LIVRES - l`Institut d`Histoire sociale
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Il n’y a qu’un bourgeois pour avoir fait ça. L’affaire de Bruay-en-Artois de Pascal Cauchy Paris, Larousse, 2010, 207 p., 20,00 € l’électorat communiste n’était pas seule en cause. Avec perspicacité, Cauchy montre que l’affaire de Bruay-en-Artois, c’est « l’histoire d’un monde qui disparaît » et que, avec elle, se clôt « un long chapitre de l’histoire nationale, marqué par des solidarités politiques fortes, un État providence et des hiérarchies sociales contestées mais assumées». P.R. Ernesto Che Guevara. Combats d’un révolutionnaire, Journaux de voyage et autres textes Préface de Jacobo Machover P ascal Cauchy, qui enseigne l’histoire contemporaine à l’Institut d’Études Politiques de Paris, reprend dans cet ouvrage un fait divers qui avait frappé la France en 1972. Le meurtre d’une adolescente, l’intervention des maoïstes de la « Gauche prolétarienne », soutenus par Jean-Paul Sartre et Michel Foucault, accusant fermement un notaire sur lequel pesaient seulement des soupçons, sont examinés à la loupe par l’auteur. Que révèle le crime de Bruay-en-Artois sur la France de cette époque? Le délire ouvriériste de certains gauchistes et de quelques-uns des intellectuels français les plus renommés, le «début de la fin» d’un mouvement maoïste qui cherchait frénétiquement dans tout événement médiatique ou «médiatisable» le substitut à une lutte de classes qui lui échappait. L’incapacité des maoïstes à « mordre » significativement sur la classe ouvrière et N° 42 Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 2010, 1216 p., 30,00 € B onne idée que la réédition en un seul volume des principales œuvres de Guevara et notamment du Journal du Congo de 1965-1966. Une bibliographie et une filmographie, des cartes, une chronologie, un index, font de l’ouvrage un excellent instrument de travail pour qui veut ne pas se contenter des représentations mythiques du Che ni même des récentes approches critiques[1]. On retiendra aussi la riche, précise, agréablement écrite et savante préface de Jacobo Machover. Y sont rappelés le fait que Guevara présida à nombre d’exécutions après la chute de La Havane au début janvier 1959, sa faible participation aux décisions politiques, sa marginalisation, aussi bien en avril 1961 lors de la tentative contre-révolutionnaire 107 LIVRES L I V R E S histoire & liberté de la Baie des Cochons, qu’en octobrenovembre 1962 lors de la « crise des fusées». La rupture avec Castro intervint, on le sait, peu après qu’ait été esquissée par Guevara une critique publique de l’URSS lors d’une conférence à Alger au printemps 1965 et – ajouterons-nous – après qu’il ait eu la velléité d’établir des relations plus étroites avec Pékin. pas été un simple engagement individuel»: au-delà de leurs différences et de leurs divergences, c’est une véritable complémentarité qui unit les parcours de Che Guevara et de Fidel Castro. P.R. 1. Entre autres: Jon Lee Anderson, Che Guevara. A revolutionnary life, New York, Grove Press, 1997 ; Jacobo Machover, La face cachée du Che, Paris, Buchet-Chastel 2007; Pierre Rigoulot, La véritable histoire d’Ernest Guevara, Paris, Larousse, 2010. L’Italie des années de plomb. Le terrorisme entre histoire et mémoire dir. Marc Lazar et Marie-Anne Matard-Bonucci Paris, Autrement, coll. «Mémoires/Histoire», n° 152, 2010, 448 p., 26,00 € Machover souligne l’importance de l’aventure congolaise et décrit de manière émouvante le sort de la guérilla guévariste en Bolivie, non sans s’interroger ouvertement sur les trahisons et les abandons qui ont précipité son échec. L’idée selon laquelle « Cuba pouvait devenir un pôle alternatif» loin de la voie soviétique embourgeoisée et bureaucratisée est-elle cependant convaincante ? L’idée que l’amour pouvait constituer un « apport fondamental » à la conception marxiste et léniniste surprend plus encore. Cette naïveté n’était pas nouvelle d’ailleurs puisqu’elle apparaît déjà chez certains révolutionnaires français au moment du Congrès de Tours de 1920. Mais, comme l’indique la subtile conclusion de la préface, l’aventure du Che «n’a 108 L’Italie a connu pendant environ une vingtaine d’années une violence politique à laquelle échappa de justesse la France. La réflexion sur cette violence, la mise en place des cadres conceptuels, la contextualisation et la périodicisation font du dossier que Marc Lazar et Marie-Anne Matard-Bonucci proposent au lecteur français un ensemble passionnant. L’analyse précise des relations francoJUIN 2010 italiennes et de la vision de l’Italie par la France éclaire aussi les polémiques, comme celles auxquelles nous avons assisté au sujet de Cesare Battisti. Témoignages et représentations littéraires, cinématographiques et photographiques de ces «années de plomb», index, bibliographie et chronologie sont d’une grande utilité. L’excellente introduction de l’ouvrage souligne la durée et la radicalité des mouvements de cette période (plus de 12000 attentats entre 1969 et 1980 provoquant la mort de 362 personnes !), qui furent sans doute le fait de l’extrême gauche comme de l’extrême droite, mais suscitèrent des sympathies bien au-delà des seuls groupuscules activistes. N° 42 Cette période marque toujours les mémoires italiennes au point que de très vives polémiques accompagnent certaines de ses évocations. Pourtant, elle devient désormais un objet d’histoire. En apportant une meilleure connaissance de ces temps difficiles et de leurs ressorts, en éclairant les obstacles encore à surmonter pour que cette histoire fasse son chemin, en chassant les fantômes, pour reprendre une expression de Germaine Tillion, pour leur substituer des faits, du sens, des interrogations rationnelles, Marc Lazar et Marie Anne Matard-Bonuccui n’ont pas fait seulement œuvre scientifique, ils ont aussi apporté une belle contribution à l’apaisement mémoriel de l’Italie et à la pensée politique en général. P.R. 109 LIVRES L I V R E S