texte Henrik Ibsen

Transcription

texte Henrik Ibsen
Petit Eyolf
texte Henrik Ibsen
mise en scène Julie Berès
traduction Alice Zeniter
www.lescambrioleurs.fr
créé
du 19 au 23 janvier 2015
à la Comédie de Caen - CDN de Normandie
tournée
jusqu’en juin 2015
DU 4 AU 15 FÉVRIER 2015
au Théâtre des Abbesses - Paris
le mercredi 4 février à 20h30
le jeudi 5 février à 20h30
le vendredi 6 février à 20h30
le samedi 7 février à 20h30
le dimanche 8 février à 15h
le lundi 9 février relâche
le mardi 10 février à 20h30
le mercredi 11 février à 20h30
le jeudi 12 février à 20h30
le vendredi 13 février à 20h30
le samedi 14 février à 20h30
le dimanche 15 février à 15h
CONTACT PRESSE
Dorothée Duplan et Flore Guiraud
assistées d’Eva Dias
21 rue du Grand Prieuré 75011 Paris
01 48 06 52 27
[email protected]
www.planbey.com
www.planbey.com - où vous pouvez télécharger dossier de presse, visuels et extraits sonores
Petit Eyolf de Henrik Ibsen
Une équipe plurielle
Mise en scène Julie Berès | Traduction Alice Zeniter
Avec Anne-Lise Heimburger, Gérard Watkins, Julie Pilod, Valentine Alaqui, Béatrice Burley & Sharif Andoura
Adaptation Julie Berès, Alice Zeniter & Nicolas Richard
Dramaturgie Olivia Barron
Scénographie Julien Peissel
Création lumières Kelig Le Bars
Création sonore Stéphanie Gibert
Chorégraphie Stéphanie Chêne
Costumes Aurore Thibout
Création le 19 janvier 2015 à la Comédie de Caen
Centre Dramatique National de Normandie
Production déléguée L’Espace des arts, scène nationale de Chalon sur Saône | Coproduction Comédie de Caen - Centre dramatique national de Normandie, L’Espace
des arts - scène nationale de Chalon sur Saône, Le Théâtre des Célestins à Lyon, Le Parvis, scène nationale de Tarbes, Le Théâtre Gérard Philipe à Champigny, Le Grand
Logis, scène conventionnée à Bruz, Le Théâtre du Pays de Morlaix, Compagnie Les Cambrioleurs.
Avec le soutien du T2G – CDN de Gennevilliers, de l’Etablissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette et du Centre National du Théâtre | Avec la participation artistique du du Jeune Théâtre National | Ce texte a reçu l’aide du Centre National du Théâtre.
La Compagnie Les Cambrioleurs est conventionnée par le ministère de la culture et de la communication / Drac Bretagne, par la région Bretagne et par la Ville de Brest
et est soutenue pour ses projets par le Conseil Général du Finistère.
TOURNÉE 2015
du 19 au 23 janvier
Comédie de Caen - Centre Dramatique National de Normandie
du 4 au 15 février
Théâtre de la Ville (Théâtre des Abbesses), Paris
les 18 et 19 février
Centre Dramatique National de Haute-Normandie
Petit-Quevilly Mont-Saint-Aignan (Théâtre de la Foudre)
les 26 et 27 février
Grand Logis, Bruz
le 5 mars Théâtre du Pays de Morlaix
les 11 et 12 mars
Comédie de Valence – Centre Dramatique National
relâche le lundi 9 février
www.comediedecaen.com / 02 31 46 27 29
www.theatredelaville-paris.com / 01 42 74 22 77
www.cdn-hautenormandie.fr / 02 35 03 29 78
www.legrandlogis.net / 02 99 05 30 62
www.theatre-du-pays-de-morlaix.fr / 02 98 15 22 77
www.comediedevalence.com / 04 75 78 41 70
du 17 au 21 mars
Théâtre des Célestins, Lyon
les 24 et 25 mars
L’Espace des arts, scène nationale de Chalon sur Saône
www.celestins-lyon.org / 04 72 77 40 00
les 31 mars et 1 avril
er
www.espace-des-arts.com / 03 85 42 52 12
Parvis, scène nationale de Tarbes
www.parvis.net / 05 62 90 06 03
le 10 avril Théâtre Gérard Philipe, Champigny
le 23 avril
Théâtre de la Madeleine, Troyes
www.champigny94.fr/theatre-gerard-philipe.html / 01 48 80 05 95
www.theatredelamadeleine.com / 03 25 40 15 55
le 28 avrilTransversales, Verdun
www.transversales-verdun.com/transversales.php / 03 29 86 10 10
le 12 mai
Théâtre Jean Lurçat, scène nationale d’Aubusson
du 19 au 22 mai
Théâtre National Bordeaux Aquitaine – Centre Dramatique National
le 2 juin
Granit, scène nationale de Belfort
www.ccajl.com / 05 55 83 09 09
www.tnba.org / 05 56 33 36 80
www.legranit.org / 03 84 58 67 67
Dorothée Duplan & Flore Guiraud assistées d’Eva Dias / 01 48 06 52 27 / [email protected] / www.planbey.com
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Avec « Petit Eyolf », je souhaite affronter un désir que je mûris depuis plusieurs années. Celui de
travailler sur l’œuvre d’Henrik Ibsen. Sur cette écriture qui a su inventer la tragédie moderne ; celle du
quotidien, de l’intime, qui replace l’homme au cœur du drame. De l'égarement à l'engagement dans le monde, le parcours initiatique qu’Ibsen impose à ses personnages
invite à une interrogation existentielle, proche des questions du sujet contemporain. Errance, quête de
soi-même, illusion et mégalomanie sont les maîtres-mots de cette dramaturgie. Claudio Magris le disait :
Henrik Ibsen a su représenter « à l’origine, aux racines, certaines contradictions de notre existence dans
la modernité. Contradictions que nous n’avons pas encore su dépasser aujourd’hui». En d’autres termes,
si les êtres ibséniens parviennent à nous toucher, à nous ressembler, c’est que cette lutte qui anime leur
survie, fatale ou héroïque, est d’abord la nôtre. Ainsi, les personnages de notre « Petit Eyolf » oscillent entre fantasmes et désillusions, chaos et
émancipation dans un univers qui bascule du réalisme à l’onirisme. Les non-dits, les ressorts
psychanalytiques et la dimension symbolique de la pièce surgissent grâce à un travail sur l'étrangeté du
corps, le son et la lumière. Le plateau est envahi peu à peu par les visions, la réalité se déformant après la
déflagration de la perte. L'onirisme est à la fois cauchemar qui poursuit et échappatoire à la réalité,
terreur et beauté. Les personnages traversent alors - dans et hors des mots - les transformations
nécessaires pour surmonter l’absence et le deuil.
Julie Berès, avril 2014 Un espace mental Avec Ibsen, Julie Berès se confronte pour la première fois à un texte classique. Elle ne renonce pas pour
autant à déployer, dans le volume du plateau, un univers visuel et sonore qui compose un canevas
onirique.
« Est-ce que ces messieurs-dames n’auraient pas dans la maison quelque chose qui ronge ?
- Je serais tout à fait ravie de les en débarrasser.»
Bien sûr qu’il y a « quelque chose qui ronge », dans nos maisons, en nous. Et pas seulement « les petites
bêtes qui grouillent et qui fourmillent» que la mystérieuse Dame aux rats, faisant intrusion au début de
Petit Eyolf, l’avant-dernière pièce d’Henrik Ibsen, se propose de déloger. Si le dramaturge norvégien a
puisé dans un conte populaire cette figure fantastique de Dame aux rats (parente du Joueur de flûte de
Hamelin), elle sert avant tout de clé initiatique pour ouvrir le huis clos familial des frustrations et des
refoulements, et introduit le drame où Ibsen déploie sa palette, avec des personnages dont l’interrogation
existentielle reflète, selon les mots de Claudio Magris, « certaines contradictions de notre existence dans
la modernité. »
La responsabilité humaine : voilà le sujet du livre projeté par Allmers, le grand œuvre auquel il s’est
entièrement consacré, jusqu’à délaisser les ardeurs de son épouse, Rita (à qui il semble préférer la
compagnie d’Asta, sa sœur qui vit sous le toit familial), et leur fils de 11 ans, Eyolf, paralysé d’une jambe
à la suite d’une chute survenue quand il était bébé. Mais de retour d’un séjour à la montagne, le père
renonce à son livre pour se consacrer désormais à l’éducation de son fils. Le destin ne lui en laissera pas
le temps: Eyolf se noie dans le fjord où il a, peut-être, suivi la Dame aux rats. A qui la faute ? Culpabilité,
introspection... La mort de l’enfant : voilà le désastre suprême qui explose toutes les béances intimes,
relationnelles. Un vent de panique que Julie Berès, dans son adaptation scénique, traduit dans une
physicalité des corps soudain plongés dans l’hébétude et la prostration, en proie à des répétitions
obsessionnelles autant qu’à des pulsions autodestructrices.
Julie Berès ne goûte guère au réalisme psychologique. Avec Ibsen, elle se confronte pour la première fois
à un texte classique: Petit Eyolf fait l’objet d’une nouvelle traduction confiée à la romancière Alice
Zeniter, afin de « rendre contemporain ce texte concret et elliptique, truffé de non-dits », mais aussi de
laisser advenir certaines scènes imaginées. L’acceptation du deuil, la reconstruction de soi, passent par
d‘éprouvantes transformations, de violentes hallucinations. La chambre d’Eyolf, transformée en cube de
verre, devient espace mental, fabrique à fantasmes, matrice de l’inquiétante étrangeté qui ronge le réel. A
son accoutumée, Julie Berès compose un univers sonore et visuel qui engage un canevas de situations
oniriques. En « donnant forme à des visions qui transposent l’inconscient des personnages », il s’agit de
faire ressentir cette « plongée vertigineuse dans la psyché humaine » que suggère Ibsen et qui trouve ici,
dans le volume du plateau, une formidable aire d’échos.
Jean-Marc Adolphe
Petit Eyolf, drame de soi Par son écriture intime, lapidaire, Ibsen révèle ce qui se cache au plus profond des consciences, ce que la
psychanalyse ressasse et libère. Petit Eyolf est l'une des dernières pièces du dramaturge norvégien
(publiée en 1894) et, à ce titre, elle est celle qui questionne peut-être le plus le sens de l'existence
humaine.
Si Ibsen s’inspire de la tragédie, c’est pour dévoiler des mythologies personnelles et révéler les combats
intimes, les déchirements, les péripéties qui assaillent le sujet. Rita, la mère d’Eyolf, exige l’amour
absolu de son mari au détriment de leur enfant. Telle Médée, cette figure féminine porte en elle la
démesure tragique, l’hybris des dieux. Non loin, aussi, d’une Hedda Gabler consumée par la passion.
Allmers, son mari, traverse une crise – il est « en panne », et ne peut plus ni créer ni aimer. Pourquoi
décide-t-il de renoncer à son travail intellectuel pour se consacrer à l’éducation de son fils handicapé?
Pourquoi vouloir absolument faire que l'un ou l'autre soit un chef d'oeuvre? Pourquoi, lui non plus, n’a-til pas réussi à aimer Eyolf tel qu’il était ? Traitant tour à tour de la possibilité de l'amour, du suicide ou du
salut, Ibsen livre avec ce drame intime et familial, une réflexion fascinante sur la seule question qui vaille
: l'être humain est-il capable de donner un sens à son existence, en dehors des dogmes et des certitudes?
La modernité d’Ibsen se joue dans cette conscience aigue d’une fragilité inhérente à l’homme tiraillé entre, d’une part, son idéal, et, de l’autre, des puissances intérieures que l’auteur se plaisait à nommer ses
« démons » ou ses « trolls ».
Tout ce qui ronge Avant même que le drame éclate, il existe sous le vernis de la famille bourgeoise des mensonges et des
traumatismes qui ont gangrené le noyau familial et dont Ibsen n'a de cesse de nous révéler la profondeur,
l'étendue, comme pour dénoncer à tout instant « l'impression du rêve ou du conte de fées » qui nous saisit
parfois lorsque nous regardons nos vies avec nostalgie. Que les personnages qu'il met en scène soient
beaux, ambitieux et riches ne leur garantit aucunement le bonheur. Cela semble au contraire les
condamner à des déchirements amoureux, à des rapports malsains à l'argent et finalement au drame.
Le fait que la mort de l'enfant arrive très rapidement dans la pièce (fin du premier acte) ne doit pas nous
faire oublier qu'Ibsen nous parle aussi de ce qu'a été cette famille avant le drame, avant la noyade. Par un
jeu constant de souvenirs et d'allusions, il déroule pour nous les douze ou treize dernières années et ce
que l'on y trouve, ce sont les pesanteurs du social, d’un quotidien aliénant et sclérosé. Dans notre
adaptation, le couple Allmers déverse son malaise dans un consumérisme sans frein. En témoigne leur
sublime demeure où les meubles design côtoient le marbre des escaliers. Isolé dans cette tour d’ivoire, le
couple se fuit et se blesse. L’amour fusionnel de Rita se heurte à la dépression d’Allmers, rongé par le
doute et le mécontentement. Délaissé par ses parents, le petit Eyolf, enfant gâté, passe tout son temps
seul, dans une chambre envahie de jouets qui ne parviennent pourtant pas à le divertir. Tel un loup en
cage, le jeune garçon sombre parfois dans une agressivité incontrôlable, semblable à celle des enfants
hyperactifs. Sa mort réveille les consciences, balayant l’hypocrisie ambiante. Dès lors, les masques
tombent, révélant un roman familial riches en non-dits et en contradictions. La mort de l’enfant, véritable
« choc du réel », ébranle le couple dans son fondement même, révélant cependant ce qui, en chacun,
demeure insaisissable et indéterminé, ce « soi-même » qui échappe au conformisme et forge
l’authenticité. Part ultime de fragilité et d’infinies contradictions. Le couple pourra-t-il supporter cette
perte, ce creux en soi, pour se réinventer différent ? A rebours de tout idéalisme, les personnages,
étourdis et impuissants, se heurtent abruptement à leurs limites. La « transformation » intérieure Après la mort de l’enfant, les deux parents se déchirent, fouillent au plus profond d’eux-mêmes pour
redonner sens à leur existence. C’est cet examen de conscience, cruel et lucide, cette douloureuse
«transformation» intérieure, dont le couple ne sort pas indemne, qu’Ibsen nous propose de suivre. La
plupart des personnages ibséniens tendent vers un idéal, un rêve délirant et mégalomaniaque qui entraîne,
par sa démesure, leur perte ou leur désillusion. La modernité de cette écriture se lit dans ce gouffre qui
sépare le sujet du réel, le conforte dans son fantasme puéril, juste avant sa chute irrémédiable, la perte
des utopies. À l’atmosphère de trouble et d’étrangeté que dégage la pièce, répond cette terrible lucidité des
personnages. Comment faire face? Comment vivre après cette mort? Comment redonner du sens à leur
vie? Cette question posée par Ibsen et à laquelle il répond à travers le parcours de ses personnages
structure fortement la pièce. La foi, le suicide, le divertissement, l’art, l’amour… Plusieurs échappatoires
sont évoquées les unes à la suite des autres par ce couple qui tente de se relever, mais aucune ne semble
possible. C’est en acceptant d’affronter dans sa plus grande brutalité la mort de leur fils qu’ils pourront se
retrouver, nous dit Ibsen. Au bout d’un déchirement douloureux et désespéré, surgit la possibilité d’une
nouvelle vie à mener. Ainsi, Rita décide de mettre fin à l'illusion dans laquelle elle a toujours vécu pour
s’occuper d’enfants pauvres. Ces gamins aux mains sales qui ne lui inspiraient que dégout et
indifférence. Si Rita et Allmers finissent par se retrouver, c’est pour s’accompagner mutuellement dans ce travail de
reconstruction où chacun va pouvoir se réconcilier avec soi-même, achever sa «transformation» intérieure. Et l’amour reviendra peut-être alors entre l’homme et la femme... Malgré les apparences, Petit
Eyolf est moins une pièce sur le couple que sur l’humain. Faire face au désespoir, à la mort, vivre avec
«les esprits» de «ceux que nous avons perdus», tout en continuant à être sur «le chemin de la vie», tout en
continuant à être dans la société, c’est ce qu’Ibsen nomme la «responsabilité humaine», qui dépend d’une
profonde «transformation» intérieure de l’humain réconcilié avec lui-même. A l’image de la transformation intérieure des personnages qui tentent de donner sens à leur existence,
l’espace conçu par le scénographe Julien Peissel évolue lui aussi progressivement. La scénographie
réaliste de la maison bourgeoise laisse de plus en plus place aux visions et aux espaces mentaux des
personnages. L’eau envahit progressivement le salon, les verres et les vases débordent, l’aquarium
bouillonne, les objets pleurent. Imprégnés d’eau, les jouets de la chambre d’Eyolf sont autant de traces
symboliques de sa disparition. Une composition théâtrale C’est l’auteur Alice Zeniter (Deux moins un égal zéro en 2003, Jusque dans nos bras en 2010 chez Albin
Michel et, plus récemment, en 2013, Sombre Dimanche chez le même éditeur) qui a traduit et écrit
l’adaptation du Petit Eyolf en collaboration avec Julie Berès, metteur en scène. L’idée étant de « dépoussiérer » le texte de ses références désuètes, propres au XIXème siècle, tout en conservant
l’extrême modernité des thèmes abordés par Ibsen, de la mégalomanie à l’individualisme, sans oublier la
culpabilité et la mort.
Réalisme et onirisme, une écriture de plateau Comment faire tenir ensemble le réalisme psychologique de cette pièce et sa dimension fortement
symbolique, sans que l’un l’emporte sur l’autre ? Il nous semble juste de ne pas privilégier l’une ou
l’autre dimension mais de tenter de les faire dialoguer ensemble. En y insérant des béances, en y en
glissant du trouble et de l’étrangeté. Mais aussi en y conservant la vérité des enjeux psychologiques, leur
crudité essentielle. L’amour, la mort, la culpabilité, la « transformation » intérieure sont les thématiques
centrales de cette pièce. A partir de l’examen attentif du texte, d’un travail sur le corps, les sensations,
nous tenterons de donner à voir et à entendre au spectateur comment la pièce a résonné en nous. En
dévoilant un univers où l’imaginaire du texte, celui des interprètes, entrent en interaction avec l’émotion
qu’offrent la création sonore, les trouvailles chorégraphiques et scénographiques, les distorsions de
lumière.
Une inquiétante étrangeté À ses heures perdues, Henrik Ibsen faisait de la peinture. Après avoir lu Petit Eyolf, toutes les images, les
détails tapis dans le creux du texte continuent à demeurer fortement en nous. Ils nous habitent presque
comme les esprits des morts vont habiter le couple à la fin de la pièce. Il s’en dégage une atmosphère
flottante, onirique à l’image des sensations qui peuvent nous envahir suite à la perte d’un être cher, quand
le monde familier qui nous entoure se charge d’une «inquiétante étrangeté». Freud n’est en effet pas loin
et c’est, d’ailleurs, par la lecture du Petit Eyolf et la découverte du personnage de la Dame aux rats, que
le psychanalyste viennois interprète l’un des fantasmes de son patient, surnommé « l’homme aux rats »:
«La signification de l’obsession demeura obscure jusqu’au jour où, dans ses associations, surgit la dame
aux rats du Petit Eyolf d’Ibsen, ce qui permit de conclure irréfutablement au fait que (…) les rats avaient
signifié aussi des enfants ». L’homme, dont la sexualité infantile avait été marquée par un épisode
incestueux avec sa nourrice, se voyait comme un rat monstrueux.
Si la version originale du Petit Eyolf est traversée par des visions symbolistes, nous avons souhaité inventer d’autres scènes, oniriques, donnant à ressentir les mondes intérieurs troublés et les dérèglements
sensoriels des personnages. Ainsi, Allmers, obnubilé par la beauté maléfique de l'endroit où a disparu son
fils, est confronté à une vision d’Eyolf l’invitant à le rejoindre dans les profondeurs glacées du fjord,
tandis que Rita, torturée par les cauchemars et les hallucinations, voit sans cesse revenir ses yeux dont
elle ne peut obtenir le pardon. Car les morts, chez Ibsen, sont bien plus vivants qu’on ne l’aurait imaginé.
Infiltrant les pensées coupables des êtres esseulés, ils distillent derrière eux une brume épaisse et
hypnotique, un brouillard.
Biographies Julie Berès – metteur en scène C’est après une rencontre avec Ariane Mnouchkine que Julie Berès décide de se consacrer au théâtre, ce qui la
conduit dans sa formation à être admise au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris
(promotion 1997) où elle commence sous la direction de Stuart Seide, Jacques Lassalle, Philippe Adrien, puis
joue dans les mises en scènes de Jean-François Peyret, Jean-Yves Ruf, Marc Betton, Christophe Rauck, Charlie
Windelschmidt. Elle travaille également sous la direction de différents chorégraphes dont Sharokh Moshkin
Ghalam et Patrick Le Doaré. En 2001, elle fonde la compagnie Les Cambrioleurs dont elle assure la direction artistique. Elle y réunit des
créateurs issus de différentes disciplines (interprètes, vidéastes, plasticiens, circassiens, créateurs sonores,
musiciens, marionnettistes), pour composer une écriture scénique où chaque langage s’affirmerait dans une
narration fragmentaire, discontinue, onirique. Elle crée : Poudre !, au Théâtre national de Chaillot (2001), Ou le lapin me tuera pour la Biennale des Arts de la Marionnette au Théâtre Paris Villette (2003), e muet au Théâtre
National de Chaillot (2004), On n’est pas seul dans sa peau à l’Espace des Arts, Scène Nationale de Chalon-surSaône (2006) et Sous les visages (2008) ainsi que Notre besoin de consolation (2010) au Quartz, Scène Nationale
de Brest, où Julie Berès a été artiste associée pendant trois ans. En 2013, elle crée Lendemains de fête à la MC2 à Grenoble et une petite forme L’or avec le faire à la Ferme du Buisson, scène nationale de Marne la vallée. Sa compagnie, Les Cambrioleurs est conventionnée par le ministère de la culture et de la communication / Drac
Bretagne, par la région Bretagne et par la Ville de Brest, et soutenue pour ses projets par le Conseil Général du
Finistère. Par ailleurs, elle conduit de nombreuses actions de formation et de sensibilisation, auprès d’adolescents et
d’adultes amateurs et professionnels. Elle mène également des ateliers et des temps d’immersion documentaire
auprès de population « exclues ». Alice Zeniter – auteur Normalienne, originaire de Normandie, Alice Zeniter a vécu entre Paris et Budapest au cours des quatre dernières
années. Elle publie un premier roman en 2003, Deux moins un égal zéro. Son second roman, Jusque dans nos bras, sort
en mars 2010 chez Albin Michel. Il reçoit le prix de la Porte Dorée en juin 2010 et le prix Laurence Trân 2011. En
janvier 2013, elle publie Sombre Dimanche (Albin Michel), saga familiale hongroise et roman lauréat du prix de
la Closerie des Lilas 2013, du prix du livre inter 2013 et du prix des lecteurs de l’Express 2013. Alice travaille depuis près de sept ans comme dramaturge. Elle a été à plusieurs reprises collaboratrice artistique
auprès de Brigitte Jaques Wajeman sur de nombreuses pièces classiques (Nicomède et Suréna de Corneille aux
théâtres de la Tempête et de la Ville, ou encore Tartuffe de Molière au château de Grignan). Elle travaille
également avec la compagnie Kobal't sur un répertoire plus contemporain et, depuis peu, à la mise en scène de ses
propres textes. Elle a écrit deux pièces, Spécimens humains avec monstres (lauréate de l'aide à la création du CNT en 2010) et Trilogie inachevée, jouées et mises en espaces à plusieurs reprises, ainsi qu'un spectacle musical jeune public un Ours, of cOurse.

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