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Dietrich Mateschitz :
Marketing King
Il a conquis le monde avec un produit ordinaire… et une communication extraordinaire. Rencontre
avec l’homme qui a créé Red Bull.
L’expérience
Prenez un businessman complètement épuisé par
une semaine de travail intense. Envoyez-le sur
l’autoroute Luxembourg-Paris un vendredi soir,
avec une réservation en charmante compagnie
dans un restaurant branché de la capitale
française. Attendez qu’il somnole dans une station
service : vous tenez l’occasion idéale pour tester
l’effet d’un Red Bull ! Première surprise, la boisson
est beaucoup plus chère que du Coca-Cola. Elle
dégage une forte odeur de chewing-gum, très
déroutante la première fois. Légèrement gazéifiée,
elle se boit comme un soda trop sucré, mais l’effet
est incontestable. La fatigue semble avoir disparu
et laisse place à une légère surexcitation, pendant
plusieurs heures. Avec 320 mg de caféine par litre,
l’attrait de la boisson est vite identifié. C’est plus du
double qu’un soda typique, légèrement supérieur à
du thé mais moins que du café. Mise en parallèle
avec le taux limité en sucre, cette composition rend
la boisson très séduisante pour les étudiants en
période d’examen, les noctambules, les chauffeurs
routiers, les sportifs… et les businessmen fatigués.
L’art du buzz
Certains comparent Dietrich Mateschitz à Sir
Richard Branson, le créateur de Virgin. Leurs
méthodes sont pourtant totalement différentes. Si
l’Anglais est prompt à se mettre en scène pour
promouvoir ses produits, l’Autrichien laisse toute la
place médiatique à sa boisson : rares sont ceux qui
connaissent son visage. Il met cette discrétion à
profit en laissant courir les bruits les plus fous au
sujet de Red Bull : c’est le « buzz ». Ainsi, la
taurine qui entre dans la composition n’est pas
extraite des testicules de taureaux, contrairement à
une idée répandue. Les vertus aphrodisiaques du
breuvage restent également à établir. La méthode
marche à merveille : le public se délecte des plus
folles rumeurs. De nombreux adeptes ont d’ailleurs
eu recours à la contrebande pour obtenir le
précieux breuvage lorsqu’il était interdit en France.
Quant aux journalistes, ils rencontrent des
difficultés pour vérifier leurs informations mais cela
les motive pour écrire sur le sujet.
Le coup de génie
Avec le recul, le succès de Microsoft, Ikéa ou
Google semblent logiques. Le bon concept au bon
moment… Pour Red Bull, c’est bien le talent de
Dietrich Mateschitz qui s’impose. Directeur de
marketing de la marque de dentifrice Blendax en
1982, il découvre les boissons énergétiques lors
d’un voyage en Asie. Dans cette région du monde,
elles sont conditionnées dans des flacons sombres,
comme des médicaments, et se vendent déjà bien.
Lorsqu’il apprend qu’un partenaire de Blendax est
propriétaire d’une telle boisson nommée, « Kreating
Daeng » (Buffle rouge), il investit ses économies
contre 49 % d’une nouvelle société, gazéifie le
liquide, soigne le packaging et entreprend
l’obtention de l’autorisation de commercialisation en
Autriche. Une étude de marché catastrophique
aurait pu le décourager ; couleur, goût, emballage :
tout est nul ! Pire : aucun marché n’existe pour ce
type de produit. L’Autrichien semble satisfait : il
fonce. Il anticipe les polémiques que son produit va
déclencher, confiant dans sa capacité à le faire
sortir de l’anonymat. Les premières boites sont
vendues en 1987 à Salzbourg.
Le secret du succès
La clé du succès de Mateschitz peut se résumer en
deux points : 1. Il investit 30 % de son chiffre
d’affaire dans la pub. 2. Il le fait de manière
ingénieuse. Plutôt que de payer des fortunes en
publicité classique à la télévision ou dans les
journaux, il crée l’événement et bénéficie ainsi de
visibilité gratuite dans les médias. En 1991, il
organise à Vienne le « Red Bull Flugtag », qui
couronne la personne parvenant à voler le plus loin
possible avec une machine de sa fabrication. Une
succès planétaire. Dans la foulée, il sponsorise de
nombreux sportifs extrêmes afin d’associer un «
style de vie » à sa marque. Le succès aidant, il
monte des événements de plus en plus
spectaculaires, inventant au passage de nouvelles
disciplines hallucinantes comme les « Air Race »
qui présentent des courses d’avions dans les villes,
ou les « Crashed Ice » : des courses de patineurs
dans les rues de métropoles. Parvenu dans la cour
des grands avec plusieurs milliards de bouteilles
vendues chaque année, il finit par sponsoriser les
champions : Sébastien Loeb, le champion du
monde Rallye, Lindsay Vonn la championne de ski,
etc… Il possède à ce jour 2 écuries de formule 1 –
Red Bull et Toro Rosso –, 1 équipe de Nascar, 2
équipes de football à Salzbourg et à New York.
Par ailleurs, le milliardaire multiplie les
investissements audacieux : il a racheté une île
près de Fidji à la famille Forbes ou a monté le «
Hangar-7 », un concept polyvalent très innovant sur
l’aéroport de Salzbourg. Il organise également les «
Taurus World Stunt Award » au nom bien choisi.
C’est la référence mondiale des cascades les plus
folles, où son ami Arnold Schwartzenegger fait de
régulières apparitions. En France, la présence de
Taurine et de glucuronolactone ont interdit la
distribution jusqu’en 2008. Dès l’autorisation
accordée, le bulldozer commercial s’est mis en
marche : invasion de voitures aux couleurs de la
marque dans Paris, basejump de la tour eiffel, trial
sur le toit d’un bâtiment à la défense… Une
ministre qui n’a rien compris au marketing moderne
a mis les consommateurs en garde contre les
dangers de la boisson, au nom du principe de
précaution. Elle a ainsi offert des millions d’euros
de publicité gratuite à la marque.
Sous le signe du taureau
Le signe astrologique de Dietrich Mateschitz
ressemble à un coup de pub supplémentaire. Cela
dit, la stratégie de marketing extrêmement
puissante n’est pas seulement une coquetterie :
c’est une nécessité vitale. Coca Cola, Pepsi et
d’autres mastodontes se sont lancés à sa
poursuite. On se souvient de la manière dont ces
géants ont pénétré le marché de l’eau, notamment
avec Dasani et Aquafina. Face à l’autrichien, ils
restent pour l’instant impuissants. Il maintient son
avance à coups de milliards, en inventant en
permanence de nouveaux concepts. Pire, il lance le
Red-Bull Cola. Dimanche 19 avril 2009, tous ses
concurrents ont pris un sérieux coup sur la tête :
Red Bull a réalisé un doublé historique au grand
prix de Chine de Formule 1. Non content de placer
2 voitures aux premières et deuxièmes places,
Dietrich Mateschitz a également obtenu qu’une
Toro Rosso finisse dans les points. 19 points en un
jour dans la discipline reine du sport-marketing…
Un record historique. Dans les Universités, non
seulement les étudiants boivent du Red Bull, mais
on leur enseigne désormais les méthodes de
marketing de son créateur.

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