Télécharger

Transcription

Télécharger
Editions Hatier
Corrigé
(développement rédigé)
1. Le respect est-il un devoir ou une contrainte ?
A. Il n'y a pas d'autorité naturelle
En effet, selon le Leviathan de Hobbes, la nature nous a fait tous égaux devant le risque de destruction. Si
certains sont plus forts que d'autres, ils ne sont jamais assez forts pour résister à une coalition suffisante pour les
détruire. Nous détenons donc tous la même autorité sur nous-mêmes dans cet “ état de nature ”. Nous ne devons
par conséquent aucun respect à autrui, mais seulement à nous-mêmes, car il ne possède aucune autorité sur nous
que nous dussions reconnaître comme juste. Nous pouvons par conséquent nous servir d'autrui, ou le détruire s'il
fait obstacle à nos intérêts ou à notre survie.
B. Le risque de la destruction
Cependant, cet état de nature, puisqu'il ouvre à chacun la possibilité de se servir de chacun ou de le détruire s'il
s'oppose à lui, devient nécessairement un état de guerre de chacun contre chacun en vue de l'acquisition
maximale de propriété. Or la nature, si elle n'impose aucun respect à l'égard d'autrui, impose néanmoins le
respect envers soi-même, et nous devons assurer notre propre survie.
Cet état de guerre est contraire à la possibilité de cette survie, car si je dois toujours me défendre, je ne suis
jamais sûr non plus de ne pas être tué. La nature, en nous imposant de tenir à notre être, nous impose également
de chercher les moyens de la paix.
C. Le contrat
Or cette paix ne peut survenir que si chacun simultanément accepte de déléguer l'autorité qu'il a sur lui-même et
tout le pouvoir qu'il détient à un chef, qui jouera un certain rôle, celui d'empêcher quiconque de violer la
propriété et la sécurité de tous les autres. Ce chef assumant le rôle du gardien devant tous les autres est une “
personne ”, au sens du théâtre évoqué plus haut.
Cette personne est en mesure de nous tenir en respect, dans la mesure où elle nous oblige à accomplir ce qu'elle
commande et à ne pas accomplir ce qu'elle interdit, au nom même de chacun des citoyens : elle n'est autre que le
souverain. Si le souverain nous tient en respect, il doit aussi nous inspirer le respect envers lui, par la crainte de
son pouvoir. Le respect provient donc de la légitimité de son autorité, mais également de la peur qu'il nous
inspire.
À la fois nous lui devons le respect parce qu'il est légitime, à la fois il nous l'arrache par la crainte qu'il nous
inspire. Par son intermédiaire, je respecte autrui et ne cherche plus à le détruire, sous peine d'avoir affaire à la
puissance coalisée de tous les autres. Mes devoirs envers autrui, de justice par exemple, n'ont pour origine que le
respect que je dois à la puissance publique.
2. Les ordres du respect
A. Autorité, force et justice
La justice n'est, d'après ce qui précède, que le semblant que la force se donne pour être acceptée. Par conséquent,
si nous devons bien le respect aux “ grandeurs d'établissement ”, nous ne leur devons néanmoins qu'un respect
d'établissement.
Pascal, dans les Trois Discours sur la condition des grands, distingue en effet deux sources de grandeurs, les
grandeurs naturelles et les grandeurs d'établissement :
“ Les grandeurs d'établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer
certains états et y attacher certains respects. Les dignités et la noblesse sont de ce genre. En un pays on honore
les nobles, en l'autre les roturiers, en celui-ci les aînés, en l'autre les cadets. Pourquoi cela ? Parce qu'il a plu aux
hommes ; la chose était indifférente avant l'établissement : après l'établissement elle devient juste, parce qu'il est
injuste de la troubler. ”
Certes nous avons raison d'honorer ce qui est établi, car il est mauvais et injuste en soi de bouleverser l'ordre sur
lequel la société est bâtie. Mais cette légitimité est bien faible, puisqu'elle repose sur l'arbitraire des hommes.
Aussi ne devons-nous à ces institutions qu'un respect relatif, quoique constant. Le respect véritable n'est pas dû à
la personne publique.
B. Les grandeurs naturelles
La suite du texte de Pascal nous indique une autre forme de grandeur qui paraît plus légitime : “ Les grandeurs
naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes, parce qu'elles consistent dans des
qualités réelles et effectives de l'âme et du corps, qui rendent l'une ou l'autre plus estimable, comme les sciences,
la lumière de l'esprit, la vertu, la santé, la force. ”
© Hatier
1
Editions Hatier
À cette source de grandeur, qui réhabilite par exemple la force, et les qualités naturelles des individus, nous
devons un “ respect naturel ”. Contrairement à Hobbes qui soutenait que le respect envers autrui dépendait du
respect que l'on porte au souverain, Pascal reconnaît que le respect s'adresse d'abord aux autres hommes, en tant
qu'ils possèdent telle ou telle qualité qui suscite l'estime.
Cependant, toutes les qualités naturelles ne suscitent pas le même type de respect. Nous respecterons davantage
Archimède que telle ou telle brute qui peut triompher de nous par sa force. Le respect naturel constitue, selon
Pascal, l'estime que nous devons aux grandeurs naturelles ; l'aversion et le mépris sont dus aux qualités
contraires aux grandeurs naturelles. La personne désigne en fin de compte ici l'ensemble des qualités naturelles.
C. Le respect absolu dû au saint
Dans une des Pensées (L308, B793), Pascal précise la seule source de grandeur absolue. “ Tout l'éclat des
grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit. La grandeur des gens d'esprit
est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair. La grandeur de la sagesse, qui n'est
nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents, de genre. ”
À l'opposition antérieure qui distinguait les grandeurs naturelles des grandeurs d'établissement, il faut substituer
une autre distinction, qui permet de saisir la source d'une grandeur absolue. Ainsi, nous ne respectons pas de la
même façon la brute et Archimède. L'estime qu'on porte à Archimède doit, en tant qu'homme d'esprit, le porter
au-dessus de toutes les grandeurs naturelles ou d'établissement, qui sont ici rassemblées sous la catégorie de
grandeurs de chair.
Mais la grandeur d'Archimède ne saurait égaler celle de Jésus-Christ et des saints. La seule autorité légitime sur
les hommes, celle qui est la justice même, en tant qu'elle assure à chacun le salut, et non plus la sécurité, est celle
de Dieu. Quiconque détient en lui une part de l'autorité de Dieu doit faire l'objet d'un respect absolu.
Si notre personne se définit comme ce qui répond de notre statut de créature de Dieu, si la personne est non le
moi et son esprit, mais le fidèle et son cœur, alors nous devons le respect absolu à la personne.
3. La personne comme être moral
La dignité n'est-elle en nous que le résultat de la charité, de la foi, de la confession, bref de la religion ?
Au contraire, chaque homme porte en lui la source de la légitimité de toute autorité : la loi morale, qui fait de lui
une fin en soi. Le respect n'est dû qu'à l'homme considéré comme une fin en soi.
Le respect est, selon Kant, ce “ sentiment moral ” qui correspond, dans l'ordre de la pratique, à l'intuition de
l'espace et du temps dans l'ordre de la nature. Nous ressentons en nous la loi morale comme une contrainte, une
obligation, mais qui est la condition de notre dignité. Le respect envers la loi morale est un sentiment double, de
soumission à la loi et d'humilité, mais aussi de satisfaction liée au sentiment de notre propre grandeur, de notre
supériorité à la nature.
Par le sentiment du respect que nous devons à la loi, nous entrons à titre de membres dans un monde
suprasensible, dans lequel tout être est une fin en soi et agit selon la loi qu'il se prescrit à lui-même (auto-nomie)
en tant que sujet moral. Nous devenons une personne parmi les personnes, nous devant par conséquent respect
mutuel.
© Hatier
2