Diplôme Supérieur en Travail Social LE PARTENARIAT : UNE

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Diplôme Supérieur en Travail Social LE PARTENARIAT : UNE
Ecole de service social de la CRAMIF
Université PARIS XIII
Diplôme Supérieur en Travail Social
LE PARTENARIAT : UNE TRANSFORMATION DES
INSTITUTIONS PSYCHIATRIQUES ENCORE
INACHEVEE ?
Deux études de cas comparées
Mars 2007
Mémoire présenté par
Catherine DUBOIS PALACIN
Sous la direction d'Emmanuel
QUENSON
"Il n'est de fertile que la grande
collaboration de l'un à travers l'autre.
Et le geste manqué sert le geste réussi."
Antoine de Saint-Exupéry
Mes remerciements vont à
Emmanuel Quenson,
mon directeur de mémoire,
pour m'avoir guidée et accompagnée dans ce travail
Marie-Claire Fillot,
coordinatrice du service social de l'hôpital Esquirol,
pour sa confiance
Emmanuel Dubois,
mon mari,
pour son soutien dans le quotidien de cette recherche
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION........................................................................1
LES MODÈLES THÉORIQUES : APPROCHE DE LA
SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS ...............................8
I
LE CONTEXTE D'APPARITION DU PARTENARIAT EN
PSYCHIATRIE....................................................................17
I.1
LA SECTORISATION EN PSYCHIATRIE : L'AMORCE DU PARTENARIAT .............................17
I.1.1 Plusieurs facteurs fondent la sectorisation....................................................17
I.1.2 Le cadre législatif de la sectorisation ............................................................19
I.1.3 Les effets de la sectorisation.........................................................................21
I.1.4 Le secteur actualisé ......................................................................................22
I.1.5 Questionnement à propos de la sectorisation...............................................23
I.2
LA DÉCENTRALISATION : DE NOUVEAUX ACTEURS DANS LE CHAMP SOCIAL ..................24
I.3
DE LA LUTTE CONTRE LES MALADIES MENTALES À LA PROMOTION DE LA SANTÉ MENTALE
: LES POLITIQUES DE PRÉVENTION EN PSYCHIATRIE ...................................................31
II LE PARTENARIAT : LE MOT ET LA CHOSE...................36
II.1 LE PARTENARIAT ET SON CONTEXTE : CHAMP SOCIAL ET CHAMP DE L'ÉDUCATION ........36
II.2 ÉMERGENCE - DÉFINITIONS ......................................................................................39
II.3 PARTENARIAT ET STRATÉGIES IDENTITAIRES .............................................................42
II.4 PARTENARIAT ET RÉSEAUX ......................................................................................44
III PARTENARIAT : LE LIEN INSTITUTIONNEL ..................48
III.1 À LA DÉCOUVERTE DE TROIS ORGANISATIONS IMPLIQUÉES DANS DEUX PARTENARIATS 48
III.1.1 L'hôpital Esquirol ...........................................................................................49
III.1.2 L'institut du Val Mandé : établissement médico-éducatif de la fonction
publique hospitalière .....................................................................................52
III.1.3 La cité Saint-Martin .......................................................................................54
III.2 QUEL FONCTIONNEMENT POUR LES PARTENARIATS OBSERVÉS ?................................55
III.2.1 L'émergence..................................................................................................55
III.2.2 L'action collective organisée .........................................................................62
III.2.3 La construction d'une culture commune .......................................................74
III.2.4 Le partenariat et le changement ...................................................................86
III.3 LE PARTENARIAT : UN ESSAI DE CONCEPTUALISATION ................................................90
CONCLUSION .........................................................................93
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................97
ANNEXE I : SECTEURS GÉOGRAPHIQUES ...........................I
ANNEXE II : GUIDE D'ENTRETIEN ..........................................II
SIGLES UTILISES
ANPE
:
Agence Nationale Pour l'Emploi
CAC
:
Centre d'Accueil et de Crise
CAT
:
Centre d'Aide par le Travail
CATTP
:
Centre d'Accueil thérapeutique à Temps Partiel
CCAS
:
Centre Communal d'Action Sociale
CHRS
:
Centre d'Hébergement et de Réadaptation Sociale
CMP
:
Centre Médico Psychologique
COTOREP :
COmmission
Technique
d'Orientation
et
de
REclassement Professionnel
(ancienne dénomination remplacée par MDPH)
CPOA
:
Centre Psychiatrique d'Orientation et d'Accueil
DDASS
:
Direction Départementale des Affaires Sanitaires et
Sociales
FAJ
:
Fonds d'Aide aux jeunes
FSL
:
Fonds Solidarité Logement
HAD
:
Hospitalisation à Domicile
IME
:
Institut Médico Educatif
MAS
:
Maison d'Accueil Spécialisée
MDPH
:
Maison Départementale des Personnes Handicapées
PMI
:
Protection Maternelle Infantile
RMA
:
Revenu Minimum d'Activité
RMI
:
Revenu Minimum d'Insertion
SAS
:
Service d'Accompagnement Social
SASMO
:
Service d'Aide Médico Sociale en Milieu Ouvert
SROS
:
Schéma Régional d'Organisation Sanitaire
VIH
:
Virus de l'Immunodéficience Humaine
INTRODUCTION
Avec le plan Hôpital 2007 et le projet de plan santé mentale 2005-2008, la
psychiatrie refait surface dans l'actualité, devenant source de nouveaux
enjeux institutionnels et sociaux. Ces plans préconisent la mise en place
de la tarification à l'activité et la nouvelle gouvernance qui fonde la notion
de territoire de santé.
Dans les années 1970, la sectorisation avait favorisé l'organisation des
soins au plus proche du domicile du patient en créant des structures extrahospitalières. Elle avait ainsi facilité un travail de partenariat avec les
autres professionnels sociaux (polyvalence, aide sociale à l'enfance,
Sécurité Sociale).
Le plan Hôpital 2007 souhaite rapprocher les services de psychiatrie des
autres pans de la médecine en supprimant notamment le schéma régional
d'organisation sanitaire de psychiatrie, et favoriser les coopérations avec
la médecine privée ainsi que les alternatives à l'hospitalisation.
Le projet de plan santé mentale réaffirme plusieurs recommandations en
matière de partenariat. Il indique que le partenariat avec le secteur social
n'est pas assez développé particulièrement auprès des populations
vulnérables. Il stipule encore que le partenariat en santé publique avec le
ministère de l'Education nationale doit s'améliorer par exemple dans le
repérage des enfants à risque suicidaire.
Depuis mes études dans les années 1980 et au cours de mon expérience
professionnelle, j'ai été sensibilisée à la notion de partenariat. J'ai toujours
revendiqué l'intérêt d'une complémentarité de travail entre plusieurs
institutions au service d'un public commun, mais surtout le partenariat a
toujours fait partie de mon paysage professionnel.
A partir de 1986, j'ai occupé des fonctions d'assistante sociale en
polyvalence de secteur où j'ai expérimenté la collaboration d'une part
entre professionnels d'un même service grâce à la mise en place d'une
désectorisation sur un quartier, d'autre part avec les professionnels
d'autres institutions telles que l'Aide Sociale à l'Enfance, la Caisse
d'Allocations Familiales, la Caisse d'Assurance Maladie. J'étais alors
-1-
curieuse de connaître d'autres services, d'approcher leurs compétences,
ce qui me permettait en tant que jeune professionnelle de développer un
nouveau savoir-faire sur un plan technique et au niveau relationnel. Ce
travail en commun était utile à certaines prises en charge complexes. Par
ailleurs, la collaboration avec les élus municipaux et le conseil général
introduite par la décentralisation récente n'en était qu'aux balbutiements.
A compter de 1991, j'ai intégré un service social en psychiatrie adulte.
Après avoir occupé ce poste durant dix ans, j'ai demandé ma mutation au
sein d'un service de psychiatrie infanto-juvénile où je dispose aujourd'hui
d'une expérience professionnelle de cinq ans. J'ai expérimenté alors le
travail en équipe pluridisciplinaire (médecins, infirmiers, psychologues,
rééducateurs, éducateurs, …), l'axe de soins étant alors prépondérant
dans la prise en charge des patients.
Au cours de ce travail, j'ai été marquée lors des réunions avec d'autres
institutions (aide sociale à l'enfance, polyvalence de secteur) par la
difficulté à parvenir à des compromis satisfaisants pour l'ensemble des
interlocuteurs.
Chacun restait persuadé de la nécessité d'une collaboration mais les
réunions entre les services apparaissaient souvent comme marquées par
la volonté de réaffirmer son champ et surtout ses limites, d'utiliser l'autre
au mieux pour positionner sa place en occultant parfois le public au sujet
duquel nous nous réunissions. A plusieurs reprises par exemple, lorsque
certains adolescents accueillis en foyer éducatif étaient hospitalisés, les
éducateurs référents demandaient que la prise en charge institutionnelle
(hébergement) soit investie par le service de psychiatrie justifiant que l'état
de santé de l'adolescent était incompatible avec la poursuite d'un accueil
en foyer. Ainsi, l'hospitalisation étiquetait ces adolescents uniquement
dans l'axe des soins.
Les rencontres entre professionnels ne favorisaient pas la recherche d'un
"entre-deux" c'est-à-dire la garantie des deux références (éducatives et
psychiatriques) ; c'était comme si l'une annulait l'autre.
-2-
Pourquoi cette volonté de se rencontrer à tout prix, de travailler
ensemble ? Pourquoi décréter le partenariat comme incontournable alors
qu'il nous conduit parfois à des impasses et laisse un goût d'insatisfaction
à l'ensemble des interlocuteurs ? Pourquoi parfois se connaître et se
comprendre aussi peu après plusieurs rencontres ? Le partenariat est-il
simplement une nouvelle mode organisationnelle ? Y a-t-il une inflation de
la valeur attribuée à l'image du partenariat ? Est-ce une question de
méthode ? Ainsi, Fabrice Dhume, dans son livre intitulé "Du travail social
au travail ensemble", précise : "Traiter le partenariat pour lui-même, ce
serait oublier le sens de cette idée, le contexte et les raisons de son
émergence, l'environnement dans lequel il est utilisé et surtout les acteurs
qui tentent de se débrouiller avec cette idée, méthode au demeurant
nouvelle, obscure en tous les cas pétrie d'exigences et de complexité"1.
Dans cette citation, l'auteur insiste sur le fait que le partenariat n'est ni
simple, ni naturel ; il fait référence aux actions mais aussi au contexte qui
situe son apparition.
L'univers de la psychiatrie a amorcé une série de grandes mutations en
1972 avec la mise en place du secteur. A compter de cette date,
l'organisation des soins s'est implantée sur un secteur géographique au
plus proche de la population. Les soins en ambulatoire se sont développés
avec la création de consultations médico-psychologiques (CMP), hôpitaux
de jour (HDJ), centre d'accueil et de crise (CAC), centre d'accueil
thérapeutique à temps partiel (CATTP). L'idée était d'éviter la rupture des
relations sociales et la chronicisation des malades du fait d'un isolement
lié à l'hospitalisation.
Ainsi progressivement, le nombre de lits hospitaliers pour chaque secteur
a diminué, les patients étant pris en charge près de leur domicile. Cette
évolution conduite par l'Etat faisait suite à un mouvement "anti psychiatrie"
très critique né dans les années 1960-1970 à l'égard des hôpitaux
1
DHUME F. 2001. Du travail social au travail ensemble : le partenariat dans le champ
des politiques sociales. Paris : ASH
-3-
psychiatriques. Dans son livre "Asiles", le sociologue américain Erwin
Goffman analysait dans les institutions dites totalitaires comme l'hôpital
psychiatrique les contraintes et violences de la vie institutionnelle : "La
meilleure adaptation à ce milieu telle qu'on l'observe chez de vieux
hospitalisés équivaut à l'impuissance de vivre dans tout autre milieu"2. La
mise en place du secteur allait amener une collaboration progressive avec
d'autres acteurs du champ social, associatif, de la ville. Elle marque une
période d'euphorie, de créativité loin des contraintes budgétaires et les
infirmiers l'évoquent avec nostalgie.
Les années 1980-1990 ont été marquées par le chômage de masse et le
développement de la précarité. Il y a eu en même temps une remise en
question des équilibres financiers, des dispositifs d'assurance et
d'assistance.
Dans le domaine de la santé, la crise économique a mis en évidence un
déficit de la Sécurité Sociale imputable pour une grande part au coût de
l'hôpital. Les services hospitaliers ont subi une diminution de leurs moyens
financiers qui a produit plusieurs effets sur l'organisation des soins :
 Entre 1987 et 1997, le nombre de lits des secteurs de psychiatrie
générale a diminué de 41%
 La fermeture des CAC dont le coût en matière de personnel est pointé
et entraîne un redéploiement du personnel
 La pénurie de médecins psychiatres s'accroît sur les postes
hospitaliers (20% sont vacants)
 Les agences régionales d'hospitalisation sont créées en 1996
poursuivant l'objectif de rééquilibrer les moyens financiers sur
l'ensemble de la France.
La volonté de créer une passerelle entre services et institutions prend
appui sur les failles générées par la définition des champs institutionnels
sectoriels et la massification des problèmes économiques, la fragilité du
2
GOFFMAN E. 1984. Asiles : études sur la condition sociale des malades mentaux. Paris
: Editions de Minuit
-4-
salariat. L'évolution des questions sociales a conduit le "travailler
ensemble" comme une nécessité pour les institutions.
Ainsi, l'Etat a décidé un certain nombre de lois qui préconisent le travail en
commun. La décentralisation en 1982 introduit de nouveaux acteurs dans
le champ des politiques sociales (conseillers généraux, maires), prolongée
en 2004 par de nouvelles missions dévolues aux régions. Les notions
d'insertion apparaissent en 1988 avec la création du revenu minimum
d'insertion et touchent plusieurs institutions. La loi contre les exclusions en
1998 réaffirme pour la psychiatrie la nécessité de travailler avec d'autres
institutions
autour
d'un
public
commun
parfois
en
souffrance
psychologique et non soigné.
Ainsi apparaît ma question centrale :
Dans le champ de la psychiatrie, le partenariat apparaîtrait-il comme
une
solution
pertinente
face
à
la
complexification
des
problématiques sociales depuis vingt ans ?
Selon Gaston Pineau3, c'est en 1984 que le terme de partenariat apparaît
et devient très vite usuel. Si on se penche sur la définition du dictionnaire
Le Robert, on trouve "Association d'entreprises, institutions en vue de
mener une action commune".
Dans tous les domaines d'expérimentation du partenariat, nous retrouvons
l'idée d'une action commune négociée. Si l'on reprend les propos de
Danielle Zay, "le terme de partenariat est né empiriquement entre
l'idéologie et le désir d'efficacité ; cette double caractéristique fait de lui un
terme polysémique ; il est sous-tendu par une forte demande sociale"4.
Selon l'auteur, la notion de partenariat est difficile à conceptualiser ; elle
3
PINEAU G. Préface In CLENET J., GERARD C. 1994. Partenariat en éducation des
pratiques à construire. Paris : L'Harmattan
4
KADDOURI M., ZAY D. 1997. Le partenariat : Définitions Enjeux Pratiques, Education
permanente. n° 131. p. 7
-5-
fait référence aux conditions d'émergence, aux croyances sous-tendues, à
la recherche d'une réponse aux problématiques sociales.
Avec les redéfinitions politiques, la psychiatrie publique s'est étendue du
côté de ce qui est appelé la santé mentale. Le champ de la santé mentale
apparaît dès lors pour certains professionnels comme beaucoup trop large
pour les seuls acteurs de la psychiatrie. Ces nouvelles lois réactivent les
délicates questions des rapports de la psychiatrie à la société et aux
pouvoirs publics, celles du pouvoir de la médecine sur les individus. La
population qui est traitée dans les services comporte une frange de plus
en plus importante de personnes pour lesquels l'origine de la souffrance
est identifiée comme sociale. A ce propos, Fabrice Dhume nous met en
garde : "Le partenariat conduirait à mettre en question le sens de l'action
et la place des acteurs, leur légitimité, leur identité, la complexité,
l'organisation institutionnelle. Cela contribue à expliquer pourquoi il est
difficile de faire de partenariat"5. Ici, Fabrice Dhume explique que le
partenariat interroge les postures professionnelles et institutionnelles et
influe sur les organisations.
Si l'on regarde l'apparition du terme partenariat dans d'autres champs et
notamment le domaine de l'éducation, on le trouve dans les textes officiels
et la loi d'orientation de l'éducation en 1989 qui consacre en France une
image de l'école dont la forme accomplie est la communauté éducative,
une école en osmose avec son environnement.
Que ce soit donc dans le domaine de la psychiatrie ou de l'éducation, on
retrouve des éléments communs du contexte dans lequel s'inscrit le
partenariat : impulsion du législatif, nouveaux acteurs dans le champ, idée
de l'insertion.
5
DHUME F. op. cit.
-6-
Ainsi se décline ma problématique :
Dans le cadre de l'évolution des soins, des missions, des politiques,
de la réglementation en psychiatrie, en quoi le partenariat peut-il
amorcer la transformation des institutions ? A quelles conditions et
avec quels effets ?
Une hypothèse :
C'est parce qu'il constitue un choix imposé et qu'il se construit au
sein d'une communauté de pratiques que le partenariat, action
collective
organisée,
fonctionne
psychiatrique.
-7-
et
transforme
l'institution
LES
MODÈLES
THÉORIQUES
:
APPROCHE
DE
LA
SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS
Pour appréhender sur un plan théorique le fonctionnement du partenariat,
nous allons nous référer à la sociologie des organisations qui s'intéresse
au concept de l'action collective organisée. Ainsi une des questions que
nous développerons dans ce travail sera : Est-ce que le partenariat est
une forme d'action collective organisée ?
À propos des organisations Erhard Friedberg indique que "les frontières
réelles d'une organisation et son degré d'ouverture ne sont pas stables
mais au contraire fluctuants. Ils varient au gré des circonstances en
fonction des problèmes à traiter et des enjeux du moment tout autant que
de la capacité des différents membres de l'organisation à les étendre ou à
les rétrécir bref à les manipuler"6. La délimitation de l'organisation en tant
qu'objet d'étude devient problématique. L'organisation ne serait pas un
système figé mais perméable aux actions qui se jouent autour de ses
frontières. Ainsi "on assiste à un déploiement de l'analyse de l'objet social
organisation vers l'action organisée"7.

L'action collective organisée
Elle
correspond
à
un
nouveau
système
de
collaboration
entre
professionnels avec ses propres enjeux et ses propres règles. Dans le
cadre du partenariat, ce mode de relation se décline à partir des
organisations. "A quelles conditions et au prix de quelles contraintes,
l'action collective c'est-à-dire l'action organisée des hommes est-elle
possible ? Ce n'est pas un phénomène naturel, c'est un construit social"8.
Etudié dans le cadre de l'action collective organisée, le partenariat aura à
faire référence aux jeux d'acteurs et au pouvoir comme capacité de
structurer l'échange négocié. Erhard Friedberg s'appuie sur l'observation
de l'action des membres comme moyen de connaître un système. Il en
6
FRIEDBERG E. 1997. Le pouvoir et la règle : dynamique de l'action organisée. Paris :
Seuil (coll. Points essais).
7
ibid.
8
CROZIER M., FRIEDBERG E. 1992. L'acteur et le système. Paris : Seuil
-8-
déduit que l'action collective n'est pas transférable : un système ne peut
s'analyser qu'à partir de l'action qui le constitue. "La production de la
connaissance et sa mise en oeuvre dans l'action sont intimement liées"9.
Erhard Friedberg développe la notion d'incertitude lorsqu'il évoque le
changement au sein des organisations : "Tout problème vrai comporte une
part d'incertitude (...) l'incertitude permet le changement"10.
Situé aux frontières de l'organisation, le partenariat est-il positionné dans
une zone d'incertitudes qui peut le conduire au changement ? Auparavant,
il est nécessaire de connaître le contexte de toute action collective
organisée. Emile Durkheim fait référence au contexte d'apparition des faits
sociaux. "La cause déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi
les faits sociaux antécédents et non parmi les états de la conscience
individuelle"11. Ainsi l'analyse d'action de partenariat ne doit pas être
détachée du contexte d'apparition pour mieux en saisir le sens de l'action
et les enjeux. Il utilise la variété existante des faits sociaux pour les
comparer entre eux. "Ce n'est que par la comparaison que l'analyste
pourra bâtir un cadre interprétatif qui se construit à partir du vécu des
acteurs, de l'espace d'action considéré"12.
Dans l'action collective prise au titre de système, on trouve aussi des
règles qui ne peuvent se déduire des interactions entre individus. Elles
sont à prendre en compte dans l'observation des actions de partenariat.
Comme le précise Emile Durkheim : "Ce qui définit la règle, ce qui prouve
sa réalité, c'est la contrainte qu'elle exerce sur l'individu"13. L'établissement
des règles rend possible la collaboration entre professionnels et la
production collective, même si elles limitent l'autonomie des individus.
9
FRIEDBERG E. op. cit.
10
ibid.
11
STEINER P. 1994. La sociologie de Durkheim. Paris : La Découverte (coll. Repères).
p. 36
12
FRIEDBERG E. op. cit.
13
STEINER P. op. cit.
-9-

Les références culturelles dans l'action collective
Renaud Sainsaulieu introduit le concept de culture dans l'analyse qu'il fait
de l'organisation : "L'activité organisatrice de la société est au moins aussi
culturelle qu'instrumentale et pour cette raison même, objet de conflits
idéologiques
fondamentaux"14.
Les
professionnels
de
différentes
organisations, réunis dans des actions de partenariat, vont être confrontés
à des conflits autour des normes et des valeurs. Selon Sainsaulieu, "la
valeur est la force qui dans les relations humaines permet d'accéder à la
rationalité (...) c'est à la jonction du social et de structures mentales où la
conscience de la valeur est réactivée que le discours idéologique prend
toute son efficacité car il peut proposer une représentation a priori de la
façon dont il faut vivre les relations de travail"15.
En réunissant des acteurs issus d'organisations différentes, le partenariat
réactive les représentations et discours idéologiques dans les échanges et
les confrontations au sein de l'action collective.

Stratégie de changement
Une question dans ce travail porte sur la transformation des organisations
à partir des actions de partenariat. Nous nous appuierons sur la théorie de
l'action selon Philippe Bernoux : "Le changement dans les organisations
comme dans les sociétés est une action humaine et doit donc être
considéré comme tel (...) rendre compte du changement dans les
organisations, c'est rendre compte du sens que les acteurs lui donnent"16.
Ce sont les acteurs qui peuvent témoigner des transformations opérées
dans les organisations.
Philippe Bernoux situe le changement à l'interaction entre les contraintes
venues de l'environnement, les institutions et les acteurs. Selon lui, c'est
dans "le moment de passage" que le changement doit s'analyser et non
de manière statique. Il prend en compte "les cultures antérieures" qui
14
SAINSAULIEU R. 2000. L'identité au travail. Paris : Presse de la fondation des
sciences politiques. 3ème éd. p. 344
15
ibid.
- 10 -
permettent d'engager le changement et qui concernent l'histoire des
individus, des professionnels et des organisations.

L'approche organisationnelle comme outil d'analyse
Elle se situe à partir du vécu des acteurs : ce qu'ils font dire, qu'ils disent
ou qu'ils pensent. "Adoptant une démarche hypothético-inductive,
l'approche organisationnelle part du vécu des acteurs pour reconstruire
non pas la structure sociale générale, mais la logique et les propriétés
particulières d'un ordre local, c'est-à-dire la structuration de la situation ou
de l'espace d'action considéré en termes d'acteurs, d'enjeux, d'intérêts, de
jeux et de règles du jeu qui donnent sens et cohérence à ce vécu"17.
Ce n'est que par la comparaison que l'analyste pourra bâtir une théorie
fondée, c'est-à-dire un cadre interprétatif qui se construit à partir du vécu
des acteurs et de l'espace d'action considéré.
Le cadre de cette recherche s'établit sur l'observation et l'analyse de deux
actions de partenariat. Elles seront décrites par la suite.
Après avoir situé le contexte d'apparition du partenariat, les hypothèses de
la recherche vont porter sur les pôles restreints de coopération, sur les
alliances, sur les oppositions entre acteurs, sur les expertises essentielles
qui se sont cristallisées dans le système et qui définissent les problèmes
et les enjeux autour desquels se nouent marchandages, alliances,
oppositions, arrangements, règles du jeu qui fondent et rendent possible la
coopération. Cette étude cherchera à dégager les étapes, les modalités de
fonctionnement en partenariat et les effets de cette action sur les
organisations en termes de changement.

Observation et analyse de deux actions de partenariat
L'analyse terrain va porter sur deux actions de partenariat ce qui permet
dans le cadre de l'étude d'effectuer un travail de comparaison. Ces actions
concernent des services de psychiatrie adulte (hôpital Esquirol) en lien
16
BERNOUX P. 2004. Sociologie du changement dans les entreprises et les
organisations. Paris : Seuil. p. 25
17
FRIEDBERG E. op. cit.
- 11 -
avec des organisations extérieures. J'ai pu connaître et contacter les
professionnels participants par l'intermédiaire de la responsable du service
social de l'hôpital.
Description de la première action de partenariat (Partenariat A)
Elle se situe sur Paris entre deux secteurs de psychiatrie adulte (75 G01
et 75 G02 -Annexe 1-) et un centre d'hébergement accueillant des
personnes présentant des difficultés sociales (CHRS) notamment locative.
Dans ce cadre, j'ai rencontré trois professionnels du centre d'hébergement
et trois des services de psychiatrie. La parité apparaît importante dans un
fonctionnement en partenariat, dans son approche et analyse.
Partenaire
Danielle C.
Sophie C.
Marc D.
Age
Fonction et
ancienneté sur
le poste
Diplôme &
formation
Cité Saint-Martin
Responsable
du service
d'accompaÉducatrice
47 ans gnement social
spécialisée
(SAS)
depuis janvier
2002
33 ans
Travailleur
social au SAS
depuis 1999
Éducatrice
spécialisée
57 ans
Directeur
adjoint
depuis 1999
Animateur
Caractéristiques
 Expériences
professionnelles
dans le milieu
associatif
 Expérience de
projets transversaux
à la cité Saint-Martin
(antenne Santé)
 Une des premières
participantes du
partenariat
 Expériences
militantes dans le
milieu associatif
 Fondateur du
partenariat
Psychiatrie Adulte
2 services (75G01, 75G02 : 1er, 2ème, 3ème, 4ème arrondissements)
Fabrice M.
Chef de service
55 ans du secteur G02
depuis 1995
Médecin
psychiatre
- 12 -
 Autres expériences
de partenariat
 Médecin responsable
de l'intersecteur
souffrance et
précarité
 Fondateur du
partenariat
Partenaire
Martine F.
Age
51 ans
Jocelyne R. 52 ans
Fonction et
ancienneté sur
le poste
Assistante
sociale sur le
secteur G02
depuis 1990
Psychologue
sur le secteur
G01
depuis 1999
Diplôme &
formation
Caractéristiques
 Secrétaire  Mobilisée et attachée
médicale
à la richesse des
collaborations dans
 Assistante
ce service
sociale
 Formation  Présidente d'un
centre social
analytique
 Thérapeute  Expériences
associatives
familiale
Nous trouvons dans ce partenariat à la fois des chefs de service et des
professionnels de terrain, dans des métiers différents (médicaux et
travailleurs sociaux).
La moyenne d'âge se situe entre 40 et 50 ans. Ainsi les interlocuteurs ont
acquis une expérience de travail conséquente. Quatre participants sur six
connaissent des engagements associatifs voire militants. De ce fait, ils ont
acquis d'autres expériences de collaboration. Leur engagement leur
confère une énergie mobilisatrice dans le cadre du travail en partenariat.
Au moment de l'expérimentation, les partenaires, à l'exception d'une
personne, ont déjà une expérience de plus de cinq ans dans leur poste de
travail. Ainsi ce partenariat se met en place à partir de professionnels qui
ont des assises dans l'organisation et dans leur métier.
Description de la deuxième action de partenariat (Partenariat B)
Elle se situe sur le Val-de-Marne (Saint-Mandé) entre un service de
psychiatrie et une maison d'accueil spécialisée (établissement éducatif
accueillant des adultes avec troubles visuels et mentaux). Dans cette
perspective j'ai rencontré trois professionnels du service de psychiatrie et
deux de l'institut du Val Mandé. Le troisième interlocuteur du Val Mandé
n'a pu être interviewé suite à une absence prolongée de son travail durant
la période des entretiens.
- 13 -
Partenaire
Age
Fonction et
ancienneté sur
le poste
Diplôme &
formation
Caractéristiques
Institut le Val Mandé
Pauline G.
Henri B.
Philippe B.
Coordinatrice
de soins et
56 ans responsable de
la MAS
depuis 2002
 Médecin

psychiatre
Médecin
 Ancien
psychiatre MAS
chef de
47 ans

et SASMO
clinique
depuis 1993
psychiatrie
 Activité en

libéral
Psychiatrie Adulte
1 service (94G16 à Saint-Mandé)
51 ans
Fabienne T. 49 ans
Karine T.
Infirmière
Cadre
supérieur de
santé
 Coordonne au niveau
médical et
paramédical
l'ensemble des
structures
 Collabore avec les
grandes associations
œuvrant dans le
cadre du handicap
32 ans
Participe aux
commissions
d'admission
Travail de
supervision des
équipes
Suivi des patients
Chef de service
depuis 1998
Médecin
psychiatre
 Attaché à la
connaissance des
données
sociologiques du
secteur
 Autres expériences
de partenariat sur le
secteur
Assistante
sociale
depuis 2001
 Assistante
sociale
 En
formation
de
thérapeute
familial
 Exerce sur les
différentes structures
du secteur pour les
résidents d'une seule
commune
 Assistante
sociale
 Exerce sur trois
communes
 Une des premières
participantes du
partenariat
Assistante
sociale depuis
2000
Nous repérons les mêmes caractéristiques d'âge que dans le premier
partenariat (entre 40 et 50 ans pour la majorité).
L'ancienneté dans l'organisation est moins marquée. Nous retrouvons à la
fois des personnels médicaux et des travailleurs sociaux.
Les interlocuteurs ne font pas référence à des investissements associatifs.
- 14 -
Ainsi les partenaires sont expérimentés dans leur métier mais ne
disposent pas dans l'ensemble d'une culture de l'engagement associatif et
du travail partenarial (excepté deux personnes).
Guide d'entretien (Cf annexe 2)
Il s'organise autour de quatre entrées principales :
 l'origine et le contexte du partenariat
 la formalisation des actions et les règles de fonctionnement
 la place de l'usager dans l'action de partenariat
 les changements apportés par le partenariat dans les pratiques au sein
de l'organisation
Ces axes de travail nous aideront à analyser les conditions d'émergence
du partenariat et ce qui garantit un fonctionnement en partenariat pour ces
deux expériences.
Les entretiens semi-directifs se sont déroulés entre avril et juillet 2005 sur
le lieu de travail des professionnels. Leur durée s'échelonne entre
quarante-cinq minutes et une heure trente et ils ont été enregistrés. Il n'y a
pas eu de refus suite à mes demandes d'entrevue, certains ayant
néanmoins souhaité que le contenu de leurs propos reste anonyme.
Autres outils d'analyse
Le travail d'analyse s'appuie aussi sur des écrits :
 conventions de partenariat (A et B)
 rapport d'activité (partenariat A)
 bilans (partenariat A)
Ils permettent d’appréhender les décisions importantes pour les acteurs
des partenariats étudiés.
J'ai pu observer en juillet 2005 une réunion de professionnels pour le
partenariat A. L'observation permet de saisir un moment donné, le climat
de la rencontre, les interactions entre les acteurs. Ces derniers se
connaissent et se reconnaissent. Se dégageaient à la fois une convivialité,
un réel dialogue, des échanges sur des points d'organisation et aussi à
- 15 -
propos de situations complexes, communes ou spécifiques à la cité SaintMartin.
Ces investigations sur le terrain s'étant déroulées sur trois mois, nous ne
pouvons nous référer qu'à une seule rencontre. L'observation est
intéressante car elle met en scène les acteurs et leurs interactions. Elle
est complémentaire aux entretiens semi-directifs qui limitent la spontanéité
des échanges. L'observation d'une seule séance ne permet pas de
développer davantage ce propos.
Les limites
Elles tiennent au nombre de professionnels rencontrés. Ces partenariats
fonctionnent
respectivement
et
approximativement
avec
dix-sept
personnes pour le partenariat A et douze pour le partenariat B. Il aurait été
intéressant de rencontrer plus de professionnels afin de croiser davantage
les points d'alliance et de divergence et d'affiner l'analyse.
Les résultats
Ce travail a permis de mettre en évidence les conditions de mise en place
d'un
partenariat
et
d'analyser
les
actions
organisées
relevant
spécifiquement du partenariat. Il a cherché à comprendre les modes de
fonctionnement des acteurs.
- 16 -
I
LE CONTEXTE D'APPARITION DU PARTENARIAT EN
PSYCHIATRIE
Nous allons développer trois axes qui nous semblent fondateurs pour le
partenariat en psychiatrie : la sectorisation ouvrant la psychiatrie à la
société citoyenne, la décentralisation amenant de nouveaux acteurs à
intervenir dans le champ social et la mise en place des politiques
d'insertion interpellant la psychiatrie dans ce champ.
I.1
LA SECTORISATION EN PSYCHIATRIE : L'AMORCE DU
PARTENARIAT
La psychothérapie institutionnelle mise en place à l'hôpital Saint-Alban dès
1940 sous l'impulsion du docteur Tosquelles, a initié de nouvelles relations
entre les patients et les soignants. Ce fut "le début d'une révolution dans la
psychiatrie : l'organisation médicalisée, hiérarchisée, classifiée du soin est
abandonnée pour une vie communautaire où chacun, en fonction de ses
capacités et non de sa maladie ou de son titre, apporte sa contribution"18.
C'est de ce mouvement qu'est né le concept de secteur, c'est-à-dire d'une
perception humaniste des patients.
Il s'est par la suite construit dans l'Après-guerre à partir de la pratique de
certains psychiatres et infirmiers militants qui se sont battus contre
l'inhumanité de cette période tragique (40 000 morts de faim dans les
asiles pendant la Seconde guerre mondiale). Promulgué en 1960, il ne
s'est réellement implanté qu'à partir des années 1970.
I.1.1
Plusieurs facteurs fondent la sectorisation
Les progrès de la médecine ont préparé et rendu possible la mise en
place de la sectorisation :
 La découverte des neuroleptiques en 1952 a été incontestablement
un événement majeur de l'histoire de la psychiatrie. En effet, elle va
18
Docteur BAILLON G. 2001. "La psychiatrie de secteur aura bien lieu", Santé Mentale,
juin 2001. n° 59. p. 22
- 17 -
permettre de stabiliser l'état de santé de nombreux patients et favoriser
leur installation et leurs soins au plus proche de leur domicile.
 La psychanalyse, par sa pratique adaptée à l'institution et ses
concepts, a apporté après la Seconde guerre mondiale, une
compréhension psychodynamique des symptômes rencontrés dans les
maladies mentales. Ce sont alors, la pratique du colloque singulier
avec le thérapeute, le parcours individuel et l'histoire du sujet, qui
importent. Les institutions sont alors pensées et organisées comme
dispositif thérapeutique dans le sens où l'organisation de la vie
institutionnelle (vie au quotidien, activités de groupe, temps de parole
collectifs) fait partie du processus de soins.
Par rapport à la tradition de la médecine mentale, "Freud a été
profondément novateur en ceci qu'il n'a pas conçu l'intervention d'un
professionnel sur la problématique psychique dans le cadre exclusif de
la guérison"19. Avec lui, l'objectif des soins s'est principalement
concentré sur la compréhension du sujet et des mouvements
psychiques qui agitent ce dernier.

Le mouvement anti psychiatrie
Selon Robert Castel, il n'y a rien de plus spectaculaire que les
changements intervenus dans la médecine mentale depuis les années
1970. "A la place de la quasi-indifférence du public et du monopole laissé
aux professionnels pour poser les questions légitimes, des approches
anthropologiques, historiques, sociologiques, politiques, poétiques se sont
imposées dans un domaine autrefois presque entièrement dominé par les
catégories médicales"20.
La responsabilité de ce déplacement est attribuée en général aux
événements de 1968 et à leurs retombées. C'est partiellement exact selon
Robert Castel : "Le changement de la perception du statut de la
psychiatrie dans le post 68 tient en effet au fait que s'est cristallisée sur ce
19
CASTEL R. 1981. La gestion des risques : De l'antipsychiatrie à l'après-psychanalyse.
Paris : Fayard. p. 150-160
20
ibid. p. 19
- 18 -
terrain une double thématique beaucoup plus générale : le déplacement
de certaines luttes politiques et la surdétermination de la problématique de
la subjectivité"21.Dans le contexte des événements de 1968, c'est avant
tout le système des valeurs et du rapport à l'autorité qui va évoluer et
influer sur l'organisation des soins en psychiatrie.
"L'anti psychiatrie comme phénomène social a moins été la critique
ponctuelle
(théorique
ou
pratique)
d'une
activité
professionnelle
particulière que la surdétermination du sens de cette activité à partir d'une
thématique antiautoritaire généralisée"22.
La popularisation de la thématique anti psychiatrie a d'abord ébranlé le
secret institutionnel qui constituait une règle séculaire de fonctionnement
de la médecine mentale. A partir du moment où l'éventualité de l'intrusion
d'un regard critique extérieur a fait planer une menace sur la légalité des
pratiques, celles-ci ont dû changer. Plus généralement, entre 1970 et
1980, la folie est sortie de son ghetto.
"Que le malade mental soit un être humain est une idée à la fois banale et
qui va à l'encontre de près de deux siècles d'attitude ségrégationniste
justifiée d'abord par l'expérience asilaire, mais aussi largement partagée
par l'opinion"23. Avant ces années 1970, le malade a longtemps été
considéré et traité comme un être diminué, à part, doté d'un système de
pensée et d'émotion différent, ne pouvant pas disposer de droit et de libre
arbitre. Ce constat était soutenu par l'opinion qui encourageait la mise à
l'écart et l'enfermement de ces malades afin de s'en protéger.
I.1.2
Le cadre législatif de la sectorisation
Prenant exemple sur l'organisation du traitement de la tuberculose, la
politique de sectorisation psychiatrique est définie par la circulaire
originelle du 15 mars 1960. Elle prévoit l'intervention d'une équipe
pluridisciplinaire sur un territoire délimité et assurant la continuité de la
prise en charge de la personne, réalisant des actions de prévention, de
21
CASTEL R. 1981. op. cit. p. 20
22
ibid. p. 23
23
ibid.
- 19 -
soins et de postcure. Bien que centré sur l'hôpital, le dispositif se veut en
rupture
avec
le
grand
"Renfermement"24
que
représente
l'asile
psychiatrique. Cette organisation laisse percevoir l'idée d’un maillage d'un
territoire et la notion de prise en charge globale de la situation de la
personne. Elle jette les bases d'un fonctionnement en partenariat même si
elle n'en porte pas le nom.
Le 31 juillet 1968 est promulguée la loi portant réforme du statut des
médecins des hôpitaux psychiatriques. Elle prévoit notamment que seuls
sont placés en "premier groupe", avec une importante différence de
traitement, les psychiatres dont le service est sectorisé. Cette loi
représente une puissante incitation à faire le secteur dans le sens où elle
favorise la promotion des médecins psychiatres. Le secteur devient alors
le cheval de bataille des psychiatres réformateurs.
A partir de 1972, les circulaires d'application les plus importantes
paraissent car elles définissent les conditions de la mise en place
systématique du secteur. Ce dernier correspond à un découpage du pays
tout entier en unités territoriales correspondant à une population de 70 000
habitants, chaque zone étant affectée d'une équipe psychiatrique dotée
d'une large gamme d'institutions diverses, de l'hôpital psychiatrique à des
structures plus souples en ambulatoire (CMP, …).
La circulaire du 16 mars 1972 fonde l'intersecteur de psychiatrie infantojuvénile mais précise aussi les domaines d'intervention des équipes de
secteur (santé scolaire, protection maternelle infantile -PMI-, ...) qui vont
être amenés à collaborer progressivement dans le temps.
La loi du 30 juin 1975 a l'effet de compartimenter le champ du handicap
et celui de la maladie en créant une filière du handicap. Partant du constat
que la médecine mentale ne se préoccupait pas suffisamment de
l'insertion et de l'adaptation des malades, et que le handicap et la
psychiatrie ne s'adressaient pas au même public, elle a pour finalité de
développer les capacités d'adaptation et d'insertion en milieu ordinaire ou
protégé pour un public vulnérable. Elle est l'aboutissement d'une réflexion
24
FOUCAULT M. 1972. Histoire de la folie à l'âge classique. Paris : Opéra
- 20 -
basée sur la notion de déficience mentale et prolonge la tradition d'une
certaine forme de médecine et de psychiatrie sociales préoccupée par les
problèmes du travail, de la réinsertion professionnelle, de la réadaptation
et du reclassement. Elle est portée par les associations familiales
gestionnaires d'établissements éducatifs et professionnels.
Pourtant, nous le verrons par la suite, la réalité est beaucoup plus
complexe. D'une part les deux filières rencontrent des difficultés à se
concerter car elles sont construites sur des origines différentes et n'ont
pas développé les mêmes outils, la médecine mentale étant née d'une
réflexion sur le délire, la crise, la rupture, le mystère de la différence et de
la discontinuité plus que sur l'adaptation et l'éducation.
D'autre part, les frontières entre les deux filières ne sont pas si claires. Les
établissements médico-éducatifs font appel aux soins psychiatriques ; les
maladies mentales quant à elles, évoluent parfois vers une forme de
chronicité invalidante qui rend nécessaire l'association projet de soins,
projet de vie et resocialisation. Se retrouvent par exemple dans des
centres d'aide par le travail (CAT) des personnes issues de la filière
médico-éducative et d'autres du milieu psychiatrique.
I.1.3
Les effets de la sectorisation
La psychiatrie publique a proposé le premier modèle cohérent d'une
structure sectorielle comme matrice unifiée de toutes les interventions en
direction d'une cible spécifique, la maladie mentale.
Ce dispositif est devenu l'organigramme administratif privilégié du
redéploiement de l'action sanitaire et sociale en général. Il instaure la mise
en place :
 d'une carte hospitalière (loi du 31 décembre 1970), qui favorise une
rationalisation de l'offre de soins par le bais d'une planification de
l'ouverture des structures, d’une répartition plus équitable des
équipements sur le territoire
 d'une circonscription et d'un secteur de protection maternelle infantile
(article 148 du code de la santé publique)
- 21 -
 des secteurs médicaux scolaires (arrêté du 26 août 1968)
 circonscription de service social (circulaire du 12 décembre 1966).
Dans différents domaines de l'action sociale et de la prévention, l'Etat dote
l'ensemble du territoire de structures d'information et de consultation. Elles
sont à la disposition de la population pour un secteur géographique donné.
I.1.4
Le secteur actualisé
En 1985, les dépenses de lutte contre les maladies mentales sont
transférées à la charge de l'Assurance-Maladie et les moyens affectés à
l'extrahospitalier gérés par les établissements hospitaliers dans le cadre
du budget global. Dans les années 1990, un nouveau tournant va
s'amorcer dans le milieu de la psychiatrie, celui de l'articulation du
sanitaire et du social.
Ainsi, la circulaire du 14 mars 1990 ouvre le champ d'action de la lutte
contre la maladie mentale et étend le champ d'action de la psychiatrie à la
santé mentale. En développant l'idée de coordination et de proximité, elle
fait référence au partenariat : "Le secteur est une aire de concertation et
de coordination des actions à conduire au plan local avec l'ensemble des
partenaires directement ou indirectement concernés par les problèmes de
santé mentale". Le centre médico-psychologique est positionné comme
pivot du secteur, lieu d'une véritable réflexion politique en matière de santé
mentale.
Une instance de coordination (reprise d'une circulaire de 1972) est
réactualisée : le conseil de secteur, qui a notamment pour mission de
mobiliser les complémentarités entre praticiens libéraux, infrastructures
publiques et associatives et d'articuler sur un plan local une politique de
collaboration en santé mentale.
La loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière incite les
établissements de santé à "(…) des actions de coopération avec des
personnes de droit public et privé avec lesquels peuvent figurer des
conventions d'intérêt public ou des groupements d'intérêt économique".
Elle insiste aussi parallèlement sur une maîtrise médicalisée du système
de santé avec la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire.
- 22 -
L'organisation de l'hôpital est modifiée en accordant plus d'autorité à son
directeur et conduisant au développement de l'administration hospitalière
avec la mise en place du projet d'établissement et du projet
d'accréditation. L'enjeu est de limiter les dépenses tout en modernisant la
gestion
hospitalière.
L'hôpital
doit
alors
satisfaire
deux
objectifs
contradictoires. D'une part, il doit s'ouvrir à de nouvelles problématiques :
appréhender les troubles psychiatriques dans une dimension globale qui
inclut l'environnement familial et social. D'autre part, il doit maîtriser ses
coûts de fonctionnement.
Dans le cadre des ordonnances du 24 avril 1996 sont créées les
agences régionales d'hospitalisation (ARH) qui deviennent l'autorité de
décision regroupant en une seule structure et à l'échelon régional, les
pouvoirs détenus par l'Etat et l'assurance maladie. Se retrouve la volonté
d'adapter, de répartir et de contrôler les dépenses de santé.
Les ordonnances instaurent des passerelles entre la psychiatrie et le
médico-social. L'article 51 précise que dorénavant "les établissements de
santé publics et privés peuvent créer et gérer les services sociaux et
médico-sociaux pour autant que ces opérations répondent aux conditions
de fonctionnement et de prise en charge et satisfassent aux règles de
procédures énoncées par les lois susmentionnées (loi de 1975)".
Enfin, en janvier 2002, la loi sociale de 1975 est rénovée. Elle fait une
place aux structures innovantes telles que les lieux de vie en leur
conférant un statut et surtout, elle s'intéresse aux usagers du secteur
social et médico-social en créant notamment le livret d'accueil, le contrat
de séjour, le conseil de vie sociale. Elle va amener l'ensemble des
organisations à consulter l'usager à propos de leur fonctionnement. La loi
s'appuie sur les expériences existantes dans certaines structures médicosociales et les rend obligatoires pour toutes.
I.1.5
Questionnement à propos de la sectorisation
En ouvrant le champ de la psychiatrie au champ social, la sectorisation
risque de banaliser le recours au soin psychique. "Alors que la rigidité de
la synthèse antérieure en cantonnait la réalisation aux espaces clos régis
- 23 -
par une législation spéciale, l'exercice de la maladie mentale devient à la
limite coexistensif à l'ensemble social. Mettre fin à la ségrégation c'est
aussi ouvrir la voie à une intervention généralisée"25.
Changer de local professionnel, d'implantation géographique ne suffit pas
toujours à modifier la relation soignant-soigné ainsi que les modes de
fonctionnement des professionnels de santé. "Il y a dans la psychiatrie
française une relation de renforcement réciproque entre une forte
composante institutionnaliste et une forte composante professionnaliste.
Les savoir-faire montés à l'hôpital sont pensés exportables à l'extérieur"26.
La mise en place du secteur en favorisant le rapprochement entre les
structures de soins et le lieu de vie des patients a rendu plus sensible les
questions autour du soin libre et consenti ou imposé afin d'assurer la
protection de la société civile (nuisances, violence, ...). "Il existe en
psychiatrie une sorte de division du travail entre certaines interventions qui
relèvent d'une demande plus ou moins libre de la part des bénéficiaires et
des correspondants à des fonctions sociales pour lesquelles l'intervention
du psychiatre est obligatoirement requise"27.
Malgré ces écueils, la sectorisation a permis progressivement à un
nombre conséquent de patients d'être soigné en ambulatoire avec peu
d'hospitalisations. La plupart ont pu reprendre une vie ordinaire dans leur
logement ou en structure collective. Leur vie sociale s'organise autour du
quotidien, d'activités (sur leur quartier ou au sein de structures
spécialisées) et pour certains du travail (parfois en milieu protégé).
I.2
LA DÉCENTRALISATION : DE NOUVEAUX ACTEURS DANS LE
CHAMP SOCIAL
Les évolutions du secteur social et médico-social sont étroitement liées
aux mutations de notre société. La législation et la réglementation se
transforment dans le même temps que ce soit pour anticiper,
accompagner ou entériner le changement.
25
CASTEL R. 1981. op. cit. p. 42
26
ibid. p. 52
27
ibid. p. 50
- 24 -
Si les problèmes sociaux ne sont pas tous des problèmes de santé, en
revanche tous les problèmes de santé ont, à des degrés variables, une
dimension sociale et politique.
En confiant l'aide sociale au département, la décentralisation a eu pour
effet de transférer à l'échelon local et sous la responsabilité particulière
des élus des conseils généraux cette gestion des risques de précarisation
auxquels se trouvent confrontés les plus démunis.
Les problèmes de santé et de protection sociale représentent donc
aujourd'hui un des enjeux fondamentaux des sociétés contemporaines et
des politiques publiques qui sont mises en oeuvre pour en permettre le
fonctionnement et en assurer les grands équilibres. La décentralisation
permet à l'Etat de segmenter son rapport avec les problèmes de
marginalité sociale nés des situations de précarité économique, sociale et
médico-sociale.
Ce faisant, il localise la gestion des problèmes sociaux, il évite ainsi un
rapport frontal et se donne les moyens de trouver régionalement les
possibilités d'une modernisation des politiques sociales et d'une
rationalisation des ressources mises en oeuvre. C'est ce que nous verrons
plus tard dans le cadre du RMI avec la gestion de l'insertion confiée aux
départements. "Mais les élus, les professionnels du travail social et
médico-social ont une histoire, des comportements acquis avant la
décentralisation. La transformation du cadre juridique de leur action
requiert de leur part des changements d'attitudes, de comportements, tout
ceci peut générer des situations d'incertitude"28. Les acteurs politiques et
les travailleurs sociaux ne se connaissent pas. Ils ont donc des a priori,
des représentations à l'égard des uns et des autres. Cette collaboration à
construire est nouvelle pour un certain nombre, elle génère des
inquiétudes.
L'adoption en mars 1982 de la loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions constitue sans doute un
événement qui marquera durablement l'histoire de notre système
28
GUYOT J.C., VEDELAGO F. 1993. Les élus et le social : le cas de l'Aquitaine et de ses
conseillers généraux. Bordeaux : La Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine. p. 21
- 25 -
administratif. Mais la décentralisation n'est nullement le fruit d'une
mutation brusque. Cette loi de décentralisation est dans bien des
situations l'aboutissement logique des changements concrets initiés et
canalisés par des pratiques développées antérieurement à la loi. Certains
départements avaient initié par exemple, la mise en place d'un revenu
minimum avant la création et la généralisation du RMI par l'Etat en 1988.
Comme dans bien des cas, cette innovation juridique intervient après un
long processus de transformation de la société française antérieur à cette
date.
En France, c'est un paradoxe de l'Etat centralisateur, les élus locaux
disposent depuis longtemps d'une influence importante dans l'élaboration
et la mise en oeuvre des politiques publiques. Après la décentralisation,
malgré quelques exceptions à la règle, les décideurs doivent aussi être les
payeurs.
Les conseillers généraux deviennent gestionnaires. Le transfert du pouvoir
n'est pas vertical mais horizontal. Il ne passe pas de Paris vers la
province, il passe des fonctionnaires aux élus, du préfet au président du
conseil général. Le territoire reste le même et se situe à l'échelle du
département. Mais les fonctionnaires n'ont pas le même rapport aux
résultats que les élus. Le maintien à leur fonction n'est pas directement lié
à l'obtention de résultats dans les actions sociales mises en place. "Le
changement le plus important ne réside pas dans la transformation des
cadres juridiques définissant la mise en oeuvre de l'aide et de l'action
sociale, elle s'inscrit plutôt dans les modifications des attitudes des
décideurs. La décentralisation favorise une nouvelle logique de gestion du
social"29. La perception et la gestion de l'action sociale par les élus est
stimulée et guidée par leur rapport au public et au temps (exigences de
l'élection et de la durée du mandat).
Bien que formellement spécifiées et administrativement encadrées, les
interventions sociales et médico-sociales des départements s'insèrent
29
TYMEN S. NOGUES H. 1988. Action sociale et décentralisation : tendances et
prospectives. Paris : L'Harmattan. p. 61-62
- 26 -
dans le système de protection sociale de façon transversale. En effet,
elles ne peuvent que très rarement se réduire à une prestation particulière
pour un type donné de risque. Au contraire, elles traversent chacun des
quatre grands risques traditionnels : santé, famille, emploi, vieillesse.
La décentralisation n'a nullement changé la fonction première de l'aide
sociale mais elle accélère son insertion progressive dans un ensemble
plus large aux contours flous, appelé souvent action sociale.
Les élus, dès 1982, ont sollicité l'aide des experts pour acquérir tout à la
fois efficacité et légitimité dans l'exercice des compétences décentralisées.
Aujourd'hui, les conseillers généraux sont en mesure d'adapter les
politiques publiques aux réalités locales, de les faire évoluer selon les
nécessités
économiques
et
politiques
du
moment,
d'en
orienter
l'application selon leur propre conception des intérêts de leurs administrés
et de l'ensemble du département.
Les différentes étapes législatives de la décentralisation permettent de
repérer l'ancrage dans le temps des nouveaux attributs des élus. La
décentralisation a redéfini le rôle de l'Etat en lui faisant partager ses
compétences avec les trois principales collectivités territoriales que sont la
commune, le département, la région.
La première étape de la décentralisation s'appuie sur trois lois :
 nº 82 213 du 2 mars 1982
 nº 83-8 du 7 janvier 1983
 nº 83-663 du 22 juillet 1983
- 27 -
Département
Action sociale
Commune
Région
 Aide sociale à
l'enfance
 PMI
 Service social et
 Centre
prévention
communal
 Hébergement
d'action
des personnes
sociale
handicapées et
 Bureau
personnes
municipal
âgées
d'hygiène
 Action
d'insertion pour
le Revenu
Minimum
d'Insertion (RMI)
 Formation
professionnelle
des jeunes
 Action de
formation des
moins 26 ans
 Fonds régional
de
l'apprentissage
Formation
professionnelle
C'est à partir de 1986 que l'exécutif régional est transféré du préfet de
région au président du conseil régional.
La deuxième grande étape de la décentralisation prend effet en 2004.
Le gouvernement Jospin, à l'occasion des 20 ans de la loi du 2 mars 1982
(actes 1 de la décentralisation), a lancé en 2001 une réflexion sur les
suites qu'il était possible de donner au processus de la décentralisation.
Dans le prolongement des réflexions de la commission Mauroy créée à cet
effet, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité est
adoptée.
Après l'alternance politique de mars 2002, le gouvernement Raffarin a très
rapidement annoncé ses intentions en matière de décentralisation. La loi
de réforme constitutionnelle est promulguée le 28 mars 2003. Trois lois
organiques et deux lois ordinaires mettent en oeuvre les dispositions
constitutionnelles et notamment la loi nº 2300-1200 du 18 décembre 2003
- 28 -
portant décentralisation du RMI et création du Revenu Minimum d'Activité
(RMA).
Moins que des compétences, la loi transfère des outils ou des dispositifs
(RMI, Fonds d'Aide aux Jeunes -FAJ-, Fonds Solidarité logement -FSL-),
des pans d'une problématique (le logement des jeunes), des objets à
gérer (aéroports, ports, …). Toutes les actions menées par les collectivités
sont soumises pour avis au représentant de l'Etat dans la région qui
conserve le contrôle de la légalité et de la conformité notamment sur les
conventions multiples signées entre l'Etat et les différentes collectivités
locales.
Dans le cadre de la décentralisation, la région devient le chef de file du
développement économique et de la formation professionnelle qualifiante.
Le département quant à lui s'affirme comme chef de file de l'action sociale.
La loi du 18 décembre 2003 lui confie le pilotage intégral du RMI. Jusqu'ici
financé par l'Etat, le RMI est mis à la charge des départements, les
modalités de la compensation financière étant parallèlement fixées par la
loi de finances pour 2004. Mais la décentralisation n'est pas totale : le
montant de l'allocation et ses conditions d'attribution restent fixées à
l'échelon national.
Concernant le logement des plus défavorisés, le département pilote le
fonds social au logement en assurant son financement et en élaborant son
règlement intérieur.
Enfin, le département élabore les schémas d'organisation sociale et
médico-sociale lorsqu'ils portent sur un certain nombre d'établissements
(article 50), comme par exemple :
 établissements accueillant des adultes handicapés
 établissements au service d'enseignement et d'éducation spéciale qui
assurent une éducation adaptée et un accompagnement social ou
médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou
présentant des difficultés d'adaptation.
En conclusion, le conseil général est le pilote légitime sur les actions pour
laquelle il a entière compétence dans les limites fixées par la loi. Sur tous
- 29 -
les autres champs, il est en situation de dialogue de partenariat
"obligatoire" du fait des schémas à produire et des conventions multiples à
négocier.

Le social et le sanitaire dans le cadre de la décentralisation
Aujourd'hui, la séparation du sanitaire et du social persiste même si
certains acteurs administratifs, professionnels ou associatifs, confrontés à
la complexité des situations concrètes, en contestent parfois le caractère
quelque peu arbitraire.
Elle est le produit d'une catégorisation administrative et d'une organisation
socio-politique et socio-professionnelle dans des champs d'action
collective où les politiques sociales, médicales et médico-sociales
obéissent à des choix économiques et principalement comptables.
Cette distinction du médical et du social obéit à un processus de
construction de véritables filières institutionnelles et professionnelles de
prise en charge des problèmes de santé et d'inadaptation sociale.
Dans le cadre de la décentralisation, le maintien de ces filières va
apparaître comme encore plus inapproprié. "Pour ce qui concerne le cas
précis des compétences décentralisées, à l'échelle du département, cette
distinction du sanitaire et du social paraît d'autant plus contestable que
nous sommes dans un champ d'action dont la spécificité est justement
d'être le lieu d'une étroite imbrication entre les problèmes de santé et de
société"30. Le département est mandaté pour l'organisation de la
prévention et de l'insertion au sens large avec la volonté de coordonner
les actions de soin et de réinsertion. Cette finalité est rendue délicate du
fait des antagonismes des deux filières.
Nous verrons par la suite que certaines lois ont accompagné l'évolution
des missions des institutions sanitaires et sociales :
 la loi sur le RMI (1988, réformée en décembre 2003), qui introduit la
notion d'insertion sociale au sens de la santé
30
GUYOT J.C., VEDELAGO F. op. cit. p. 143
- 30 -
 la loi contre les exclusions (1998), qui fait de la lutte contre la pauvreté
un impératif national en mettant en place notamment la couverture
maladie universelle
 la loi de programmation pour la cohésion sociale (2005), qui reprend
les objectifs précédents en insistant sur l'axe professionnel.
Ces lois ont contribué à davantage associer les dimensions sociales et de
soins dans la prise en charge de l'usager.
I.3
DE LA LUTTE CONTRE LES MALADIES MENTALES À LA
PROMOTION DE LA SANTÉ MENTALE : LES POLITIQUES DE
PRÉVENTION EN PSYCHIATRIE
Depuis le célèbre ouvrage de René Lenoir "Les Exclus" (1974), la
précarité et la pauvreté n'ont cessé de préoccuper le champ politique.
Comment développer les aides publiques dans un contexte de crise de
l'Etat providence ?
Il aura fallu attendre les plans d'action contre la pauvreté et la précarité à
partir de 1986 et le rapport de Joseph Wresinski "Grande pauvreté et
précarité économique sociale"31 en 1987 pour que la première loi relative
au RMI amorce une réponse à l'exclusion.
L'originalité de la loi instituant le revenu minimum d'insertion en France (loi
nº 88-1088 du 1er décembre 1988) vient de ce qu'elle lie intimement une
prestation quasi universelle qui constitue un droit et une démarche
d'insertion basée sur un engagement contractuel entre l'individu et la
société.
L'insertion est prise dans une acception large ; elle comprend notamment
des actions d'autonomie sociale. C'est là, dans cette insertion, que les
services de psychiatrie vont être interpellés afin de collaborer.
Les articles de loi cités ci-dessous font apparaître à la fois le droit à une
prestation, les conditions d'obtention et les différentes déclinaisons de
l'insertion.
31
WRESINSKI J. 1987. Grande pauvreté et précarité économique et sociale, rapport au
Conseil économique et social français. Paris : Journal Officiel.
- 31 -
Article 1 : toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique
ou mental (...) se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir
de la collectivité des moyens convenables d'existence. Ce revenu
minimum d'insertion constitue un des éléments d'un dispositif global de
lutte contre la pauvreté tendant à supprimer toute forme d'exclusion,
notamment dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la formation,
de la santé et du logement.
Les articles 1 et 37 évoquent la santé au sens large associant la
psychiatrie au dispositif d'actions à mettre en oeuvre dans le cadre de la
lutte contre la pauvreté. Ainsi, avec les redéfinitions politiques actuelles, la
psychiatrie publique s'est étendue du côté de ce qui est appelée "la santé
mentale". Il ne s'agit pas seulement de "soigner" mais de prendre en
compte "la qualité de vie subjective des patients".
Même si la question de la morbidité psychiatrique chez la population des
bénéficiaires du RMI est aujourd'hui centrale aux yeux de nombre
d'acteurs, cette question de la prévalence des troubles de santé mentale
chez cette même population n'est pas si simple : par qui et comment doiton répondre à cette souffrance ?
L'échange entre institutions dans le cadre du RMI n'est pas toujours
évident notamment sur le plan des limites d'intervention des acteurs. Il est
rendu encore plus ardu par l'image négative véhiculée dans les
représentations de la psychiatrie. La mise en place du dispositif RMI a tout
de même permis la formalisation des relations avec par exemple
l'élaboration des programmes départementaux d'insertion, la création des
conseils départementaux d'insertion, les cellules d'appui et des actions de
tous ordres.
La préconisation d'associer la psychiatrie aux programmes d'insertion sera
reconduite dans la loi nº 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la
loi nº 88-1088 du 1er décembre 1988.
Même s'il y a une indéniable réussite dans la mise en place de la
prestation, l'objectif d'insertion a rencontré de grandes difficultés. Le
nombre de bénéficiaires du RMI n'a cessé d'augmenter, les mesures
- 32 -
d'insertion professionnelle n'ont pas véritablement pénétré le monde de
l'entreprise.
Dans ce contexte, la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions nº 98-657 du 26 juillet 1998 réaffirme comme impératif national
la lutte contre la pauvreté et contre les différentes formes d'exclusion.
Dans les articles consacrés à l'accès aux soins, "l'accès à la prévention et
aux soins des personnes les plus démunis constitue un objet prioritaire"
(article 67). L'article 71 précise les conditions dans lesquelles les services
de l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale,
les agences régionales d'hospitalisation, les établissements et institutions
sanitaires et sociales concourent à la mise en oeuvre de ces actions. Il
s'attache à définir des actions pour lutter contre les pathologies aggravées
par la précarité ou l'exclusion sous toutes leurs formes notamment les
souffrances psychiques, les troubles du comportement.
Ainsi, la psychiatrie se trouve au centre des dispositifs de soins dans la
lutte contre les exclusions. Les agences régionales d'hospitalisation
doivent s'associer à la mise en place d'actions autour de la santé. Un lien
est fait entre l'exclusion et la souffrance psychique, l'une pouvant aggraver
l'autre (l'inverse étant également valable).
La loi de programmation pour la cohésion sociale 2005-32 du 18 janvier
2005 s'appuie sur un bilan controversé des politiques d'insertion mises en
place sur les quinze dernières années. Le nombre d'allocataires du RMI
est passé de 422 000 à 1 100 000. Le chômage des jeunes de 16 à 24
ans dans les quartiers classés zone urbaine sensible est passé de 28% à
50%. Le nombre de logements indécents a doublé. Cette loi souhaite à la
fois agir sur l'emploi, le logement et l'égalité des chances. Elle s'appuie sur
les dispositifs de coordination existants, et les encourage à un souci
d'efficacité. Le pouvoir des élus (conseils généraux, maire) est renforcé
notamment dans le cadre du RMI mais aussi dans les lois en préparation
(délinquance, …).
En mettant l'usager au centre de la résolution de sa problématique,
notamment en l'engageant dans la signature d'un contrat, les lois de
- 33 -
prévention ont mis en évidence sa responsabilité individuelle dans le
traitement de sa situation. Dans son ouvrage concernant l'évolution de la
psychiatrie et des politiques de prévention paru en 1981, Robert Castel
évoquait certains questionnements qui apparaissent toujours d'actualité en
2005. Il s'inquiétait à propos d'un traitement collectif de problématiques
sans prendre en considération l'histoire et les particularités des individus.
"Les
nouvelles
politiques
préventives
économisent
ce
rapport
d'immédiateté parce que ce dont elles traitent, dans un premier temps du
moins, ce ne sont pas des individus mais des facteurs, des corrélations
statistiques"32. Ce qu'il craint dans le déploiement de politiques
globalisantes c'est la disparition de la notion de "sujets".
Il insiste et met en garde par ailleurs la responsabilité qui repose sur
l'individu dans le traitement de l'exclusion. "La raison ultime d'un
dysfonctionnement quelconque ne peut que résider dans l'individu qui en
porte le symptôme et la compréhension de son économie personnelle
propose le seul fil conducteur dans le domaine éclaté de l'assistance"33.
Ainsi, la responsabilité de l'exclusion est renvoyée à l'exclu lui-même
"incapable" de s'intégrer ; cela ne replace pas d'autres responsabilités
sociétales.
La mise en avant du soin psychiatrique dans les politiques d'insertion s'est
faite simultanément avec son entrée dans le monde courant. Dans les
milieux professionnels, à l'école, lors d'accidents, de catastrophe naturelle,
on assiste à une généralisation de "la thérapie pour les normaux". Et si on
prend à la lettre cette métaphore, elle signifie d'abord que c'est la
normalité qui fonctionne désormais comme symptôme. "Cela peut signifier
que la culture psychologique se présente en alternative dans une situation
où les investissements sociaux se dérobent d'autant plus que les
alternatives sont brouillées"34.
A un moment où différents sujets tels que le chômage, la retraite,
l'immigration, la montée de l'exclusion et des situations de précarité ne
32
CASTEL R. 1981. op. cit. p. 146
33
ibid. p. 143
34
ibid. p. 183
- 34 -
trouvent pas de réponse simple et durable, la psychologie peut devenir
alors le but primaire en constituant une sociabilité vide de tout autre
contenu. Il suffit d'observer la profusion de nouveaux groupes à visée
thérapeutique proposant la recherche d'un mieux-être individuel et
l'apaisement de ces conflits.
Dans les professions de la relation, l'intégration de la psychanalyse à la
formation, même si elle a permis de développer des qualités relationnelles
et d'écoute, a imposé déjà une banalisation de son contenu. Le risque
d'une généralisation de l'approche psychologique dans les politiques de
prévention est double :
 Elle peut y perdre le sens de cette approche.
 Elle peut agir comme substitut d'un social en crise.
Vouloir traiter l'ensemble des problématiques sociales par le biais de
l'approche psychologique individuelle dénature et ôte à ce champ toute sa
pertinence. Le risque est de faire porter sur l'individu des responsabilités
que la société n'arrive pas à régler sur un plan collectif, notamment le
chômage structurel.
- 35 -
II LE PARTENARIAT : LE MOT ET LA CHOSE
Le terme partenariat a intégré le quotidien des travailleurs sociaux. Il est
présent dans les discours, les rapports, les recommandations, l'évocation
des pratiques. Il fait partie du langage usuel au point d'y perdre son sens
et sa force. Dans ce chapitre, nous nous sommes attachés à la recherche
de l'origine de ce mot, ses significations et ses effets sur les identifications
des professionnels. Nous essayerons de le différencier du réseau.
II.1
LE PARTENARIAT ET SON CONTEXTE : CHAMP SOCIAL ET
CHAMP DE L'ÉDUCATION

Champ social
L'Après-guerre en France est une période de reconstruction puis de
croissance économique. Les progrès techniques sont considérables dans
tous les domaines. Le travail est gage de stabilité et de légitimité sociale.
Le salariat est la forme d'activité essentielle ; il définit l'identité sociale de
la plus grande partie des membres de la société. "Le salariat n'est pas
seulement un mode de rétribution du travail, mais la condition à partir de
laquelle les individus sont distribués dans l'espace social"35. Robert Castel
caractérise cette période "d'état de croissance" pour désigner "l'articulation
des deux paramètres fondamentaux qui ont accompagné la société
salariale dans son parcours et hissé avec elle des liens essentiels : la
croissance économique et la croissance de l'état social"36.
"L'invention du social"37 s'avère nécessaire "pour rendre gouvernable une
société ayant opté pour un régime démocratique, dans le cadre d'un
système économique libéral, ensemble d'actions mises en oeuvre
progressivement par les pouvoirs publics pour parvenir à transformer les
35
CASTEL R. 1995. Les métamorphoses de la question sociale. Paris : Fayard
36
ibid.
37
DONZELOT J. 1994. L'invention du social. Paris : Seuil (coll. Points essais)
- 36 -
conditions de vie d'abord des ouvriers puis des salariés et éviter les
explosions sociales, la désagrégation des liens sociaux"38.
L'Etat occupe une place centrale dans le développement d'une politique
sociale importante. Il intervient en créant des dispositifs de protection
sociale tels que la Sécurité Sociale en 1945 et des services publics, régule
les relations entre les partenaires sociaux (accord interprofessionnels de
juillet 1970 sur la formation professionnelle continue).
Ces efforts pour répartir les fruits de la croissance ne gomment pas toutes
les inégalités. A partir de 1973, une crise économique aux conséquences
lourdes sur l'emploi s'installe. Les conséquences de la crise économique
se traduisent par une augmentation importante et une modification du
chômage. Il s'étale désormais sur des périodes longues, affecte plus
particulièrement les ouvriers, les immigrés, les personnes sans formation,
beaucoup les jeunes, les femmes et se concentre dans certains quartiers.
Il s'accompagne d'une précarisation du travail.
Durant les dix premières années de la crise, les politiques sociales se
caractérisent par une recherche de limitation des coûts et par des
mesures en faveur de l'insertion et de la réinsertion des personnes. Elles
consistent à définir des actions s'adressant à des catégories particulières
de population. Le développement et l'installation de l'exclusion modifie le
contexte de l'action publique. "Les exclus désignent désormais tous ceux
qui ne peuvent s'adapter aux mutations économiques et technologiques et
se situent de ce fait en dehors de l'appareil de production et auxquels font
défaut au surplus des liens sociaux forts (...) ils sont des populations non
seulement menacées par l'insuffisance de leurs ressources matérielles (...)
mais aussi fragilisées par la pauvreté de leur tissu relationnel"39.
38
JOIN-LAMBERT M.T., BOLOT-GITTLER A., DANIEL C., LENOIR D., MEDA D. 1997.
Politiques sociales. Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques et
Dalloz
39
ibid.
- 37 -
La question sociale se pose aujourd'hui à partir de l'effritement de la
condition salariale."Le travail est plus que le travail et le non travail est
plus que le chômage"40.
La complexité des situations, l'interdépendance entre les problèmes que
cumulent les personnes en situation de précarité, exigent qu'ils soient pris
en charge concomitamment, qu'existe une nouvelle forme de coordination
entre les professionnels et les organisations sur le plan géographique.
Ainsi s'ouvre la voie du travail en partenariat.

Champ de l'éducation
Si on étudie le contexte d'apparition du partenariat dans le monde de
l'éducation nationale, on retrouve des similitudes avec le travail social. Il
arrive dans un contexte social, qui interroge les fondements de l'école en
réactivant les défis auxquels elle est confrontée : défi de la nouvelle
situation de la famille, défi des jeunes qui abandonnent l'école sans
diplôme, défi de la pauvreté, défi de l'intégration des élèves issus de
l'immigration venant de tous les continents.
Le partenariat apparaît dans les textes officiels et la loi d'orientation de
l'éducation de 1989. Il signifie un changement de conception des relations
de l'école avec ceux qui était déjà ses partenaires. Ces derniers ont
désormais un rôle à jouer dans l'accomplissement des missions du service
public éducatif, y compris pédagogique, par exemple le soutien scolaire,
mission qui jusque-là, était le domaine réservé des enseignants, celui
dans lesquelles ils puisaient leur légitimité. Danielle Zay41 précise que
cette évolution ne peut être comprise en dehors des mutations profondes
de société qui l'ont entraînée :
 Le passage d'une société traversée par une idéologie conflictuelle et
par des références à la lutte des classes dans les années 1960 et
1970, à une idéologie du consensus et une pénétration de l'idée de
participation.
40
CASTEL R. 1995. op. cit.
41
KADDOURI M., ZAY D. op. cit.
- 38 -
 L'émergence du local, l'importance croissante donnée aux régions, aux
villes et aux quartiers, ce qui implique une possibilité d'initiative,
d'autonomie de décision à tous les échelons y compris celui de
l'établissement scolaire.
 Le partenariat est un des aspects des transformations de la formation
initiale et de la formation des adultes. L'espace traditionnel de la
formation éclate et s'intègre dans des dispositifs plus larges d'insertion
sociale et professionnelle.
Les mutations ne se sont pas effectuées sans heurt. Peut-être que dans
notre société qui ne fonctionnait pas sur une idéologie propice au modèle
partenarial, les enjeux du partenariat en éducation ont été pointés avec
plus de vigueur. On trouve notamment :
 La
crainte
d'une
centration
sur
la
communauté
locale,
d'un
appauvrissement des contenus et relativisation des valeurs par rapport
à une culture à vocation universaliste.
 L'insertion sociale ou la formation professionnelle doivent-elles
l'emporter sur la formation culturelle ?
 L'éducation à la citoyenneté progressera-t-elle ou n'ira-t-on pas, les
différences régnant à l'école publique, vers un repli des diverses
communautés ethniques et religieuses sur leurs valeurs propres,
excluant celles des autres ?
 Quel est l'effet en retour des pratiques partenariales sur ce que l'élève
construit de ses savoirs scolaires ?
Toutes ces questions vont nourrir et agiter les rencontres partenariales
mais le processus est engagé vers une nécessaire collaboration avec
d'autres organisations.
II.2
ÉMERGENCE - DÉFINITIONS
Au point de départ, l'action partenariale est perçue comme une situation
en soi conflictuelle ; le consensus est à l'arrivée plutôt qu'à l'entrée : il est
à construire. S'il n'y a pas d'enjeu pour les acteurs, il n'y aura pas de
véritable partenariat ; ces enjeux-là sont le gage de la réussite.
- 39 -
Être partenaire : l'expression connote une forme de complicité lorsqu'il
s'agit d'un jeu ou d'un sport. Elle suggère une forme de plaisir lorsqu'il
s'agit d'amour. Elle évoque souvent une dimension horizontale, rituelle
lorsqu'il s'agit de l'élaboration de projets communs entre des organisations
issues de champs variés.
Les dictionnaires étymologiques nous apprennent que le substantif
"partenaire" serait apparu dans la littérature à partir du XVIIIe siècle (cf.
Madame Du Deffand Beaumarchais) par emprunt de l'anglais "partner" qui
serait une altération de "parcener" lui-même emprunt outre-Manche de
l'ancien français "parçonnier" de "parçon" qui signifiait partage butin hérité
du latin "partitio".
Une variable en latin "partire" puis en latin classique "partiri" venant tous
deux de "pars" qui signifie la part, renvoie elle aussi à cette idée de
division, de partage qui n'a subsisté dans le français moderne que dans
l'expression "avoir maille à partir avec quelqu'un", origine conflictuelle qui
ne laisse pas d'étonner.
L'usage courant du XIXe siècle est plus aimable et correspond à une
atténuation de l'idée du conflit.
Entre 1961 et 1992, différents dictionnaires sont unanimes pour donner
comme sens premier à "partenaire", celui des personnes qui sont ou qui
se sont associées, notamment dans un jeu (d'où règles du jeu,
adversaires). Puis le sens institutionnel s'est affirmé pour signifier les
relations d'état à état (partenaires européens) et surtout les relations
économiques notamment entre salariés et employeurs (partenaires
sociaux).
Les idées de négociation, de partage, voire de conflit sont présentes mais
la référence au jeu a disparu.
Le terme de partenariat est plus mystérieux encore. Il n'apparaît dans les
dictionnaires d'usage courant que dans la décennie 1980 essentiellement
pour reprendre cette acception institutionnelle (système associant des
partenaires sociaux et économiques, selon le Petit Larousse 1992).
- 40 -
Pour le dictionnaire anglais, "partnership" correspond à l'action d'entrée en
association avec quelqu'un pour faire quelque chose. Danielle Zay donne
une définition minimale du partenariat comme "une action commune
négociée". Il s'agit de construire un compromis. Dans le partenariat,
chacun conserve ses objectifs propres tout en acceptant de contribuer à
un objectif commun.
Landry42 situe le partenariat dans un continuum qui va de l'information
mutuelle d'une part, à la fusion d'autre part, en passant par la
coordination, la concertation, la coopération, le partenariat, la cogestion.
Selon lui, le partenariat résulte d'une entente réciproque entre des parties,
qui de façon volontaire et égalitaire, partagent un objectif commun et le
réalisent en utilisant de façon convergente leurs ressources respectives. Il
fait référence à la nécessité de se découvrir, de se connaître. Le
partenariat ne doit pas être entravé par des relations hiérarchiques entre
les acteurs. Les rencontres s'organisent autour d'un but et d'un projet qui
permettent l'instauration des échanges. Chez tous les auteurs, le
partenariat apparaît comme une pratique à construire.
Fabrice Dhume précise que "le partenariat ne peut être objet en tant que
tel, il est symptôme, outil mais non une finalité". Il nous donne à son tour
sa définition : "Le partenariat est une méthode d'action coopérative fondée
sur un engagement libre, mutuel et contractuel d'acteurs différents mais
égaux qui constituent un acteur collectif dans la perspective d'un
changement des modalités de l'action -faire autrement ou faire mieux sur
un objet commun de par sa complexité et/ou le fait qu'il transcende le
cadre de l'action de chacun des acteurs- et élaborent à cette fin un cadre
d'action adapté au projet qui les rassemble pour agir ensemble à partir de
ce cadre"43.
42
KADDOURI M., ZAY D. op. cit.
43
DHUME F. op. cit. p. 107
- 41 -
Dans cette définition, on retrouve :
 l'outil au service d'une action
 l'engagement libre et contractuel
 l'engagement mutuel.
Selon cet auteur, la mise en place d'un partenariat nécessite des notions
d'égalité de statut, des acteurs différents, une régulation par le conflit.
Construire un partenariat, c'est définir collectivement un certain nombre de
choix. Les règles sont une garantie que l'on ne se dissout pas dans la
rencontre avec l'autre. Fabrice Dhume propose d'élaborer la construction
d'un cadre après avoir posé les enjeux et les conditions et ce afin
d'élaborer et réaliser un projet de partenariat.
II.3
PARTENARIAT ET STRATÉGIES IDENTITAIRES
Le partenariat n'est pas un objet en tant que tel, mais il n'est pas
seulement une affaire de technique. Il questionne aussi les postures et les
identités professionnelles.
Les acteurs partenaires sont caractérisés par une double appartenance.
La première s'exprime au sein de l'organisation, la deuxième dans l'inter
système. Ces deux composantes peuvent se vivre dans la continuité ou
dans la rupture.
On assiste ainsi à un paradoxe où les travailleurs sociaux, déjà bousculés
dans leur position par l'évolution des institutions et des missions, sont en
même temps contraints de s'ouvrir aux autres.
En effet, le mouvement de la sectorisation ne s'est pas fait sans remise en
cause : question cruciale en termes de pratique et d'éthique, celle de la
place du social en psychiatrie. Ce mouvement a consisté à prendre en
charge l'individu le plus possible en relation avec son milieu d'origine et
d'éviter la rupture des relations sociales.
Lorsqu'il évoque la santé mentale, Fabrice Dhume la situe "entre deux
champs", à la croisée de deux sphères de compétence et d'intervention
que sont les champs social et médical. Ainsi, la limite et la légitimité des
pratiques des uns et des autres sont sujettes à débat. Plus encore selon
- 42 -
lui, l'objet intermédiaire reste à définir et c'est bien une question d'objet et
de frontière entre deux champs dont il semble question.
C'est peut-être dans cette difficulté à définir les champs que peuvent
s'engouffrer à la fois les représentations et les conflits identitaires des
professionnels.
D'autre part, les représentations sociales de l'objet maladie mentale sont
très pesantes tant l'image de l'institution psychiatrique est liée à l'asile.
La notion de représentation est "la rencontre d'une expérience individuelle
et de modèles sociaux dans un monde d'appréhension particulier du réel :
celui de l'image de croyances qui contrairement au concept et à la théorie
qui en est la rationalisation seconde a toujours une tonalité affective et une
charge irrationnelle"44.
La limite de la normalité est celle qui sépare la sphère de la santé de celle
du social. Autrement dit, c'est le carrefour duquel partent deux voies à
double sens : normal / pathologique et normal / déviant. La limite est
d'autant plus subjective qu'il n'existe pas de consensus personnel sur la
normalité foncièrement subjective et relative aux individus qui la jugent
telle. On mesure alors l'ampleur du questionnement que cette absence de
limite peut générer puisqu'elle place les professionnels entre deux objets
sans savoir où commence et s'arrête celui sur lequel ils sont censés
travailler.
Le risque est que les institutions puissent avoir tendance à jouer au tennis
en se renvoyant la balle plutôt que de se mettre dans une réelle démarche
de coordination. Les usagers deviennent alors les objets de la relation et
de la discorde entre les institutions et leurs acteurs. On peut aussi trouver
une situation paradoxale où la situation partenariale met le partenaire luimême au centre du dispositif.
Paradoxalement, on retrouve un grand attrait du terme partenariat. Le
succès est aussi lié à son image, image qui légitime une aspiration de
cohésion, fonction de proximité, image magique de consensus. "Dans une
44
LAPLANTINE F. 1986. Anthropologie de la maladie : étude ethnologique des systèmes
de représentations étiologiques et thérapeutiques dans la société occidentale
européenne. Paris : Payot (coll. Science de l'homme).
- 43 -
période de fragilité du lien social, tout ce qui peut avoir une fonction liante
est sécurisante"45.
Mokhtar Kaddouri dans son article46 fait référence à différentes stratégies
identitaires qui peuvent se retrouver dans le cadre d'un fonctionnement en
partenariat :
 stratégies de validation identitaire ou le partenariat comme moyen de
consécration d'une identité.
 Stratégies de crédibilisation identitaire ou le partenariat comme moyen
de légitimation d'une identité.
 Stratégies de réhabilitation identitaire ou le partenariat comme moyen
de reconstruction d'une identité.
 Stratégies de sauvetage identitaire ou le partenariat comme moyen de
compensation d'une identité.
 Stratégies de préservation identitaire où le partenariat comme menace
de l'identité.
On repère à travers cette classification, différents types de mouvements
identitaires qui peuvent être à l'œuvre dans les rencontres partenariales et
que nous essayerons de reprendre au cours de l'analyse.
II.4
PARTENARIAT ET RÉSEAUX
La mise en place des réseaux apparaît dans les mêmes années et dans le
même contexte que le partenariat (vulnérabilité des institutions, crise
financière de l'Etat et impératifs de rationalisation budgétaire). Les réseaux
vont se construire notamment dans le domaine de la santé.
Se développent dans les années 1980, pour faire face à l'épidémie du
sida, des expériences de prise en charge sanitaires et sociales
coordonnées.
La circulaire du 4 juin 1991 officialisera l'organisation des réseaux "ville
hôpital" qui existaient depuis 1985. Dans cette première circulaire
apparaissent
les
mots-clés
45
DHUME F. op. cit. p. 89
46
KADDOURI M., ZAY D. op. cit.
du
- 44 -
réseau
comme
collaboration,
complémentarité, coordination, échange d'information et formation des
intervenants.
Des circulaires successives permettront ensuite de mettre en place des
réseaux spécifiques à des populations, des pathologies ou des
thématiques (personnes âgées, hépatite C, ...). Si la médecine de ville est
la principale concernée, les hôpitaux sont aussi invités à s'inscrire dans
l'expérimentation.
Les ordonnances du 24 avril 1996 poseront le cadre légal permettant
une expérimentation en matière d'organisation de réseaux.
En 2002, deux nouvelles lois dans les champs sanitaire et médico-social
facilitent le rapprochement par l'intermédiaire des réseaux.
La loi nº 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médicosociale, réforme la loi du 30 juin 1975.
Elle comporte une section spécifique concernant les coopérations et les
réseaux. L'objectif de ce texte est de stimuler les complémentarités entre
les établissements médico-sociaux et le milieu ouvert avec la mise en
place de palettes différenciées et de coopération et de prévoir aussi
l'articulation entre les établissements médico-sociaux ou sociaux et les
établissements sanitaires.
La loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé créée dans son chapitre 5, "un seul cadre de
référence pour les réseaux de santé, permettant d'assouplir et de faciliter
la création de ces réseaux".
"Les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l'accès aux soins, la
coordination, la continuité ou l'interdisciplinarité des prises en charge
sanitaires.
Ils
peuvent
être
spécifiques
à
certaines
populations,
pathologies ou activités sanitaires"47.
47
PONCHON F. 2003. La loi du 4 mars 2002 : la mise en pratique, La loi relative au droit
des malades et à la qualité du système de santé. Paris : Berger-Levrault. p. 49-54.
- 45 -
Leur mission est d'apporter une prise en charge adaptée aux besoins de la
personne en matière :
 d'éducation à la santé
 de prévention
 le diagnostic
 de soins
 d'actions de santé publique.
Si on reprend la définition du dictionnaire critique d'action sociale, le travail
de réseau trouve son fondement dans "l'implication existante ou à mettre
en oeuvre des différents intervenants politiques, administratifs, associatifs,
publics concernés par les problématiques sociales des usagers et ce, afin
de définir et mettre en place des stratégies socio-politiques d'actions,
d'insertion et d'intégration"48.
Dans cette définition, on trouve une perméabilité entre les différents
champs professionnels, politiques et associatifs.
Si on retrouve pour le partenariat le croisement des différents champs et
un contexte d'apparition dans les mêmes années, le réseau apparaît
d'emblée plus formalisé.
Christine Garcette et Brigitte Bouquet définissent le réseau comme "un
ensemble de flux, d'échanges matériels ou relationnels qui relient les
partenaires. Issue de l'analyse systémique et de l'analyse institutionnelle,
l'étude des réseaux sociaux est au cœur de la connaissance des relations
entre
les
individus
et
la
vie
sociale,
entre
le
clinique
et
le
communautaire"49.
Cette définition introduit la notion de communauté ; "la communauté est un
lieu d'échange, de réflexion et d'action qui positionne les préoccupations
des individus et dans leur dimension collective".
48
BARREYRE J.Y., BOUQUET B., CHANTREAU A., LASSAS P. (dir.). 1995.
Dictionnaire critique d'action sociale. Paris : Bayard (coll. Travail Social)
49
BOUQUET B., GARCETTE C. 2002. Assistance Sociale aujourd'hui. Paris : Vignot
Maloine
- 46 -
Cet abord de la santé part du principe que "les problèmes sociaux sont de
nature collective et qu'ils doivent faire l'objet de solutions collectives"50.
Ainsi apparaît dans cette définition du réseau, l'individu dans sa dimension
collective alors que d'une manière générale le partenariat lui, intervient
pour trouver à plusieurs des réponses à des problématiques individuelles.
50
BANTUELLE M., MOREL J., DARIO Y. 1998. Santé Communautaire et promotion de la
santé : vol. 1, des concepts et une éthique. Bruxelles : Absl Santé, Communauté,
Participation. p. 23
- 47 -
III PARTENARIAT : LE LIEN INSTITUTIONNEL
Après avoir situé le partenariat dans son contexte et tenté de le définir,
nous allons dans cette partie approcher trois organisations impliquées
dans deux partenariats. Nous étudierons leurs actions et les règles
qu'elles établissent pour rendre leur collaboration possible.
Pour
Fabrice
Dhume,
"construire
un
partenariat,
c'est
définir
collectivement par la négociation, un certain nombre de choix. Ces règles
sont une garantie que l'on ne se dissout pas dans la rencontre avec
l'autre"51.
III.1 À LA DÉCOUVERTE DE TROIS ORGANISATIONS IMPLIQUÉES
DANS DEUX PARTENARIATS
Avant de développer le descriptif de l'hôpital Esquirol, de l'institut du Val
Mandé, et de la cité Saint-Martin, nous allons rappeler la différence faite
entre institutions et organisations telle qu'elle est proposée par le
dictionnaire de sociologie.
"L'organisation est opérationnelle, on y coordonne des actions. L'institution
est régulative, on y construit des cadres de référence.
L'organisation est un ensemble d'acteurs dotés d'une structure d'autorité,
de rôles et d'un système de communication permettant la coordination et
le contrôle des activités afin de réaliser un ou des buts. L'institution est
définie comme l'ensemble des formes sociales et des structures
organisées, établies par les lois ou par la coutume"52.
Ainsi au regard de ces définitions, il apparaît que ces trois établissements
fonctionnent dans le cadre d'organisations.
51
52
DHUME F. op. cit.
AKOUN A., ANSART P. 1999. Dictionnaire de la sociologie. Paris : Seuil (coll.
Dictionnaires Le Robert)
- 48 -
Dans son ouvrage "Du travail social au travail ensemble", Fabrice Dhume
présente les différentes étapes de la constitution d'un partenariat et
propose une méthodologie. Il définit 20 étapes qu'il développe à travers
quatre entités :
 les enjeux
 les conditions
 la construction d'un cadre collectif,
 l'élaboration et la réalisation d'un projet.
À travers l'étude des entretiens, et après les présentations des institutions,
nous allons développer quatre points qui nous apparaissent essentiels au
fonctionnement d'un partenariat et qui seront nourris des différentes
rencontres.
III.1.1 L'hôpital Esquirol
III.1.1.1 Historique : la Maison Royale de Charenton
En 1641, les Frères de Saint-Jean de Dieu reçurent en donation du sieur
Sébastien Leblanc, conseiller de guerre de Louis XIII une série de petites
fermes étagées sur la colline pour y accueillir sept malades "indigents".
L'établissement fut nationalisé à la Révolution et prit le nom de Maison
Nationale.
Après le docteur Gastaldi, c'est Royer Collard qui en fut le médecin-chef
de 1805 à 1825. Il y créa la première chaire de psychiatrie de la faculté de
médecine de Paris ensuite transférée à Sainte-Anne. En 1825, lui succéda
Étienne Dominique Esquirol qui conçut un nouvel hôpital insistant sur la
vocation curative de l'établissement et l'aménagement des espaces.
Tout au long de son histoire, les plus grands noms de la psychiatrie
participeront à l'activité de cet hôpital qui est en matière de santé mentale
un des plus riches de France du point de vue historique, littéraire, médical
et bien évidemment architectural. Ce n'est pourtant qu'en 1973 que la
maison de Charenton sera baptisée du nom de son concepteur : Esquirol.
L'hôpital Esquirol va participer à tout le mouvement qui permettra aux
secteurs de voir le jour avec les missions de prévention, dépistage, cure,
- 49 -
post cure, réadaptation, protection des patients et de leurs biens. C'est en
1960 que naît l'organisation de l'activité de soins du secteur avec les
structures intra et extra hospitalières qui l'accompagnent.
III.1.1.2 Le statut de l'hôpital Esquirol
L'hôpital Esquirol est un établissement public de santé pour le
département de Paris doté de l'autonomie financière juridique et
patrimoniale. Pour des raisons de proximité géographique, il accueille
aussi plusieurs secteurs du Val-de-Marne. Comme tous les hôpitaux
publics, il est administré par un conseil d'administration, dont la présidence
est assurée par le représentant du conseil général de Paris. Un directeur,
nommé par le ministre de la santé, en assure le fonctionnement. Il est
sous la tutelle de l'Etat, exercée par la direction des affaires sanitaires et
sociales.
III.1.1.3 Le dispositif d'accueil
Service
Dispositif
Psychiatrie
 7 secteurs adulte et 4 secteurs enfants et
adolescents implantés dans Paris et le Val-deMarne
 33 lits en centres d'accueil et de crise
 36 structures extra hospitalières
 2 maisons communautaires
 171 places en hôpital de jour
 266 lits d'hospitalisation temps plein
 33 places en accueil familial thérapeutique (15 en
psychiatrie infanto-juvénile et 18 en psychiatrie
générale)
 1 unité de personnes polyhandicapées
 1 unité "souffrance et précarité"
Maternité
 33 lits
 1 service de néonatologie
- 50 -
III.1.1.4 Les ressources humaines
Personnel en
psychiatrie
Médical
Non médical

Effectifs (en 2000)
 58 praticiens hospitaliers
 49 assistants ou attachés
 26 internes et étudiants




944 soignants, social, éducatifs
121 techniciens généraux et informatiques
139 administratifs
12 médico-techniques
La filière socio-éducative
Actée par un décret du 26 mars 1993, elle précise les missions des cadres
socio-éducatifs et instaure un concours pour acquérir ce statut.
En 1995, le directeur de l'hôpital Esquirol crée un poste transversal qui
assure la responsabilité du service social qui devient en 2000
"Développement et coordination de l'action sociale". En 2004, on assiste à
la création d'un poste d'adjoint.
En 2006, l’équipe de cette filière est constituée de :
 6 cadres socio-éducatifs (dont 2 assurent la responsabilité hiérarchique
des travailleurs sociaux)
 45 assistants socio-éducatifs
 30 éducateurs spécialisés
 10 autres
III.1.1.5 Une nouvelle organisation
L'ordonnance du 4 septembre 2003 prévoit la création de pôles d'activité
qui vont regrouper certains services ; il va y avoir fusion de plusieurs
secteurs. Ainsi, progressivement, le secteur va être remplacé par la notion
de territoire de santé. Les pôles vont correspondre à un bassin de 200 000
habitants (soit l'équivalent de trois secteurs psychiatriques actuels).
L'objectif de cette nouvelle organisation est de promouvoir sur un territoire
de santé la bonne gestion mutualisée des ressources hospitalières, le
- 51 -
temps médical pour les gardes et les astreintes pour une population
donnée.
Dans cette perspective, elle ouvre la possibilité aux professionnels de
santé libéraux d'être associés par voie conventionnelle à la lutte contre les
maladies mentales. Une organisation similaire se met en place pour les
autres pans de la médecine.
En 2005, dans le cadre de la nouvelle gouvernance, la gestion des
hôpitaux va donc se transformer.
On assiste ainsi au rapprochement de deux hôpitaux implantés sur le
même territoire (annexe 1). Le directeur de l'hôpital Esquirol devient
directeur des hôpitaux de Saint-Maurice : l'hôpital national de SaintMaurice, dont la vocation est la rééducation, et l'hôpital Esquirol. Certaines
directions vont devenir communes aux deux hôpitaux telles que la
direction des finances, des achats de la logistique du patrimoine, des
travaux, de la clientèle et de la communication, des systèmes
d'information.
Les différents secteurs de psychiatrie rattachés à l'hôpital Esquirol sont
invités à s'organiser en pôles et à présenter leur projet, la mise en œuvre
étant prévue pour 2007.
III.1.2 L'institut du Val Mandé : établissement médico-éducatif de la
fonction publique hospitalière
Ayant ouvert sous l'appellation Institut des aveugles à une époque où le
public malvoyant et aveugle plus important était pris en charge en
établissement médico-éducatif, l'institut a connu une grande évolution
depuis une quinzaine d'années.
Les progrès de la médecine ont permis de diminuer le nombre de
personnes atteintes de cette pathologie. D'autre part, l'intégration dans les
milieux scolaires et professionnels ordinaires s'est généralisée. Restent
pris en charge dans les établissements médico-éducatifs, les pathologies
associées (malvoyance plus une autre problématique). Les établissements
ont été amenés à recevoir un public plus élargi notamment des
pathologies psychiatriques, des polyhandicapés et aussi des accidents de
- 52 -
la vie (rupture d'anévrisme, accident de la route, ...) entraînant une
dépendance physique et psychique.
Fait récent, les personnes souffrant par exemple de trisomie ont vu leur
espérance de vie s'allonger. Avec l'âge surviennent des troubles du
comportement qui sont parfois difficiles à stabiliser et font appel à des
soins psychiatriques.
Dans un souci d'adaptation, le nouveau directeur, nommé il y a huit ans, a
été à l'origine de l'ouverture de plusieurs structures. Elles étaient au
nombre de cinq et on n'en compte onze à ce jour. L'institut le Val Mandé
est organisé en quatre pôles :
 un pôle professionnel qui comprend un centre d'aide par le travail
-CAT- (100 places) et un foyer d'hébergement couplé avec des
appartements communautaires.
 Un pôle adulte pour des personnes ne pouvant travailler qui est
composé d'une MAS (44 personnes), d'un foyer de jour (26 personnes)
et d'un foyer de vie (35 personnes).
 Un pôle enfant qui dispose de deux IME.
 Un pôle proximité, le plus récent, qui propose un soutien dans le milieu
ordinaire :
 le
SASMO
intervenant
au
domicile
pour
des
personnes
polyhandicapées
 un service d'intégration scolaire
 un service d'accompagnement à la vie sociale
 un espace loisir pour l'accès aux loisirs et à la culture.
Certaines structures telles que la MAS, les IME sont financées par la
Sécurité Sociale ce qui les dote d'un plateau technique médical et
paramédical. D'autres unités sont financées par le département ou la
région et disposent d'un personnel essentiellement éducatif.
Sur l'ensemble de l'établissement, nous trouvons quatre médecins
psychiatres à temps partiel, et quatre médecins de spécialités différentes,
quatre infirmiers, des rééducateurs, des AMP, aide-soignants, ASH,
- 53 -
éducateurs et moniteurs éducateurs. Les intervenants médicaux et
paramédicaux peuvent intervenir sur différentes structures de l'institut. Les
professionnels sont fonctionnaires, ce qui est rare dans le cadre de ces
établissements qui relèvent généralement d'une gestion associative.
III.1.3 La cité Saint-Martin
La spécificité de la cité Saint-Martin se situe dans l'hébergement
d'urgence inconditionnel vers une orientation pour 63% de ses lits contre
37% de lits en hébergement d'insertion. Ainsi s'exprime son directeur
adjoint : "Historiquement, nous avons été créés par le Secours Catholique
et l'Etat sur l'idée novatrice à ce moment là, qui ne l'est plus du tout, d'un
accompagnement social lié à l'urgence parce que le travail social ne
considérait pas l'urgence comme un travail et laissait au monde caritatif ce
travail là d'accueillir les gens, de les soutenir sur le mode du bénévolat".
À la cité Saint-Martin, on trouve deux types de structures : les services
d'hébergement d'urgence qui disposent de 154 places, et les services
d'hébergement d'insertion disposant de 98 places.
L'institution cherche à travers les différents dispositifs d'hébergement à
répondre à tous les publics (familles monoparentales, couples sans enfant
ou personnes isolées) traversés par tous types de problématique
(pathologies chroniques, somatiques ou psychiques, éventail des degrés
d'exclusion sociale).
Outre l'hébergement en tant que tel, les réponses aux besoins sont
plurielles et sur un mode transversal : accompagnement médical,
accompagnement psychologique, soutien technique administratif, mini
mode de garde, soutien à l'accès à l'emploi et au logement social et
accompagnement au quotidien. L'élaboration de la transversalité entre
tous les dispositifs de l'établissement reste le gage de la cohérence
institutionnelle.
Le blocage de plus en plus important auquel la cité est maintenant
confrontée demeure la quasi-impossibilité d'orienter les publics hébergés
en urgence sur d'autres dispositifs extérieurs d'insertion à long terme.
Ainsi, les professionnels de la cité constatent l'allongement des temps de
séjour dans des conditions d'hébergement inadaptées aux séjours longs,
- 54 -
la diminution des orientations sur les structures extérieures d'hébergement
d'insertion à long terme (40 à 50% par service) et l'évolution des pratiques
qui en découlent.
Au vu des situations accueillies du fait de l'urgence inconditionnelle, une
proportion de lits d'urgence devient un SAS pour les publics (tant adultes
qu'enfants) aux prises avec de graves pathologies chroniques ou
mentales, ces situations impliquant des prolongations de séjour, une
pratique différente et un solide partenariat médical.
La convention signée avec le secteur psychiatrique se situe à cette
articulation. Le partenariat entre la psychiatrie et l'équipe du service
d'accompagnement social en chambre d'hôtel (SAS) a débuté en 2001. La
mission du SAS est d'offrir aux personnes seules ou en couple un
hébergement immédiat et transitoire de quelques semaines en chambre
d'hôtel, avec un accompagnement social soutenu afin qu'elles puissent
bénéficier d'une orientation adaptée à la sortie permettant de rompre avec
la répétition des accueils en urgence.
Le rapport d'activité 2004 de la cité Saint-Martin nous renseignait : au
démarrage, la cité en intégrant la dimension "santé" au sein des pratiques
d'accompagnement social tentait de faire "cohabiter" le médical et le
social. Aujourd'hui, elle parvient à proposer une prise en charge sociomédicale de plus en plus agencée que nous qualifierons de sociopsychiatrique. Le développement choisi de la complémentarité des
compétences de chacun permet une meilleure qualité de la prise en
charge socio-psychiatrique des publics.
III.2 QUEL
FONCTIONNEMENT
POUR
LES
PARTENARIATS
OBSERVÉS ?
III.2.1 L'émergence
Même si l'émergence des partenariats est multi-factorielle, elle s'inscrit de
manière générale dans une impossibilité à un moment donné pour les
institutions de répondre à l'ensemble des demandes d'un public pour
lequel elles sont missionnées. Du fait généralement d'une évolution des
- 55 -
structures et du public, les institutions sont contraintes à chercher des
solutions à l'extérieur afin de pouvoir assurer leur mission.
Cette naissance de collaboration s'inscrit aussi dans l'évolution de la
législation ; les professionnels font notamment référence à la loi du 2
janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, la loi contre les
exclusions de 1998 : l'inscription dans le cadre réglementaire permettant
alors d'obtenir des moyens financiers et en personnel.
Enfin, la proximité géographique et l'impulsion de certains professionnels
participent à constituer le moteur de cette émergence.
III.2.1.1 Le choix par défaut ou du constat d'un manque aux besoins de
l'autre

Pour le centre d'hébergement :
Les professionnels de la cité Saint-Martin font le constat de leur
impossibilité à répondre seuls à l'ensemble des problématiques des
personnes sans domicile fixe qu'ils reçoivent. Ils ne peuvent plus assurer
sans le soutien de compétences externes les missions d'accueil,
réhabilitation et insertion sociale qui leur sont dévolus. Ainsi s'exprime un
professionnel du centre d'hébergement : "Auparavant, la société avait des
réponses très spécifiques par rapport à une partie de la population qui
allait mal ; donc il y avait des centres d'hébergement qui répondaient à ça.
Et c'était quelque chose de particulier parce qu'on avait créé tout à
l'intérieur du fait du petit nombre d'exclus (...) mais ils n'allaient pas aussi
mal qu'aujourd'hui, ça je le pense réellement. On avait des réponses
presque totalement internes. Au jour d'aujourd'hui, on a des réponses qui
ne sont plus internes" (Marc D.).
L'accroissement du nombre de situations rend complexe l'organisation des
réponses. "Au lieu d'en traiter mille, on en traite dix mille ; on ne peut plus
travailler de la même manière, il y a un problème de masse" (Marc D.).
Se pose aussi l'aggravation des problématiques et notamment l'apparition
des troubles psychiatriques. "La demande des travailleurs sociaux était
insistante, qu'est-ce qu'on fait avec des populations qui vont très mal (...)
- 56 -
on n'a pas de formation propre (...) ce n'est pas à nous de le faire ; on ne
peut pas faire du social sans qu'il y ait du soin auparavant" (Marc D.).

Pour l'hôpital
Ces professionnels témoignent aussi de leurs difficultés à adapter leurs
réponses aux besoins des patients qu'ils ont en charge et aux missions de
soins au sens large qui sont celles de l'hôpital psychiatrique : cure,
réhabilitation, réinsertion. "L'évolution sur l'intra, au niveau des pratiques,
ça a beaucoup changé ; déjà les restructurations et les choix budgétaires
ont amené à changer de position (...) on vit beaucoup plus de précarité
(...) c'est la population qui est de plus en plus précaire (...) avec plus de
limites pour préparer la sortie (...). Il y avait une période où c'est nous qui
faisions tout enfin j'avais l'impression (...) je crois que c'est l'évolution
sûrement du secteur psychiatrique aussi" (Martine F.).
Les interlocuteurs du centre hospitalier font référence à deux éléments qui
fondent l'évolution des prises en charge en psychiatrie.
D'une part, il y a une évolution des patients ; se côtoient dans les services
hospitaliers à la fois des personnes souffrant de troubles psychiatriques
(psychose) et aussi des personnes présentant des fragilités psychiques et
sociales. Mais c'est essentiellement en ambulatoire que ces derniers sont
reçus. Chez l'ensemble des patients, la précarité s'est aggravée
(isolement social, endettement, logement).
D’autre part, en vingt ans, le secteur psychiatrique s'est beaucoup modifié.
Chaque secteur dispose environ de 35 lits d'hospitalisation. Les structures
d'hospitalisation de proximité ont fermé (centre d'accueil et de crise
-CAC-) ; leur coût en personnel étant trop élevé dans une période de
restrictions budgétaires. Progressivement, le nombre de lits par secteur a
considérablement diminué au profit d'un suivi en ambulatoire (centres
médico-psychologiques -CMP-, centres accueil thérapeutique à temps
partiel -CATTP-, hospitalisation à domicile -HAD-).
L'hôpital n'a plus vocation d'accueil, "d'asile" mais constitue un temps de
passage qui se définit le plus court possible.
- 57 -

Pour l'institut le Val Mandé
Cet établissement médico-éducatif connaît comme d'autres structures
accueillant les pathologies similaires, une évolution de son public. En effet,
le nombre de personnes atteintes uniquement d'une pathologie visuelle a
fortement diminué au sein des établissements spécialisés.
Aussi l'établissement doit faire face à deux évolutions : d'une part, une
augmentation
d'un
public
présentant
une
déficience
intellectuelle
(associée parfois à d'autres pathologies) ; d'autre part, un vieillissement
des résidents qui développent alors au sein de l'établissement de
nouveaux troubles.
"Il y a une médicalisation des résidents qui a priori sont des gens qui
étaient là pour avoir plutôt une prise en charge éducative mais avec le
vieillissement et l'allongement de la vie des personnes handicapées, eh
bien, ils développent tout un tas de pathologies que développent les
personnes ordinaires en vieillissant (...) 70% de nos résidents quelles que
soient les structures ont une déficience sur le plan psychique. On a
énormément de psychoses infantiles, on a des autistes, on a des
schizophrènes, on a toute cette pathologie (...) on s'aperçoit par exemple
que chez les trisomiques, il y a des démences séniles qui apparaissent à
38 ans" (Pauline G.).
Les évolutions nécessitent à la fois une restructuration de l'établissement,
une adaptation, la formation du personnel et la recherche de collaboration
externe.
III.2.1.2 La proximité géographique
Le partenariat s'inscrit dans une proximité géographique. Les institutions
qui ont été amenées à se rencontrer intervenaient dans une zone
géographique commune.
Expérience A : elle se situe sur les 1er, 2ème, 3ème et 4ème
arrondissements de Paris. Elle associe deux secteurs de psychiatrie et un
centre d'hébergement et d'accompagnement social implanté sur le 4ème
arrondissement depuis 1981.
- 58 -
Les arrondissements disposent d'un tissu associatif développé et ancien
notamment créé autour des Halles : Emmaüs, le collectif Rue, les Captifs
de la libération (cités lors des entretiens).
Dans le cadre de la lutte contre le virus immunodéficience humaine (VIH),
des collaborations étaient déjà mises en place entre associations et
instances médicales. Le partenariat intervient donc sur un territoire où il y
a déjà des expériences de travail en commun.
Expérience B : elle se situe sur la commune de Saint-Mandé. Cette
dernière a été rattachée au secteur psychiatrique relevant de l'hôpital
Esquirol en 1998-1999. C'est une ville de 10 000 habitants proches de
Paris 12ème, de "bon niveau" socio-économique. " La maladie mentale
existe à Saint-Mandé (...) une petite commune où il y a une clinique
privée, où il y a des psychiatres installés et où il y a même des psychiatres
qui y vivent, paradoxalement n'a pas conscience de ce qu'est la maladie"
Depuis ce rattachement, le chef de service et son équipe ont rencontré le
maire et proposé la mise en place d'une antenne de santé mentale en
mairie deux fois par mois à la disposition des travailleurs sociaux de la
ville, des professionnels du CCAS, des médecins généralistes afin d'être à
l'écoute de signalement de personnes en grande difficulté psychique et de
réfléchir aux modes d'intervention du service psychiatrique. L'inscription
de l'équipe psychiatrique sur cette commune a favorisé la rencontre avec
le Val Mandé installé depuis 1977.
III.2.1.3 Le législateur
Lorsqu'on évoque l'émergence du partenariat, les professionnels font
référence à la loi et à la réglementation qui préparent le terrain des actions
de partenariat, qui impulsent un mouvement de rencontre et qui
accompagnent surtout en termes de moyens financiers.

Partenariat A
Suite à l'interpellation de la DDASS par les centres d'hébergement, au
sujet de leurs difficultés à prendre en charge un public présentant des
troubles psychiatriques, des rencontres ont été organisées avec les
services de psychiatrie.
- 59 -
"J'ai su que la DDASS avait été sollicitée de la part de l'ensemble des
structures sociales (...) la DDASS a pris la décision de réunir les cinq
secteurs de psychiatrie (...) elle a financé grâce à des financements
DRASS sur chaque secteur un demi-poste infirmier, un demi-poste
d'assistante sociale" (Marc D.).
Suite à ces rencontres est né l'intersecteur psychiatrie précarité chargé de
faire des liens entre des demandes de soins pour des résidents en
provenance de centres d'hébergement et le secteur psychiatrique.
Parallèlement, c'est dans le contexte de la loi contre les exclusions qu'a
été mis en place le SAMU social de Paris.
Les différents liens et surtout créations de postes sont accompagnés par
le législateur. Ces points de rencontre ont permis par exemple à la
psychiatrie et à la cité Saint-Martin de se connaître et d'élaborer par la
suite leur projet de partenariat.

Partenariat B
C’est aussi par l’intermédiaire de la DDASS que les services médicoéducatifs et la psychiatrie vont se découvrir et commencer à réfléchir à
leur complémentarité. "Il y a eu tout un groupe de travail pendant une
année qui s'est fait à la DDASS sur comment rapprocher le sanitaire du
médico-social et moi, j'étais dans le groupe qui a travaillé sur comment
rapprocher la psychiatrie du médico-social" (Pauline G.). Et de poursuivre
"on est à une période où il faut inclure le sanitaire par nécessité et puis
aussi par rapport à la demande de nos tutelles qui est le rapprochement
du sanitaire par rapport au médico-social".
Les professionnels de l'hôpital font aussi référence aux évolutions
annoncées par le législateur. "La psychiatrie a grandi avec les murs,
même maintenant si les murs sont dans la cité, et la prochaine étape de la
psychiatrie et moi j'en suis convaincu, c'est hors les murs, c'est une étape
qui est le domicile des patients et c'est justement tous ces lieux
communautaires enfin ces lieux associatifs (...) les circonscriptions mêmes
jusqu'aux ANPE" (Philippe B.).
Il fait référence au plan de santé mentale qui prône un développement du
secteur psychiatrique dans le cadre des hospitalisations à domicile et
- 60 -
l'organisation de soins à partir d'espaces communautaires fréquentés par
le public (circonscriptions d'action sociale, associations, ...).
III.2.1.4 Une mobilisation souvent plus individuelle qu’institutionnelle
Dans l'émergence des partenariats, et à travers les témoignages des
professionnels, on retient aussi la mobilisation toute particulière (c'est-àdire porteuse pour l'ensemble d'une équipe) de certains pour ces
rencontres avec d'autres institutions.
Dans le partenariat A, plusieurs interlocuteurs situent leur intérêt pour
l’autre champ à la fois dans une dimension professionnelle et personnelle,
ce qui fait la force de leur investissement. "J'ai toujours été intéressé par
les problèmes psychiatriques (...) alors quand s'est posée ici la question
des personnes ayant des troubles mentaux importants (...) je me suis
intéressé à la chose, j'ai lu pas mal ce qui sortait" (Marc D.). Et de
poursuivre "si je me situe d'une manière plus personnelle par rapport à la
psychiatrie, oui, j'ai dû apporter beaucoup dans cette maison par rapport à
cela ; c'est-à-dire que sans moi, elle aurait bougé mais pas de la même
manière".
La volonté de certains professionnels ancrée dans leur parcours individuel
participe à l'émergence du partenariat. Elle est ainsi portée par des
convictions ou une adhésion intime et continue à des idéaux. "L'idée de
base, comment dire de type humanitaire, entre les deux chefs de service
de psychiatrie et moi, c'est euh, tout malade est un citoyen, il doit
s'intégrer dans la société, il faut trouver des outils permettant cette
intégration dans l'espace social" (Marc D.).
Dans le partenariat B, l’implication et la réelle dynamique des
responsables de service, notamment ceux de l’hôpital, sont soulignées
comme essentielles au démarrage du partenariat et à la mobilisation des
équipes. "On a un chef de service qui fait feu de tout bois, qui est très
dynamique, qui s'ouvre beaucoup à l'extérieur et qui aime bien développer
les partenariats et les échanges donc il a pensé que ce serait bien d'avoir
une relation privilégiée avec le Val Mandé" (Fabienne T.).
- 61 -
Le partage de certaines convictions humanistes est beaucoup plus
prégnant dans le partenariat A que B. On le retrouve dans des discours de
plusieurs professionnels. Il est difficile d'isoler l'impact qu'elles peuvent
avoir dans le partenariat, mais on peut supposer qu’elles aident à chercher
des points d’alliance, à dépasser certains clivages.
III.2.2 L'action collective organisée
III.2.2.1 L'action collective et les règles de fonctionnement
Pour les deux partenariats, l'action collective va s'organiser de manière
progressive afin de chercher un fonctionnement proche des besoins des
organisations et de leur public. Elle aura fait l'objet de nombreuses
rencontres et aura été soumise à des périodes de blocage, de conflit, de
compromis.
Dans le cadre du partenariat A, l’action collective est la plus ancienne
puisqu'elle a débuté en 1999 (et se poursuit à ce jour) autour de
rencontres initiées par la DDASS entre les services de psychiatrie et les
centres d'hébergement afin de rapprocher les structures sociales du milieu
du soin.
De ces rencontres va naître l'intersecteur psychiatrie précarité (équipe
composée d'un médecin, d'une infirmière et d'une assistante sociale mitemps) dont l'objectif est d'œuvrer auprès d'un public sans domicile fixe
afin d'organiser l'accès aux soins psychiatriques. Le médecin responsable
de l'intersecteur est aussi celui du secteur 75G02.
Les entrevues entre la cité Saint-Martin et les deux secteurs de psychiatrie
Paris Centre (75G01-75G02) vont se poursuivre notamment autour de la
connaissance du secteur psychiatrique, du soin. "On avait organisé
quelques tables rondes afin de faire un peu de formation au niveau des
travailleurs sociaux, comment fonctionne l'hôpital, comment la psychiatrie,
le rôle du CPOA etc. (...) ce que c'est qu'un secteur, enfin des tas de
choses techniques qu'on apprend mais en même temps, c'est bien de les
apprendre tous ensemble et de manière un peu dynamique" (Marc D.).
- 62 -
Par la suite, les rencontres vont davantage porter sur des situations
jusqu'à la mise en place en 2001 d'un projet de travail commun qui ne
sera entériné par la convention qu'en 2002. Ce projet avait deux visées :
mettre à la disposition des deux services de psychiatrie trois chambres
d'hôtel du service SAS d'urgence de la cité Saint-Martin. En contrepartie,
les équipes de CMP s'engageaient à accueillir les demandes de soins
amenées par les professionnels de la cité Saint-Martin.
Cette collaboration s’appuie sur un échange de service. "Tous les
professionnels de l'équipe SAS ne participaient pas à ce projet. "On a
décidé qu'on allait mettre trois chambres d'hôtel à disposition, donc trois
places pour des personnes, pour des patients du secteur Centre (...) alors
au tout début c'était vraiment trois chambres d'hôtel que l'on confiait à la
psychiatrie, mais il n'y avait aucun suivi de notre part, on laissait vraiment
les trois chambres à disposition et c'était notre chef de service qui était
contactée et en fonction des places, qui disait bon OK pour cette
personne, qui faisait des bons d'hôtel sans réellement voir, rencontrer une
fois la personne mais sans suivi du tout" (Sophie C.).
Mais ce fonctionnement trouve rapidement ses limites. D'une part, la
durée d'hébergement de quatre semaines, identiques à celles des autres
hébergés, s'avère trop courte et présente rapidement des failles. D'autre
part, l'accompagnement du service social du SAS s'avère nécessaire
notamment dans une fonction de tiers au niveau de la relation avec les
hôteliers. L'augmentation du temps de séjour et l'implication de l'équipe
SAS vont nécessiter une formalisation du suivi des personnes. "Nous, on
est quand même en lien avec nos hôteliers et quand ils nous parlaient des
personnes qu'on ne connaissait pas (...) c'était un peu compliqué de gérer
les difficultés que l'hôtelier pouvait rencontrer (...) on se discréditait par
rapport à nos hôteliers" (Sophie C.).
En mai 2002, un an après la mise en place de cette expérience, une
convention est signée entre l'hôpital Esquirol, les deux médecins
responsables de secteur et la direction de la cité Saint-Martin. Elle pose
les règles de collaboration entre l'ensemble de la cité Saint-Martin et les
deux secteurs psychiatriques Paris Centre et fixe les espaces de
- 63 -
régulation ainsi que les temps d'évaluation de ce partenariat (tous les
trimestres). Les secteurs psychiatriques s'engagent à proposer un accès
aux soins pour les personnes hébergées à la cité Saint-Martin. Dans le
cadre de l'équipe du SAS, la cité Saint-Martin maintient la mise à
disposition de trois chambres d'hôtel. La durée d'hébergement s'allonge et
s'établit pour trois mois renouvelables. En dehors d'un travail spécifique
autour de cet hébergement, la force de cette convention est de proposer
des rencontres régulières (tous les deux mois) à l'ensemble des acteurs
des deux organisations "en vue de renforcer le partenariat médico-social".
Le partenariat ne concerne pas uniquement les interlocuteurs autour des
prises en charge communes mais l'ensemble des services de chaque
organisation. Ces réunions permettent d'approfondir la réflexion au niveau
du lien psychiatrie exclusion, d'évoquer ensemble des situations ; elles
viennent nourrir le partenariat existant.
En juillet 2005, j'ai participé à l'une de ces rencontres en tant
qu'observatrice. Dans le cadre d'un tour de table j'ai pu présenter l'objet de
mon travail. Plusieurs services de la cité Saint-Martin étaient représentés
ainsi que les deux services de psychiatrie, soit environ une trentaine de
participants. Après les échanges d'informations générales sur l'actualité de
chaque organisation, chaque structure a pu évoquer les difficultés avec
certains usagers. Une réflexion a été partagée à propos des hôtels
(qualité, coût, relation hôtelier/résident) et des soins en psychiatrie (la
compliance au traitement, le déni de la pathologie pour certains patients).
L'observation de cette réunion fait apparaître une régularité d'échanges
entre ces différents professionnels. Ils se connaissent, se reconnaissent
dans leurs compétences et enrichissent leur réflexion.
Fin 2002, une convention "Psy mode d'emploi" voit le jour. Elle définit de
manière spécifique la procédure d'admission permettant aux patients des
services de psychiatrie d'intégrer une chambre d'hôtel au SAS de la cité
Saint-Martin. Elle présente trois étapes :
 la candidature présentée au SAS sur appel téléphonique du référent
social du CMP
- 64 -
 un rendez-vous fixé pour une synthèse de présentation à la cité SaintMartin avec tous les référents du CMP
 une prise de décision de principe par l'équipe du SAS
Par la suite, plusieurs rendez-vous sont proposés au candidat afin
d'évaluer son adhésion au projet et de lui présenter le service. Un contrat
est établi associant le résident et le CMP, précisant notamment les
conditions d'accueil et la durée du séjour (même si elle est renouvelable),
la nécessité de maintenir les soins en psychiatrie, l'accompagnement
social de l'équipe du SAS, les temps de synthèse (dont le premier dans les
deux mois qui suivent la prise en charge). "Au départ, il y a eu des
demandes comme ça un peu tous azimuts des médecins qui proposaient
des gens mais dans l'urgence (...) euh ils nous ont renvoyés que c'étaient
des choses qui se préparent ; du coup maintenant il y a un protocole (...)
tout ça s'est formalisé au niveau de l'écrit ; c'est assez intéressant (...) ça a
obligé à positionner des gens qui sont référents, ça amène à faire un peu
attention, à un étayage" (Martine F.).
Le bilan établi en 2004 par la cité Saint-Martin fait état de sept personnes
reçues en 2004 contre dix en 2002, mais pour une durée moyenne de
séjour de seize mois contre quatre mois en 2002. Cette augmentation de
la durée du séjour est justifiée par la nécessité d'un séjour plus long pour
les patients du secteur psychiatrique afin de faciliter leur intégration.
Le bilan fait référence à l'organisation des accompagnements, au mode de
socialisation à l'hôtel, à la mise en place des sorties. Il décrit la
collaboration entre les équipes et propose des améliorations sur les
modalités des prises en charge (exemples : observance des traitements
médicamenteux pour les patients ; nécessité pour certains patients de
changer d'hôtel après quelques mois en raison de certains troubles du
comportement).
A travers la formalisation des rencontres, l'établissement de conventions,
la procédure d'admission, le bilan de fonctionnement, on peut repérer
l'évolution de ce partenariat. Les professionnels ont pu affiner leurs
pratiques et ce travail de collaboration afin de mieux adapter le suivi du
public concerné. L'action organisée donne du sens à cette formalisation.
- 65 -
C'est en 2003 que l'on peut situer les prémices d'un partenariat B entre
l'institut le Val Mandé et l'hôpital Esquirol. Les premières entrevues ont
débuté à propos d'un autre sujet en mairie de Saint-Mandé. Elles ont
permis la rencontre du chef de service du secteur psychiatrique et la
coordinatrice des soins de l'institut qui ont souhaité poursuivre une
collaboration. Peu de temps s'est écoulé entre les premières réunions et la
signature de la convention cadre. "On a commencé à se réunir, ils
venaient ici ; on en est au moins à trente réunions. On allait à Esquirol et
on a visité les structures des uns, des autres, on a fait connaître les
psychiatres entre eux (...) pour nous faire confiance au bout du compte"
(Pauline G.).
La convention cadre a été signée en 2004 entre la direction de l'hôpital et
le directeur de l'institut du Val Mandé. Elle fait référence aux différentes
lois et circulaires récentes qui favorisent un rapprochement du sanitaire et
du médico-social. Ces textes rappellent au secteur psychiatrique qu'il doit
favoriser l'accès aux soins du public inscrit sur son territoire ; ils mettent en
lumière une collaboration à rechercher entre structures médico-sociales et
psychiatriques :
 la loi du 2 janvier 2002 permet de conclure des conventions avec des
établissements de santé
 la loi nº 98-657 du 27 juillet 1998 relative à la lutte contre les
exclusions favorise des "actions pour lutter contre les pathologies
aggravées par la précarité ou l'exclusion (...) notamment (...) les
souffrances psychiques, les troubles du comportement" (article 71), et
engage les établissements hospitaliers à s'assurer que tous les
patients disposent des conditions nécessaires à la poursuite de leur
traitement (article 73)
 la circulaire d'orientation de santé mentale du 14 mars 1990 ainsi
que le plan de santé mentale 2001 rappellent que le secteur
psychiatrique a pour mission d'assurer un accès aux soins pour tous
notamment en développant des partenariats.
- 66 -
L'objectif général de cette convention consistait à développer des liens
privilégiés entre les deux organisations en facilitant l'accès aux soins
psychiatriques pour les résidents de l'institut du Val Mandé et en favorisant
l'insertion sociale des patients de la psychiatrie par le biais des structures
existantes au Val Mandé.
Cette convention cadre définit des objectifs très généraux. Elle cite les lois
référencées ci-dessus et précise sa finalité : "La présente convention vise
à mutualiser les savoir-faire des personnels médicaux, éducatifs et
rééducatifs et à mieux articuler les interventions de l'ensemble des acteurs
sanitaires et sociaux des deux entités, auprès des enfants et des adultes
accueillis et/ou pris en charge". Elle est portée par la volonté des
directions des deux établissements en fonction des missions qui leur sont
dévolues. Elle ne fait pas référence à une expérimentation du terrain. Elle
introduit des objectifs opérationnels qui seront précisés dans les avenants.
Elle fait allusion à l'intérêt d'échanges de personnel dans le cadre de
stages pratiques dans les deux organisations "pour une meilleure
connaissance des missions de chacune des parties d'une part, une
meilleure appréhension des problématiques et prises en charge
sanitaires/sociales d'autre part". Cette convention est conclue pour une
durée d'un an renouvelable et prévoit des réunions de concertation et de
bilan avec un 1er échéancier à six mois.
L'expérimentation d'une collaboration entre les deux organisations va se
faire en 2004-2005. Mais les procédures d'admission ne sont pas
précisément définies.
Ainsi, ce sont généralement les assistantes sociales du service de
psychiatrie qui contactent l'institut le Val Mandé pour solliciter des stages
au profit des patients. Parfois des synthèses sont organisées à l'issue des
stages. Le Val Mandé sollicite Esquirol par l'intermédiaire de ses médecins
psychiatres pour des résidents qui nécessitent une hospitalisation.
En se précisant au fur et à mesure, les propositions faites par les deux
organisations s'éloignent des aspirations de départ. C'est ce que font
apparaître les comptes-rendus de quelques rencontres déroulées entre
mai 2003 et janvier 2004 ainsi que le bilan établi par le Val Mandé.
- 67 -
Ce bilan fait état :
 pour les patients du secteur psychiatrique :
 d'une intégration au foyer de vie
 d'une admission au SASMO
 de quatre stages effectués à la MAS
 de deux stages au foyer d'hébergement
 de deux stages en CAT
 pour les résidents du Val Mandé :
 de deux hospitalisations de quinze jours pour un résident ainsi que
des visites d'infirmiers à sa sortie
 de quatre résidents ont été reçus en consultation CMP
Le Val Mandé, qui aspirait à hospitaliser des résidents en état de crise, se
voit proposer plutôt des entretiens et des suivis dans le cadre de la
consultation du CMP. Le service de psychiatrie, dont les demandes
devaient permettre à des patients de pouvoir effectuer des stages dans les
structures du Val Mandé et bénéficier d'une admission lorsque l'évaluation
s'avère positive, se voit proposer presque uniquement des stages. En
effet, l'institut le Val Mandé n'a pas d'accueil à proposer à long terme car
peu de places se libèrent. Quant à l'hôpital psychiatrique, il bénéficie de
peu de lits d'hospitalisation et souhaite écourter la durée des séjours.
Malgré tout, même limitée, cette expérimentation a permis aux deux
organisations de travailler sur plusieurs situations.
Au-delà des chiffres et de l'expérimentation, les relations entre les deux
organisations mettent en lumière un manque de collaboration :
 le bilan a été réalisé avant tout par le Val Mandé pour tenter de
démontrer qu'il avait fait davantage de propositions que l'hôpital
Esquirol.
 Il n'y a pas eu de réunions annuelles, comme elles avaient été prévues
pour évaluer ce travail.
Depuis, les deux organisations travaillent à la rédaction des avenants à la
convention. Ainsi en mars 2005, a été signé l'avenant sur le stage
- 68 -
professionnel. Il a pour objectif la découverte mutuelle pour les
professionnels soignants, sociaux et éducatifs des deux établissements. Il
précise les modalités d'accueil des stagiaires. Il est signé par les deux
directeurs. "L'idée, c'était que nous n'étions pas formés en psychiatrie
pour avoir du recul sur des situations de décompensation, donc tout de
suite, on s'affolait un peu. Par contre, nous on connaît toute la prise en
charge éducative des ateliers, du quotidien, pour faire évoluer les
résidents" (Danielle C.).
L'avenant concernant les modalités d'accueil des patients/résidents des
deux organisations apparaît plus difficile à formaliser. Il a fait l'objet
d'allers-retours entre les deux services, d'échanges téléphoniques.
En quatre mois, il n'y a pas eu de rencontres entre le Val Mandé et le
service de psychiatrie. "Quand on écrit la convention, c'est pour ça qu'elle
fait des retours et que ça va pas très vite avec le secteur 94G16, le chef
de service, il écrit des règles du secteur et pour nous une convention, on y
met des petits plus, des choses qui facilitent" (Pauline G.).
Dans la recherche d'une formalisation des modalités de collaboration,
l'idée est d'engager chaque organisation dans un travail commun. Si les
antagonismes ne sont pas apaisés, le risque est de se retrouver avec un
avenant très généraliste et vide de sens. "On s'oriente un peu vers un
texte qui serait un peu lénifiant ou bien on va proposer une collaboration
qui respecterait le fonctionnement habituel (...) on proposera des services
comme on pourrait les proposer à n'importe qui" (Henri B.).
La difficulté de rédaction d'un écrit commun permet de repérer les
situations de blocage inhérentes à toute expérimentation de travail
conjoint. Ainsi la formalisation d'une action collective par des conventions
et des bilans facilitent la mesure des stades d'évolution du projet et la
correction des dysfonctionnements. Pour parvenir à écrire les règles de
fonctionnement du partenariat, il est nécessaire de pouvoir les évoquer,
les discuter et trouver des accords.
- 69 -
III.2.2.2 Les acteurs

Notions d'appartenance
Tous les professionnels rencontrés dans le cadre du partenariat A
expriment sans hésitation leur appartenance à une institution et non à un
ou des partenariats. "J'appartiens à une institution quand même vu le
poids au niveau de l'histoire, on a le poids institutionnel dans le dos"
(Martine F.).
Mais lorsqu'ils évoquent leur travail, ils ne peuvent s'imaginer le réaliser
uniquement au sein de l'organisation, ils le décrivent en lien avec
l'extérieur. "Il est important de travailler à plusieurs pour ne pas stigmatiser
les personnes" (Martine F.). L'organisation ne peut plus répondre seule
aux problématiques complexes des individus.
La psychologue de la cité Saint-Martin est repérée par ses collègues de la
même organisation comme celle qui a permis de faciliter les liens avec la
psychiatrie peut-être parce qu'elle appartient aux métiers du soin. "Elle a
joué un rôle d'interface, de crédibilisation de la parole sociale" (Marc D.).
Selon cet interlocuteur, la psychologue a donné de la valeur à la parole
des travailleurs sociaux pour être entendus par les services de psychiatrie.
C'est elle qui fait une première évaluation avec le résident pour cibler la
problématique et présenter la demande de soins auprès du CMP. Cette
compétence est reconnue au sein de son organisation et du CMP.
Les professionnels qui participent au partenariat ont souvent une
approche transversale de leur métier. "Mon travail, c'est une coordination
de tous les moyens pédagogiques de la maison (...) l'idée de transversalité
au niveau des équipes pour qu'il y ait une logique d'équipe très prégnante
qui se mette en place" (Marc D.). On trouve l'idée de passerelle, la
recherche d'une finalité commune à l'ensemble des équipes de la cité
Saint-Martin. Les responsables d'équipe développent dans leur mission
une disponibilité et donc une écoute à l'égard des professionnels. "Moi je
suis beaucoup sur la gestion d'équipe au sens matériel du terme ; c'est
des choses comme le planning (...) beaucoup en étant personne
ressource (...) ça veut dire effectivement être le plus disponible possible
pour pouvoir parler avec les équipes de leurs situations" (Danielle C.).
- 70 -
Les notions d'appartenance sont plus complexes et plus hétérogènes au
sein du partenariat B. Dans l'ensemble, les professionnels restent affiliés
à leur organisation. Pour certains, cette notion d'appartenance correspond
à la défense et à la protection de l'organisation. "Moi, je prends fait et
cause pour l'institut, je suis tout à fait soucieux du sentiment d'équipe (...)
je dois défendre les positions de l'institution" (Henri B.). De ce fait, la
description de son travail se fait plutôt au sein de la structure. "J'ai un
travail de supervision, d'encadrement surtout du personnel (...) au niveau
de la MAS, c'est un peu différent parce que les patients sont suivis sur le
plan clinique par moi" (Henri B.). Concernant son lien avec les hôpitaux, il
précise : "On est dépendant des structures hospitalières pour les soins
plus lourds".
Le cadre de santé de l'institut du Val Mandé apparaît quant à elle comme
un maillon essentiel dans les relations qu'entretiennent les deux
organisations. Elle est reconnue par les professionnels participant au
partenariat comme celle qui fait lien au point d'en étonner la direction.
"J'appartiens à des partenariats et je me suis faite reprocher, y compris
par mon directeur, que j'étais trop souvent à Esquirol" (Pauline G.). Elle
rappelle ses origines hospitalières qui lui confèrent des facilités
relationnelles avec les cadres infirmiers et le cadre social de l'hôpital
Esquirol. L'univers de l'hôpital lui est proche. Au sein de son
établissement, elle définit ainsi sa fonction : "Je suis en transversal pour
tout ce qui est de l'aspect médical et paramédical sur l'ensemble des onze
structures".
Au niveau de la psychiatrie, le chef de service a acquis une connaissance
des données économiques, sociologiques, démographiques et sociales
des quatre villes qui fondent le secteur. Ces éléments ainsi que les liens
avec les associations et les professionnels sociaux sont pour lui
indissociables de l'organisation du soin en psychiatrie. C'est ainsi qu'il le
précise : "C'est important dans la psychiatrie de secteur de bien connaître
son environnement sanitaire médico-social". Mais nous verrons au cours
de l'analyse de ce partenariat que les positions du chef de service ne sont
pas toujours fédératrices pour l'ensemble des médecins.
- 71 -

Références idéologiques
On retrouve au sein du partenariat A la volonté d'intégrer les patients
dans la cité comme l'ont prônée les politiques de secteur. Cette valeur est
partagée par les professionnels des deux organisations ; " (...) un souci
que la personne soit citoyenne à tout moment (...) le lien extérieur, ça peut
créer des opportunités" (Martine F.). Se développe ici, l'idée qu'un malade
est capable de vivre dans la cité, est capable de penser, d'agir en
personne responsable. "Tout malade est un citoyen, il doit s'intégrer dans
la société (...) il faut trouver des outils permettant cette intégration dans
l'espace social sachant que le soin ne peut s'inscrire que dans un espace
social" (Marc D.).
Le positionnement idéologique ressort moins clairement dans le
partenariat B. A l'institut du Val Mandé n'apparaissent pas des notions de
citoyen. Les résidents sont considérés comme vulnérables. Ils sont décrits
lourdement handicapés, certains n'ayant pas accès à la parole. Ils sont
sous la responsabilité et la protection du Val Mandé qui cherche pour eux
la meilleure prise en charge possible. "Toutes nos structures sont
complètement pleines, entre autre dans les internats, les gens qui rentrent
chez nous, ils vont y mourir" (Pauline G.).
Pour la psychiatrie, les références idéologiques sont beaucoup portées
par le chef de service. "On ne peut concevoir le travail psychiatrique s'il
s'agit seulement de soigner et quel sens à ce terme de soigner si on ne
prend pas en compte la réhabilitation, la citoyenneté, moi ça me rend plus
citoyen ; ça a un côté militant pour moi" (Philippe B.).

Culture professionnelle
Dans le cadre du partenariat A, les professionnels du CHRS évoquent
une perception différente de leurs collègues concernant la protection de
l'enfance. Ils ont l'impression que les services de psychiatrie privilégient le
parent-patient adulte au détriment de son enfant lorsque le cadre de vie
qu'il lui propose n'est pas sécurisant. Les travailleurs sociaux pointent les
carences éducatives. Les services de psychiatrie mettent en avant le soin
- 72 -
du patient comme un préalable à privilégier avant de se focaliser sur ses
difficultés éducatives.
Un autre point suscitant des controverses concerne la liberté du soin. Les
travailleurs sociaux sont généralement plus interventionnistes que les
services de psychiatrie dans le cadre du soin sous contrainte. Peut-être
sont-ils très sensibilisés au risque d'exclusion sociale à laquelle la maladie
mentale peut conduire. "La psychiatrie, c'est un apprentissage de la
tolérance, les collègues critiquent trop la liberté du sujet, comment la
maintenir ; c'est un point délicat, le respect ou non de la liberté" (Marc D.).
Les travailleurs sociaux ont parfois l'idée que l'échec de l'insertion sociale
d'un usager incombe à leur savoir-faire, le risque étant alors d'être projectif
à l'égard d'autres services. "C'est très compliqué pour un travailleur social
de voir qu'un échec n'en est pas un" (Danielle C.).
Les professionnels des deux organisations font référence à la crainte
qu'inspire l'autre champ professionnel lorsqu'on le méconnaît. "Moi, je suis
arrivée à une période charnière où on avait longtemps imaginé, le social
avait longtemps imaginé, que c'était pas de son ressort parce que c'était
du ressort de la psychiatrie (...) la psychiatrie renvoyait la balle en disant,
nous on peut rien faire parce qu'il y a des problèmes d'hébergement ou
des problèmes sociaux ; c'est-à-dire que pendant très longtemps le social
et la psychiatrie se sont renvoyés la balle et aussi avec une espèce, je
crois que la folie faisait peur aussi, et une méconnaissance" (Danielle C.).
La folie inspire la crainte mais elle fascine. La psychiatrie fonctionne
comme une pensée magique pour ceux qui ne la pratiquent pas. "Le social
avait un fantasme, on avait le fantasme que tout ce qu'on ne savait pas
faire, la psychiatrie savait le faire" (Danielle C.). Ainsi, la méconnaissance
d'un champ renforce les préjugés, les représentations des professionnels.
Travailler en collaboration est une donnée assez nouvelle pour les deux
organisations participant au partenariat B ; elles ont longtemps fonctionné
de manière quasi autonome. Reste l'idée qu'en psychiatrie, on vit un peu
reclus du monde. "La psychiatrie, c'est mon analyse, est restée pendant
des années et des années un peu enfermée et ils sont toujours un peu
soupçonneux" (Pauline G.). L'inexpérience de la psychiatrie en matière de
- 73 -
partenariat lui ferait toujours craindre des mauvaises intentions de la part
de ses interlocuteurs externes.
La notion d'enfermement est reprise par des travailleurs sociaux du
secteur psychiatrique à propos des effets de certaines hospitalisations.
"En psychiatrie, je pense qu'on a tendance à trop enfermer les patients
dans leurs symptômes et on est souvent surpris quand on leur fait des
propositions, ils révèlent quand même beaucoup de ressources"
(Fabienne
T.).
Sur
l'établissement
médico-éducatif,
la
culture
professionnelle est marquée par l'idée d'accompagner et d'héberger les
résidents durant toute leur vie. "Le sanitaire pense qu'on est comme à
l'hôpital, on a des lits qui se libèrent alors qu'on fonctionne pas du tout de
la même façon" (Pauline G.). L'aspect vestimentaire, la présentation,
l'apparence sont importants dans le soin porté aux résidents. Cet
établissement s'inscrit dans une filière qui a une forte culture de l'insertion
sociale et professionnelle, de l'adaptation. "Cette jeune fille, qui était
coquette quand elle était en stage chez nous, puis elle est repartie. Moi,
j'ai eu l'occasion de faire une visite à Esquirol et je vois une malade
mentale avec une jupe, assise, avec un chapeau sur la tête, des poils au
menton, c'était elle, ça m'a fiché un coup" (Pauline G.).
Au niveau médical, des rivalités peuvent se repérer dans l'origine de ces
filières : l'une inscrite dans la folie et le soin psychiatrique, l'autre dans la
déficience et la réadaptation sociale et professionnelle. Mais les
problématiques des patients/résidents ne sont pas si clairement séparées.
"Monsieur B. et son équipe nous disent qu'on ne se rend pas compte de
ce qu'est l'hôpital ; on a travaillé à Sainte-Anne, on a été chef de clinique,
on n'est pas des petits psychiatres du médico-social" (Henri B.).
III.2.3 La construction d'une culture commune
III.2.3.1 Apprendre à se connaître
Les professionnels du partenariat A ont fait au départ le choix du
volontariat, c'est-à-dire que participaient à ce projet commun uniquement
les professionnels intéressés (idée forte au niveau de la cité Saint-Martin).
Le service de psychiatrie a mis en place des professionnels ressources au
- 74 -
niveau de la précarité qui sont repérables pour les associations du quartier
afin de réfléchir de manière plus générale à cette problématique.
Dans le cadre du partenariat avec la cité Saint-Martin, les professionnels
ont expérimenté une collaboration avant d'affiner les règles de
fonctionnement et les protocoles. "Le choix était fait de commencer à
travailler ensemble pour se connaître et puis après de signer la
convention, et pas, on va signer la convention et on va travailler"
(Danielle C.).
Les deux services découvrent des organisations différentes
L'organisation du travail en psychiatrie apparaît complexe au CHRS. "On
n’est pas organisé de la même manière. Il n'y a pas une personne sur la
psychiatrie qui est porteuse du projet" (Danielle C.). Au départ les
organisations cherchent à comprendre le fonctionnement des partenaires
avec les connaissances qu'elles ont de leurs propres services.
La cité Saint-Martin va s'apercevoir que la communication n'est pas
toujours limpide entre les différents professionnels d'une même prise en
charge psychiatrique, d'où leur demande que tous les interlocuteurs d'un
patient soient présents à la synthèse. "Il y a des subtilités en psychiatrie
donc (...) en même temps ça semble pas hiérarchisé mais c'est très
hiérarchique mais en même temps, il se réglait des comptes entre eux
devant nous, c'est déjà arrivé en réunion" (Marc D.).
Il apparaît difficile de mobiliser les services de psychiatrie sur des dates de
synthèse, et elles doivent être prises plusieurs semaines à l'avance. Cela
rend complexe la gestion de la crise lorsqu'un patient ne va pas très bien à
l'hôtel. Selon la cité Saint-Martin, les services de psychiatrie "n'aiment pas"
la crise et sont réticents aux hospitalisations. "On s'est rendu compte que
l'hospitalisation pour les gens de la psychiatrie n'est pas si simple. Je
pense qu'il y a des psychiatres qui sont anti-hospitalisation. On a fini nous,
d'être obligés dans le cadre de la convention, de signer une demande
d'hospitalisation à la demande d'un tiers" (Danielle C.).
L'analyse de cette réticence n'est pas évoquée. Est-ce la problématique
de la pénurie des lits disponibles, ou les conditions de vie parfois difficiles
à l'hôpital, ou une position d'éthique professionnelle ?
- 75 -
La psychiatrie découvre les exigences de l'hébergement
Déjà au niveau historique, l'accompagnement social des personnes en
situation précaire par des travailleurs sociaux est assez nouveau. Sans y
être très préparés et formés, les services de psychiatrie sont de plus en
plus à la recherche des structures d'hébergement pour des patients
sortant de l'hôpital. Pour la majorité des patients, l'hospitalisation est un
temps de passage. Dans le même temps, la population en situation de
précarité a augmenté dans les services de psychiatrie. "La précarité, ce
n'est pas quelque chose qui s'arrange ; il y a une augmentation très forte
de la population précaire et une précarisation des gens dont on s'occupe"
(Jocelyne R.).
Les professionnels du secteur psychiatrique connaissent encore peu les
exigences, les avantages et les contraintes de la vie en hôtel. Ils
appréhendent beaucoup mieux la tolérance et les contraintes de la vie
asilaire. "La psychiatrie, ils n'avaient pas non plus une idée très précise de
qui on était, de ce qu'on faisait, nos durées de séjour sur l'urgence, qui
payait, comment on fonctionnait" (Danielle C.). Selon la cité Saint-Martin,
la vie à l'hôtel n'est pas adaptée à tous publics notamment aux jeunes.
"Les jeunes, c'est très dur d'être seul et de s'autogérer (...) on travaille plus
avec eux en foyers collectifs où il va y avoir de la présence même si
chacun a sa chambre" (Danielle C.).
Se pose aussi la question de l'occupation en journée des patients qui n'ont
pas toujours de projet professionnel, qui n'ont pas de démarches à
effectuer. Les professionnels de la cité Saint-Martin évaluent que
l'hébergement à l'hôtel ne convient pas à certaines problématiques. "Les
gens dépressifs ont beaucoup de mal à l'hôtel ; très vite, ils font des
passages à l'acte ou ils se mettent sous leur couette et ils abandonnent
tout ; ils ne viennent même plus aux rendez-vous" (Danielle C.).
Il ne suffit pas de trouver un mode de logement ou d'hébergement ; il est
nécessaire qu'il soit adapté à la fragilité et aux capacités de la personne
concernée. Le risque pour la cité Saint-Martin consiste aussi à perdre des
hôtels si des difficultés se multiplient chez les résidents.
- 76 -
Le partenariat B est essentiellement porté par les directions, certains
cadres des deux services et le chef de service de psychiatrie. Il repose sur
la proximité géographique. "On a souhaité aussi collaborer sur le plan
psychiatrique et en toute logique, il y a eu la désignation du service de
monsieur
B.
puisque
nous
sommes
implantés
sur
son
secteur
géographique voilà" (Henri B.).
On ne trouve pas l'idée du volontariat. C'est la fonction occupée dans
l'organisation qui détermine la participation au partenariat. "Moi, je suis le
plus ancien, donc j'ai été plus ou moins désigné pour gérer un peu
l'avancée de la convention" (Henri B.).
L'institut du Val Mandé apparaît pour la psychiatrie comme une
organisation richement dotée. Onze structures s'y côtoient tant dans
l'accueil des enfants que des adultes. Une professionnelle de la
psychiatrie fait référence aux beaux bâtiments, à la qualité de l'hôtellerie,
au dynamisme et à l'énergie des équipes. Elle repère aussi la crainte pour
ces
établissements
d'accueillir
des
patients
atteints
de
troubles
psychiatriques car "ce n'est pas leur clientèle habituelle".
Par ailleurs, leurs services ouverts rendent impossibles certaines
admissions émanant de psychiatrie. "Pour certains patients, notre
structure n'est pas adaptée du tout car ils sont restés trop longtemps à
l'hôpital psychiatrique" (Pauline G.).
L'institut du Val Mandé est très rodé à la rédaction des procédures, des
conventions. Ils ont des professionnels formés pour cela. En psychiatrie,
c'est le chef de service qui rédige la convention. Il y a souvent un décalage
sur le temps d'écriture. "La psychiatrie, c'est long" (Pauline G.).
Dans le service de psychiatrie, l'investissement du chef de service n'est
pas porté par l'ensemble de son équipe surtout médicale. Ainsi, il a dû
revenir sur certains engagements pris lors de rencontres partenariales. Il
avait par exemple, donné son accord de principe pour l'organisation de
visites à domicile exceptionnelles de l'équipe de psychiatrie au Val Mandé
si un résident était en crise. Il a dû se rétracter.
Les professionnels du Val Mandé ont apprécié les stages qu'ils ont suivi
en service de psychiatrie et notamment la pratique du travail institutionnel.
"La psychiatrie, c'est bien mieux que nous, personne ne fait son truc dans
- 77 -
son coin, c'est des attitudes qui sont réfléchies en équipes. Ils sont
vachement solidaires" (Pauline G., rapportant les propos des équipes).
Selon le Val Mandé, les services de psychiatrie sont très réticents à
propos de la crise et de l'urgence. Demeure l'idée qu'elles peuvent être
anticipées pour éviter une hospitalisation. "Il faut une double évaluation
pour voir s'il n'y a pas d'autres alternatives, si on veut pas simplement
l'hospitaliser parce qu'on ne le supporte pas" (Philippe B.).
III.2.3.2 Travailler ensemble sur des situations difficiles

Partenariat A
Les premières demandes faites par les services de psychiatrie auprès de
la cité Saint-Martin ont concerné des patients hospitalisés depuis plusieurs
années. "On a basculé sur des sorties d'hôpitaux, de l'hôpital Esquirol de
manière un petit peu hard, j'allais dire puisque la première demande du
secteur psychiatrique, c'était une femme qui était internée depuis douze
ans" (Marc D.).
C'est dans le cadre de ces expérimentations que les professionnels ont pu
à la fois partager les connaissances qu'ils avaient de leur domaine
professionnel et travailler sur des notions qu'ils ne maîtrisaient pas
ensemble : le temps, le secret professionnel, l'adhésion au soin. Ça s'est
fait "douloureusement" souvent pour des situations complexes. Mais dans
les situations où les professionnels de l'hébergement ont eu l'impression
d'être en échec, ils ont pu réfléchir ensemble, notamment parfois évaluer
qu'ils ont été trop vite dans certaines prises en charge.
Dans cette réflexion à propos de prises en charge complexes, la cité
Saint-Martin fait référence à la situation d'une dame pour laquelle ils
avaient signé une hospitalisation à la demande d'un tiers. Elle se baladait
nue dans les couloirs de l'hôtel, avait des tas d'immondices dans sa
chambre et un lapin. L'hôtelier n'en pouvait plus. C'était une personne
anorexique pour laquelle ils n'avaient plus aucun hôtel à proposer après
deux ans d'accueil. La cité Saint-Martin a refusé d'accueillir à nouveau
cette personne après son hospitalisation car ces excentricités ne se
déroulaient pas uniquement dans une période aiguë mais faisaient partie
- 78 -
de son fonctionnement. "Chacun a revu sa copie, a parlé de ses peurs (...)
mais du coup, on a travaillé en lien très fort parce que justement il y avait
eu ses soucis pour l'admission au début de la prise en charge" (Sophie
C.).
Pouvoir à la fois adapter la prise en charge mais aussi poser les limites
inhérentes à un hébergement en hôtel ont permis aux professionnels du
partenariat d'affiner les prises en charge et de revoir les protocoles
d'accueil au plus proche des besoins des résidents et des exigences de
l'accueil hôtelier.

Partenariat B
Au cours de cette expérimentation du partenariat, on trouve souvent une
comptabilisation des prises en charge avec l'impression chez les
professionnels d'une collaboration inégale. "On a eu l'impression que de
notre côté, on a fait davantage de réalisations concrètes" (Henri B.). Les
services de psychiatrie reprennent cette inquiétude à leur compte. "Notre
crainte, c'était qu'on reçoive beaucoup leurs patients et que nous, en
contrepartie, on voyait qu'il y avait pas beaucoup d'admissions qui se
faisaient et donc ça nous paraissait un peu inégal" (Fabienne T.).
L'institut du Val Mandé fait référence à deux situations qui n'ont pas été
satisfaisantes dans les échanges avec le service de psychiatrie. "Je l'avais
adressé, il a été pris en charge deux fois quinze jours sans grand espoir
mais simplement parce que l'équipe était épuisée, qu'il y avait des arrêts
maladie, que tout le monde hurlait ici pour expliquer que c'était un malade
qui ressortait du secteur psychiatrique, ce pourquoi je n'étais pas
convaincu" (Henri B.). Les troubles de comportement de ce patient ne se
sont pas apaisés suite à ces hospitalisations. Ce constat a exacerbé la
crainte pour le service de psychiatrie de se voir confier à nouveau ce
résident pour une longue durée. Par la suite, des visites à domicile
d'infirmiers du CMP ont été proposées pour ce patient. Elles ont créé une
gêne dans le fonctionnement de l'unité du Val Mandé. "Il y avait une
infirmière qui venait le voir ici une fois par semaine et nos infirmières à
nous, elles disaient, mais nous on sert à quoi ? L'infirmière du CMP disait,
moi je viens parce qu'on me demande de venir" (Pauline G.). Ce résident
- 79 -
est décédé suite à des problèmes somatiques détectés peu après sa
deuxième hospitalisation. Les questions des deux organisations sont
restées en l'état.
Une autre situation n'a pas permis au Val Mandé d'obtenir une réponse
favorable à sa demande d'hospitalisation. Il s'agissait d'un patient agité
dans un tableau d'opposition majeure à l'institut, pour lequel les problèmes
somatiques avaient été écartés suite à une hospitalisation en service de
médecine. "Madame P. me dit, on peut pas le prendre parce que c'est un
problème médical parce que je lui avais dit, il ne mange pas, il ne boit pas.
Ça faisait vingt-quatre heures qu'il était là" (Henri B.). Les deux
organisations se trouvent alors confrontées à des avis divergents de la
part des médecins respectifs. La psychiatrie se déclare dans l'impossibilité
d'organiser une visite pour un résident non connu de leurs services qui
aurait permis d'évaluer la nécessité d'une hospitalisation. Elle reste
disponible pour un accueil au CMP qui apparaît complexe à mettre en
place selon le Val Mandé. "J'ai eu l'impression d'être traité comme
n'importe quel psychiatre qui aurait appelé pour solliciter une aide ; il y
avait une procédure stricte à laquelle on ne dérogeait pas quel que soit
l'interlocuteur" (Henri B.).
Le service de psychiatrie fait aussi référence à des difficultés rencontrées
lors de demandes d'admission à l'institut du Val Mandé. "Je présente la
situation d'un patient à la directrice du foyer de jour (...) trois jours après,
j'ai un message sur ma boîte vocale, Madame T. je ne peux plus recevoir
votre patient. Vous m'aviez dit que vous m'enverriez un rapport social,
mais la commission au foyer de jour est passée et je n'ai pas pu présenter
votre dossier. Je prends mon téléphone ; je dis je ne comprends pas très
bien, je vous ai rencontrée (...). Vous ne m'avez pas parlé de commission
d'admission ni de rapport social. La deuxième chose, elle n'avait pas dit
qu'elle avait besoin d'éléments médicaux" (Karine T.). L'interlocutrice a
pensé que le Val Mandé ne souhaitait pas s'intéresser au dossier qu'elle
présentait.
Ces situations accentuent les blocages, les tensions et les représentations
portées par les professionnels à l'égard de l'organisation avec laquelle ils
sont censés collaborés. Elles font écran aux quelques prises en charge
- 80 -
ayant conduit à une issue favorable satisfaisante. Elles font obstacle à la
fragile communication instaurée au cours des rencontres. "Tant qu'on
n'aura pas de liens au niveau de cette convention, on ne va pas
s'embarquer à en prendre des compliqués parce qu'on se dit comment on
fait quand on n'a pas de psychiatre" (Pauline G.).
Actuellement, les antagonismes ont plutôt cristallisé une crise de
confiance entre les deux organisations. Travailler ensemble a plutôt
contribué à diviser davantage les points de vue.
III.2.3.3 Une mise en commun des pratiques professionnelles
Ce partage des pratiques va permettre aux organisations de révéler et
enrichir les "savoirs" des acteurs mais va également faire apparaître les
conflits et les enjeux de pouvoir.

Partenariat A
Le temps
Cette notion a fait l'objet de nombreuses réflexions et revêt deux aspects :
 Préparer en amont l'installation d'un patient en chambre d'hôtel. "Au
départ, il y avait des médecins qui proposaient des gens dans
l'urgence, ils nous ont renvoyé le fait que c'étaient des choses qui se
préparent" (Martine F.). Cette préparation fait l'objet de rencontres avec
l'ensemble de l'équipe qui suit le patient, avec le patient lui-même. Il
signe un contrat, dans lequel il s'engage notamment à maintenir son
soin en consultation.
 Prendre le temps nécessaire afin que le patient puisse acquérir des
repères à l'hôtel, apprendre à vivre à l'extérieur de l'hôpital, et réfléchir
à un projet d'insertion et d'orientation. En effet, au départ, la durée de
séjour des patients nouvellement hébergés était identique à celles des
autres résidents de la cité Saint-Martin. "Quand on est avec quelqu'un
qui n'a pas de troubles psychiatriques, on va essayer de trouver une
orientation, on va parler formation, on va parler budget. L'obsession,
c'est de trouver une solution adaptée pour la sortie" (Danielle C.).
- 81 -
Les travailleurs sociaux de la cité Saint-Martin ont adapté leur pratique,
ont réussi à la transformer. Ils avaient pour habitude de travailler avec les
résidents sur un mois renouvelable ; dorénavant ils sont passés, dans le
cadre de la convention, à trois mois renouvelables pour parvenir à dix-huit
mois voire deux ans. "Ici, les gens sont de plus en plus imprégnés de la
culture psychiatrique mais qui change leur propre culture sociale. Ce n'est
pas un changement d'identité, c'est un changement de sa propre pratique
parce
que
ça
complémentaire"
amène
(Marc
quelque
D.).
chose
Travailler
de
dans
supplémentaire,
le
temps
de
change
l'accompagnement social d'une personne. Attendre que le résident soit
prêt à initier certaines démarches lui permet de leur donner un sens dans
la réalité. "On a trop contaminé les gens de l'urgence à prendre le temps
(...) il faut mettre des limites aussi (...) quelquefois la psychose, elle a
besoin de limites" (Jocelyne R.).
Effectivement, il apparaît que cette notion du temps est tellement intégrée
par le service d'accueil d'urgence qu'il leur arrive pour certaines situations
de ne plus oser poser les limites du temps.
Les soins : l'adhésion aux soins
L'expérimentation
du
partenariat
a
révélé
qu'un
des
écueils
à
l'hébergement en chambre d'hôtel est la non adhésion aux soins d'un
patient résident. En effet, l'arrêt d'un traitement médicamenteux et du suivi
en consultation peut entraîner chez le patient la résurgence des troubles
du comportement, des symptômes et mettre ainsi en difficulté son
intégration en hôtel.
Pour les services de psychiatrie, la compliance aux soins d'un patient est
toujours un enjeu fragile, qu'il remet régulièrement en question, soit
lorsqu'il va mieux, ou lorsque le bien-être escompté ne vient pas comme il
le souhaiterait. La psychose lie l'individu à des soins durant toute sa vie.
L'ambivalence à propos d'un soin est inhérente à la maladie psychiatrique
et au parcours du patient. Les professionnels de la psychiatrie le savent
bien parce qu'ils l'ont expérimentée dans le cadre de leur travail.
Pour les professionnels de la cité Saint-Martin, il s'agit d'un apprentissage
nouveau et complexe. Ils avaient auparavant l'idée que dans le cadre d'un
- 82 -
partenariat avec des services de psychiatrie, les résidents qui avaient
besoin de soins en bénéficieraient. Par ailleurs, les travailleurs sociaux au
cours de leur formation, ont l'idée que l'insertion permet d'acquérir à terme
une autonomie. "La psychiatrie nous a enseigné que le soin c'est toute la
vie" (Danielle C.).
Pour pallier ce risque, la cité Saint-Martin a engagé le patient dans un
contrat de soins en lien avec l'hébergement en hôtel. "Il est hébergé avec
un contrat de soins, et ça nous permet de travailler tout ce qui peut être
déni de la pathologie, tendance à oublier ces médicaments, tendance à
éviter les entretiens enfin (...) les personnes n'étaient pas uniquement
hébergées mais il y avait tout cet environnement, le souci du respect du
contrat de soins" (Jocelyne R.).
Le patient est engagé par sa signature au même titre que les partenaires
de l'hébergement qui mettent à sa disposition une chambre d'hôtel et un
suivi dans le cadre du CMP. Le travail autour de l'adhésion aux soins
révèle les limites à l'accueil en hôtel. Cela permet aussi de démystifier la
toute-puissance dans laquelle la psychiatrie était mise et ainsi de
rapprocher les organisations partenaires autour des situations complexes
et de repérer les limites des organisations.
Le secret professionnel
Au cours de cette expérience, les professionnels revendiquent dans
l'ensemble l'importance de partager le secret professionnel lorsque cela
est porté par l'intérêt du patient. Cette crainte du partage du secret
professionnel (social, médical) est prégnante dans le milieu de la
psychiatrie. Rares actuellement sont les professionnels de ce partenariat
qui ne trouvent pas intérêt à échanger à propos d'une situation lorsque
cela peut soutenir l'insertion du patient. "Les personnes qui sont en
précarité sont des personnes qui sont dans la difficulté de maintenir le lien
donc on essayait de rendre nos liens à nous partenaires visibles (...) je
suis allée dire au travailleur social que je le voyais plus donc j'étais un peu
embarrassée mais en même temps je sentais qu'il ne fallait pas lâcher"
(Jocelyne R.). Se donner des nouvelles d'un patient, c'est aussi nouer des
liens autour de lui, ces liens qu'il a tant de difficulté à maintenir.
- 83 -
Le partenariat produit d'autres effets sur les pratiques. "On a inventé des
choses qui étaient de continuer à suivre les gens lorsqu'ils sont sortis de la
convention, pour pouvoir faire leur insertion dans le quartier, l'insertion
dans l'hôtel et préparer et se quitter plus longtemps après" (Danielle C.).
Les professionnels de la cité Saint-Martin ont maintenu le suivi de certains
patients-résidents après la sortie de la convention et de l'hôtel afin que ce
passage soit accompagné. "La pratique s'affine, se personnalise au sens
de prendre des risques plus importants pour une personne, de faire des
choses nouvelles qu'on n'a jamais faites" (Danielle C.).
Ils ont initié aussi des changements d'hôtel lorsque les relations résidents
hôteliers se dégradaient et ce afin d'éviter de mettre un terme au projet
d'hébergement.
L'apprentissage s'effectue aussi sur un plan technique. "J'ai appris au
niveau technique : les tutelles aux prestations, faire des rapports
COTOREP, les colloques sur la psychiatrie, la formation" (Sophie C.).

Partenariat B
En revanche dans ce partenariat, la mise en commun met en exergue un
conflit médical qui a tendance à s'aggraver au fur et à mesure de
l'expérimentation. Les pratiques des médecins des deux organisations se
vivent dans l'opposition et surtout la crainte de la disqualification. "Il voulait
éventuellement s'occuper des patients ici, mais c'était absurde. Moi je suis
payé pour m'occuper des patients" (Henri B.).
On prête à l'autre organisation des intentions peu honnêtes "Monsieur B.
aurait été intéressé de pouvoir intégrer dans son activité de service une
surveillance de toute une population fragilisée dans un institut peut-être
pour récupérer du personnel" (Henri B.).
Les conflits portent sur les soins psychiatriques donnés aux résidents du
Val Mandé : quelle prise en charge à mettre en place pour éviter l'urgence
et l'hospitalisation ? Quel est le médecin qui évaluera la nécessité d'un
séjour à l'hôpital psychiatrique ? "Il y a des tiraillements entre nos
psychiatres et ceux d'Esquirol, je crois qu'ils sont en train de marcher sur
la même pelouse et tant qu'ils n'auront pas trouvé leur marque, ça va être
difficile" (Pauline G.). Apparaissent aussi des rivalités liées aux filières
- 84 -
médico-sociales ou psychiatriques. "S'il s'agissait d'être en rivalité, ça peut
pas être de mon côté parce que si j'avais le goût du pouvoir, je ne serais
pas dans une structure médico-sociale" (Henri B.). Cela signifie-t-il que la
carrière d'un médecin psychiatre est moins prestigieuse dans un
établissement médico-éducatif ou que le pouvoir d'un médecin au sein de
ce
type
d'établissement
est
davantage
dévolu
aux
directions
administratives ?
Pourtant, le public des deux organisations s'est rapproché depuis une
quinzaine d'années. Le Val Mandé reçoit davantage d'enfants et d'adultes
présentant des troubles psychiatriques. "Moi depuis que je suis là, il
semble qu'on prenne davantage en charge les patients qui viennent du
monde psychiatrique puisque moi, je connais mieux les patients (...) c'est
vrai que bien souvent ils sont plus riches, ils ont le langage, ils sont
bizarres pour les équipes mais en même temps plus motivants" (Henri B.).
Les deux organisations rencontrent des problématiques communes autour
d'un manque de place. Les listes d'attente pour les internats de type MAS,
foyer de vie sont longues (80 personnes). Seules les ouvertures de
structures favorisent les accueils. Dans le cadre de l'ouverture du foyer de
vie en 2005, une patiente du service de psychiatrie a été admise. Ce qui
apparaît conséquent pour le Val Mandé est insuffisant pour le secteur de
psychiatrie, l'analyse restant toujours divergente. L'hôpital psychiatrique a
très peu de lits d'hospitalisation à offrir, ce qui crée des résistances à
proposer des hospitalisations.
Ces différentes situations plus ou moins conflictuelles amènent les deux
organisations à attendre un éclaircissement des pratiques et des
propositions à partir de la signature des conventions. "Pour pouvoir
véritablement organiser un tissu sectoriel en termes de partenariat
structuré, moi je crois beaucoup par exemple au principe de partenariat
établi par des conventions" (Philippe B.). Mais malgré ces convictions, les
acteurs n'arrivent pas à dépasser leurs conflits pour s'engager dans un
travail d'écriture.
- 85 -
III.2.4 Le partenariat et le changement
Ces expérimentations ont amené les professionnels à réfléchir sur leur
travail et à confronter leurs pratiques. Elles vont avoir pour conséquence
une transformation de ces pratiques mais aussi des organisations. Et
comme le souligne Marc D., qui rappelle que le travail social ne peut
s'inscrire dans l'immobilisme, "il n'y a rien de plus terrible qu'un travailleur
social qui pense que les choses ne changent pas. Cela montre une usure
importante si on n'a pas la capacité à se dire : il y a du changement à
mettre en place".

Partenariat A
La collaboration entre le SAS de la cité Saint-Martin et les services de
psychiatrie a eu des retentissements qui ont dépassé le simple cadre de la
convention.
L'évolution des pratiques a produit des effets sur l'ensemble de l'activité
des professionnels. "Je pense que le regard des gens qui se sont engagés
dans la convention a beaucoup plus d'acuité dans l'évaluation des autres
personnes
qu'ils
accueillent
hors
convention"
(Danielle
C.).
Les
professionnels de la cité Saint-Martin estiment avoir une meilleure
connaissance des pathologies et des traitements. De fait, ils se sentent en
position de rassurer les hôteliers lorsque des conflits mineurs surgissent
parce qu'ils pensent mieux évaluer l'état de fragilité des résidents et agir
en conséquence.
Outre cette meilleure connaissance des pathologies, la cité Saint-Martin
bénéficie d'un accès facilité au centre d'accueil et de crise ainsi qu'à la
consultation pour l'ensemble des résidents. Auparavant, ces derniers
devaient transiter par le CPOA pour obtenir une consultation en urgence
ou attendre deux mois sur la liste d'attente du CMP. "Les services de
psychiatrie se sont rendus compte qu'avec les personnes en précarité, on
ne peut pas toujours fonctionner avec des rendez-vous. C'était
inenvisageable il y a cinq ans, maintenant on sait faire" (Jocelyne R.).
Dans la salle d'attente du CMP, les infirmiers et les secrétaires se sont
habitués à ce que les personnes restent assez longtemps avec leurs
affaires personnelles.
- 86 -
Les services de psychiatrie quant à eux, peuvent obtenir quelques places
d'urgence sur d'autres structures de la cité Saint-Martin. Les organisations
ont pu dépasser un des grands fantasmes dans l'exercice du partenariat
qui réside dans la crainte d'une surcharge de travail en raison de l'arrivée
d'un nouveau public. "Les services de psychiatrie se sont aperçus qu'on
ne leur adressait pas énormément de gens en consultation (environ 15 par
an). La psychologue de la cité Saint-Martin fait très bien le tri. Ce n'est pas
une psychiatrisation de la précarité" (Jocelyne R.).
Cette expérience leur permet de poser les limites de cette collaboration
pour mieux les dépasser en créant ensemble une nouvelle structure
d'hébergement.
Les limites
Quelle que soit la qualité du travail en commun, il apparaît difficile de
trouver des solutions de logement après un séjour en hôtel, la perspective
étant dans le meilleur des cas un hôtel au mois. En effet, la problématique
de l'accès au logement demeure un des écueils pour l'organisation d'une
sortie d'hôtel. La cité Saint-Martin soutient les services de psychiatrie dans
leurs revendications pour l'ouverture de structures spécialisées pour des
patients qui ne peuvent s'insérer en hôtel social. "On n'a pas prévu les
structures adéquates où on puisse accepter des gens qui étaient malades
avec les sorties d'hôpitaux (...) rien n'a été fait pour une intégration dans la
ville progressive. Moi je trouve ça scandaleux, l'idée était bonne au niveau
idéologique mais elle était aussi bonne au niveau économique pour les
responsables, donc je trouve que c'est un peu fort de café" (Marc D.). Il
fait référence à la fermeture des lits d'hôpital conséquente de
l'organisation des soins en secteur hospitalier.
Cette communauté d'idée est précieuse car elle est portée par les deux
organisations. "L'alliance avec le social permet à la psychiatrie de se
déstigmatiser" (Marc D.). Il est intéressant que les revendications portées
par les soignants soient aussi reprises par les travailleurs sociaux des
centres d'hébergement qui sont experts en matière d'insertion. Cela
permet d'aller au-delà d'une réflexion sur le soin psychiatrique pour les
personnes sans domicile fixe et de poser le cadre de vie indispensable à
- 87 -
certains patients à la sortie de l'hôpital (ex. : structure de vie spécialisée
avec équipe soignante).
Le projet
Les deux organisations ont monté un projet d'appartements d'insertion.
Elles ont déposé auprès de la DDASS une demande de financement.
Elles ont obtenu huit logements pour dix personnes. Le projet consiste à
accueillir des résidents sur deux ans et à obtenir par la suite leur
relogement. Les logements se situent dans une résidence de copropriété.
La cité Saint-Martin se chargera de l'accompagnement social, de la
gestion des appartements et des contrats de séjour. Les collègues de la
psychiatrie œuvreront en direction de l'organisation et du suivi des soins.
Les questions et les désaccords portent sur le choix des résidents. Les
services de psychiatrie souhaiteraient intégrer des jeunes et leur permettre
ainsi de quitter leurs parents. Les professionnels de la cité Saint-Martin,
forts de leur expérience dans l'hébergement, évaluent qu'il est difficile de
s'autodiscipliner (se lever, ranger, entretenir son logement) quand on vit
seul, et encore plus pour un jeune fragile. Les professionnels de la
psychiatrie souhaiteraient mettre en place un temps d'évaluation dans le
logement ; la cité Saint-Martin précise que les hôtels permettraient de faire
ce travail. Tous ces questionnements, qui se nourrissent des expériences
de collaboration antérieures, contribuent à la construction du projet.

Partenariat B
Suite aux réflexions communes autour de la crise et devant l'impossibilité
pour la psychiatrie de dépêcher en urgence un médecin psychiatre au Val
Mandé en l'absence d'un des leurs, cette organisation a mis en place une
conduite à tenir dans ces circonstances. "Le fait d'avoir discuté à maintes
reprises, d'avoir des conseils téléphoniques, je prends beaucoup de recul.
Ça m'a permis de mettre en place des protocoles, des procédures. On
n'attend pas qu'il soit en décompensation" (Pauline G.). Cette réflexion
change automatiquement l'évaluation et le regard sur les résidents car elle
nécessite un travail sur les pratiques.
- 88 -
Parallèlement, dans une volonté de favoriser les rencontres entre
médecins, une réunion de régulation planifiée au Val Mandé, animée par
un médecin psychiatre d'Esquirol a été proposée pour évoquer les
situations psychiatriques complexes du Val Mandé. "Inutile de vous dire
que quand j'en ai parlé aux psychiatres, ils ont fait des bonds" (Pauline
G.). Dans l'ensemble, les changements sont difficiles à initier. Les conflits
ont renforcé les résistances et les organisations se referment un peu plus
sur elles-mêmes. "L'autre jour, je réfléchissais ; on cherchait un psychiatre
pour faire quelques vacations dans une des structures et je me disais, je
pourrais peut-être téléphoner à Philippe B., il y a peut-être dans ses
connaissances quelqu'un qui cherche. On m'a dit, ce n'est pas la peine, on
va se débrouiller, parce que si Esquirol vient s'implanter ici" (Pauline G.).
Les résistances font douter les professionnels à propos de leur capacité à
travailler avec les autres. "En psychiatrie, on est en permanence sur le fil
du rasoir, on risque la régression. La régression, ce serait de revenir à une
psychiatrie archaïque par manque de moyens, par défaitisme. C'est
compliqué tout ça avec les partenaires (...) lever les réticences, avoir du
temps" (Philippe B.).
C'est par le biais de l'écriture des avenants à la convention que les
organisations
misent
sur
l'éclaircissement
et
l'avancée
de
cette
collaboration. "Pour pouvoir véritablement organiser un tissu sectoriel en
termes de partenariat structuré, moi je crois beaucoup par exemple au
partenariat établi par des conventions" (Philippe B.). Même s'il apparaît
complexe d'établir les limites du partenariat à l'étape de cette
collaboration, il est possible tout de même d'en déceler des marques dans
les propos des professionnels. "Ce à quoi je me confronte là et mes
collègues aussi, c'est le problème des patients qui ont des troubles tels
que ça rend impossible leur intégration dans le médico-social" (Fabienne
T.).
Ainsi, ces travailleurs sociaux prônent l'ouverture de petites unités
psychiatriques de vie pour des patients qui nécessitent un cadre
médicalisé pour leur lieu de vie. C'est uniquement dans ce dispositif qu'ils
parviennent à quitter l'hôpital lorsque la pathologie entrave trop
régulièrement leur quotidien.
- 89 -
III.3 LE PARTENARIAT : UN ESSAI DE CONCEPTUALISATION
Même si chaque expérience est unique, l'approche de ces deux
partenariats aide à repérer les alliances, les blocages et certains postulats
qui rendent une collaboration possible.
Le partenariat trouve son origine dans un contexte, à un moment où les
problématiques d'un certain nombre d'individus ne peuvent être traitées
par
une
seule
organisation.
L'évolution
des
règlements
et
des
organisations a rendu ces dernières indépendantes. Ainsi, "travailler
ensemble" s'impose aux professionnels et c'est peut-être ce caractère
obligatoire qui rend la collaboration difficile mais aussi possible.
Le partenariat est caractérisé par une forte idéologie chez les travailleurs
sociaux. Ils ont intégré cet unique et puissant mode de pensée, porteur
d'efficacité rationnelle. L'attrait du terme est aussi lié à son image, image
qui légitime une aspiration de cohésion, une fonction de proximité. "Moi,
j'ai toujours pensé le travail comme ça ; je ne le peux pas autrement"
(Karine T.).
La désillusion est le pendant douloureux à cet engouement. Le partenariat
n'est pas une finalité. Au-delà des bonnes intentions, il n'est pas simple à
mettre en place et ne se montre pas toujours efficace au sens de rendre
service aux organisations.
Le partenariat est porté par les acteurs. L'impulsion est facilitée lorsque
certains intervenants sont fédérateurs, consensuels et qu'ils sont reconnus
dans leur propre organisation. Le désir est un des moteurs dans la relation
de partenariat, même s'il ne suffit pas à le faire fonctionner. "Le vrai
partenariat, ça démarre avec des gens qui ont une réelle envie de
travailler ensemble. Il est riche quand il commence comme ça et qu'il se
poursuit par des conventions" (Karine T.).
C'est l'action organisée qui donne sa substance au partenariat : organisée
au sens d'une régularité des rencontres, de mise en place de règles, de
protocoles, de bilans. Le cadre de l'action permet aux partenaires de se
reconnaître, d'avoir une traçabilité de leur histoire commune et de pourvoir
à son évolution.
- 90 -
Les écrits donnent une légitimité à cette relation. Mais s'ils ne sont pas
portés par l'action (au sens d'une réalisation commune), ils figent le
partenariat et le plongent dans une impasse.
Les situations de blocages sont inhérentes au partenariat. Il génère de
grandes inquiétudes car il s'accompagne d'enjeux pour les acteurs et les
organisations. C'est dans cette zone d'incertitude que vont s'exprimer le
jeu, le conflit, le pouvoir. Ces attributs des acteurs et de la relation
partenariale vont être moteurs de création pour l'action organisée ou
fonder la destruction du partenariat.
Le public n'est pas un partenaire au sens de participer à la construction
d'une collaboration. Il est concerné, associé, informé. Il est parfois au
centre des négociations.
Des pratiques professionnelles qui s'affinent et s'enrichissent, une
mutualisation des savoirs et de savoir-faire, des actions, une bienveillance
à l'égard de l'autre organisation témoignent d'un fonctionnement en
partenariat au sens où ils transforment l'organisation. "Le partenariat ne
peut se vivre qu'en altérité c'est-à-dire qu'on se transforme à travers le
travail de l'autre et le travail de l'autre est transformé par son propre
travail. C'est un peu ça l'idée de base que j'avais d'un partenariat réussi"
(Marc D.).
A travers cette analyse effectuée sur plusieurs terrains, et après avoir
découvert les trois organisations, nous avons cherché, dans le cadre
d'entretiens et d'une séance d'observation pour le partenariat A, à
appréhender le degré des collaborations. Nous nous sommes appuyés sur
les écrits (conventions, protocoles et bilans) et sur les témoignages des
professionnels. Nous avons pu situer les différentes phases de mise en
place d'un partenariat : se connaître, travailler ensemble, enrichir ses
pratiques, créer de nouveaux projets.
Le partenariat A s'est mis en place en étant axé sur l'expérimentation. Les
responsables s'y sont engagés dès le départ. Il a déjà connu et dépassé
des phases de blocage. Il a permis de développer des actions jusqu'à la
création d'une structure commune.
- 91 -
Le partenariat B s'est construit à partir des directions d'établissement et
d'orientations réglementaires. Les directeurs ont été absents de l'action.
Les professionnels ont été amenés à se familiariser à un projet qu'ils
n'avaient pas initié. Ils ont été choisis plus en fonction de leur statut dans
l'organisation que de leur réelle motivation.
Ces expériences mettent en évidence un certain nombre de limites liées
aux difficultés de collaboration et au fait que le partenariat ne répond pas à
tous les manques de l'organisation.
Dans les deux partenariats, les échanges sont parfois violents,
douloureux, les conflits se répercutant au sein des organisations ellesmêmes (exemple : dans le partenariat B, le chef de service et son équipe
du CMP s'opposent au sujet de l'organisation de visites médicales au Val
Mandé).
Une question se pose sur le choix des partenaires. Dans le partenariat A,
les structures sont complémentaires dans le sens où les organisations
peuvent s'échanger des services. La mise en place du partenariat B
renforce les difficultés intrinsèques aux deux organisations, qui ne
disposent pas de possibilités d'accueil sur le long terme.
- 92 -
CONCLUSION
Lorsque ce travail de recherche a débuté en 2004, le partenariat
m'apparaissait comme une méthode à acquérir et les blocages rencontrés
dans les échanges semblaient parfois relever d'un manque de volonté à
négocier.
Pour appréhender cette réalité, nous nous sommes d'abord penchés sur le
contexte d'apparition du partenariat et attelés à la recherche du sens de ce
mot. Le partenariat apparaît à un moment particulier de l'histoire de
l'action sociale et de ses organisations alors qu'elles perdent une part de
leur autonomie. C'est dans ce besoin de l'autre que le partenariat trouve
sa source ; mais c'est aussi dans ce moment de vulnérabilité qu'il devient
complexe de travailler ensemble. D'où l'émergence de conflits, de
blocages
dans
les
rencontres
qui
ne
sont
pas
signes
d'un
dysfonctionnement mais plutôt inhérents au partenariat qui navigue dans
une "zone d'incertitude".
Au sein des organisations, l'assistant social était traditionnellement
l'interlocuteur de l'extérieur, celui qui communique avec l'autre (notamment
son homologue). C'est lui qui tenait le fil de la relation avec les
organisations sociales en ce qui concerne le "travailler ensemble". Dans
l'histoire récente du travail social, les travailleurs sociaux ont été face à
trois enjeux de changement. Le premier est lié aux lois instaurant la
décentralisation et au passage de pans entiers de l'action sociale sous la
responsabilité des conseils généraux. Les travailleurs sociaux doivent
rendre des comptes à des acteurs politiques. Le deuxième correspond aux
politiques de projet et de mesures ciblées (jeunes des cités, sans-abri). Le
troisième découle des deux premiers puisque la logique de projet et la
logique de contrat se juxtaposent à celle de la relation privilégiée (ex. :
bénéficiaires du RMI). Selon François Dubet53, le travail social ne vit que
de déséquilibres et de tensions ; si chaque logique s'isole, elle devient
destructrice.
53
DUBET F. 2002. Le déclin de l'institution. Paris : Seuil
- 93 -
L'identification aux théories psychologiques ou sociologiques permet au
travailleur social de chercher les clés du sens des pratiques. La sociologie
nous renseigne : le partenariat n'est pas un concept. Il est porté par
l'action organisée, c'est elle qui le définit et lui donne sens. Ainsi, pour
permettre à l'action organisée de voir le jour, le travail en partenariat
nécessite la mobilisation d'un nombre diversifié de professionnels qui
représentent les singularités de l'organisation. C'est dans le cadre de
l'action que les acteurs pluridisciplinaires vont se connaître, s'affronter et
développer des pratiques professionnelles complémentaires. En ce sens,
le partenariat porte en lui une petite révolution de légitimité par l'action.
L'assistant social peut s'y sentir menacé, notamment par la perte de
l'exclusivité de sa relation avec les organisations.
Dans cette étude, nous avons analysé et comparé deux actions de
partenariat dans lesquelles l'hôpital psychiatrique intervient.
Le partenariat A est plus ancien et plus abouti dans son fonctionnement.
Les interlocuteurs ont enrichi leurs pratiques professionnelles au contact
les uns des autres et en direction des usagers. C'est ce que nous avons
appelé la culture commune portée par les savoir-faire, savoir-être des
acteurs des deux organisations qui se les approprient sans se dissoudre
l'une dans l'autre. Ce partenariat a permis la création d'un projet commun
aux deux organisations avec l'ouverture d'appartements.
Le partenariat B connaît une situation de blocage notamment dans les
rapports entre médecins. Les conflits trouvent leur origine dans l'histoire
des filières, et se cristallisent autour des espaces de décision des
médecins (enjeux de pouvoir).
L'implication des cadres a des répercussions différentes dans les deux
partenariats, en fonction de leur légitimité au sein de leur propre
organisation et de leur capacité à s'engager dans une action de
partenariat. Dans le cadre du partenariat A, elle a permis de conférer une
légitimité à l'expérimentation et l'a enrichi d'outils d'élaboration. Dans le
partenariat B, la mobilisation du chef de psychiatrie n'a pas pu se
répercuter sur ses équipes médicales, en raison d'un choix de personnes
- 94 -
basé davantage en fonction d'un statut que d'une réelle motivation pour
cette action.
Ces partenariats connaissent aussi des limites. Les partenariats ne
peuvent répondre à l'ensemble des problématiques qui se posent aux
organisations. Par exemple, pour le partenariat A, l'hôtel social ne peut
être la seule solution au déficit de lieux de vie spécialisés pour les patients
sortant de l'hôpital psychiatrique.
En outre, le partenariat B vit une situation de blocage dont on ne connaît
pas l'issue. Certains acteurs se posent des questions relatives à l'énergie
dépensée pour se coordonner en comparaison du peu de résultats
obtenus.
De manière plus générale, le partenariat, au-delà de l'enjeu démocratique,
peut devenir progressivement un système comportant une nouvelle
bureaucratie avec sa gestion de la complexité, sa norme, ses rapports au
pouvoir. Il n'apparaît pas évident que la culture partenariale dominante soit
toujours une culture de responsabilisation et de participation réelle des
citoyens, fussent-ils associés dans le jeu complexe de la production des
politiques publiques. Le travail en partenariat ne modifie pas la place de
l'usager ; les actions s'organisent autour de lui pour une meilleure prise en
charge en mutualisant les moyens.
Pourtant dans le domaine de la psychiatrie, la loi nº 2002-303 du 4 mars
2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins
donne une nouvelle place au patient, notamment dans les droits
l'information sur l'état de santé. Même si les droits des personnes atteintes
de troubles mentaux sont constamment questionnés au regard de la
spécificité des troubles en question, cette loi leur donne une nouvelle
place dans l'organisation. Les associations de malades, de familles sont
davantage associées, consultées par les équipes de santé. Repenser la
place de l'usager peut-il constituer une piste de réflexion pour permettre
une nouvelle évolution du partenariat ?
Dans les vingt dernières années, les travailleurs sociaux ont été initiés à
d'autres pratiques que la relation duale : le travail de groupe en direction
des usagers, le travail communautaire dans une démarche citoyenne
- 95 -
participative. Le travailleur social est un artisan qui déploie ses
compétences dans le travail avec l'autre. Le travail en partenariat se situe
aux frontières des organisations. Il révèle et innove une certaine
transformation des organisations.
N'y a-t-il pas une place à penser pour l'usager dans cette transformation
inachevée de l'organisation en psychiatrie ? Même si cela ouvre de
nouvelles questions sur la représentation des usagers, c'est dans cette
réflexion que le partenariat peut trouver un élan de construction avec et
autour des organisations existantes.
- 96 -
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
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- 100 -
ANNEXES
Cité Saint-Martin
Institut le Val Mandé
Sectorisation adulte Hôpital Esquirol
Partenariat A : 75G01 & 75G02
Partenariat B : 94G16
Annexe I : Secteurs géographiques
-I-
Parcours individuel
 Quelles sont vos expériences professionnelles dans d'autres institutions ?
Vos expériences associatives, personnelles, intéressantes par rapport au
partenariat ?
 Quelle est votre profession ?
 Votre âge ?

Parcours dans l'institution
 Pouvez-vous me présenter votre travail au sein de l'institution ?
(Contexte d'arrivée, travail, évolution du poste)
 Ancienneté dans l'institution ?




















Partenariat
Pouvez-vous me présenter cette mise en place d'un partenariat ?
(Origine, contexte, objectifs, finalités, les acteurs, les usagers)
Comment fonctionne-t-il aujourd'hui ?
(Règles, acteurs, lieu, fréquence des rencontres, charte)
Comment a-t-il évolué ?
Si je vous énonce les termes jeu, conflit, pouvoir, qu'est-ce que cela évoque
par rapport à votre expérience de partenariat ?
Pouvez-vous définir ce qu'est pour vous un partenariat ?
(quel sens y donnez-vous ?)
Avez-vous l'impression d'appartenir à une institution ou à un partenariat ?
(Double casquette, marge de manœuvre, partage du pouvoir)
Quelle est la participation des cadres ?
Usagers
Est-ce que les usagers sont informés de cette expérience de partenariat ?
Est-ce que le partenariat vous aide dans vos pratiques ?
Comment ?
Y a-t-il une évolution du public que vous avez en charge depuis cette
expérience de partenariat ?
Est-ce que votre regard sur les usagers a changé ?
De quelle manière ?
Qu'est-ce que vous cherchez dans le partenariat pour l'usager ?
(Partager avec d'autres des situations complexes ? Répondre à des
problématiques individuelles ? Chercher des réponses collectives ?)
l'institution et le changement
Avez-vous l'impression de faire évoluer votre institution ?
Pourquoi ? Si oui, en quoi ?
Est-ce que cette expérience a changé votre perception de l'autre institution ?
Comment ?
Est-ce que le partenariat vous apparaît comme une solution au problème des
usagers ?
Comment souhaiteriez-vous voir évoluer le partenariat ?
Annexe II : Guide d'entretien
- II -
NOM : DUBOIS PALACIN
Prénom : Catherine
Date du Jury : 7-8 Mars 2007
FORMATION : Diplôme Supérieur en Travail Social
TITRE :
LE PARTENARIAT : UNE TRANSFORMATION DES INSTITUTIONS
PSYCHIATRIQUES ENCORE INACHEVEE ?
Deux études de cas comparées
RESUME :
Cette étude traite du partenariat en psychiatrie et de ses effets sur les organisations sociales et
psychiatriques à partir du discours des professionnels des deux champs.
Elle s'est d'abord attachée au contexte d'apparition du partenariat et au sens de ce mot. Le
partenariat est analysé au carrefour de la sectorisation en psychiatrie, de la décentralisation et des
nouvelles politiques d'insertion. Il intervient dans une période où la précarité s'est accentuée, où les
organisations ne parviennent plus à répondre seules à l'ensemble des problématiques d'un public
diversifié.
Le partenariat est perçu au départ comme une situation en soi conflictuelle ; l'existence de
véritables enjeux est le gage de sa réussite. Il apparaît comme une pratique à construire.
C'est l'hypothèse suivante qui structure le mémoire :
C'est parce qu'il constitue un choix imposé et qu'il se construit au sein d'une communauté
de pratiques que le partenariat, action collective organisée, fonctionne et transforme
l'institution psychiatrique.
Un échantillon de professionnels participants à deux partenariats a été constitué. Une étude
comparative a été menée ; les entretiens ont permis de dégager l'action collective organisée, les
règles de fonctionnement et les jeux des acteurs à partir des théories de la sociologie des
organisations.
Ces partenariats connaissent différentes étapes qui se manifestent par des périodes de blocage ;
elles font partie du processus d'élaboration mais mènent parfois à des impasses.
Se connaître et partager des pratiques professionnelles amènent dans certaines conditions les
acteurs à acquérir des références communes qui transforment ces mêmes pratiques. Les effets de
cette transformation sur l'organisation sont analysés.
Mots-clés : action collective - coopération - identité professionnelle - insertion - institution organisation - partenariat - psychiatrie - sectorisation - transformation.
Nombre de pages : 100
Volume Annexes : 0
Ecole de service social de la CRAMIF
26 rue des peupliers
75013 PARIS