Education et intercommunalité : les écoles et la
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Education et intercommunalité : les écoles et la
Décentralisation et éducation ÉDUCATION ET INTERCOMMUNALITÉ : LES ÉCOLES ET LA RECOMPOSITION TERRITORIALE Florian AUMONT Peter BLOUIN Étudiants DEA " Études juridiques sur le territoire " de la Faculté de droit d’Angers Sous la direction de recherche de M. Antony TAILLEFAIT Docteur en droit public Maître de conférences à l’université d’Angers Expert près l’École supérieure de l’éducation nationale Angers, mars 2005 Introduction L’éducation en France est en débat. Elle est en crise ou en mutation. Ou en crise parce qu’en mutation. Les deux derniers locataires de l’hôtel de Rochechouart, MM. Ferry et Fillon, ont en effet tenté de réformer cette vieille institution à tous ses étages, non sans grincements, tant en ce qui concerne ses fondements (laïcité par la loi du 17 mars 2004 relative au port des signes religieux à l’école) que son organisation – matérielle (décret du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universitaires et aux diplômes nationaux et suivants) ou territoriale. Concernant cette dernière, il est intéressant de noter que l’on assiste depuis la loi du 22 juillet 1983 modifiée et complétée par celle du 22 janvier 1985 à un mouvement progressif de décentralisation scolaire. Dès le 24 septembre 2002, le premier ministre avait rouvert avec prudence le chantier de cette décentralisation en s’adressant aux recteurs et aux inspecteurs d’académie réunis à la Sorbonne. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales en constitue la traduction. Sans innover en la matière, elle se place dans une continuité 1 . Ainsi, y sont surtout renforcées les compétences éducatives des collectivités territoriales, départements surtout et régions, mais également de leurs groupements. La loi de 2004 constitue effectivement une étape importante dans l’affirmation d’une " intercommunalité éducative ". Dans une réponse écrite du 3 août 2004 2 , le ministre de l’éducation nationale rapportait une étude approfondie réalisée au printemps 2003 selon laquelle sur les 246 regroupements d’écoles publiques innovants (c'est-à-dire autres que de simples regroupements pédagogiques intercommunaux) qui maillaient le territoire, plus de la majorité n’était pas liée à une structure intercommunale, et dans celles liées à une structure, 2/3 étaient rattachées à un syndicat de commune, 1/3 à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ces chiffres sont intéressants à deux niveaux. D’abord en ce qu’ils montrent la réticence des maires à l’heure actuelle à l’égard de l’ " intercommunalité éducative " (selon cette étude, seuls 3,7% des élèves des cycles élémentaires étaient concernés par les réseaux, ce qui fait 1,8% dans le cadre de structures 1 Telle est la conclusion à laquelle aboutit Jacques Fialaire : " L’acte II de la décentralisation et la répartition des compétences dans le domaine de l’enseignement : continuité ou novation ? ", JCP A, n°1-2, 10 janvier 2005, p. 37-45. 2 JO, p. 6049. Page 1 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation intercommunales !), liée à une volonté souvent affichée de conserver coûte que coûte une école de commune et leurs prérogatives sur celle-ci. Mais, paradoxalement, les maires des petites communes, qui sont les plus circonspects, sont aussi ceux qui transfèrent le plus de compétences éducatives. Cela est dû au fait que leurs communes peinent le plus souvent financièrement à supporter les charges très importantes en matière éducative. Les transferts constituent pour eux une possibilité de " mutualisation des moyens et de résolution des difficultés techniques " 3 . Ce qui explique la forte proportion de transferts aux syndicats intercommunaux. Concernant plus précisément les établissements à fiscalité propre, il est intéressant de relever qu’alors que le transfert des compétences en matière de " construction ou aménagement, entretien, gestion et animation d’équipements, de réseaux d’équipements ou d’établissements […] socio-éducatifs […] lorsqu’ils sont d’intérêt communautaire " à une communauté urbaine est obligatoire (article L 5215-20 du code général des collectivités territoriales), que celui des compétences pour la "construction, entretien et fonctionnement d’équipements […] de l’enseignement préélémentaire et élémentaire " à une communauté de commune n’est qu’optionnel (article L 5314-16 du code général des collectivités territoriales), il n’est que facultatif pour les communautés d’agglomération 4 . L’on peut ici relever deux éléments importants. Le premier tient au caractère simplement facultatif des transferts aux communautés d’agglomération, ce qui peut se comprendre par le fait que l’on se situe dans un domaine qui intéresse surtout les petites communes, ainsi que nous l’avons souligné 5 . En outre, il est frappant à la lecture des articles concernant les communautés de communes et urbaines de relever l’importance des matières pouvant ou devant être transférées. C’est la raison pour laquelle nous nous attacherons dans un premier temps à en préciser aussi clairement que possible l’étendue (I). Toutefois, il serait insuffisant d’examiner ces transferts sans les replacer dans le contexte plus global de la décentralisation éducative au sein de laquelle l’on étudiera la promotion de l’intercommunalité (II). I – L'étendue des transferts de compétences éducatives aux structures intercommunales A – Les équipements scolaires et périscolaires Il est important d’étudier ce qui relève de la compétence des communes afin de comprendre quelles compétences peuvent éventuellement être transférées aux établissements publics de coopération intercommunale. En outre, il faut distinguer dans cette étude ce qui relève du scolaire lui-même de ce qui relève du périscolaire. 1) Les compétences éducatives stricto sensu : le scolaire Tout d’abord, en ce qui concerne les compétences scolaires des communes, c’est-à-dire tout ce qui relève de l’école elle-même, celles-ci sont relativement bien mises en place. Ainsi, l’art L-2121-30 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que : " Le conseil municipal décide de la création et de l’implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d’enseignement public après avis du représentant de l’État dans le département ". De plus, le code de l’éducation contient lui aussi des dispositions concernant les compétences des communes en matière d’éducation. En effet, l’article L-212-2 de ce même code dispose que : 3 " Éducation et intercommunalité ", rapport de l’association des maires de France, novembre 2001, p. 2. 4 Rappelons en effet qu’aux termes de l’article L 5211-7 du code général des collectivités territoriales : " Les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ces derniers, certaines de leurs compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi… ". 5 Il semble en réalité que les transferts de compétences aux communautés d’agglomération concernent surtout l’enseignement supérieur. Cela apparaît par exemple dans les statuts de la communauté d’agglomération d’Angers, Angers Loire métropole, lesquels prévoient la compétence de la structure intercommunale pour le " soutien aux actions de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche ". Sur ce point v. : CAA Nantes, 13 mai 2003, cne de Saint-Cyr-en-Val, JCP A 2003, comm. 2031, obs. R. Vandermeeren ; AJDA 2004, p. 882, note T. Tuot et CE, 9 mai 2005, ministre de l’Intérieur et communauté d’agglomération d’Orléans c/ commune de Saint-Cyren-Val, req. 258441, Rec. CE. Page 2 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation " Toute commune doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique ". Enfin, l’article L-212-4 dispose quant à lui : " La commune a la charge des écoles. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement ". Au vu de ces différents articles, les communes ont donc une compétence éducative essentiellement basée sur le niveau élémentaire et préélémentaire ; ce sont les fameuses " écoles communales ". A priori, le transfert éventuel de compétences des communes aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) concernera en principe ce niveau d’éducation. Mais tous les EPCI ne vont pas se voir transférer les compétences de la même manière. Autrement dit, les compétences éducatives des communes ne seront pas transférées selon les mêmes modalités et ne recouvriront pas exactement la même vision des compétences scolaires selon l’EPCI qui en aura alors la charge. Dans un premier temps, il faut mentionner que pour les communautés d’agglomération, aucune référence n’est faite à l’éducation dans l’article L-5216-5 CGCT sur les compétences desdites communautés d’agglomération. Ce domaine de compétences est donc a priori exclu des compétences minimales dans la formation de ces EPCI. Mais rien n’interdit à ces EPCI de transférer des compétences en matière éducative si celles-ci sont définies par l’intérêt communautaire. Seulement, la nature des compétences ainsi transférées variera selon ce que l’on aura défini dans l’intérêt communautaire et non selon les termes de la loi comme pour les autres EPCI. En effet, pour les autres EPCI les compétences éducatives sont plus ou moins envisagées par la loi. Ainsi, et dans un deuxième temps, les communautés de communes bénéficient de dispositions législatives assez claires en ce qui concerne le transfert des compétences éducatives. L’article L-5214-16 CGCT définit la nature des compétences éducatives pouvant être transférées : " Construction, entretien et fonctionnement d’équipements culturels et sportifs et d’équipement de l’enseignement préélémentaire et élémentaire ". Les compétences éducatives sont ici non seulement explicitement envisagées, mais sont placées au niveau exact des compétences des communes en matière d’éducation, ce qui n’est pas le cas pour les autres EPCI. En effet, pour les communautés urbaines, les compétences éducatives sont envisagées beaucoup plus largement. L’article L-5215-20 I 1° c) ne fait pas référence à l’éducation stricto sensu mais au domaine socioéducatif : " Construction ou aménagement, entretien, gestion et animation d’équipement, de réseaux d’équipement ou d’établissement culturels, socioculturels, socio-éducatifs, sportifs, lorsqu’ils sont d’intérêt communautaire ". La difficulté est de définir tout d’abord un intérêt communautaire (cela concerne les modalités de transfert de compétences ce qui dépasse le cadre de cette étude). Ensuite il faut déterminer ce que l’on entend par socioéducatif. S’agit-il de structures sociales se trouvant en dehors du cadre de l’école mais touchant à l’éducation (ex : une école de musique) ? Ou s’agit-il de structures qui, se situant dans le cadre de l’école, échappent tout de même à l’enseignement proprement dit (ex : les cantines scolaires) ? Cet article L-5215-20 I 1° c) est né d’une réforme de 1999 (loi du 12 juillet 1999). Avant celle-ci, l’article ne concernait que les locaux scolaires. Doit-on en déduire ici une extension de compétences éducatives, c’est-à-dire en fin de compte de compétences scolaires et périscolaires accordées aux communautés urbaines ? Dans tous les cas, le terme étant assez vague, il permet en pratique un transfert large dans le sens où l’on peut facilement entendre le scolaire et le périscolaire dans le terme socio-éducatif. Le problème le plus délicat se situe en réalité à l’alinéa d) : " Lycées et collèges… ". Cette disposition pose la question de savoir dans quelle mesure les communautés urbaines sont compétentes en matière de lycées ou de collèges. Il faut rappeler qu’avant la décentralisation de 1986, les communes étaient propriétaires des lycées et des collèges. Après cette réforme, il y a eu un transfert de compétences vers le département et la région, mais la commune a gardé la nue-propriété, autrement dit elle dispose de la chose mais n’en a ni l’usage ni la jouissance. L’art L-216-6 du code de l’éducation permet toutefois aux communes de récupérer la compétence de construction par voie conventionnelle vis-à-vis du département ou de la région : " La commune-siège ou le groupement compétent au lieu et place de celle-ci, s’il le demande, se voit confier de plein droit par le département ou la région la responsabilité de la construction et de l’équipement d’un collège, d’un lycée… " 6 . 6 e Pour une analyse de cette question : v. Antony Taillefait, Gestion du patrimoine scolaire, Berger-Levrault, 2 éd. 2002. Page 3 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation 2) Les compétences éducatives au sens large : le périscolaire Le dictionnaire définit le terme périscolaire comme tout ce qui est complémentaire de l’enseignement scolaire. Ainsi, on peut entendre le périscolaire comme tout ce qui est scolaire mais qui dépasse le cadre de l’enseignement lui-même, ou on peut l’entendre comme tout ce qui contribue à rendre possible l’enseignement. À ce titre, notre étude va porter sur deux points cruciaux pour la contribution à l’enseignement, autrement dit, les transports scolaires et les cantines scolaires. Elle laissera de côté les activités de sorties scolaires ou encore celles organisées dans les écoles en dehors des heures d’enseignement. Tout d’abord, en ce qui concerne les transports scolaires, le code de l’éducation dispose que la responsabilité de ce type de transport incombe aux départements. En effet, l’article L-213-11 al 2 affirme que : " Le département a la responsabilité de l’organisation et du fonctionnement de ces transports (scolaires) ". En outre, l’article L-213-12 du code de l’éducation dispose que : " S’ils n’ont pas décidé de les prendre en charge euxmêmes, le Conseil général ou l’autorité compétente pour les transports peuvent confier par convention tout ou partie de l’organisation des transports scolaires à des communes ou à un EPCI ". De plus, l’inverse est toujours possible au moins pour les communautés d’agglomération de par l’article 57 de la loi du 27 février 2002 qui dispose que : " Lorsque l’organisation du transport scolaire dans le périmètre d’une communauté d’agglomération relevait antérieurement à la création de cette dernière du seul département, la communauté d’agglomération peut par voie conventionnelle transférer sa compétence en matière d’organisation des transports scolaires au département ". En définitive, les EPCI peuvent se voir confier, directement ou indirectement, des compétences dans le domaine périscolaire alors même que celles-ci ne relèvent pas de la compétence des communes. Ainsi, les EPCI peuvent prendre en charge les transports scolaires directement, de par une convention passée avec les institutions préalablement compétentes, ou bien encore de façon indirecte lorsque par exemple les transports scolaires sont confiés aux communes qui peuvent ensuite transférer cette compétence à un éventuel EPCI. Ensuite, en ce qui concerne les cantines scolaires, le principe posé par une circulaire ministérielle de 1988 veut que la restauration scolaire ait un caractère facultatif pour les élèves de l’enseignement primaire. Cette position a été depuis confirmée par la jurisprudence administrative. 7 Un des problèmes liés aux cantines scolaires reste celui d’identifier l’autorité compétente en la matière et le fondement juridique nécessaire à leur création. Un de ces fondements peut être trouvé dans l’article L-212-15 du code de l’éducation qui dispose que : " Sous sa responsabilité et après avis du conseil d’administration ou d’école, (…) le Maire peut utiliser les locaux scolaires de la commune pour l’organisation d’activités à caractère culturel, sportif, social, ou socio-éducatif pendant les heures ou les périodes au cours desquelles ils ne sont pas utilisés pour les besoins de la formation initiale et continue. Ces activités doivent être compatibles avec la nature des installations et l’aménagement des locaux ". Mais cet article reste peu convaincant et nécessite une interprétation complexe des termes afin d’y trouver un fondement juridique pour la création des cantines scolaires. Il en résulte qu’il faut l’exclure 8 . De plus, sur la question de la gestion des cantines scolaires, un autre fondement juridique peut être trouvé à l’article L-216-1 du code de l’éducation, tiré de l’article 26 de la loi 83-683 du 22 juillet 1983, qui dispose qu’il est possible de compléter l’enseignement proprement dit par des activités périscolaires : "Les communes, départements, régions, peuvent organiser dans les établissements scolaires, pendant leurs heures d’ouverture et avec l’accord des conseils et autorité responsable de leur fonctionnement, des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires. Ces activités sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activités d’enseignement et de formation fixées par l‘État ". Une éventuelle confirmation de ces hypothèses permettrait aussi de fonder les compétences des EPCI en la matière, dans la mesure où ces dispositions concernent également les communes. 7 CE 5 octobre 1948 Commissaire de la République de l’Ariège. 8 V. Antony Taillefait, Gestion du patrimoine scolaire, précité. Page 4 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation Plus précisément, un fondement juridique à la création des cantines scolaires, de la part des communautés urbaines, peut être trouvé dans l’article L-5215-20 CGCT. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, cet article fait référence au domaine socio-éducatif qui est beaucoup plus à même de fonder une quelconque compétence en matière de création de cantine scolaire. En outre, selon Madame Long, l’article L-5214-16 CGCT permettrait aux communautés de communes de créer des cantines scolaires. Il est permis d’en douter dans la mesure où cette disposition semble ne faire référence qu’aux équipements de l’enseignement élémentaire et préélémentaire, c’est-à-dire tout ce qui concerne le scolaire au sens strict, autrement dit l’école elle-même. 9 B – Contenu des transferts : de la construction à l’animation des équipements À la lecture des articles L 5215-20 et L 5214-16 du CGCT, l’on perçoit que les transferts peuvent en premier lieu concerner la construction. Dans cette hypothèse, la structure intercommunale deviendra le maître d'ouvrage des constructions futures ou en cours, réalisées principalement dans le cadre d’un marché de travaux publics, ou exceptionnellement d’une régie. Ensuite, l’on peut citer un arrêt du 25 novembre 1991, COREP (commission régionale d'élaboration du plan régional de la qualité de l'air) du Rhône contre commune de Vénissieux 10 dans lequel le Conseil d'État délimite et précise les transferts de compétences en matière d’aménagement, explicitement prévus pour les communautés urbaines avec une alternative étrange (" construction ou aménagement ") et que l’on peut étendre aux communautés de communes 11 , ainsi que d’entretien. Au sujet de la première en effet, le transfert des dépenses d’aménagement des " locaux scolaires " 12 ne doit pas se limiter aux seules acquisitions mobilières de premier équipement, mais également aux dépenses liées au renouvellement de cet équipement. Au sujet de l’entretien, celui-ci ne saurait concerner que les seules grosses réparations 13 à l’exclusion des réparations ayant le caractère de réparation locative 14 . Sur ce point, la loi Chevènement du 12 juillet 1999 semble avoir levé l’ambiguïté en substituant à la notion de " locaux scolaires ", celle d’ " équipements, de réseaux d’équipements ou d’établissements ". Ainsi, au-delà des seuls immeubles (" locaux ", " établissements "), sont mentionnés également les meubles (" équipements "). Il est en outre intéressant de noter l’élargissement des contenus des transferts opéré par la loi du 13 août 2004. En effet, selon la rédaction de l’ancien article 5215-20 du CGCT, n’étaient prévus que les seuls transferts portant sur les compétences que l’on vient de mentionner et que l’on pourrait qualifier de " structurelles ". Or cette loi y a ajouté des compétences que l’on peut qualifier de " fonctionnelles ", à savoir " la gestion et l’animation " des équipements. On se situe ici dans la double optique d’un élargissement et d’une précision (par rapport par exemple au seul " fonctionnement " de la communauté de communes) des compétences transférées aux structures intercommunales. La question de la gestion peut renvoyer à celle des personnels. Sur ce point, l’article 46-1 de la loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, codifiée à l’article 5211-4-1-I du CGCT, semble avoir clarifié la situation en disposant que " le transfert de compétences d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale entraîne le transfert du service ou de la partie de service chargé de sa mise en œuvre ", transfert dont les modalités " font l’objet d’une décision conjointe de la commune et de l’établissement 9 Martine Long, La restauration scolaire, Jurisclasseur des collectivités territoriales, fascicule n° 700. 10 Req. n°75224 et 79845, rec. CE T. 767 ; Droit administratif, 1992, n°20. 11 En effet, comment peut-il en être autrement par exemple dans le cas où, les effectifs faisant, il devient indispensable d’ouvrir une nouvelle classe, partant d’aménager les locaux existants, dans une école au reste gérée par la communauté de communes ? 12 L’on se place sous l’empire de l’ancien article L 5215-20. 13 Au sens de l’article 606 du code civil : " les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ". 14 Distinction " travaux du propriétaire ", " travaux du locataire " ? Antony Taillefait, Gestion du patrimoine scolaire, p. 129 : " Les expressions " travaux du propriétaire et " travaux du locataire " sont une transposition dans le langage courant des gestionnaires du patrimoine scolaire, des concepts en usage dans la gestion des immeubles privés. La collectivité de rattachement, désignée ici par le qualificatif de " propriétaire ", n’est pas, sur le plan juridique, le propriétaire des locaux, et le " locataire " désigné ici, à savoir l’EPLE, n’est que l’affectataire ". Page 5 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation public de coopération intercommunale ". Cela peut concerner par exemple les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM). En outre, la loi du 13 août 2004 a élargi le champ des compétences " fonctionnelles " transférées ou transférables aux établissements publics de coopération intercommunale. Ainsi en va-t-il par exemple de la sectorisation au sujet de laquelle il est possible de relever une double évolution. En premier lieu, ce pouvoir, appartenant jusqu’alors au maire agissant en qualité d’agent déconcentré de l'État 15 , relève désormais de la compétence du conseil municipal, organe décentralisé 16 . Partant, la compétence en matière de sectorisation pourra être transférée à la structure intercommunale. De surcroît, la loi du 13 août 2004 précise que ce transfert s’effectuera de plein droit aux conseils des groupements intercommunaux pour ceux sur le territoire desquels existent plusieurs écoles publiques, et dont les dépenses de fonctionnement de ces écoles ont été mises à leur charge 17 . Or, la détermination du ressort des écoles n’est pas sans conséquences et constitue une limitation non négligeable des pouvoirs du maire. En effet, par exemple si l’on considère une famille domiciliée à proximité de deux ou plusieurs écoles publiques, en principe, celle-ci a, aux termes de l’article L 131-5§4 du code de l’éducation, " la faculté de faire inscrire [ses] enfants à l’une ou l’autre de ces écoles, qu’elle soit ou non sur le territoire de [sa] commune ". Toutefois, ce principe subit deux limites 18 : d’abord, dans l’hypothèse où l’école sur laquelle le choix s’est porté " compte déjà le nombre maximum d’élèves autorisé par voie réglementaire " (article 131-5§4 du code de l’éducation) ; ensuite, lorsqu’un ressort a été défini. Dans ce cas, si le maire, eu égard à son pouvoir de police " consistant à vérifier le respect de la scolarité obligatoire " 19 , a compétence pour l’inscription sur la liste des enfants soumis à l’obligation scolaire (certificat d’inscription) et la désignation de l’école que l’enfant devra fréquenter (article L 131-5§5 du code l’éducation issu de l’article 80-I de la loi libertés et responsabilités), il doit tenir compte du ressort. En réalité, dans une telle hypothèse, sa seule latitude sera la possibilité d’examiner les dérogations que les parents peuvent lui demander et qu’il est tenu d’instruire 20 (étant entendu que dans cette hypothèse, aucun critère n’ayant été fixé, le juge n’exercera qu’un contrôle restreint). Une seconde avancée effectuée par la loi du 13 août 2004 en la matière concerne le cas où un enfant, dont la famille est domiciliée dans une commune, fréquente une école située dans une autre 21 . Selon l’article 87-I de la loi de 2004, codifié à l’article 212-8 du code de l’éducation, il devra y avoir un accord pour la répartition des dépenses de fonctionnement entre la commune de résidence et la commune d’accueil (le préfet intervenant à défaut d’accord et après avis du conseil départemental de l’éducation nationale) lorsque la commune de résidence n’a pas les capacités d’accueil, lorsqu’elle les a mais son maire a accepté la scolarisation de l’enfant dans une école hors de la commune ou encore au cas où l’on se place dans l’un des trois cas suivants : - les deux parents exercent une activité professionnelle et il n’y a pas de service de garderie ou de cantine dans la commune de résidence ; un frère ou une sœur est inscrit dans une école maternelle ou élémentaire de la commune d’accueil ; des raisons médicales le justifient, attestées par un médecin scolaire ou un médecin agréé. De plus, l’article 87-I renforce la compétence des établissements publics de coopération intercommunale à ce sujet, eu égard au fait que le transfert des compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques entraîne deux conséquences nouvelles. La première tient au fait que dans ce cas la capacité d’accueil est appréciée non pas par le maire mais par le président de la structure intercommunale. En outre, le territoire de l’ensemble des communes constituant cet établissement sera alors assimilé au territoire de la commune d’accueil ou de la commune de résidence et l’accord sur la répartition des dépenses de fonctionnement relèvera de l’établissement public de coopération intercommunale. 15 Selon l’ancien article L 212-7 du code de l’éducation : " Dans les communes qui ont plusieurs écoles publiques, le ressort de chacune de ces écoles est déterminé par arrêté du maire ". 16 Article 80§II de la loi libertés et responsabilités locales, codifiée au nouvel article L 212-7 du code de l’éducation. 17 Article 80§II. 18 Et seulement deux : cf. TA Paris, 11 octobre 2002, M. Lambert : le refus ne peut pas être légalement motivé par le souci d’assurer l’hétérogénéité sociale des écoles publiques : erreur de droit car non prévu au titre des dérogations de l’article L 131-5. 19 M. Rihal, cité par François Chouvel, note sous TA Paris, 11 octobre 2002, M. Lambert, AJDA, 2003, p. 147-149. 20 Cf. CAA Lyon, 6 février 2001, Mme Gaudillet. 21 Cf. " Répartition entre les communes de résidence et d’accueil ", La gazette des communes, n°13, 28 mars 2005, p. 54-56. Page 6 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation Cette promotion des établissements publics de coopération intercommunale apparaît ainsi indéniable dans l’ensemble de la loi, que l’on s’en tienne à sa lettre où à son esprit. Reste alors à montrer maintenant comment cette promotion s’intègre dans la structure globale de l’éducation nationale. II – L'affirmation de la place de l’intercommunalité dans le système décentralisé de l’éducation À l’instar de l’ensemble des grands services publics, celui de l’éducation a eu à subir la double vague de décentralisation et de déconcentration 22 . La houle n’a pas cessé et la loi du 13 août 2004, si elle réaffirme le caractère national de l’éducation (A) n’en n’a pas moins renforcé les compétences des organes décentralisés, notamment les établissements publics de coopération intercommunale, dont la place au sein de la structure éducative nationale s’en trouve promue selon des modalités qu’il sera intéressant de présenter (B). A – Limite à l’affirmation : "le caractère national de l’éducation" Le caractère national de l’éducation trouve un fondement constitutionnel dans l’article 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon laquelle : " L’organisation de l’enseignement public laïc et gratuit à tous les degrés est un devoir de l'État ". Cela confère indéniablement au service public de l’éducation, quels que soient les niveaux où il est exercé, un caractère national. Son caractère décentralisé était affirmé pour sa part à l’article L 211-1 du code de l’éducation : " L’éducation est un service public de l'État, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales " 23 . Lors des mouvements d’avril-juin 2003 antérieurs au vote de la loi, les organisations représentatives des personnels et de nombreux élus locaux avaient exprimé leurs craintes de dérives éventuelles vers une " privatisation " de l’éducation nationale et avaient affirmé leur volonté que soient confirmées les compétences de l'État. Ce qu’a fait le législateur en précisant dans l’article 75, modifiant l’article L 211-1 du code de l’éducation : " l’éducation est un service public national ". Toutefois, cela n'affecte aucunement l'approfondissement de la décentralisation engagée par la loi du 13 août 2004, et plus précisément son article 75. En effet, si, pour la répartition des compétences, celle de principe relève toujours de l'État, l’intervention des collectivités décentralisées devant être prévue par les textes (" sous réserve des compétences attribuées par le présent code aux collectivités territoriales "), il est intéressant de relever le fait que les missions exercées par l'État dans le cadre de ses compétences sont pour leur part désormais précisées. Ainsi en est-il de la première qui concerne la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l’organisation et le contenu des enseignements. Elle apparaît effectivement comme une prérogative très importante de l'État, par laquelle celui-ci conserve une mainmise non négligeable sur l’éducation nationale, en ce qu’elle confirme en premier lieu le fait que si les collectivités territoriales sont surtout compétentes en ce qui concerne le contenant, l'État maîtrise toujours le contenu. En outre, il ne faut pas perdre de vue que le contenu peut irriguer le contenant. Un exemple assez intéressant peut être fourni. Il relève du domaine de l’informatique. En effet, les instructions officielles émanant du ministère de l’éducation nationale précisent que l’enfant, au sortir de l’école élémentaire, doit maîtriser l’outil informatique, ce qui est validé par le " B2I " (brevet informatique et Internet). On comprend aisément qu’est alors posée la question de l’acquisition de ce matériel. Ensuite, l’on peut mentionner la troisième mission de l'État portant sur le recrutement et la gestion des personnels qui relèvent de sa responsabilité. Celle-ci est fondamentale car implique nécessairement que les collectivités territoriales en général, les établissements publics de coopération intercommunale en particulier, négocient par avance avec l'État pour obtenir l’assurance de celui-ci d’obtenir les postes indispensables à son fonctionnement. En réalité, cette négociation se fera avec l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale et détenteur du pouvoir de décision pour l’ouverture et la fermeture des classes et des écoles et pour l’implantation des emplois d’instituteurs (décret du 11 juillet 1979) et de 22 Ces deux mouvements étant au demeurant liés, car le processus de déconcentration des responsabilités vers les académies a été rendu nécessaire afin que l’État puisse bénéficier d’un interlocuteur fiable face aux départements et régions. 23 Sur les conséquences pratiques de ce principe à valeur constitutionnelle : v. Antony Taillefait, Le particularisme du domaine public scolaire, revue Les cahiers de l’éducation, n° 4 mai-juin 1999, p. 14. Page 7 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation professeurs des écoles (décret du 19 novembre 1990). Ainsi, si la compétence pour la création d’une école 24 ou d’une classe 25 appartient au conseil municipal selon l’article L 2121-30 du CGCT, l’ouverture ou la fermeture de celles-ci est donc de compétence communale. Cependant la suppression de postes d’enseignants peut en provoquer la fermeture 26 . On le perçoit, le dialogue est ici fondamental entre l'État et les structures intercommunales, ce que nous allons maintenant examiner. B – L'affirmation progressive de la place de l’intercommunalité dans l’éducation nationale Cette affirmation apparaît selon nous par l’intermédiaire de deux nouvelles institutions qui sont les établissements publics d’enseignement primaire et le Conseil territorial de l’éducation. 1) Les établissements publics d’enseignement primaire Tout d’abord, les établissements publics d’enseignement primaire (EPEP) ont été créés par l’article 56 de la loi du 13 août 2004. Ils sont la continuation des établissements publics locaux d’enseignement crées par la loi du 22 juillet 1983 : " Les EPCI ou plusieurs communes d’un commun accord ou une commune, peuvent, après avis des conseils des écoles concernés et accord de l’autorité académique, mener des expérimentations, pour une durée de 5 ans, tendant à créer des établissement public d’enseignement primaire ". Le conseil constitutionnel a, dans une décision 503DC du 12 août 2004, affirmé que les EPEP ne constituent pas à eux seuls une nouvelle catégorie d’établissement public. Dès lors, les EPEP entrent bien dans le cadre prévu par la loi du 22 juillet 1983 sur les EPLE (établissements publics locaux d'enseignement). De plus, il faut ajouter que l’article L-421-1 du code de l’éducation dispose que : " Les collèges, les lycées et les établissements d’éducation spéciale sont des EPLE ". Étant des établissements publics, les EPEP bénéficient d’une autonomie financière et d’une capacité d’initiative matérielle et pédagogique renforcées ; cette autonomie pédagogique étant définie par rapport à celle accordée aux EPLE par l’article 2 du décret du 25 janvier 1985 (renforcé successivement par décret du 31 octobre 1990 et du 26 mai 1993). On le voit ici, en théorie, les EPEP s’inscrivent dans une décentralisation éducative qui ne porte plus exclusivement sur le contenant mais qui commence aussi à s’inscrire dans le contenu. Autrement dit, les EPEP, et a fortiori les EPCI, sont à même d’organiser leurs structures éducatives en fonction de leurs besoins et il en découle une légère prise de distance par rapport au service de l'État. Ce qui a pu faire dire à Monsieur Bernard Toulemonde : " On va passer d’une décentralisation purement territoriale à une décentralisation 'fonctionnelle' " 27 . La réalité est beaucoup moins séduisante. En effet, le bilan en ce qui concerne dans un premier temps les EPLE est mitigé 28 . Ce bilan risque de contaminer le bilan des EPEP étant donné que ces deux structures ne forment qu’une seule catégorie. Déjà pour les EPLE, Monsieur André Pouille 29 pouvait dire dans l’ouvrage collectif intitulé " La République décentralisée " : " Pour les EPLE, les lycées et collèges, la situation est bien pire. L’autonomie est une douce plaisanterie ", l'État gardant énormément de contrôle sur ces établissements. Les EPEP auraient du mal à s’affirmer notamment à cause d’une prise de position concernant le statut du directeur d’école politiquement compliquée. 24 " Ensemble des actes juridiques et matériels permettant la réalisation de bâtiments appropriés pour être utilisés aux fins d’enseignement du premier degré par l'État " : Rouquette Rémi, La commune et l’école, éditions Le Moniteur, Paris, 2004, p. 26. 25 " acte qui décide d’affecter une partie supplémentaire d’une école à l’enseignement (et éventuellement de la construire) " : idem. 26 V. par ex. : CAA Bordeaux, 15 janvier 2004, Ministre de l’Éducation nationale, req. n° 00BX01658, LIJMEN avr. 2004, n° 84, p. 7, JCP A 2004, n° 16, comm. 1287, note J. Moreau ; TA Rouen, 24 juin 2004, commune de Bouelles, req. n° 0301489-1 et TA Rouen, ord., 13 septembre 2004, commune de Bouelle, req. 0402073. 27 Bernard Toulemonde, AJDA, 2004, p.1673. 28 Voir sur ce point le rapport de la cour des comptes d’avril 2003 sur la gestion du service éducatif. 29 La répartition des compétences dans l’Éducation nationale, dans D.-G. Lavroff (dir.), La république décentralisée, L’Harmattan, 2003, p. 211 Page 8 sur 9 www.esen.education.fr Décentralisation et éducation 2) Le conseil territorial de l’éducation Ce conseil est issu le l’article 76 de la loi de juillet 2004. Il ajoute un article supplémentaire au code de l’éducation, l’article 239-1. Il est composé de représentants de l'État, des régions, des départements, communes, EPCI. Il est consultable sur toutes questions intéressant les collectivités territoriales en matière éducative, il est tenu informé des initiatives prises par les collectivités et formule toutes recommandations destinées à favoriser en particulier l’égalité des usagers devant le service public. Cet organe permet une intégration des communes et EPCI dans la participation quant à une réflexion sur l’éducation qui n’est plus centralisée mais ouverte à toutes les collectivités territoriales. Ce qui sous-entend une volonté de concertation entre l'État et les collectivités territoriales dans l’éventualité d’améliorer le service public de l’enseignement en ce qui concerne l’égalité des usagers dans un premier temps. Ensuite il est permis d’envisager un questionnement sur d’autres questions plus importantes (programmes…) car le texte indique " en particulier ". Page 9 sur 9 www.esen.education.fr