NUMÉRIQUE ET DÉMOCRATIE LOCALE : CONCERTATION
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NUMÉRIQUE ET DÉMOCRATIE LOCALE : CONCERTATION
NUMÉRIQUE ET DÉMOCRATIE LOCALE : CONCERTATION AMÉLIORÉE OU SIMPLE ALIBI ? Organisateur LA GAZETTE DES COMMUNES Animateur Hugues PERINEL, Directeur des rédactions du pôle collectivités locales, Groupe Moniteur Territorial Si les espaces de concertation démocratique existent depuis longtemps sous la forme d’instances de participation physiques, ces espaces sont profondément bouleversés par l’arrivée des outils collaboratifs numériques. D’une approche présentielle, la concertation locale passe ainsi peu à peu à une approche distancielle – les deux approches n’étant pas forcément exclusives l’une de l’autre. Le présent atelier se penche sur ce nouveau phénomène de l’utilisation des outils numériques au service de la démocratie locale, et est l’occasion d’un partage de bonnes pratiques en la matière. Le numérique au service de la concertation Pascal NICOLLE Consultant, La Suite dans les idées A l’heure actuelle, il existe une demande très forte des populations d’être associées aux projets des collectivités – pour les projets d’infrastructure par exemple –, ce à quoi les outils numériques peuvent contribuer. Ne pas confondre communication et concertation Il faut bien faire la différence entre une opération de communication et une opération de consultation citoyenne. Si l’utilisation des outils numériques devient ainsi une nécessité pour les collectivités locales du fait de la demande grandissante des administrés en ce sens, ces dernières ne doivent pas utiliser ces outils s’ils ne constituent qu’un alibi pour la concertation. Beaucoup de collectivités se contentent en effet de dissimuler derrière un « vernis numérique » leur volonté de concertation – ou pour masquer leur manque de présence sur le terrain et, plus généralement, de professionnalisme. En ce sens, il faut déplorer que les sites Internet de certaines collectivités permettent aux citoyens d’obtenir des informations sur les projets qu’elles mettent en œuvre, mais pas véritablement d’interagir avec les collectivités, en donnant par exemple leurs avis sur les projets en question. La concertation suppose l’organisation d’un espace de communication réciproque entre les citoyens et la collectivité. www.inet-ets.net Page 1 sur 6 ETS, le rendez-vous des managers territoriaux 5 & 6 décembre 2012 Règles du jeu de la concertation Avant toute chose, une opération de concertation doit tenir comp te de l’existence préalable d’instances de participation citoyenne au niveau local, et en faire des passeurs chargés de promouvoir la démarche de concertation. Par ailleurs, les citoyens doivent connaître dès le départ de l’opération les règles du jeu, et savoir comment le processus de décision – relatif au projet sur lequel ils seront consultés – se déroulera. Pour cela il est nécessaire d’associer finement les élus et le management de la collectivité con cernée à l’opération. Il faut également rassurer les citoyens en leur expliquant par quels moyens leurs avis seront pris en compte, analysés et finalement restitués. Le processus de concertation doit ensuite être très préparé. Il doit se doter des outils nécessaires au succès de l’opération et permettant de répondre aux attentes des citoyens : animation, prise de notes en direct, outils de concertation en ligne, etc. Pour s’acquitter de ces différentes missions, il est intéressant pour la collectivité de laisser la main à un tiers, qui se portera garant du bon déroulé de l’opération et de la bonne utilisation des outils numériques choisis dans ce cadre. Enfin, il est important de prévoir l’organisation d’évènements et de temps forts lors d’une opération de consultation, afin de fidéliser par ce biais les citoyens et de maintenir l’intensité de leur participation. L’intérêt des outils de concertation numérique ? Les outils numériques, mis au service d’une opération de consultation, peuvent permettre en premier lieu d’augmenter la diversité des personnes pa rticipantes. Les opérations de consultation classiques privilégient en effet trop souvent des personnes possédant le même profil : facilités de prise de parole en public, absence d’obligations familiales – célibataires, retraités, etc. – et donc possibilité de participer à des évènements en soirée et en week-ends. Les outils numériques, en permettant aux citoyens d’être consultés de chez eux, en utilisant d’autres médias de communication que la forme orale, favorise ainsi la diversification des participants , et permet à une plus grande partie de la population d’être associée aux opérations de consultation. « S’organiser pour ne pas subir » Xavier CROUAN Directeur général de la communication, Région Île-de-France Le numérique, une nouvelle logique de diffusion des savoirs 1 L’avènement des outils numériques a provoqué un profond bouleversement des modes de diffusion de l’information. Selon Bernard Stiegler : « le numérique a provoqué une rupture aussi importante que celle qu’avait occasionné e l’imprimerie ». Avant l’invention de l’imprimerie, le pouvoir de reproduction des écrits était en effet entièrement aux mains du clergé, qui a donc depuis perdu le monopole de diffusion du savoir. De la même manière, L’utilisation des outils numériques constitue une ru pture, en nous faisant passer d’un modèle vertical de diffusion des savoirs à un modèle de diffusion de l’information horizontal et démultiplié. Quelle influence sur les collectivités territoriales ? Les nouvelles logiques de diffusion de l’information imposent aux collectivités territoriales de répondre à de plus en plus de sollicitations de la part de leurs administrés. Ce qui 1 Ces outils sont par ailleurs de plus en plus mobiles. Alors que seules 15 % des connexions à Internet dans le monde étaient réalisées par téléphone mobile ou tablette en 2009, elles seront 40 % à l’être en 2015 – et 85 % en Europe www.inet-ets.net Page 2 sur 6 ETS, le rendez-vous des managers territoriaux 5 & 6 décembre 2012 requiert de l’agilité, une grande capacité de réaction et une évolution rapide des métiers de la fonction publique territoriale. Un directeur de la communication doit par exemple être désormais capable d’anticiper les demandes de citoyens en provenance des réseaux sociaux. Plus généralement, un processus de réponse rapide à la population doit être mis en place dans chaque collectivité, et de nouveaux modes de gouvernance – associant les élus, le management et les agents – doivent être trouvés pour adapter le fonctionnement de l’administration à cette nouvelle donne du numérique. Pour ne pas subir son impact – qu’il soit positif ou négatif –, les collectivités doivent l’anticiper. Pour cela, il est nécessaire d’adapter l’organisation de la collectivité, mais également de faire progresser les compétences de ses élus et de ses personnels sur la question de l’utilisation des outils numériques, et plus particulièrement des réseaux sociaux. Plus de transparence dans les collectivités Il existe un lien entre maîtrise des outils numériques et demande de transpar ence au sein de la population. Tout d’abord, des initiatives citoyennes basées sur des outils numériques imposent un devoir de transparence aux élus dans leurs activités. C’est le cas du site Internet www.nosdeputes.fr, qui recense l’activité parlementaire de chacun des députés de l’Assemblée nationale, et constitue une base de connaissance créant les conditions de la transparence des élus vis-à-vis de leurs électeurs. Ensuite, c’est à travers l’open data que le besoin de transparence des populations trouve une matérialisation, apportant services à la population et bénéfices pour la collectivité . 2 Dans un monde où la croissance du nombre de données numériques est exponentielle , ce phénomène permet d’entraîner la création de nouveaux savoirs, à travers notamment la superposition des données libérées par les administrations. Par exemple, la Ville de Rennes a lancé un programme d’ouverture des données publiques, et notamment de celles intéressant les personnes à mobilité réduite. Des collectifs citoyens, en superposant différents jeux de données, sont ensuite parvenus à construire des parcours urbains adaptés aux personnes à mobilité réduite. Cet exemple montre que l’utilisation et la superposition de données libérées permettent de créer des nouveaux services à la population, en permettant à cette même population d’identifier elle-même ses besoins et d’y répondre. En se contentant de fournir des données brutes, la collectivité permet aux citoyens d’accéder à des services à haute valeur ajoutée. L’Internet participatif à Brest Michel BRIAND Élu municipal en charge d’Internet et du multimédia, Ville de Brest Le développement des outils numériques participatifs constitue davantage une innovation sociale que technologique, dans laquelle les collectivités territoriales doivent s’inscrire. Pour cela, le frein principal n’est pas le manque de formation des agents à l’utilisation de ces outils numériques mais les changements organisationnels et de pratiques de travail qu’ils provoquent dans les administrations. Quels modèles pour les espaces collaboratifs numériques ? La création des espaces collaboratifs numériques permet de mettre en œuvre des projets très innovants – qui relevaient auparavant de l’utopie – comme le sont les cartes “ouvertes”, qu’il est possible d’élaborer à partir de points de coord onnées GPS relevées par les citoyens eux-mêmes. Sur ce modèle, la région Bretagne et les services 2 On considère qu’en 2010, la somme des données numériques produites sur l’année était égale à la somme de l’ensemble des données numériques produites dans l’histoir e. En 2015, la production des données sera multipliée par 1 000 par rapport à celle de 2010 www.inet-ets.net Page 3 sur 6 ETS, le rendez-vous des managers territoriaux 5 & 6 décembre 2012 3 déconcentrés de l’Etat en région ont mis au point le portail GéoBretagne , au sein duquel les collectivités territoriales de la Région peuvent insérer leurs f onds de cartes et procéder à leur actualisation en direct. L’intérêt de cet outil est que les usagers eux mêmes sont invités à proposer des modifications de ces cartes ou à en créer de nouvelles. Grâce à son caractère collaboratif, le portail GéoBretagne e st désormais en mesure de proposer des fonds cartographiques – gratuits et libres d’accès – encore plus précis que les cartes de l’Institut géographique national (IGN). L’arrivée de ces espaces collaboratifs pose néanmoins le problème du modèle économique sur lequel leur utilisation peut être basée. L’abondance des données numériques provient du fait qu’elles sont susceptibles d’être copiées très facilem ent et pour un coût quasi nul. Il est ici possible de prendre exemple sur les cours d’université massivement ouverts, à travers lesquels des professeurs d’université réputés donnent librement accès à leurs cours. Toutefois, si l’inscription aux sessions de cours en ligne est gratuite, le passage d’un examen relatif aux enseignements prodigués – permettant d’obtenir des crédits universitaires – est quant à lui payant. Pour les universités pratiquant cette méthode, les bénéfices économiques sont très importants. Quelques bonnes pratiques pour les sites Internet collaboratifs des collectivités Une collectivité désirant favoriser la mise en place d’espaces collaboratifs en ligne doit tout d’abord permettre à ses administrés d’accéder le plus facilement possible à ces espaces. C’est pour cette raison que la Ville de Brest a mené une vaste campagne de multiplication des points d’accès publics à Internet – dans les mairies de quartier, les bibliothèques, les centres sociaux, etc. En dix ans, tous les équipements publics de la ville ont été dotés de points d’accès à Internet. S’agissant du développement d’espaces collaboratifs, la Ville de Brest a fait le choix de sites Internet alimentés par les citoyens, et thématiques – citoyenneté et nouvelles 4 technologies , insertion, égalité entre hommes et femmes, etc. Au total, huit sites participatifs ont été mis en ligne par la Ville de Brest. Bien qu’ils rassemblent en tout près de 12 000 articles librement publiés, très peu de problèmes liés à leur contenu sont à déplorer. Echanges avec la salle Directions de la communication et réseaux sociaux De la salle Comment faire évoluer les métiers de la communication dans les collectivités territoriales, pour leur permettre de mieux appréhender l’utilisation de rés eaux sociaux ? Xavier CROUAN Face à la croissance exponentielle du nombre de réseaux sociaux – environ un nouveau réseau social est créé tous les mois –, il est nécessaire de permettre aux agents de se former en permanence sur leur utilisation. C’est pour cette raison qu’au conseil régional d’Île-de-France, les agents travaillant à la direction de la communication doivent passer entre 10 et 15 % de leur temps de travail dans des conférences et des colloques. Cela permet de mettre à jour en permanence leurs connaissances sur les nouveaux systèmes d’information, les enjeux liés aux outils numériques ainsi que sur les nouveaux modes de conversation. 3 4 http://cms.geobretagne.fr www.a-brest.net www.inet-ets.net Page 4 sur 6 ETS, le rendez-vous des managers territoriaux 5 & 6 décembre 2012 Comment améliorer le référencement des sites Internet collaboratifs ? De la salle (Anne DECODTS, Conseil général du Nord) Comment la Ville de Brest a-t-elle augmenté le référencement des sites Internet collaboratifs qu’elle a mis en ligne ? Michel BRIAND Le bon référencement des sites collaboratifs mis en place par la Ville du Brest s’est fait assez naturellement : il tient au fait que beaucoup de contenus sont publiés de façon régulière sur ces différents sites Internet. Par exemple, pour chaque évènement ou projet mis en œuvre par la Ville de Brest, un wiki est publié sur l’un de ces sites. La Ville a par ailleurs mis en place des ateliers hebdomadaires permettant de former des citoyens à l’utilisation des outils numériques, ce qui permet à ses espaces collaboratifs en ligne de toucher un public plus large encore. www.inet-ets.net Page 5 sur 6 ETS, le rendez-vous des managers territoriaux 5 & 6 décembre 2012 SIGLES IGN : Institut Géographique National Les propos énoncés dans ce document n’engagent que la responsabilité de la personne citée. Compte-rendu des Entretiens territoriaux de Strasbourg 5 et 6 décembre 2012 © CNFPT INET 2012 Réalisation : www.inet-ets.net Page 6 sur 6