RESISTANCE DES ADVENTICES AUX HERBICIDES

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RESISTANCE DES ADVENTICES AUX HERBICIDES
RESISTANCE DES ADVENTICES AUX HERBICIDES :
MECANISMES ET MOYENS DE LUTTE AGRONOMIQUE
Synthèse du 29 mai 2015 – Animation agricole BAC
De nouveaux cas d’adventices résistantes à une ou plusieurs familles d’herbicides (FOPs, DENs ou ALS) se révèlent chaque
année. Dans ces parcelles, l’utilisation des herbicides de sortie d’hiver donne des résultats aléatoires, voire insatisfaisants. Il est
donc important de comprendre quels sont les mécanismes mis en jeu pour prévenir le développement de
situations de résistance.
Mécanismes d’apparition des résistances
Il existe plusieurs types de mécanismes permettant à une mauvaise herbe d’être résistante à une application d’herbicide. Dans le
cas des graminées en France, les cas de résistance sont principalement dus à deux mécanismes majoritaires : la mutation de cible
et la détoxication.
Fonctionnement schématique de deux mécanismes de résistance aux herbicides
Mutation de cible
Détoxication
Le premier cas correspond à une mutation dans le gène codant pour la cible de l’herbicide, entraînant une modification de la
configuration de cette cible qui n’est alors plus reconnue par la molécule herbicide. L’efficacité du produit, et de tous les autres
herbicides ayant le même site d’action, est donc nulle sur la plante.
Le deuxième cas fait intervenir le métabolisme de la plante. Certaines plantes possèdent des enzymes qui sont capables de
dégrader les matières substances actives en métabolites inactifs. Une partie des molécules herbicides est donc interceptée et
métabolisée avant d’atteindre son site d’action et ne peut donc pas altérer le fonctionnement de la plante : c’est ce que l’on appelle
la détoxication. Ce phénomène est beaucoup plus complexe, et peut toucher plusieurs familles chimiques en même temps.
Bien entendu, plusieurs mutations ou plusieurs cocktails d’enzymes peuvent cohabiter au sein d’une population de mauvaises
herbes et même au sein d’un même individu, ce qui rend très difficile la prédiction du comportement d’une parcelle vis-à-vis d’un
herbicide n’ayant jamais été utilisé.
Facteurs de risque
L’apparition de résistances est favorisée par plusieurs facteurs, liés au système de culture ou aux pratiques de
désherbage. On peut retenir que :
- les rotations courtes, sans cultures de printemps, augmentent considérablement le risque de
développement de populations résistantes.
- les dates de semis trop précoces sont également favorables à l’apparition de résistances .
- en limitant l’utilisation des leviers agronomiques, la gestion des adventices repose alors essentiellement sur les
pratiques de désherbage chimique, ce qui entraîne une augmentation de la pression de sélection.
- l’utilisation répétée d’un même mode d’action des herbicides dans la campagne et dans la
rotation augmente le risque de sélectionner des individus résistants à ce mode d’action.
Il est indispensable de combiner plusieurs leviers agronomiques afin de limiter le risque
que la situation ne dérape.
& Pour être efficaces, les leviers suivants doivent être employés en concordance avec la biologie des
adventices à contrôler (TAD, dormance, période de germination…)
Animation agricole des Bassins d’Alimentation de Captages
Description des matières actives présentant des phénomènes de résistance
Substance active et produits commerciaux
Famille chimique
Groupe
HRAC
Mode d’action biochimique
- Celio, Illoxan CE, Puma LS, Baghera
- Axial Pratic
- FOP
- DEN
A
Inhibition ACCase (synthèse
des lipides)
- metsulfuron (Allié), sulfuron (Atlantis, Archipel)
- florasulame (Primus), pyroxsulame (Abak)
- sulfonylurées
- triazolopyrimidines
B
Inhibition ALS (synthèse de
certains acides aminés)
ghjkjuy dfuyk
Ensemble des leviers agronomiques à combiner pour diminuer le risque
d’apparition de résistances
Elaborer une rotation diversifiée et décaler les périodes de semis
Pour lutter contre les graminées d’automne (ray-grass, vulpin, brome…), une des bases est de perturber leurs cycles de
développement en faisant varier les conditions de germination, empêchant ainsi la spécialisation d’une flore adventice.
Pour cela, le premier pilier est l’alternance des cultures dans une rotation diversifiée (cultures hiver/printemps). Le
décalage de la date de semis est aussi fondamental.
Diversifier les rotations et alterner les cultures d’hiver et de printemps en tenant compte des
contraintes et pratiques de l’exploitation
Exemple de rotation diversifiée en système de culture AB.
Effet de la rotation sur la densité d'adventices
(ISARA, 2004)
La rotation des cultures est le premier outil de lutte contre les adventices.
D’une manière générale, la diversification et l’allongement des rotations évitent
la spécialisation de la flore et facilitent le désherbage pour deux raisons :
• il est plus facile de gérer une diversité d’adventices qu’une densité
très importante d’une seule espèce ;
• en alternant les cultures, l’agriculteur dispose de solutions chimiques
à modes d’actions différents, limitant ainsi le développement
d’individus résistants.
Le choix d’une rotation diversifiée doit tenir compte des contraintes
techniques (type de sol, région, possibilité d’irrigation,…) et
économiques (temps de travail, débouchés,…). L’introduction d’une
nouvelle culture doit tenir compte également des autres bénéfices pour
les cultures suivantes : ainsi l’introduction d’un pois avant un blé ou un
colza permet d’améliorer les rendements et de limiter les intrants
azotés sur le blé.
Evaluer l’intérêt d’un décalage de date de semis
En céréales à paille, un décalage de la date de semis (au 15 octobre
Effet de la date de semis sur VULPINS
en blé) permet de limiter les levées des graminées automnales. L’efficacité de
(ARVALIS Bourgogne 2007/2008)
cette technique est d’autant plus importante qu’elle est couplée à un fauxsemis. Au-delà d’un décalage de 15 jours il faut bien évaluer le bénéfice par
rapport au risque. En effet, cette technique présente également des inconvénients
comme des conditions d’implantation plus difficiles ou une diminution de potentiel de
rendement. Cette technique n’est pas recommandée en colza.
Animation agricole des Bassins d’Alimentation de Captages
Travail du sol : un labour au moment opportun et les faux semis
Utiliser la faiblesse des adventices
Les
semences
d’adventices
germent
principalement dans les deux premiers
centimètres du sol. Enfouies en profondeur par
un labour, certaines adventices ont une durée
de vie courte et perdent leur pouvoir germinatif
au bout d’un, deux ou trois ans. Pour
caractériser la rapidité à laquelle chaque
adventice peut disparaître, on mesure son TAD
(Taux Annuel de Décroissance). Le TAD
correspond au pourcentage de graines
d’adventices qui perdent leur aptitude à germer
au bout d’un an. Plus le TAD est élevé, plus les
adventices disparaissent rapidement. Un
enfouissement des graines via le
labour est donc beaucoup plus efficace
sur des adventices à fort TAD que sur
des adventices à faible TAD qui peuvent
se maintenir très longtemps dans le sol.
Effet d’un labour en fonction du TAD des
adventices : Les graminées sont particulièrement
sensibles au labour (TAD élevé)
Labourer occasionnellement ou suite à un échec de désherbage
Il est conseillé de pratiquer le
labour
de
façon
intermittente (tous les 3-4
ans) afin de laisser les graines
d’adventices enfouies le plus
longtemps possible pour favoriser
leur destruction. Un délai de
retour du labour trop rapide
remontera irrémédiablement des
graines encore viable. Le labour
est à positionner suite à un
Essai Arvalis à Epieds (Eure)
2007
2014
échec de désherbage de
graminées. Les semences
d’adventices produites seront
ainsi enfouies en profondeur et
ne pourront pas germer, à
condition de ne pas re-labourer
l’année suivante.
Déstocker et détruire les graines d’adventices avant la mise en culture : les «faux semis»
Des faux semis réussis sont à réaliser :
* dans les bonnes conditions, durant la période favorable à la germination. Pour les ray gras et
vulpins, à partir du mois d’août mais surtout en septembre quand le sol est humide et chaud.
* à la bonne profondeur, dans les 4-5 premiers cm, pas plus !
* avec les bons outils pour favoriser un bon contact terre-graine : un déchaumeur à disques
indépendants et rouleau de rappui assurent une terre fine et rappuyée pour une levée assurée ! Mais la
herse rotative du semoir assure aussi de très bonnes conditions.
* en répétant le nombre de passage mais ne pas faire de faux semis trop prêt du semis de la culture
=> Il s’agit d’avoir une préparation fine, superficielle et retassée du sol en surface pour un bon contact
terre-graine favorisant la levée des adventices et garder l’humidité du sol.
Animation agricole des Bassins d’Alimentation de Captages
Efficacité des outils pour un faux
semis efficace (Bayer Cropscience)
http://www.bayer-agri.fr/2601/strategiedesherbage/
Connaître la biologie des adventices pour un résultat efficace des faux semis
La dormance des graines d’adventices est le frein principal à leur bonne levée. Le brome stérile non
dormant germe très facilement en été/automne. Le faux semis est donc très efficace. Les vulpins et ray-grass ont
des dormances plus prononcées et donc seulement une partie du stock semencier d’adventices sera en capacité
de germer sur la période fin été/début automne. La réussite des faux-semis sera donc plus aléatoire.
Destruction du faux-semis : éviter les relevées
En interculture, il est possible de détruire mécaniquement les adventices. Cependant le risque de
nouveau faux-semis n’est pas négligeable ; il est donc nécessaire de réaliser cette intervention idéalement en
conditions sèches.
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Le semis direct sous couvert végétal (SDCV)
A l’opposé de la stratégie qui vise à faire germer les adventices, le semi direct sous couvert végétal va au
contraire faire en sorte d’éviter leur émergence : en jouant la carte de la compétition (espace, eau
lumière…) avec le couvert végétal et de la non perturbation du sol (émiettement de la terre) avec un disque
ouvreur de 3.5° d’angle sur l’easydrill. La fertilisation localisée peut être un plus dans certains cas.
Essai Cuma Des sources & CA89
Semis au 25/9/14 d’orge sous un couvert de
fenugrec/radis chinois/lentille/sarrasin/moutarde
A : Vaderstad rapid A400S
B : Kuhn SD4000
C: Vaderstad Seed Hawk
D : Tume Nova Combi 3000
E: Sky Easydrill,
F: Seméato PS2030,
G: John Deere 750 A
H: Ecomulch Contour Master4.25
I: Amazone Primera DMC 602
J: Aitchison Sim Tech T-Sem
En vidéo :
http://www.yonne.chambagri.fr/gerermon-exploitation/materiel/demonstrationde-semis-sous-couvert.html
Le désherbage mécanique
La stratégie de désherbage est à adapter dès le semis selon les outils à disposition (en propriété, en CUMA ou
par l’entre-aide). Les outils de passage en plein sont adaptés très tôt en culture (post-semis, post-levé), à la
reprise de végétation au printemps et en complément d’un binage. Les binages interviennent quand la culture est
bien enracinée et avant recouvrement du rang. Aussi bien à l’automne qu’au printemps. Chaque passage doit
s’adapter à certains critères :
Le ressuyage : les sols ne doivent pas être trop frais en surface pour que les outils puissent bien
pulvériser les mottes et mettre les mauvaises herbes à nu.
La fenêtre météo : une fois les mauvaises herbes déracinées, le temps doit être séchant pour éviter le
repiquage des adventices arrachées. Il faut compter 2 à 3 jours de beau temps après passage.
Le stade des mauvaises herbes : pour les passages en plein, les mauvaises herbes ne doivent pas
être trop développées
L’agressivité : le réglage doit permettre d’obtenir un compromis entre un outil très agressif pour les
mauvaises herbes sans impact sur la culture. Les outils doivent se régler au champ après plusieurs
essais sur des distances très courtes.
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Les outils : houe, herse étrille, bineuse
La Houe rotative est un outil de désherbage en plein, constitué de roues étroites
dentées en forme de soleil et avec des cuillères à ses extrémités. En tournant à
grande vitesse, les cuillères piochent le sol et projettent des mottes de terres. Elles
arrachent ainsi les adventices sans endommager la culture en place.
Les interventions sont à faire en post-semis avant la levée pour les semis
profonds. Puis au stade jeune des cultures (2-3 feuille pour céréales et
légumineuses). Il est défendu de passer ce genre d’ouil au stade pointant de la
culture, là où la culture est la plus fragile. L’efficacité est surtout importante pour
des mauvaises herbes à un stade jeune (en germination ou au stade 2 feuilles
maximum). L’agressivité de l’outil se règle par rapport à la vitesse du tracteur. La
ème
profondeur peut être réglé avec le 3
point.
La Herse Etrille est un outil de désherbage en plein, constitué de
dents souples, droites ou courbées, espacées entres elles de 2 à 3
cm. Ces dents viennent arracher les plantules en faisant vibrer la
surface sous l’effet de la vitesse. La culture en place doit être bien
enracinées pour ne pas être enfommagée.
Les inteventions sont à faire en post-semis avant la levée pour les
semis profonds. Puis au stade jeune des cultures (2-3 feuille pour
céréales et légumineuses). Il est défendu de passer ce genre d’ouil
au stade pointant de la culture, là où la culture est la plus fragile.
L’efficacité est surtout importante pour des mauvaises herbes à un
stade jeune (en germination ou au stade 2 feuilles maximum).
L’agressivité de l’outil se règle par rapport à la vitesse du tracteur,
la profondeur et l’inclinaison des dents.
La Bineuse est un outil de désherbage d’inter-rangs, constituée d’éléments
rattachants plusieurs dents pattes d’oie et travaillant sur une largeur
spécifique. Les dents coupent et extirpent les mauvaises herbes jusqu’à un
stade avancé.
Les interventions sont à faire à un stade avancé de la culture jusqu’au
recouvrement de l’inter-rang. Pour les cultures d’hiver des passages peuvent
être fait à l’automne puis au printemps après ressuyage des sols.
Diversifier les herbicides de votre stratégie de lutte chimique
Pour une efficacité maximale, il est préférable d’appliquer les herbicides sur au bon stade de culture et dans les
meilleures conditions climatiques. Utiliser des mélanges d’herbicides permet de prévenir les phénomènes
de résistances à condition qu’ils soient tous de modes d’actions différents et tous efficaces sur la mauvaise
herbe visée. En termes d’efficacité, il est préférable de gérer le désherbage chimique avant le stade d’une feuille.
Cependant, il est recommandé de limiter les traitements lors de la période automnale car les risques de
transfert des matières actives vers la nappe d’eau souterraine sont plus importants. Il s’agit aussi de limiter
l’usage des matières actives les plus mobiles (isoproturon). En particulier, le glyphosate est de plus en
plus souvent retrouvé dans l’eau, de même que son produit de dégradation, l’AMPA. Donc, ne l’utiliser qu’en cas
de stricte nécessité.
ARAD - CER France Normandie | Jean-Philippe CHENAULT 02 32 43 35 21 | 06 85 97 04 02
GRABHN | Romain Fredon | 02 32 78 22 07 | 06 95 75 69 47
Arvalis Clémence Aliaga | 02 32 07 07 40
Pour évaluer le risque résistance de vos pratiques : http://www.r-sim.fr/ : un outil pour simuler le risque
d’apparition de population résistantes, pour les herbicides des groupes A et B, à partir de vos
programmes de désherbage et de vos pratiques agronomiques.
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