Entreprendre au Lycée

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Entreprendre au Lycée
SEMAINE INTERNATIONALE DE L’ENTREPRENEURIAT
Les spécificités européennes dans l’éducation et la
formation des entrepreneurs
Con férence internationale Int Ent 2003 / 8-10 septembre
Les journ ées de l’OPP E 2003 / 11- 12 sep tembre
LA VARIETE DES APPROCHES PEDAGOGIQUES ET DES MODES D'EVALUATION
Atelier 1 : Les approches pédagogiques innovantes dans le secondaire
Entreprendre au Lycée
Développer l’esprit d’entreprendre des lycéens
Robert ALLEMANDI, responsable de projet – Groupe COPSI
[email protected]
Élisabeth MATTEI, chargée de mission – Académie d’Aix-Marseille
[email protected]
Bruno NEUNREUTHER, maître de conférence en sciences de gestion, IAE d’Aix-en-Provence
[email protected]
Claude PRIGENT, IEN-ET Académie d’Aix-Marseille
[email protected]
Opération menée en partenariat entre :
L'opération "Entreprendre au Lycée" dans la région Provence – Alpes – Côte d’Azur n'est pas
à proprement parler une approche pédagogique innovante dans la mesure où elle a été créée
en 1991, mais elle reste à la pointe des dispositifs destinés à développer l'esprit d'entreprendre
chez les jeunes et particulièrement chez les lycéens. Nous avions déjà eu l'occasion de
souligner son intérêt lors du deuxième congrès de l'Académie de l'Entrepreneuriat à Bordeaux
en 20021, et nous sommes convaincus de son actualité et de son caractère innovant puisque
l'IPRA vient de publier une étude2 qui est présentée comme « la première phase d'un projet
d'ingénierie pédagogique » pour développer l'esprit d'entreprendre dans le secondaire :
« L’objectif est d’amorcer en 2003 et 2004, une dynamique territoriale au sein de 5 à 6
bassins pilotes, pour favoriser le développement de l’esprit d’entreprendre chez les
jeunes ».« Après une évaluation, cette expérimentation a ensuite vocation à être généralisée à
l’ensemble de la région Rhône-Alpes… Voire au-delà ».
Le tout dans une optique de territoire, avec un partenariat Conseil Régional/
Rectorats/Opérateurs économiques… Comme pour « Entreprendre au Lycée » depuis 1991.
Développer l’esprit d’entreprendre chez les jeunes n’est pas nouveau. L’idée remonte au
début des années 1900 lorsque Horace MOSES, président of Strathmore Paper Company,
créa « Junior Achievement » en 1919 à Springfield, Massachusetts3. En France, les premiers à
l’avoir fait sont les fondateurs de l’Association Jeune Entreprise en 19654 qui ont repris le
concept de « Young Entreprise » développé par les Anglos-Saxons.
1- La première et toujours principale innovation d’« Entreprendre au Lycée » est justement
de se détacher du concept « Young Entreprise » :
La finalité est la même, mais le concept et le déroulement sont différents (voir publication en note 1).
Cela se traduit par une définition précise de ce qu’est une « Mini-Entreprise » :
Une entité qui permet à une vingtaine d’élèves, de niveaux et de spécialité différentes, de conduire leur
projet de l’idée jusqu’à la vente de produits ou de services, en passant si besoin par sa conception et sa
production. L’activité se fait dans le cadre d’une structure associative dont les jeunes ont la
responsabilité.
Ils travaillent avec une équipe éducative pluridisciplinaire composée de ressources humaines venant
d’horizons différents : des enseignants de disciplines distinctes, des chefs de travaux, des
documentalistes, des conseillers d’orientation, des aides éducateurs et des acteurs du monde de
l’entreprise. Les clients doivent être des particuliers ou des entreprises à l’extérieur de l’établissement
scolaire.
1
Cf : http://www.entrepreneuriat.com/actes2.htm
Réalisée à la demande de l’Interprofessionnelle Rhône-Alpes (IPRA), cette étude définit les valeurs et aptitudes
qui caractérisent l’esprit d’entreprendre. Information : mailto:[email protected]
3
Cf : http://www.jaintl.org/
4
Cf : http://www.ajera.org/ ; A noter qu’il existe également l’association « Jeunesse et Entreprise » créée il y a
une quinzaine d’année pour favoriser le rapprochement du monde de l'Entreprise et du monde de l'Education, en
vue de faciliter l'intégration des jeunes vers l'emploi : http://www.jeunesse-entreprises.com/. Et bien d’autres
initiatives à voir suer le site de l’OPPE : http://www.apce.com
2
2 - La deuxième innovation de l’opération « Entreprendre au Lycée » (EL) concerne sa
dimension « culturelle » et « méthodologique » :
•
Au plan « culturel », il ne s’agit ni d’un concours, ni d’une simulation, mais d’une véritable
mise en situation : apprendre en faisant, notamment en prenant des initiatives, des
responsabilités juridiques et des risques, quitte à faire des erreurs et à échouer5.
•
Au plan méthodologique, les concepts qui la sous-tendent depuis le début, la conduite de
projet et l'assurance qualité, sont, pour la première, la base de la plupart des dispositifs de
formation à l'entrepreneuriat mais certainement pas encore généralisée dans le secondaire, et,
pour la seconde, encore originale toutes opérations confondues.
La philosophie qui présidait à cette conception était, qu’une intervention sur les attitudes6, au niveau
du système éducatif dans un domaine délicat sur le plan idéologique, se devait d'être associée à un
développement réel de compétences centrées sur l'insertion dans la vie professionnelle. En général, la
conduite de projet et la démarche qualité étaient, et sont encore, deux domaines de compétences
importants pour les organisations privées et publiques.
L'opération « EL » en Provence – Alpes – Côte d’Azur porte en germe les nouvelles formes du travail
dans les organisations : « le travail collaboratif, la coentreprise le dépassement des frontières
physiques » … « le travail en groupe, la gestion des connaissances, la responsabilisation et
l’autonomisation, ces grandes tendances de la "démocratie technologique" émergent comme les clés de
ce modèle entrepreneurial »7. Bien entendu, ce modèle d'entreprise étendue, de coentreprise, de travail
collaboratif constitue une tendance, et même si sa légitimité peut être discutée, il est incontestable que
nous vivons dans l'hexagone les handicaps d'environnements trop hiérarchisés.
La nécessité d’introduire plus de souplesse pour être plus réactif, pour s’adapter aux circonstances et
pour saisir des opportunités, n’est plus à démontrer8. Il ne fait alors pas de doute que l'opération
EL/Paca constitue un terrain propice au déploiement de pratiques plus en perspective avec cette
tendance.
3 - La troisième innovation de l’opération « Entreprendre au Lycée » relève autant du fond
que de la forme :
Dans un secteur (le système éducatif) qui n'est pas le lieu de prédilection de l'entrepreneuriat, toute
opération doit démontrer que "ça fonctionne en faisant !", et ce de manière non contradictoire avec
l'attitude que l'on veut promouvoir. Dans cet esprit, la réussite d'EL/Paca tient à un certain nombre de
principes de fonctionnement :
5
-
L'opération n’est pas véritablement intégrée dans le système éducatif , mais celui-ci lui ménage
une place et lui reconnaît un espace de liberté de manière à ce que les acteurs (principalement
les jeunes, mais aussi les équipes éducatives) puissent « sortir du cadre » Elle est à la fois
« dans » l’Education Nationale et marginale.
-
L'opération étant tripartite (Conseil régional / monde politique ; Rectorats / monde éducatif ;
Entreprises / monde économique), elle n’est pas "récupérée" ou même simplement contrôlée par
aucun de ces trois mondes : elle est menée par un opérateur technique "neutre" qui fonctionne
dans le cadre d’une convention (pour définir les objectifs et les moyens) signée entre les
partenaires institutionnels et sous le contrôle d’un comité de pilotage.
L’échec est un événement dont on n’a pas encore tiré tous les enseignements
Attitudes des jeunes face à l'entreprise, au monde économique, à l'initiative, à la création d'entreprise
7
Yan de KERORGUEN, supplément La Tribune, 3 juin 2002 page 3
8
Lire à ce propos : « Tout ce que vous n’apprendrez jamais à Harvard » de Mark McCORMACK - Ed Rivages /
Les Echos et « Le chaos management » de Tom PETERS – chez InterEditions ; entres autres
6
-
L'opération est « impliquante et responsabilisante » en ne fournissant pas toutes les ressources
nécessaires à sa réalisation (essentiellement, ni dans le domaine financier – dotation ou
subvention de démarrage pour les « Mini-Entreprises » ou/et dotations en heures
complémentaires pour les membres de l'équipe pédagogique, ni dans celui de l'organisation –
plages horaires dédiées, locaux attribués, etc.).
-
L'opération évolue chaque année pour permettre l'accroissement et/ou le renouvellement des
partenaires, particulièrement du monde économique (la participation formelle du réseau du
Lion's Club à partir de 2002-2003 en est l'exemple le plus représentatif).
- L’opération s’adapte aux innovations de l’Education Nationale : la mise en place des PPCP et
des TPE9 ouvre des possibilités que chaque équipe éducative est libre d’utiliser. Mais elle va audelà de ces innovations puisqu’une « Mini-Entreprise » regroupe des élèves et des étudiants de
BTS de spécialités et de niveaux différents et que la coordination et l’administration du travail
nécessitent de se voir en dehors des heures de cours.
4 - L'opération EL/Paca innove constamment en restant fidèle à son principe fondateur. Les
nouveautés récentes sont les suivantes :
-
Transdisciplinarité accrue : la composante des équipes pédagogiques éco-gestion / autre
discipline n’est plus exclusive, d’autres enseignants de disciplines différentes s’impliquent dans
le dispositif (exemples : lettres / physique-chimie ; automatismes industriels / lettres ; tapissier
en meubles / arts appliqués ; Chef de travaux / architecte ; philosophie / arts appliqués …).
-
Trans-niveau et contacts inter-établissements accrus : BEP et BTS ; lycées généraux et lycées
professionnels et même…lycée français et lycée italien !
-
Implication de plus en plus forte des jeunes dans l’animation, participation accrue et active :
aux réunions de coordination, à l’accueil du forum, à la table ronde des présidents de « MiniEntreprises », aux réunions d’évaluation.
-
Implication de plus en plus forte des corps d’inspection dans l’animation et présence de 13 IAIPR et IEN-ET au Forum « Entreprendre au Lycée ».
-
Accent mis sur l’évaluation, en particulier sur la prise de conscience par les jeunes des
compétences mises en œuvre, et sur la valorisation du travail réalisé.
-
Conseil par des partenaires "extérieurs", ingénieurs pour l'école, parents d’élèves et
représentants d'entreprises (notamment du Lion's Club).
- Expérimentation d'innovation territoriale (opération inter-institutions) : au bout de 12 ans,
l'opération débouche sur une convention tripartite (Conseil Régional Provence – Alpes – Côte
d’Azur / Académie d’Aix-Marseille / Académie de Nice ).
En définitive « EL » reste innovante parce qu’elle n’a jamais cessé d’évoluer grâce au
partenariat constructif, à la volonté de ses géniteurs et à l’implication de tous les acteurs,
notamment des équipes éducatives et des inspecteurs de l’Education Nationale.
Pour qu’un concept soit reconnu, il reste à démontrer qu’il est reproductible sur d’autres
territoires. Mais ce n’est pas simple tant les spécificités culturelles et politiques sont variées.
C’est la diversité qui fait la force de notre société, plutôt que d’imposer un modèle, laissons à
chaque territoire la possibilité de choisir parmi plusieurs solutions, voire d’inventer la sienne à
partir de l’exemple des autres. C’est cela aussi entreprendre : trouver sa propre voie et
bousculer l’ordre établi.
Cette innovation va bien au-delà des approches pédagogiques et du secondaire.
9
Mis en place en 1991 voir BOEN du 13-09-2001 N°33 P.185 et BOEN du 27-09-2001 N°35 P.2000