lebillet - vincentdanet

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lebillet - vincentdanet
2 | LUNDI 31 AOÛT 2015 | LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ
LE DOSSIER DU JOUR | DANS LES HAUTES­ALPES
VOUS & NOUS
HAUTES­ALPES | Encore largement dédaignés par la médecine traditionnelle,
LE BILLET
PAR ANTOINE CHANDELLIER
« M6 » et les
maîtres chanteurs
Ceux-là n’ont pas fait la Nouvelle Star.Ils n’ont gagné aucun télé-crochet
mais ils auraient bel et bien tenté de faire chanter « M6 ». Enfin, Mohammed
VI,ci-devantroiduMarocdontl’apparentemodernitéetlesensdel’ouverture
affiché ont valu ce surnom “paillettes”, bien qu’il ait une sainte horreur de
parler en public. Les deux journalistes français ont-ils été manipulés, comme
ils le prétendent, ou ont-ils bien essayé d’extorquer 3 millions d’euros au
monarquechérifienenéchangedeleursilencesurcequ’ilyavaitdepourrien
son royaume ? Davantage que la confraternité, la présomption d’innocence
nous enjoint la plus grande prudence. Mais les enregistrements révélés hier
semblent confirmer que nos confrères auraient joué les maîtres chanteurs.
Piètres chanteurs serait-on tenté d’écrire, vu que leur stratagème a fait flop et
qu’ils se sont fait pincer.
L’histoire et son issue seraient d’autant plus surprenantes que le duo de
plumitifs n’était pas né de la dernière pluie. Des limiers de l’investigation,
nous dit-on. La preuve que l’information est un pouvoir dont l’abus peut
conduire au dévoiement. La profession de journaliste, dont le noble idéal est
d’éclairer ses semblables, a ses parts d’ombre. Entre secret des sources,
indics et immersion, il faut parfois se coller au versant sombre de notre
monde pour mieux décrire ce qui le corrompt. La fin ne pouvant justifier tous
les moyens. Un travail d’enquête qui n’est pas sans rappeler celui d’une autre
profession dont les errements sont aussi inacceptables, tant elle est censée
défendre les valeurs de justice : la police. Là aussi, la frontière entre vice et
vertu est parfois si ténue, que certains ont basculé du côté obscur de la force.
La morale, s’il en est une, de cette rocambolesque affaire, si elle devait se
confirmer : la presse et l’édition aussi ont leurs ripoux.
ULA QUESTION DU JOUR
Rentrée des profs : les enseignants sont-ils
suffisamment considérés ?
@ LA RÉPONSE À LA QUESTION D’HIER :
Téléréalité avec des enfants : cela vous choque-t-il?
Oui
94 %
Non
6%
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UÀ VOIR, À LIRE SUR LE WEB
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Ces magnétiseurs qui
Le traitement
de pathologies diverses
et variées par magnétisme
demeure méconnu, encore
presque caché, mais ceux
qui le pratiquent sont plus
nombreux qu’on pourrait
le croire. Rencontre avec
quatre d’entre eux, à
Espinasses, Superdévoluy,
Trescléoux et Poligny.
suis jamais lassé de mon mé­
tier », précise­t­elle dans un
discret sourire. Il n’en a pas été
de même pour tous.
« Là, ma femme me dit :
“Que fait­on ?” »
E
lle se lève, fait quelques
pas dans sa cuisine et
ouvre un des tiroirs. Elle y
fouille un instant, brasse des
papiers et la trouve finale­
ment. « Quand mon père m’a
transmis le don, commence
Élizabeth Turin en revenant
s’asseoir,ilm’adit :“Tuprends
deux oranges, tu magnétises
l’uneetlaissesl’autretranquil­
le”. » À raison de 2, 3 minutes
par jour, pendant quelques
jours,lapremières’assèche,se
réduit et devient dure comme
du bois, quand la seconde finit
par pourrir. C’était il y a 25 ans,
la coupeuse de feu d’Espinas­
ses en avait 26. Première con­
frontation – singulière – avec
son « don ».
Quand le cobaye ne se nom­
me pas orange, il prend la for­
me d’un steak. Magnétiseur à
Trescléoux, Lucien Ternava­
sio, 62 ans, pratique depuis
plus de 35 ans. « Tout jeune,
déjà, je sentais des choses en­
verslesgens.Unjour,lorsd’un
repas dansant à Châtillon,
dans le Diois, une personne
que je ne connaissais pas me
dit : “Si vous vouliez, vous
pourriez soigner des gens.” Je
suis resté bête. » L’homme lui
C’est dans cette dépendance attenante à sa demeure que Lucien Ternavasio reçoit ses patients. Photo Le DL/V.D.
indique alors la marche à sui­
vre et Lucien achète une pièce
de viande chez son boucher. Il
passe la main dessus, « elle
s’est momifiée, ça n’était plus
que des fibres, et il n’y avait
aucune odeur », s’en étonne
encore celui qui vit dans les
Hautes­Alpes depuis 13 ans.
Sa montre ne marche pas,
trop de magnétisme
bourg de Poligny, où il reçoit
ses « clients », alors assis sur
un tabouret, le magnétiseur
de 51 ans, « déclaré en secteur
déréglementé », reste son­
geur devant cette expérience.
« Je ne sais plus si l’idée venait
de ma mère ou si j’avais lu ça
dans un bouquin… Tiens, il
faudrait que j’essaie à nou­
Franck Blancher, lui, l’a gardé
pendant cinq ans, son steak.
Sur une assiette, dans un pla­
card. « C’était du carton.
Quandvouslepreniez,ças’ef­
fritait comme ça », mimant
l’acte en se frottant les doigts
des deux mains. Dans le petit
salon de sa maison du centre­
veau, voir si ça marche enco­
re », réfléchit­il.
Aucune histoire d’orange ou
de steak, en revanche, dans le
parcours initiatique de Patri­
cia Imhoff, 57 ans, coiffeuse à
Superdévoluy, dans la galerie
marchande du Bois d’Aurou­
ze. C’est toutefois très jeune
qu’elle a pris conscience de sa
différence. « À 10 ans, j’ai eu
ma première montre. Elle ne
marchait pas. Quand on est al­
lé la rendre, on m’a répondu
qu’elle fonctionnait très bien,
que c’était moi qui avais trop
de magnétisme. » Officiant
dans les salons depuis ses 16
ans, celle qui demeure, au gré
des saisons, entre les Hautes­
Alpes et la Saône­et­Loire, n’a
pas changé de vie. « Je ne me
Pendant longtemps, dans la
Drôme, Lucien Ternavasio a
exercé l’art de la maçonnerie.
« Un jour, alors que ma bel­
le­sœuravaitunkysteàl’ovai­
re, j’ai tenté le coup. En 30 mi­
nutes et une séance, passant
mes mains sur elle, le kyste
s’est désintégré. Quinze jours
après, à l’échographie, il n’y
avaitplusrien.Àpartirdelà,je
me suis dit : oui, là, il y a quel­
que chose. » Lucien commen­
ce donc à pratiquer, le soir, en
plus de son travail, et finit par
sauter le pas. « J’ai tout chan­
gé, arrêté mon boulot dans le bâtiment,achetéunenouvelle
voiture et divorcé », détaille­t­
il amusé.
Ainsi que Patricia Imhoff,
Franck Blancher avait très tôt
trouvé sa voie : la boulangerie.
À 39 ans, en 2003, fatigué de
cette vie, il vend son commer­
ce de Martigues, s’installe à
Saint­Bonnet­en­Champsaur.
Alorsqu’ildécidedes’associer
avec son frère dans une affaire
de logiciels, l’entreprise
échoue. Nous sommes en
2004. « Là, ma femme me dit :
“Que fait­on ?” À l’époque, je
pratiquais,maisrarement,jus­
te comme ça. » La décision n’a
pas été facile à prendre, mais
Franck se lance. Aujourd’hui,
il magnétise toujours, comme
Lucien, Patricia et Élizabeth.
Vincent DANET
à voir, à lire sur le site du Dauphiné Libéré : ledauphine.com/insolite
Face à face ou à l’autre bout de la Terre
Des corps bousculés
D
S
ans sa petite maison de
plain­pied sur les hauteurs
du village, Élizabeth Turin
traite toutes sortes de problè­
mes de peau, eczéma, zona,
mais, sa spécialité, ce sont les
brûlures. Elle “coupe le feu”.
« Je passe simplement la main
sur la peau et la douleur part.
Puislapeausècheetredevient
rose », indique celle dont le
nom de jeune fille est Riche­
feu… Il lui arrive de pratiquer
à distance, mais, elle l’avoue,
rarement et sans grand retour.
LucienTernavasio,toutcom­
me Franck Blancher et Patri­
cia Imhoff, n’a pour sa part
aucun mal à opérer sans la
présence physique du patient.
Installé sur sa terrasse, cou­
vrant son potager du regard,
l’ancienmaçonassureque« la
distance n’existe pas. Vous
êtes de l’autre côté de la Terre,
mais vous êtes là. Je deman­
de : “À telle heure, restez tran­
quille sur une chaise ou allon­
gez­vous une demi­heure.
Pendant ce temps­là, je tra­
vaille” », explique le magnéti­
seur multicarte : colonne, brû­
lures, psoriasis, foie, œil, maux
de tête, pancréas…
« Je visualise mes mains
sur la personne »
Avec son pendule dont il ne se
départit pour ainsi dire jamais
– « il me dit des vérités » –,
Franck Blancher se remémore
le cas d’une amie de la famille.
« ReligieuseàLaRéunion,elle
devenait aveugle, c’était une
personne âgée. Elle écrit à
mes parents, ma mère me le
ditetjelamagnétise.Jelecon­
naissais sans vraiment la con­
naître, mais c’était suffisant. »
Ainsi, tous les jours pendant
deux mois, le praticien opère à
des milliers de kilomètres de
sa patiente. Finalement, « mé­
dicalement, ses yeux n’y
voyaient plus ou presque,
mais, elle, disait avoir recou­
vré la vue ».
De telles histoires, les quatre
magnétiseurs rencontrés en
ont des tas, chacun œuvrant
avec ses petites particularités.
« Ilfautquej’aiedéjàvulaper­
sonne, témoigne Patricia
Imhoff, ou avoir sa photo. Je
visualise alors mes mains sur
la personne, c’est aussi effica­
ce. »Pourtous,aussi,cetteeffi­
cience demeure un mystère.
oigner par les mains, qu’on les appose sur le corps ou que
l’on ne fasse que l’effleurer, n’est pas sans conséquences
pour le magnétiseur. « Parfois, ça me fait très mal», observe
Lucien Ternavasio, sans vraiment pouvoir l’expliquer. «D’un
côté je soutire, de l’autre je donne. Je demande parfois à
arrêter quelques instants, pour me reprendre. » Traiter de
gros centres nerveux peut lui être très pénible. « Des fois, ça
me donne tellement des coups dans la colonne que ça me fait
vaciller. C’est comme si vous aviez vieilli de 20 ou 30 ans. »
Les répercussions causées par la pratique du magnétisme
peuvent parfois aller jusqu’à mettre la vie de celui qui s’y
adonne en danger. Il y a une dizaine d’années, Franck Blan­
cher traite un bébé de quelques mois pour une bronchiolite.
La nuit suivante, il se réveille, pris d’une quinte de toux
interminable : « Je n’arrivais plus à respirer, j’ai failli mourir »,
n’hésite­t­il pas à dire. « Le lendemain, la maman appelle.
Elle me dit que tout va bien, mais que le nez du petit a coulé
un maximum la veille. C’est la seule fois où ça m’a fait ça. »
Si la douleur existe donc, la simple fatigue, après un nom­
bre variable de patients traités, est un symptôme plus cou­
rant. Après une séance, les rituels pour se ressourcer diver­
gent, mais se passer les mains sous l’eau froide suffit parfois.
V.D.
V.D.
Avez-vous déjà eu recours aux services d’un magnétiseur ?
François Illy
Michèle Trotin
Sophie Moroté
Simone Marcon
Amandine Gattuso
« Moi, personnellement, non.
Mais une de mes amies,
qui s’était brûlée sérieusement
à la jambe avec de l’huile
de friture bouillante, connaissait
une personne réputée
pour enlever le feu.
Elle l’a appelée et cette personne
a agi à distance, par téléphone,
et, rapidement, mon amie
n’a plus souffert.
Ses brûlures ont guéri, ensuite,
sans souffrance et sans autres
soins. »
« Oui, très souvent. Lorsque
j’étais enfant, j’avais des
articulations très fragiles. J’avais
la chance d’avoir une tante qui
avait vraiment des dons. Et,
quand je souffrais, je faisais appel
à elle et elle était très efficace.
Elle voulait me transmettre son
don, mais j’ai quitté ma région
d’origine et ça ne s’est pas fait.
J’ai confiance en ce mode de
soin. Les rebouteux ont une
grande connaissance de
l’anatomie. Et, j’y ai encore
recours, de temps en temps. »
« Je ne cache pas que certains
résultats sur la santé
de personnes qui passent
par des rebouteux peuvent
interpeller.
Le pouvoir du cerveau,
l’impact du psychisme
dont on ne connaît pas encore
l’ampleur des possibilités.
Moi, aller voir un rebouteux ?
Peut-être pour l’expérimentation
et la curiosité professionnelle,
mais pas plus, j’aime trop
la science. »
« Oui, je consulte depuis presque
toujours. J’ai des souvenirs
de verrues tombées, des feux
des brûlures éteints et d’autres
problèmes du corps et de l’esprit.
Les Alpes-de-Haute-Provence
sont une terre de personnes
à pouvoir sur la santé,
des rebouteux, peut-être
des sorciers, pour certains.
Il n’y a pas d’explication,
mais des constatations à faire et,
pour moi, ça marche, preuve
à l’appui. »
« J’ai consulté un magnétiseur
pour des soucis de gestion
émotionnelle. Grâce à lui, j’ai
compris que ma santé dépendait
aussi de mon équilibre intérieur.
Il m’a accompagné dans une
transformation intérieure, qui
a vraiment changé ma vie. On
ne peut pas dire qu’il a claqué
des doigts et que je me sentais
mieux, mais il m’a soutenu pour
trouver les ressources en moi.
Ça a changé beaucoup de choses
dans mon chemin de vie. »
60 ans, bibliothécaire,
Laragne-Montéglin
68 ans, retraité,
Laragne-Montéglin
25 ans, étudiante
en médecine, Marseille
81 ans, retraitée
de l’agriculture, Manosque
37 ans, institutrice,
Arles