EXTRAITS DE PRESSE

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EXTRAITS DE PRESSE
EXTRAITS DE PRESSE
Sur les côtés de la scène des bandes sons s’allument
alternativement et font entendre des fragments de films
américains, italiens, espagnols, tandis que sept danseurs
construisent et déconstruisent une narration (symbolisé par le
fil presque invisible avec lequel jouent les interprètes au
tout début du spectacle) faite de tentatives de préparer une
table et de plats cassés qui perturbent l’action, d’enfants
qui s’échappent dans la nuit, de mains qui tentent de réparer
un vase brisé…
C’est un enchainement fascinant et poignant d’associations
d’images entre les films et les situations représentées sur
scène qui se développe tout le long du spectacle, un jeu
figuratif
évoquant
le
surréalisme
et
travaillant
les
extrémités des gestes et des séquences dont l’aboutissement
n’a jamais lieu. Maguy Marin construit ainsi une tension
grandissante, faite de mouvements continuellement interrompus,
inachevés et à nouveau répétés avec des légères variantes.
La proposition coupe le souffle, enchante et impatiente: on
aurait envie de pouvoir arrêter l’action, de revoir le montage
de mouvements et de sons, de mieux en saisir la force
plastique et les références suggérées. Mais le spectacle
avance à un rythme de plus en plus accéléré (…) Salves reste
une création passionnante et fondamentale pour les questions
esthétiques qu’elle soulève.
Gloria Morano – LE MONDE.FR – novembre 2010
Une nouvelle fois, la chorégraphe Maguy Marin bouscule nos
vanités. Une fulgurance qui hante longtemps. A la fin de
Salves, face aux sept danseurs qui nous ont tout donné, le
premier mouvement est de se taire. Se taire longuement ou dire
merci en murmurant. Et puis s'éclipser timidement. Ce qu'on
vient de voir, ce dont on a été le témoin, est plus que de la
danse. Plus que de l'art. Sauf à se rappeler que chez Maguy
Marin
la
constante,
l'art,
n'est
jamais
retranchée
à
l'intérieur d'une bastille quelconque. Qu'il ne sépare pas le
dedans et le dehors, l'enveloppe et le contenu, la vertu et le
talent. Alors, se dit-on, voilà ce que sont capables de faire
ensemble des gens qui voient ainsi les choses. Qu'ils soient
des artistes n'y change rien. Qu'est-ce qui nous empêche,
nous, d'être et de faire ensemble, d'essayer d'y voir clair ?
De donner, de recevoir ? Qu'est-ce qui m'empêche, moi, de
regarder autrement... ?
Parce qu'il y va de notre présent qui tourne mal, parce qu'il
y va de nous tous, nous ne pouvons pas attendre du travail de
Maguy Marin qu'il fasse de nous des esthètes – des amateurs de
danse, par exemple. Mais seulement des consciences. Est-ce
encore de la danse ? Est-ce encore du spectacle ? Plus
vraiment ! C'est pourquoi plusieurs des pièces récentes de
Maguy Marin – sinon toutes – ont suscité de telles résistances
dans le public et chez les programmateurs.
Sur le sol, des traces, peinture, ciment ou terre. Posées ou
empilées, des planches. Des ouvertures en fond de plateau, à
jardin et à cour. Atelier ou entrepôt ou sous-sol. Un homme
entre, pantalon noir, chemise blanche. Il tire un fil, le
déroule, en évalue la solidité ou tente de le dénouer. Une
femme le rejoint. Bientôt, ils sont sept. Fils tenus, fils
rompus, fils perdus, c'est une entrée en matière. Réparer,
sauver ce qui peut l'être, s'accorder. Sur cette image tombe
soudain la nuit. Des silhouettes fuyardes traversent le noir.
Des objets volent d'une main à l'autre. Une femme assise
revient obstinément sur la même tâche. Entre ses mains, des
bris de poterie qu'elle essaie de recoller. Tels des motifs
répétés sur un tableau ou un rêve qui avorte, les mêmes scènes
reviennent. Hantent ou rassurent. Dix fois peut-être, les
mêmes personnages dressent une table. Une assiette tombe. Tout
s'arrête et puis tout repart. Le mouvement est incessant. On
devine un meurtre, le bruit mat d'un corps jeté sur le sol.
Quelqu'un accroche un tableau sur un mur. Le tableau tombe
aussitôt. Il n'y a pas de parole. Seulement les matériaux
sonores de Denis Mariotte. Voix, moteurs, vacarme urbain,
discours... En pleine lumière, une femme se hâte d'écrire à la
craie sur un tableau noir, « quand on est dans la merde
jusqu'au cou, il ne reste plus qu'à chanter ». De la musique.
Une musicalité enivrante qui soulève les corps, les leurs, les
nôtres, vers un espoir opiniâtre.
Daniel Conrod - TELERAMA n° 3168 - 02 octobre 2010