Imogen Cunningham site

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Imogen Cunningham
The Grand old Lady, ou la très vénérable dame de la photographie
J'ai transformé les gens en êtres humains, mais je n’en ai pas fait des
dieux.
On a tant pris l’habitude de voir et revoir une vieille dame malicieuse,
appareil photo en bandoulière, et sourire aux lèvres, tourner autour de
ses modèles ou partir d’un grand éclat de rire, que l’on oublie qu’elle fut
l’une des plus grandes dames de la photographe américaine, dont les
nus sensuels et géométriques, les portraits de Matha Graham ou Gary
Cooper, les exaltations des fleurs ont marqué l’histoire de la
photographie mondiale.
Oui elle fut jeune et ardente, et dès 1901 elle faisait de la photographie
son art principal, délaissant ses études de chimiste, avec son tout
premier appareil.
Elle fut une pionnière de l’aventure de la photo au vingtième siècle, et
avec quelques autres elle en fit un art à part entière.
Femme de caractère aux réparties cinglantes, féministe avant l’heure, ou
plutôt suffragette elle osa rendre compte des corps nus des hommes et
des femmes avec une sensualité presque érotique qui fit grandement
scandale. Ses portraits, des commandes le plus souvent, sont restés
célèbres, non pas à cause des célébrités photographiées (Gary Cooper,
Gary Grant, Martha Graham, Frida Kahlo., Edward Weston...), mais par
leur perfection formelle.
Elle fut sans doute la première femme photographe à pouvoir vivre de
son art. Dès 1910 à Seattle, elle avait ouvert son propre studio
professionnel, et ses travaux alimentaires lui permettaient de poursuivre
ses recherches pictorialistes, pleines d’allégories et nimbées de poésie
brumeuse. Et sa passion des fleurs, lui fait tenter de pénétrer dans les
années 1920, le cœur intime de celles-ci. En fait elle voulait aller encore
plus loin dans l’approfondissement de la matière, chair ou feuilles.
Ses études de 1920-1930 avec des doubles expositions pour renvoyer le
sujet au miroir du temps resteront fameuses par leur sophistication
extrême et leur similitude avec l’art moderne en marche en Europe.
Elle a aussi délaissé l’expérimentation pour le message social et
humaniste avec ses photos de rue.
Mais ce sont ses portraits qui nous parlent encore, car elle a
révolutionné le genre.
Même reconnue, elle savait cultiver farouchement son indépendance et
son ironie féroce : J'ai été invité à photographier Hollywood. Ils m'ont
demandé ce que je voudrais photographier. Je leur ai dit, les hommes
laids.
Forte gueule, féministe engagée, elle défendait farouchement et sa vie
privée et son art qu’elle voulait voir plus ouvert aux femmes.
Cette vieille dame indigne de la photographie était une délicieuse dame,
aux amitiés fortes et durables avec ses confrères comme Ansel Adams,
Edward Weston, Dorothea Lange, Alfred Stieglitz…
Quand elle est morte à 93 ans en 1973 elle était un peu la reine mère de
la photo, en tout cas une légende que les jeunes photographes
s’approchaient avec un sens du sacré.
Apprendre à voir fut toute sa vie. Elle a toujours su le temps qui passe et
jusquʼà la fin de sa très longue vie elle aura eu joie de photographier. La
photographie était son témoin dʼexistence.
La plus grande partie de son œuvre, immense, tirages et négatifs se
trouve à Imogen Cunningham Trust, qui en détient les droits.
Portrait de la femme à portraits
Quelle photo je préfère de celles que jʼai prises ? Celle que je vais faire
demain. Imogen Cunningham
Imogen Cunningham a été la photographe des portraits, tant elle a porté
cet art si particulier, à une force, non pas de sophistication comme
dʼautres, mais par sa percussion frontale, où la lumière dit tout sur les
modèles. Et comme sa vie ses modèles vont être divers : vieillards sur
un banc, familles anonymes, artistes célèbres, d'Edward Weston à
Gertrude Stein, Carry Grant, Martha Graham, Anna Freud...
Tous auront été révélés ainsi dans leur intime. Mais quel fut lʼintime de
cette femme exceptionnelle Imogen Cunningham ?
Ses ancêtres dʼorigine écossaise sʼétablirent dès le 17é siecle en
Virginie. Imogen est né à Portland, Oregon, le 12 avril 1883, la première
de six frères et sœurs. Son père, lecteur vorace et végétarien du même
acabit, libre penseur, était utopiste. Il la nomma Imogen par référence à
Shakespeare. Il eut une forte influence sur elle qui sut lire et apprendre
lʼart avant même dʼaller à lʼécole. Elle aura grandi à Seattle, la plus
grande ville de l'État de Washington. Dʼabord fascinée par des études de
chimie quʼelle va poursuivre jusquʼau bout, elle va sʼorienter vers cet art
en train de naître, la photographie. Elle travaille dans un studio à Seattle,
avant de gagner un séjour en 1909 à Dresde. Là elle rencontre les
artistes du mouvement expressionniste Die Brücke (Kirchner, Nolde,
Schmidt-Rottluff) qui vont la marquer, surtout sur la restitution du nu.
De retour de ses bains chimiques, elle ouvre sans complexe un studio de
portrait à Seattle, en septembre 1910, et qui rencontre un certain succès
et lui permet de réaliser des œuvres personnelles quʼelle peut exposer.
Ainsi sa reconnaissance est telle quʼelle a droit à une exposition
personnelle en 1914, au Brooklyn Institute of Arts and Sciences. Sa vie
familiale, ses trois enfants surtout la conduisent en Californie et
ralentissent sa création photographique réduite à lʼespace de son jardin.
Certes lʼinfluence de la photographie allemande est présente chez elle,
mais ses recherches sur le double sont prégnantes. Elle le réalise soit
par reflets sur lʼeau, soit par double-exposition, soit par superposition.
Cette fascination des images multiples lui est propre, cʼest sa quête de la
réalité cachée sur un seul visage. Ce sera lʼapogée de lʼannée 1921.
Entre 1923 et 1925, elle réalise des études de magnolias de plus en plus
simplifiées pour puiser au fond de lʼobjet sa propre épure.
Puis elle va devenir la photographe officielle dʼune compagnie de danse,
et sa belle rencontre avec Martha Graham se fait en 1931, et ses photos
de la danseuse seront dans toutes les revues. Puis elle va rejoindre en
1932, le groupe dʼavant-garde f.64 dʼAnsel Adams, focalisé sur la
profondeur de champ. Elle va réaliser de merveilleux portraits dʼAdams
entre autres. Après une vaine tentative de travailler à la revue de
Steichen, Vanity Fair, elle retourne en Californie travaillait un temps avec
Dorothea Lange. Ce sera la grande période des photos de rues, avec les
anonymes, les passants oubliés, des clochards. Elle va aussi
commencer à faire des photographies en couleur.
Pendant les années de guerre, elle sʼétablit à Berkeley, puis en 1947 à
San Francisco, vivant modestement, installant même son studio dans
son petit appartement.
Puis pendant plus de trente ans, elle va continuer à faire à la fois des
portraits de studio et des photos de rue. Ses expositions lui assurent de
quoi voyager en Europe de lʼOuest et de lʼEst. Comme Walker Evans elle
sʼintéresse au procédé Polaroïd.
Infatigable elle sillonne et son âge et le monde, de plus en plus reconnue
et admirée et semant quelques autoportraits derrière elle, mais aussi des
témoignages des horreurs de la guerre. Elle est désormais célèbre.
Je ne parle pas de succès. Je ne sais pas ce que cela veut dire.
Attendez au moins que je sois morte pour vous en rendre compte.
Sa dernière série de photographies, After Ninety, est une provocation
contre la mort. Imogen Cunningham montre la beauté du passé dans les
visages chiffonnés par lʼâge. Comme si la mort ne passerait pas.
Elle décède le 24 juin 1976, à 93 ans dans un hôpital de San Francisco
La sensualité faite photographie
Il faut faire un violent retour mental en arrière pour imaginer Imogen, en
pleine époque puritaine et victorienne, dans ce 19e siècle finissant et
crispé sur lui-même et le 20e commençant dans sa voracité industrielle,
pour oser explorer la corolle des corps comme celle des fleurs.
Dès 1903, à peine à 23 ans, elle ose se montrer dans un autoportrait nu,
elle étendue dans lʼherbe, sa peau plus luisante que le désir, et ses
jambes au cou de lʼinsouciance, flottante dans lʼinnocence. Sans
manipulation, sans artifice, elle chante la liberté du corps, non pas la
chair anonyme, mais le corps prolongement de lʼêtre humain. Elle met un
nom sur chaque corps : « J'ai utilisé ce corps, mais elle appartient à son
propriétaire, et non au photographe qui ne sert que de médium. » Elle en
fait une œuvre dʼart, une monographie du désir. Une exaltation du vivre.
Et le corps nʼest plus lui-même, il est devenu une résonance particulière
« Car c'est dans cette chair inadéquate que chacun de nous doit servir
son rêve, et donc, doit être rejeté au service du rêve » écrira Imogen
Cunningham.
Elle nʼest pas une théoricienne, une femme qui pense sur son art, non
elle agit, souvent dʼinstinct, toujours avec amour pour ses modèles,
parfois espiègle, toujours possédée par le besoin de rendre le plus
parfaitement le moindre grain de matière, le moindre grain de peau, enfin
tout qui est apte à frémir à la surface de notre monde. Sans tabous, sans
contraintes elle sʼattache aux courbes, aux ombres qui se profilent
derrière la lumière, aux suggestions de lʼair. Elle a glorifié les formes, les
chairs, la peau nacrée des fleurs. Elle est une preuve de vie à elle seule.
Même dans sa quatre-vingt-dixième année elle caressait encore
amoureusement avec ses photos les corps, les êtres, avec malice et
tendresse. Ses photos étaient franches, et pourtant toujours aux portes
du rêve. Son œuvre est dʼune grande variété passant des scènes
théâtralisées de ses débuts pictorialistes, aux portraits magnifiant tous
les dégradés des clairs obscurs, des vertiges de lʼombre et de la lumière.
Elle sait tout de la substance des choses, des mille reflets de la lumière.
Elle pouvait bousculer toutes les valeurs communément établies,
simplement en faisant, en agissant : je photographie, donc je suis,
semblait-elle dire en riant, laissant aux esthètes théoriciens le soin de
tirer des plans sur la comète. Elle était déjà elle dans les étoiles. On a
peine à saisir lʼimportance de ce bout de femme pionnière en son temps,
toujours éclectique, toujours là où on ne lʼattend pas. Et elle est restée
active et créative de 1903 au milieu des années 1970 !
Comment cela a-t-il donc commencé pour cette aventurière de la
pellicule ? Ce fut un long chemin entre ses sortes de peintures
impressionnistes du début, très littéraires et symboliques, comme Ève
repentante, le Supplicant, par exemple, surgies des brumes et des rêves,
nus comme lʼinnocence avant tout pêché. Puis jusquʼà son immersion
complète au cœur des fleurs et des plantes. Ce sera son autre fleuve
tranquille avec la même sensualité, les mêmes reflets dʼelle-même. Là
tout est lignes, courbes, blancs et noirs, mais surtout compositions très
élaborées. Le même érotisme élégant et suave, la même sensualité
douce enrobent ses compositions florales, comme les nus à venir et
surtout les portraits émouvants et révélateurs des pans intérieurs de ses
modèles. Elle a aussi flirté avec les modernistes.
Elle aura été une femme essentielle pour la photographie certes, dont
elle a fait avec quelques-uns un art véritable, mais essentielle aussi
comme hymne à la vie.
Gil Pressnitzer
Bibliographie
En Français
Imogen Cunningham : Toulouse, du 1 au 31 janvier 1977, Galerie
municipale du Château d'eau
Cunningham, Photobook, Taschen, 2001
En anglais
Imogen Cunningham : a portrait / by Judy Dater, in association with the
Imogen Cunningham, Trust, 1979.
Imogen Cunningham: Ideas without End, Chronicle Books; (1993)
Imogen Cunningham : After ninetiy, Univ of Washington Press (1979)
Imogen Cunningham: Selected Texts and Bibliography, ABC-CLIO Ltd;
(1992)
Imogen Cunningham: A portrait by Jude Dader
Imogen Cunningham: Portraiture, Richard Lorenz, Bulfinch Pr,(1997)
Imogen Cunningham on the Body, Richard Lorenz, Bulfinch Pr,(1998)
Imogen Cunningham: The Poetry of Form, Edition Stemmle; (1994)
Imogen Cunningham: Flora, Richard Lorenz, Bulfinch Pr,(2001)
Imogen Cunningham: The Modernist Years, Ram Pubns & Dist (1993)
Site Officiel Imogen Cunningham :
http://www.imogencunningham.com/

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