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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Boba Fett : Le Survivant
Version 1.0
Daniel Keys Moran
Version française présentée par :
L’équipe des
1
BOBA FETT : LE SURVIVANT
PRESENTATION
Boba Fett : Le Survivant est une nouvelle parue en Décembre 1996 dans le
recueil Tales of the Bounty Hunters. Elle est écrite par Daniel Keys Moran.
Cette nouvelle se déroule à plusieurs moments de la vie de Boba Fett, entre l’an
12 avant la Bataille de Yavin et l’an 19 après celle-ci. La rivalité du plus célèbre chasseur
de primes de la galaxie avec Han Solo est au cœur de l’histoire, en même temps que la
traque du criminel Malloc, connu sous le nom de Boucher de Montellian Serat.
Merci à Jedimax01, Jason24 et Link224 qui permettent à cette nouvelle d’entrer
chez les Chrofuckeurs Oubliés !
Titre original :
The Last One Standing: The Tale of
Boba Fett
Auteur :
Daniel Keys Moran
Version française de la couverture :
Jason24
Traduction :
Jedimax01
Correction :
Link224
Mise en page du document :
Link224
Pour toute remarques, suggestions ou demande de renseignements, contactez nous sur
[email protected]
Les Chrofuckers Oubliés, juin 2013
Tout le matériel contenu ici se base sur les informations qui sont la propriété exclusive de George Lucas, LucasFilm Limited, et des livres Ballantine /
Del Rey, des livres Fleuve Noir / Presses de la Cité et des Comics Dark Horse / Delcourt.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
La dernière déclaration du Compagnon Protecteur Jaster Mereel, connu plus tard sous le nom
de Boba Fett, avant son exil du monde de l’Aube de la Concorde :
Tout le monde meurt.
C’est la justice ultime et éternelle. Le mal existe ; c’est l’intelligence au service de
l’entropie. Lorsque le flanc d’une montagne se détache et écrase un village dans sa chute, ce
n’est pas l’œuvre du mal, car le mal découle d’une intention. Si le glissement de terrain est
provoqué par un être conscient, alors il s’agit bien du mal à proprement parler ; et la
conséquence directe de ce mal doit être la justice, pour que la civilisation puisse continuer
d’exister.
Il n’y a rien de plus important que la justice, et seule la loi au service de la justice est
une bonne loi. Il est dit, et à juste titre, que la loi existe non pas pour l’être juste mais pour
l’être injuste, car l’être juste porte la loi dans son cœur et n’a pas besoin de l’appeler de loin.
Je n’obéis à personne et ne sers que la cause.
— Jaster Mereel.
Le compagnon Mereel était assis dans sa cellule. Les premiers rayons de soleil
filtraient à travers les barreaux étroits d’une fenêtre située en hauteur.
Ses tibias étaient enchaînés ensemble pour l’empêcher de marcher ; une autre chaîne, à
laquelle ses poignets étaient attachés, entourait sa taille. Il était jeune, et il ne se leva pas
lorsque le Défenseur entra dans sa cellule. Il pouvait voir que son manque de courtoisie ne
plaisait pas à son invité.
Le Défenseur Iving Creel s’assit sur le banc en face de Mereel. Lui non plus ne perdit
pas de temps en politesse.
— Que devrais-je plaider ?
Mereel avait été dépouillé de sa tenue de Compagnon Protecteur. C’était un jeune
homme laid en apparence, qui portait son uniforme de prison avec dignité, comme si – à sa
manière – il constituait un uniforme à part entière. Il ne répondit pas tout de suite, préférant
étudier le plaideur du regard – comme si ce n’était pas ce jeune meurtrier arrogant qui était sur
le point de comparaître en justice aujourd’hui mais Iving Creel, se dit le plaideur non sans
embarras.
— Vous êtes Iving Creel, dit-il finalement. J’ai entendu parler de vous. Vous êtes
plutôt connu.
— Personne ne souhaite apprendre que tu as été traité injustement, dit Creel avec
froideur.
Le jeune homme esquissa un sourire déplaisant.
— Vous me déclarerez impénitent.
Creel le fixa du regard.
— Comprends-tu la gravité de ta situation, jeune homme ? Tu as tué un homme.
— Il l’avait cherché.
— Tu seras exilé, Jaster Mereel. Tu seras exilé et…
— Si je suis exilé, je pourrais toujours rejoindre l’académie impériale, dit Mereel. Je
pense que je ferais un bon soldat…
Creel l’interrompit :
— … et ils t’exécuteront si tu provoques leur colère. Est-ce si difficile pour toi de dire
que tu regrettes d’avoir pris la vie d’un homme si injustement ?
— Je regrette, dit Mereel. Je regrette de ne pas l’avoir tué un an plus tôt. La galaxie se
porte bien mieux sans lui.
Le plaideur Creel étudia le garçon et acquiesça lentement.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Tu as choisi ton plaidoyer. Tu as la possibilité, si tu le souhaites, de le changer à
tout moment avant l’heure du plaidoyer… Je t’encourage d’y réfléchir. Tu as tué un
Protecteur. Pour toi ce sera donc la prison ou l’exil. Quel que soit le déshonneur que cet
homme apporta à son uniforme, ce n’était pas à toi de décider de son sort. Mais c’est ton
arrogance qui provoquera ta mort avant la tombée de la nuit.
— Il ne faut pas trop s’attacher à la vie, plaideur.
Le jeune homme esquissa un sourire – un mouvement vain et presque imperceptible –
et le plaideur Iving Creel comprit qu’il se souviendrait toujours de ce sourire. L’accusé reprit :
— Tout le monde meurt un jour.
****
Les années passèrent.
La cible était jeune – plus jeune que l’homme qui s’était auto-baptisé Fett avait été
amené à croire. En effet, la cible de ce soir sortait à peine de l’adolescence. La chose n’était
pas un problème en soi. Fett avait déjà collecté des primes sur des enfants bien plus jeunes
que celui-là. Lors de ses premières collectes, peu après avoir quitté les rangs des soldats
impériaux, il avait traqué un garçon d’à peine quatorze ans d’âge standard. Le garçon avait
apporté le déshonneur sur la fille d’un riche homme d’affaires qui avait – même au vu de la
grande expérience de Fett – un penchant plutôt prononcé pour les châtiments. Fett savait que
la plupart des pères, sur la plupart des planètes, n’aurait jamais réclamé la mort d’un jeune
garçon même pour un tel comportement. Et la plupart des chasseurs de primes aurait refusé
une telle offre.
Mais Fett ne faisait pas partie de ceux-là. Les lois n’étaient pas les mêmes d’une
planète à l’autre, mais la moralité était la même partout. Il avait livré le garçon à ses
bourreaux et n’avait jamais regretté sa décision.
Aujourd’hui, des années plus tard, il se tenait dans l’obscurité de la Place de la
Victoire, dans la ville de Lente Agonie, sur la planète Jubilar. Ils observaient les spectateurs
prendre place pour assister à la Foire d’Empoigne Humaine du Secteur Régional Numéro
Quatre.
Le Place de la Victoire était un endroit gigantesque et peu éclairé portant le nom choisi
par le camp vainqueur d’une bataille ayant eu lieu lors des récentes guerres de Jubilar. La
place avait eu un autre nom il n’y avait pas si longtemps, et selon Fett, elle en aurait un autre
très bientôt. La guerre qui faisait rage à l’heure actuelle prenait une mauvaise tournure. Jubilar
avait été transformée en colonie pénitentiaire par une demi-douzaine de mondes situés dans le
voisinage stellaire. Les condamnés finissaient dans l’une ou l’autre armée selon le spatioport
dont ils étaient expédiés.
Les sièges de la Place étaient répartis sur un plan incliné circulaire qui entouraient un
ring à cinq côtés. Deux cents rangées de sièges levants séparaient Fett du ring. Il ne restait
plus que quelques minutes avant le début des combats et les spectateurs étaient encore en train
de prendre place le long des rangées. Il y avait déjà vingt mille personnes présentes dans la
place, des hommes pour la plupart.
Fett n’était pas pressé. Il pointa les lunettes macrobinoculaires de sa visière sur le ring
ainsi que sur ses alentours, et se prépara à attendre patiemment que le combat se termine.
****
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Le jeune Han Solo regarda le préposé au ring – un Bith – nettoyer le sang versé lors du
combat précédent, qui avait eu lieu hors du ring, et se demanda comment il avait pu se mettre
dans une telle pagaille.
À vrai dire, se demander n’était pas le terme le plus approprié, puisqu’il avait un
souvenir plutôt douloureux des événements qui l’avaient amené jusqu’ici. Ce qu’il se
demandait, en revanche, c’était comment il avait pu être assez stupide pour se mettre dans une
situation pareille. Han se tenait dans la galerie avec trois autres combattants. Il regarda le
personnel astiquer le tatami ensanglanté sur lequel il combattrait bientôt et se jura que s’il se
sortait vivant de ce cauchemar, il apprendrait à compter les cartes si bien que personne ne le
prendrait plus jamais en flagrant délit.
Et puis comment un homme de passage était censé savoir que sur la planète où il se
trouvait, tricher aux cartes était un crime ?
— Un crime, marmonna Han à voix haute.
Il jeta un regard de côté, puis leva les yeux… et les leva encore… en direction des
combattants qui se tenaient à côté de lui.
— Pourquoi on t’a envoyé sur Jubilar ?
L’homme baissa les yeux vers Han et parla d’une voix lente :
— J’ai tué un mec.
Han détourna le regard.
— Ouais… moi aussi, dit-il après avoir décidé que le mensonge lui permettrait de ne
pas perdre la face devant son opposant. J’ai tué des tas de gens.
Le préposé au ring lourdement armé qui se tenait derrière les quatre combattants
grogna :
— La ferme.
Han perçut un mouvement du coin de l’œil. Il se pencha légèrement en avant et jeta un
coup d’œil sur la droite. Un homme… en gris. Une sorte d’armure de combat de couleur grise.
L’homme semblait être en train d’observer le ring.
****
Ce n’était pas le ring que Boba Fett était en train d’observer. C’était un jeune
entrepreneur du nom d’Hallolar Voors, qui était assis entre deux belles femmes habillées de
façon impeccable ; un jeune entrepreneur qui n’aurait pas le temps de goûter aux charmes de
ces deux belles créatures.
****
Malgré son jeune âge, Han Solo pouvait se vanter d’avoir une certaine expérience.
— Ca, c’est une armure de combat Mandalorienne. Mais qui…
Les sons étouffés de la foule s’élevèrent et noyèrent le reste de ses paroles.
Le préposé au ring hurla de manière à couvrir le bruit.
— Place au combat, bande de dégénérés ! Place au combat !
****
De là où il se tenait, c’est-à-dire loin au-dessus du ring, Boba Fett observa les
combattants émerger de la galerie et monter sur le ring à cinq côtés. Quatre était un nombre
courant dans ce genre de combat. L’annonceur se tenait dans le cinquième angle, attendant
patiemment que les combattants ôtent leurs tenues et prennent position tandis que les
hurlements retentissants de deux mille spectateurs résonnaient à travers la place.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Les holo-caméras installées tout autour du ring diffuseraient la rencontre sur tous les
réseaux de la planète.
Trois des combattants ressemblaient tout à fait à ce que Fett avait imaginé : trois
colosses qui avaient de toute évidence choisis de se battre dans l’arène pour éviter d’être
enrôlés dans l’armée. Le quatrième, en revanche, l’étonnait beaucoup. Fett agrandit l’image
retransmise par sa visière et le visage de l’homme apparut en grand.
Fett fut surpris pendant un moment. Le combattant semblait être en train de regarder
droit dans sa direction. Il régla ses lunettes macrobinoculaires sur un angle de vue plus large,
et de manière intéressante il comprit que son impression était justifiée. L’homme était bel et
bien en train de le fixer du regard. Tandis que ses adversaires s’échauffaient dans leur coin, le
jeune combattant ôta lentement sa robe de cérémonie, le regard fixé sur l’endroit où Fett se
tenait, bien au-delà des projecteurs du ring.
Il était jeune – plus jeune que la cible de Fett.
Ce n’est pas le bon jour pour être jeune, vif, et prometteur, se dit Fett.
L’annonceur se plaça au centre du ring et leva les deux mains en montrant ses paumes.
Sa voix résonna à travers la place et capta l’attention du public :
— Place à l’élimination finale ! Les règles sont les suivantes. Pas de coups portés aux
yeux, à la gorge, ou à l’entrejambe. Aucune mort intentionnelle. Il… n’y a… pas…
d’autres… règles.
Il marqua une pause et reprit par-dessus les acclamations de la foule :
— Il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur !
L’annonceur descendit du ring et, malgré lui, Fett sentit son pouls s’accélérer en même
temps que ceux des autres spectateurs. Comme tout le monde, il attendait que l’on baisse son
drapeau pour signaler le début du combat.
Il y avait des moments où Fett appréciait la vie. Il n’était guère vieux lui-même, et il y
avait des nuits comme celle-là où il était bon d’être jeune, vif, et prometteur. Cette pensée fit
sourire Fett – un sourire masqué par son casque.
Le drapeau bleu foncé se détacha des chevrons pour tomber sur le ring.
Les trois colosses fondirent tous sur le jeune combattant…
****
Boba Fett dit :
— Des épices ?
La cible, Hallolar Voors, dit :
— En effet, monsieur Fett. Des épices. Dix-huit boîtes. Et si vous vous sentez
d’attaque, nous pouvons vous en livrer une deuxième cargaison.
Fett hocha la tête comme s’il était en train de prêter attention à ce que lui disait Voors.
Les combats venaient de prendre fin, et il marchait avec Voors dans un gigantesque entrepôt
peu éclairé et apparemment désert, situé à la lisière du Quartier du Bourreau. Le Quartier du
Bourreau était un taudis situé à la lisière de Lente Agonie. Fett n’était nullement impressionné
par l’imagination dont les habitants de Jubilar faisaient preuve, mais il devait admettre qu’ils
savaient faire preuve de qualité.
Voors avait remplacé ses deux charmantes compagnes par un duo de gardes du corps
armés jusqu’aux dents. Les deux hommes les suivaient à la trace.
— Ça fait longtemps que les Hutts contrôlent le trafic d’épices dans ce secteur,
observa Fett. Comment avez-vous fait pour trouver une source indépendante ?
Voors adressa un sourire à Fett. Fett, qui était pile face à l’homme, étudia le sourire à
travers l’écran tactique de son casque. L’écran tactique lui offrait une vue à trois-cent soixante
degrés de son environnement. Fett se demanda si Voors le savait, ou si son sourire n’était
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
qu’une simple habitude. En tout cas, le chasseur de primes devait l’admettre, ce sourire était
aguicheur.
L’armure mandalorienne à elle seule suffisait à déranger les gens, mais Fett avait
découvert qu’elle les dérangeait davantage lorsqu’il leur parlait sans les regarder ; et faire
croire aux autres qu’il était aveugle à ce qui se passait autour de lui jouait en sa faveur.
D’après Fen, Voors n’était pas le genre d’hommes à s’y connaître en armure de
combat mandalorienne. En fait, dans cette situation l’habit semblait faire le moine. Voors était
le fils d’un riche homme d’affaires local. C’était un jeune homme séduisant portant des
vêtements onéreux, affichant toujours un large sourire, mais il était persuadé qu’il était taillé
pour jouer dans la cour des grands – ce qui était faux.
— Ma source est… privée, dit Voors. Et elle désire le rester, je le crains.
Fett acquiesça. Il s’en fichait.
Peu après, ils atteignirent une zone vaste et relativement déserte. L’emplacement était
plus éclairé que les allées qu’ils venaient d’arpenter, et les lunettes macrobinoculaires de Fett
diminuèrent automatiquement le gain de l’image que lui renvoyait sa visière. Grâce à son
casque, Fett voyait la scène comme en plein jour.
Trois rangées de six boîtes en plastique étaient posées en plein milieu de la zone
inoccupée. Les caisses étaient larges et faisaient la moitié de la taille d’un homme. Fett en
pointa une au hasard.
— Ouvrez celle-là.
L’un des gardes du corps situé derrière Fett adressa un regard à Voors. Ce dernier
acquiesça aussitôt. La lumière de l’entrepôt changea et devint rouge sombre. Les épices
avaient tendance à réagir à la lumière blanche. Le garde du corps s’avança, s’agenouilla, et
saisit les deux verrous qui maintenaient la fermeture de la caisse. Derrière Fett, il n’y avait
plus qu’un seul garde du corps, situé légèrement sur sa gauche.
Fett fit un pas en avant et se pencha pour observer le contenu de la caisse. Ça
ressemblait bien à des épices. Il tendit la main et en prit une poignée.
— Refermez la caisse et remettez la lumière blanche.
L’éclairage changea de nouveau… et en effet, c’était bien des épices. Fett répandit
l’échantillon qu’il avait dans la main au sommet de la caisse, et le petit tas de poudre se mit à
scintiller à la lumière, s’enflammant et vacillant tandis que la substance réagissait à la
lumière. De la main gauche, Fett appuya discrètement sur un bouton de se ceinture, libérant
une neurotoxine, et continua son mouvement jusqu’à joindre les deux mains, comme si son
geste était innocent et mécanique. Il ôta son gant et tendit la main en l’air.
— Ça vous dérange si je sens le produit ? Les vraies épices ont une odeur à la fois âcre
et douce…
Voors jeta un regard à ses gardes du corps et répondit :
— Si vous insistez.
Fett leva la main, comme pour enlever son casque, et vit les trois hommes le regarder
d’un air fasciné. Un autre avantage de l’armure. Ôter son casque était devenu un acte presque
théâtral pour Fett. Une fois la main posée à la base de son casque, il marqua une pause et se
détendit.
— Juste une question.
Il baissa légèrement la main.
— Vous n’avez jamais de problèmes de conscience ?
Voors le regarda fixement.
— Vous plaisantez ? Pour des épices ?
— Vous n’en avez jamais ? reprit Fett d’une voix qui semblait toujours si rude. Vous
qui contribuez au trafic d’épices ?
Voors répondit d’un ton légèrement hésitant :
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Ce truc n’est même pas addictif. Et il est même prescrit par les médecins dans
certains cas…
Le garde du corps le plus proche de Fett avait l’air surpris. Il secoua la tête et cligna
des yeux.
— Les substances non-addictives mènent souvent à l’abus de substances addictives.
Ça ne vous gène pas ?
Voors prit une profonde inspiration et s’écria :
— Non, ça ne me gène pas ! Ma conscience est…
Il ferma la bouche, puis l’ouvrit de nouveau comme pour reprendre sa phrase là où il
l’avait laissée.
Le garde du corps qui se trouvait derrière Fett était le plus éloigné de la neurotoxine.
Fett pivota, dégaina son blaster de la main gauche, et abattit l’homme avant qu’il n’ait eu le
temps de dégainer son arme. Le rayon d’énergie toucha le garde à l’estomac. L’homme, qui
agrippait encore son arme, chancela en arrière. Fett s’avança, et tandis que le garde
s’effondrait, il brandit son arme et décocha un tir au niveau de sa gorge – pour faire bonne
mesure.
Le chasseur de primes se retourna vers la cargaison d’épices. Voors et son dernier
garde du corps étaient toujours là. Bien sûr, ils n’étaient pas encore morts. Ils finirent par
tomber à terre et Fett vint se tenir au-dessus d’eux. Les capteurs incrustés dans son casque
étaient en train d’enregistrer les derniers moments de la cible. Jabba voudrait certainement
avoir un enregistrement vidéo de la scène. C’était l’une des premières missions que Fett
accomplissait pour le compte des Hutts, mais Fett savait comment fonctionnaient les Hutts.
Jabba paierait sûrement un extra pour ces images.
Il remit son gant sur main droite. Cette dernière était déjà engourdie jusqu’au poignet à
cause de l’exposition à la toxine qu’il avait lui-même libérée.
Une fois qu’ils eurent cessés de gesticuler, Fett s’approcha d’eux pour obtenir une
meilleure image. Il se pencha légèrement au-dessus des corps pour offrir à ses capteurs vidéo
le meilleur angle possible. La peau pâle du garde du corps était devenue bleue. Celle de
Voors, habituellement mate, était devenue violette. La langue d’Hallolar Voors était enflée et
occupait l’espace situé entre ses dents. Fett se dit que Jabba apprécierait cette petite touche.
Quelques instants plus tard, Fett se redressa et s’éloigna, mettant une bonne douzaine
de pas entre lui et les dix-huit caisses d’épices.
Il saisit le lance-flamme qu’il portait en bandoulière et arrosa la cargaison d’épices
pendant un temps qui lui sembla anormalement long.
Le Hutt ne l’avait pas payé pour brûler les épices, mais Jabba ne l’avait pas payé pour
ne pas le faire non plus, et il y avait des choses qui ne nécessitaient aucune contrepartie
financière. Lorsqu’il ne resta plus qu’un tas de débris fondus au milieu de l’entrepôt, Boba
Fett, qui estimait être un homme juste, remit son lance-flamme en bandoulière, se retourna, et
se dirigea calmement vers la sortie de l’entrepôt pour disparaître dans la nuit noire et
silencieuse, l’esprit tourné vers un futur plein de promesses.
****
Quinze années passèrent.
Boba Fett était à bord du Slave I, suspendu au-dessus de l’écliptique du système Hoth
et de sa ceinture d’astéroïdes mortelle. L’activité des moteurs et des boucliers du vaisseau
étaient réduits au minimum, ne laissant que le bourdonnement provoqué par l’alimentation
des instruments et les systèmes de survie. Fett sonda le système et fut content de savoir qu’il
avait devancé les impériaux.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Si Fett avait vu juste, quelque part là-bas, sur la planète Hoth, se trouvait le quartier
général de la Rébellion. Fett se moquait de la Rébellion. Les rebelles étaient perdus de toute
façon, et le jour et la manière dont ils disparaîtraient ne l’intéressaient pas. L’Empire
s’occuperait d’eux. Fett, de son côté, pourchassait des proies bien plus petites et bien plus
rentables.
Pour trouver Han Solo, il fallait trouver les rebelles.
Le message hyperspatial que les impériaux avaient transmis était bref et allait droit au
but. Il annonçait un assaut dévastateur sur la base rebelle et offrait une prime de quinze mille
crédits à tous les chasseurs qui les aideraient à traquer les rebelles tentant de fuir les lieux.
Quinze mille crédits étaient une somme bien maigre comparée aux dépenses
semestrielles de Fett. Mais là où il y avait des rebelles…
Il n’y avait pas si longtemps, la prime offerte par Jabba le Hutt pour la tête de Han
Solo était montée à cent mille crédits. C’était l’une des six plus grandes primes que Fett ait
jamais connue, et même si ça ne plaçait pas Solo au même niveau que le Boucher de
Montellian Serat, dont la prime s’élevait à cinq millions de crédits, ça allait tout de même
dans la bonne direction.
Il régla ses capteurs sur Hoth en sollicitant la plus haute résolution disponible et
paramétra l’ordinateur de bord pour qu’il le réveille au cas où le Faucon Millenium passait par
là.
S’enfonçant dans son siège, le casque posé sur ses genoux, Fett ferma les yeux et se
laissa emporter par le sommeil.
****
L’alarme de proximité hyperspatiale le tira de son sommeil.
Fett ouvrit les yeux et observa ses instruments. Ses capteurs avaient relevé des signaux
faibles et confus en provenance de Hoth, des signaux qui auraient très bien être de simples
bruits de fond – exceptés qu’ils ne l’étaient pas. Cependant, ce n’était pas pour cette raison
que l’alarme s’était mise à hurler.
Les instruments indiquaient que des vaisseaux étaient en train d’émerger
d’hyperespace – de gros vaisseaux ; autrement dit des Destroyers Stellaires ; autrement dit
l’Empire. Fett triangula ses données et jura dans sa langue natale. Hoth se trouvait entre lui et
les vaisseaux récemment arrivés. De vrais idiots, se dit Fett.
S’ils avaient réussi à déclencher les alarmes du Slave I depuis leur point de sortie,
alors les rebelles présents à la surface de Hoth avaient eux aussi été réveillés par leurs alarmes
intra-système.
Quelqu’un avait fait une sacrée bourde, et connaissant Vador, ce quelqu’un paierait le
prix fort – Fett en était certain.
Le Slave I était suspendu au-dessus de l’écliptique, et Fett fit ce qu’il put pendant que
l’inévitable bataille commençait. Il enclencha les moteurs et se rapprocha de Hoth. Lorsque le
Faucon quitterait la surface de la planète – à condition qu’il le fasse – il quitterait l’orbite à
toute vitesse. Fett n’aurait pas de deuxième chance.
Flottant au-dessus de Hoth, il prit position sur l’écliptique, loin au-dessus de la
bataille, et attendit. Il n’y avait rien d’autre à faire pour le moment. S’il y avait une chose que
Fett avait apprise au cours de sa carrière de chasseur de primes, c’était que la patience portait
toujours ses fruits. Il n’avait certainement aucun intérêt à prendre part aux combats. Des
décharges de canon ionique jaillissaient de la surface de Hoth. Couverts par les tirs de canons
orbitaux, plusieurs vaisseaux de transport rebelles quittèrent la surface de Hoth et s’enfuirent
à travers l’hyperespace. À cette distance, et malgré les dispositifs d’amélioration d’image de
ses instruments, les capteurs visuels de Fett pouvaient à peine distinguer les infimes détails
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
sur l’envergure et sur la forme des vaisseaux. Mais les relevés étaient suffisamment détaillés
pour savoir que le Faucon Millénium ne figurait pas parmi eux. Fett aurait reconnu le cargoYT entre mille.
Une vague de vaisseaux de transport. Une vague de chasseurs stellaires. Une autre
vague de transports… une autre, et encore une autre.
La cadence de tir du canon à ions situé à la surface de la planète était devenue plus
sporadique. À la surface, les impériaux avaient probablement capturé certaines places
d’armes. Fett attendait, luttant contre l’impatience. Les vaisseaux de transport s’étaient enfuis,
et des chasseurs stellaires parvenaient occasionnellement à passer entre les mailles du filet
tendu par les impériaux, avant de sauter en hyperespace. Pourtant, toujours aucun signe du…
Là.
Soit c’était le Faucon, soit c’était une hallucination. Pianotant sur ses commandes, Fett
enclencha les moteurs du Slave I et se lança à la poursuite du cargo corellien. L’ordinateur de
bord calcula plusieurs trajectoires, et Fett dût faire une dizaine de choses en même temps :
charger le générateur de champ tracteur, dériver l’énergie vers les boucliers déflecteurs,
identifier la trajectoire estimée du Faucon et programmer une trajectoire d’interception. Il
fallait qu’il les rattrape avant qu’ils ne sautent en hyperespace, tout en évitant les tirs des
artilleurs impériaux à la gâchette facile.
Fett jura pour la deuxième fois en un jour – à voix haute, cette fois-ci. Il n’arriverait
pas à les attraper.
Le Slave I fila à toute vitesse à travers l’espace, loin au-dessus du système Hoth, mais
le temps lui manquait, et les trajectoires calculées par l’ordinateur de bord allaient dans ce
sens. Hoth était un monde de glace situé bien loin de son soleil. Dans ce secteur, le gradient
de gravité était plus petit que la normale pour un monde habitable par les humains. Le Faucon
sauterait en hyperespace d’un moment à l’autre.
D’un moment à l’autre. Le cargo corellien était poursuivi par un Destroyer Stellaire et
par ce qui ressemblait à un escadron entier de chasseurs TIE.
Et la règle numéro un disait : aucune prime n’est valable si l’on est mort. Le Destroyer
Stellaire et les chasseurs TIE faisaient pleuvoir des tirs en direction du Faucon Millénium,
plongeant le vaisseau dans un torrent de rayons de lasers, et il était impossible pour Fett de se
rapprocher de sa proie sans être pris dans le déluge de tirs.
D’un moment à l’autre…
Quelque chose ne tournait pas rond. Le Faucon n’avait toujours pas sauté en
hyperespace.
Fett vérifia de nouveau la trajectoire que son ordinateur de bord avait fait correspondre
au Faucon, et la trajectoire était correcte. Les gravimétriques étaient valides, les vecteurs
étaient valides, et le Faucon aurait dû faire le saut depuis longtemps.
Un problème avec leur hyperdrive, se dit Fett.
Et il avait raison. Le Faucon vira de bord…
…pour se diriger droit vers la ceinture d’astéroïdes du système Hoth.
Fett coupa les moteurs du Slave I et se contenta d’observer le Faucon plonger dans le
champ d’astéroïdes. Solo était désespéré. Fett, lui, ne l’était pas. Du moins, pas assez pour
précipiter le Slave I dans cet amoncellement instable de blocs en pierre et en fer.
Les cent mille crédits pouvaient attendre. Un mort n’avait que faire de son argent.
Toujours installé aux commandes de son vaisseau, Fett se pencha légèrement en avant,
se disant que les événements de cette journée avaient été l’occasion pour les impériaux
d’illustrer parfaitement leur stupidité :
Les chasseurs TIE avaient décidé de suivre le Faucon dans le dédale d’astéroïdes.
Fett s’enfonça dans son siège en secouant la tête d’un air sceptique. Il était clair
qu’aucun de ces pilotes n’avait la moindre idée de ce qu’était une analyse de coûts.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Après un long moment d’attente, il redirigea ses capteurs vers l’intérieur du système et
reconnut la forme incontestable du Super Destroyer Stellaire de Dark Vador : l’Executor.
Il héla le vaisseau-mère, reçut confirmation, et programma un nouveau cap.
****
Ils l’emmenèrent voir Dark Vador.
Vador se tenait sur la passerelle, observant les vestiges de la bataille. Devant lui, les
étoiles brillaient et les astéroïdes flottaient au beau milieu du ciel noir. Vador ne se tourna pas
pour regarder Fett ; il ne gaspilla aucune parole en salutation, et comme toujours sa voix
profonde semblait être davantage l’œuvre d’une machine que celle qu’un homme.
— Comment avez-vous su ?
Avant de répondre, Fett parcourut la passerelle du regard. Les hommes d’équipages
étaient si occupés à remplir leurs fonctions – ou si occupés à les feindre – qu’aucun d’eux
n’avait levé les yeux pour le regarder. Et comme d’habitude, Fett se sentit touché par une
admiration certaine mais néanmoins discrète envers la manière dont Vador commandait ses
troupes.
— Ce sont vos hommes qui me l’ont dit, répondit Fett après un moment. En substance.
Ils nous ont communiqués un point de rendez-vous en espace interstellaire. À partir de là, je
savais que votre flotte ne serait pas loin. J’ai comparé les coordonnées aux relevés
cartographiques que j’ai réalisés dans ce secteur.
Il haussa les épaules et reprit :
— Une planète trop chaude, une autre trop froide, une troisième au climat tempéré
mais déjà investie par la colonie minière de Lando Calrissian. Il ne restait plus que Hoth.
— Ainsi, vous connaissez bien le secteur.
Fett se doutait que le commentaire de Vador ne nécessitait aucune réponse. Aussi
décida-t-il de ne rien dire. Vador, qui lui tournait toujours le dos, hocha la tête comme si Fett
lui avait répondu, et reprit :
— Les autres chasseurs de primes ne vont plus tarder. Je vous expliquerai la situation
lorsqu’ils arriveront.
Fett fit un pas en avant.
— Combien ?
Vador demeura silencieux pendant un moment et dit :
— Je me moque des autres fuyards. Cent cinquante mille crédits pour Solo. La même
somme pour Leia Organa. Vous les trouverez probablement ensemble.
Il tourna légèrement la tête et dit enfin :
— Aucune désintégration.
L’escorte de Fett fit un signe de la main. Fett haussa les épaules, se tourna, et suivit
son escorte hors de la passerelle. Vador était un client des plus difficiles. Ce qu’il voulait,
c’était des prisonniers vivants, pas des cadavres, ou même des photos de cadavres. Aucune
désintégration. C’était ce qu’il disait à chaque fois qu’il contactait Fett pour un travail, ayant
toujours en mémoire les événements du premier incident.
****
Une fois le briefing terminé, Fett et ses concurrents furent séparés et reconduits à leurs
vaisseaux respectifs.
L’escorte de Fett était visiblement mal à l’aise en sa présence – ce qui convenait
parfaitement à Boba. Fett n’avait jamais vu ou visité un vaisseau plus grand que celui de
Vador. Il leur fallut presque cinq minutes pour couvrir la distance entre la passerelle de
11
BOBA FETT : LE SURVIVANT
commandement et le hangar d’appontage où le Slave I l’attendait. Comme à son habitude, Fett
n’était pas d’humeur à discuter avec qui que ce soit, encore moins avec un troufion de la
marine impériale.
Ils passèrent la station de contrôle des navettes et se dirigèrent vers le vaisseau de Fett.
À mi-chemin, l’impérial dit :
— On dit que vous êtes le chasseur de primes préféré du Seigneur Vador.
Fett s’arrêta net. Il demeura silencieux et fixa l’homme du regard suffisamment
longtemps pour intensifier le sentiment de gêne de l’officier.
— C’est exact.
Fett se tourna et reprit sa route. L’impérial dut se dépêcher pour ne pas se laisser
distancer.
Soit cet homme était stupide – et la stupidité était monnaie courante chez les officiers
de la marine impériale – soit sa curiosité dépassait sa témérité. Il ne réalisait pas qu’il aurait
dû s’en tenir à la réponse que Fett lui avait donnée.
— On dit aussi que vous connaissez la cible. Ce gars, Solo, celui qui a aidé Skywalker
à faire sauter l’Etoile de la Mort. On dit que vous le connaissez bien.
Fett continua sa marche sans donner la moindre réponse. Finalement, non sans
réticence, il dit :
— Je l’ai vu combattre une fois.
— Où ça ?
Pour une raison qu’il ignorait lui-même, Fett lui répondit :
— Il y a bien longtemps. Il s’est retrouvé forcé de participer à la foire d’empoigne
humaine sur Jubilar.
À sa propre surprise, Fett reprit :
— Il était jeune et il n’avait aucune chance. Et pourtant, il est arrivé jusqu’en finale.
Vous avez déjà assisté à la foire d’empoigne de Jubilar ?
L’escorte secoua la tête.
— Je n’ai même jamais entendu parler de cette planète.
C’était comme écouter quelqu’un d’autre parler. Les mots sortaient de la bouche de
Fett comme s’il n’y pouvait rien.
— Ils font entrer quatre combattants sur le ring. Généralement, les quatre combattants
sont de la même espèce, afin d’assurer un combat plus équitable.
Fett esquissa un bref sourire en repensant aux combats auxquels il avait assisté sur
Jubilar. C’était la première fois depuis des années que Boba Fett souriait.
— Plus équitable, dit-il à nouveau. D’habitude, trois des combattants s’allient contre
celui qu’ils considèrent être le plus faible – dans ce cas, Han Solo. Comme je te l’ai dit, Solo
était encore jeune. Bref. Dans ces combats, les plus forts mettent le plus faible K.O avant de
s’affronter entre eux, et la victoire revient au dernier homme encore debout.
— Ils ont réussi à le mettre K.O ? Han Solo ?
Fett s’arrêta de nouveau et adressa un regard de travers à l’officier – un simple
mouvement de tête qui permit à l’impérial de regarder droit dans la visière noire du chasseur
de primes.
La voix de Fett sonna comme une attaque lorsqu’il dit :
— Il a gagné. C’est l’un des actes les plus courageux que je n’ai jamais vu.
Il marqua une pause.
— C’est avec plaisir que je collecterai la prime sur sa tête.
L’impérial dut lutter pour se remettre de ses émotions.
— Oui…je n’en doute pas.
Fett secoua la tête, comme pour clarifier ses idées. Il se tourna et reprit sa route le long
du corridor, à un pas peut-être plus rapide.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Ça faisait des années qu’il n’avait pas eu de telle conversation avec qui que ce soit,
encore moins concernant un sujet autre que les affaires.
****
Les mois passèrent à une vitesse incroyable, et lorsque tout fut fini, Boba Fett devint
peut-être le chasseur de primes le plus célèbre de la galaxie.
C’était une période pleine de gens, et dans la mémoire de Fett, les événements se
mélangeaient les uns aux autres. Après la bataille de Hoth, Solo avait dissimulé le Faucon
dans un sillon de déchets que les impériaux avait largué dans l’espace, s’était détaché juste
avant le saut en hyperespace, et avait ainsi échappé aux impériaux. Un tour habile qui pouvait
fonctionner avec la plupart des chasseurs de primes. En tout cas, il avait fonctionné avec les
concurrents directs de Fett.
Mais Boba Fett s’était déjà fait avoir par cette ruse dans le passé. Aujourd’hui, il était
plus expérimenté et plus ancien que la plupart de ses concurrents, et il avait fait face à
pratiquement tous les subterfuges possibles et imaginables. Le générateur hyperdrive du
Faucon étant endommagé, ils n’avaient eu qu’un seul endroit où aller. Fett se rendit dans la
Cité des Nuages, où Lando Calrissian conclut le marché qui lui offrit Solo sur un plateau de
carbonite.
Han Solo étant congelé dans la carbonite, Fett mit le cap sur Tatooine. Là-bas, Jabba
lui offrit non pas cent mille crédits, mais cinq cent mille pour la sculpture de Solo, un contrat
de travail de quelques mois, et les dédommagements liés aux divers désagréments du voyage.
Et peu de temps après ça, les sauveteurs commencèrent à arriver. Leia Organa, se
faisant passer pour un chasseur de primes, se présenta au Palais de Jabba avec un prisonnier
wookiee du nom de Chewbacca. Fett n’imaginait même pas ce que la princesse Alderaanienne
avait en tête pour obtenir la mort de celui qui avait livré Han Solo aux Hutts. En tout cas, les
plans d’Organa échouèrent. Le Hutt jeta Solo et Chewbacca au cachot, en attendant de les
exécuter, et Leia Organa passa plusieurs jours enchaînée au pied du trône de Jabba.
Fett se trouvait dans les quartiers obscurs que Jabba lui avait assignés, au plus profond
de son palais. Il était allongé sur une couchette, toujours vêtu son armure, et son regard était
fixé au plafond. Son casque était posé sur son torse, et l’air frais brassé par les ventilateurs
soufflait sur lui de manière rythmée.
Quelqu’un vint marteler sa porte.
Fett se redressa, remit son casque, et saisit son fusil d’assaut. Ces gestes étaient
devenus si machinaux qu’ils les faisaient presque inconsciemment. Il ôta le verrou de la
serrure, recula de plusieurs pas et pointa le canon de son fusil en direction de la porte. Il
n’alluma pas la lumière.
— Entrez.
La porte s’ouvrit en produisant un long grincement, comme si la personne située de
l’autre côté était réticente à l’idée d’entrer à l’intérieur. Deux gamorréens se tenaient dans le
couloir à l’extérieur. Fett pointa son arme dans leur direction.
— Qu’est-ce que vous voulez ?
L’un des gardes se déporta sur le côté, et poussa une silhouette humaine à l’intérieur.
Instinctivement, Fett resserra la prise qu’il avait sur sa gâchette, mais il n’ouvrit pas le feu.
— De la part de Jabba, grogna le garde le plus proche. Amuse-toi bien.
Fett tendit une main derrière lui, pressa l’interrupteur qui commandait la lumière, et
sous une douce lumière blanche qui inonda la pièce, il posa les yeux sur Leia Organa,
princesse d’Alderaan.
Elle se redressa et se replia dans un coin de la pièce, manifestement essoufflée. Fett se
dit qu’elle avait dû se débattre lorsque les gardes l’avaient amenée ici.
13
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Si vous osez me toucher…
Sa voix lui fit défaut. Elle se tenait là, tremblante, et parvint enfin à reprendre la
parole :
— Vous posez la main sur moi et l’un de nous deux va mourir.
Fett baissa lentement son fusil et parcourut la pièce du regard. Il avait emmené très
peu de choses au palais. Tout ce qu’il possédait, ce qui était déjà peu de choses, se trouvait à
bord du Slave I. Finalement, il pointa un doigt en direction du drap mince qui couvrait son lit.
— Couvrez-vous. Je ne vais pas vous toucher.
Organa, qui était vêtue d’un costume peu habillé que Jabba lui avait assigné, se
déplaça de côté, se pencha, et saisit le drap. Lorsqu’elle eut fini de s’enrouler dedans, elle se
replia de nouveau dans le coin de la pièce le plus éloigné de Fett.
— Ah oui ?
Fett secoua la tête. Sans faire de geste brusque, il alla s’asseoir dans le coin opposé et
posa son fusil sur ses genoux. Il devait se mouvoir avec prudence. Ces dernières années, l’état
de ses genoux avait empiré.
— Le sexe en dehors du mariage est une chose immorale, dit Fett.
— Oui, répondit Organa. Tout comme le viol.
Fett acquiesça.
— Tout comme le viol.
Tandis qu’il l’observait, il réalisa qu’il se trouvait dans ce qu’il considérait être un
silence confortable. Organa était installée dans le coin opposée, soigneusement couverte du
drap que Fett lui avait confié. Fett appréciait la modestie de la princesse, mais ça ne
l’empêchait pas de l’observer attentivement. Boba Fett n’avait jamais réellement serré une
femme dans ses bras, et plus le temps passait, moins il en avait envie. Mais pour Fett, la
chasteté ne faisait pas moins de lui un homme, et la princesse, échevelée et essoufflée à la
suite de sa lutte, offrait une vue charmante.
Elle ajusta le drap par-dessus son corps, se repliant davantage dans son coin pour
conserver un peu de chaleur.
— Vous allez appeler les gardes pour qu’ils me renvoient à Jabba ?
— Et insulter Jabba ? Je ne crois pas, non. Il vous donnerait en pâture à son rancor, et
il m’en voudrait éternellement. Vous repartirez au lever du jour.
La princesse avait repris son souffle.
— Et en attendant, on va rester assis là. Toute la nuit.
— Le sol est en pierre. Vous pourriez attraper froid. Je vous laisse le lit, si vous le
voulez.
Le doute était lisible sur le visage d’Organa.
— Et en attendant, vous allez rester assis là. Toute la nuit.
— Je ne vous ferai aucun mal. Je ne vous toucherai pas. Dormez, si vous voulez. Ou
ne dormez pas, je m’en moque.
Le silence s’abattit sur la pièce. Fett observait la princesse. Cette dernière posa la tête
contre le mur en pierre, puis la redressa pour lui rendre son regard.
Le temps passa. Ses yeux étaient toujours ouverts, mais il n’était qu’à moitié éveillé
lorsque la princesse s’écria :
— Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Pourquoi est-ce que vous vous battez pour
eux ?
Fett changea de position, étirant légèrement ses membres. Le fusil posé sur ses genoux
était aussi immobile qu’un caillou.
— Pour un demi-million de crédits, lui dit-il sur un ton informatif. C’est la somme que
Vador et le Hutt m’ont promis en échange de mes services.
14
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Tout ça pour de l’argent ? Nous pouvons vous payer. Aidez-nous à fuir cet endroit
et nous vous paieront…
— Combien ?
— Plus que vous ne pouvez l’imaginer.
Fett était amusé par l’audace dont Organa faisait preuve, essayant de l’acheter icimême, au plus profond du château de Jabba le Hutt.
— Je peux imaginer beaucoup de choses.
— Vous l’aurez.
C’était cruel de laisser la princesse nourrir tant d’espoir.
— Non. Ce que vous faites est moralement répréhensible. Les rebelles sont dans
l’erreur, et la Rébellion échouera.
Leia Organa ne pouvait masquer l’indignation dans sa voix.
— Moralement répréhensible ? Nous ? Nous nous battons pour nos foyers, pour nos
familles, pour nos êtres chers, ceux qui sont encore en vie et ceux que nous avons perdus.
L’Empire a entièrement détruit ma planète. Virtuellement tous ceux que je connaissais depuis
mon enfance…
Fett se pencha légèrement en avant.
— Ces mondes se sont rebellés contre un pouvoir qui a été légalement instauré. C’était
le droit le plus strict de l’empereur de les détruire en représailles. Ils menaçaient le système de
justice social, le même système qui permet à la civilisation d’exister.
Il marqua une pause et reprit :
— Je suis navré pour la mort de tous ces innocents, mais c’est la guerre, Leia Organa.
Les guerres ont toujours fait couler le sang des innocents, et les vôtres n’auraient jamais dû
commencer celle-là.
Il se tut brusquement. Toute cette conversation lui irritait la gorge.
De toute façon, ses paroles semblaient avoir laissé Organa sans voix. Pendant
plusieurs minutes, elle détourna les yeux, fixant son regard sur le mur en pierre. Lorsqu’elle
reprit enfin la parole, sa voix était calme et son regard toujours fuyant.
— J’ai du mal à croire que vous pensez réellement ce que vous dites. J’ai entendu
Luke – Luke Skywalker, je suis sûr que vous avez déjà entendu parler de lui – je l’ai entendu
parler du côté obscur…
À sa plus grande surprise, Fett rit.
— Cette superstition de Jedi ? Chère princesse, je n’ai jamais rien vu qui prouve
l’existence de la Force, et je doute qu’elle existe.
Cette fois, la princesse le regarda droit dans les yeux et dit :
— Vous me rappelez un peu Han Solo. Lui non plus ne croyait pas…
Soudain, Fett haussa la voix :
— Je n’ai rien à voir avec Han Solo. Ne le comparez pas à moi.
Leia prit une lente et profonde inspiration.
— D’accord. Je ne voulais pas vous vexer.
Fett se pencha de nouveau en avant.
— Vous savez au moins ce que cet homme a fait dans sa vie ? Et je ne parle pas des
honnêtes citoyens de l’Empire que lui et vous avez tués durant votre rébellion. La guerre c’est
la guerre, et peut-être que vous pensez vous battre pour la justice. Mais Solo ? Bien sûr, c’est
un homme courageux. Mais c’est aussi un mercenaire qui n’a jamais rien fait de bien dans sa
vie, et qui n’a jamais affronté le moindre obstacle sans la garantie d’une contrepartie
financière. Il fait du trafic de substances prohibées…
— Du trafic d’épices !
Fett se leva et hurla :
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Les épices sont illégales ! C’est un stupéfiant qui altère le comportement et qui
entraîne la consommation de substances bien pires. Et un homme capable de faire passer des
épices est capable de faire passer n’importe quoi ! dit-il d’un ton hargneux.
Il était debout, immobile et crispé. Il tenait son fusil d’une main tremblante et fixait
Leia du regard.
— Et si j’avais moi-même consommé des épices ce soir, vous ne seriez peut-être plus
en sécurité avec moi dans cette chambre, Leia Organa.
— Han a fait passer des épices en contrebande, ce qui est illégal et contre mon éthique,
dit Leia sur un ton ferme. Et il a également fait passer de l’alcool, ce qui est légal mais les
tarifs sont si élevés que sur plusieurs mondes le jeu en vaut la chandelle. Certes, il n’est pas
parfait, et il a bafoué des lois dont vous n’avez jamais entendu parler, mais je connais Han
Solo, et je l’ai vu risquer sa vie pour des choses en lesquelles il croit, des risques que même
vous n’auriez pas le courage de prendre. Et puis qu’est-ce qui peut bien vous poussez à
travailler pour Jabba le Hutt ?
Fett poussa un soupir et desserra la prise qu’il avait autour de la crosse de son fusil. Il
se força à se rasseoir sur le sol, ignorant la douleur dans ses genoux.
— Il me paie. Grassement. Quand Skywalker arrivera ici, je l’amènerai à Vador, et je
quitterai cet endroit pour de bon.
— Ce n’était pas ma question. Jabba le Hutt a vendu des tonnes d’épices, ainsi que des
substances bien pires que…
— C’est parfois dans l’exigence des circonstances que l’on se fait des alliés. Une fois
la Rébellion matée, je présume que ce sera au tour de Jabba d’être dans le collimateur de
l’Empire. Mais pour l’instant, la menace principale ce sont les rebelles.
Fett retourna son fusil d’assaut et se servit de la crosse pour enfoncer l’interrupteur qui
contrôlait l’éclairage. Ses lunettes macrobinoculaires compensèrent presque immédiatement la
disparition soudaine de lumière. La princesse apparut sur son viseur sous forme de source de
chaleur. Finalement, il dit :
— Cette conversation m’épuise. Je vais me coucher.
Il y eut un moment de silence.
— Luke Skywalker viendra et il vous tuera, dit Leia dans l’obscurité.
— Tout le monde meurt un jour, rétorqua Fett. Mais comme personne ne m’a payé
pour vous tuer, je vous souhaite bonne nuit.
Fett s’endormit comme il le faisait toujours, c’est-à-dire les yeux ouverts et le visage
masqué sous son casque.
****
Le Jedi, si c’en était un, arriva un jour après. Il s’appelait Luke Skywalker, et il tua le
rancor de Jabba ; un acte pour lequel le Hutt le jeta au cachot, dans une cellule située non loin
de celle où Solo et Chewbacca étaient en train de croupir.
****
Le matin suivant, le soleil était radieux, l’air était chaud, et Boba Fett était d’une
humeur exécrable.
Bien sûr, c’était Tatooine. Ici, tous les matins étaient chauds et radieux.
Mais le Hutt était sur le point de tuer Skywalker. Ainsi que Solo et Chewbacca par la
même occasion.
Skywalker. C’était lui la source de la mauvaise humeur de Fett. Il avait essayé de
convaincre Jabba de ne pas tuer Skywalker, bien qu’il se moquât du sort du Jedi - Fett était
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
persuadé que la galaxie se porterait mieux sans cet illuminé. Il avait vu tout un tas de choses
incroyablement stupides durant sa vie, mais le spectacle offert par un jeune homme imberbe
tentant d’affronter Jabba le Hutt dans sa propre salle du trône grimpait au sommet de la liste.
Mais bien que Fett eût discuté avec lui plus de fois qu’il n’aurait dû, ce Jabba-là n’était
pas celui que Fett avait connu toutes ces années. L’idée était que Dark Vador – ou plutôt
l’empereur – paierait pour le prisonnier Jedi. La plus grosse prime collectée à ce jour et à la
connaissance de Fett était de cinq millions de crédits, mais Fett était certain que Luke
Skywalker lui en apporterait bien plus.
Jabba ne préférait pas en entendre parler. Il n’était pas disposé à partager la prime, pas
plus qu’il n’était disposé à la collecter lui-même et à payer Fett pour servir d’intermédiaire
entre lui et Vador. Son rancor de compagnie était mort, et Skywalker allait en payer le prix.
Un de ces jours, Fett était convaincu qu’il serait le seul homme d’affaires sain d’esprit
de la galaxie.
C’était une perspective qui l’exaspérait. Il imagina tous les scénarios possibles ; aucun
ne l’attirait. Il envisagea d’arracher Skywalker des mains de Jabba, mais le temps lui
manquait et les forces de sécurité de Jabba étaient sur le qui-vive. Même pour plusieurs
millions de crédits, le risque était trop grand.
Ainsi, le matin suivant l’arrivée de Skywalker - le matin où Skywalker, Solo et
Chewbacca devaient mourir – il arpentait le pont supérieur de la barge à voiles tandis que
cette dernière se dirigeait vers la Grande Fosse de Carkoon pour procéder à l’exécution des
condamnés. Marchant d’un pas nerveux, il se demandait ce qu’il allait faire ensuite.
Il se surprit à souhaiter une belle mort pour Solo. Des années auparavant, Fett avait vu
Jabba jeter six de ses gardes dans la Grande Fosse de Carkoon, prétendument pour
conspiration à son encontre. Il leur avait offert à chacun une chance de se sauver en rampant
le long de la paroi sablonneuse. Deux d’entre avaient réussis à remonter à la surface, et bien
sûr Jabba les rejeta dans la gueule du Sarlacc.
Il savait très bien que Chewbacca n’implorerait jamais Jabba. Il espérait que Solo ait le
même cran.
Peut-être Skywalker supplierait-il Jabba de l’épargner. Ça ne serait pas si mal.
Fett se tenait à la proue et observait le sable s’écarter sur leur passage. Le désert
s’étendait tout autour d’eux. Du sable, des nuages et des dunes à perte de vue.
Fett se demanda lequel des deux avait tué le plus de gens : lui ou le Hutt.
Probablement le Hutt, si vous comptiez le trafic d’épices. Probablement lui-même si vous
comptiez ceux que vous aviez tué de vos propres mains.
La Grande Fosse de Carkonn apparut enfin au loin. Boba Fett, dont l’humeur ne
changea pas le moins du monde, abandonna le pont supérieur et rejoignit la baie d’observation
afin de voir la justice être rendue…
…et les millions de crédits s’évaporer par la même occasion.
****
La journée avait mal commencé ; et elle empira. En un rien de temps, la barge des
sables se s’était transformée en une carcasse enflammée, Jabba le Hutt était mort, et Boba Fett
était tombé dans la gueule du sarlacc.
Oh, il s’en tira vivant. Autant qu’il le sût, Fett était la seule personne à avoir jamais
survécu au Sarlacc.
Mais le temps qu’il sorte de l’estomac du sarlacc et qu’il se remette de ses blessures,
de grands événements avaient eu lieu, et la galaxie était devenue quelque chose que Fett
n’aurait jamais cru possible.
17
BOBA FETT : LE SURVIVANT
****
Quinze années passèrent.
Ou, en d’autres termes : Dark Vador trouva la mort : tout comme l’Empereur.
L’Empire s’effondra et fut remplacé par la Nouvelle République. À échelle humaine, quinze
ans était une période suffisamment longue pour élever un enfant de bas âge jusqu’à
l’adolescence. Les enfants humains de par la galaxie devenaient ensuite adultes et faisaient
des enfants à leur tour. Pour certaines espèces d’une grande longévité, quinze ans passaient
sans véritable changement ; pour d’autres dont la longévité était inférieure à celle des
humains, quinze ans étaient assez pour élever de nouvelles générations, vieillir, et mourir.
Dans un secteur de la galaxie dont Boba Fett n’avait jamais entendu parler, une étoile
se transforma en nova. Elle provoqua la mort d’un monde et de toute une civilisation. Elle
souleva moins de questions que la destruction d’Alderaan, qui avait eu lieu à peine dix ans
plus tôt. La galaxie entière remarqua à peine la tragédie, et Fett n’en entendit jamais parler.
Dans une galaxie avec presque quatre cent milliards d’étoiles et jusqu’à vingt millions
d’espèce intelligentes, il fallait que ce genre de choses arrivent.
Les vestiges de l’Empire se soulevèrent contre la Nouvelle République, et furent
vaincus. Luke Skywalker succomba au côté obscur et retourna à la lumière, une chose que peu
de Jedi firent au cours des milliers d’années qui précédèrent la venue du héros de la Rébellion.
Leia Organa épousa Han Solo, et ensemble ils eurent trois enfants.
Sur Tatooine, un ivrogne Dévaronien du nom de Labria tua quatre mercenaires avant
de disparaître.
Boba Fett vieillit.
****
Sur la planète Coruscant, le monde capitale de l’Ancienne République, puis de
l’Empire, et aujourd’hui de la Nouvelle République, Han Solo était assis au bord du lit qu’il
partageait avec sa femme dans le Palais Impérial. La forme de sa bouche trahissait son
obstination.
— Non. Je n’irai pas. Je trouve les signatures de traité barbantes. De plus, la dernière
fois qu’on était là-bas, ce salaud de Gareth a essayé de me rouler lors d’une partie de laro.
Leia se tenait les bras croisés, le visage tordu par un sentiment d’exaspération.
— Tu l’as roulé ensuite !
— Je l’ai roulé comme un pro. En tout cas, cet idiot devrait s’estimer heureux de
n’avoir eu affaire qu’à moi, lui fit remarquer Han. Quand j’étais gosse, compter les cartes était
un crime passible de pendaison.
— Ce n’est pas vrai, dit Leia sur un ton que Han estimait sceptique.
Il avait connu Leia suffisamment longtemps pour savoir que tricher aux cartes – et les
conséquences que ça entraînait – ne faisait pas partie des choses qu’on enseignait aux
princesses.
— Ce n’est que trop vrai, dit Han sur un ton satisfait. Enfin bref, ce que je veux dire
c’est que le roi Gareth a eu de la chance qu’il ne lui soit rien arrivé de pire que perdre face à
moi. Alors je ne vois ce que tu attends de moi. Tu veux peut-être que je serre la main à son
Altesse Royale et que je présente des excuses ?
Leia poussa un soupir.
— J’aimerais surtout que tu n’utilises pas le mot royal sur un ton aussi péjoratif. Je…
— Tu as été adoptée, dit Han en l’interrompant.
Leia esquissa un sourire peu enthousiaste.
— Alors tu ne viens pas, c’est ça ?
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Tu oserais m’infliger deux semaines d’ennui diplomatique ?
— Comment peux-tu être sûr que ce sera ennuyeux ?
— Je me suis ennuyé la dernière fois. À l’exception de la nuit où j’ai fait une partie de
cartes avec Gareth.
— Je ne crois pas Gareth serait prêt à retenter sa chance avec toi.
— Alors je m’ennuierai du début à la fin.
Leia poussa un nouveau soupir.
— Tu ne viens pas.
— Je ne viens pas.
— Je pensais prendre les enfants avec moi. Ils sont suffisamment grands pour voyager,
et ça leur offrirait une expérience utile dans le domaine de…
— C’est sûr qu’ils ne courent aucun danger, dit Han sur le ton de l’aveu. Si l’ennui ne
les tue pas.
— Je pourrais laisser C3-PO pour te tenir…
— Tu me laisserais ici avec 3-PO ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
Leia Organa lutta pour s’empêcher de sourire.
— Très bien, je l’emmène aussi.
Han Solo leva les yeux vers sa femme et esquissa un large sourire.
— Marché conclu.
Leia se pencha vers lui et dit à voix basse :
— J’espère ne pas avoir à te sortir de prison à mon retour.
— Hé, relax, dit-il sur le ton de l’objection. C’est moi.
****
Il appela Luke.
Lorsque l’image de Luke apparut sur l’hologramme, Han dit :
— Salut, mon pote. Je ne te dérange pas, j’espère ?
Luke esquissa un sourire.
— Han ! Comment vas-tu ?
— Bien. Ecoute, Chewie est retourné chez lui et ne rentrera pas avant plusieurs
semaines, et ma femme est partie avec les enfants sur…
— … sur Shalamite, dit Luke en sachant très bien ce que faisait la famille OrganaSolo à ce moment. Pourquoi n’es-tu pas avec eux ?
— … et je m’étais dit qu’on pourrait sortir et récolter les ennuis, dit Han en ignorant
intentionnellement la question de Luke pour ne pas être distrait.
Luke fit non de la tête.
— Je ne peux pas, Han. J’ai invité un groupe de sénateurs à dîner… tu peux te joindre
à nous, si tu veux.
— Je préfère les ennuis, grommela Han.
Luke sourit.
— Allez, Han. Tu sais très bien que je ne peux pas annuler les dîners sénatoriaux. De
plus, nous sommes sur Coruscant. Nous avons les têtes les plus connues de la planète.
Comment espères-tu donc récolter les ennuis ?
— Comme je l’ai fait la dernière fois.
— Tu veux dire la fois où tu as finis en cellule pendant deux jours avant de convaincre
la police que tu étais réellement toi. Leia s’est fait un sang d’encre.
— Ouais, répondit Han, mais aujourd’hui Leia est à l’étranger. Le temps qu’elle
rentre, ce petit séjour en cellule ne sera rien d’autre qu’un mauvais souvenir.
Luke rit.
19
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Han, viens dîner avec nous. Tu vas t’amuser.
— Avec une demi-douzaine de sénateurs ? Je préférerais me faire enlever une dent de
sagesse.
— Tu sais, tu devrais envisager une carrière au sénat, dit Luke sur un ton calme.
— Sans anesthésiant, je ferais mieux de…
— Tu serais élu à l’unanimité.
— Et il suffirait d’un mois pour que je finisse au tribunal.
— Pourquoi ?
Han réfléchit.
— Usage de pot-de-vin, dit-il finalement.
— Tu n’oserais jamais, dit Luke.
— Disons que ça dépendrait de la taille du pot-de-vin.
— Han, qu’est-ce qui te tracasse ?
Han fut surpris par la question.
— Rien.
Le regard fixe de Luke était déroutant.
— Tu me caches la vérité, Han. Où peut-être que tu te la caches à toi-même.
Le regard du maître Jedi mettait Han mal à l’aise.
— Je ne sais pas. Peut-être que l’absence de Chewie me…
— Non, ce n’est pas ça.
Han fixa Luke du regard.
— Non… non, pas vraiment. Tu sais, gamin… je crois que je ne sais plus réellement
où je vais. J’ai une femme et des enfants qui m’aiment, et que j’aime. Mais ce n’est pas ça le
problème. Je suis un père. Je suis le consort de Leia. Je raconte des histoires drôles dans les
dîners entre chefs d’état…
— Et tu es très bon à ce jeu-là, dit Luke gentiment. Il y a un endroit pour ce genre
de…
— … et lors d’un dîner, quelqu’un m’a même demandé comment était ma vie à
l’époque où je faisais encore de la contrebande. J’ai voulu lui répondre mais je me suis rendu
compte que je ne m’en souvenais plus. Je me souvenais plus de la dernière fois où j’avais
forcé un barrage impérial, où quel cargaison je transportais, où même la sensation que ça me
procurait.
Luke lui adressa un sourire.
— C’était moi, Ben, et les droïdes.
Han eut l’air étonné.
— C’était ça, hein ?
Il esquissa un sourire presque involontairement, et reprit :
— Ouais. Très bien, admettons que je ne me souvenais plus de la dernière fois où je
me suis fait des crédits en faisant passer des marchandises…
Luke tourna la tête pour regarder dans la direction d’un objet situé hors-champ, puis
retourna la tête vers l’holo-capteur.
— Han, mes invités sont là. Tu es sûr de ne pas vouloir te joindre à nous ?
Il fallait bien l’admettre, Han était bien tenté par la proposition de son ami Luke.
— … nan. Pas ce soir.
Luke hocha la tête.
— Je passerai te voir demain. D’accord ?
— D’accord. À plus tard, gamin.
Luke esquissa un léger un sourire et dit :
— Han…
— Ouais ?
20
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Han, j’ai vieilli depuis la première fois qu’on s’est rencontré.
Le sourire de Luke ne changea pas, à l’exception d’un mouvement subtil que Han Solo
ne parvenait pas tout à fait à comprendre. Il reprit :
— Le monde change, Han. Tu ne peux pas l’empêcher, pas plus que tu ne peux le
combattre, et tu ne pourras jamais revivre ce que tu as vécu.
Han avait l’étrange impression que Luke était en train de l’étudier. Puis Luke hocha la
tête et dit :
— Courage. Nous en reparlerons demain.
L’image de son ami disparut.
Le gamin est en train de devenir comme Obi-Wan, se dit Han Solo.
****
Lorsqu’il tentait de contacter Calrissian, tout ce qu’il avait était son répondeur.
— Désolé, mais je ne suis pas disponible pour le moment. Je suis en voyage d’affaire
prolongé. Je répondrai à votre message à mon retour. Si c’est toi, Han, je te rappelle que tu me
dois quatre cent crédits. Tu pourras me les rendre quand je rentrerai.
Tant pis, se dit Han. Lando déjà trouvé les ennuis.
****
Il était tard, et Han se trouvait dans le hangar de lancement, à l’endroit où le Faucon
était posé.
Les quelques projecteurs fixés au plafond n’apportaient pas suffisamment de lumière,
et il n’y avait aucun bruit à l’exception des fracas lointains provenant des quais de
chargement.
Personne ne questionna Han à son arrivée ; personne ne lui demanda ce qu’il faisait
ici. Il marcha à travers le hangar comme si l’endroit lui appartenait.
Et c’était presque le cas.
Han Solo se tenait à la lisière du hangar. Il posa une main sur l’interrupteur qui
contrôlait l’éclairage du plafond, et quatre rangées de lumières s’illuminèrent.
La coque du Faucon Millenium scintilla sous la cascade de lumière. Depuis que Han
possédait le Faucon, sa coque n’avait jamais été aussi resplendissante, et sa peinture n’avait
jamais été aussi soigneusement appliquée et détaillée. Ses moteurs avaient été remis à neuf, et
ses réacteurs hyperdrive n’avaient plus de ratés. La quasi-totalité des emplacements d’armes
était neufs.
Il y avait même des pièces de rechange pour chaque équipement.
Han avait cessé de se demander combien pouvaient coûter de telles réparations. La
Nouvelle République avait tout payé de sa poche, et Han n’avait jamais vu la moindre facture.
****
Installé sur le siège de pilotage, Han déclencha la séquence de lancement. Il n’avait
pas réellement l’intention de s’en aller ; il voulait simplement observer le ciel.
Le dôme situé au-dessus du Faucon s’ouvrit, se séparant en deux tandis que la
plateforme sur laquelle le cargo YT était posé s’élevait.
Le ciel se dévoila enfin.
Han Solo leva les yeux vers le monde. C’était extraordinaire à quel point il pouvait se
sentir mieux en étant simplement assis là, dans le seul véritable foyer qu’il ait jamais connu.
Le siège voisin était inoccupé, ce qui lui déplaisait particulièrement – mais peut-être autant
21
BOBA FETT : LE SURVIVANT
qu’il croyait, après tout. Il était déjà adulte lorsqu’il avait rencontré Chewbacca, et il y avait
eu un temps avant ça – avant Chewie, après la mort de ses parents – où il avait vécu dans la
solitude.
Juste lui.
Han se demandait parfois – rarement, à vrai dire – ce que sa famille aurait pensé de lui
si elle avait pu voir ce qu’il était devenu aujourd’hui. Etant plus jeune, la question ne lui était
jamais venue à l’esprit. Sa famille l’avait aimé, mais il savait qu’il les avait profondément
déçus, et ils n’étaient plus là pour voir à quel point il s’était embelli.
Vous pouvez déterminer certains moments par rapport aux changements qu’ils
amènent. Mais pas toujours. Certains changements se comportent comme la marée. Ils sont
lents et on peut à peine les percevoir tant qu’ils ne sont pas venus, ou repartis. Mais parfois…
Han pensait à bel et bien à toutes ces choses. D’ailleurs, plus les faits s’éloignaient
dans le temps, plus il y pensait. L’Etoile de la Mort allait venir pour détruire la base rebelle,
les rebelles eux-mêmes, et leur cause perdue. Han était parti à bord du Faucon avec Chewie,
et il s’en était tiré à temps pour…
Chewie était furieux. Han pouvait le voir. Chewie voulait se battre. Ils étaient restés
dans la salle de contrôle du Faucon, assis en silence. Han n’avait pas commis une mais deux
erreurs en calculant le saut en hyperespace. Finalement, il avait défini sa trajectoire, et avait
été incapable de la suivre.
— Très bien, très bien, on va se battre, avait-il enfin hurlé à Chewie presque vingt ans
plus tôt, convaincu qu’ils allaient droit vers leur mort…
Presque vingt ans plus tard, il était assis dans l’habitacle de pilotage du Faucon et se
demandait ce qui aurait pu arriver : Leia serait morte, ainsi que Luke. Ses enfants ne seraient
jamais venus au monde. L’Empire régnerait encore sur la galaxie, et lui et Chewie
voyageraient de planète en planète, faisant tout pour avoir une longueur d’avance sur les
impériaux ainsi que sur les chasseurs de primes.
Non, se dit Han. Pas pour moi. Quelqu’un aurait fini par m’attraper. Boba Fett, IG88… Et il n’y aurait eu personne pour me sauver des griffes de Jabba.
Vingt ans.
Han se souvenait parfaitement du jour où il avait été tout près de tirer sur le levier
hyperdrive du Faucon en abandonnant Leia et Luke. Parfois, la nuit, il se réveillait en sursaut,
couvert de sueur, incapable de penser à autre chose.
À quel point il avait été tout près.
Han se dit que si ses parents étaient toujours en vie aujourd’hui, ils seraient fiers de
l’homme qu’il était devenu malgré le fait que sa transformation s’était jouée à ça.
****
Mari’ha Ando reçut une communication entrante et enfonça un bouton.
— Ici, Contrôle.
— Contrôle, ici le général Solo.
Mari’ha esquissa une grimace à la mention du titre de général. Solo avait certainement
mérité son titre, mais Mari’ha avait supervisé le contrôle aérien suffisamment longtemps dans
ce secteur de Coruscant pour savoir que Solo n’utilisait ce titre que lorsqu’il allait user de son
autorité.
— Je vais faire un tour avec le Faucon. J’ai une chance de vous convaincre de me
préparer un itinéraire de vol ?
— Absolument, général. Quelle est votre destination ?
— Je n’en ai pas.
— Je vous demande pardon, général ? dit Mari’ha calmement.
22
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Je n’en ai pas. Je ne sais pas encore où je vais aller.
Mari’ha poussa un soupir et examina les écrans d’affichage où étaient visibles tous les
itinéraires de vol dans son secteur. Il y en avait tellement qu’il était difficile pour un humain
d’en choisir une et de l’attribuer à un unique vaisseau.
Le droïde de vol aérien risque de péter un boulon, pensa-t-elle. C’était ce qu’il faisait
tout le temps depuis qu’il avait pris le général Solo en grippe, des années plus tôt, lorsque…
— Quelle partie de ma demande vous pose problème, Contrôle ?
— Je vais avoir besoin de quelques minutes, marmonna-t-elle dans l’unité comm. Le
droïde de vol ne vous aime pas.
— Vous feriez mieux de me dégager un couloir et de me donner une trajectoire sur le
champ. Autrement, j’investis moi-même la tour de contrôle et j’use de mes charmes sur vous
jusqu’à ce que vous craquiez, dit Solo. Est-ce que c’est clair ?
— Bien reçu, général.
Elle termina de remplir la requête d’autorisation, composa les coordonnées de vol, et
enfonça plusieurs fois le bouton de by-pass – contre les objections du droïde.
— Et… voilà. Je vous souhaite bon voyage, général. Prenez votre temps.
— Comme toujours, ce fut un plaisir. Essayez de ne pas trop penser à moi. Solo,
terminé.
****
Peu après, l’holo-image du superviseur de Mahi’ra sa matérialisa à l’échelle unsixième dans la zone de projection sur sa droite.
— Voilà qui est plutôt inhabituel, dit-il sur un ton sévère. Le général Solo vous-a-t-il
laissé un plan de vol ?
— Négatif.
— Heure estimée du retour ?
— Négatif.
— Destination ? ajouta- t-il d’une voix presque stridente.
— Je ne saurais pas vous dire. Nulle part intra-système, en tout cas. Il est entré en
hyperespace il y a environ vingt minutes.
****
La vie était parfois faite de choses étranges : lorsqu’il avait débuté sa carrière de
chasseur de primes, Boba Fett n’avait jamais entendu parler de Tatooine. Mais il s’avéra plus
tard que cette petite planète désertique et insignifiante allait faire partie de la vie de Fett, et
s’insinuerait dans son existence. C’était là-bas que Jabba le Hutt avait établi son quartier
général. Fett apprendrait beaucoup plus tard que c’était également là que Luke Skywalker
avait grandi.
Mais c’était surtout là-bas que Fett avait vécu la pire catastrophe de sa vie : sa chute
dans la Grande Fosse de Carkoon, droit dans la gueule du Sarlacc.
Deux ans auparavant, Tatooine s’était à nouveau introduite dans la vie de Fett. Quatre
anonymes, dont deux Dévaroniens, étaient entrés dans un bar de Mos Eisley. L’un des
Dévaroniens reconnut, ou crut reconnaître, le Boucher de Montellian Serat. Il s’avéra que
l’anonyme avait vu juste. Le vieux Boucher abattit immédiatement les quatre individus, et
personne ne fut capable de l’interroger.
Le vieux Dévaronien s’en était allé loin de Tatooine… et Fett l’avait traqué. Jusqu’ici,
sur Peppel, un monde presque aussi éloigné de Coruscant que Tatooine.
23
BOBA FETT : LE SURVIVANT
La cible s’appelait Kardue’sai’Malloc, mais elle était plus connue sous le nom de
« Boucher de Montellian Serat. » Il y avait une prime de cinq millions de crédits sur la tête du
Boucher ; cinq millions de crédits pour financer la retraite de Fett.
Boba Fett n’était plus le même homme. Sa jambe droite était artificielle de son pied à
son genou. Seul un traitement médical constant l’empêchait de contracter un cancer. Le séjour
qu’il avait passé dans le ventre du Sarlacc avait altéré son métabolisme de manière
permanente, endommageant sa structure génétique à un tel degré qu’il était aujourd’hui
incapable d’avoir des enfants. Et ses cellules ne se régénéraient pas toujours comme elles le
devaient.
Sans parler des souvenirs qu’il avait du Sarlacc et de ses entrailles visqueuses, des
souvenirs qui n’étaient pas toujours les siens.
Fett attendait sous le froid, à plat ventre dans la boue. Vêtu d’un simple caleçon, il
portait sur lui un carquois rempli de flèches, un arc, et une dague en cristal dans un fourreau
en cuir. Malloc – ou Labria, le nom qu’il se donnait depuis vingt ans – était plus rusé et plus
dangereux que la plupart des gens. Fett avait appris que Malloc avait une certaine réputation
sur Mos Eisley : Labria, l’espion le plus incompétent de la cité. C’était un ivrogne, et il
n’avait inspiré aucune crainte ou même aucun respect jusqu’au jour où il avait abattu quatre
individus de sang-froid.
Les ténèbres s’épaississaient. Tremblant et anxieux, Fett attendait. Il y avait de la
lumière – une lumière artificielle – à la seule fenêtre du refuge. La présence de métal dans sa
jambe artificielle était faible, mais Fett n’avait aucune idée de l’efficacité des systèmes de
sécurité du Boucher. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il était au bon endroit. Il avait déjoué les
fils de détente et les pièges à lumière ; il avait rampé sous les détecteurs de mouvement,
centimètre après centimètre.
Fett aurait été surpris de tomber sur un système de détection à balayage mobile. C’était
pour cette raison qu’il était venu sans armure et sans le moindre armement moderne.
La lumière à l’intérieur de la cabane s’éteignit. La tanière ne disposait d’aucune
plomberie. La nuit dernière, Malloc avait attendu pendant plusieurs minutes après l’extinction
des lumières pour enfin sortir de sa cachette – probablement pour habituer ses yeux à
l’obscurité, avait supposé Fett.
Fett saisit une flèche dans son carquois et prépara son arc. C’était un arc composite
dont la maîtrise exigeait peu d’efforts. Fett le banda et attendit.
La nuit dernière, Malloc était sorti de son abri pour se soulager. Fett ne savait pas
grand-chose des Dévaroniens – bien qu’il eût étudié leur schéma anatomique afin de savoir
quelle partie de leur corps était vulnérable aux attaques. D’après ses recherches, les
Dévaroniens n’avaient besoin d’uriner qu’une fois par semaine. Si c’était vrai, Fett allait
devoir modifier son approche…
La porte de la cabane s’ouvrit. La prime, qui était armée de deux fusils d’assaut, fit un
pas à l’extérieur, marqua une pause sur le porche, et longea l’une des parois de la bâtisse en
direction de l’endroit où Fett était caché. Fett suivit Malloc du regard tandis que celui-ci se
dirigeait vers les toilettes en plein air qu’il avait creusé dans la terre, à dix mètres de la cahute.
Il attendit que Malloc termine son affaire et se rhabille.
Cette fois, la cible devait rester en vie, et Fett avait descendu beaucoup trop de gens de
toutes les espèces pour oser abattre un homme en train de se soulager. Il fallait
systématiquement que quelqu’un passe derrière pour tout nettoyer, et d’habitude ce
quelqu’un, c’était Fett.
Fett laissa la cible se relever et se tourner, puis abattit Malloc d’une flèche dans le dos.
Le Dévaronien était toujours debout, titubant à moitié sur des jambes qui hurlaient de douleur.
Il trébucha en avant, produisant un son qui était à mi-chemin entre le hurlement et le
rugissement. Fett se rapprocha de la position de Malloc en gardant sa position accroupie,
24
BOBA FETT : LE SURVIVANT
sortit sa lame en cristal de son fourreau, et effectua une entaille sur la jambe droite du
Boucher, pile sur le tendon du jarret. Malloc tomba à genoux, essayant désespérément d’ôter
la flèche qui était plantée dans son épaule.
Fett poussa Malloc contre la paroi de la cabane, le saisit par une corne et tira sa tête en
arrière tout en plaçant sa lame sous sa gorge.
— Tu bouges et t’es mort, dit Fett sur un ton sévère.
****
La cabane empestait.
Le Boucher de Montellian Serat, Kardue’sai’Malloc, était assis contre le mur. La
flèche avait été ôtée de son épaule, mais la blessure saignait encore, et il luttait toujours contre
les liens qui lui maintenaient les mains dans le dos.
La cabane était spacieuse. La taille de la bâtisse avait d’ailleurs interpellé Fett. Il
s’était demandé ce que le Boucher pouvait bien cacher à l’intérieur, et surtout quel genre
d’armes il avait bien pu y stocker au cas où il aurait à se défendre contre un éventuel intrus.
Il n’y avait aucune arme ici, à l’exception du fusil que le Boucher transportait toujours
avec lui.
Fett savait que les Dévaroniens étaient carnivores. Autrement, un simple coup d’œil à
l’intérieur de la cabane le lui aurait confirmé. Les carcasses massacrées d’une demi-douzaine
d’animaux pendaient au mur. Des os dépourvus de chair étaient entassés dans un coin de la
pièce. Des dizaines de bouteilles vides étaient éparpillées un peu partout.
Dans le coin opposé, il y avait le trou dans lequel Malloc avait dormi, ainsi qu’une
autre collection de bouteilles pleines de Méranzane Doré alignées sur le plancher, près du
trou.
Le regard de Fett n’avait pas erré longtemps ; il s’était immédiatement fixé sur le
panneau de contrôle des systèmes de sécurité. Autant qu’il le sût, l’installation avait tout d’un
système passif et il y avait peu de chances que le Slave IV soit abattu en plein ciel si jamais il
le posait dans la clairière située à quelques kilomètres de là. Finalement satisfait, il se tourna
vers son prisonnier.
— Debout. On va aller se balader un peu. J’ai dû laisser mon équipement hors de
portée de tes capteurs.
Malloc esquissa une grimace, révélant ses dents pointues. Aux yeux d’un Dévaronien,
il était déjà grand, ce qui, aux yeux d’un humain, le rendait encore plus grand. Il parlait en
Basique et son accent était moins prononcé que celui de Fett.
— Non, je ne crois pas.
Fett soupesa le fusil du Boucher et haussa les épaules en signe de dédain.
— Les Dévaroniens sont de vrais durs à cuire. Ça, j’en suis sûr. Ce n’est pas facile de
t’assommer ou de tuer. Tu vas te lever… ou je te crame les bras et les jambes – histoire de
t’alléger - et je traîne jusque là-bas.
Fett marqua une pause et ajouta :
— À toi de voir.
Le prisonnier dit d’une voix qui trahissait sa fatigue :
— Tue-moi maintenant. Je ne te suivrai pas.
— Si tu ne me suis pas, c’est un sort pire que la mort qui t’attend, dit Fett avec
patience.
Son genou gauche le faisait souffrir ; c’était comme si toute sa jambe au-dessus de sa
prothèse était en feu, et il n’était pas enthousiaste à l’idée de traîner le Dévaronien – même
allégé – sur deux kilomètres.
Malloc pencha sa tête en arrière pour la reposer contre le mur.
25
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Est-ce que tu sais seulement ce que t’es en train de faire, chasseur de primes ? Tu
sais au moins qui je suis ?
Fett décocha une brève rafale dans le mur, juste à côté de la tête de Malloc, afin de
capter son attention ; la rafale ne fit que noircir les planches humides de la cloison en bois.
— Je suis Boba Fett.
C’était la première fois depuis une génération que l’un des criminels qu’il traquait ne
le reconnaissait pas. La mention de son nom avait visiblement perturbé le Dévaronien. De la
peur, supposa Fett.
— Et toi, tu es Kardue’sai’Malloc, autrement connu sous le nom de Boucher de
Montellian Serat, et il y a une prime de cinq millions de crédits sur ta tête. À condition, bien
sûr, qu’on te livre en vie. Alors ne gaspille pas ta salive, tu n’arriveras à rien avec moi.
— Boba Fett, dit-il à voix basse.
Il regarda Fett droit dans les yeux.
— T’as vraiment une sale gueule. On dit que ça fait un moment que t’es après moi.
Fett n’arrivait pas à croire qu’il devait autant faire la causette pour éviter d’avoir à
traîner Malloc dehors.
— En effet. Maintenant, est-ce que je brûle…
— On dit que t’es plutôt du genre honnête.
Ça, c’était une phrase d’ouverture aux négociations – du moins, c’était ce que Fett
imaginait être une phrase d’ouverture aux négociations.
— T’as quelque chose de plus intéressant que cinq millions de crédits ?
Malloc fixait Fett du regard, sondant les traits de son visage à la recherche d’une chose
que Fett ne pouvait imaginer. Il prit une profonde inspiration, grimaça, et hocha la tête.
— C’est exact. Par le Grand Froid, je le jure. Une chose qui vaut facilement cinq
millions de crédits. Peut-être plus. Une chose d’une valeur inestimable, Fett…
Perdant patience, Fett dit :
— Parle.
— Rang, dit Malloc à voix basse. Maxa Jandovar, Janet Lalasha, Miracle Meriko…
Fett reconnut immédiatement le dernier nom et comprit que cet idiot de Dévaronien
était en train de le baratiner.
— Espèce d’abruti. Meriko est mort dans une prison impériale il y a vingt-cinq ans, et
la prime sur sa tête était de vingt mille crédits. On est loin des cinq millions…
— Mwsie, hurla Malloc en adressant un regard noir à Fett. Sale barbare primitif ! Leur
musique ! J’ai des enregistrements de Maxa Jandovar et d’Orin Mersai. M’lar’Nkai’kambric.
Il prit une profonde inspiration et hurla de nouveau :
— Lubrics, Aishara, Dyll…
Fett secoua la tête d’un air las et dit :
— Je me moque de ta musique. Maintenant, tu veux bien te lever ? Ou tu préfères que
je te découpe et que je traîne le long du chemin ?
Le Boucher pencha la tête en arrière et fixa son regard sur le plafond. La lumière se
refléta sur ses yeux de prédateurs, produisant une faible lueur dans son regard.
— Par le Grand Froid, quel ignorant tu fais, dit-il à voix basse. Même pour un humain,
ton ignorance me sidère. Des tas de gens paieraient une fortune pour ces albums, Fett. J’ai en
ma possession les derniers enregistrements des dix plus grands musiciens de la galaxie.
L’Empire les a tous tués – eux et leur musique…
— Cinq millions de crédits ? demanda Fett sur un ton poli.
Le Boucher hésita une seconde de trop.
— Bien plus que…
Fett dirigea le fusil vers les jambes de Malloc.
— Les négociations sont finies. Je te traînerai par terre s’il le faut.
26
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Et Fett ne plaisantait pas.
Malloc ferma les yeux et prit la parole au moment où Fett était sur le point de mettre
ses mots en pratique.
— Je vais me lever. Mais d’abord, tu dois me promettre trois choses. Premièrement, tu
récupères mes puces musicales – elles sont enterrées juste là-dehors, à quelque centimètres de
profondeur. Deuxièmement, une fois que tu m’auras livré aux autorités Dévaroniennes, tu
porteras ces puces à la personne que je t’aurai indiqué, et tu les lui vendras au prix qu’elle
aura décidé. Et troisièmement…
Il fit un signe de tête en direction des bouteilles de liqueur dorée.
— On en prend six pour la route. Je vais en avoir besoin.
Il vit que Fett secouait la tête et ajouta d’un ton brusque :
— Je ne suis pas en train de négocier, humain primitif. Et si tu crois que je le suis,
alors tu ferais mieux de presser la détente maintenant. Mais je te préviens, je vais tout faire
pour crever avant qu’on arrive à Dévaron. On dit que j’ai un fond mesquin.
Le métier de chasseur de primes n’est plus ce qu’il était, se dit Boba Fett.
Il pointa le fusil sur Malloc et dit :
— C’est d’accord. Maintenant, lève-toi et montre-moi où tu as enterré tes saletés
d’albums.
****
— Bienvenue à Décès, monsieur Morgavi. Qu’avez-vous à déclarer ?
Comme d’habitude – du moins lorsqu’il s’agissait d’êtres humains – l’agent des
douanes qui se tenait face à Han Solo sous le soleil radieux de Jubilar, semblait… disons plus
jeune que Luke Skywalker la première fois que Han l’avait rencontré.
Han ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire.
— Non. Rien à déclarer.
Le garçon jeta un œil au Faucon puis reporta son regard sur Han. Son visage trahissait
une méfiance semblable à celle d’un bébé faisant ses premiers pas.
— Rien du tout ? demanda-t-il finalement.
Le sourire de Han s’élargit malgré ses meilleurs instincts.
— Non, désolé. Je suis juste en visite.
Le gamin soupçonnait Solo d’être un contrebandier. Han ajouta :
— Et si tu veux bien, j’aimerais commencer par le bar du coin. Je suppose que tu veux
fouiller mon vaisseau sans plus attendre.
L’agent des douanes semblait offusqué par le sourire de Han.
— Certainement, monsieur. Vous pouvez aller attendre… au bar. Pendant la
perquisition. Bien sûr, si vous êtes pressé…
Le jeune homme marqua une pause.
Han Solo essaya de se rappeler de la dernière fois où il avait été amené à soudoyer un
agent des douanes, mais il n’y parvint pas.
— Je n’ai rien fait passé en contrebande depuis, disons, le début de la Rébellion, dit
Han au jeune officier.
Il partit en direction du terminal principal, et se tourna un moment.
— Il y des caisses de marchandises rangées sous le pont, mais je les ai déverrouillées.
Ne casse rien en essayant de les atteindre, O.K ?
L’agent des douanes le regarda s’en aller.
****
27
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Je prendrai une bière, dit Han. Corellienne, si vous avez.
Le bar du spatioport était presque vide. Un groupe de gamorréens âgés était installé
dans une cabine du fond, occupé à un jeu qui incluait du lancer d’os ; une créature appartenant
à une race que Han n’avait rencontré était assise à l’autre bout du comptoir, inhalant quelque
qui, même d’ici, empestait l’ammoniaque.
Le barman jeta un coup d’œil à Han, hocha la tête, et se tourna vers le bar. Un long
miroir était suspendu au mur derrière le comptoir ; Han observa son reflet. Il trouva que le
gris de ses cheveux lui donnait un air distingué.
— Je croyais que cette ville d’appelait Lente Agonie, dit Han tandis qu’on posait une
bière brune devant lui. Quand est-ce qu’on a changé son nom ?
Le barman haussa les épaules.
— Autant que je sache, elle s’est toujours appelée Décès.
— Ça fait combien de temps que vous vivez sur cette planète ?
— Huit ans.
— Pourquoi vous êtes venu ici ?
Le barman le fixa du regard.
— Un petit conseil… mieux vaut ne pas poser ce genre de questions par ici.
Il secoua la tête et s’en alla.
Han hocha la tête et commença à siroter sa bière. C’était le genre de choses qu’il avait
fait par le passé. Une pensée lui vint soudain.
— Hé, l’ami.
Le barman leva les yeux vers lui.
— Juste par curiosité, dit Han.
Il marqua une pause et jeta un œil à la salle pratiquement vide.
Il se pencha vers le barman.
— Maintenant que les épices sont devenues légales… que genre de trucs on fait passer
par ici, ces derniers temps ?
****
Le voyage pour Devaron avait été si long que la blessure à l’épaule de Malloc avait
pratiquement guéri avant même d’approcher la sortie d’hyperespace. Cependant, sa jambe
commençait à s’infecter, et aucune des drogues que Fett avait en sa possession ne semblait
fonctionner. Fett espérait sincèrement que Malloc ne succombe pas à sa blessure avant leur
arrivée sur Devaron.
Fett avait envoyé une transmission préventive à la Guilde des Chasseurs de Primes. En
temps normal, il ne se serait pas embêté à impliquer la Guilde ; mais en temps normal, il ne
risquait pas sa vie pour cinq millions de crédits. Un représentant de la Guilde serait là pour les
accueillir à leur arrivée.
Le Boucher était resté enfermé en cellule de détention durant la plus grande partie du
voyage.
N’ayant plus que quelques minutes avant la sortie d’hyperespace, Fett s’habilla.
L’armure de combat mandalorienne qu’il portait ces derniers temps n’était pas celle qu’il
avait revêtue par le passé. Son ancienne armure, couverte de brûlures et de fissures, était
toujours au fond de la Grande Fosse de Carkoon, dans le désert de Tatooine. Mais bien que les
armures de combat mandaloriennes étaient rares, il était tout à fait possible de s’en procurer –
à condition de frapper à la bonne porte. Pendant des années, Fett avait entendu parler d’un
autre chasseur de primes se baladant en armure mandalorienne, un homme du nom de Jodo
Kast. Cette découverte l’avait terriblement contrarié. Durant ces années, Fett avait été
plusieurs fois accusé, et crédité, d’actes commis par Kast.
28
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Moins d’un an après son évasion du Sarlacc, Fett avait localisé Jodo Kast par
l’intermédiaire de la Guilde des Chasseurs de Prime. Il avait recouvert son visage de bandages
et s’était fait passé pour un client lambda. Sa propre guilde ne l’avait même pas reconnu. Il
avait demandé les services de Kast, et Kast avait répondu. À ce moment-là, Fett avait revêtu
son armure de rechange, et pris l’armure de l’imposteur, ainsi que sa vie.
Avant que le vaisseau ne quitte l’hyperespace, Fett amena le Boucher à la salle de
contrôle et l’installa sur le siège le plus proche du sas pressurisé. Malloc transpirait
abondamment, luttant contre sa peur. Il avait descendu ses cinq premières bouteilles au début
du voyage ; Fett avait gardé la sixième bouteille pour ce moment. Il ficela les chevilles de
Malloc ainsi que sa main droite ; il lui laissa la main gauche libre pour lui permettre de boire.
Lorsqu’il fut satisfait de la manière dont Malloc était attaché, Fett ouvrit la dernière bouteille
de mérenzane doré et la tendit à Malloc. Ce n’était pas là un acte de gentillesse de la part de
Fett, mais si ça lui permettait de le maintenir sous contrôle jusqu’à son transfert aux autorités
Dévaroniennes, mieux valait le laisser boire.
Ils s’étaient à peine adressé la parole durant le trajet. Malloc leva la bouteille à ses
lèvres et avala trois, quatre gorgées avant de prendre la parole.
— Encore combien de temps ?
Fett jeta un œil à ses instruments.
— Six minutes avant la sortie d’hyperespace. Au moins vingt avant qu’on atteigne la
navette qui t’emmènera à bon port.
Il marqua une pause et ajouta :
— Bien assez pour que tu finisses ta dernière bouteille.
— Est-ce que tu sais ce qu’ils me feront là-bas ? demanda Malloc.
— Ils te jetteront en pâture à une meute de quarras affamés. Vivant.
Fett marqua une pause.
— La domestication d’animaux de chasse. J’ai cru comprendre que c’était l’une des
raisons pour lesquelles la Nouvelle République ne veut pas de Devaron dans son parlement
fédéral.
Malloc hocha la tête de manière un peu convulsive et sirota une autre gorgée de
mérenzane.
— Une mort plutôt affreuse. Je l’ai vu de mes yeux quand j’étais gamin. Tu as vu
juste, Fett. Nous autres, les Dévaroniens, on ne meurt pas facilement. Les quarras s’attaquent
d’abord à ton ventre – à la chair tendre. Mais ce n’est que le début. Ensuite, ils s’attaquent à
tes oreilles, à tes yeux, ou à tes cornes. Mais là encore, la blessure n’est pas fatale. Si tu as de
la chance, le quarra t’arrache la gorge assez vite. Il suffit de pencher la tête en arrière et
d’exposer ta gorge, et si tu as vraiment de la chance…
— Le prisonnier que tu as vu mourir, quel crime avait-il commis ? demanda Fett sur
un ton curieux.
Malloc observa fixement le liquide doré contenu dans la bouteille qu’il tenait dans la
main, et but une autre gorgée.
— Je ne crois pas qu’il y ait de mots en Basique pour le décrire exactement. C’était
durant la famine. Il était allé chasser, mais il avait décidé de ne pas partager le gibier avec la
tribu, de le garder pour lui-même et pour son quarra.
Malloc leva les yeux vers Fett.
— Tu sais ce que moi j’ai fait ?
Fett jeta un coup d’œil à ses instruments. Il restait plusieurs minutes avant la sortie
d’hyperespace ; mieux valait le laisser parler. Il se retourna vers Malloc.
— Oui.
— J’étais un serviteur loyal de l’Empire, dit le Boucher. Mon propre peuple s’est
rebellé contre l’autorité. L’Empire m’a chargé de traquer les rebelles. Et c’est ce que j’ai fait,
29
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Fett. Je les ai pourchassés à travers les terres du nord, et je les ai coincés dans la cité de
Montellian Serat. On a bombardé la ville jusqu’à ce qu’ils se rendent…
Fett hocha la tête et continua le récit lui-même :
— Et après avoir accepté leur reddition, tu les as tous exécutés. Sept cents prisonniers.
Hommes, femmes, enfants.
— L’Empire m’a ordonné de reprendre ma route. De prêter main forte aux troupes
alliées qui se battaient au sud de notre position. On ne pouvait pas laisser nos hommes
derrière pour garder les prisonniers… et on ne pouvait certainement pas les laisser en vie.
— On ne t’a jamais ordonné d’exécuter les prisonniers.
— Ils n’ont pas eu besoin de me l’ordonner.
Malloc but une autre gorgée, abaissant considérablement le niveau de la bouteille.
— Ca s’est fait en cinq minutes, Fett. On les a mis dans un enclos et on a ouvert le feu.
Ils ont hurlé, hurlé, et hurlé encore. On n’a arrêté de tirer que lorsqu’ils ont cessé de hurler.
Il ajouta, presque sur un ton suppliant :
— J’ai suivi les ordres.
— Je sais.
— À ce qu’on dit, tu étais le chasseur de primes favori de Dark Vador.
— C’est exact.
— Alors tu ne ressens aucune loyauté envers ce que tu étais ?
La voix de Malloc trahissait à la fois son désespoir et sa colère. Il ajouta :
— J’ai fait ce que l’Empire m’a dit de faire, mec ! Ca ne compte pas ça peut-être ?
Fett réfléchit à la question. Finalement, il dit :
— J’aurais souhaité que l’Empire ne s’effondre pas.
Il hocha la tête et dit sur un ton calme et posé :
— C’est vrai. Mon job était plus agréable à l’époque.
Le désespoir s’empara du Boucher. Il s’affaissa, comme si la gravité artificielle du
Slave IV venait juste de doubler. Ses captifs pensaient toujours pouvoir négocier, ou supplier,
jusqu’au dernier moment. Malloc n’avait pas encore eu l’occasion de poser la question
suivante ; il la posa donc. Virtuellement toutes les primes de Fett avaient…
— Comment tu m’as attrapé ?
Une minute avant la sortie d’hyperespace. Fett fit un signe de tête en direction de la
bouteille que Malloc tenait dans la main.
— J’ai retracé toutes les ventes de mérenzane doré à travers le secteur dans lequel se
trouve Tatooine. Ensuite, je suis allé au bar que tu avais l’habitude de fréquenter sur Tatooine,
et on m’a dit que le mérenzane était ta boisson préférée.
Malloc le fixa du regard.
— Cette saleté que je buvais sur Tatooine ? Ce n’était pas du mérenzane doré, espèce
d’idiot. Ce genre de bars ne sert pas de mérenzane doré. Ils se contentent d’ouvrir des
bouteilles qu’un homme, il y a longtemps, a regardé fixement en pensant à du mérenzane !
T’y connais rien en liqueur, hein ? demanda-t-il sur un ton désespéré. Tu n’as vraiment aucun
vice raffiné ?
Fett fit non de la tête.
— Non. Je ne bois pas, et je ne me drogue pas. Ces produits stupéfiants sont une
insulte à la chair.
— Alors tu m’as traqué parce que tu pensais que j’avais l’habitude de boire du
mérenzane doré quand j’étais sur Tatooine. Fett, pendant tout le temps que j’ai passé sur ce
misérable caillou désertique, je n’ai eu qu’un seul verre de véritable mérenzane.
Malloc secoua la tête d’un air stupéfait et pris une autre gorgée de liqueur.
— Par le Grand Froid… Je n’arrive pas à croire qu’un berger comme toi ait réussi à
m’avoir.
30
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Le tunnel hyperspatial commença à se fragmenter tout autour d’eux. Fett se détourna
de Malloc pour se concentrer sur ses instruments.
— La réalité n’en a rien à faire de savoir si tu la crois, dit Fett.
Bien sûr, Malloc jeta sa bouteille en l’air. D’une seule décharge de blaster, le système
de sécurité la pulvérisa en plein air. La bouteille éclata, projetant des bris de verre au dos du
casque de Fett et éclaboussant son armure de liqueur.
— T’aurais dû la finir, dit Fett.
Il n’eut pas besoin de se tourner vers Malloc pour sentir le désespoir se dessiner sur
son visage. Il avait déjà vu ça des milliers de fois.
Fett se positionna en orbite au-dessus de Devaron et s’amarra à la navette.
Le représentant de la guilde apparut enfin. Fett se tenait dans l’entrée principale, son
fusil pointé sur son invité.
Le représentant était un humain du nom de Bilman Dowd. C’était un homme grand,
mince, et âgé, avec une posture sévère et aucun sens de l’humour. Il avait fait partie de la
guilde plus longtemps que Fett, ce qui était un accomplissement remarquable par les temps
qui couraient – surtout pour un homme de son âge.
— Chasseur Fett, dit-il sur un ton assez courtois.
— Dowd.
Dowd jeta un coup d’œil au Boucher. Kardue’sai’Malloc était assis dans un coin,
immobile, le regard fixe. Il ne semblait pas se rendre compte de la présence de Dowd.
— Alors c’est lui le Boucher ?
— Je crois bien, oui.
Dowd hocha la tête. Il portait avec lui une tablette couverte de touches. Il appuya sur
l’une des touches et dit :
— Vous pouvez venir.
Le verrou du sas pressurisé du Slave IV effectua de nouveau une rotation et quatre
Dévaroniens entrèrent à l’intérieur. Deux d’entre eux étaient vêtus d’un uniforme militaire et
tenaient un fusil qu’ils braquaient vers le plancher du Slave IV. Le troisième individu était une
jeune femelle Dévaronienne portant des robes et une coiffe dorées. Le quatrième, vêtu de
robes noires, était une vieille dévaronienne, probablement aussi âgée que le Boucher.
Tous les quatre hésitèrent en voyant que Fett les tenaient en joue.
Dowd fit un signe à l’attention de la jeune Dévaronienne et dit quelque chose en
Dévaronien. Fett n’avait jamais entendu quelqu’un parler ce langage. C’était un dialecte
grossier et guttural rempli de consonances. Ça ressemblait à une invitation à se battre.
L’expression de la femme ne changea pas. Elle marcha en direction de Malloc – Fett
avait rattaché la main gauche du Boucher juste avant de s’amarrer à la navette. Elle
s’agenouilla devant Malloc, observant le captif comme si elle était en train d’inspecter une
carcasse sur la place du marché. La peau de Malloc avait adopté une teinte bleue. Fett
imaginait que c’était ce qui arrivait aux Dévaroniens lorsqu’ils avaient peur pour leur vie.
La femme se leva et hocha la tête abruptement. Elle parla en Dévaronien.
Dowd dit :
— Elle dit que c’est bien son père.
Fett acquiesça. C’était pour cette raison que le contrat stipulait que Malloc devait être
pris « vivant, » et non pas « mort ou vif. » Les Dévaroniens avaient changé le contrat
quelques années auparavant car ils n’étaient pas certains de pouvoir de reconnaître le Boucher
si tout ce qu’on leur amenait c’était son cadavre.
Le plus vieux des Dévaroniens dit en Basique et sur un ton grave :
— Nous payons maintenant.
31
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Dowd tendit sa tablette au Dévaronien. Ce dernier posa sa main à plat à la surface de
l’objet et prononça plusieurs paroles en Dévaronien. Dowd reprit la tablette, appuya sur deux
touches successivement, et se tourna vers Fett :
— Transaction effectuée.
Fett n’avait pas l’habitude de prendre ce genre de déclaration pour argent comptant. Il
recula de plusieurs pas, son fusil toujours pointé en direction du groupe de Dévaroniens, et
jeta un coup d’œil sur le côté. Dans un holochamp situé au bord d’un panneau de contrôle,
une fenêtre de consultation bancaire en temps réel indiquait la balance actuelle du compte
numéroté de Fett.
Montant : quatre millions cinq cent-sept mille trois-cent trois crédits.
Cinq millions de crédits, moins la commission de dix pour cent réservée à la guilde,
plus les sept mille trois-cent trois crédits que Fett possédait sur le compte professionnel qu’il
avait tenu ces dernières années.
La vague de soulagement qui submergea Fett à ce moment était la plus forte émotion –
en dehors de la colère – qu’il avait ressentie ces dix dernières années. Il pouvait désormais
s’offrir un clone de remplacement pour sa jambe droite, et même rentabiliser le traitement
anti-cancérigène qui l’avait mis sur la paille. Fett s’entendit à peine lorsqu’il dit :
— Prenez-le. Il est à vous.
Ils levèrent brusquement le Boucher du siège auquel il avait été attaché. N’opposant
aucune résistance, il hurla à Fett en Basique :
— Souviens-toi de ce que tu m’as promis !
Les militaires traînèrent Malloc jusqu’au sas pressurisé. Il y avait une lueur de
démence dans son regard.
— Prend soin de mes enregistrements !
****
Après le départ des quatre Dévaroniens, Dowd resta où il était, avec sa tablette,
observant Fett avec une curiosité évidente. Fett était assis sur son siège de pilote et maintenant
son fusil pointé sur Dowd.
Dowd dit :
— Je présume que tu comptes prendre ta retraite.
Fett haussa les épaules et répondit :
— Je n’y ai pas encore réfléchi.
Dowd acquiesça et ajouta :
— Ces enregistrements dont il parlait. De quoi s’agit-il ?
— Il avait une collection d’enregistrements musicaux. Une musique que l’Empire
aurait tenté de supprimer. Il m’a demandé de la livrer à quelqu’un. Une femme, qui
s’assurerait que les enregistrements seraient publiés.
Dowd fronça un sourcil.
— Et tu as accepté ?
— En effet.
Dowd hocha la tête.
— Tu es vraiment étrange.
Le commentaire de Dowd n’offensa pas Fett le moins du monde. Dowd lui avait déjà
fait la remarque par le passé, et plus d’une fois. Après tout, ils se connaissaient depuis des
dizaines d’années. Dowd fouilla dans la poche de son manteau et Fett ajusta la visée de son
arme.
Dowd esquissa un léger sourire.
— J’ai un message pour toi. Il est arrivé au siège de la Guilde. Tu le veux ?
32
BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Pose-le là, dit Fett. Et va-t’en. Je suis épuisé.
****
Le contenu du message était stupéfiant.
Le code d’identification était si ancien que Fett dut fouiller dans ses archives
informatiques pour trouver la clé correspondante. Au fil des années, il avait pris l’habitude de
confier à ses informateurs des codes composés de séquences numérotées. Les cinq premiers
chiffres du message que Dowd lui avait transmis étaient zéro-zéro-huit-zéro-deux, ce qui le
datait d’au moins vingt-cinq ans – Les chiffres de l’actuel code d’identification de Fett
commençaient bien au-dessus de douze mille.
Il dénicha la clé de cryptage pour le protocole huit-cent-deux et décoda le message.
La missive était brève. Elle disait :
Han Solo est sur Jubilar. Incavi Larado.
Ayant passé sa vie à chasser des criminels, Boba Fett avait rarement utilisé deux mots
lorsqu’un seul suffisait amplement. Et il n’avait pas l’habitude de se parler à lui-même, pas
même…
Boba Fett dit à voix haute :
— On ressort les vieux dossiers.
****
En route pour Jubilar, Boba Fett écouta les enregistrements que le Boucher de
Montellian Serat avait jugés plus importants que sa propre vie.
Il y avait environ cinq cents puces de données dans la boîte que le Boucher avait
enterrée ; chaque puce avait la capacité suffisante pour contenir jusqu’à vingt-quatre heures de
musique. Fett ouvrit la boîte, choisit une puce au hasard, et l’inséra dans son lecteur de
données.
Il devait l’admettre, les sons qui jaillirent autour de lui étaient… différents ; sans
aucune mélodie, barbants et désagréables à l’oreille. Il secoua la tête, extirpa la puce du
lecteur et décida d’en essayer une autre.
Une fois la nouvelle puce insérée, un long silence s’installa dans la cabine. Fett
attendit. Perdant finalement patience, il décida de retirer…
Le son qui jaillit des haut-parleurs était à la limite de l’audible. Fett s’immobilisa net,
faisant silence pour mieux entendre. Le murmure se transforma en un son d’instrument à bois,
très vite rejoint par le souffle d’un cor qui jouait à contretemps…
Fett ôta sa main du lecteur et s’enfonça dans son siège, écoutant attentivement la
musique qui lui chatouillait les oreilles.
Une voix, que Fett pensait être féminine mais qui aurait très bien pu être masculine ou
extraterrestre, se joignit à l’orchestre. Elle se faufilait adroitement entre les instruments et
chantait magnifiquement dans une langue que Fett ne reconnaissait pas. Une langue qu’il
n’avait jamais entendue auparavant.
Quelques instants plus tard, il décida d’ôter son casque.
— Extinction des lumières, dit-il peu après.
Il resta assis dans sa cabine, en route vers Jubilar pour aller tuer Han Solo, écoutant
dans le noir la seule et unique copie du dernier concert du légendaire Brullian Dyll.
****
33
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Dans les glaciales terres du nord Dévaroniennes, sous les cieux bleu foncé qui avaient
hantés les rêves de Kardue’sai’Malloc pendant plus de vingt ans, une dizaine de milliers de
Dévaroniens s’était rassemblés sur la Terre du Jugement, à l’extérieur des ruines de
l’ancienne cité sacrée de Montellian Serat, la cité que Malloc avait réduite en cendres.
C’était une belle journée en pleine saison froide. Une douce brise soufflait depuis le
nord, et des nuages pâles glissaient le long du ciel bleu foncé. Les soleils flottaient juste audessus de l’horizon, au sud, et les Montagnes Bleues s’élevaient en direction du nord. Tandis
qu’il était poussé à travers la foule jusqu’à la fosse où le quarra attendait sa proie, Malloc
remarqua à peine les Dévaroniens qui l’entouraient. Il remarqua encore moins les membres de
sa famille qui étaient tous vêtus de noir.
Il entendit le quarra grogner, et son grognement devenait plus audible à mesure qu’il
se rapprochait de la fosse.
Sa fille et son frère marchaient à quelques pas derrière lui. Malloc se rappelait qu’il
avait eu une femme par le passé. Il se demandait pourquoi elle n’était pas là.
Peut-être était-elle morte.
Il y avait une douzaine de quarras dans la fosse, tous maigres et affamés. Ils
bondissaient vers le rebord où les gardes avaient positionné Malloc.
Les Dévaroniens n’étaient pas des créatures de cérémonie. Un héraut hurla :
— Le Boucher de Montellian Serat !
Les hurlements de la foule s’élevèrent et entourèrent Malloc. Cette immense clameur
couvrit les grognements des quarras. On détacha ses liens et un garde aux mains puissantes le
poussa dans la fosse où les quarras affamés l’attendaient.
Les créatures assoiffées de sang bondirent et plantèrent leurs crocs dans sa chair avant
même qu’il ait eu le temps de toucher le sol.
Il pouvait voir les Montagnes Bleues à l’endroit où il était tombé.
Il avait presque oublié les montagnes, les forêts, ainsi que toutes ces années passées
sur ce monde désert.
Les arbres, en revanche, étaient magnifiques.
Penche la tête en arrière.
****
Han n’eut pas d’autre choix que d’acheter un speeder – la location n’était pas le fort
des marchands sur Jubilar. Il était arrivé trop souvent que les locataires, ainsi que les
locations, ne soient jamais revenus.
Le soleil se couchait, et Han arrêta son speeder à l’adresse qu’on lui avait indiqué. Il
descendit de son véhicule et jeta un œil aux alentours.
Presque trente ans.
Il ressentait quelque chose d’étrange : tout avait changé. Les bâtiments bien tenus de
ses souvenirs étaient aujourd’hui délabrés ; les bâtiments qui étaient déjà délabrés à l’époque
avaient été démolis et remplacés par de nouveaux édifices. Il y avait des taudis partout –
beaucoup de quartiers avaient été rasés au cours des batailles incessantes qui avaient eu lieu à
travers la planète.
Le voisinage entourant la Place la Victoire, où Han avait combattu dans la foire
d’empoigne humaine régionale du secteur numéro quatre, n’était plus qu’un tas de ruines. On
aurait dit les restes d’une civilisation ancienne et balayé par le temps. Les fenêtres sur les
petits édifices entourant la Place avaient été brisées et remplacées par des planches sur
lesquelles il était possible de voir des traces de brûlures et d’impacts.
34
BOBA FETT : LE SURVIVANT
De l’ancienne Place de la Victoire, il ne restait qu’une parcelle de terre vide et jonchée
de gravats. Han quitta le trottoir pour rejoindre la place. Il traversa la parcelle abandonnée en
direction de l’entrée principale, marchant sur des bris de verre et des graviers.
Il se tenait sur une place vide, contemplant un lieu de désolation tandis qu’un vent
frais soufflait sur lui ; et soudain, il se revit là il y a des années…
… debout sur le ring, face à ses adversaires ; les hurlements, acclamations, et railleries
de la foule dans les oreilles ; essoufflé, le cœur battant la chamade, tandis que le drapeau du
match tombait vers la surface du sol et que les trois autres combattants fonçaient sur lui.
Han fit un saut avec élan au plus près du groupe. Il s’éleva à deux mètres au-dessus du
sol et atterrit en assénant un coup de pied au visage du premier combattant qui se rua sur lui.
Le coup lui ayant brisé le nez, l’homme recula en penchant la tête en arrière…
À ce jour, Han ne se souvenait pas clairement des minutes qui avaient suivi ce premier
échange. Les combats avaient été enregistrés, et il avait lui-même visionné les
enregistrements ; mais il y avait un fossé entre la connaissance première des événements qui
suivirent et les souvenirs confus qu’il en avait. Le gamin avait été grièvement blessé, quittant
le ring avec un bras cassé et la mâchoire brisée, deux côtes fracassés et plusieurs ecchymoses
sur la moitié de son corps – des ecchymoses qui adoptèrent une teinte violette les jours
suivants. Han ne parvenait pas à se rappeler à quoi ressemblait la femme qui avait pris soin de
lui les jours suivants. C’était une femme étrange, et Han se souvenait simplement qu’elle avait
passé ses doigts sur ses ecchymoses avec une fascination évidente…
Ici. Ici. Et juste… ici.
Han se tenait au bon endroit. Cette parcelle déserte… c’était bien là. Le ring. Et à la
fin, c’était lui le dernier encore debout…
Trente ans. Trente ans s’étaient écoulés depuis ce jour.
Lentement, Han fit un pas en arrière… s’arrêta et observa une dernière fois l’endroit
dévasté, une ruine s’étirant jusqu’à l’horizon ; puis se retourna et rejoignit son speeder. Une
fois à bord de son véhicule, il s’enfonça dans son siège et croisa les doigts derrière sa tête,
contemplant le ciel tandis que l’obscurité envahissait la terre. Il se souvenait.
****
— Maire Baker, dit Han. C’est un plaisir.
Il l’avait rencontré dans un entrepôt hydroponique peu éclairé situé à la lisière de
Décès, dans un coin de la ville qu’on appelait communément le Quartier du Bourreau. Il
n’était pas venu les mains dans les poches – il était visiblement armé. Il avait un blaster
attaché à sa ceinture, deux blasters de poing cachés sous son manteau, et un blaster dissimulé
dans sa botte.
Il ne s’attendait pas nécessairement à trouver les ennuis. C’était les affaires, des
affaires dans lesquelles il avait trempé bien avant de rejoindre la Rébellion. De plus, il savait
ce qu’il faisait. Mais sur une planète comme Jubilar, dans une ville comme Décès, mieux
valait de ne pas prendre de risque.
L’administration de Décès voulait qu’il fasse passer des jandarras sur Shalam, dans la
Bordure Médiane. Han avait failli éclater de rire lorsque le représentant du maire l’avait
contacté ; le jandarra était l’un des mets favoris de Leia. Il était persuadé qu’elle aussi serait
amusée d’apprendre qu’il s’était pointé sur Shalam avec une soute pleine de légumes ; et il
était certain que les shalamites n’oseraient jamais le poursuivre en justice pour un tel
transport.
Le maire adressa un sourire à Solo. C’était une femme grande et obèse dont les traits
du visage indiquaient qu’elle ne souriait pas facilement. Quatre gardes du corps étaient là
35
BOBA FETT : LE SURVIVANT
également ; deux à l’entrée de l’entrepôt, et deux à quelques pas de madame le maire. Tous
les quatre étaient armés de fusils d’assaut.
— Monsieur Morgavi… Luke, c’est bien ça ?
Han lui rendit son sourire.
— C’est ça. Luke Morgavi. Comme je l’ai dit à votre assistant, madame, je suis un
marchand indépendant originaire de Boranda.
La grosse femme acquiesça.
— Enchantée, Luke. Si vous voulez bien me suivre.
Elle le conduisit à travers plusieurs rangées de cuves hydroponiques jusqu’à une
rangée située au fond du hangar, où les lumières de croissance étaient plus intenses et dont la
longueur d’onde était différente. À l’intérieur des cuves, de petits légumes tubulaires violets et
verts étaient en plein pousse.
— Jandarra, dit-elle. Ils viennent des sols de Jubilar. C’est un mets très raffiné, et il
pousse généralement dans le désert après de fortes pluies – des pluies rares. Il faut deux
années de travail pour pouvoir enfin les cultiver…
Han hocha la tête.
— Et les shalamites veulent vous faire payer plein pot.
La femme parla sur un ton qui trahissait sa colère.
— Nous avons ici un stock de jandarras d’une valeur de quatre-vingt mille crédits qui
chuterait inévitablement à une valeur de quarante mille crédits si l’on devait se plier au tarif
shalamite.
— Ces shalamites, dit Han en prenant le parti du maire. On ne peut pas leur faire
confiance. Ils trichent aussi aux cartes, vous le saviez ça ?
La femme s’arrêta et étudia Han du regard.
— Non… monsieur Morgavi. Je ne le savais pas.
Elle soupçonnait Han d’être un tricheur lui aussi, et ne cessa pas de sourire – c’était
tout un métier. Il ne l’avait vraiment pas reconnue. Après tout, ça faisait trente ans, et elle
avait pris soixante kilos. Et son nom, celui qu’elle portait avant d’épouser ce misérable Miagi
Baker, était en réalité Invaci Larado.
Il avait juré qu’il reviendrait ; et voilà qu’il revenait trente ans plus tard ; le tristement
célèbre général Solo de la Nouvelle République.
— Un chargement de quatre-vingt mille crédits, dit-elle à nouveau. À livrer à
Shalamite. Ce sera quarante mille d’avance, et nous sommes disposés à aller jusqu’à…
— Cinquante pour cent, dit Han sur un ton poli. Ce qui donnerait vingt mille crédits, et
je serai ravi de vous le livrer votre chargement.
Le maire plissa les yeux.
— Vous pensez pouvoir échapper à la flotte shalamite ?
Han répondit :
— Madame, j’avais l’habitude de forcer les blocus impériaux dans ma jeunesse. Et je
parle bien des bons vieux Destroyers Stellaires. Laissez-moi vous raconter…
****
Tapi dans l’obscurité, Boba Fett était allongé sur le ventre, ajustant soigneusement sa
visée. Il devait tirer à travers l’entrée principale pour atteindre l’entrepôt de cuves
hydroponiques, ce qui aurait été une tâche facile si certaines des cuves ne s’étaient pas
trouvées en plein dans sa ligne mire. Il allait devoir attendre que Solo ressorte du hangar.
Fett attendait patiemment. Il fut surpris par sa bonne fortune ; qui aurait pensé que le
piège qu’il avait installé trente ans plus tôt porterait ses fruits aujourd’hui ?
36
BOBA FETT : LE SURVIVANT
Bonne fortune, en effet – même aujourd’hui, alors que l’Empire n’était plus que de
l’histoire ancienne, Han Solo avait des tas d’ennemis : les proches de Jabba ; les officiers
loyaux de l’Empire qui étaient parvenus à maintenir de petits fiefs sur un millier de planètes à
travers la galaxie ; et les multiples primes offertes pour la capture de Solo - mort ou vif –
restaient sacrément impressionnantes malgré la disparition de Jabba, de Vador, et de
l’Empire ; même pour un homme comme Fett, qui avait déjà quatre millions et demi de
crédits à la banque, il en valait encore la peine.
De manière curieuse, la vue de Solo – le voir à travers la lunette du fusil – emplit Fett
d’une nostalgie qui le surprenait. Ça ne faisait aucun doute dans l’esprit de Fett que Han était
un homme mauvais, pire encore que le Boucher de Montellian Serat ; et si la prime de cinq
millions n’avait apporté aucune joie à Fett, il avait livré le Boucher à ses bourreaux avec
relativement peu de regret.
Solo, en revanche… Fett avait fini par réaliser qu’au fil des décennies, la présence de
Solo avait en quelque sorte été réconfortante. Il avait fait partie de la vie de Fett – bien que de
manière assez éloignée – pendant si longtemps que Fett avait du mal à imaginer un monde
sans lui. Le monde avait changé, encore et encore, et dans tout ça Solo avait été la seule
constante.
Il avait traqué Solo pour différents clients, différentes primes. Fett n’arrivait pas à
imaginer un monde sans Solo…
Il se pencha légèrement en avant et régla la molette de la lunette. L’image de Solo,
ainsi que de la femme que Fett supposait être Incavi Larado – bien qu’il ne reconnût pas –
apparurent en relief ; Fett resserra son emprise sur la détente.
Il ne ferait pas l’erreur d’essayer de prendre Solo en vie – pas cette fois.
Et il apprendrait à imaginer un monde sans lui.
****
Ils se dirigeaient ensemble vers l’entrée principale. Le maire Incavi Baker esquissait
un sourire patient – un effort qui n’avait pas échappé à Han. Il marchait un pas derrière elle,
conservant une partie de la masse corporelle du maire entre lui et les quais de chargement
situés à l’extérieur, où la lumière s’était éteinte peu après qu’ils étaient entrés dans le hangar.
Dehors, les docks étaient plongés dans le noir total ; pour ce qu’il en savait, une armée aurait
très bien pu se positionner à l’extérieur.
— … alors le gamin, dit Han, comment il s’appelait déjà ? Euh… Maris ! Le gamin et
le vieillard illuminé – Jocko… ouais, Jocko – bref, ce mec, Jocko, croit qu’il est un Chevalier
Jedi – et croyez-moi, ce vieil homme était vraiment casse-pieds. Enfin bref, ils me disent
qu’ils doivent absolument passer à travers les lignes impériales…
Qu’est-ce qui l’attendait là-dehors ?
Dans quoi s’était-il encore fourré ?
****
Il sait qu’il se trame quelque chose, pensa Fett. Il…
****
La ligne d’alimentation principale passait par la façade nord de l’entrepôt et se divisait
en deux faisceaux ; l’un grimpant jusqu’aux lumières du plafond et l’autre longeant le sol
jusqu’aux cuves hydroponiques.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Han plia son poignet sur un certain degré d’inclinaison et le blaster de poing dissimulé
dans sa manche gauche tomba au creux de sa main.
****
Boba Fett pointait sa mire à quelques centimètres à gauche de la forme d’Incavi
Baker ; son réticule de visée trouva le torse de Solo, le perdit, et le retrouva.
Fett pressa la détente.
La lumière de l’entrepôt se coupa.
Le tir perça l’obscurité comme un éclair.
****
Han se jeta au sol et effectua une roulade tandis que des étincelles jaillissaient encore
du câble d’alimentation qui avait été touché par le rayon d’énergie qui aurait dû l’atteindre au
torse. Il roula de côté en faisant cracher son blaster de la main gauche en direction de l’endroit
où il se souvenait avoir vu se tenir les deux gardes du corps les plus proches, dégainant son
blaster principal de la main droite par la même occasion. La femme hurlait, et Han parvint à
décocher quatre tirs avant que son blaster de poing ne s’enraye. La cellule d’énergie de l’arme
émettait une lueur rouge et chaude, faisant de Han une cible de choix pour quiconque voulait
l’abattre, et Solo se releva avant de se réfugier dans l’obscurité, au beau milieu des rangées de
cuves hydroponiques. Sa vue était troublée, et il dut se servir de sa main brûlée pour se mettre
à l’abri en titubant d’une cuve à l’autre, tandis que des décharges de blaster pleuvaient autour
de lui.
Pendant ce bref instant durant lequel son blaster de poing avait été victime d’un
dysfonctionnement, il avait vu une silhouette courir vers l’entrée du hangar ; une silhouette
tout droit sortie des pires cauchemars de Han Solo ; une figure emblématique de l’époque la
plus sombre de l’histoire ; un homme portant une armure de combat mandalorienne.
****
Incavi Baker était étendue sur le dos, le regard rivé vers l’infini. Elle ressentait une
terrible souffrance sur le côté, et elle savait qu’elle allait mourir.
Elle aurait aimé que l’endroit ne soit pas aussi sombre. Des rayons de lumière
éclatante fusaient tout autour d’elle ; des décharges de blaster qui éclairaient brièvement le
monde, mais même ces rayons de lumière commençaient à s’évanouir.
Une silhouette émergea des ténèbres et vint s’agenouiller à côté d’elle. Un homme
portant une armure grise. Incavi ouvrit la bouche… mais aucun son n’en sortit, et l’homme
tendit une main vers elle.
Elle sentit un objet tranchant et glacial entrer en contact avec son cou.
Tout doucement, la souffrance s’estompa.
****
Un bourdonnement dans ses oreilles.
Les quatre gardes du corps étaient morts.
Solo a probablement abattu celui qui se trouvait sur le côté, se dit Fett en se rappelant
la blessure que Solo avait ouverte en lui.
Fett savait qu’il n’avait tué que les trois qui étaient encore debout au moment où ils
étaient entré dans l’entrepôt, et qu’il avait agi plus par réflexe qu’autre chose.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Mais… Il s’agenouilla près de la femme et lui tint la main jusqu’à ce qu’elle cessa de
remuer.
Durant toutes ces années passées à traquer des criminels et à récolter des primes, Fett
ne s’était jamais trompé de cible, et il n’avait pas ressenti un tel malaise depuis le jour où il
avait été exilé de Concord Dawn. Il ressentait un désir absurde de demander pardon. Ce qui
était ridicule ; cette femme était par nature aussi impeccable que n’importe quel être humain.
Fett l’avait connu durant jeunes années et il n’y avait rien d’admirable chez elle. Sa présence
ne manquerait certainement pas à la galaxie.
Mais ce n’était pas elle qu’il avait voulu tuer.
Incavi eut quelques soubresauts, et sa main – celle que Fett tenait dans la sienne – se
décontracta.
Dans une telle obscurité, les lunettes macrobinoculaires incrustées dans son casque ne
lui étaient pas d’une grande utilité. Elles rendaient visibles les corps encore chauds des quatre
gardes du corps ainsi que de la vieille dame, et indiquaient la chaleur qui émanait encore des
équipements lumineux qui étaient maintenant dépourvus d’alimentation.
Une source de chaleur bougea dans le fond du hangar.
Fett se releva, fusil en main, et reprit la chasse.
****
Une armure de combat mandalorienne.
Celle-là, je ne l’avais pas vu venir, se dit Han.
Il était armé d’un fusil d’assaut pris au garde du corps qu’il avait frappé à l’aine, mais
à moins qu’il arrive à se rapprocher de Fett, ça ne l’aiderait pas beaucoup ; et avec les lunettes
macrobinoculaires que le chasseur de primes embarquait dans son casque, se rapprocher de lui
n’allait pas être chose facile.
Il fallait qu’il sorte de cet entrepôt obscur, qu’il aille à l’extérieur, là où il était possible
de courir, de se cacher, de rejoindre le speeder à bord duquel il était venu.
Han n’arrivait pas à croire que ça lui arrivait.
Il lutta pour se lever et vérifia la sécurité sur son fusil d’assaut. Soudain, il entendit du
mouvement en provenance de l’entrée du hangar. Accroupi et tête baissée, il se dirigea vers la
porte de derrière.
Lando serait jaloux quand Han lui raconterait ce qui lui était arrivé – si Han vivait
assez longtemps pour en parler, bien sûr.
Leia serait furieuse.
****
Fett plongea derrière l’une des cuves de culture et décocha une fusée en direction du
toit du hangar.
Une lumière actinique orange illumina l’endroit ; Solo devrait ralentir pour ne pas être
vu.
Tandis que la fusée heurtait le plafond et retombait en décrivant une trajectoire arquée,
l’intérieur de l’entrepôt devint aussi lumineux qu’en plein jour, et les poutres de support de
l’entrepôt projetèrent de grandes ombres mouvantes sur les murs.
Fett entendit un bruit métalliquement provenir de la section Est de l’entrepôt. Il tint sa
position et se prépara à ouvrir le feu. Solo avait jeté quelque chose. Un autre bruit.
Patience, patience…
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
Un coup de feu. Un bruit de verre brisé. C’était Solo en train de s’échapper par l’une
des fenêtres du hangar. Fett se dressa pour l’abattre avant qu’il n’ait eu le temps de
disparaître.
Cependant, une fois debout, Fett vit que Han Solo, qui se tenait à cinquante mètres de
là, était en fait en train de pointer un fusil d’assaut sur lui – un fusil qu’il avait pris à l’un des
gardes du corps. Le tir heurta de plein fouet le plastron de Fett, et le projeta au sol.
Han Solo se tourna, se mit à courir vers le mur du hangar, et passa au travers de la
fenêtre comme s’il était un jeune homme dans la fleur de l’âge.
Boba Fett roula de côté et se releva péniblement. Le plastron de son armure était si
chaud qu’il ne pouvait pas le toucher sans se brûler. Pris d’une colère meurtrière, il se lança à
la poursuite de Solo, ignorant totalement la douleur qui était en train de sa manifester dans ses
jambes et dans sa poitrine.
****
Han courut en direction de son speeder sous la faible lumière du clair de lune. Il était
légèrement désorienté ; il n’arrivait pas à se rappeler s’il avait garé son véhicule sur le parking
sud-ouest ou sur le parking sud-est. Essoufflé, il prit la direction du sud et emprunta l’une des
longues ruelles qui se trouvait entre les entrepôts. Lorsqu’il arriva devant le dernier bâtiment –
le dernier abri avant le parking – il hésita quelques secondes et tourna enfin à l’angle. Le
parking était soit directement à sa gauche, soit directement à sa droite. Il tenta d’imaginer le
plan de la zone d’entrepôts. Il était presque sûr d’avoir emprunté le chemin le plus court ;
dans le cas contraire, il était possible que Fett ait déjà atteint le parking.
Il entendit un bruit curieux. Le frottement du métal contre la pierre…
Avant même de réaliser ce qu’il faisait, Han tourna à l’angle en brandissant son fusil
tandis que Boba Fett se tournait vers lui en brandissant son propre fusil…
Ils se tenaient au milieu de nulle part, sur une planète presque oubliée par la galaxie,
pointant leur fusil l’un sur l’autre à moins d’un mètre de distance.
Han ne pressa pas la détente.
Fett ne pressa pas la détente.
D’étranges détails vinrent à l’esprit de Han. Le canon du fusil de Fett était
incroyablement large, aussi large que l’Etoile de la Mort lui avait parue la première fois qu’il
l’avait vue par le hublot du Faucon Millénium. Le canon n’était pas tout à fait stable ; il
tremblait légèrement, décrivant des cercles minuscules et presque invisibles à l’œil nu. Le
clair de lune projetait une lueur sur l’armure abîmée de Fett ; Han pouvait voir la lune se
refléter sur sa visière noire.
Il était encore essoufflé de sa course. Lorsqu’il prit enfin la parole, il ne put
s’empêcher de marquer une respiration :
— Je suppose qu’on va… mourir ensemble.
Fett répondit sur un ton aussi sévère et cru que d’habitude :
— Apparemment.
Han l’étudia des pieds à la tête.
— Ton armure ne te sauvera pas. Pas à cette distance.
— En effet.
— Je doute que tu réussisses à me tuer suffisamment vite pour m’empêcher de tirer.
Le casque de Fett décrivit un bref mouvement – un hochement de tête.
— J’en doute, moi aussi.
Han pointait son fusil sur la gorge de Fett. Il n’osait pas ôter son regard de son viseur.
— Tu les a tous tués. Y compris la femme.
Han aurait juré avoir perçu un frémissement le long du corps du chasseur de primes.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Et j’en suis désolé. Ils – elle – n’étaient pas mes cibles.
Han faillit presser la détente. Il dit d’une voix qui trahissait sa colère :
— Tu vas mourir et je vais mourir, et peut-être qu’on mérite tous les deux de mourir.
Cette femme n’avait rien…
— C’est elle qui m’a contacté !
Han fit un pas en avant et hurla :
— J’en n’ai rien à faire !
Il réalisa alors avec surprise que le canon de son fusil était maintenant collé à l’amure
de Fett, et que le canon de Fett était en train de creuser son torse.
— J’ignore ce qui t’as rendu comme ça – ce qui t’as poussé à croire que tu pouvais
décider du sort des gens – et je m’en fiche. Presse la détente et on meurt tous les deux !
Il regardait droit dans la visière de Fett.
— C’est la dernière décision que tu n’auras jamais à faire.
— Toi, d’abord, répondit Fett d’une voix si douce que Han n’aurait jamais imaginé
qu’elle appartenait au pire chasseur de primes de la galaxie. T’es marié, non ? T’as des
enfants qui ont besoin de toi. Qu’est-ce que tu faisais là-bas, Solo ? Tu cherchais à revivre ta
jeunesse ? Un homme comme toi n’a rien à faire dans un endroit pareil.
La fureur qui s’empara de Han était presque surnaturelle.
— Si je t’entends encore parler de mes enfants, je te tue.
— Tu veux vraiment mourir ?
Han prit une profonde inspiration.
— Et toi ?
Fett secoua la tête, causant le plus petit déplacement de lumière possible le long de sa
visière.
— Non. Mais je ne vois pas d’autre alternative.
Han sentit une minuscule étincelle d’espoir jaillir en lui.
— Très bien. Poses ton arme, et je ne te tuerai pas.
Fett répondit à voix basse :
— Non. Pose la tienne, et je ne te tuerai pas. Ensuite, je te laisserai repartir sain et sauf
vers ta famille. Mais tu dois d’abord poser ton arme…
— Je ne te crois pas.
— Le sentiment est réciproque, dit Fett.
Un vent frais soufflait sur le parking, asséchant la sueur qui recouvrait sa peau et
provoquant des frissons dans son corps.
— On recule de cinq pas, dit finalement Han. Tu poses ton arme et tu cours comme un
gundark enflammé. Même si je te tire dessus, à cette distance, ton armure te protégera.
— Mes jambes sont dans un sale état. Je ne crois pas que j’arriverai à te distancer
suffisamment.
Han ne pouvait s’empêcher de penser à Leia et à ses enfants.
— Va-t’en. Pose ton arme et va-t’en. Je suis un homme de parole. Je ne te tuerai pas…
— Je te connais, Solo. T’es un menteur et un tricheur, dit Fett. Je sais que tu presseras
la détente.
Fett marqua une pause. Finalement, il reprit :
— Dans ma jeunesse, j’aurais déjà pressé la détente depuis longtemps. Mais il s’avère
que je n’ai pas autant de haine pour toi, et je ne suis pas prêt à mourir simplement pour te
rayer de la carte.
Han répondit :
— J’ai fait une erreur en venant ici. Je te déteste, et je déteste tout ce que tu
représentes… mais j’ai une femme et des enfants qui ont besoin de moi.
— Je ne vois pas comment régler le problème à moins de se faire confiance, dit Fett.
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BOBA FETT : LE SURVIVANT
— Ce fusil est plutôt lourd, dit Han – ce qui était vrai.
Il regarda Fett par-dessus son viseur.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
— Tout le monde meurt un jour, dit Fett.
— Ouais. Tout le monde meurt un jour. Mais rien ne nous oblige à mourir aujourd’hui.
Fett secoua la tête. Son casque bougea très légèrement, mais Han n’imagina pas une
seconde que c’était un signe de faiblesse de la part de Fett.
— Je ne sais pas, dit enfin Fett. C’est dur de faire confiance à un ennemi. Peut-être
qu’on devrait continuer le combat. Peut-être, Han Solo, qu’on devrait tous les deux presser la
détente et laisser le sort décider de qui survivra, comme on le faisait quand on était jeunes.
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