Quels liens unissent poésie et roman - Bibliothèque

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Quels liens unissent poésie et roman - Bibliothèque
Bibliothèque
LES RENCONTRES DE LA BIBLIOTHÈQUE
Mercredi 30 janvier à 18h30
Salle de Conférences Hubert Curien
Quels liens unissent
poésie et roman ?
© John Foley / Opale / Editions Actes Sud
Dossier pédagogique pour la rencontre
avec Jeanne Benameur et Emmanuelle Pagano
Entrée gratuite, réservation conseillée au 02 23 40 66 00
Le poète atteste que la poésie ne cherche rien d'autre qu'elle même, là où
le romancier se plait à nous raconter des histoires. Et pourtant, que de tentatives de séduction de l'un vers l'autre ! Comme s'il fallait trouver un espace
commun aux turbulences de l'imaginaire et de la perception pour tendre
vers le sens, apprivoiser le chaos... Alors, on parle de textes poétiques ou
encore de poèmes en prose. Suffirait-il d'inverser la place de l'adjectif et du
nom pour caractériser ce qui unit poésie et roman?
Un cycle de conférences pour s'y intéresser.
Nos invités pour cette première soirée du mercredi 30 janvier seront Jeanne
Bénameur, auteure de textes poétiques, de littérature jeunesse et de romans (Les insurrections singulières – éd. Actes sud, 2011) et Emmanuelle
Pagano, romancière et nouvelliste (Un renard à main nues – éd. P.O.L,
2012). Une quête singulière pour ces deux auteures mais en outil commun,
l'exploration par les mots, histoire de s'approcher au plus près de territoires
où justement, l'histoire, ne suffit pas.
Jeanne Bénameur
t-elle dans le Portrait réalisé par les Yeux d'IZO, en 2010 pour le Centre du
livre et de la lecture en Poitou-Charentes.
Les thèmes abordés, au travers de ses romans pour adolescents, comme
dans la littérature pour adultes, n’éludent pas les questions difficiles autour de l’amour, de la sexualité ou même de la mort. Son œuvre met en
scène des personnages déracinés, mis en marge du monde avec lequel il
ne sont pas en osmose, en raison d’une difficulté personnelle, d’une barrière linguistique ou même culturelle, et qui se révèlent souvent dans une
rencontre.
Thierry Guichard, directeur de la revue littéraire Le Matricule des Anges,
dans le dossier qu’il lui a consacré en 2011, écrit : « Son écriture vise la simplicité et la justesse. Elle naît à la source de l’intime pour tenter de rejoindre
l’universel dans le détournement du matériau autobiographique, l’affrontement à ce qui aliène, le désir d’altérité ».
Jeanne Bénameur est directrice de deux collections pour adolescents : «
Photoroman », aux Éditions Thierry Magnier et « D’une seule voix » chez
Actes Sud junior. Son œuvre est dense et éclectique : jeunesse, albums,
essais, romans, récits, théâtre, poésie.
« Quand il y a un mur de livres dans une pièce je me sens à l’abri. Plus sûre
que derrière n’importe quelle porte blindée. »
Promenons-nous dans quelques rayonnages, pour filer la métaphore :
Elle est née en 1952, d’un père tunisien et d’une mère italienne. Elle ne
comprenait pas l’arabe, mais en percevait les intonations et en interprétait
les silences. La langue de sa mère, l’italien, a été celle de l’enfance, mais elle
a très vite été remplacée par le français.
Si même les arbres meurent, Thierry Magnier, 111p., 2000 :
Tandis que leur père est plongé dans un coma définitif, à la suite d’un accident de montagne, un frère et une sœur, dans le couloir effrayant de silence
et de blancheur de l’hôpital, inventent, pour celui dont les yeux verts ne
brillent plus, un destin de héros.
L’école, à la Rochelle, après l’exil contraint dû aux tensions en Algérie, est
pour elle une chance extraordinaire, même si elle dit s’être un peu ennuyée
en maternelle, ayant déjà appris à lire grâce à sa mère, dès cinq ans. Très
jeune, elle écrit, et ne s’arrête plus.
Les Demeurées, Denoël 2001 ; Folio Gallimard, 2002 :
L’idiote du village a une fille, Luce. Entre elles deux, une entente fusionnelle, qui se passe de mots. Mais, quand l’enfant doit rejoindre ses pairs, aller vers le langage, guidée par une institutrice zélée, un séisme s’annonce.
Elle sera professeur de 1974 à 2000, souvent dans des établissements accueillant des enfants issus de l’immigration. Dans les années 80, elle participe à des ateliers d’écriture puis développe sa propre méthodologie. Il faut
savoir prendre de la distance avec son texte, « creuser une place pour le
silence », ce silence si primordial qu’il s’inscrit dans la langue et permet de
retrouver l’émotion. « On est travaillé par le silence quand on écrit. » avoue-
Les mains libres, Denoël, 2004 ; Folio Gallimard, 2006 :
Une vieille dame surprend un vol, dans un magasin, et emboîte le pas du
voleur, jusqu’à un campement, près de chez elle, sous un pont. Elle dépose
alors un livre, que le jeune homme lui rapporte, plus tard. Avec pudeur et
délicatesse, deux êtres que la vie a marginalisés, font connaissance.
Ça t’apprendra à vivre, Actes sud, 2007 :
Premiers souvenirs d’enfance, au moment du départ et de l’exil. L’autobiographie, par touches sensibles, fragmentées.
Laver les ombres, Actes sud, 2008 :
Léa est une danseuse virtuose. Léa ne s’attache pas. Dans les salles de
spectacle, Léa capte son public, mais dans un atelier de peinture, Léa
ne supporte pas l’immobilisme d’une séance de pose, à laquelle elle est
contrainte, pour un portrait. Il lui faudra apprendre quel silence pèse sur
son enfance et sur sa vie.
Les insurrections singulières, Actes sud, 2011 :
Des « Cafés de paroles » menés auprès d’ouvriers de l’usine Arcelor Metal,
Jeanne Bénameur a tiré la fiction de ce roman qui évoque le destin d’un ouvrier dont la vie sentimentale vacille en même temps que la vie professionnelle. Antoine décide de se rendre au Brésil où est délocalisée son usine.
Notre nom est une île, Bruno Doucey, 2011 :
« Le poème est mouvement.
C’est pour moi une façon d’être.
Chacun de nous porte son poème en lui. Le poème de sa vie. Et notre vie
toute entière est là pour le mettre au jour. » p 57.
À paraître en janvier 2013 :
Profane, Actes sud
Emmanuelle Pagano
Elle est née en 1969 à Rodez, dans l’Aveyron. Région (tout comme l’Ardèche
toute proche) qui inspire ses romans. Les premières maisons que la future
romancière a connues étaient toutes des gendarmeries : l’enfant, sa sœur
(qui naîtra deux ans plus tard) et sa mère suivaient en effet leur gendarme
de père et mari dans ses affectations. La mère d’Emmanuelle Pagano, elle,
est institutrice.
Après un DEUG en arts plastiques, une licence et une maîtrise d'études
cinématographiques et audio-visuelles, Emmanuelle Pagano obtient un
DEA en Histoire et Civilisation, option histoire du cinéma. Elle entreprend
ensuite la rédaction d'une thèse - inachevée - sur le cinéma dit « cicatriciel
». En 1997, elle obtient une agrégation d'arts plastiques et devient professeur, ce qu’elle est jusqu'en 2012.
Ce qui frappe tout d’abord dans son écriture, ce sont les métaphores incisives, franches : « le lac bavant de froid sous ses racines » ; « j’ai retroussé
mon impatience » ; « Il se déshabille en silence dans le lit, si doucement que
le froid passe dans ses gestes ». Et puis sa brutalité, sa sensualité…
Elle travaille une dilatation des gestes dans l’espace du temps. Ses personnages existent dans leur corps, leur matière, leur métier ; ils nous sont plus
intimes, plus réels, plus palpables grâce à une écriture précise des sensations qu’ils ressentent. Le lecteur se lie intimement aux personnages, - bien
plus que dans une approche psychologique - dans leurs gestes quotidiens,
au point d’avoir l’impression d’avoir vécu avec eux.
L’écriture très précise d’Emmanuelle Pagano (le matériel pour un enfant
handicapé dans Le tiroir à cheveux, les pratiques d’un métier (cordiste dans
Les adolescents troglodytes, coiffeuse dans Le tiroir à cheveux, castanéiculteur dans Les mains gamines) est réaliste sans être documentaire car les
personnages portent toujours un regard poétique sur les objets, le paysage
et les êtres qui les entourent.
Les sujets abordés sont difficiles : le viol d’une enfant par ses camarades,
élever un enfant handicapé, un homme qui devient une femme, une rupture amoureuse, mais elle les affronte par les sensations et évite ainsi tout
jugement.
Le corps n’a plus l’intimité que lui préservaient les sentiments à tel point
que l’écriture d’Emmanuelle Pagano est violemment, indécemment honnête jusqu’au point de rupture comme dans L’absence d’oiseaux d’eau.
C’est une écriture cicatricielle – commente son sujet de thèse sur le cinéma
- pigmentée de gerçures, crevasses, déchirures, boursouflures, enflures : on
a mal au corps parfois quand on lit Emmanuelle Pagano.
« La langue y est travaillée de façon à rendre poreux les êtres avec la
nature qui les entoure, dans une approche toute poétique. » dit-elle
dans Le Matricule des anges.
Son œuvre :
POUR REBONDIR EN CLASSE, LIEN AVEC LES PROGRAMMES :
Pour être chez moi, éditions du Rouergue, 2002, sous le pseudonyme
d’Emma Schaak :
Elle est montée sur les hauts plateaux, un enfant dans chaque main, vers
l’hiver, le silence de la neige, le sillage grave des corbeaux. Femme seule,
sans ces hommes dont elle n’a jamais été amoureuse. Maintenant, elle s’invente des histoires d’amour avec des morceaux de corps et des images.
Elle couche avec n’importe qui. Ce ne sont pas les hommes qui disparaissent, c’est elle, en refermant la porte derrière eux, qui est irrémédiablement partie.
3ème
- Formes du récit aux XXe et XXIe siècles
- La poésie dans le monde et dans le siècle
Le tiroir à cheveux, P.O.L, 2005
Il ne fallait pas parler à ma voisine, même dans son dos. Il ne fallait pas lui
parler non plus. Elle n’avait pas demandé la permission d’être enceinte.
D’ailleurs, elle faisait plein de choses sans autorisation. (…) Je l’admirais
d’avoir fait ça, un gosse défendu qui bavait et coinçait tout le ciel dans
ses yeux. J’avais honte aussi, parce que le pauvre. J’ai écrit cette histoire
sans autorisation, même pas la sienne, même pas celle de sa mère, juste
pour dire en retard il est beau ton fils, en traversant la cour avant d’ouvrir
le portail.
Les adolescents troglodytes, P.O.L, 2007
« C’est dans ce roman qu’elle donne le plus de place à la fiction, avec
toujours ce savant mélange entre réalisme et invention, cette utilisation
du paysage pour dresser le portrait psychologique de son héroïne, de ce
plateau qui s’inspire de celui où elle vit alors, en Ardèche, et du Vercors où
elle a enseigné. La transsexualité de l’héroïne laisse, comme un cri face à
une paroi rocheuse, des échos dans tout le livre. » (Thierry Guichard, MDA)
L’absence d’oiseaux d’eau, P.O.L, 2010
Tu m’as répondu j’étais ta rivière ? mais pour qu’il y ait une rivière, il faut
qu’il y ait un lit, comme un récipient pour tenir l’eau. Tu étais mon lit.
Un renard à mains nues, P.O.L, 2012
« Les personnages de ces nouvelles ne se trouvent pas au milieu du récit,
ils restent dans les marges, ils se tiennent au bord de leurs vies, de leur maison, de leur pays, ils marchent au bord des routes, à côté de leur mémoire,
à la lisière de l’ordinaire et de la raison, comme il leur arrive de faire du stop
: au cas où on s’arrêterait pour les prendre. Je les ai pris dans mon livre. »
2nde
- La poésie du XIXe au XXe siècle
Enseignement d’exploration : littérature et société
- Images et langages : donner à voir, se faire entendre
- Regards sur l’autre et sur l’ailleurs
1ère (toutes séries)
- Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours
- Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
- La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation du XVIe à nos jours
POUR ALLER PLUS LOIN :
Un Portrait de l'écrivain Jeanne Benameur, Prix du livre en Poitou-Charentes, réalisé par les Yeux d'IZO. © Centre du livre et de la lecture en
Poitou-Charentes – 2010
http://www.dailymotion.com/video/xc9h3o_portrait-de-jeanne-benameurj_creation#.UMnUAY41caI
Une vidéo d’Emmanuelle Pagano, parlant de « Un renard à mains nues »,
publiée par Jean Paul Hirsch, le 3 avril 2012 sur youtube.
http://www.youtube.com/watch?v=HTUL2ocgiTs
Un temps d'échange avec J. Bénameur et/ou E. Pagano pourrait être envisagé, en fonction de la disponibilité des auteures, de 16h30-17h30, le mercredi 30 janvier
pour aborder la thématique roman-poésie en classe.
Merci d’adresser vos questions pour alimenter le débat à :
[email protected]
Bibliothèque de Rennes Métropole
Les Champs Libres
10 cours des alliés
35000 RENNES
Horaires d’ouverture:
Mardi de 12h à 21h
Mercredi au vendredi de 12h à 19h
Samedi et dimanche de 14h à 19h
Fermeture le lundi et jours fériés
Horaires modifiés en juillet et août
www.bibliotheque-rennesmetropole.fr
Bibliothèques de Rennes et des Champs Libres
@Bibrennesmetrop