LA PROTHESE DE DISQUE INTERVERTEBRALE SB
Transcription
LA PROTHESE DE DISQUE INTERVERTEBRALE SB
Article original LA PROTHESE DE DISQUE INTERVERTEBRALE SB CHARITE III Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans SB CHARITE III INTERVERTEBRAL DISK PROSTHESIS Biomechanical, clinical and radiological correlations with a serie of 100 cases over 10 years follow-up J.Ph. Lemaire Point Médical, Rond Point de la Nation, 21000 DIJON Département de Chirurgie Vertébrale, Clinique de Chenôve, 21300 CHENOVE Résumé Summary es études biomécanique, cinématique et tribologique de la prothèse SB Charité III mettent en évidence un comportement similaire au disque “normal”, la possibilité de restaurer une cinématique physiologique de l’articulation intervertébrale, avec des caractéristiques optimales en compression dynamique et en frottement. Les résultats d’une série homogène de 100 cas à plus de 10 ans de recul corroborent ces études avec 62% d’excellent et 28% de bon résultats, 80% de reprise de travail dans de même poste, 12% de reprise avec changement de poste de travail. Le rapport coût-bénéfice exprimé par le rapport bons résultat-reprise de travail, caractérise l’évolution technologique proposée par la prothèse SB he biomechanical, kinematical and tribological studies of th SB Charite III disc prosthesis demonstrate a behaviour similar to the normal disc, a physiologic behaviour like the normal intervertebral joint, with optimal dynamic compressive and friction characteristics. The results of an homogeneous sreies of 100 cases with a follow-up over 10 years confirm these studies with 62% of excellent results, 28% of good results, 80% of return to the same work, 12% of return to a lighter work. The cost-benefit ratio read as the ratio good results-return to work demonstrate the technological evolution proposed by SB Charite III disc prosthesis, compared to the results of the fusion and others models of prosthesis. T L RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 271 J.Ph. Lemaire Charité III, vis à vis des arthrodèses et des autres prothèses proposées. Les résultats radiologiques démontrent la restauration d’une lordose locale, d’un équilibre sagittal stable, sans fluage du polyéthylène à long terme. L’absence de surcharge fonctionnelle adjacente témoigne d’un cahier des charge cohérent, et la faible morbidité d’une technologie fiable. Radiological results demonstrate the restauration of the local lordosis, the sagittal balance, without cold flow of the polyethylen core. The lack of functionnal overload on adjacent levels testify of the requirements for a disc prosthesis, and the low morbidity testify of a reliable technology. Mots-clefs : Prothèse discale intervertébrale - Lombosciatique Arthrodèse lombaire - Instabilité. Key-words : Intrevertebral disc prosthesis - Low back pain sciatica Lumbosacral arthrodesis - Instability. a prothèse de disque intervertébral est une alternative à l’arthrodèse du rachis lombaire dégénératif. Son indication de choix est la dégénérescence discale sans déformation anatomique structurale des articulaires postérieures. L’ arthrodèse offre des pourcentages de bons résultats très discordant dans la littérature (de 16 à 95%) (2, 21, 22, 32, 37), en partie expliqués par la réalité des surcharges fonctionnelles sur les étages adjacents. Les alternatives de type fixation semi-rigide, ou souple ne semblent pas prévenir de cette réalité par “incompétence” à gérer l’équilibre sagittal régional, voire pour la seconde être arthrogène à moyen terme sur le segment instrumenté. Les fixations “amorties” (23), les arthrodèses antérieures apportent certaines réponses techniques ou stratégiques, mais restent une antinomie fonctionnelle lorsque l’on peut restaurer un compromis forme-fonction. Les échecs ou la non application clinique des modèles de type “milieu élastique continu” (8), des modèles mixtes visco-hydrauliques, des remplacement nucléaires expliquent les difficultés d’atteindre ce compromis. Les dernières citées font actuellement l’objet d’études expérimentales (34), et leurs indications restent discutées au regard de la physiopathologie (25). Les prothèses de type “mécanique” sont actuellement seules à proposer des résultats à plus de 10 ans de recul. Elles sont semi-contraintes, autorisant 3 degrés de liberté, type Prodisc, Maverick, ou non contrainte, autorisant 5 degrés de liberté, type SB Charité. La prothèse sb charité iii L RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. Elle est composée de 2 plateaux Chrome-CobaltMolybdène et d’un noyau libre de polyéthylène d’ultra haut poids moléculaire. La fixation primaire des plateaux est assurée par trois “dents” antérieures et postérieures, la fixation secondaire par un revêtement électrochimique d’hydroxyapatite. Elle se décline en 5 tailles adaptables à la surface des plateaux, en 4 obliquités (0°, 5°, 7,5°, 10°) adaptables à l’angle de lordose locale, en 4 hauteurs de polyéthylène. Etude biomécanique La charge maximale appliquée (31, 40) sur un disque intervertébral lombaire, lors du soulèvement d’une charge de 20Kg est de 2700 N pour Nachemson et 4140 N pour Wilke. Nous prendrons ce dernier chiffre pour référence. Cinq tailles de prothèse sont disponibles, correspondant à des surfaces de contact polyéthylène-plateaux de 138,23 (taille 1), 163,36 (taille 2), 188,49 (taille 3), 213,62 (taille4), 238,76 mm2 (taille 5). La force maximale appliquée sur le polyéthylène est donc respectivement de 17,04 - 19,38 -21,66 - 25,34 29,95 N/mm2. Sachant que la charge critique du poléthylène, dans la littérature est de 20 N/mm2, la taille 1 n’est plus utilisée, la taille 2 exceptionnellement, les tailles supérieures offrent une marge de sécurité vis-àvis du risque de déformation permanente du polyéthylène. Il faut malgré tout tenir compte du fait que ces 272 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans mentale de l’Université de Munich (19(. L’analyse microscopique des zones de contact du polyéthylène UHMWPE et des plateaux chrome-cobalt d’une prothèse taille 2 est réalisée après application d’une charge de 2,5 kN sur 10,0x106 cycles. La morphologie superficielle du polyéthylène et des plateaux métalliques est inchangée. L’abrasion très peu marquée peut être considérée comme négligeable. La taille des stries d’usure est inférieure à 1µm. pressions sont surfaciques, non comparables aux pressions locales régnant au sein du polyéthylène. Etudes tribologiques Réalisée à l’Orthopaedic Research Laboratory, Mt Sinai Medical Center, Cleveland (14). Les études de compression dynamique sont réalisées sur des prothèses de taille 2 à plateaux parallèles avec des noyaux polyéthylène de hauteurs 7,5 et 9,5. Les charges appliquées sont de 2,5 kN et 4,5 kN. Cinq prothèses de chaque hauteur sont utilisées pour les 2 types de chargement. Sur un cycle de 10 ans, la perte de hauteur moyenne du polyéthylène 7,5 est de 0,310 mm pour un charge appliquée de 2,5 kN, et de 0, 403 mm pour une de 4,5 kN. Pour le polyéthylène 9,5, les pertes de hauteurs respectives sont de 0,357 mm et 0,738 mm, sans modifications des caractéristiques de congruence des interfaces. Etude cinématique, réalisée au Laboratoire de biomécanique de l’ENSAM- PARIS (36) Matériels et méthodes ● Etude expérimentale Six segments L3-L4 de cadavres frais congelés à -30°C, d’âge moyen 57 ans (35-71) sont étudiés après décongélation lente sur le dispositif 2TM développé au sein du laboratoire de biomécanique de l’ENSAM. Ce dispositif permet d’appliquer des sollicitations élémentaires progressives en flexion, extension, inclinaison latérale, et torsion jusqu’à 7 Nm. Les déplacements tridimensionnels de la vertèbre supérieure (3 rotations et 3 translations) sont mesurés par un détecteur angulaire et deux têtes micrométriques équipés de trois détecteurs linéaires. Les spécimens sont testés intacts puis instrumentés par une prothèse SB Charité de taille 2 ou 3 et d’un polyéthylène 9,5. Ce protocole est comparable à celui proposé par Panjabi. ● Les modélisations numériques sont réalisées à partir d’un modèle par éléments finis bi et tridimensionnel (logiciel de calcul Ansys utilisé sur station Unix). La simulation est réalisée en flexion extension, inclinaison latérale, et torsion sur segment intact puis après implantation du modèle prothétique. La connexion entre chaque plateau vertébral et les implants métalliques est simulée par six câbles rigides localisés au niveau des dents métalliques des plateaux de la prothèse. Le modèle instrumenté est composé de 2227 nœuds et 2952 éléments. Des études similaires, réalisée au Laboratoire de Biomécanique de l’Université de Kiel (9) rapportent les résultats suivant : la perte de hauteur du polyéthylène 7,5 est de 0,086 mm sous charge de 2,5 kN et de 0,20 mm sous charge de 4,5 kN, la perte de hauteur du polyéthylène 9,5 respectivement de 0,079 mm et 0,297 mm. Ces études démontrent que le risque, à 10 ans, de perte de hauteur du polyéthylène est très nettement infra millimétrique, sans modification de congruence, pour la surface de contact la plus défavorable et une charge appliquée simulant une situation mécanique extrême. Si l’on se réfère au critère de Von Mises qui doit être inférieur au module d’élasticité en traction du polyéthylène (de 420 à 1200 Mpa dans la littérature), nous rapportons un calcul de 40 Mpa. L’usure du polyéthylène et les phénomènes d’abrasion (1) sont définis par le taux d’usure, ratio volume perdu par usure sur la distance de déplacement, et par le facteur d’usure, ratio volume perdu par usure sur la distance de déplacement x charge appliquée. Pour nécessaire que soit le déplacement sur le plan cinématique, celuici reste au maximum de 4 mm (environ 3 mm pour le disque humain), donc négligeable, si bien que le risque d’usure est théoriquement inexistant. Résultats L’étude permet met en évidence une comportement similaire des modèles expérimentaux et des modèles numériques des unités vertébrales “intactes” et instrumentées. Les courbes rotation-déplacement des spécimens intacts et prothésés ont un même comportement linéaire avec un rapport déplacement-rotation légèrement supérieur pour les segments prothésés. Le modèle prothésé est plus mobile significativement en Ces ratios sont confirmés par les études histologiques in vivo réalisées par le Pr Lindenfelser, et les études au microscope électronique à balayage réalisées au Laboratoire de biomécanique et d’Orthopédie expériRACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 273 J.Ph. Lemaire flexion-extension, très significativement en torsion, non significativement en inflexion-latérale. Les mouvements couplés sont peu importants en flexion-extension, et en inclinaison latérale mais significativement important en torsion. La connaissance de la vitesse de deux points du plateau supérieur permet de localiser le centre moyen de rotation en flexion, en-dessous du plateau inférieur de la prothèse (Figure 4). Ces éléments sont tout à fait corrélatifs des études bio-mécaniques de la littérature et en particulier des travaux de Pearcy et Bogduk (33). Le chargement total des articulaires postérieures en torsion est 2,5 fois supérieur pour le segment prothésé (250 N à 10 Nm contre 100 N à 10 Nm pour le segment intact non prothésé). Ce chargement est par ailleurs progressif sur le segment intact (nul jusqu’à 2 Nm) alors qu’il croît linéairement dès le début de la sollicitation (50 N à 2 Nm) pour le segment instrumenté. Cet augmentation d’amplitude du chargement articulaire postérieure s’explique vraisemblablement en partie par l’absence de l’annulus et du ligament antérieur (ou de la simulation de leurs “cicatrisations”), et en partie par l’absence de modélisation actuelle des muscles et en particulier du psoas. L’un d’entre nous a démontré le rôle de ce dernier dans la “définition” de la lordose dans le plan sagittal et sa composante rotatoire dans le plan horizontal. correction d’une cyphose dorso-lombaire par voie postérieure, suivi d’une implantation d’une prothèse sur le secteur instable (L4-L5) “compensateur” de la cyphose. Méthode L’analyse des résultats cliniques a utilisé le score de Beaujon que nous avions modifié (Figure 1) pour l’étude des 105 premier cas au recul de 51 mois (24), en incluant une cotation du délai et de la qualité de reprise de travail (même poste ou changement). L’utilisation de ce score depuis 1989, pour critiquable qu’il soit, permet de comparer l’évolution des 2 séries, comportant les mêmes patients, à moyen et long recul. Les résultats sont exprimés en gain relatif (GR = score post- opératoire - score pré-opératoire / score maximal - score pré-opératoire). Le résultat est considéré excellent (aucune douleur, aucune médication, reprise d’activité dans le même poste à 3 mois) pour un gain relatif de 70%, bon (lombalgie intermittente, peu fréquente, ne nécessitant pas de médication majeure ou prolongée, reprise d’activité dans le même poste à un délai supérieur à 3 mois ou dans un poste adapté dans un délai inférieure à 3 mois) pour un gain relatif compris entre 60 et 70%, mauvais pour un gain relatif inférieur à 60%. Tout gain relatif égal ou supérieur à 70% ne s’accompagnant pas d’une reprise de travail est considéré comme mauvais résultat. Les résultats radiologiques sont analysés suivant 3 critères. Le critère anatomique mesure le gain de hauteur intervertébrale par le rapport hauteur de l’espace intervertébral en son milieu sur la longueur du corps vertébral sus-jacent. Le critère biomécanique évalue l’équilibre régional et global dans le plan sagittal. Il a été mesuré au début de notre expérience par 5 angles : la pente sacrée, l’angle lordotique dans le secteur instrumenté (entre le plateau supérieur de la vertèbre instrumentée et le plateau de S1), l’angle lordotique total L1-S1, l’angle fémoro-sacré (verticale du centre des têtes fémorales et ligne centre des têtes fémoralescoin postéro-supérieur de S1), l’angle fémoro-lombosacré (verticale du centre des têtes fémorales et ligne centre des têtes fémorales - coin postéro-supérieur de L1. Ultérieurement, incidence et version pelvienne 7 ont été utilisées en remplacement des 2 derniers angles et permettent d’aboutir aux mêmes conclusions. Le critère cinématique mesure les mobilités frontale et sagittale, corrélé à la position du centre du polyéthylène par rapport au centre de l’espace intersomatique (mesuré en millimètres). Etude clinique Matériel d’étude Une série homogène de 107 patients présente un recul moyen de 11,34 ans (extrêmes 10 - 13,4 ans). 100 ont pu être revus cliniquement et radiologiquement par des observateurs indépendants, 6 patients ayant changé d’adresse n’ont pu être revu, 1 est décédé d’un cancer du poumon. 41 hommes, 59 femmes ont un âge moyen de 50,9 ans à la date de révision, avec des extrêmes de 35,2 et 62,1 ans. 43 (43%) ont une activité sédentaire, 37 (37%) ont une activité manuelle, 19 (19%) une activité de force. L’évolution moyenne préopératoire de la séméiologie lombo-radiculalgique était de 6 ans, la moyenne de durée d’arrêt de travail continu de 7 mois. 44 patients (44%) avaient subi une ou plusieurs interventions préalables. 147 prothèses ont été mise en place, sur 1 niveau dans 54 cas, sur 2 niveaux dans 45 cas, et sur 3 niveaux dans 1 cas. 3 patients ont bénéficié d’un double abord pour RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 274 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans Les résultats cliniques et radiologiques de cette série sont comparés à ceux de la première série publiée de 105 cas au recul de 51 mois. dorso-lombaire de l’ordre de 25°, concomitante dans 1 cas de l’apparition d’une scoliose lombaire dégénérative D12-L3 à 10 ans de recul. Dans 3 cas les douleurs sont à mettre sur le compte d’une coxarthrose non opérée. Onze patients développent une arthrose interarticulaire postérieure, 6 sont asymptomatiques, 4 sont symptomatiques avec une mobilité importante en torsion, 1 est symptomatique sur un étage non prothésé. L’amélioration des mauvais résultats en bons résultats a été une surprise car à 51 mois de recul les mauvais résultats de départ restaient mauvais. Ce constat semble s’expliquer par une amélioration de la qualité de la musculature paravertébrale au delà de 5 ans. La restauration d’un équilibre régional cinématiquement stable permet vraisemblablement une transformation progressive des fibres musculaires de type I en type II. Les IRM de contrôle sont par contre difficilement interprétables sur la quantification des masses musculaires. Les mauvais résultats sont attribués pour 3 cas à une mauvaise indication (1 cas d’arthrose interarticulaire postérieure, 2 cas de pathologie dégénérative L4-L5 compensatrice d’une cyphose de la charnière dorsolombaire supérieure à 25°), pour 1 cas à une prothèse L5-S1 placée au dessous d’une instrumentation de Résultats cliniques 62% des patients ont un gain relatif supérieur à 70%, 28% un gain relatif entre 60 et 70%, 10% un gain relatif inférieur à 60%. Il n’existe aucune différence significative des résultats entre les patients ayant bénéficié d’une ou deux prothèses. Les patients “prothésés” sur 2 niveaux ont des gains relatifs respectifs de 66%- 24,4%9,6%. Dans la première série les pourcentages sont respectivement 80%, 5,7% et14,30%. Globalement 90% des patients ont un résultat satisfaisant à plus de 10 ans de recul. La diminution des excellents résultats se fait au profit des bons résultats. Pour 5 cas , une affection intercurrente apparaît, une SEP à 10 ans post-opératoire, et une transplantation hépatique pour hépatite médicamenteuse à 8 ans post opératoire, 1 infarctus du myocarde et 1 insuffisance aortique à plus de 10 ans, 1 cancer détecté à 11 ans post-opératoire. Pour 2 cas, elle s’explique par une surcharge fonctionnelle susjacente compensatrice d’une cyphose de la charnière 0 1 2 3 Lgie permanent fréquente modérée aucune Rgie permanent fréquente effort aucune Neuro important Medic majeure Activité impossible Travail Pré-op sans 1 an sans < 3 mois fréquent change normal réduit normal Travail Post-op sans Arrêt fréquent change même < 6 mois change < 3 mois même 3 mois Psy pré-op II patho aucun modérée modérée aucune aucune normale Total Figure 1 : Score de Beaujon modifié. RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 4 275 Total 3 3 4 2 2 4 2 20 J.Ph. Lemaire n’existe donc pas de fluage significatif du polyéthylène au plus long recul de 13 ans. Seize femmes sont actuellement ménopausées. Aucun signe radiologigue d’ostéoporose n’est constaté. Régulièrement à partir de la 3ème année post-opératoire, deux colonnes verticales de densification osseuse apparaissent dans le corps de L5 au dessus d’une prothèse L5-S1, une densification de l’os sous chondral, de forme cônique, du plateau inférieur de L4 au dessus d’une prothèse L4-L5. Ces remaniements semblent garantir à long terme la stabilité de la prothèse. Seuls 2 cas (2%) de surcharge fonctionnelle adjacente sont notés, sur l’étage immédiatement sus-jacent dans 1 cas. Harrington pour scoliose ne laissant que 2 étages libres, pour 2 cas à 2 et 3 interventions chirurgies préalables, et pour 2 cas à un statut accident de travail. Il est à noter que mis à part les 2 cas précédemment cités, il n’existe pas de différence significative dans la qualité des résultats entre les patients préalablement opérés et le patients “vierges”. Par ailleurs 1 patient obtenant un gain relatif supérieur à 70% est classé mauvais résultat pour ne pas avoir repris d’activité professionnelle, 1 patient présente un gain relatif de 70% lorsqu’il exerce une activité sédentaire et de 60% lorsqu’il exerce un travail de force. Globalement, 80% de 95 patients (5 étant en retraite à 60 ans) ont repris une activité professionnelle dans le même poste (92,3% du groupe sédentaire, 77,7% du groupe travailleur manuel, 63,2% du groupe travailleur de force). 12% ont repris une activité avec changement de poste de travail (16,6% des travailleurs manuels, 26% des travailleurs de force). 2,1% n’ont jamais repris le travail (2,6% des sédentaires, 2,7% des travailleurs manuels). 6 % sont en invalidité (5,1% des sédentaires, 2,7% des travailleurs manuels dont 1 patient avec un gain relatif supérieur à 70%, 10,5% des travailleurs de force). Statistiquement, il existe une corrélation significative entre la qualité de retour au travail et la durée d’arrêt de travail préopératoire. 6% des patients ont repris une activité sportive intense ou de compétition, golf, basket, gymnastique, football, équitation, ski alpin, ski nautique. 5 patients ont nécessité une arthrodèse secondaire. Un patient, préalablement opéré à 3 reprises après 2 nucléolyses, a bénéficié de 3 prothèses. La dysfonction de la prothèse L4-L5 (mauvais centrage sagittal) a nécessité une arthrodèse postérieure instrumentée de ce seul étage (sans ablation de la prothèse), avec un excellent résultat à plus de 10 ans de recul. Un patient ayant bénéficié de 2 prothèses L4-L5 et L5-S1 est arthrodésé en L5-S1 pour syndrome articulaire rebelle. Trois patients avec un mauvais résultat sont arthrodésés sans amélioration. Biomécanique : Globalement, la restauration d’une anteversion pelvienne (augmentation de la pente sacré, diminution de la version pelvienne) est systématiquement obtenue, ou préservée. L’augmentation de l’angle de lordose totale prédomine, immédiatement, dans le secteur lombaire supérieur. Le segment prothésé joue un rôle de régulateur dans la recherche d’un nouvel équilibre sagittal, comme en témoignent les variations relatives ultérieures des angles de lordose totale et de lordose dans le segment instrumenté. Cet équilibre est généralement obtenu à 1 an post opératoire, pour ne plus varier. Il existe une corrélation très significative, et un parallélisme entre le résultat radiologique et clinique (Figures 2 a, 2 b). Cet élément est extrêmement important dans la compréhension de l’intérêt de la prothèse de disque (critères de géométrie , de “déformabilité”), qu’une arthrodèse ne peut apporter. Cinématique (Figure 2 c) : La mobilité moyenne globale des prothèses, à la révision de 51 mois, était de 11,4° en flexion-extension (13° pour L4-L5, 9,5° pour L5-S1), 3,6° en inclinaison latérale. A plus de 10 ans de recul, les mobilités sont respectivement de 10,3° (12° pour L3-L4, 9,6° pour L4-L5, 9,2° pour L5-S1) et 5,4°. La perte moyenne de 1,1° (10%) n’apparaît pas significative, et confirme la restauration à long terme d’une cinématique “physiologique”, ce d’autant que seuls 5 cas (5%) d’arthrose des articulaires postérieures symptomatiques sont rapportés. L’augmentation de la mobilité en inclinaison latérale paraît paradoxale et non expliquée. La position sagittale de la prothèse dans l’espace intervertébral est par contre corrélée avec le développement d’une arthrose postérieure et avec le résultat clinique. Globalement 6% des prothèses sont antérieures, 34% sont centrées (le centre du polyéthylène Résultat radiologique Anatomique : Aucune luxation de la prothèse ou du polyéthylène n’est rapporté dans cette série. Un patient présente 1 enfoncement latéral du plateau inférieur en L3-L4, et un patient un enfoncement postérieur du plateau inférieur L5-S1, tous deux d’origine traumatique. Aucune zone d’ostéolyse des plateaux vertébraux n’a été constatée. Le gain de hauteur intercorporéale immédiat est en moyenne de 51,48%, de 51,27% au plus long recul. Il RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 276 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans Figure 2 a : Rx Face, 3 ans post-op, et 10.2 ans post-op. se superpose au centre de l’espace intercorporéal), 60% sont postérieures. A l’étage L4-L5 les positionnements sont respectivement 13%, 47%, 40%, et à l’étage L5-S1 0%, 20%, 80%. Une position antérieure égale ou supérieure à 4 mm entraîne un dysfonctionnement des articulaires postérieures, perte de contact surfacique en position neutre et en extension, décoaptation en flexion. Un compromis entre la taille idéale et la taille nécessaire au centrage optimale est fondamentale pour la pérennité à long terme de la fonction de l’articulation intervertébrale. Si la surface des plateaux autorise la mise en place d’une prothèse 5 avec un centrage inadéquat, il faudra choisir la taille inférieure. La préparation de l’espace intervertébral est par ailleurs très important car les chiffres sus-cités montre une difficulté de centrer une proRACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. thèse L4-L5, spécialement lors de la mise en place de 2 prothèses. Dans le plan frontal 75% des prothèses sont centrées, 25% latéralisées le plus souvent à gauche (respectivement 72 et 28% pour L4-L5, 78 et 22% pour L5-S1). S’il n’existe pas de corrélation significative avec la clinique, le risque de couplage en torsion peut obérer le résultat à long terme. Complications Neuf complications sont répertoriées soit 9%. Neurologiques (2 cas). Une patiente présente une paralysie L5 au 2ème jour post opératoire lors du lever. Il s’agit a posteriori d’une contrindication notoire. La distrac277 J.Ph. Lemaire Figure 2 b : Restauration de la lordose et de l’équilibre sagittal. Une ischémie aiguë sur artère iliaque athéromateuse doit remettre en cause l’indication d’un abord antérieur pour prothèse qui nécessite une mobilisation importante des axes vasculaires. La désobstruction sera suivie d’un excellent résultat stable à long terme chez un travailleur de force, sans nouvelle intervention vasculaire à 12 ans de recul. Trois phlébites sont rapportées malgré le lever précoce. tion intervertébrale sur des articulaires postérieures arthrosiques entraîne une instabilité majeure avec étirement radiculaire. La reprise postérieure avec ligamentoplastie permet une récupération neurologique complète au 3ème mois, avec un mauvais résultat global. Un patient, préalablement opéré par voie antérieure et postérieure d’une fracture de L4, présente des troubles sexuels dans les suites d’une prothèse L4-L5. La récupération spontanée est acquise à 1 an post opératoire avec un excellent résultat et reprise d’une activité sportive de haut niveau. Mécaniques. Deux patients ont présenté un enfoncement post-traumatique modéré du plateau inférieur de la prothèse dans le corps vertébral sans reprise chirurgicale. Vasculaires. Une plaie de la veine iliaque gauche n’entraîne aucun problème secondaire, mais met en exergue la nécessité de rechercher une veine lombaire ascendante sous le Psoas lors de l’abord L4-L5, pour la ligaturer et permettre une mobilisation aisée des gros vaisseaux vers la droite. RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. Cette série ne comporte aucune complication septique, ni granulome inflammatoire. Problèmes secondaires. Trois patients présentent des 278 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans Figure 2 c : Rx Face, 3 ans post-op, et 10.2 ans post-op. guide du mouvement des articulaires postérieures, et l’état de précontrainte assuré par le système ligamentaire postérieur. Critiquement rigide, soumis à des contraintes tridimensionnelles, la dysfonction de son autocontrôle retentit sur les deux autres éléments du triptyque articulaire de l’unité vertébrale. Dans l’état actuel de nos connaissances, la prothèse SB Charité III est le compromis optimal restaurant la fonction du tryptique articulaire, avec un comportement biomécanique et tribologique fiable. Un noyau à deux segments de sphère bi-articulée autorise 5 degrés de liberté, 3 rotations et 2 déplacements (seul le 6ème degré de liberté, déplacement sur l’axe vertical, n’existe pas) (25). L’implant inférieur étant fixe par hypothèse, deux centres de rotation peuvent être définis (Figure 3). Un centre C2 autour duquel osssifications peri-prothétiques. Dans 2 cas les ossifications sont antérieures avec une mobilité persistante de 9° en L4-L5, et un bon résultat à 12,8 ans de recul. Dans un cas, les ossifications latérales fixent totalement la prothèse avec un excellent résultat à 12 ans de recul. La morbidité réelle de cette série est de 2%, les autres complications étant celles de tout abord antérieur. Discussion Le disque inter-vertébral est un système visco-élastique et hydraulique auto-contrôlé. La pression interne est en équilibre avec la résistance à la distension de l’annulus, et ce dernier est l’agent de précontrainte du nucléus. Ses caractéristiques conditionnent le rôle de RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 279 J.Ph. Lemaire Figure 3 : Système bi-rotulé type SB Charité. Le centre de rotation n’est pas fixe, F a un bras de levier (d) par rapport au centre C1 et C2, et induit un couple de rotation sur le polyéthylène. La charge est en permanence appliquée sur la surface totale du noyau de polyéthylène, minimisant friction et abrasion (fc et rc sont toujours centrés). Les contraintes en cisaillement transmises à l’interface os-implant sont minimales. Figure 4 : Système bi-rotulé. Une force verticale excentrée F induit des composantes de compression et de translation. La translation antérieure du plateau supérieur induit translation postérieure du noyau de polyéthylène. Il existe un auto-contrôle de la stabilisation du noyau entre les plateaux métalliques et un auto-contrôle du centrage du plateau supérieur par rapport au plateau inférieur. tourne l’implant supérieur, défini par le rayon du segment de sphère supérieure, et localisé sous l’implant inférieur. Un centre C1 autour duquel tourne le noyau et le centre C2, défini par le rayon du segment de sphère inférieure et localisé au-dessus de l’implant supérieur. Si l’on impose à l’implant supérieur un déplacement horizontal pur (les rotations imposées étant nulles) ce déplacement induit des forces normales à la surface de contact implant supérieur noyau, dirigées vers le centre C2 de la sphère supérieure de l’implant. Cet ensemble de force a un bras de levier non nul, et exerce un couple sur le noyau ayant tendance à le faire tourner dans le sens trigonométrique. Dans ces conditions, la charge est en permanence appliquée sur toute la surface du polyéthylène, minimise la friction à l’interface métal-polyéthylène et diminue les contraintes en cisaillement à l’interface os-implant. La stabilité des hauteurs des prothèses témoigne de l’absence de fluage au plus long recul, et est en parfaite cohérence avec les études tribologiques. Dans le cas d’une charge verticale excentrée (Figure 4), la composante horizontale aura les mêmes effets que précédemment décrit (translation du plateau supérieure de même direction que la force appliquée), et la composante de compression permet un auto-centrage du polyéthylène sur l’implant inférieur, par une translation de l’ensemble plateau supérieur-polyéthylène sur le plateau inférieur de direction opposée à la composante de translation. En d’autres termes, une prothèse de type sphérique bi-articulée permet de restaurer un autocontrôle des mouvements élémentaires rotation- translation, le lieu des centres instantanés de rotation physiologique (36). La cinématique de glissement des articulaires postérieures se réalise sans hyper-contrainte comme dans le modèle visco-élastique (8). Une liaison de type rotule simple (Prodisc, Maverick), c’est à dire une seule interface de glissement représentée par un segment de sphère solidaire d’un plateau inférieur, articulé avec un plateau supérieur autorise trois rotations autour d’un centre de rotation fixe, aucun déplacement, et subit des contraintes en cisaillement sur trois translations. Si l’on impose à l’implant supérieur un déplacement horizontal pur (les rotations imposées étant nulles), ce déplacement imposé induit entre l’implant supérieur et le noyau, un ensemble de forces normales à la surface de contact et dirigé vers le centre C de la sphère (Figure 5). Cet ensemble n’a par conséquent aucun bras de levier par rapport au centre de rotation qui reste immobile, et transmet les efforts au plateau inférieur sous la même forme, symétriquement par rapport au centre de la sphère. Le noyau est donc en équilibre, travaille en cisaillement, et l’effort est transmis à l’interface implant - vertèbre inférieur. Dans le cas d’une charge verticale excentrée, le moment de flexion induit un effort de translation de même sens sur le plateau supérieur directement transmis sur la sphère solidaire du plateau inférieur. Quel que soit le positionnement antéro-postérieur de la prothèse, le centre de rotation fixe, l’effort de translation “parasite” de même sens ne restaure pas l’autocontrô- RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 280 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans le relatif du tryptique articulaire. La cinématique est donc limitée par les contraintes appliquées, les articulaires postérieures fonctionnent par perte de contact surfacique ou par déoaptation. L’absence de “déformabilité” c’est à dire d’auto-centrage de l’ensemble plateau supérieur-polyéthylène (ou segment de sphère métallique) sur le plateau inférieur, ne permet pas de moduler l’équilibre régional de la lordose restaurée, ne permet de contrôler l’angle de lordose en fonction de l’angle de flexion, et par conséquent ne permet pas de minimiser la surcharge fonctionnelle des étages adjacents. La surcharge fonctionnelle doit être détaillée sur le niveau prothésé et sur les niveaux adjacents. Sur le niveau prothésé, nous rapportons 11 cas d’arthrose des articulaires postérieures dont 4 cas symptomatiques (26). Ces 11 cas correspondent à un positionnement antérieur dans le plan sagittal, les 4 symptomatiques cumulent une excentration latérale. Les 7 cas non symptomatiques présentent des séquelles étagées de maladie de Scheuermann. Sont-elles à mettre sur le compte de la prothèse, ou sur l’histoire naturelle d’un rachis dégénératif ? Aucune série ne fait état de ces surcharges, à long terme pour la Prodisc, à moyen terme pour les remplacements nucléaires type Ray (34), ni de leur retentissement sur la cinématique. Seul David (6) rapporte un suivi sur 5 ans de la mobilité de 58 patients, avec une mobilité moyenne de 10° en flexion extension et de 5° en inclinaison latérale, cor- roboré par nos résultats à plus de 10 ans avec une perte moyenne de 1,1°. La surcharge fonctionnelle sur les étages adjacents peut être directement corrélée à la préservation de la cinématique prothétique. Guigui (15) rapporte 49% de perte de hauteur discale de plus de 20%, 30% de destabilisation, 32% d’hypermobilité angulaire, et 35% d’hypermobilité antero-postérieure, dans une série de 102 arthrodèses au recul moyen de 8,9 ans. Ces résultats sont comparables avec ceux de la littérature (21, 37). Nous ne rapportons que 2% de surcharge fonctionnelle concomitante de l’apparition d’une cyphose dégénérative de la charnière dorsolombaire. Cette surcharge se caractérise par un pincement postérieur discal et un rétrolisthésis. Dans les autres séries de prothèses de disque, Marnay (28) note simplement l’apparition d’ostéophytes sur les étages adjacents dans 10% des cas d’une série de 58 cas en recul de 7 à 10 ans, Mc Kenzie (27) rapporte 18% de reprises chirurgicales sur un étage adjacent chez 103 patients ayant bénéficié d’une prothèse de Fernström avec un recul moyen de 17 ans. L’amélioration des indications passe par la prise en compte des données de l’équilibre sagittal (7), incidence, version pelvienne, pente sacrée, et ses corrélations avec la discographie. Une incidence supérieure à 50°, une version pelvienne supérieure à 30°, une pente sacrée supérieure à 40° contre-indique une prothèse L5-S1 pour des raisons techniques évidentes d'abord antérieur et de porte à faux augmentant le rapport déplacement - rotation au profit du déplacement. A l’inverse, sur l’étage L4-L5, le porte à faux étant moins important, la prothèse sera indiquée en évitant d’utiliser des plateaux trop obliques, inducteurs d’une cyphose dorso-lombaire. Un dos plat lombaire avec faible incidence nécessitera souvent un remplacement prothétique sur 2 étages, en fonction de la discographie. Le caractère symptomatique d’une discographie n’est pas suffisant, et doit être corrélé avec la pression intradiscale et le volume de remplissage (3). Une faible pression, un volume de remplissage supérieur à 3 cc doit laisser supposer une participation des articulaires postérieures. Le test d’infiltration est recommandé. Ces corrélations permettent actuellement d’affiner les indications de la prothèse, de l’association prothèse arthrodèse antérieure, et éventuellement de proposer des associations prothèse - reconstruction isthmique dans les spondylolyses, prothèse combinée à la correction d’une scoliose ou d’une cyphose pour préserver la charnière lombo-sacrée (3 de nos patients ont bénéficié d’une correction d’une cyphose de la char- Figure 5 : Système rotule simple type Prodisc. La force F n’a aucun bras de levier par rapport au centre C. Le polyétylène est contraint en cisaillement avec concentration de la charge appliquée sur une petite partie de sa surface. Les contraintes de même valeur sont transmises à l’interface prothèse-os compromettant la stabilité de l’implant RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 281 J.Ph. Lemaire nière dorso-lombaire par voie postérieure dans le même temps). Quoiqu’il en soit, la restauration de l’équilibre sagittal régional et global se traduit toujours par une diminution de la version pelvienne, et évolue au cours de la première année pour rester stable ultérieurement. Cet équilibre est modulé par l’adaptation de l’angle de lordose du secteur prothésé, définissant lui-même le positionnement spatial des étages adjacents en fonction de l’incidence pelvienne. Les autres séries ne font pas état de ce type de résultats, qui pourtant régissent la cinématique des étages adjacents. Les résultats cliniques sont étudiés avec le score de Beaujon modifié, avec 90 % d’excellents et bons résultats. Pour critiquable qu’il soit, il permet une analyse temporelle de l’évolution. Les auto - questionnaires Oswestry, SF 36… n’existaient pas ou n’étaient pas validés en 1989. Greenough (16) confirme par ailleurs que ces auto - questionnaires introduisent des variations d’interprétation ne rendant pas comparable une série à une autre. Hodges (18) démontre que les bons résultats des arthrodèses ne permettent que 43% de retour au travail. Freeman (11) rapporte 50% de retour au travail pour 83% d’excellents et bons résultats. Marnay (28) fait état de 92,7% d’excellents et bons résultats avec le score post-opératoire Oswestry. Il s’agit d’un score absolu et non d’un gain relatif. Récemment, il rapporte une analyse a posteriori selon le score de Beaujon (29), n’incluant pas le retour au travail, avec un gain relatif moyen de la série de 69%. Dans notre série, ce chiffre ne permet pas de faire état d’excellents résultats. 70 de nos patients ayant la mémoire précise de leur état pré-opratoire ont accepté une nouvelle révision pour remplir les auto-questionnaires Oswestry, SF 36, GHQ 28. Ces 68 dossiers sont statistiquement représentatifs de la série de 100 cas puisqu’ils comportent 6 des 10 mauvais résultats. Le score d’Oswestry pré-opératoire moyen est de 58,35, post-opératoire de 8,8, soit un gain relatif moyen de 84,92% alors que notre cotation chiffre ce gain moyen à 77,08% (- 9,1% ). Ce chiffre est par contre supérieur de 11,5 % à celui de la série de Marnay. Le score Oswestry optimise la qualité des résultats en classifiant notre série en 87,1% d’excellents résultats, 4,3% de bons résultats et 8,6% de mauvais résultats. Le facteur “retour au travail” est une variable conditionnée par la situation socio-économique d’un Etat, le facteur “qualité de retour au travail” conditionné par les capacités d’indemnisation d’un Etat, le ratio “score – retour au travail” reflète par contre “l’investissement patient” dans son traitement. Dans ces conditions, nous RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. ne pouvons comparer que les séries spécifiant le retour au travail, et éliminer les séries ne rapportant que des résultats dits fonctionnels, “outcomes” des anglosaxons. Les arthrodèses postéro - latérales ou PLIF permettent 45% de retour au travail dans un délai de 4 ans (196 cas) pour Kuslich (20) (28,7% à 6 mois, 41,2% à 1 an), avec 50% de reconversion pour Goutallier (13), Onimus (32), Valat (37). Christensen (4) rapporte 50% de retour au travail avec instrumentation CD sans notion du type d’activité. Les arthrodèses circonférentielles antérieures et postérieures semble améliorer les résultats, 77% de retour au travail pour Gertzbein (12) dont 18% de reconversion, sans notion de l’activité préopératoire, 86% à 2 ans pour Hacker (17) (0% à 3 mois sur une série de 21 cas), 88% à 2 ans pour Moore (30) sans typologie d’activité, sans notion de délai, sans notion de reconversion. Les arthrodèses antérieures isolées semblent plus fiables mais avec des délais de suivi insuffisant, et les mêmes critiques sur la qualité d’activité. Malheureusement les statistiques de prothèses ne font état que de “résultats fonctionnels”, “d’outcomes” sans définition de l’activité professionnelle. Malgré tout, la seule statistique analysable est celle de Marnay (28), avec 92,7% de patients satisfaits et 81,5% ayant repris une activité “normale” ou modifiée. Il nous est donc apparu nécessaire de trouver un facteur de comparaison exprimé par le ratio bon résultatreprise d’activité. La référence est le chiffre 1 puisque 100% de bons résultats devraient engendrer 100% de reprise d’activité. Les études pointues de Greenough (16) sur le rapport bénéfice – coût permettent d’établir un ratio de 1,4 pour les arthrodèses antérieures (151 cas), et de 1,7 pour les arthrodèses postérieures (135 cas). Tout ratio voisin de 1 ou inférieur à 1 est l’expression d’une technologie innovante en terme de résultat socio-économique, tout ratio supérieur à 1 se rapproche du résultat d’une arthrodèse. Ce calcul met en évidence un ratio de 0,98 dans notre série, et un ratio de 1,38 dans la série de Marnay. L’âge du patient n’a pas d’influence significative sur le résultat. La limite supérieure classiquement proposée de 45 ans chez la femme et 50 ans chez l’homme peut être dépassée dans la mesure où les critères de sélection sont respectés, qu’aorte et artères iliaques ne sont pas athéromateuse. La réalisation d’une densitométrie osseuse est souhaitable au delà de 50 ans. Contrairement à David (6) , nous ne rapportons aucune différence de résultats, de retour au travail chez les patients ayant eu 1 ou 2 prothèses. La mise en place de 2 prothèses impose des règles techniques strictes sur le 282 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans plan mécanique. Le centre des polyéthylènes doivent être proches de l’axe du torseur des efforts, c’est à dire postérieur, pour minimiser les contraintes en cisaillement, optimiser le travail des muscles para-vertébraux. Le taux de complications rapportées (9%) est égal à l’expérience de David (5), inférieur aux séries d’arthrodèses antérieures de la littérature (15%) (38), et inférieur à la série de Marnay (26%) (28) avec la prothèse Prodisc. David (6) rapporte un cas de mobilisation de la prothèse, Marnay et nous-même aucune. Un “enfoncement” modéré de la prothèse sur les plateaux est rapporté dans 9% des cas par David, 2 % de notre série, 0% pour Marnay. Cette modification ne semble pas corrélée avec une détérioration du résultat (6). De la même manière, les ossifications péri- prothétiques ne semble pas modifier le résultat, 3% dans notre série, 7,7% pour David, et 1,7% pour Marnay. Latérales, elles fusionnent la prothèse, antérieures, elles restent mobiles. Ces ossifications survenant après la 5ème année post opératoire, le risque de surcharge fonctionnelle adjacente pourrait survenir au delà de la 15ème année post-opératoire. Cinq de nos patients (5%) ont bénéficié d’une arthrodèse sur l’étage prothésé, avec 2 bons résultats. David (6) obtient 13 mauvais résultats sur les 13 arthrodèses secondaires (9,1% de sa série), Marnay (28) obtient des bons résultats pour les 6,9% de sa série. Le fait qu’aucune arthrodèse secondaire n’ait été pratiquée chez nos patients opérés après 1992 témoigne de la courbe d’apprentissage. Conclusion La prothèse de disque SB Charité III représente actuellement pour nous le meilleur compromis biomécanique, cinématique et tribologique, confirmé par la qualité des résultats cliniques à plus de 10 ans de recul. Tout comme la prothèse de hanche a révolutionné le domaine socio-professionnel et la qualité de vie, tout comme la prothèse de genou peut ré-initier la fonction fémoro-patellaire, la prothèse de disque modifie l’univers du lombo-sciatalgique et restaure la fonction guide du mouvement des articulaires postérieures. Le rapport coût-bénéfice la différencie largement de l’arthrodèse grâce à une faible morbidité, une meilleure qualité de retour au travail, une incontestable protection des étages adjacents à long terme. ■ Bibliographie and salvage procedure. Eur Spine J 7 (4) : 321-327, 1998. 5- Cinotti G, David T, Postacchini F. Results of disc prosthesis after a minimum follow - up period of 2 years. Spine 21 :995-1000, 1996. 6- David T. Lumbar disc prosthesis : five years follow- up study on 147 patients with 163 SB Charite prosthesis. Eur Spine J 11 (Suppl.1) : S 18, 2002. 7- Duval-Beaupère G, Schmidt C, Cosson P. A barycentrometric study of the sagittal shape of spine and pelvis. The Annals of Biomedical Engineering 20: 451-462, 1992. 8- Enker P, Steffe A, McMillin C, et al. Artficial disc replacement : preliminary report with a 3 year minimum follow up. Spine 18 : 1061-1070, 1993. 1- Barbour, Barton, Fisher. The influence of stress conditions on the wear of UHMWPE for total joint replacements. J of Materials in Medecine 8 : 603611, 1997. 2- Cauchoix J, David T. Arthrodèses lombaires : résultats après plus de 10 ans. Rev Chir Orthop 71, 163-268, 1985. 3- Castagnera L, Lavignolle B, Claverie JP, Vital JM, Baulny D, Senegas J. Test tolérance discale et discomanométrie. Intérêt diagnostique et pronostique avant chimionycléolyse. Acta Orthop Belg 53 : 184-194, 1987. 4- Christensen FB, Thomsen K, Eiskjaer SP, et al. Functional outcome after posterolateral spinal fusion using pedicle screws : comparison between primary RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 283 J.Ph. Lemaire 9- Es-Souni M. Testing of the polyethylene cores of SB Charité Model III. Fachhochschule Kiel. 1999. 10- Fassio B, Ginestie JF. Prothèse discale en silicone. Etude expérimentale et premières observations cliniques. Nouv Prese Méd 7 :207-207, 1978. 11- Freeman BJ, Licina P, Mehdian SH. Posterior lumbar interbody fusion combined with instrumented postero-lateral fusion : 5 year results in 60 patients. Eur Spine J 9 (1) : 42-46, 2000. 12- Gertzbein SD, Betz R, Clements D, et al. Semirigid instrumentation in management of lumbar spinal conditions combined with circumferential fusion. A multicenter study. Spine 21 (16) : 19181925, 1996. 13- Goutallier D, Vigroux JP, Sterkers Y. Résultats à long terme des arthrodèses intersomatiques antérieures dans le traitement de la lombalgie commune. Importance des données de la discographie pré-opératoire. Rev Chir Orthop 74 :23-24, 1988. 14- Greenberg AP. Mechanical evaluation of SB Charite artificial disc : estimation of permanent deformation. Orthopedic research laboratory, Mt Sinai Medical Center, Cleveland. 1999 15- Guigui P, Lambert P, Lassale B, Deburge A. Evolution à long terme des niveaux adjacents à une arthrodèse lombaire. Rev Chir Orthop 83 : 685-696, 1997. 16- Greenough CG. Costs and ethics of surgery for instability. In Szpalski M, Gunzburg R, Pope MH (eds). Lumbar segmental instability. Philadelphia : Lippincott Williams-Wilkins 275-281, 1999. 17- Hacker RJ. Comparison of interbody fusion. Approaches for disabling low back pain. Spine 22 (6) : 660-666, 1997. 18- Hodges SD, Humphreys SC, Eck JC, et al. Predicting factors of successful recovery from lumbar spine surgery among workers’ compensation patients. J Am Osteopath Assoc 101 (2) : 78-83, 2001. 19- Huber J. Rasterelektronrnmickroskpische Untersuchung der Tribokontakzone. Labor für biomechanik und experimentelle Orthpädie. Prüfstelle für Implantate. Ludwig-maximilians-Universität München. 2000. 20- Kuslich SD, Danielson G, Dowdle JD, et al. Four year floow-up results of lumbar spine arthrodesis using the Bagby and Kuslich lumbar fusion cage. Spine 25 (20): 2656-2662, 2000. RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 21- Lassale B. Arthrodèses lombaires et voies nouvelles. Rachis 3 : 277-280, 1991. 22- Lehmann TR, Spratt KF, Tozzi JE, et al. Long term follow up of lower lumbar fusion patients. Spine 12 : 97-104, 1987. 23- Lemaire JP, Dumas B, et al. Ostéosynthèse amortie dans l’instrumentation du rachis lombaire. Etude d’une série de 102 cas. Rachis 7 (5) :315-329, 1995. 24- Lemaire JP, Skalli W, Lavaste F, et al. Intervertebral disc prosthesis. Results and prospects for the year 2000. Clin Orthop and related Res 337 : 64-76, 1997. 25- Lemaire JP. Cahier des charges d’une prothèse de disque. Table Ronde SOCOT 2001. 26- Lemaire JP. Résultats à plus de 10 ans de recul d’une série de 100 prothèses de disque. Table Ronde SOFCOT 2001. 27- Mc Kenzie A. Fernström intervertebral disc arthroplasty : a long term evaluation. Orthopaedics International Edition 3 :313-324, 1995. 28- Marnay T. Lumbar disc replacement - 1-11 years results with Prodisc. Back up 1 : 9-11, 2001. 29- Marnay T. Lumbar disc replacement - 1-11 years results with Prodisc. Eur Spine J 11 (Suppl.1) : S 19, 2002. 30- Moore KR, Pinto MR, Butler LM. Degenerative disc desease treated with combined anterior and posterior arthodesis and posterior instrumentation. Spine 27 (15) : 1680-1686, 2002. 31- Nachemson A. The load on lumbar disks in different positions of the body. Clin Orthop and related Res 45 :107-122, 1966. 32- Onimus M, Fiore N, Laurain JM. Résultats de l’arthrodèse lombo-sacrée postéro-latérale. Rev Chir Orthop 74(Suppl II) : 94-97, 1988. 33- Pearcy MJ, Bogduk N. Instantaneous axes of rotation of the lumbar intervertebral joints. Spine 13 : 1033-1041, 1988. 34- Schönmayr R, Busch C, Lotz C, et al. Prothetic disc nucleus implants : the Wiesbaden feasibility study, 2 years follow-up in ten patients. Revista di Neuroradiologica 12 (1) :163-170, 1999. 35- Sott AH, Harrison DJ. Increasing age does not affect good outcome after disc replacement. International Orthopaedics 24 :50-53, 2000. 284 La prothèse de disque intervertébrale SB Charité III. Corrélations biomécaniques, cliniques, et radiologiques sur une série de 100 cas au recul de plus de 10 ans ched-pair study with a post operative follow up of 16 years. Acta Orthop Belg 58 : 280-286, 1992 39- Vanneuville G, Gaurel G, Rousset G, et al. Analyse des forces mécaniques agissant sur le rachis en position stable verticale et en charge. In Eléments de biomécanique du rachis. Bloc Santé Ed. :265-278, 1980. 40- Wilke HJ. Duckbelastung der bandscheibe. 4. Workshop Prüfkriterien für Wirbelsäulenimplantate. 1998. 36- Templier A, Skalli W, Lemaire JP, et al. Threedimensional finite-element modelling and improvement of a bispherical disc prosthesis. Eur. J. Orthop. Surg. Traumtol. 9: 51-58, 1999 37- Valat JP, Eveleigh MC, Perrot V, et al : Arthrodèses postéro-latérales dans les spondylolisthesis et les discarthroses lombo-sacrées. Rev Rhum 54 : 567-573, 1987 38- Van Horn J, Bohnen LM. The development of discopathy in lumbar discs adjacent to a lumbar anterior interbody sondylodesis. A retrospective mat- RACHIS - Vol. 14, n°4, Octobre 2002. 285