Mot d`introduction lors des obsèques du Père Pierre

Transcription

Mot d`introduction lors des obsèques du Père Pierre
Mot d'introduction lors des obsèques du Père Pierre-Jean GRANGE
Extrait du Communauté catholique des Alpes de Haute Provence
http://s390801873.onlinehome.fr/SPIP/spip.php?article579
Mot d'introduction lors des
obsèques du Père Pierre-Jean
GRANGE
- Église diocésaine
- In Mémoriam
-
Date de mise en ligne : samedi 7 juin 2014
Copyright © Communauté catholique des Alpes de Haute Provence - Tous
droits réservés
Copyright © Communauté catholique des Alpes de Haute Provence
Page 1/4
Mot d'introduction lors des obsèques du Père Pierre-Jean GRANGE
Mot d'introduction lors des obsèques du Père Pierre-Jean GRANGE
Église d'Oraison le lundi 2 juin 2014.
<span class='spip_document_748 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:216px;'>
C'est un beau jour pour s'élancer vers le ciel que celui de l'Ascension. Ce jour où nous nous souvenons qu'au terme
de son ministère sur notre terre, après sa mort et sa résurrection, Jésus ayant achevé sa mission parmi nous, nous
faisant confiance et nous donnant son Esprit pour la poursuivre, retourne auprès du Père. Il ne s'évade pas de notre
condition humaine. D'auprès du Père il intercède pour nous, il veille sur nous, il nous rejoint au coeur de nos joies et
de nos espoirs, de nos tristesses et de nos angoisses, il se donne à nous vivant chaque fois que nous le célébrons
dans les sacrements. Mais cette belle coïncidence entre l'Ascension de Jésus et celle de Pierre-Jean, n'enlève rien à
la stupeur, à la peine et à l'incompréhension de son départ si brutal, si violent. Nous aurions eu encore, vous sa
famille selon la chair, nous sa famille ecclésiale, vous ses amis aux périphéries ou loin de l'Eglise, nous aurions eu
encore tellement de belles choses à vivre ensemble, des projets à penser et à mettre en oeuvre, des moissons de
vie à engranger...
Ce parcours sur la terre de Pierre-Jean, si soudainement achevé, avait débuté le 22 avril 1949 à Saint-Etienne dans
la Loire, terre à laquelle il était resté très attaché et sur laquelle il retournait souvent. Il est le 2e d'une famille de cinq
enfants. Né, et grandissant dans une famille chrétienne, c'est naturellement qu'il fait ses études primaires au
petit-séminaire de Saint-Etienne puis ses études secondaires au séminaire d'Allex dans la Drôme, établissement
tenu par les religieux spiritains. Il sera, et restera, très marqué par la vie et l'exemple de certains de ses maîtres.
Sentant l'appel à consacrer toute sa vie au Seigneur et à cause de Lui, à ses frères et soeurs en humanité,
Pierre-Jean commence sa formation en vue du sacerdoce pour cette congrégation spiritaine. De santé fragile, il ne
pourra pas envisager de vivre la mission dans les pays lointains. Il sera un temps enseignant au séminaire d'Allex.
Devant renoncer à la vie missionnaire au loin, il se résout non sans peine à quitter cette famille religieuse.
Cependant, il gardera toute sa vie la nostalgie de son passage chez les spiritains. On n'oublie jamais son premier
amour de jeunesse. Pierre-Jean entre alors chez les salésiens, congrégation vouée à l'éducation de la jeunesse ;
formation de la jeunesse pour laquelle il avait un réel charisme. La personnalité de Pierre-Jean, son tempérament
bouillant n'étaient pas forcément compatibles avec une vie communautaire de type religieux. Il quitte alors les
salésiens et puis, après une année sabbatique où il se confronte avec la vie civile dans le monde, il entre au
séminaire pour le diocèse de Digne en vue de devenir prêtre diocésain. Au terme de sa formation, il est ordonné
diacre le 26 mai 1985, le jour où Charles Honoré est ordonné prêtre. Pierre-Jean lui, le sera des mains de
Monseigneur Abelé, le 15 juin 1986. Il est d'abord nommé vicaire à Digne et aumônier scolaire où sa prédilection
pour les jeunes, ses expériences antérieures et son charisme, font merveille auprès d'eux. En 1987, un terrible
accident de voiture à Marseille le laisse deux années démantibulé dans son corps mais aussi dans sa tête et son
coeur. Se remettra t'il d'ailleurs vraiment définitivement de cet accident et des questions existentielles qu'il provoqua
?
Après sa convalescence, il lui est demandé de quitter Digne pour une autre mission. Ce qui provoquera de vives
réactions au sein de l'aumônerie scolaire. Malgré l'incompréhension, dans l'obéissance ecclésiale, en 1989, il
accepte sa nomination à Sisteron comme vicaire et aumônier de jeunes où il réussira là aussi merveilleusement.
Tous se souviennent de lui. Il a créé avec les jeunes dont il s'est occupé des liens et des amitiés solides. Il en a
marié plusieurs, baptisant également leurs enfants.
En 1996, il change de ministère. Il devient curé du secteur de Malijai, les Mées, Peyruis, Lurs et Ganagobie. Il le sera
jusqu'en 2009, date à laquelle il reçoit la mission de prendre soin, c'est la définition du curé, de ce beau secteur
d'Oraison. A côté de ses missions paroissiales, il sera chargé de la pastorale liturgique et sacramentelle pour le
diocèse. Pierre-Jean aimait la liturgie et savait la faire aimer. Il fût également cérémoniaire diocésain mais aussi,
aumônier du mouvement « Lourdes, Cancer, Espérance ».
Copyright © Communauté catholique des Alpes de Haute Provence
Page 2/4
Mot d'introduction lors des obsèques du Père Pierre-Jean GRANGE
Comment résumer en quelques mots la personnalité de quelqu'un ? Est-ce d'ailleurs possible et même, en a-t-on le
droit ? Ce qui parait à l'extérieur du mystère intérieur de la personne, les visages qu'elle montre, ne sont que les
deux ou trois des mille visages qu'elle recèle et elle, ne connaît également de nous que quelques balbutiements
préliminaires. Ce qui n'est facile à faire pour personne l'est encore moins pour Pierre-Jean, tellement étaient
nombreuses, et parfois complexes, les facettes de sa personnalité. Ce que je vais dire vient de mes années de
compagnonnage, parfois proches avec Pierre-Jean qui m'avait accueilli jeune stagiaire en vue du diaconat à Sisteron
; mais aussi de mes neuf années de vicaire général où, je crois dans la confiance, entre deux frères qui cherchaient
à mieux servir le même Seigneur, nous avons souvent échangé dans la joie mais aussi souvent les larmes, sur ce
qu'il vivait. Ma perception partielle de Pierre-Jean rejoint celle d'autres dont les témoignages sont nombreux ces
jours-ci. Cela rejoindra le sentiment et l'expérience d'autres aussi, en étonnera peut-être certains...
Pierre-Jean était un homme d'une extrême sensibilité et donc d'une grande vulnérabilité ; souvent « écorché-vif ». Et
de ces plaies pouvaient parfois sortir des épines ; épines qui le protégeaient car il avait du mal à laisser accéder à
lui. Il avait horreur qu'on parle de lui ou qu'on le félicite, par exemple. Épines qui pouvaient parfois piquer, nous
piquer, par ses réactions passionnées, parfois disproportionnées. De l'alternative proposée par Jésus dans
l'Apocalypse (froid ou bouillant), Pierre-Jean avait clairement choisi. Point n'est besoin de dire quelle attitude !
Pierre-Jean n'acceptait pas de rester tiède, passif ou de ne pas réagir lorsqu'il lui semblait que tel ou tel sujet recélait
des enjeux humains et chrétiens qui nécessitaient une parole, une réaction. Il était entier, excessif, brûlant dans ses
analyses et ses réactions. Il pouvait blesser ou agacer. Mais ses plaies, sa sensibilité et sa vulnérabilité, ont été le
plus souvent des ouvertures positives qui lui ont permis d'accueillir. Accueillir celles et ceux qu'il a été appelé à servir
comme prêtre, les conduisant, selon l'expression de ses paroissiens des Mées-Malijai, « d'une main de fer dans un
gant de... crin ». Mais il a aussi accueilli ceux que la société et/ou l'Église pouvaient avoir tendance à oublier, par
peur, par ignorance ou par crainte de ne pas savoir s'y prendre ; je pense notamment aux personnes atteintes par le
SIDA. Pierre-Jean savait ce qu'était la souffrance, ce qu'elle pouvait entraîner de solitude et de peurs. Il n'en parlait
pas. Il l'avait éprouvée dans sa propre chair et savait se faire proche non par des discours mais en actes.
Pierre-Jean aimait à provoquer, nous provoquer ; non au sens de provocation mais pour nous pousser à être
logiques avec notre foi. Logiques envers les biens matériels. Posséder hantait littéralement Pierre-Jean et le
culpabilisait car il lui semblait que même le peu qu'il possédait, il le confisquait aux pauvres. Il nous provoquait aussi
à être logique avec notre baptême et notre confirmation et à prendre notre part dans la vie et la mission de l'Église et
ne pas être de simple consommateurs. De partout où il est passé, il a mis en place des équipes de laïcs qui ont
collaboré avec lui. Il nous provoquait aussi à être logique avec notre foi en ce Dieu qui s'est révélé dans la figure du
Bon Samaritain qui a pris en charge un blessé de la vie sur le chemin. Pierre-Jean s'est aussi risqué sur les chemins
de l'humanité blessée et parfois abandonnée au bord du chemin de nos solidarités humaines. Bien avant que le
Pape François n'en fasse explicitement le programme de toute l'Église, Pierre-Jean est allé aux périphéries, au
risque parfois de s'y brûler un peu les ailes et de s'y être laissé blesser dans son coeur et son corps si sensibles et
fragiles. Il avait particulièrement aimé cette phrase du Pape François, « Je préfère une Église accidentée, blessée et
sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu'une Église malade de la fermeture et du confort de s'accrocher à ses
propres sécurités ».
Pierre-Jean aimait l'Église ; il croyait qu'elle était le projet de Dieu pour rassembler l'humanité et par laquelle le Christ
Jésus voulait rejoindre toute femme, tout homme, spécialement les petits, les rejetés, les paumés, les cassés de la
vie, ce que nous pouvons être tous à l'un ou l'autre moment de notre vie. Il a eu parfois plus de mal avec l'institution
ecclésiale. Son tempérament rebelle, anticonformiste, ses provocations (quelques fois provocatrices aussi) ont pu
créer des incompréhensions, des malentendus, des tensions réciproques entre lui et ses supérieurs dans les
différents lieux d'Église et de mission qu'il a connus. Il ne comprenait pas ce qu'on lui désignait comme incompatible
entre sa mission de prêtre et certains engagements de sa vie. Il s'est parfois senti, et l'a dit, marginalisé par certains
membres de l'Église, par ceux qu'il appelait les « biens pensant » qui désignent les « honnêtes gens » que dénonce
aussi Charles Péguy. Certaines fois il a eu, je crois, raison de réagir ainsi. D'autres fois, son caractère passionné et
son excessivité, ne lui ont pas permis de comprendre et d'accepter que toutes les moyens ne sont pas forcément
bons au service des bonnes causes. Mais ce furent pour lui des moments de telles tensions intérieures qu'il a pu
mettre en balance ses missions pastorales et ses solidarités avec les exclus. Etait-ce incompatible ? Certains le
pensaient, lui, non ! Il fût tenté de quitter l'Église comme il l'écrivit dans le journal « La Croix » le 22 mars 1995. Le
soutien de l'Église à travers son évêque d'alors, de ses confrères, de ses paroissiens et d'autres, son amour du
Christ l'ont aidé à traverser ces turbulences, ses interrogations, ses révoltes. Et il dira : « Mes amis touchés par le
Copyright © Communauté catholique des Alpes de Haute Provence
Page 3/4
Mot d'introduction lors des obsèques du Père Pierre-Jean GRANGE
VIH m'ont fait comprendre que c'est du prêtre qu'ils ont besoin pour leur manifester l'amour et la tendresse de Dieu
qu'ils ne retrouvent pas trop, hélas, dans son Église ». Propos réalistes, durs, ne disant pas tout de toute l'attitude de
l'Église ? A vous d'en juger.
Pudique à l'excès il n'acceptait pas qu'on parle de lui, qu'on le complimente. Il ne fut jamais carriériste ou ambitieux.
Pierre-Jean, c'est pour cela qu'on t'aimait. Pour tout cela. Nos rencontres diocésaines vont manquer de piquant sans
tes interventions. Pierre-Jean, toi le prêtre, toi l'homme plein d'humanité (tu n'as jamais séparé les deux), tu vas nous
manquer, tu nous manques déjà. Ta place restera marquée en nous comme un grand vide, une blessure. Tu aimais
ce peuple de que le seigneur t'avait confié. Ton ministère d'intercession, de soutien, d'accompagnement de tous,
notamment des petits et des blessés de l'existence, tu vas le poursuivre autrement mais réellement. Tu as quitté le
sanctuaire de ton corps. Tu es accueilli dans le sanctuaire du coeur de Dieu, ce coeur dont tu as été un reflet par ton
ministère. Á chacun, ici et maintenant, de vous demander comment prendre toujours plus votre place dans la
construction d'une communauté vivante. Ce sera la meilleure façon de remercier Pierre-Jean pour son ministère et
de pas rendre vains ses efforts, et ses coups de gueule pour une vraie et juste coresponsabilité prêtres et laïcs.
Pierre-Jean, cher frère prêtre, merci. Merci de ce que tu as été et fait. Il n'y a pas de séparation entre la terre et le
coeur de Dieu. Á bientôt, à très bientôt même. Les séparations ne sont que provisoires, elles sont des rendez-vous
pour l'éternité.
Père Christophe Disdier-Chave, vicaire général.
Copyright © Communauté catholique des Alpes de Haute Provence
Page 4/4