l’agent à reprendre son service Afin de se voir octroyer une rente d’invalidité, l’agent devra d’abord être déclaré inapte au service, inaptitude consécutive à son accident de service ou sa maladie professionnelle. Le décret de 2006 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL 87 en son article 36 précise que le fonctionnaire doit être « mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personne » L’inaptitude du fonctionnaire devra être appréciée selon les fonctions qu’il exerçait avant son accident ou sa maladie. Pour être éligible au versement d’une pension d’invalidité, le fonctionnaire hospitalier devra être « dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions »88, et cela suite à un accident de service ou une maladie professionnelle. 86 Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005, art. 9 87 Décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales 88 Décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003, art. 30 53 Dans le cas d’une inaptitude faisant suite à un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, cette dernière devra être constatée par la commission de réforme, qui devra rendre un avis motivé sur la question89. De même, son reclassement devra être impossible s’il veut pouvoir être mis à la retraite pour invalidité et ainsi toucher cette rente. En effet, l’obligation de reclassement est également applicable aux employeurs publics, puisque cette dernière a été érigée au rang de principe général du droit par le Conseil d’Etat90. On la retrouve aux articles 71 à 76 du Statut de la fonction publique hospitalière (Loi n°86-33 du 9 janvier 1986) ainsi que dans le Décret n°89-376 du 8 juin 1989 relatif au reclassement des fonctionnaires hospitaliers reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions. Si l’agent remplit toutes ces conditions, il sera alors déclaré inapte à toutes fonctions et sera mis en retraite pour invalidité d’office. Ceci n’étant possible qu’à partir du moment où l’agent a épuisé tous ses droits à congé de maladie. La mise en retraite peut être prononcée soit sur demande du fonctionnaire auprès de son employeur, soit d’office, sur initiative de ce dernier. Durant la période d’instruction du dossier, le fonctionnaire sera placé en disponibilité d’office. La mise en disponibilité est alors décidée par l’administration, après avis du comité médical, ou de la commission de réforme dans les cas où elle serait prononcée suite à un CLD accordé pour maladie professionnelle. Elle ne peut durer plus d’un an, cette durée pouvant néanmoins être renouvelé 2 fois après avis du comité médical ou de la commission de réforme selon le cas. Dans les cas de mise à la retraite pour invalidité faisant suite à un accident de service ou une maladie professionnelle, la décision est prise conjointement par l’employeur et par la CNRACL, qui est l’organisme compétent pour le versement de la rente d’invalidité91. Dans le cas contraire, la décision serait irrégulière92. Une fois la décision de mise à la retraite pour invalidité prise, l’agent en question sera radié des cadres, lui faisant ainsi perdre sa qualité de fonctionnaire. Il aura droit, sous certaines conditions, à une rente d’invalidité. 89 Décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003, art. 31 90 CE, 2 octobre 2002, req. n°227868, 91 Décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003, art. 31 : « Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales » 92 En ce sens : CE, 11 mars 1991, Mme Bedouille c/ OPHLM de la ville de Paris, req. n°100982 54 b) L’octroi d’une Rente d’invalidité Aux termes de l’article L28 du Code des pensions civiles et militaires : « Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services. » Ainsi, en plus de la pension de retraite pour invalidité, l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle bénéficiera d’une rente viagère d’invalidité. Si ces deux prestations peuvent être cumulées, leur montant total ne peut cependant dépasser le montant du traitement perçu par l’agent lorsqu’il était en fonction. Si tel est le cas, le montant de chaque élément sera réduit. Et depuis le décret n°2000-1020 du 17 octobre 2000, une rente d’invalidité peut être octroyée à une ancien fonctionnaire déjà radié des cadres, mais dont la maladie a été reconnue comme professionnelle postérieurement à sa radiation de cadres. Afin de calculer le montant de la rente, il faudra avant cela déterminer le taux d’invalidité du fonctionnaire. Cette détermination se fait dans les mêmes conditions que pour le versement de l’ATI, vues précédemment. Néanmoins, contrairement à l’ATI, il n’y a pas de taux minimum imposé pour l’obtention de la rente d’invalidité. C’est à la CNRACL que revient la détermination du taux d’invalidité, après avis de la commission départementale de réforme C’est en fonction de ce taux d’invalidité que sera calculé le montant de la rente d’invalidité. En effet, pour pouvoir déterminer ce dernier, il faudra multiplier le traitement retenu pour le calcul de la pension d’invalidité, par le taux d’invalidité accordé. Et si, avant d’être radié des cadres, l’agent bénéficiait d’une ATI, cette dernière se verra transformée en rente d’invalidité, si la radiation des cadres est prononcée par suite d’une aggravation de l’invalidité de l’agent. Dans le cas contraire, si l’inaptitude de l’agent est la conséquence d’un autre accident ou d’une autre maladie, alors il pourra bénéficier de la rente d’invalidité au titre de cet accident ou maladie, et garder le bénéfice de l’ATI obtenu pour un accident ou une maladie précédente. 55 Néanmoins, qu’il s’agisse de l’ATI, ou de la rente viagère d’invalidité, ces deux mécanismes d’indemnisation des victimes d’accident de service ou de maladie professionnelle ne prennent en compte que les infirmités découlant de ceux-ci, et entraînant une incapacité de travail. Les autres préjudices pouvant découler de l’accident ou de la maladie, tel que le préjudice esthétique, les souffrances morales et physiques ou encore la perte de chance n’entrent donc pas en ligne de compte. Il convient donc de s’intéresser à la possibilité pour l’agent de se voir indemniser de ces préjudices là. C. La place de la faute de l’employeur dans l’indemnisation de la victime : rapprochement avec le système de droit commun 1. L’obligation de prévention de l’établissement public employeur a) Une extension des dispositions du Code du travail aux établissements publics hospitaliers En droit privé, l’employeur a une obligation de prévention, prévue par l’article L4121-1 du Code du travail, qui, depuis les 29 arrêts amiante du 28 février 2002 de la Cour de Cassation93, est considéré comme une obligation de sécurité de résultat. Pour les fonctionnaires hospitaliers, qui sont tout autant exposés à des risques professionnels, une loi de 1955 prévoyait déjà l’extension des dispositions du code du travail relatives à l’hygiène et la sécurité aux établissements publics hospitaliers94. Aujourd’hui, l’article L4111-1 du Code du travail prévoit que les dispositions de la 4ème partie du Code du travail relative à la santé et la sécurité au travail « sont également applicables […] Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ». Ainsi, tout comme l’employeur de droit privé, l’employeur public est porteur d’une obligation de sécurité envers ses salariés. Il devra donc, au titre de l’article L4121-1 du Code du travail, « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». 93 Notamment Cass., Soc., 28 février 2002, SA Eternit industries c/ veuve Hammou, n° 00-11793 et n° 99-18390 94 Loi n° 55-1032 du 4 août 1955 relative aux règles d’hygiène et de sécurité 56 Pour se faire, il devra évaluer les risques, les éviter ou les combattre, et prendre des mesures de protection suffisante pour ses agents95. Il devra également, au même titre que l’employeur privé, établir une fiche de prévention des expositions aux facteurs de pénibilité énumérés par le code du travail. Néanmoins, l’article L4741-6 du code du travail instaure un régime dérogatoire pour les employeurs de la fonction publique hospitalière, concernant les sanctions édictées par ce même code. Ainsi, l’employeur public ne saurait être condamné aux amendes prévues par la loi, dans les cas où il commettrait une infraction relative au non-respect des règles particulières de prévention (article L4147-1 et suiv.), ou encore relative à la représentation des salariés (art. L4742-1). Il encourt cependant les mêmes sanctions que les employeurs de droit privé en cas de non-respect des règles relatives à la protection des jeunes travailleurs ou des femmes enceintes (art. L4743-1 et 2), ou encore des infractions aux règles de santé et sécurité nées d’une source règlementaire (art. R4741-1 à R4745-4) La partie IV du Code du travail étant applicable aux fonctionnaires hospitaliers, la loi du 4 août 1955 a également prévu la compétence de l’inspecteur du travail pour en contrôler la bonne application. Cette compétence est rappelée par l’article L8112-1 du code du travail, qui dispose que les inspecteurs du travail « sont chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail ». Néanmoins, là aussi ses compétences sont limitées par l’article L4741-6 du même code, puisqu’il ne pourra pas relever les infractions présentes aux articles L4741-1 à L4741-5 et L4741-9 à L4742-1. Ainsi, l’employeur public a, tout comme l’employeur de droit privé, une obligation de prévention des risques professionnels. Néanmoins, les sanctions qu’il encourt sont moindres, et on peut se poser la question de l’efficacité de ces dispositions. De plus, l’employeur privé sera incité à prévenir les risques dans son entreprise, par le biais des cotisations versées à la branche AT/MP du régime général de la sécurité sociale et qui augmentent avec le nombre d’accidents ou de maladies recensés dans l’entreprise. Or, ce n’est pas le cas des employeurs publics, qui, bien qu’ils cotisent auprès de la Caisse des Dépôts et Consignation, notamment à l’ATIACL, cette cotisation est fixée par décret et s’assoit sur le traitement brut des agents. Elle n’est donc pas proportionnelle aux nombre d’accidents ou de maladie constatés dans l’établissement. 95 Art. L4121-2 Code du tr. 57 Néanmoins, pour la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, un fond national de prévention des AT/MP a été mis en place auprès de la CNRACL96. Si ce fond n’est pas financé directement par les employeurs publics, mais par un prélèvement sur le produit des contributions retraites perçues par la CNRACL, il a tout de même pour vocation d’assister les établissements hospitaliers et les collectivités dans leurs démarches de prévention des risques professionnels. Il pourra ainsi leur apporter une aide financière, sous forme de prêt ou de subventions, dans la mise en place d’actions de prévention. De plus, associé à cette obligation de prévention issue des règles de code du travail, l’employeur public devra également mettre en place un CHSCT au sein de son établissement, dans les mêmes conditions que celui devant être mis en place dans une entreprise privée. b) La mise en place d’un CHSCT au sein des établissements hospitaliers La CHSCT est un autre exemple de l’exception à l’inapplicabilité des règles du code du travail à la fonction publique hospitalière. En effet, par un décret de 198597, les règles instituant le CHSCT dans les établissements hospitaliers ont été codifiées aux articles R236-23 à R236-31 du Code du travail. On les retrouve aujourd’hui aux articles R4615-1 à R4615-21 du même code. Ainsi, contrairement au Comité technique d’établissement, qui a également compétence en matière de santé et sécurité, le CHSCT est régi par des règles de droit privé, et non par le Code de la santé publique. Si le CTE a également un rôle à jouer en matière de prévention, nous n’aborderons que celui du CHSCT, qui a compétence en matière d’accident de travail et maladie professionnelle. Un CHSCT doit ainsi être mis en place dans tout établissement ou syndicat inter-hospitalier qui comptent plus de 50 agents. Dans le cas contraire, c’est au comité technique que sont attribuées les missions et prérogatives du CHSCT. Le CHSCT est composé de représentants du personnel (médecin et non médecin), et est présidé par le chef d’établissement, comme en droit privé. 96 Loi 2001-624 du 17 juillet 2001, art. 31 97 Décret n°85-946 du 16 août 1985 modifiant le code du travail (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) et relatif aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les établissements mentionnés à l'article L792 du code de santé publique et dans les syndicats interhospitaliers. 58 Les missions du CHSCT sont données à l’article L4612-1 du Code du travail. Tout comme le CHSCT dans une entreprise privée, il assure une triple mission de prévention, de contrôle et d’étude des risques professionnels. Il doit ainsi : - Contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure - Contribuer à l'amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité - Veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières. Il doit également être informé et consulté dans les cas prévus aux articles L4612-8 à L4612-14 du code du travail. Mais ce comité a également pour mission d’enquêter après un accident de travail ou une maladie professionnelle98. Il pourra, pour se faire, faire appel à un expert agrée « Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement » 99 S’agissant de la notion de risque grave, la jurisprudence a pu en préciser les contours. Ainsi, le risque sera considéré comme grave lorsqu’il est survenu et qu’il affecte la santé des agents, mais aussi lorsqu’il n’est qu’éventuel mais que le danger, les agents qui y sont exposés et les conditions d’exposition sont clairement identifiés. Pour exemple, la Cour de cassation a pu considérer comme risque grave un problème de fumées et de poussières dans l’entreprise dû à une insuffisance de ventilation100, ou encore l’exposition des salariés au bruit lorsque des niveaux sonores supérieurs aux normes ont été relevés et que plusieurs cas de surdité ont été recensés101. Ainsi, en matière de prévention des risques, et donc de la survenance d’un accident ou d’une maladie professionnelle, un véritable rapprochement est fait entre le droit privé du travail et le droit de la fonction publique hospitalière. Nous avons pu voir que les agents hospitaliers bénéficient aussi d’un CHSCT qui répond aux même règles que celui instauré dans les entreprises de droit privé, et 98 Art. L4612-5 Code du tr. 99 Art. L4614-12 Code du tr. 100 Cas. Soc., 19 décembre 1990, pourv. n° 86-16.091 101 CA Nancy, 25 juin 1996, n° 96/1630 59 que l’employeur public doit répondre aux mêmes obligations en matière de prévention que l’employeur public. En droit privé, cette obligation de prévention a permis la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en cas de survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, puisque celle-ci découle du non-respect de cette obligation par l’employeur. En effet, puisqu’il s’agit d’une obligation de sécurité de résultat, comme nous avons pu le voir, tout manquement de l’employeur sera considéré comme une faute de sa part. Il est donc intéressant de se demander si, tout comme pour l’employeur privé, la faute de l’employeur public (donc de l’Etat), peut aussi être reconnue et ainsi ouvrir droit pour la victime à une indemnisation plus complète. 2. La reconnaissance progressive de la mise en cause de l’employeur public. a) Le principe de la réparation forfaitaire Pour les salariés de droit privé, un régime spécial d’indemnisation des accidents de travail et des maladies professionnelles a été mis en place par la loi du 9 avril 1898. Ce régime s’assoit sur le principe d’une indemnisation forfaitaire basée sur une responsabilité sans faute de l’employeur. Ils bénéficient ainsi d’une réparation dite forfaitaire, sans avoir à prouver une faute de l’mployeur. Véritable contrat social, cette règle du forfait existait déjà plus ou moins dans la fonction publique En effet, si une pension d’invalidité existait déjà depuis la Monarchie de juillet, avec les lois des 11 et 18 avril 1831, celle-ci ne s’appliquait qu’aux militaires blessés en service ou malades à cause de leur service et se voyant obligés de mettre fin à leurs fonctions. Par une loi du 9 juin 1853, le bénéfice d’une pension suite à un accident de service ou une maladie professionnelle est étendu aux fonctionnaires civils, par le biais des pensions civiles. C’est en 1895, soit 3 ans avant la mise en place du régime AT/MP dans le secteur privé, que le bénéfice d’une pension d’invalidité va être étendu à tous les fonctionnaires. En effet, par sa décision Cames102, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’absence de disposition sur les pensions, la collectivité devait tout de même réparer les dommages occasionnés à un agent à la suite d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, et ce même en l’absence d’une faute de sa part. La règle était posée. Tout agent victime en service d’un accident ou d’une maladie et qui se voit dans l’impossibilité de continuer à exercer ses fonctions doit être indemnisé par l’employeur public. 102 CE, 21 juin 1895, Cames, req. n°82490, Lebon p. 509 60 C’est ainsi que sont nés la rente d’invalidité et plus tard l’allocation d’invalidité vues précédemment. Le Conseil d’Etat va ensuite préciser les contours de cette règle, en instaurant un véritable forfait de pension, comparable à celui désormais applicables aux salariés de droit privé. Par un avis du 1er juillet 1905, il va d’abord établir véritablement la règle du forfait de pension, en posant le principe selon lequel la pension allouée à un militaire selon les termes de la loi du 11 avril 1831 doit être vue comme une charge pour l’Etat et que dès lors « lesdites personnes ne peuvent prétendre, à raison des dommages à elles causées par un accident imputable à une faute du service public, à une autre allocation au moyen d’une action en réparation civile »103. Il va ensuite consacrer cette jurisprudence avec la décision Paillotin en 1906104. Ainsi, la règle du forfait de pension a été définie comme suit : « dès lors qu’un dommage subi à l’occasion du service par un agent public est susceptible de donner lieu à réparation, à son profit ou à celui de ses ayants-cause, par application d’un régimes de pensions, civiles ou militaires, ce mode de réparation s’oppose à ce qu’une indemnité soit allouée, à l’agent ou à ses ayant-cause, par application des règles générales de la responsabilité de la puissance publique »105. Cette règle a donc été dégagée par la jurisprudence, sans qu’on la retrouve dans les textes régissant la fonction publique. Pour justifier la mise en place de ce forfait de pension, le Conseil d’Etat assoit ce principe sur l’obligation faite à l’administration d’instituer une pension d’invalidité selon les lois de 1831 pour les militaires et de 1853 pour les fonctionnaires. Elle ne peut donc trouver sa source ni dans les articles 1382 et suivants du code civil, ni dans les principes généraux de la responsabilité de l’administration. Ainsi, la règle du forfait de pension est opposable à tout agent qui entre dans le champ d’application du forfait de pension. Et c’est le cas des agents hospitaliers, comme il en a pu être jugé106. Cette règle a fait l’objet de nombreuses critiques, puisqu’elle ferme la porte à une réparation plus équitable pour l’agent victime d’un accident ou d’une maladie en service. Car, si au départ, elle 103 BECQUET, Répertoire de droit administratif, tome XXIII, p. 1984, note 4 104 CE, 12 janvier 1906, Paillotinc/ Min. de la Guerre, req. n° 13912, Lebon 1906, p.36 105 Forfait de pension et droit commun de la responsabilité administrative, F-P Bénoit, JCP 1956.I.1290 106 CE, 16 janvier 1987, Mme Falco, req. n° 53071 61 paraissait avantageuse pour les fonctionnaires qui se voyaient alors appliquer un système de réparation plus complet que celui des salariés de droit privé, elle est apparue, avec le temps, comme un frein à une réparation plus juste et plus complète des dommages causés à l’agent victime d’un accident ou d’une maladie imputables au service. En effet, la réparation forfaitaire ne prend en charge que les dommages corporels qui résultent de l’accident ou de la maladie. Ainsi, l’agent ne pouvait obtenir réparation au titre des souffrances physiques107 ou des souffrances morales108. De même, ce mécanisme l’empêche de faire reconnaître une éventuelle faute de l’administration dans la survenance du dommage. Le Conseil d’Etat refusait ainsi systématiquement d’engager la responsabilité de l’administration109. L’agent ne pouvait ainsi pas se voir indemniser pour les préjudices liés à l’accident ou à la maladie tels que le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément etc. Et la règle du forfait de pension étant d’ordre public, le juge saisi d’une éventuelle action en responsabilité devait soulever d’office l’opposabilité du forfait de pension110. Et alors que le salarié de droit privé, qui lui aussi se voit appliquer une réparation forfaitaire, mais peut tout de même faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, lui ouvrant droit à une indemnisation complémentaire, l’agent public devait lui se contenter d’une réparation forfaitaire sans pouvoir en demander un complément. Cette situation est devenue inéquitable au sein même de l’hôpital, puisque l’agent contractuel, à qui s’applique le régime juridique de l’accident et de la maladie professionnelle de droit privé, pouvait se voir indemniser de tous les préjudices liés à l’accident ou à la maladie, tandis que le fonctionnaire hospitalier ne se voyait pas appliquer cette possibilité. Le Conseil d’Etat a donc dû faire évoluer sa jurisprudence, afin de mettre fin à cette situation inégale. 107 CE, 10 juin 1983, Surateau c/ Min, de la défense, req. n°38933, Lebon p. 868 108 CE, 9 mars 1977, CPAM de Grenoble et Min. de la défense c/ Dame Veuve Forcolin, req. n°00692, Lebon p. 133 109 Comme par exemple pour un accident imputable à une mauvaise organisation du service : CE, 16 novembre 1988, Min. du budget c/ Mme Veuve Fratani et Mme Luciani, req. n°71981, Lebon p.1019 110 CE, 3 janvier 1934, Lestang, req. n° 13469, Lebon p.17 62 b) Vers une reconnaissance de la faute de l’administration ? La règle du forfait de pension, instaurée par la jurisprudence, a ainsi évolué de la même façon, à travers les différentes décisions du Conseil d’Etat qui peu à peu, tend vers l’abandon de l’opposabilité du forfait de pension. Le revirement est amorcé, d’abord concernant les séquelles imputables aux soins accordés suite à un accident de service ou une maladie professionnelle. En effet, les conséquences des soins donnés suite à un accident ou une maladie imputables au service leur sont rattachées. Ainsi, si l’invalidité est aggravée par les soins prodigués, cette aggravation sera prise en compte dans le calcul du taux d’invalidité. Le fonctionnaire n’aura pas à prouver une faute commise par l’hôpital lors de l’octroi de ces soins, mais il ne pourra pas non plus invoquer la responsabilité de l’hôpital pour cela, du fait de son rattachement à l’accident ou la maladie. Cette position, d’abord adoptée par la jurisprudence administrative111, finira par être abandonnée et amorcera le revirement que va prendre le Conseil d’Etat dans sa position concernant la responsabilité de l’administration. Par sa décision Mme Bernard112, le Conseil d’Etat a ainsi reconnu à un agent hospitalier victime d’un accident de service, et ayant subi des séquelles des suites des soins qui lui ont été prodigués, le droit d’engager la responsabilité du service hospitalier selon les règles de droit commun afin d’obtenir une indemnité visant à réparer le préjudice qui en a découlé. La responsabilité du centre hospitalier n’ayant pu être retenue dans cette affaire, c’est par sa décision Castanet113 du même jour que le Conseil d’Etat va préciser les contours de sa nouvelle position en la matière. Ainsi, la victime d’un accident de service peut engager la responsabilité de l’Etat, en ce qu’il a commis une faute de par la mauvaise organisation et le mauvais fonctionnement du service hospitalier, à l’origine des séquelles de la victime. Ces deux arrêts, sans abandonner le principe du forfait de pension (qui y est d’ailleurs rappelé), ont tout de même ouvert à l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, la possibilité d’une réparation complémentaire en cas de faute commise par l’établissement hospitalier qui lui a prodigué les soins rendus nécessaires par son accident ou sa maladie. 111 Par exemple : CE, 10 octobre 1990, Mme Cochet c/ centre hospitalier d’Epernay, req. n°76122, Lebon p. 844 112 CE, 15 décembre 2000, Mme Bernard c/ Centre hospitalier de Neufchâteau, req. n°193335, Lebon p. 628 113 CE, 15 décembre 2000, Castanet c/ Min. de la Défense, req. n°214065, Lebon p.616 63 Si la responsabilité du service employant directement l’agent victime de l’accident ou de la maladie n’est pas ici reconnue, il ne s’agit que d’un premier pas vers cela. Car le Conseil d’Etat va aller plus loin dans l’acceptation de l’indemnisation complémentaire de l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle. Par sa décision Moya-Caville114, il a ainsi posé comme principe, que même si la victime bénéficie d’une pension et d’une rente viagère, les disposition qui la concerne « ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique » La victime pourra donc se voir indemniser des préjudices résultant d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle et non pris en compte dans le calcul de sa rente d’invalidité. Car les chefs de préjudice énumérés par le Conseil d’Etat dans cet arrêt, n’étant pas source d’incapacité pour l’agent, ne pouvaient être pris en compte dans le calcul de son taux d’invalidité. Dans le même considérant, les juges vont plus loin en admettant la possibilité « qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci » Cette action permettant ainsi à la victime de se voir indemniser de tous les préjudices patrimoniaux qu’elle aurait pu subir (préjudice économique, perte de revenu, perte de chance etc.) La victime pourra donc se voir indemniser plus largement par l’employeur public, et cela qu’une faute ait été commise ou non par ce dernier. En reconnaissant la responsabilité de l’administration avec ou sans faute de sa part, les juges du Conseil d’Etat s’appuie sur la responsabilité de l’administration fondée sur le risque115. Il est donc désormais possible pour les agents de la fonction publique hospitalière, comme pour les agents des deux autres fonctions publiques, de se voir indemniser à hauteur des préjudices subis, qu’ils soient patrimoniaux ou extrapatrimoniaux, rattachés à une incapacité fonctionnelle ou non. 114 CE, 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville c/ CHU de Montpellier, req. n°211106, Lebon p.323 Sur le risque voir : Gestion du risque dans la fonction publique : de l’indemnisation à la prévention, de l’inexorable risque à la faute évitée, J. Gaté, AJDA 2006, p. 2375 115 64 Les juges du Conseil d’Etat ne tarderont d’ailleurs pas à consacrer cette position nouvelle, un an plus tard, dans la décision Duval Costa116. Nous avons pu voir, à travers l’étude du système de reconnaissance et d’indemnisation des accidents de services et des maladies professionnelles des agents hospitaliers, que ce dernier diffère en bien des points de celui applicable au salarié de droit privé. D’abord dans sa procédure de reconnaissance, puisque l’instance compétente n’est pas la même. Pour le salarié de droit privé, il s’agit des caisses de sécurité sociale, pour le fonctionnaire hospitalier, de son employeur. De même, les instances consultées ne sont pas les mêmes. Pour le salarié de droit privé, c’est le CRRMP qui est consulté, mais seulement dans certains cas, et l’avis rendu lie les caisses de sécurité sociale qui devront donc le suivre. Pour le fonctionnaire hospitalier, c’est la commission départementale de réforme qui est compétente dans tous les cas, et son avis n’est que consultatif. A partir de là, nous pouvons voir que ces deux systèmes ne sont pas égaux. En effet, le système de reconnaissance des AT/MP dans la fonction publique hospitalière est bien plus périlleux, et bien plus arbitraire, puisque le seul organe compétent au final reste l’employeur. De même, l’indemnisation diffère selon que l’on soit dans le régime de droit privé ou de droit public. D’abord avantageux, le système applicable aux agents de la fonction publique hospitalière est aujourd’hui plus contraignant, dans la mesure où ils ne bénéficient ni du régime applicable à la faute inexcusable de l’employeur, ni à la présomption d’imputabilité de l’accident ou de la maladie. Si, comme nous avons pu le voir, des progrès considérables ont été faits en la matière, à travers la jurisprudence administrative, le système est loin d’être encore parfait. De même, des différences peuvent se constater dans les procédures contentieuses. Quand l’agent de droit public veut contester la décision d’imputabilité au service de son accident ou de sa maladie, ou 116 CE, 15 juillet 2004, Duval Costa c/ La Poste, req. n°224276, Lebon p.875 65 encore la définition de son taux d’invalidité, il devra introduire son recours devant le juge administratif. Le salarié de droit privé quant à lui, devra saisir soit le TASS, soit le TCI selon que le litige se porte sur la reconnaissance de l’AT/MP ou sur son indemnisation. Ce dernier bénéficie ainsi de juridictions spéciales, avec des juges en principe formés pour ce type de contentieux, alors que l’agent hospitalier doit saisir le juge administratif, compétent dans bien des domaines du contentieux administratif. Si ces deux systèmes diffèrent sur tous ces points, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent faire face aux mêmes difficultés : manque de formation des acteurs entrant en jeu, inadaptation des barèmes d’invalidité applicables à chacun, etc. Mais à côté de cela, beaucoup de rapprochements ont pu être constatés entre eux. D’abord dans la définition des termes « accidents de service » et « maladie professionnelle », mais aussi dans l’application de dispositions du code du travail aux fonctionnaires hospitaliers. De plus, si les procédures de reconnaissance ou d’indemnisation ne sont pas la même dans les deux systèmes, elles peuvent néanmoins être mise en parallèle sur bien des points. On peut alors se poser la question d’un rapprochement encore plus poussé de ces deux mécanismes. Si certains auteurs évoquent la disparition des spécificités du droit de la fonction publique, observable à travers les dernières réformes qui tendent à confondre le droit applicable aux fonctionnaires avec celui du salarié de droit privé dans bien des domaines 117, il n’en demeure pas moins que le système de protection sociale des agents hospitaliers reste lui, toujours un régime spécial de sécurité sociale. A partir de ce postulat, il est difficile de projeter la mort du système de reconnaissance et d’indemnisation des accidents de services et maladies professionnelles qui lui est rattachable. 117 Le droit du travail, horizon indépassable du droit de la fonction publique ?; Y. Struillou ; AJDA 2011 p.2399 66 ACAATA Allocation De Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante ACOSS Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale ATIACL Allocation Temporaire d’Invalidité des Agents des Collectivités Locales AT/MP Accident du Travail/ Maladie Professionnelle CE Conseil d’Etat CHSCT Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail CLD Congé Longue Durée CLM Congé Longue Maladie CMO Congé Maladie Ordinaire CNRACL Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales CPAM Caisse Primaire d’Assurance Maladie CRDS Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale CRRMP Comité Régionale de Reconnaissance des Maladies Professionnelles CSG Contribution Sociale Généralisée CTE Comité Technique d’Etablissement FIVA Fond d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante TASS Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale TCI Tribunal du Contentieux de l’Incapacité 67 OUVRAGES Mémentos – Droit de la Fonction Publique, Gustave Peiser, Dalloz, Collec. Mémentos, 21ème Edition, 2012 Commentaire du Statut de la fonction publique hospitalière, Albert Faure, Françoise Ryckenoer, Ed. Berger-Levrault, Collec. Les indispensables, 11ème Edition, 2010 L’accident et la maladie du fonctionnaire imputables au service – régime juridique et garanties statutaire, Michel Libes, Ed. Berger-Levrault, Collec. Les indispensables, 1ère Edition, 2008 L’accident et la maladie du fonctionnaire imputables au service – régime juridique et garanties statutaire, Michel Libes, Ed. Berger-Levrault, Collec. Les indispensables, 2ème Edition, 2012 Le risque professionnel et l’invalidité, Caisse des dépôts, Editions Service Risques Professionnels -Caisse des Dépôts et Consignations, 2005 Guide relatif à la protection sociale des fonctionnaires hospitaliers, annexe de l’instruction n°DGOS/RH3/DGCS/4B/2012/70 du 9 février 2012, Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des droits des femmes, mise à jour juin 2015 REVUES JURIDIQUES BECQUET, Répertoire de droit administratif, tome XXIII, p. 1984, note 4 Forfait de pension et droit commun de la responsabilité administrative, F-P Bénoit, JCP 1956.I.1290 Vers une réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles ?; Didier Tabuteau, Droit social 2001 p. 304 L’accident survenu en service – Le processus d’imputation de l’accident au service, JeanLaurent Pecchioli, AJDA 2002 p. 393 68 Les nouvelles règles d’indemnisation des accidents de services, Gustave Peiser, AJDA 2004 p.2283 La notion d’accident de service dans le droit de la fonction publique – Conclusions sur Conseil d’Etat, Section, 3 décembre 2004, Quinio ; Yann Aguila, RFDA 2005 p. 358 Le Conseil d’Etat renforce la protection des agents publics contre les accidents subis en missions ; Claire Landais, AJDA 2005 p. 189 Dossier Statut de la fonction publique hospitalière : 20 ans, 1986-2006, JuriSanté n° 55, septembre 2006, p. 5 à 22 Gestion du risque dans la fonction publique : de l’indemnisation à la prévention, de l’inexorable risque à la faute évitée ; Juliette Gaté ; AJDA 2006 p. 2375 Le moyen tiré de la prescription du délai de demande de l'allocation temporaire d'invalidité n'est pas d'ordre public – Conseil d'Etat 6 décembre 2006 – Lebon 2006 La qualification d’accident de service dans le droit de la fonction publique ; Didier Jean-Pierre, La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 4, 22 janvier 2007, 2013 Extension de la jurisprudence Moya-Caville à l'allocation temporaire d'invalidité ; M.-C. de Montecler ; Dalloz Actualité, 10 juillet 2008 PROTECTION SOCIALE – Accident de service – Maladie professionnelle ; Arnaud Coryse ; JurisClasseur Fonctions Publiques ; fasc. 640, 29 août 2010 Fonctionnaire hospitalier – Accident de service – accident de trajet – Détour involontaire ; Thierry Tauran, RDSS 2010 p. 387 Le droit du travail, horizon indépassable du droit de la fonction publique ?; Y. Struillou ; AJDA 2011 p.2399 La présomption d’imputabilité au service des maladies visées au code de la sécurité sociale ne s’applique pas aux fonctionnaires de l’Etat – CE 23 juillet 2012 ; AJFP 2012 p. 325 La prise en charge des frais médicaux liés à un accident de service ne s’arrête pas à la retraite – CE, 1er mars 2012 ; AJDA 2012, p. 463 L'absence d'un médecin spécialiste dans la commission de réforme entache d'illégalité la décision prise sur le fondement de son avis – Thomas Bertoncini – AJFP 2013. 228 69 La maladie professionnelle n’a pas à être exclusivement liée aux fonctions – CE 23 septembre 2009, AJDA 2013 p. 1888 Allocation d'invalidité : accident de service et maladie professionnelle ne s'additionnent pas – Cour de cassation 3 octobre 2012 – AJDA 2012 p.2417 (Erreur dans le titre de l’article, l’arrêt commenté étant celui du 3 octobre 2012 du Conseil d’Etat) Fonction publique hospitalière : le statut ; Les cahiers de la fonction publique n° 329 ; Janv.fev. 2013 p. 50 à 54 Régimes législatifs spéciaux d’indemnisation relevant de la juridiction administrative, Terry Olson, Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, septembre 2013, p. 79 à 121 L’imputabilité au service du suicide d’un fonctionnaire ; Aurélie Bretonneau, AJDA 2014 p. 1706 Prévention et prise en charge des expositions à l’amiante dans la fonction publique : les mêmes droits pour les agents publics et les salariés du secteur privé ; La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 49, décembre 2014, act. 976 Maladie du travail : les fonctionnaires hospitaliers ne bénéficient pas de la présomption d’imputabilité, veille par Elise Langelier, La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 10-11, 9 mars 2015, act. 241 Accident de service : une jurisprudence méconnue ; Christian Torres, Santé & travail n° 90 ; avril 2015, p .46-47 Accident de service : la consultation de la commission de réforme constitue une garantie au sens de la jurisprudence Danthony – TA Paris 22 mai 2014 ; AJFP 2015 p. 102 Accident de service : avis de la commission de réforme et contrôle du juge – CE 27 mars 2015 ; AJDA 2015 p. 665 SOURCES LEGISLATIVES, REGLEMENTAIRES ET AUTRES Loi n° 55-1032 du 4 août 1955 relative aux règles d’hygiène et de sécurité Loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (Loi le Pors) 70 Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière Loi n° 93-171 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social Loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, art. 41 Décret n°85-946 du 16 août 1985 modifiant le code du travail (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) et relatif aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les établissements mentionnés à l'article L792 du code de santé publique et dans les syndicats interhospitaliers. Décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires. Décrets n° 93-683 du 27 mars 1993 modifiant le code de la sécurité sociale (partie Décret) et relatif à la création des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Décret n° 93-692 du 27 mars 1993 relatif à certaines procédures de reconnaissance des maladies professionnelles et modifiant le code de la sécurité sociale Décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n’ayant pas le caractère industriel ou commercial Décret n°88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière Décret n°89-376 du 8 juin 1989 relatif au reclassement des fonctionnaires hospitaliers reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions Décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales Décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière 71 Circulaire n° 1711-34 / CMS-2B9 du 30 janvier 1989 Circulaire n° FP 4/2049 du 24 juillet 2003 relative aux modalités de traitement des certificats médicaux d’arrêt de travail pour maladie des fonctionnaires Réponse du Ministre de la fonction publique à la question n° 01465 de M. Claude Domeizel, publiée au JO du Sénat du 12 sept. 2009, p.2015 Code du travail, Quatrième partie – Santé et sécurité au travail Article L461-2 Code de la sécurité sociale Article L431-1 Code de la sécurité sociale Articles L411-1 et 2 Code de la sécurité sociale Article R441-2 Code de la sécurité sociale Article L27 Code des pensions civiles et militaires de retraite JURISPRUDENCE CE, 21 juin 1895, Cames, req. n°82490, Lebon p. 509 CE, 12 janvier 1906, Paillotinc/ Min. de la Guerre, req. n° 13912, Lebon 1906, p.36 CE, 3 janvier 1934, Lestang, req. n° 13469, Lebon p.17 CE, 9 mars 1977, CPAM de Grenoble et Min. de la défense c/ Dame Veuve Forcolin, req. n°00692, Lebon p. 133 CE, 4 avril 1914, Gomel, req. n° 55125, Lebon. P. 488 CE, 1er juillet 1958, Dame Cubeddu, req.n° 41002, Lebon p. 405 Trib. Des Conflits, 28 février 1966, Franco c/ Ministre du travail, req. N° 1880, Lebon p. 827 CE, 24 novembre 1971, Even, Lebon p.1090 CE, 23 janvier 1974, Lebrun, Lebon p.1033 CE, 24 février 1975, Sénécal c/ Ministre de l’Education nationale, req. n° 93750, Lebon p. 1101 72 CE, Ministère de l’Education c/ Dame Coroller, 20 mai 1977, req. n° 02961, publié au recueil Lebon CE, 25 avril 1980, Thiebault, req. n° 21320, Lebon p. 198 CE, 10 juin 1983, Surateau c/ Min, de la défense, req. n°38933, Lebon p. 868 CE, 19 mars 1986, Eliés c/ Min. de l’intérieur et de la décentralisation, req. n°50926 CE, 13 juin 1986, Caisse des dépôts et consignations c/Mr Jean-Louis B, req n°56576 CE, 16 janvier 1987, Mme Falco, req. n° 53071 CE, 30 septembre 1988, Bonmartin, req. n° 70069, Lebon p. 320 CE, 16 novembre 1988, Min. du budget c/ Mme Veuve Fratani et Mme Luciani, req. n°71981, Lebon p.1019 CE, 2 décembre 1988, Ministre de l’Economie, des finances et du budget c/ Mme Marret, req. N° 75209 CE, 23 juin 1989, Mme Babayan, req. N° 56147 CE, 5 février 1990, Mme Brancourt c/ Département du Val de Marne, req. n°70595, Lebon p.844 CE, 10 octobre 1990, Mme Cochet c/ centre hospitalier d’Epernay, req. n°76122, Lebon p. 844 CE, 21 janvier 1991, Mlle Le Meur c/ Ministre de l’Economie, des finances et du budget, req. N° 83976, Lebon p. 1021 CE, 11 mars 1991, Mme Bedouille c/ OPHLM de la ville de Paris, req. n°100982 CE, 29 juillet 1994, Caisse des dépôts et consignations c/ Mme Orsutto req. N° 102845 CE, 9 janvier 1995, Caisse des dépôts et consignations c/ Mme Vibert, req. N° 124026, Lebon p. 872 CE, 3 avril 1995, Thibaud, req. n° 111388 TA Versailles, 6 avril 1995, Proust, req. N° 89-3607, Lebon p. 872 CE, 3 mai 1995, Ministre de l'Education Nationale c/ M. Q, req. n° 110503 73 CE, 30 juin 1995, Bedez, req. n° 124622 CE, 8 septembre 1995, Milhaud, req. n° 119310). CE, 4 décembre 1995, Centre hospitalier régional de Toulouse c/ Basile, req. N° 146-256 CE, 18 octobre 1996, Mme Mazzoni c/ Ministre de l’Education, req. N° 141572 CAA Nancy, 4 mars 1997, n° 95NC01441 CE, 10 juin 1997, Sté Ass. Mutuelle de France, req. N° 159.366 CE, 13 juin 1997, Caisse des dépôts et Consignation, req. n° 122902 CE, 30 juillet 1997, Sociétés Assurance mutuelles de France, req. n° 159366 CE, 1er avril 1998, Taillez, req. n° 150359, Lebon p.992 CE, 9 septembre 1998, Lambourdière, req. n° 107466 CE, 30 décembre 1998, Caisse des dépôts et consignations c/ Durbano, req. N° 149894 CE, 7 juillet 2000, Laffray c/ Université de Paris-XII, req. n° 213037, Lebon p. 1060 CE, 15 décembre 2000, Mme Bernard c/ CH de Neufchâteau, req. n°193335, Lebon p. 628 CE, 15 décembre 2000, Castanet c/ Min. de la Défense, req. n°214065, Lebon p.616 CE, 4 juillet 2001, Ferrand, req. n° 210667 CAA Marseille, 10 juillet 2001, n° 00MA00306 CE, 2 octobre 2002, req. n°227868, TA Nancy, 4 juillet 2003, n° 011708 CE, 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville c/ CHU de Montpellier, req. n°211106, Lebon p.323 CE, 15 juillet 2004, Duval Costa c/ La Poste, req. n°224276, Lebon p.875 CE, 3 décembre 2004, Quinio, req. N° 260786 CAA Douai, 1er mars 2005, Caisse des dépôts et consignations c/ Leguillier, req. n°03DA00119 CE, 10 mars 2006, Caisse des dépôts et consignations c/ Caccavelli, req. n° 267860 74 CE, 12 juin 2006, Caisse des dépôts et consignation c/ Mme Lucas, req. n°278189, Lebon p.293 TA Nantes, 13 décembre 2007, n° 045191 CE, 3 mars 2008, req. n°304374 CE, 5 septembre 2008, req. n° 298297 CE, 24 juillet 2009, Hospices civiles Lyon, req. n° 308876, Lebon p. 942 CE, 29 janvier 2010, Mme Micheline Oculi c/ Caisse des dépôts et consignations, req. N° 314148 CE, 3 décembre 2010, req. n° 327845 CE, 17 janvier 2011, req. n° 328200, inédit au recueil Lebon CE, 16 février 2011, Mme Jayet, req. n° 331746 CE, 4 mars 2011, Revault, req. n° 313369 CE, 22 juin 2011, req. n° 344596 CE, 23 décembre 2011, Danthony, req. n° 335033 CE, 23 juillet 2012, n° 349726 CE, 21 novembre 2012, req. N° 344561 TA Rouen, 26 novembre 2012, n° 1000705 CE, 20 mars 2013, req. n° 347635 et n° 351537 CE, 15 mai 2013, req. n° 348332 CE, 23 septembre 2013, req. n° 353093 CE, 16 décembre 2013, req. n° 353798 CE, 18 décembre 2013, req. n° 362514 CE, 17 janvier 2014, Ministre du budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, req. n° 352710 CE, 16 juillet 2014, req. N° 361820 75 CE, 25 février 2015, req. n° 371706, à paraître au recueil Lebon CE, 27 mars 2015, req. n° 362407 CE, 27 avril 2015, req. n° 374541, à paraître au recueil Lebon CA Nancy, 25 juin 1996, n° 96/1630 CA Grenoble, 14 février 2008, n° 05/03437 Cas., Soc., 29 janvier 1965, pourv. n° 63-12241 Cas. Soc., 19 décembre 1990, pourv. n° 86-16.091 Cas. Soc., 19 juillet 2001, SA Framatome c/ Mme Gicquiaux et Mme Salomon c/ CPAM de Lyon et autres, pourv. N° 99-20.603 Cas. Soc., 13 décembre 2001, pourv. N° 00-12540 Cass., Soc., 28 février 2002, SA Eternit industries c/ veuve Hammou, n° 00-11793 et n° 9918390 SITES INTERNET http://www.legifrance.gouv.fr/ http://www.conseil-etat.fr/ https://www.cdc.retraites.fr/portail/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=121 (pour le CRNACL) https://www.cdc.retraites.fr/portail/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=87 (pour l’ATIACL) 76 ANNEXE 1 : Avis d’arrêt de travail – Document Cerfa n°10170*05 - Volet 1 et 2 à adresser à l’employeur public ANNEXE 2 : Exemplaire rapport hiérarchique accident de service ANNEXE 3 : Extrait du Barème d’invalidité annexé au Code des pensions civiles et militaires ANNEXE 4 : Formulaire AF3 de la caisse des dépôts et Consignation – rapport d’expertise médicale 77 ANNEXE 1 : Avis d’arrêt de travail – Document Cerfa n°10170*05 - Volet 1 et 2 à adresser à l’employeur public 78 79 80 ANNEXE 2 : Exemplaire rapport hiérarchique accident de service 81 82 ANNEXE 3 : Extrait du Barème d’invalidité annexé au Code des pensions civiles et militaires, Chapitre 13 : Appareil locomoteur (rhumatologie, maladie du système) – I. membres supérieurs – p. 117 à 121 83 84 85 86 87 ANNEXE 4 : Formulaire AF3 de la caisse des dépôts et Consignation - Rapport d’expertise médicale 88 89 90 91