CL art introspectif

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CL art introspectif
CAROLINE LAPLANTE, EXPÉRIMENTER L’ART INTROSPECTIF
par Nadia Nadègei
C’est au néolithique dans les lieux de culte au soleil et à la lune que l’on
trouve les menhirs, ces pierres dressées, parfois gravées de spirales, alignées
ou en cercle (cromtech). Artiste et graphiste, Caroline Laplante collectionne les
roches, les écorces, les bois… glanant dans le sacré que représente pour elle la
Nature, les symboles géométriques de la création pure.
Caroline est une artiste nature et naturelle. Elle utilise les bleus comme le
faisait la peinture égyptienne, dont le turquoise symbolisait la transparence de
l’eau, la naissance du monde et la renaissance du dieu. En quête de ce qui se
cache derrière les apparences et de ce qui sous-tend la genèse de la vie même,
Caroline pratique l’art de la nuance.
Elle a choisi le pastel comme médium de prédilection. Pour sa tendreté, pour
le haut niveau de nuances qu’il permet d’atteindre, pour l’intimité qu’il crée autant
pour l’artiste que pour celui qui regarde l’œuvre. Créer par le pastel, c’est
maîtriser la main sur le grain du papier, étendre les pigments en superpositions
fines et multiples, générer des rencontres vibratoires entre couleurs et nuances,
dans d’infinis jeux d’ombres et de lumières.
Regarder les œuvres de Caroline demande de s’approcher pour en apprécier
toutes les subtilités, de ressentir le velouté gras ou la trace poudrée du bâton, de
se laisser pénétrer par le rythme pointilliste, exigeant ce geste intime de
communion entre l’œuvre et son public, exigeant aussi de prendre le temps de
voir et de sentir l’œuvre se dévoiler.
La céramique crétoise utilise largement le décor à motifs géométriques,
principalement la spirale dans un bleu sur beige ou beige sur bleu, tout comme
l’Islam dont l’art ne peut représenter ni l’humain ni l’animal afin de ne pas rivaliser
avec la création divine. Je pourrais dire que Caroline Laplante est une artiste
profondément inspirée par la création pure, visible dans la Nature, et se
préoccupe certainement de ne jamais rivaliser avec les dieux. Ainsi, tout comme
pour l’art d’islam, elle utilise naturellement la spirale, l’étoile ou l’arc architectural.
Caroline est aussi une artiste intimiste. C’est durant la période de l’art
classique que l’art intimiste est apparu (en particulier par le portrait) avec
Chardin, Vermeer de Delft ou encore Quentin de la Tour, un pastelliste
portraitiste, mais aussi artiste symboliste. Art intimiste également que les bleus
de Puvis de Chavanne mais surtout celui d’Odilon Redon, peintre des songes et
des états d’âme, un des grands maîtres qui inspire Caroline.
Comme les pointillistes, avec Seurat et Signac, Caroline cherche à
fractionner la lumière pour mieux en découvrir la structure. Et comme le peintre
russe Malevitch, elle source son processus créatif des éléments de base
géométriques en même temps que, comme Chagall, elle veut peindre le rêve. Il y
a dans l’œuvre de Caroline Laplante ce constant mouvement entre
décomposition structurale – souvent par la géométrie, et onirisme proche du
mouvement surréaliste appelant à l’émergence de l’inconscient.
Mais c’est surtout aux traditions orientales que l’art de Caroline Laplante
s’apparente le plus – alors même qu’elle ne les a pas encore étudiées. On trouve
aussi, dans la préhistoire chinoise, les bronzes shang qui utilisaient les figures
géométriques – dont les motifs de foudres, ces spirales carrées ouvertes. Dans
les makemono et les kakemono, ces rouleaux de soie peintre, les paysages de
montagnes et d’eau sont noyés dans le brouillard comme un monde en
dissolution. La méditation du moine devait se faire à partir de la forme
tourmentée de l’arbre représenté en premier plan.
Les lavis monochromes et la xylographie orientale illustrent bien la manière
dont Caroline traite le medium et son support, comme l’un des paysages les plus
connus de Fan Kuan : Voyageurs dans les gorges d'un torrent et les estampes
de Guo Xi pour la peinture chinoise, ou les peintures du japonais Hiroshige.
Définir Caroline Laplante représente un défi impossible tant elle est une
artiste de l’exploration, de l’évolution mais surtout du non-fini, de l’indicible et de
l’invisible. On peut, comme je l’ai fait précédemment, la relier à ces courants
artistiques qui permettront de saisir une partie de son approche et apporteront un
éclairage pour comprendre ses œuvres. Mais si je devais définitivement la
positionner dans une catégorie, je citerais l’art du mandala.
Le mandala (mot d’origine sanskrit) représente la totalité, un modèle de
structure vitale, un diagramme cosmique, l’histoire d’une relation à l’infini passant
par une organisation rythmée de la réalité matérielle. Une matrice parfaite et une
entité mouvante… on pense à nouveau à la spirale carrée.
Tant dans la tradition védique indienne où l’on trouve les yantra, ces
mandalas géométriques, que chez les femmes rangoli qui tracent à la craie des
mandalas de protection au sol, le mandala est la base d’un art méditatif. La
vesica piscis, matrice en amande à partir du chevauchement de plusieurs
cercles, la spirale d’or de Fibonaci ou les cercles de pierres de Rogem Hiri sont
autant de mandalas présents à l’état pur.
Et Caroline puise ses sources créatives autour des arbres, du vent, de l’eau,
dans son jardin de vivaces qu’elle nomme son laboratoire, créant des œuvres de
land art, comme ce cercle de pierres construit au fond d’un ruisseau. Puis, après
s’être chargée d’énergies et d’éléments, comme pour faire se rejoindre science
et conscience, elle s’intéresse à ce que dévoile les formes ondulatoires : le halo
lunaire, les ondes sonores de Chladni remises au goût du jour par Hans Jenny…
mais aussi les atomes de cristal, le détail du flocon de neige, la couronne de la
goutte tombant sur l’eau, la coupe de l’arbre, la toile d’araignée.
De la spirale de l’ADN ou de la structure microscopique des globules
sanguins, Caroline Laplante explore symboliquement l’homme de Vitruve de
Leonard de Vinci. Et les centres spirituels de Borobudur à Java, du Grand
Stoupa en Inde, de la Pyramide du Soleil et de Chichen Itza au Mexique sont
soudain si proches en essence des pastels de Caroline : « Petite roche de
Biarritz » (2008), « Écorce vive » (2003) ou « Aigue-marine » (2001).
Si je devais me résoudre à définir Caroline Laplante, je parlerais d’elle
comme d’une artiste visuelle d’expression spirituelle : comme les peintures de
sable des Navajo, les mandalas de sable des Tibétains, la mosaïque des
mosquées, la roue de Dharma en Inde ou la roue-calendrier aztèque, les thanka
de soie chinoise mais aussi les visions de Sainte-Hildegarde, les jardins italiens
de San Lorenzo ou espagnols de l’Alhambra, ou pour finir le labyrinthe de
Somerton.
Son art méditatif s’illustre parfaitement dans son triptyque « Structure
d’écorce » (2005) où de fines lamelles d’écorces de bouleau sont encollées dans
une triade de figures géométriques entrelacées en un damier propice au
recueillement – voire à l’introspection.
Exemple d’œuvre :
Structure d’écorce, Triptyque 2005 Collage sur papier, écorces de bouleau.
Pour contacter l’artiste : (819) 379-4714
Courriel : [email protected]
Site Internet : http://www.carolinelaplante.com/artistedesigner/Accueil.html
Blogue : http://carolinelaplante.blogspot.com/
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Nadia Nadège est artiste multidisciplinaire, écrivaine et journaliste culturelle résidant à
Montréal (Canada). Pour contacter l’auteur : (514) 519-5388
[email protected] - http://le-blogue-de-nadia-nadege.blogspot.com/