Transport aérien : la sécurité traditionnelle en danger

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Transport aérien : la sécurité traditionnelle en danger
N° 23-2013 - Roissy, Juillet 2013
TRANSPORT AERIEN :
La sécurité traditionnelle en danger !
Plusieurs articles de presse récents ont attiré
l’attention de notre syndicat puisqu’ils évoquent
le risque de disparition de compagnies
aériennes « traditionnelles » comme Air France.
Ces articles font écho au dernier rapport
présenté par la mission du Commissariat
Général à la Stratégie et à la Prospective de
juillet 2013 et confirment clairement les
analyses développées par la CGT Air France
depuis l’annonce de la mise en œuvre du plan
Transform’2015 en janvier 2012. Ce rapport
insiste sur le rôle politique de l’Etat
actionnaire d’Air France. C’est précisément là
que le bât blesse. Les gouvernements
successifs ont pris la fâcheuse habitude
d’accompagner les politiques ultralibérales.
Ainsi le conseil des ministres du 6 février 2013
a accordé des aides fiscales et financières à Air
France alors que l’entreprise vient de détruire
5000 emplois supplémentaires sans aucun
projet industriel crédible.
Lorsqu’Air France a été privatisée, nous n’avons
cessé de contester cette décision politique qui
entérinait le dépeçage inéluctable de notre
entreprise. Tous les « experts » expliquaient
alors que l’argent public était mal géré et que les
solutions passaient forcément par le secteur
privé. De même, il fallait casser les monopoles
publics au nom de la politique européenne de
concurrence libre et non faussée. La direction de
l’époque a menti sans complexes en affirmant
aux salariés qu’aucune compagnie aérienne
n’accepterait de nouer des partenariats avec une
compagnie nationale telle qu’Air France.
Force est de constater que ces « évidences » d’hier
sont, aujourd’hui, des échecs politiques majeurs
qui ont entrainé le secteur aérien vers le modèle
low-cost. De plus en plus de voix font écho à celle
de la CGT Air France : le low-cost est incompatible
avec nos normes de sécurité, de sûreté sans parler
de l’aberration des subventions publiques versées
à des compagnies telles que Ryanair.
Air France est aujourd’hui en concurrence :
 Sur Long Courrier : avec les compagnies du Golfe et asiatiques, compagnies d’Etat !
 Sur Moyen Courrier : avec EasyJet et Ryanair qui affichent un résultat positif grâce aux subventions
des collectivités territoriales, donc de l’argent public !
 Sur le Court Courrier : avec la SNCF alors qu’il faudrait créer des partenariats entre l’aérien et le ferroviaire.
La libéralisation des marchés, initialement prévue
pour privilégier les usagers, entraîne non
seulement la disparition de notre modèle mais
met en danger la sécurité et la sûreté du transport
aérien dans son ensemble. Nos métiers ne peuvent
être résumés à une optimisation de la recette ou
encore à la baisse des prix des billets au nom de la
démocratisation de ce mode de transport. Les
personnels au sol et les navigants sont avant tout
les premiers garants d’une chaîne de sécurité et de
sûreté qui permet une démarche de tolérance
zéro en matière de gestion des risques.
Le dernier accident de la compagnie Asiana et
le crash d’un avion Air France à Toronto en
2005 viennent pourtant rappeler que le rôle du
Personnel Navigant est entre autres d’assurer
une évacuation en moins de 2 minutes d’un
avion en situation critique.
Le service, s’il fait aussi partie du métier, est
malheureusement devenu un luxe destiné
uniquement aux passagers à haute contribution.
Cette politique permet de réduire le nombre de
Personnels Navigants à bord. Petit à petit, la
rentabilité grignote les normes de sécurité
traditionnelles qu’Air France savait défendre
lorsqu’elle était encore une compagnie
nationale. La gestion du risque a ainsi pris le pas
sur la « tolérance zéro » préventive.
La dimension humaine de la chaîne de sécurité
est une part essentielle de sa cohérence.
L’investissement dans l’humain, et donc les
effectifs, les conditions de travail ou encore les
salaires sont des composantes indissociables de
cette approche.
La directive européenne qui a libéralisé le
marché de l’assistance en escale a conduit à une
multiplication des intervenants autour des
avions et a ainsi compliqué dangereusement le
travail de coordination essentiel aux liens étroits
et particuliers de nos différents métiers.
Les conditions de travail de tous les personnels
au sol ont été tirées vers le bas et ce dumping
social a engendré précarité de l’emploi et perte
de savoir-faire, d’autant que ces métiers étaient
hier assurés par des salariés d’Air France.
Le salarié devient plus que jamais la variable
d’ajustement économique de la concurrence
dite libre et non faussée, pour servir des intérêts
privés loin des réels besoins des usagers
rebaptisés clients pour l’occasion…
Si les pilotes de Ryanair travaillent 900 heures par
an contre 650 à Air France, à salaire similaire,
c’est à l’aune de la fatigue et non pas de la
productivité qu’il faut analyser ce chiffre. Les
syndicats européens dénoncent le danger généré
par la fatigue des navigants depuis de
nombreuses années mais la prise de conscience
semble bloquée par les intérêts capitalistiques
omniprésents dans la nouvelle conception du
transport aérien.
A Air France, les plans sociaux se succèdent pour
« low-costiser » l’entreprise. Le personnel d’Air
France est attaqué, montré du doigt au nom de
la crise alors que les courbes du trafic aérien
mondial et des profits générés par l’ensemble
des compagnies aériennes assurent une
croissance plus que significative.
La casse de nos acquis, incitée par les
gouvernements Sarkozy puis Hollande, nos
conditions de travail dégradées, nos rythmes de
travail bouleversés et la sous-traitance
programmée de nos métiers attestent de la crise
politique et sociale que traverse le transport
aérien. La scélérate loi Diard aura rassemblé
l’UMP et le PS pour casser le droit de grève des
salariés de l’aérien même s’ils ne sont plus dans
le giron public. C’est sans doute ainsi que l’Etat
conçoit son rôle d’actionnaire…
Nous avons d’abord besoin d’un transport
citoyen qui puisse répondre aux besoins des
usagers. Les lignes françaises ne peuvent être
résumées à leur seule rentabilité et l’argent
public ne doit pas être dilapidé pour financer
des compagnies qui bafouent le droit du
travail français comme le fait Ryanair. Même
si EasyJet représente aujourd’hui le premier
client d’Airbus, le modèle low-cost ne doit pas
être érigé comme un modèle d’avenir, ni
comme l’unique perspective.
Nous n’avons aucun doute sur le fait que
l’avenir nous donnera raison. La mal-bouffe
est aujourd’hui pointée du doigt. Demain, ce
sera le mal-transport….
Le syndicat CGT Air France appelle une nouvelle fois le gouvernement à mettre en
place rapidement des assises du Transport aérien qui s’inscrivent dans une réflexion
de transport intermodal public au service de tous les citoyens français et européens.
Ce rapport est un signal d’alarme pour qu’ensemble nous nous organisions contre la
dégradation de la sécurité du transport aérien et de la qualité de service. Le
gouvernement et la direction d’Air France doivent l’entendre et agir en conséquence.
Les salariés doivent se tenir prêts à la mobilisation.