Sensibilisation à la notion de preuve au premier cycle

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Sensibilisation à la notion de preuve au premier cycle
Sensibilisation à la notion de preuve au
premier cycle
Benoît Côté
UQAM
Même si la notion de preuve n'apparaît pas comme telle dans le programme du premier cycle, elle est certainement reliée à l'objectif global de « Favoriser chez l'élève
l'accroissement de l'habileté, à émettre des hypothèses et à les vérifier par une démarche
inductive ou déductive ». Celui-ci est ensuite précisé dans le contexte de la géométrie par
les objectifs intermédiaires « Déduire la mesure d'un angle ou d'un segment en s'appuyant
sur un énoncé... » et toute la série « Justifier une affirmation dans la résolution d'un problème portant sur les triangles, les polygones réguliers, les cercles, la relation de Pythagore, les solides... » (MEQ 1993, 1994, 1995).
Dans l'esprit du programme, il ne s'agit pas d'introduire formellement la notion de
preuve mais plutôt de sensibiliser les élèves à cette notion. Qu'est-ce que cela veut dire et
comment peut-on le faire?
Depuis quelques années, différents chercheurs en didactique des mathématiques ont
travaillé sur cette question. Ils ont mis en évidence certaines difficultés associées à ces
apprentissages et ont proposé divers moyens de les aborder. Ce texte constitue une brève
introduction à cette problématique sous la forme d'un scénario d'enseignement autour des
notions de périmètre et d'aire.
Au départ, il est utile de clarifier certains termes. Balacheff (1982) a introduit les
distinctions suivantes, qui ont souvent été reprises (et discutées) par la suite :
-
Explication : discours visant à rendre intelligible le caractère de vérité d'un énoncé ou
d'un résultat.
-
Preuve : explication qui est acceptée comme valide, dans un contexte donné.
-
Démonstration : preuve prenant la forme d'une suite d'énoncés où chacun est soit un
axiome, soit une hypothèse, ou est déduit des précédents à l'aide de règles logiques.
La distinction entre explication et preuve nous aide à voir le caractère social de l'activité de prouver. On prouve parce qu'on a besoin de convaincre, se convaincre et/ou convaincre autrui. On voit que le terme « justification » utilisé dans le programme correspond
essentiellement à ce que Balacheff appelle « explication ». Mais ce terme recouvre un
ensemble très varié de processus. On peut justifier une réponse, une démarche, un énoncé.
Est-ce que c'est la même chose? Toutes les justifications ne sont pas des preuves. Qu'estce qui fait qu'une justification devient une preuve? Est-ce que l'activité de prouver fonctionne de la même façon en mathématique et dans les situations de la vie courante?
La distinction entre preuve et démonstration nous aide à reconnaître qu'il n ' y a pas
qu'une seule façon de prouver en mathématique. La démonstration est la forme standard
de preuve acceptée par la communauté des mathématiciens. Mais on accepte généralenient qu'il existe différentes étapes dans le développement des habiletés associées à la
démonstration, avec différents degrés de compréhension et différents types d'exigences au
niveau de la rigueur et de la forme (Rouche 1989).
On peut donc poser que la « sensibilisation à la notion de preuve » au premier cycle se
situe au niveau du passage de la justification à la preuve, et du début de la prise en compte
de certaines exigences de rigueur et de forme.
De nombreuses recherches et analyses ont mis en évidence le fait qu'il n'y a pas continuité entre l'argumentation dans la vie courante et la démonstration mathématique. Au
contraire, certaines caractéristiques des raisonnements de la vie courante vont totalement
à rencontre du fonctionnement des preuves en mathématique. C'est là la source de ce
qu'on appelle en didactique des obstacles épistémologiques. L'élève doit prendre conscience que certaines de ses connaissances, qui sont habituellement valides, ne s'appliquent pas dans le contexte mathématique, et qu'il doit développer d'autres types de raisonnements.
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Arsac et autres (1993) formulent un certain nombre de « règles du débat
mathématique » et montrent qu'elles sont loin d'être évidentes pour des élèves de 11 à 15
ans. Ils les énoncent comme suit :
-
Un énoncé mathématique est soit vrai, soit faux.
-
Un contre-exemple suffit pour invalider un énoncé.
-
En mathématique, pour débattre, on s'appuie sur un certain nombre de propriétés ou
définitions clairement énoncées sur lesquelles on s'est mis d'accord.
-
En mathématique, des exemples qui vérifient un énoncé ne suffisent pas à prouver qu'il
est vrai.
-
En mathématique, une constatation sur un dessin ne suffit pas pour prouver qu'un énoncé
de géométrie est vrai.
On ne peut pas enseigner directement de telles règles. Il faut amener graduellement
les élèves à en prendre conscience à l'intérieur de situations où ils ont à formuler et à
justifier des énoncés. Arsac et autres (1993) décrivent une série de situations de ce type,
aussi bien dans le domaine du nombre que celui de la géométrie, proposent une méthodologie d'intervention pour les faire fonctionner et présentent certaines observations récoltées
lors d'expérimentations. Le scénario présenté ici a été conçu dans l'esprit et le prolongement de ces travaux.
Ce scénario porte sur le thème périmètre et aire mais ces contenus servent de prétexte
à un travail sur la notion de preuve. Il est structuré en quatre activités qui chacune comprend une consigne, des interventions et une plénière.
-
La consigne comprend tout ce qu'il faut dire pour mettre l'activité en marche. Il faut en
dire assez pour que les élèves s'approprient le problème. Il ne faut pas en dire trop car
on n'est pas en train de communiquer directement un savoir.
-
Les interventions décrivent ce qu'on peut dire et faire une fois que l'activité est en
marche. L'idéal est de la « laisser marcher », mais en réalité on a à intervenir, autant
que possible au niveau individuel, pour éclaircir, orienter, encourager...
-
La plénière est l'occasion de mettre en commun ce qui a été réalisé, d'animer un certain
débat sur ces résultats et éventuellement d'introduire directement des notions.
Chacune de ces quatre activités se veut une proposition de réponse à une certaine question didactique :
1. Comment faire entrer les élèves dans une situation propice à la formulation et à la justification d'énoncés?
2. Comment gérer une situation où on veut travailler à partir des formulations et justifications spontanées des élèves?
3. Comment introduire un certain enseignement sur la notion de preuve?
4. Comment formuler et gérer une situation synthèse?
Activité 1
Situation d'entrée
Consigne
Définition : Une figure quadrillée est une figure fermée tracée en suivant les
lignes d'un quadrillage, sans jamais toucher une ligne déjà tracée,
sauf lorsqu'on revient au point de départ.
Trace différentes figures quadrillées tel que certaines aient le même périmètre
et d'autres pas. (Note bien le périmètre de chacune.)
Est-ce qu'il peut y avoir des cas où il n'est pas facile de savoir si deux figures
déjà tracées sont pareilles ou différentes?
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-
On introduit l'activité comme une activité en géométrie mais en annonçant qu'on va
s'intéresser à la façon de construire des preuves en mathématique.
-
Les élèves ont à leur disposition une règle et du papier quadrillé. On les laisse interpréter la consigne.
Interventions
-
Pour en venir à la notion de preuve, il faut être capable dé travailler avec des définitions. C'est là le centre de cette première activité. Autant que possible on laisse les
élèves travailler sans les corriger, même s'ils tracent des figures qui ne correspondent
pas à la définition. On répond à leurs questions en les ramenant à la consigne. « Qu'estce qui est écrit dans la définition ? »...
-
Le fait de ne pas spécifier le nombre de figures à tracer est un choix didactique. À ceux
qui demandent : « Combien veux-tu qu'on en fasse ? », on répond qu'ils doivent en
faire suffisamment pour répondre à la consigne et voir la variété des figures possibles.
-
On s'assure qu'ils notent le périmètre de chaque figure. Celui-ci est calculé en unités
de quadrillage.
Plénière
-
On clarifie la définition des figures quadrillées à partir des exemples tracés par les élèves. Si un élève a produit une figure contenant des segments obliques, on discute à
savoir si cela correspond vraiment à « suivre les lignes du quadrillage ».
-
Il est possible que certains n'aient tracé que des rectangles. On leur fait prendre conscience qu'il existe beaucoup d'autres possibilités. On cherche un terme géométrique
pour caractériser les deux types de figures. On arrive éventuellement à « concâvc » et
« convexe ».
-
Il peut y avoir une discussion intéressante sur ce qu'on entend par figures différentes.
Est-ce qu'un rectangle de 3 par 8 est différent d'un rectangle de 8 par 3? On en arrive à
poser que les figures qui peuvent s'obtenir par translation, rotation et réflexion ne sont
pas différentes, et de toutes façons elles ont même périmètre.
-
On met en évidence le fait qu'il est possible d'avoir deux figures vraiment différentes
qui ont le même périmètre. Si nécessaire, on leur demande d'en tracer. On montre
aussi que dans certains cas, il est difficile de voir au premier coup d'oeil si deux figures
sont différentes ou pas.
-
Certains élèves vont peut-être remarquer un certain phénomène concernant les valeurs
possibles des périmètres. (Quel est-il?) Si c'est le cas, on leur dit que c'est extrêmement intéressant et qu'on va y revenir plus loin.
Activité 2 : Les périmètres des figures quadrillées convexes
Consigne
On te donne une figure quadrillée convexe de a unités de longueur par b unités
de largeur. Qu'est-ce que tu peux faire pour en construire une autre différente
mais de même périmètre?
Formule clairement par écrit ta solution.
Explique pourquoi elle fonctionne pour toutes les valeurs possibles de a et de b.
On laisse les élèves travailler individuellement pendant une dizaine de minutes, pour
que chacun ait le temps de s'approprier la consigne.
On leur demande ensuite de travailler par groupes de quatre. On donne à chaque groupe
une affiche (ou acétate) et un crayon feutre. Ils doivent s'entendre sur une réponse et la
rédiger, avec la justification, sur l'affiche.
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La production de l'affiche fournit un but commun au groupe et vise à les placer dans
une situation de formulation et d'argumentation. De plus, comme ils savent que l'affiche va ensuite être examinée par le reste de la classe, il y a là un certain enjeu qui peut
motiver leur travail.
Interventions
-
Pendant le travail individuel, on s'assure que chacun comprend l'énoncé, est capable de
travailler sur un exemple, voit qu'il doit trouver une solution générale, valable pour
tous les rectangles possibles.
On laisse chaque groupe développer sa propre dynamique. Si les membres d'un groupe
n'arrivent pas à s'entendre sur une seule solution, on accepte qu'ils en présentent plusieurs.
Plénière
On passe en revue successivement différentes affiches. Pour chacune, il y a d'abord un
temps relativement bref où les élèves peuvent poser aux auteurs de l'affiche des questions permettant de clarifier ce qui est écrit.
Ensuite, ils peuvent dire s'ils sont d'accord ou pas avec la solution présentée et sa justification, et doivent dire pourquoi. On note différents points de vue au tableau et on
anime la discussion sans se prononcer.
Éventuellement on passe à l'examen d'une autre affiche.
On fait finalement une synthèse qui met en évidence non pas tellement la solution du
problème comme telle, que les façons valides de la formuler.
L'idée de cette plénière est d'étudièr des formulations et des justifications. Les questions à poser sont : Est-ce que cette formulation est claire? Est-ce qu'elle répond complètement à la consigne? Est-ce que cette justification est acceptable?
C'est dans ce contexte que peuvent spontanément se produire des situations où un élève
justifie sa réponse en énumérant des exemples qui fonctionnent, ou réagit à la présentation d'un contre-exemple en disant que « quand même dans la plupart des cas, ça fonctionne » ... Au début, on laisse les élèves réagir entre eux sans se prononcer. Éventuellement on fait ressortir clairement qu'en mathématique, une énumération d'exemples
ne suffit pas pour prouver un énoncé mais qu'un seul contre-exemple suffit pour le
réfuter.
n y a un choix délicat à faire pour l'ordre de présentation des affiches. On ne veut pas
commencer avec une affiche contenant une solution claire et complète. Arsac et autres
(1993) recommandent de commencer par une affiche relativement claire mais inexacte.
On n'a pas à présenter toutes les affiches. Certaines vont probablement contenir des
réponses équivalentes.
Le fait d'écrire les commentaires au tableau force les élèves à les articuler clairement et
augmente les possibilités d'arguments à examiner. De plus cela permet de ne pas jeter
un éclairage trop cru sur les affiches les plus faibles.
Les réponses possibles peuvent varier selon la capacité des élèves à les formuler de
façon générale, à utiliser le langage algébrique, et selon le fait qu'ils prennent conscience d'exceptions ou pas...
Par exemple, on peut réaUser que le périmètre d'un rectangle est le double de la somme
de sa longueur et de sa largeur. Il faut donc garder cette somme constante. Une solution
construite à partir du rectangle 3 par 8 serait de dire qu'on enlève 1 à a et on ajoute 1 à
b. Ainsi le rectangle de 2 par 9 a même périmètre. Mais si on prend le rectangle de 1
par 10, ça ne fonctionne plus. Et qu'est-ce qui se passe si on prend a = b = Il Est-ce
qu'il y a d'autres cas semblables? On voit qu'il y a place pour diverses solutions et
divers degrés de précision dans celles-ci.
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Activité 3 : Les périmètres sont-ils toujours pairs ?
Consigne
-
Partant des figures déjà tracées lors de l'activité 1 ou en leur demandant d'en produire
d'autres, on leur fait constater que les périmètres sont tous des nombres pairs. La question est de savoir si c'est toujours vrai. On fait valoir qu'on ne peut pas en être certain
uniquement parce que tous nos exemples donnent des nombres pairs. Cela n'exclut pas
la possibilité que quelqu'un de particulièrement futé nous arrive avec un cas de périmètre de 537! En mathématique, prouver un énoncé, c'est s'assurer que personne ne peut
le réfuter. Il faut donc prouver qu'il est impossible, si on accepte la définition de figure
quadrillée, d'en produire une de périmètre impair.
-
On essaie d'abord de comprendre pourquoi c'est nécessairement vrai dans le cas des
rectangles. On demande aux élèves d'essayer de formuler une preuve, ce qui devrait
être relativement accessible. On en arrive à écrire au tableau quelque chose comme :
Le périmètre d'une figure quadrillée convexe est 2 fois la somme de sa longueur et
de sa largeur.
Un nombre pair est un nombre divisible par 2.
-
Donc le périmètre d'une figure quadrillée convexe est un nombre pair.
Comme il n'y a pas de formule générale pour le périmètre des figures quadrillées, on ne
peut pas utiliser ce raisonnement pour les figures concaves. On leur propose deux méthodes différentes permettant de formuler une preuve générale.
On veut prouver qu'il est impossible de construire une figure quadrillée dont
le périmètre est impair.
Méthode 1
Toute figure quadrillée peut être construite en partant de la plus petite, celle
qui correspond à un carreau, et en l'agrandissant en ajoutant un carreau à la
fois.
Regarde ce qui se passe avec le périmètre chaque fois qu'on ajoute un carreau
à une figure. Par exemple, que devient le périmètre si on ajoute un carreau à
ces deux figures :
a)
b)
Est-ce qu'il y a d'autres possibilités à considérer?
Qu'est-ce que tout cela te permet de dire par rapport à ce qu'on veut prouver?
Méthode 2
Pour tracer une figure fermée sur un quadrillage, on part d'un point, on trace
des traits dans différentes directions mais tout en suivant les lignes, et on
revient au point de départ.
Construis une figure concave en traçant pour chaque unité de déplacement une
flèche montrant la direction du trajet, par exemple :
Quand tu auras terminé ta figure, compte le nombre de flèches orientées vers
le haut, le bas, la droite et la gauche.
Qu'est-ce que tu constates?
Qu'est-ce que cela a à voir avec ce qu'on veut prouver?
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nu
Interventions
On essaie d'intervenir surtout sur la compréhension et l'application des méthodes. On
garde la discussion sur « ce que ça prouve » pour la plénière.
On suggère deux méthodes dans le but que chacun arrive à en utiliser au moins une.
Plénière
-
Partant de ce qu'ils ont trouvé, on en vient à formuler les deux preuves.
-
La première méthode consiste à examiner ce qui se passe lorsqu'on ajoute un nouveau
carreau. Il faut voir qu'il y a trois possibilités. Le nouveau carreau peut toucher à 1, 2
ou 3 côtés de la figure déjà tracée. (On ignore le cas où il toucherait à 4 côtés puisqu'une figure à trou ne correspond pas à la définition de figure quadrillée.) Il faut alors
se demander ce qui se passe au niveau du périmètre dans chacun de ces cas. On est ainsi
en mesure de formuler la preuve suivante :
Toutes les figures possibles peuvent être obtenues en partant de la plus petite figure (le
carreau) et en ajoutant un carreau à la fois.
Le carreau qu'on ajoute peut toucher à la figure de départ par 1, 2 ou 3 côtés. Dans le
premier cas, le périmètre augmente de 2; dans le second, il ne change pas; dans le
troisième, il diminue de 2 .
Si on part du nombre 4 (le plus petit périmètre) et que tout ce qu'on a le droit de faire
c'est + 2 ou + 0 ou - 2 , on n'atteindra jamais un nombre impair.
Donc il est impossible de construire une figure dont le périmètre est un nombre impair.
-
La seconde méthode consiste à observer que le nombre de flèches vers le haut et vers le
bas est le même, et que c'est la même chose pour la droite et la gauche. On peut alors
formuler la preuve :
Toute figure peut être construite en partant d'un point sur le quadrillage, en avançant
d'une unité à la fois selon les quatre orientations possibles, sans couper une ligne déjà
tracée, et en revenant éventuellement à son point de départ.
Pour revenir à notre point de départ, il faut que chaque déplacement vers le haut soit
annulé par un déplacement vers le bas, et de la même façon que chaque déplacement
vers la droite soit annulé par un déplacement vers la gauche.
Si on compte les déplacements verticaux (haut + bas), on va nécessairement obtenir un
nombre pair. Si on compte les déplacements horizontaux (droite + gauche), on va nécessairement obtenir un nombre pair.
Comme le périmètre correspond à la somme des déplacements horizontaux et verticaux, et que la somme de deux nombres pairs donne un nombre pair, on va toujours
obtenir un nombre pair.
Donc il est impossible de construire une figure dont le périmètre est un nombre impair.
(On peut ici avoir à prouver le « lemme » : la somme de deux nombres pairs donne un
nombre pair.)
Activité 4 : Périmètre et aire
Consigne
On s'intéresse à la relation entre le périmètre et l'aire des figures quadrillées.
Formule un énoncé général concernant cette relation et prouve-le.
On peut débuter par du travail individuel, puis faire une courte plénière visant à mettre
en évidence les pistes qui semblent intéressantes, pour ensuite passer à du travail en
équipes.
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Interventions
-
À ceux qui ne savent par où commencer, on conseille de tracer quelques figures et d'en
mesurer le périmètre et l'aire. Est-ce que l'aire va toujours être un nombre pair ? Estce qu'elle va être toujours numériquement plus grande ou plus petite que le périmètre?
-
On peut aussi suggérer de conserver une mesure constante et d'observer comment varie
l'autre. Par exemple, est-ce que toutes les figures qui ont un périmètre de 12 ont la
même aire ? Sinon, quelles sont les possibilités?
Plénière
-
On part des questions travaillées par les élèves et autant que possible on oriente la
discussion autour de préoccupations du type :
Est-ce que cet énoncé est formulé clairement et avec suffisamment de précision?
Est-ce que cet énoncé pourrait être formulé de façon plus générale?
Est-ce que cette preuve est formulée clairement et avec suffisamment de précision?
Est-ce que cette preuve couvre toutes les possibilités de l'énoncé?
-
Il n'y a pas de relation fonctionnelle entre le périmètre et l'aire de ces figures, en ce
sens que sauf pour quelques exceptions, pour chaque valeur de périmètre, il existe plusieurs valeurs d'aire et vice versa. Mais il existe un ensemble de contraintes qui peuvent donner lieu à divers énoncés à prouver.
Simplement examiner des exemples choisis plus ou moins au hasard ne conduit pas très
loin. Une démarche systématique consiste à prendre les valeurs de périmètre 4, 6, 8,
10... et pour chacune générer l'ensemble des valeurs possibles pour l'aire.
On est alors conduit à se demander comment produire toutes les figures possibles d'un
périmètre donné. On a ici l'occasion de reprendre certains raisonnements introduits
dans les activités précédentes. Par exemple, on peut partir des valeurs possibles des
deux composantes du demi-périmètre, les interpréter comme des flèches vers le haut et
vers la droite.
On peut aussi voir comment une famille de figures de même périmètre peut être engendrée par le type d'opération utilisée dans la méthode 1 de l'activité précédente et prendre conscience de l'effet de cette opération sur l'aire. Par exemple pour les figures de
périmètre 12, de type 3 par 3 :
r
I
On peut construire le tableau
périmètre
4
6
8
10
12
14
16
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-.
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a
S
•
aire
{1}
{2}
{3,4}
{4, 5, 6}
{5, 6, 7, 8, 9}
{6, 7, 8, 9, 10, 11, 12}
{7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16}
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On peut évidemment faire la démarche inverse et obtenir :
aire
périmètre
1
2
3
4
5
{4}
{6}
{8}
{8, 10}
{10, 12}
{10, 12, 14}
{12, 14, 16}
6
7
n y a alors place pour essayer de déterminer des formules à partir des régularités observées. Par exemple, on trouve que la plus petite valeur d'aire est égale au demi-périmètre moins 1. Cela semble être vrai avec les exemples observés. Mais est-ce que c'est
nécessairement toujours vrai? Avec les premiers exemples, on aurait pu croire que le
périmètre est toujours plus grand que l'aire, mais ce n'est plus vrai à partir de 16...
Pour comprendre cette relation, il faut raisonner sur les figures et non uniquement sur
les nombres. Ainsi on peut montrer que pour toute figure concave, il existe une figure
convexe de même périmètre mais d'aire plus grande. Donc la plus grande figure est
nécessairement convexe! On peut aussi montrer que pour toute figure concave, il existe
une figure convexe de même périmètre mais d'aire plus petite ou égale. Donc pour
étudier les figures d'aire maximale ou minimale, on peut se contenter d'examiner les
figures convexes... On peut alors se convaincre que la figure construite en alignant côte
à côte le nombre de carreaux correspondant à un périmètre donné, a nécessairement la
plus petite valeur d'aire. Or cette valeur est égale au demi-périmètre moins 1.
n ne s'agit pas ici de faire une étude mathématique complète de toutes les facettes de la
relation périmètre-aire. On voit qu'il y a place pour toutes sortes d'interrogations, de
mini-théories à confirmer ou à invalider, d'énoncés à prouver: ou à réfuter' Le but de
l'activité est de développer chez l'élève une certaine confiance en sa capacité de formuler et de justifier des énoncés, et une certaine prise de conscience des formes de raisonnement propres aux mathématiques. Le fait pour le professeur d'avoir lui-même ou
elle-même fait une certaine démarche devrait l'aider à orienter et à intéresser ses élèves...
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