entretenir un patrimoine exceptionnel le constat
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entretenir un patrimoine exceptionnel le constat
montréal-du-gers M Analyse et enjeux Le patrimoine de Montréal-du-Gers bénéficie de financements publics, cependant ce qui retient l’attention dans le témoignage de G. BEZERRA, c’est la lumière qu’il projette sur l’efficacité des associations de sauvegarde du patrimoine. La motivation Ces trois projets nous amènent à une personnalité très admirée dans le Gers, Paulette ARAGON-LAUNET, « la Dame de Séviac ». Il faut remonter aux années soixante, lorsque Paulette ARAGON-LAUNET qui fréquentait le site de Séviac dans son enfance avec son père convaincu qu’un trésor y est enfoui, revient et entreprend à son tour des fouilles qui mettent à jour un pan de mosaïques. Au cours de ces années-là, elle s’intéresse également à l’église de Luzanet, dont l’accès est interdit au public depuis 1947. En 1966, elle crée et préside l’association de sauvegarde des monuments et sites de l’Armagnac. C’est encore Paulette ARAGON-LAUNET qui pousse la municipalité à demander le classement de l’église de Saint-Pierre de Genens aux monuments historiques, ce qui sera fait en 1979 et l’église de Luzanet en 1985. Gérard BEZERRA affirme qu’« elle a réveillé la commune sur son patrimoine ». Constatant que les initiatives de Paulette ARAGON-LAUNET participaient largement à la promotion du village, la municipalité décide de s’investir dans la sauvegarde de ses églises et de la villa de Séviac. Eglise de Luzanet ontréal-du-Gers est une commune de 1287 habitants, située dans le département du Gers, à 15 km de Condom, à 25 km de Barbotan-les-Thermes et à équidistance d’Auch, d’Agen et de Mont-de-Marsan, soit 60 km. Montréal-du-Gers est la plus ancienne bastide du Gers, créée de toute pièce, sur l’emplacement d’un ancien camp fortifié romain, au milieu du XIIIe siècle, ce qui explique son urbanisme rectiligne et son plan perpendiculaire. Riche d’un patrimoine architectural exceptionnel, la commune appartient à l’association des plus beaux villages de France, dont elle fut l’un des membres fondateurs. Néanmoins, Montréal n’est pas un village carte postale. Encore très agricole, il est marqué par sa vocation viticole, fort d’un vignoble de plus de 1000 hectares. En plein pays de l’Armagnac et du foie gras dans un environnement où l’époque médiévale semble encore palpiter dans les bâtisses et édifices religieux, Montréal reste attaché à des traditions gastronomiques et de savoir-vivre. Montréal est, depuis 2011, l’une des 27 communes de la communauté de communes de Ténarèze Monsieur Gérard BEZERRA est maire depuis 26 ans mais engagé dans la municipalité depuis 41 ans. LE CONSTAT La problématique Valoriser un patrimoine historique exceptionnel trop lourd pour les finances de la commune Historique La commune de Montréal compte aujourd’hui sept églises dontquatre sont encore ouvertes au culte, occasionnant des charges et des frais d’entretien très lourds. Aux édifices religieux, il faut ajouter la villa gallo-romaine de Séviac qui appartient également à la commune depuis 2003. Le témoignage de G. BEZERRA concerne spécifiquement les travaux réalisés sur les églises de Luzanet et de Saint-Pierre de Genens, ainsi que le site de la villa de Séviac. Les églises de Luzanet et de Saint-Pierre de Genens, ont commencé à être respectivement restaurées en 1968 et au début des années 80. Quant à la villa de Séviac, elle a été redécouverte en 1959. Les projets de restauration du patrimoine de Montréal-du-Gers s’étalent sur des décennies et ne sont pas tous terminés. Ils accompagnent G. BEZERRA depuis son premier mandat municipal, il y a 41 ans. Les partenaires Paulette ARAGON-LAUNET animée par sa passion pour la villa de Séviac et, plus largement le patrimoine architectural de l’Armagnac, se rapproche du monde scientifique. Elle présente une communication sur Séviac à Lectoure, en mai 1959, au congrès de la fédération des sociétés académiques et savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne. Elle obtient une subvention grâce au directeur de la circonscription des antiquités historiques. Son entregent lui ouvre toutes les portes et elle intéresse les personnes influentes capables de soutenir, financer et promouvoir son engagement. Les bénévoles Organisés au sein d’associations, ils occupent une place primordiale dans la sauvegarde des églises de Montréal-du-Gers et de la villa de Séviac. Exemples d’interventions des associations Luzanet En 1968, l’association de sauvegarde des monuments et sites de l’Armagnac, avec l’aide de l’Etat et de la commune, réalise des travaux d’entretien du toit et du clocher de l’église de Luzanet. Petites et Moyennes Communes - n° 39 - 2015 21 témoignage Entretenir un patrimoine exceptionnel LE résultat témoignage montréal-du-gers En 1985, Paulette ARAGON- Launet et son association organisent la réfection de deux travées des voûtes. En 1998, les habitants du hameau de Luzanet, proprétaires de l’église, vendent la chapelle à la commune de Montréal-du-Gers pour le franc symbolique par acte notarié. Une nouvelle association est alors constituée, l’association pour la sauvegarde de la chapelle de Luzanet, pour entreprendre une restauration extérieure qui s’est terminée en 2009. Pour les travaux de la toiture de l’église, du sapin était prévu en raison du coût. L’association et les riverains se sont mobilisés pour trouver du bois de chêne, l’apporter sur le site et scier tous les bois de la charpente. Tout ce travail était bénévole et le bois a été offert. Saint-Pierre de Genens En ce qui concerne l’église de Saint-Pierre de Genens, en 2011, l’association « Pour Genens » a remis à la municipalité un chèque de 4000 € afin d’aider au financement de l’avant-dernière tranche de travaux. Villa de Séviac En 1967, l’association pour la sauvegarde des monuments et sites de l’Armagnac, se voit confier la mise en valeur d’une parcelle de terrain dont l’achat a été financé par le département du Gers. En 1972, l’association acquiert directement une deuxième parcelle de Séviac et en 1980 une troisième parcelle. Grâce à ces investissements, les campagnes de fouilles ont pu se succéder jusqu’en 1996. L’Etat a financé 50 % des travaux et l’autre moitié a été financée par la région Midi-Pyrénées. le département du Gers, un fonds européen LEADER et le mécénat. Le cas de la villa de Séviac Au début de l’année 2000, alors que Montréal-du-Gers sollicitait des financements pour la villa de Séviac auprès des collectivités territoriales, la région et l’Etat ont conditionné les subventions à la création d’un syndicat intercommunal à vocation unique qui réunirait Montréal-du-Gers et Eauze, afin de mutualiser la gestion de la villa de Séviac avec celle de la Domus de Cieutat sur le territoire d’Eauze. Ce n’est qu’en 2008 que le SIVU est créé. Il gère la villa de Séviac, la Domus de Cieutat et entre les deux, le musée du trésor. En 2010, une tranche de 570 000 € dont 250 000 € à la charge de la commune a été effectuée, pour protéger les thermes. Le projet final de couverture sur l’ensemble du site s’élève à 1 800 000 €. Cependant, sous l’impulsion de la DRAC, le projet a évolué en incluant des travaux sur les mosaïques à hauteur d’1 000 000 €. Le devis total s’élève donc à 2 800 000 € sur lesquels la commune doit financer 400 000 €. Mais ce qui inquiète le plus le maire, c'est l’inévitable tranche de travaux imprévus qui pourrait augmenter le budget de 5% à 10%. En effet, la commune ne pourra pas assumer un coût supplémentaire à la charge qui pèse déjà sur ses finances. G. BEZERRA le dit « on est à la croisée des chemins ». Les subventions ne suffisent pas, le mécénat offre une porte de sortie mais ne permet pas de faire un buget prévisionnel. Bilan Site de la villa de Séviac En 2003, l’association fait don du site à la commune de Montréal-du-Gers pour que les travaux de restauration puissent être lancés et subventionnés par différente collectivités. Les mécènes Là encore, le dynamisme des associations se révèle précieux. L’église de Saint-Pierre de Genens a bénéficié en 2011 d’un don d’un mécène resté anonyme, mais en général, les mécènes se font connaître. Ainsi l’église de Luzanet a enfin pu ouvrir ses portes au public en août 2014 après dix tranches de travaux financés, entre autres, grâce au mécénat de 70 particuliers et de 15 entreprises à hauteur de la part à la charge de la commune, soit 20% des travaux. Le mécénat participatif exige une excellente communication et Montréal-du-Gers l’a bien compris. Soutenue par la fondation du patrimoine en Midi-Pyrénées et la Fondation de France, la commune a lancé plusieurs campagnes de mécénat dont la dernière à hauteur de 60 000 € pour financer les travaux de trois églises dont Luzanet et Saint-Pierre de Genens. L’Etat et les collectivités territoriales Les gros travaux de l’église de Luzanet se sont étalés sur une période de trente ans et ont coûté 1 000 000 €. 22 2015 - n° 39 - Petites et Moyennes Communes L’église de Luzanet, en plein milieu du vignoble, attire de nombreux touristes depuis son ouverture au public. Son emplacement permet de faire circuler les touristes et de dynamiser les ventes de vins produits sur place. L’église de Saint-Pierre de Genens offre un cadre exceptionnel dans une garenne de chênes. Des travaux de dallage sont encore à effectuer. La villa de Séviac n’est pas encore rentable. D’une part, l’arrêt des chantiers de fouilles qui ne reprendront pas avant que les scientifiques terminent leur travail de publications sur les découvertes du site, le fige. Les touristes passionnés ont cessé de revenir chaque année voir l’évolution du chantier. D’autre part, le fonctionnement du SIVU représente une charge financière pour la commune. G. BEZERRA ne veut pas faire de son village une vitrine figée et vernie. Il exprime toute sa joie lorsqu’il évoque les rendez-vous festifs tels que les Médiévales en juillet-août, les brocantes ou la flamme de l’Armagnac, fin novembre, qui consiste à allumer les alambics. Ces manifestations attirent et fidélisent des touristes de plus en plus nombreux. Montréal-du-Gers profite aussi du marché aux fleurs de sa commune voisine, Fources, fin avril, qui draine entre 15 000 et 20 000 visiteurs. S’il est fier du patrimoine exceptionnel de Montréal-duGers, il est surtout fier du soutien de la population et de l’engagement des associations sans lesquelles la municipalité ne pourrait pas se lancer dans des travaux aussi lourds pour la sauvegarde de son patrimoine.