Éléments de conclusion : … et le prof au milieu

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Éléments de conclusion : … et le prof au milieu
Éléments de conclusion : … et le prof au milieu …
Philippe Parmentier, Elise Boxus et Marc Romainville
Les travaux repris dans cette publication, pour être représentatifs du dynamisme des institutions
universitaires belges francophones en la matière, ne représentent qu’une partie seulement des
innovations et des recherches en pédagogie universitaire qui ont permis à ces institutions de
proposer, ces vingt dernières années, des réponses concrètes aux questions soulevées par les
étudiants de première génération ou étudiants primants (c'est-à-dire les étudiants qui s'inscrivent
pour la première fois dans l'enseignement universitaire), qui se retrouvent en difficulté en cours
d'année ou en échec au terme de leur première année d’études à l’université. Créée en 1991, la
Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique
(CIUF) ne serait sans doute plus active aujourd’hui, si elle n’avait pas pu prendre appui en
permanence sur un large réseau de compétences et d’expertises tissé au sein des différentes
institutions (voir annexe).
S’il faut se réjouir des nombreuses réalisations, depuis vingt ans, sur le terrain de la promotion de
la réussite (voir, notamment, sections 5 à 12), il faut également relever que, durant la même
période, les taux de réussite se sont caractérisés, d’année en année, par leur grande stabilité (voir
section 2). Que faut-il en penser ?
Une première hypothèse consiste à considérer que cette observation questionne la pertinence,
sinon l’efficacité des actions entreprises. D’aucuns pourraient, en effet, y voir le signe que l’échec
se joue ailleurs, en amont par exemple, ou qu’il relève exclusivement de l’attitude que chaque
étudiant développe à l’égard de ses études. Sur un plan individuel, personne ne doute que la
motivation et la compétence de chaque étudiant constituent des facteurs déterminants de sa
réussite (voir, notamment, sections 3 et 9), mais, à large échelle, une telle hypothèse
présupposerait que rien n’ait changé du point de vue des conditions d’apprentissage pendant la
même période. Ce n’est pas le cas.
Faut-il rappeler (voir section 1) que, depuis une trentaine d’années, l’université a dû faire face à un
processus de massification sans précédent, avec pour corollaire un nombre sans cesse croissant
d’étudiants en échec, sans disposer, en retour, de ressources humaines et financières adaptées ? En
d’autres termes, si le problème de l’échec subsiste aujourd’hui, nous privilégions, au vu des
expériences menées, une autre hypothèse, consistant à considérer que ces efforts pédagogiques
ont au moins permis, à défaut d’atténuer le phénomène, d’assurer une certaine stabilité des taux de
réussite, dans un contexte où les ressources disponibles pour l’encadrement ont sans cesse
diminué.
Cela signifie-t-il pour autant qu’il suffirait, à l’avenir, d’augmenter substantiellement
l’encadrement et de démultiplier les dispositifs de remédiation pour résoudre la question de
l’échec en première année ?
Nous pensons qu’un tel scénario n’est pas réaliste (qui peut croire que des ressources puissent être
dégagées en tel nombre ?) ; il n’est sans doute pas non plus le plus pertinent, si l’on tient compte
des résultats des recherches menées à ce sujet (voir section 13) et si l’on garde à l’esprit que les
attentes de la société à l’égard de l’université évoluent elles aussi.
Parmentier, P., Boxus, E. & Romainville, M. (2011). Éléments de conclusion : … et le prof au milieu … In Ph. Parmentier
(Dir.). Recherches et actions en faveur de la réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la
Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique. Bruxelles : CIUF.
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Les trois défis majeurs qui se présentent à nous relèvent essentiellement du registre qualitatif. À
défaut de pouvoir faire « plus » pour promouvoir la réussite, nous devrons faire mieux.
Comment y arriver ?
Premier défi : améliorer notre capacité d’accueil (au sens large du terme) des nouveaux publics qui
accèderont (ou devraient pouvoir accéder) à l’université : étudiants d’origine étrangère ou issus de
milieux moins favorisés. La réussite à l’université est une question qui n’est plus dissociable,
désormais, de la question de sa démocratisation. Les dispositifs développés ces dernières années
ont permis qu’un grand nombre d’étudiants « accrochent » le wagon de la réussite, malgré un
départ difficile. Mais, beaucoup d’autres jeunes restent à quai aujourd’hui, faute de pouvoir
trouver leur voie ou de pouvoir se procurer le « bon » billet. Nos structures, nos formations sontelles outillées pour permettre à chacun, pour autant qu’il s’y emploie et qu’il dispose des
compétences requises, d’entreprendre et réussir des études universitaires ? En corollaire, les
universités ont le devoir de former des professionnels compétents et des citoyens responsables. Il
ne pourrait être question de brader le niveau d’exigences pour atteindre des seuils de réussite qui
seraient de pâles indicateurs du niveau réel de compétences. Cette ambition rappelle la nécessité
de miser et d’investir dans la qualité de l’enseignement.
Deuxième défi : diversifier les modes d’interaction entre enseignants et étudiants, pour soutenir,
voire améliorer, la qualité de la relation pédagogique, qui constitue, on le sait, un paramètre
essentiel dans la réussite en première année. Cet objectif passera nécessairement par la capacité de
chaque établissement à maintenir, dans un contexte de massification, un climat relationnel et un
sens de l’accueil adapté aux besoins de chaque étudiant, mais aussi par une intégration renforcée
des technologies de l’information dans la formation, à la fois par leur maîtrise par les enseignants
et par les adaptations institutionnelles nécessaires, comme la création de campus virtuels. La
section 8 a montré que les universités ont pris la mesure de ce défi, mais le chantier, gigantesque,
demandera des investissements conséquents pour dépasser le stade de l’innovation.
Le troisième défi est, sans doute, le plus important. Il vise à mettre l’enseignant au centre du
terrain de l’aide à la réussite. Le rôle des enseignants a lui aussi sensiblement évolué. En même
temps que le nombre d’étudiants primants croissait, on a observé une augmentation des exigences
des performances des enseignants universitaires, dont on attend non seulement qu’ils enseignent,
mais, bien entendu, qu’ils produisent de la recherche de haut niveau (publish or perish), qu’ils
dirigent des équipes de chercheurs en trouvant les fonds et en assurant la qualité de la production
et enfin qu’ils soient au service de leur institution, de leur région, de leur pays. Les attentes de la
société et les comportements des étudiants à l’égard des formations universitaires évoluent sans
cesse également, et les Autorités académiques doivent faire face sans cesse à de nouvelles
contraintes ou de nouvelles ambitions qui nécessitent des réformes pédagogiques.
S’agit-il d’en demander encore plus aux enseignants ? Trois éléments nous conduisent à penser
que cette volonté d’affirmer que l’enseignant est, avec l’étudiant, le premier acteur de l’aide à la
réussite, ne signifie pas nécessairement qu’il convient de leur demander de jouer de nouveaux
rôles ni de charger leur barque.
Premièrement, c’est en agissant de manière privilégiée sur le terrain de l’enseignement que
l’enseignant peut contribuer le mieux à l’aide à la réussite. Les réformes les plus récentes
(apprentissage basé sur les compétences ou les acquis d’apprentissage, évaluation des formations,
etc.) conduisent, en effet, de nombreux enseignants à des réflexions collégiales non seulement sur
les objectifs, mais aussi sur les méthodes et les moyens d’évaluation. Ces évolutions participent à
Parmentier, P., Boxus, E. & Romainville, M. (2011). Éléments de conclusion : … et le prof au milieu … In Ph. Parmentier
(Dir.). Recherches et actions en faveur de la réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la
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la qualité de la formation, dont nous pensons qu’elle constitue le garant le plus solide d’une
« réussite » à l’université. Depuis plusieurs années maintenant, toutes les universités belges
francophones proposent, parfois imposent, des formations pédagogiques à leurs enseignants et/ou
proposent diverses formes d’accompagnement visant à soutenir la qualité de leur enseignement.
Deuxièmement, les enseignants universitaires ne sont plus seuls, même si leur engagement
pédagogique gagnerait à être parfois mieux reconnu. L’émergence, dans la sphère académique, de
nouveaux métiers de conseil et d’accompagnement en témoigne. Qu'ils soient conseillers aux
études, assistants pédagogiques, conseillers à la formation, tuteurs ou autres, ces professionnels de
l’encadrement apportent sans aucun doute une réelle plus-value à la qualité de la formation, en
complément du processus d’enseignement-apprentissage.
Et, puis, pour terminer, il y a la passion. Celle du chercheur ; celle du savoir. Cette passion qui
nourrit la relation pédagogique et qui lui donne sens. Cette passion d’enseigner qui donne envie
d’apprendre. Lorsqu’on les interroge à ce sujet, les étudiants nous disent que la forme d’aide la
plus « précieuse », c’est chez l’enseignant qu’ils l’attendent, sous la forme d’un « bon cours »,
d’un support pédagogique de qualité, d’un conseil personnalisé. Enseigner, c’est relier. Des
savoirs et des personnes.
Promouvoir la réussite, c’est promouvoir l’apprentissage.
Parmentier, P., Boxus, E. & Romainville, M. (2011). Éléments de conclusion : … et le prof au milieu … In Ph. Parmentier
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